Gemba Kaizen
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Gemba Kaizen
Page 11 (1,1) Synthèse 21/10/98 18:23 MANAGERIS MAN_10/97 Gemba Kaizen Masaaki Imai Ouvrage sélectionné par : Bill Fischer, professeur de Manufacturing Management à l'IMD. I D É E S C L É S A ujourd'hui, les cadres s'efforcent souvent d'appliquer des technologies et des outils sophistiqués à des problèmes qu'ils pourraient résoudre avec du bon sens. Gemba kaizen leur propose de mettre le bon sens en pratique afin d'améliorer de manière spectaculaire la performance de l'entreprise. 7 La performance de l'entreprise peut être fortement améliorée grâce à des améliorations simples. De nombreuses petites améliorations des processus de travail permettent des gains de performance significatifs, pour des investissements et un risque faible. Il faut redécouvrir les vertus de l'amélioration simple à une époque où toutes les énergies se focalisent plutôt sur l'innovation technologique. Page 12, [a] 7 Améliorer la performance suppose de renouer le contact avec le lieu de production. Les managers sont trop souvent cloîtrés dans des bureaux coupés du lieu de production, appelé "gemba" en japonais. Observer l'activité de production, côtoyer les machines et les opérateurs, est indispensable si l'on veut pouvoir améliorer les processus. Page 12, [b] Masaaki Imai est le fondateur de KAIZEN Institute. Éditions JV & DS, 1997, 309 pages. 7 Une démarche d'amélioration gemba kaizen comporte trois composantes. La démarche gemba kaizen vise à l'amélioration continuelle des activités sur le lieu de production - qu'il s'agisse d'industrie ou de service. Celle-ci consiste à agir dans trois directions : - mettre en place des standards codifiant la manière la plus efficace d'accomplir une tâche, et les faire évoluer lorsque c'est nécessaire ; Page 13, [c] - tenir sa maison en ordre, c'est-à-dire ranger et nettoyer l'espace de travail afin de mettre à jour les problèmes et d'améliorer l'efficacité ; Page 15, [d] - éliminer les sept types de gaspillage typiques des processus de production. Page 17 , [e] MANAGERIS N° 53-2 1 MAN_10/97 21/10/98 18:23 Page 12 (1,1) S Y N T H È S E D E 1. Gemba kaizen La démarche kaizen propose d'apporter des améliorations simples et progressives aux processus productifs de l'entreprise L’ O U V R A G E Figure A : Replacer le lieu de production (gemba) au centre de l’entreprise ATTENTES DU CLIENT SATISFACTION DU CLIENT Gemba Management de soutien 7 La démarche kaizen [a] Kaizen : ce mot japonais, qui signifie amélioration continue, est aujourd'hui mondialement connu. En effet, la philosophie kaizen est une des principales clés du succès des entreprises japonaises sur les marchés mondiaux. Elle consiste à améliorer continuellement les processus de l'entreprise afin d'optimiser la qualité, les coûts et les délais. Les améliorations kaizen sont souvent marginales et peu spectaculaires, mais leur accumulation génère des gains significatifs pour l'entreprise. les concurrents. C'est faux. Les managers japonais nous ont prouvé que la stratégie d'amélioration par petits pas était moins risquée et plus efficace que la recherche de percées technologiques majeures. Les managers occidentaux ne doivent pas renoncer à l'innovation, mais ils doivent aussi se familiariser avec les concepts kaizen. Cela leur permettra d'apporter des améliorations concrètes et immédiates au fonctionnement de leur entreprise. Nous allons voir comment. Cette philosophie d'amélioration par petites touches n'est pas encore suffisamment diffusée en Occident. En effet, dans les entreprises occidentales, l'encadrement continue de vouer un culte à l'innovation. Les dirigeants pensent souvent que seules des innovations majeures permettent de progresser et de battre 7 Renouer le contact avec le gemba Améliorer les processus nécessite une connaissance intime du lieu de production Figure B : Un exemple de l’importance du contact avec le gemba L’auteur, Masaaki Imai, est souvent en déplacement et garde le contact avec son bureau au moyen de la télécopie. Un jour qu’il séjournait à l’hôtel, il constata que les fax envoyés par son assistant ne lui parvenaient pas. Il décida d’étudier ce problème et se rendit donc au “gemba”, en l’occurence la réception où se trouvait le télécopieur. Après quelques minutes d’observation du personnel, il se rendit compte de la nature du problème : aucune place n’avait été prévue pour conserver les fax et chaque employé les rangeait donc à différents endroits; aucun employé n’était en charge de la transmission des fax au client; aucune passation de consigne ne se faisait entre employés à propos des fax reçus. Dans ce cas, l’observation du “gemba” permet de diagnostiquer rapidement le problème et d’y apporter des améliorations immédiates : • Installation d’une corbeille de réception dédiée aux fax. • Mise en place d’une procédure précisant par qui et sous quel délai un fax doit être remis au client. 2 MANAGERIS N° 53-2 [b] Gemba est un mot japonais qui désigne le lieu où le produit est fabriqué. Dans les secteurs industriels, il s'agit bien sûr de l'usine. Dans le secteur des services, il s'agit du lieu où les clients viennent au contact des services proposés. Dans l'activité hôtelière, par exemple, gemba est partout : au restaurant, à la réception, dans la loge du concierge, etc. C'est au sein du gemba qu'est créée la valeur ajoutée satisfaisant le client et permettant à l'entreprise de survivre et de prospérer. C'est la raison pour laquelle le gemba doit être le coeur de l'entreprise, le lieu de toutes les améliorations et la source de toutes les informations. Pourtant, trop souvent, les managers voient le lieu de production comme un mal nécessaire. Parfois, des syndicats puissants occupent physiquement et contrôlent le gemba. Les cadres évitent alors de s'y aventurer. Il leur arrive même parfois de redouter l'usine. Le gemba doit être remis à sa juste place : au centre des préoccupations de l'entreprise. Toutes les autres fonctions ne sont que des fonctions de support qui doivent contribuer à l'efficacité du gemba (figure A). Le manager doit focaliser son attention sur le gemba, renouer le contact avec les opérateurs. C'est à cette seule condition qu'il pourra prendre conscience des problèmes rencontrés et engager des actions d'amélioration. Pour acquérir et entretenir une connaissance intime du gemba, le Gemba Kaizen MAN_10/97 21/10/98 18:23 Page 13 (1,1) Figure C : Principales caractéristiques d’un “standard” UN STANDARD : • Codifie la manière la plus facile et la plus efficace d’effectuer la tâche. • Permet de capitaliser l’expertise et le savoir-faire afin que ceux-ci ne partent pas avec les employés. • Comporte un indicateur de mesure de la performance. • Indique les relations de cause à effet et permet ainsi à l’opérateur de prévoir avec certitude les conséquences d’une action. • Permet d’étalonner et de mesurer les améliorations apportées. • Indique des objectifs et précise les compétences à acquérir pour faire correctement le travail. • Doit être appris par cœur par les opérateurs afin que ces derniers puissent effectuer les tâches sans perdre de temps. • Est une aide au diagnostic et à l’audit, permettant à l’opérateur ou au manager de suivre l’avancement du travail. • Empêche que des problèmes qui ont été résolus puissent se reproduire. manager peut s'inspirer des deux règles d'or suivantes : • Le manager doit se rendre régulièrement sur le lieu de production et observer attentivement ce qui s'y passe. Dans la plupart des cas, il en reviendra avec des informations pertinentes et au moins une idée d'amélioration kaizen. Ainsi, lorsque Taiichi Ohno, le fameux PDG de Toyota, constatait qu'un de ses managers était peu au fait des choses de l'usine, il y emmenait celui-ci, traçait un cercle sur le sol et lui interdisait d'en sortir jusqu'à ce qu'il ait compris les processus de production. Ce même Taiichi Ohno exigeait des comptables et des financiers qu'ils se rendent régulièrement dans les ateliers afin de constater les niveaux de qualité, de stock et de coûts. problème sur le lieu de l'action. Une fois celle-ci effectuée, on est à mi-chemin du succès. La figure B fournit une illustration de l'importance de ce contact avec le gemba dans une activité de service, l'hôtellerie. Gemba Kaizen ÉTABLIR ET ENTRETENIR UN STANDARD Lorsque les standards n'existent pas dans l'entreprise, le manager doit aider à les établir. Si des standards existent déjà, il doit veiller à les entretenir afin de leur permettre de suivre l'évolution des pratiques. Pour cela, il dispose d'un outil simple, le cycle SDCA -Standardize-DoCheck-Act (figure D). Le manager doit suivre, dans l'ordre, chacune des étapes de ce cycle : • Standardiser (Standardize) : établir des procédures codifiant les opérations à effectuer pour obtenir avec certitude le résultat escompté ; • Faire (Do) : mettre en place les procédures avec l'aide des opérateurs ; • Vérifier (Check) : s'assurer que les nouvelles procédures apportent les résultats attendus en termes de qualité, de coûts et de délais ; • Faire respecter (Act) : veiller à ce que les opérateurs suivent point par point la procédure. 2. Trois axes d'action Une fois le contact avec le gemba retrouvé, le manager peut envisager de mettre en œuvre une approche kaizen d'amélioration des processus. Cette approche lui permettra d'améliorer rapidement l'efficacité des processus de l'entreprise. Pour cela, il doit agir selon les trois axes suivants : - établir des standards ; - tenir en ordre sa maison ; - éliminer les gaspillages ; Nous allons expliciter chacun d'entre eux. • En cas de problème - qualité insuffisante, retards, dérive des coûts - la première chose que doit faire le manager doit être de se rendre au gemba. Il peut alors inspecter les outillages, parler avec les opérateurs et trouver des solutions au problème. Si une machine tombe en panne, le manager ne doit pas organiser une réunion dans une salle de conférence avec les ingénieurs mais plutôt aller voir la machine dans l'atelier. Kaizen débute par une reconnaissance du désigne l'ensemble des procédures qui fixent la marche à suivre pour fabriquer un produit ou fournir un service. Ces standards garantissent la fourniture d'une prestation au client pour une qualité, des coûts et des délais donnés. La figure C décrit les principales caractéristiques que revêt un standard. Le rôle du manager est de veiller à la mise en place et à l'amélioration de ces standards, garants d'une performance optimale de l'entreprise. 7 Établir des standards Des standards codifiant la manière la plus efficace d'effectuer une tâche doivent être établis, puis améliorés [c] Afin de garantir une efficacité optimale des processus de l'entreprise, le manager doit établir des standards. Le terme "standard" Lorsque l'environnement change - mise en place de machines plus rapides, suppression de postes de travail, délais de livraisons raccourcis, etc. - les standards doivent évoluer et être mis à jour. Un cycle SDCA supplémentaire est alors déclenché. Pour résoudre le problème de fax décrit en figure B, le manager de l'hôtel devra mettre en place une procédure pour la réception et la MANAGERIS N° 53-2 3 MAN_10/97 21/10/98 18:23 Page 14 (1,1) Figure D : Établir et maintenir un “standard” — Le cycle SDCA — ACT (faire respecter) STANDARDIZE (standardiser) CHECK (vérifier) DO (faire) diffusion des fax reçus aux clients : Qui les reçoit ? Dans quel endroit sont-ils déposés ? Sous quel délai ? Que faire des fax urgents ? Qui les achemine directement au client ? etc. Le manager devra ensuite enseigner cette nouvelle procédure aux réceptionnistes de l'hôtel et vérifier que la procédure a permis de résoudre le problème. Enfin, le manager devra s'assurer, dans la durée, que les réceptionnistes respectent effectivement la procédure établie. tion précise et des procédures opératoires standardisées. Ainsi, un acteur Disney vendant des ballons aux enfants doit s'agenouiller de façon à se placer au niveau du regard de l'enfant, attitude qui démontre bienveillance et amitié. De même, l'apparence des membres de la troupe est très précisément codifiée par des standards portant sur : l'usage de parfum, la coloration des cheveux, le type de lunettes de soleil, le port de moustache ou de barbe, la longueur des jupes, le maquillage, etc. Un bon exemple de standardisation dans l'industrie du service peut être trouvé chez Disney. Disney World a été conçu pour être un lieu de distraction, de dépaysement et de rêve. 37000 personnes travaillant dans le parc, des standards ont été établis pour gérer le comportement des employés et assurer ainsi une satisfaction constante des visiteurs. Plus de 1 500 emplois ont été répertoriés, chacun possédant une descrip- AMÉLIORER UN STANDARD La responsabilité du manager ne se limite pas à la mise en place de standard. Il doit également chercher à les améliorer. Ce travail d'amélioration devient une obligation lorsque des symptômes de dysfonctionnement apparaissent : réclamations, non qualité, retards de livraison, etc. Figure E : Améliorer un “standard” — Le cycle PDCA — 4 ACT (faire respecter) PLAN (planifier) CHECK (vérifier) DO (faire) MANAGERIS N° 53-2 Le manager doit alors engager un cycle PDCA -Plan-Do-Check-Act (figure E). Ce cycle est similaire à celui que nous venons de voir, hormis pour la première étape qui consiste à planifier alors que dans le cas précédent il s'agissait de standardiser. Planifier consiste à concevoir des procédures nouvelles permettant d'améliorer les opérations existantes. Pour résoudre un problème et améliorer un standard, le manager dispose d'un outil simple : la méthode des cinq "pourquoi ?". Cette méthode propose de découvrir la cause première de tout problème en posant successivement cinq fois la question "pourquoi ?", afin d'approfondir les réponses. La figure F donne un exemple de problème traité à l'aide de cette approche. Tokai Shin-ei Electronics est une société de 100 personnes produisant des circuits imprimés. Afin de faire face à un problème de productivité, son manager a décidé de revoir et d'améliorer les standards. Pour cela, il procède de la manière suivante : - il convoque l'ensemble du personnel de l'entreprise un weekend ; - il demande à chaque opérateur de se munir des standards existant (liasses de procédures opératoires) ; - il demande à chaque opérateur de dresser un historique des problèmes auxquels il a été confronté lors des opérations de production ; - il répartit les employés par équipes de trois personnes et les charge de l'amélioration d'une opération précise ; - il demande à un opérateur qualifié d'exécuter devant chaque équipe l'opération qu'elle doit améliorer ; - il encourage l'équipe à analyser et à critiquer le mode opératoire utilisé afin d'en améliorer la performance ; - il impose à l'équipe de codifier la nouvelle procédure opératoire afin qu'elle devienne le standard. La figure G donne un exemple des check-lists utilisées chez Nissan pour vérifier la performance des proGemba Kaizen MAN_10/97 21/10/98 18:24 Page 15 (1,1) Figure F : Un outil pour trouver la cause première d’un problème : “les cinq pourquoi ?” E EXEMPL Question : Réponse : Question : Réponse : Question : Réponse : Question : Réponse : Question : Réponse : Un manager remarque un ouvrier en train de répandre de la sciure dans le couloir entre deux machines A de nombreuses entreprises : la méthode des "5 S". Celle-ci se compose des 5 étapes qui suivent : Trier (Sort) La première étape pour "nettoyer la maison" consiste à trier. Le manager en charge de la démarche kaizen doit faire le tour du lieu de production avec les opérateurs. Leur objectif est de classer tous les objets présents sur l'espace de travail en deux catégories : les objets nécessaires et les objets a priori inutiles, c'est-à-dire ceux qui n'ont pas servi récemment. Ces derniers vont alors être marqués d'une étiquette rouge. Plusieurs cas de figure peuvent alors se présenter pour un objet étiqueté en rouge : - s'il ne sera pas utilisé à l'avenir, il doit être supprimé ; - s'il risque de se révéler utile dans le futur, il doit être sorti de l'espace de travail et stocké dans un endroit plus adapté, un entrepôt par exemple ; - si des opérateurs se rendent compte a posteriori qu'ils ont besoin d'un objet étiqueté en Pourquoi répandez-vous de la sciure ? Parce que le plancher est glissant et potentiellement dangereux Pourquoi le plancher est-il glissant et potentiellement dangereux ? Parce qu’il y a de l’huile sur le plancher Pourquoi y a t-il de l’huile sur le plancher ? Parce que la machine fuit Pourquoi la machine fuit-elle ? Parce que l’huile s’échappe du cardan à huile Pourquoi l’huile s’échappe-t-elle du cardan à huile ? Parce que le revêtement de caoutchouc à l’intérieur du cardan est usé ? cédures opératoires et améliorer les standards. Cette check-list permet de vérifier que les mouvements de l'opérateur sur un poste de travail sont bien optimisés. 7 Tenir sa maison en ordre Ranger et nettoyer le lieu de production permet d'identifier des dysfonctionnements A [d] Après la standardisation, l'art de bien tenir sa maison est le second principe majeur d'une approche d'amélioration kaizen. Des espaces de travail encombrés, mal agencés, génèrent des dysfonctionnements coûteux. Le simple fait de ranger et de nettoyer l'espace de travail permet des gains de productivité et des économies substantielles. Afin de bien tenir sa maison, le manager peut avoir recours à une méthode qui a fait ses preuves dans Figure G : Check-List destinée à optimiser les mouvements d’un opérateur 1 2 3 4 5 Éliminer les mouvements superflus • Peut-on supprimer le besoin de choisir ou chercher une pièce en la présentant automatiquement à l’opérateur ? • Peut-on éliminer le besoin de jugement et d’attention de l’opérateur ? • Peut-on éviter le transfert d’une pièce d’une main à l’autre en disposant les stocks du bon côté de l’opérateur ? Réduire le mouvement des yeux et l’effort visuel • Peut-on discriminer des pièces par les coloris ? • Peut-on distinguer des pièces en utilisant des récipients de formes différentes ? • Peut-on utiliser le son pour guider l’opérateur ? Combiner des opérations • Peut-on transformer une pièce tout en la déplaçant ? • Peut-on inspecter une pièce tout en la déplaçant ? Agencer au mieux le lieu de travail • Peut-on placer les outils et les matières devant l’opérateur ? • Peut-on ordonner les outils et les matières en fonction de la séquence de travail ? Concevoir des outils adaptés • Peut-on faciliter la préhension des pièces en reconcevant les récipients ? • Peut-on réunir plusieurs fonctions sur un même outil ? • Peut-on simplifier la mise en œuvre des machines (un seul bouton à pousser) ? Gemba Kaizen MANAGERIS N° 53-2 5 MAN_10/97 21/10/98 18:24 Page 16 (1,1) rateur a été chargé de nettoyer régulièrement la presse. Figure H : Les avantages d’une campagne de nettoyage vus par les employés de Tokai Shin-ei Electronics Systématiser (Systematize) “Je suis devenu plus sensible aux machines, aux bâtiments, … Je remarque désormais les anomalies comme par exemple une salissure inhabituelle sur une partie de la machine.” “J’ai compris qu’en aidant les autres à s’améliorer, je m’améliorais moi-même. Je pense désormais que chaque fois que je peux aider, je dois aider. Je suis devenu plus patient.” “Cette expérience a permis au personnel commercial, de production et du bureau d’études de travailler ensemble, alors qu’auparavant nous étions rivaux.” rouge, ils doivent en démontrer l'utilité à l'équipe kaizen. Cette opération de tri doit ensuite être étendue à d'autres domaines de l'entreprise, tels que les stocks et les fournitures. Dans ces domaineslà également, des suppressions de composants inutiles peuvent souvent être effectuées pour le plus grand bien de l'entreprise. Ranger (Straighten) Une fois que les objets inutiles ont été supprimés, le manager doit veiller au rangement de ce qui demeure. La méthode de rangement retenue doit viser à faciliter l'utilisation de l'objet, minimiser le temps de recherche et l'effort qui y sont consacrés. Chaque objet doit avoir une adresse précise. Par exemple, on donnera un numéro à chaque mur (Mur A-1) et on notera ce numéro sur chaque outil devant être rangé sur ce mur. La quantité d'objets à ranger doit également être précisée afin d'éviter que de trop grandes quantités n'encombrent le gemba. Par exemple, on décidera que seulement cinq bacs d'un produit peuvent être produits d'avance. On trace alors sur le sol un rectangle dimensionné pour contenir juste cinq bacs et l'on interdit qu'aucun autre bac ne soit stocké en dehors. Nettoyer (Scrub) Il faut ensuite nettoyer l'environnement de travail. Tout doit être nettoyé : outils, machines, murs, plancher et toutes autres parties du lieu de travail. Ce nettoyage est 6 MANAGERIS N° 53-2 important à plusieurs titres. Outre le fait qu'il améliore les conditions de travail, il permet de mettre à jour des problèmes. Par exemple, un opérateur nettoyant une machine peut découvrir une fuite d'huile, une fissure ou bien des boulons dévissés. Dans une entreprise d'emboutissage pour l'automobile, un problème inexpliqué se produisit. Alors qu'il pleuvait, l'opérateur d'une presse de 1 300 tonnes constata a deux reprises que sa presse fonctionnait deux fois de suite alors qu'il avait pourtant réglé la machine sur "un coup". Après maints tâtonnements, l'équipe en charge de l'analyse du problème se rendit compte que deux prises électriques situées sur la presse étaient mises en contact par de la limaille de fer. L'humidité des jours de pluie favorisait ce contact et la presse passait en mode continu. Pour éviter que ce problème ne se reproduise, l'opé- Pour porter ses fruits, une démarche kaizen doit s'inscrire dans la durée. Les efforts ne doivent pas être ponctuels mais s'inscrire dans une philosophie d'amélioration continuelle des modes de travail. Les actions de tri, rangement et nettoyage doivent être systématisées afin d'éviter que, progressivement, tout redevienne comme avant. Le manager doit donc faire en sorte que de telles actions soient planifiées tout au long de l'année pour chacun des lieux de production. Dans l'exemple de la presse cité plus haut, une procédure a été mise en place. Celle-ci impose à l'opérateur de nettoyer quotidiennement les zones à risques et d'aspirer la limaille de fer après chaque opération de meulage. Standardiser (Standardize) L'enjeu à ce stade est de faire en sorte que les opérateurs acquièrent une autodiscipline afin qu'ils trient, rangent et nettoient à chaque fois que cela est nécessaire. Il s'agit ici de faire en sorte que la philosophie des 5 S fasse partie intégrante de la culture de l'entreprise. Chez Tokai Shin-ei Electronics, mentionnée plus haut, la journée de travail commence à 7 h 30. Tous les employés retroussent alors leurs manches et participent au nettoyage des sols de l'usine, des bureaux, des halls, des toilettes et mêmes des voitures garées dans le parc de station- Figure I : Sept types de muda à combattre dans l’entreprise 1 Muda de surproduction 2 Muda de stockage 3 Muda de rejet 4 Muda de mouvement 5 Muda de traitement 6 Muda d’attente 7 Muda de transport Gemba Kaizen MAN_10/97 21/10/98 18:24 Page 17 (1,1) nement. La figure H recense les principaux apports de cette opération de nettoyage tels qu'ils ont été perçus par les employés de l'entreprise. 7 Éliminer les gaspillages Des gains de qualité, de coûts et de délais peuvent être obtenus en s'attaquant à sept types de gaspillages très répandus [e] Sur un lieu de travail, on peut classer les activités en deux catégories : celles à valeur ajoutée et celles qui ne créent pas de valeur. Toute activité qui n'ajoute pas de valeur au produit ou au service est qualifiée d'un nom japonais qui signifie gaspillage : muda. La troisième étape d'une approche kaizen est de rechercher et d'éliminer le muda partout où il se trouve dans l'entreprise. Taiichi Ohno, dirigeant de Toyota, fut l'un des premiers à reconnaître l'ampleur des gaspillages quotidiens dans l'entreprise. Fort de cette expérience, il a répertorié sept catégories de muda que le manager doit traquer. Elles sont autant de gisements d'économies, d'efficacité et de qualité. Ces sept catégories de muda sont répertoriées en figure I et détaillés ci-dessous. Le manager doit donc étudier avec précision les niveaux de production à chaque stade du processus. Toute surproduction devra être analysée, puis éliminée. • Muda de stockage Les pièces, les matières premières et les produits finis stockés ne créent pas de valeur. En effet, le client ne les a pas encore payés, alors qu'ils sont source de coûts importants : stockage, manutention, frais financiers, etc. Le manager doit donc s'employer à minimiser les stocks de matières premières, d'en-cours et de produits finis, en mettant en place un système de production juste-à-temps. Gemba Kaizen • Muda d'attente Lorsqu'un opérateur est inoccupé, il y a muda. Cette inactivité peut être le fait d'une mauvaise synchronisation des opérations, de ruptures de stocks ou de pannes d'équipements. • Muda de transport • Muda de rejet Les produits finis qui ne répondent pas aux critères de qualité demandés par le client sont appelés "rejets". Ces rejets sont extrêmement coûteux pour l'entreprise : ils interrompent parfois la production et exigent de coûteuses retouches pour être remis à niveau. Souvent, il faut s'en débarrasser et c'est alors le pire des gaspillages de matière et de travail. Le manager doit donc apporter une attention toute particulière à la non-qualité dans son entreprise. Il doit être informé en permanence de l'existence de rejets aux différentes étapes du processus de production, afin de pouvoir prendre les mesures correctives nécessaires. • Muda de surproduction Afin de pallier l'absentéisme, les pannes de machine ou la non qualité, certains chefs d'atelier ont tendance à produire en avance. Cette production non nécessaire constitue un gaspillage colossal : matières premières consommées inutilement, espace de stockage surdimensionné, coûts de transport et d'administration supplémentaires. Mais la surproduction a pour principal effet pervers de dissimuler les dysfonctionnements. En effet, le chef d'atelier qui produit trop car il craint que sa machine ne tombe en panne ne s'attaque pas à la cause du problème : la non fiabilité de sa machine. De même, la direction n'est pas informée qu'elle doit prévoir des décisions d'investissements pour cet atelier. exemple, dans une usine produisant des téléphones, le récepteur et le corps de l'appareil sont assemblés séparément. Ils sont ensuite emballés dans du plastique puis transférés à une chaîne d'assemblage final. En connectant ces trois chaînes, il devient possible d'éliminer l'opération d'emballage. • Muda de mouvement Tout mouvement d'une personne qui ne crée pas de valeur est muda. Un opérateur qui doit se retourner pour saisir la pièce qu'il va travailler consacre du temps et de l'énergie à une activité inutile. Pour identifier le muda de mouvement, le manager doit observer avec soin les mouvements des opérateurs et la manière dont ils travaillent leurs pièces. Souvent, une simple réorganisation du poste de travail permet de supprimer ce muda. Le transport à l'aide de camions, de chariots élévateurs, ou autre, ne crée pas de valeur. Il doit donc être éliminé partout où cela est possible. De nombreuses entreprises japonaises mènent quotidiennement des démarches visant à supprimer le muda. Les managers et les employés travaillent ensemble pour permettre ces petites améliorations qui font, au final, les entreprises performantes et réactives. Sunclipse produit des emballages en carton ondulés. Il y a quelques années, l'entreprise a décidé de s'attaquer au "kilomètres muda", c'est-àdire à tous les déplacements inutiles dans l'entreprise. Par exemple, en rapprochant une imprimante d'un opérateur, 22 km muda ont été éliminés. L'ensemble des mesures prises dans l'entreprise pendant quelques années a permis d'économiser l'équivalent de plusieurs traversées des États-Unis de "kilomètres muda". L'entreprise s'attaque également à toutes les autres formes de muda et des rapports muda mensuels sont émis par chaque département et font part des progrès enregistrés sur les différents fronts. ■ • Muda de traitement L'organisation même du processus de production peut être source de muda. Ce peut être le cas lorsque la technologie est inadaptée ou lorsque l'ordonnancement est inefficace. Par MANAGERIS N° 53-2 7 MAN_10/97 21/10/98 18:24 Page 18 (1,1) C O M M E N TA I R E C R I T I Q U E D E L’ O U V R A G E Par Bill Fischer Professeur de Manufacturing Management à l'IMD. N ous vivons une époque de grands bouleversements et, bien souvent, de grandes contradictions. Dans sa fonction même, le manager est confronté à des sollicitations contradictoires : il doit bien souvent mettre en œuvre des approches antagonistes telles que "bottom up versus top down" ; "justeà-temps versus réactivité" ; "production de masse versus personnalisation". Il doit être tout à la fois un stratège visionnaire mais aussi un tacticien au fait des réalités opérationnelles. G emba kaizen est un ouvrage qui aidera les managers à étoffer cette dernière dimension : leur compétence opérationnelle. BIBLIOGRAPHIE : • LES CINQ S, Takaski Osada, éd. Dunod, 1993. • LES 20 LOIS DE LA QUALITÉ, Katsuya Hosotani, éd. Dunod, 1994. Publication mensuelle composée de deux synthèses, éditée par MANAGERIS, SARL au capital de 50 000 F, RCS B 388 524 290 135, rue du Mont-Cenis • 75018 Paris Tél : (33) 01 42 57 70 67 Fax : (33) 01 42 57 70 38 Directeur de la publication : Marie-Caroline Lambert. Relations avec les abonnés : Sabine de Virieu Copyright 1997. Commission paritaire : 74245 ISSN : 1243-3462 Prix de l’abonnement (22 synthèses) : France : 3 981,90 F TTC ; dont TVA : 2,10 %. Belgique : 19 117 FB Suisse : 852 FS Prix de la synthèse : - tarif abonné : 193,99 FTTC - tarif non abonné : 387,98 FTTC Prix du numéro mensuel : - tarif abonné : 387,98 FTTC - tarif non abonné : 775,96 FTTC Tarifs groupés : nous consulter 8 MANAGERIS N° 53-2 L a philosophie kaizen que développe cette ouvrage peut être résumée en quelques mots : "Quoi que vous fassiez, vous pouvez le faire mieux". Cette philosophie, simple en apparence, a été une des avancées les plus notables du management ces dernières années et un facteur de changement majeur. P endant longtemps, la philosophie industrielle traditionnelle qui prévalait dans les entreprises mettait plutôt en avant des principes du type "Si ce n'est pas cassé, ne le réparez pas". Cependant, devant le succès des entreprises japonaises sur un plan international - succès fondé en grande partie sur l'approche kaizen de nombreuses entreprises occidentales se sont converties à cette nouvelle philosophie et leur mot d'ordre est devenu le suivant : "Si ce n'est pas cassé, cassez-le !". L'ouvrage nous démontre comment l'approche kaizen permet à chaque manager, quelle que soit sa position et sa fonction, d'améliorer concrètement la performance de son entreprise en intervenant directement sur le lieu de production. G emba kaizen est une introduction rapide mais sérieuse à la philosophie et à la pratique qui sous-tendent l'approche kaizen. C'est un ouvrage de référence pour tous les managers qui sont encore peu au fait de l'approche kaizen, et ce quelle que soit leur position hiérarchique ou leur spécialité opérationnelle. Écrit par Masaaki Imai, l'homme qui a fait connaître l'approche kaizen en Occident par la publication en 1986 d'un livre du même nom, gemba kaizen offre au lecteur d'innombrables conseils pratiques permettant de mettre en œuvre l'approche kaizen, quel que soit le contexte opérationnel. L'auteur met particulièrement en avant la notion de gemba, mot japonais qui désigne l'endroit où la valeur ajoutée est créée, et nous fait prendre conscience que toute démarche d'amélioration doit être initiée à partir du lieu de production. G emba kaizen n'est pas tant un ouvrage traitant d'une philosophie d'amélioration continue qu'un guide pratique pour une mise en œuvre concrète. En effet, la dernière partie de l'ouvrage regroupe 21 exemples détaillés de mise en place d'approches kaizen en entreprises. Cette dernière partie est particulièrement intéressante et utile, d'autant plus que les entreprises étudiées appartiennent à des secteurs d'activité variés ; de l'industrie électronique à Disney World ; et à différents contextes culturels ; Japon, Europe, Amérique du Nord, Amérique du Sud. En conclusion, Gemba kaizen est une introduction très utile pour ceux qui cherchent à clarifier leurs idées sur l'approche kaizen et souhaitent la mettre en œuvre dans l'entreprise. ■ Gemba Kaizen