compte-rendu / article projection « Il était une forêt

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compte-rendu / article projection « Il était une forêt
Projection «Il était une forêt»
Vendredi 11 juillet 2014 - Mèze - 24e édition du Festival de Thau
Cinéma municipal Le Taurus
Le plaidoyer pour l’arbre de Francis Hallé | L’occasion de plonger dans l’écologie tropicale, grâce
au regard fin et modeste du botaniste Francis Hallé… Mais en son absence, pour cause de route
bloquée ce soir-là. L’énergéticien Thierry Salomon transmet sa flamme et lance le débat.
Perché au sommet d’un moabi, un des arbres-symboles
de la forêt équatoriale, Francis Hallé dessine. Les arbres
somptueux, les plantes et les lianes qui poussent sur
leurs branches, l’incroyable diversité de la forêt équatoriale,
tant aimée. Cheveux blancs et crayon aérien. À 76 ans,
le botaniste montpelliérain ne se lasse pas de grimper
aux arbres.
Après avoir exploré les cimes de toutes les forêts
primaires équatoriales, il témoigne à la fois de leur
extraordinaire fonctionnement écologique et de leur
destruction. Sous ses yeux.
« Au début de ma carrière, en 1960, on en trouvait
partout sur la bande équatoriale. Si on avait annoncé qu’elles
allaient disparaître en l’espace d’une vie d’homme, ça
aurait fait rigoler du monde. Et pourtant, nous y
sommes. La rapidité avec laquelle ces merveilles sont
parties est monstrueuse. La fin de mon existence
coïncide avec la fin des grandes forêts, et ça me convient
bien : je n’ai pas envie de leur survivre. »
Face aux forêts, l’humilité
Pourtant, même à notre époque de techno-sciences,
« nous sommes incapables de construire un édifice qui
aurait les mêmes propriétés qu’un arbre. La modestie
devant les arbres s’impose. » Soleil, eau, sels minéraux :
ce sont les seuls ingrédients dont la forêt a besoin pour
grandir tout en récupérant ses déchets… Une « usine »
parfaitement écologique, une « économie circulaire » (1)
bien huilée. Et capable de se régénérer après un cycle
de sept siècles — lorsque les grands arbres tombent, et
qu’au sol, les graines profitent à nouveau de la lumière
pour repartir.
De plus, alors qu’un homme n’offre que deux mètres
carrés de peau qui émettent du gaz carbonique, un arbre
moyen profite, lui, d’une surface de feuilles un million
de fois plus grande (200 ha, soit 2 millions de m2) pour
absorber le dioxyde de carbone et émettre de l’oxygène.
De quoi nous redonner un peu d’humilité.
L’arbre-cathédrale
Et encore, sans compter l’imposante stature des arbres,
et leurs immenses racines extérieures qui « font effet de
cathédrale », relate l’une des rares spectatrices à avoir
approché la forêt équatoriale, en Nouvelle-Calédonie.
D’ailleurs, « pour les Kanaks, les arbres qui abritent des
essaims d’abeilles sont littéralement sacrés. »
Pour expliquer cette richesse que l’on détruit, Francis
Hallé n’hésite pas à employer l’humour : « La forêt
primaire est à la forêt secondaire (2), ce qu’est grand
champagne millésimé, servi frappé dans une coupe en
cristal, est à un Coca cola tiède, servi dans un gobelet en
carton ».
Nord-Sud : notre forêt quotidienne
Et pourtant, en témoigne une autre spectatrice, les
menaces pleuvent sur ce qu’il reste de forêt équatoriale.
Au Cameroun, les multinationales du bois vont jusqu’à
assassiner des Pygmées pour exploiter en tranquillité
le teck que les Occidentaux utilisent pour leur terrasse
ou leurs beaux meubles. Au Brésil, les géants du soja
défrichent l’Amazonie aux dépends de populations
locales comme les Enawene Nawe. Pour produire, à
grands renforts d’irrigation, des OGM prompts à nourrir
le bétail européen élevé intensivement, pour nous fournir
lait et viande bon marché. Bois tropical et soja OGM
transitent même par le port de Sète. « Même si cette
forêt paraît éloignée, nous avons des liens directs avec
elle, et des responsabilités. »
En défendant les arbres, Francis Hallé tente de nous
alerter. En véritable « païpayo » (ou paypayo), l’oiseau
sentinelle des forêts de Guyane. Petit et gris, ce volatile
avertit d’un danger potentiel en sifflant sur trois tons,
répercutés d’arbre en arbre. Extrêmement modeste,
extrêmement utile.
(1) Économie circulaire : fonctionnement économique théorique qui limite le gaspillage des matières premières et des énergies
non renouvelables en favorisant le recyclage, l’usage au lieu de la propriété, etc…
(2) Forêts secondaires : les forêts qui ont repoussé après avoir été détruites ou exploitées par l’homme. Les forêts exploitées
avec une essence principale (en « monoculture ») comme les pins, l’eucalyptus, l’hévéa ou le palmier à huile sont encore moins
riches en biodiversité.
Aller plus loin :
• Voir le film Il était une forêt de Luc Jacquet (2013)
• Pour les enfants : le livre Il était une forêt
(Actes Sud Junior, 2013)
• Découvrir les coulisses du film, répondre à des quizz et voir
des bonus sur la forêt, avec le site web du film, conçu comme
une expédition ludique.
www.iletaituneforet-expedition.org
• Parmi la quinzaine de livres écrits par Francis Hallé :
Plaidoyer pour l’arbre (Actes Sud, 2005), 30 €.
Plaidoyer pour la forêt tropicale - Sommet de la biodiversité
(Actes Sud, 2014)
Le radeau des cimes, l’exploration des canopées forestières
(Jean-Claude Lattès, 2000)

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