Ouest-France, 3 février 2016

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Ouest-France, 3 février 2016
l’Université BRETAGNE-LOIRE est en ordre de marche
Visibilité internationale, cohérence de l’offre de formation, montée en puissance des projets de
recherche… Les principales motivations des vingt-sept établissements membres de cette
nouvelle communauté.
(entretien avec Jacques Girardeau, administrateur provisoire de l’Université Bretagne-Loire)
Un périmètre interrégional, c'est pertinent pour une université ?
C'est celui souhaité par les promoteurs du projet, les vingt-sept membres de la communauté
d'universités et d'établissements (la ComUE) de l'Université Bretagne Loire, il est pertinent d'un point
de vue scientifique et pour créer une université de rang mondial. L'Ouest est caractérisé par un
enseignement supérieur et une recherche dispersés dans le territoire : sept universités, beaucoup
d'écoles et un grand nombre de sites.
L'enjeu fort, c'est de se réunir pour être plus visible ?
Pas le choix, la concurrence est rude. Face à de gros pôles universitaires, comme Paris-Saclay, la
priorité est de faire émerger l'enseignement supérieur de l'Ouest pour qu'il pèse aux niveaux national,
européen et international. Il ne s'agit pas de faire la course à celui qui sera le plus gros, mais d'exister.
Pour un Chinois ou un Indien, on ne pèse pas de la même façon avec 180 000 étudiants et 13 000
chercheurs et personnels de recherche que lorsqu'on en a deux fois moins. Notre ambition, c'est que
l'UBL soit une université de rang mondial.
Il y a aussi des enjeux plus locaux pour les territoires
Bien sûr, l'UBL veut être un acteur majeur de l'innovation, du développement économique de nos
régions. L'Ouest a des faiblesses en nombre d'emplois de recherche et d'innovation. Mais pour attirer
les entreprises et les gros sièges internationaux, il faut disposer de labos reconnus. Nos actions sont là
pour booster des territoires aux atouts souvent complémentaires en s'appuyant sur deux moteurs, les
métropoles de Rennes et Nantes, pour entraîner l'ensemble des autres agglomérations.
Pour les étudiants, qu'est-ce qui va changer ?
Dans un premier temps, pas grand-chose. Chaque établissement a sa politique pour ce qui touche la
vie étudiante. Mais les ComUE ont des compétences de coordination. Tout ça demande à être
organisé. Il est souhaitable pour tous de rendre cohérent ce qui se passe dans les établissements et de
dynamiser la vie étudiante.
Ça modifie la donne pour l'offre de formation ?
L'idée n'est pas de réduire l'offre mais de la rendre plus cohérente à l'échelle du territoire : voir où
sont les doublons, ce qu'il faut étendre d'un établissement à un autre, notamment grâce au numérique.
Le périmètre de l'UBL est large et le numérique réduit les distances, permet de suivre des cours donnés
à Brest par des étudiants de Nantes et du Mans. Il s'agit bien d'avoir une offre globale qui donne plus
de possibilités. C'est très important pour les masters : on veut améliorer l'offre, travailler sur ceux à
petits effectifs, répondre à des besoins non encore honorés. On ne touche pas aux licences qui sont des
formations de proximité.
Et pour la formation des doctorants ?
On est passé de dix-sept écoles doctorales à onze et nous nous sommes organisés en dix
départements de recherche. Ils vont nous donner notre visibilité scientifique sur les grandes
thématiques de nos territoires : mer, numérique, matériaux, santé... Il y a déjà de nombreux labos et
unités mixtes des deux régions qui travaillent ensemble, comme par exemple Angers, Brest, Rennes et
Nantes sur la santé. On veut développer des projets collaboratifs. Ça conditionne des financements
européens et, là encore, notre visibilité internationale. L'idée est de faire monter en puissance certaines
thématiques. On a souhaité maintenir la délivrance du diplôme de doctorat en tant que compétence
partagée entre la ComUE et ses établissements membres. Le futur docteur aura donc, par exemple, un
diplôme de l'Université Bretagne-Loire - Université de Rennes 1. Une décision qui n'allait pas de soi !
l’Université BRETAGNE-LOIRE en bref
1er janvier 2016
Un décret crée la communauté d'universités et d'établissements "Université Bretagne-Loire".
Jacques Girardeau (cf. ci-dessus) en est l'administrateur provisoire. Le siège de l'UBL est à Rennes,
avec une antenne à Nantes. Le premier conseil d'administration s'est tenu le 11 janvier.
L'administrateur doit faire voter le budget provisoire, mettre en place le dispositif électoral et gérer
l'UBL pendant la période transitoire. Le contrat de site, la feuille de route de l'UBL pour les cinq ans
qui viennent, doit être adressé au ministère pour la mi-octobre.
Organisation
Le conseil d'administration est formé de 48 membres : 24 nommés ou désignés et 24 élus. Le
conseil académique (155 membres, dont 116 élus) a un rôle consultatif. Le conseil des membres,
spécifique aux ComUE, réunit les 27 membres de l'UBL. Enfin, deux conseils territoriaux, un dans
chacune des régions, veillent à la bonne articulation entre le projet de l'UBL et ceux des Régions.
Élections
Les élections du conseil d'administration et du conseil académique de la ComUE auront lieu les
15 et 16 mars. Les personnels voteront le 15, les étudiants les 15 et 16. Le nombre d'électeurs est
estimé à 20 000 personnels et 160 000 étudiants. Il y aura de 110 à 120 bureaux de vote. Le président
de l'UBL sera élu le 25 avril. Jacques Girardeau ne sera pas candidat, Pascal Olivard (qui quitte la
présidence de l'UBO) a fait savoir qu'il le serait.
16 millions
Le budget provisoire de l'Université Bretagne-Loire prend en compte ceux de l'université de
Nantes-Angers-Le Mans (l'Unam) et de l'université européenne de Bretagne (l'UEB). Les ressources
proviennent de l'État à travers les emplois affectés à la ComUE, des collectivités, des projets et des
cotisations des membres.
Idex : trois projets à Nantes, Rennes et Brest
Recalés en 2010, 2011. 2015. Jusqu'à présent, la manne financière des Idex, pour "Investissements
d'avenir, initiatives d'excellence", n'a pas profité à l'Ouest. Ces dotations de l'État sont très importantes
pour soutenir l'enseignement supérieur et la recherche. En 2015, les fonds représentaient 17,5 millions
d'euros par an. Pourquoi Bretons et Ligériens sont-ils passés à côté ? "Modèle fédéral proposé pour le
pilotage du projet, taille de la zone géographique couverte", argumentait alors Olivier Laboux,
président de l'université nantaise, après l'échec du projet UBL + en 2015. Jacques Girardeau, de
l'Université Bretagne-Loire, le confirme : "On a considéré que l'outil ComUE n'était pas performant
pour piloter ce type de projet scientifique qui devait être présenté par une université unique".
Changement de stratégie pour 2016 et la deuxième vague de l'appel à projets Idex-I-Site*. "On a eu
des discussions et, cette fois, il a été décidé de présenter trois projets métropolitains distincts", indique
Jacques Girardeau. Le projet nantais associe l'université de Nantes, des écoles, Centrale Nantes, et
associe des chercheurs du Mans et d'Angers. Il porte sur la santé et l'ingénierie. Les Rennais défendent
un projet consacré au numérique et au développement durable et les Brestois un projet sur la mer.
* I-Site comme Initiative-Sciences-innovation-territoires-économie est un label qui reconnaît la
qualité de la recherche et de la formation produite. Cet appel à projets finance les lauréats sur une
période de dix ans. Il a pour objectif de resserrer les liens entretenus avec les acteurs socioéconomiques.
On attend des succès là où on a eu des échecs
3 questions à... Benoît Cailliau, président du Conseil Economique et Social des Pays de la Loire :
Les Ceser sont présents dans la ComUE de l'UBL. Comment voyez-vous votre rôle ?
On apporte la parole de la société civile, du monde des entreprises, à l'intérieur des universités.
C'est un point extrêmement positif, ce n'est pas vrai partout. Il y a la même volonté des Ceser de
Bretagne (présidé par Jean Hamon) et des Pays de la Loire que l'UBL soit un outil au service des
jeunes, de l'emploi, de la formation, permettant de déboucher sur des choses utiles pour l'Ouest. On
peut compter sur nous pour pousser dans ce sens-là. Quelques indices, lors de la première réunion du
conseil d'administration, nous ont fait penser que c'était en filigrane, mais nous, c'est là-dessus que
nous allons appuyer.
Vous en attendez quoi, de cette ComUE ?
Des succès là où on a eu des échecs. Sur les investissements d'avenir, mais aussi sur tout ce qui est
en commun entre la Bretagne et nous. Il y a une volonté d'avancer ensemble mais ce n'est pas aussi
mûr dans toutes les universités.
Où sont les freins ? De quoi a-t-on peur ?
Il faut appeler un chat un chat, on est concurrents. À Nantes, on est une très jeune université qui n'a
pas d'a priori. On a en face de nous une très vieille et noble université, qui a un rang à tenir, et on le
comprend. Résultat : on est concurrents alors qu'on devrait être unis. On n'a pas réussi à l'être dans le
cadre des Investissements d'avenir. Le monde ne s'est pas fait en cinq jours mais en sept. On attendra
encore. Il faut commencer à travailler ensemble, partager et après, on progressera. C'est parti et
Jacques Girardeau prend les choses dans le bon sens, doucement. La méthode est bonne.
(d’après Edith Geslin, Ouest-France, 3 février 2016)