TRIBUNALDE GRANDE INSTANCEDEPARIS JUGEMENT rendu le
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TRIBUNALDE GRANDE INSTANCEDEPARIS JUGEMENT rendu le
TRIBUNAL D E GRANDE INSTANCE D E P A R I S1 9ème chambre 2ème section N° RG : 12/09334 JUGEMENT rendu le 12 Mai 2015 N° MINUTE : 1 Assignation du : 22 Juin 2012 DEMANDERESSE LA COMMUNE DE SAINT-MAUR-DES-FOSSES, représentée par son député-maire Monsieur Sylvain BERRIOS Hôtel de ville 94100 SAINT MAUR DES FOSSES représentée par Maître Marc LE SON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B1171 DÉFENDERESSE S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE 19, rue de Capucines 75001 PARIS représentée par Maître Michel PITRON de l’Association GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #T03 Expéditions exécutoires délivrées le : Page 1 Décision du 12 Mai 2015 9ème chambre 2ème section N° RG : 12/09334 COMPOSITION DU TRIBUNAL Dominique MOUTHON-VIDILLES, Vice-Présidente Xavier BLANC, Vice-Président Michaël HARAVON, Juge assistés de Marie-Claire BOUGEROL, faisant fonction de greffier lors des débats et de Séria BEN ZINA, Greffier, lors de la mise à disposition DÉBATS A l’audience du 17 Mars 2015 tenue en audience publique devant Dominique MOUTHON-VIDILLES, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux conseils des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe. JUGEMENT Rendu publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort ********************* FAITS ET PROCÉDURE : Par acte du 2 juillet 2007, la commune de Saint-Maur-des-Fossés (94100) a souscrit auprès de la société Crédit Foncier de France un prêt dénommé HELVETIX III, destiné au “financement des investissements prévus au budget”d’un montant de 5.000.000 €, remboursable sur 30 ans par échéances annuelles d’un montant constant de 166.666,67 € et portant intérêts : - du 1er mai 2007 au 1er mai 2013, au taux fixe de 1%, le TEG étant de 1,014 %, - du 1er mai 2013 au 1er mai 2032, à taux variable indexé sur la parité de change Euro contre Franc Suisse dans les conditions suivantes : < au taux fixe bonifié de 1,93 %, si le taux EUR/CHF demeure supérieur à 1,44, < si le taux EUR/CHF est inférieur 1,44, le taux est égal à 1,93% + 50 % *[(1,6514 - taux EUR/CHF)/ taux EUR/CHF], < le TEG indicatif est de 1,957 %, - du 1er mai 2032 au 1er mai 2037, à taux variable indexé sur l’indice TIBEUR 12 mois, sans majoration de marge, le TEG indicatif étant de 4,561 %. Invoquant la nullité de la stipulation d’intérêts, la commune de Saint-Maur-des-Fossés a fait assigner la société Crédit Foncier de France devant ce tribunal, par exploit daté du 22 juin 2012. Page -2- Décision du 12 Mai 2015 9ème chambre 2ème section N° RG : 12/09334 Aux termes de ses dernières écritures signifiées par voie de dématérialisation le 9 janvier 2015, la commune de Saint-Maur-des-Fossés demande de : Vu les articles L.313-4 et R.313-1 du Code Monétaire et Financier, ensemble les articles 1304, 1907 et 1376 du Code Civil, 515 et 700 du CPC, la loi n° 2014-844 du 29/07/2014 et les pièces versées aux débats. Recevoir la demanderesse en sa demande, l’y déclarer bien fondée et, en conséquence : 1°) Constater : • Qu’à défaut de satisfaire aux conditions d’admissibilité au bénéfice de la loi n° 2014-844 du 29/07/2014, le prêt consenti par acte du 02/07/2007 ne peut relever de son application et qu’en outre le contenu de cette loi laisse intacts les griefs puisés de l’article R.313-1 définissant les modalités du calcul à mettre en œuvre. • Qu’en violation des prescriptions des articles L.313-4 et R.313-1 du Code Monétaire et Financier, les chiffrages affichés par le CRÉDIT FONCIER DE FRANCE ne représentent pas le taux effectif global, lequel s’entend d’un taux unique insusceptible de division selon les périodes successives éventuelles que peut prévoir un contrat de prêt, ni porté la durée de la période unitaire ou son taux de période. • Que le taux nominal de l’intérêt a été présenté à l’emprunteur non professionnel sur la base d’une année conventionnelle au lieu de l’être sur celle de l’année civile. 2°) Dire et Juger : • Qu’est nulle et de nul effet la stipulation d’intérêt enfermée à l’acte de prêt du 02/07/2007 par application des dispositions des articles 1304 et 1907 CC et qu’y sera substitué l’intérêt au taux légal. • Dire que, sur le fondement de l’article 1376 CC, la banque devra restituer à la commune de Saint-Maur-des-Fossés l’entièreté des intérêts qu’elle aurait pu verser au jour de la décision à intervenir en sus de l’application du taux légal et que ces intérêts, eux-mêmes productifs de l’intérêt au taux légal, bénéficieront de la capitalisation annuelle prévue par l’article 1154 du code civil. 3°) Condamner le CRÉDIT FONCIER DE FRANCE : • A payer à la commune de Saint-Maur-des-Fossés la somme de 50.000,00 €, par application de l’article 700 du CPC. • Au paiement des entiers frais et dépens de justice, par application des dispositions de l’article 699 du CPC. 4°) Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel ou caution, par application de l’article 515 du Code de Procédure Civile. La commune de Saint-Maur-des-Fossés déplore essentiellement : - l’absence d’affichage du TEG qui est un taux unique, à la fois effectif et global, - le défaut de précision de la durée et du taux de la période unitaire et l’absence de prise en compte des conditions d’amortissement de la créance pour calculer celui-ci, - le défaut d’affichage du taux conventionnel qui aurait dû lui être présenté, en raison de sa qualité d’emprunteur non-professionnel, sur la base de l’année civile de 365 ou 366 jours. En réponse à l’exception d’irrecevabilité soulevée en défense, la commune de Saint-Maur-des-Fossés affirme que le litige échappe au Page -3- Décision du 12 Mai 2015 9ème chambre 2ème section N° RG : 12/09334 champ d’application de la loi 2014-844 du 29 juillet 2014 en raison de : l’absence d’indication dans l’acte du nombre des échéances ou de la durée du prêt : - le dispositif ne peut trouver à s’appliquer que si l’acte de prêt indique le nombre des échéances ou la durée du prêt, - s’il est indiqué que la durée est de 30 ans, ce que réitère le tableau d’amortissement annexé, cette mention est inexacte, - en effet “le point de départ du prêt” ne peut être le 1er mai 2007 si la date de “versement des fonds” est le 2 juillet 2007, - le point de départ du prêt est en réalité le 2 juillet 2007, date de la remise des fonds, - dans ce cas, le prêt n’est pas de 30 ans mais de 29 ans 9 mois et 30 jours, la loi valide la stipulation d’intérêts qui serait critiquée du chef de deux moyens précis d’omissions : - soit, l’absence matérielle du TEG, du taux de période ou de la durée de période et le défaut de prise en compte de l’ensemble des coûts du contrat tels qu’ils sont définis à l’article L 313-1 du code de la consommation, - d’interprétation stricte en raison de son caractère rétroactif, la loi ne vise pas l’article R.313-1 du code de la consommation relatif aux modalités du calcul du TEG. Aux termes de ses dernières écritures signifiées par voie de dématérialisation le 30 janvier 2015, la société Crédit Foncier de France demande de : Vu les articles L.313-4 et suivants et R.313-1 et suivants du Code monétaire et financier Vu les articles L.313-1 et suivants et R.313-1 de suivants du Code de la consommation Vu les articles 1 et 2 de la Loi n° 2014-844 relative à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public - DÉBOUTER la Ville de Saint-Maur-des-Fossés de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ; - CONDAMNER la Ville de Saint-Maur-des-Fossés à payer à la Compagnie de Financement Foncier la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens. La société Crédit Foncier de France fait valoir que les demandes qui sont infondées, sont désormais en outre irrecevables en application de la loi de sécurisation pour défaut d’intérêt à agir et rappelle que dans sa décision du 24 juillet 2014, le Conseil constitutionnel l’a jugée conforme à la Constitution en ce qu'elle est justifiée par un "impérieux motif d'intérêt général" tenant à la nécessité de préserver les finances publiques, l'équilibre du secteur bancaire et la sécurité juridique, afin notamment d'éviter que des collectivités locales n'obtiennent, à la faveur de contentieux, un "effet d'aubaine injustifié" créant "un enrichissement sans cause des emprunteurs" . Elle ajoute que l'étude d'impact de la loi a conclu qu’"Il y a donc une totale disproportion entre l’avantage retiré par l’emprunteur du fait de la substitution du taux légal au taux contractuel et le préjudice résultant de l’absence de la mention du TEG". Page -4- Décision du 12 Mai 2015 9ème chambre 2ème section N° RG : 12/09334 Elle considère que toutes les demandes de la commune qui fait état de moyens visant à contester la validité de la stipulation d'intérêts pour de prétendus irrespects des prescriptions en matière de taux effectif global, de taux de période ou de durée de période, entrent dans le champ d’application de la loi et sont irrecevables. Sur le fond, la société Crédit Foncier de France fait valoir en substance que : - dans un contrat de prêt à taux variable, le TEG indiqué ne peut avoir qu’une valeur indicative et seule l’absence de TEG est sanctionnée et non pas un TEG erroné, - les griefs sur le caractère erroné des exemples de TEG sont sans effet et infondés puisque : • la durée annuelle de la période unitaire est bien précisée et de plus, la ville reconnaît elle-même que les exemples de TEG ont bien été calculés sur la base d'une année civile de 365 jours et constate dans ses écritures que les TEG indiqués sont le résultat de la conversion des taux conventionnels calculés sur une base réelle 360 vers une base 365 jours, • le taux conventionnel pouvait être exprimé sur une base 360 jours rapportée sur une base 365 jours pour le calcul des TEG indicatifs, la ville ne pouvant en aucun cas être qualifiée de consommateur au sens du code de la consommation (cf CE 23 février 2005, Directive 93/13/CEE, jurisprudence), • les prétendues erreurs dans le calcul des exemples de TEG mentionnés sont inexistantes et indifférentes, - en tout état de cause, la ville, parfaitement avertie, n'a subi aucun préjudice qui l'autoriserait à réclamer un gain correspondant à un taux 25 fois plus favorable que celui librement souscrit, - le contrat dure jusqu’en 2037 et ce n’est qu’à cette date que le coût du prêt pourra être connu avec certitude et que la ville pourra comparer son coût à celui à taux fixe qu’elle aurait pu souscrire en 2007, - le taux variable applicable à l’échéance 2014 doit être mis en balance avec les gains engrangés par la ville pendant la période de taux fixe de 1 % de 2007 à 2013 inclus. Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties visées ci-dessus quant à l’exposé de leurs moyens. L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 février 2015. L’affaire a été plaidée le 17 mars 2015 et les parties ont été avisées qu’elle était mise en délibéré au 12 mai 2015, date à laquelle la présente décision a été rendue. MOTIFS : sur l’application de la loi 2014-844 du 29 juillet 2014 Il n’est pas discuté et il ressort notamment de l’Etude d’impact figurant au projet de loi déposé le 22 avril 2014, que face “au risque majeur (pesant) sur les finances publiques, risque qui peut être évalué à 17 Md € environ” du fait de l’application de la jurisprudence sanctionnant le défaut de mention ou une erreur sur le TEG ainsi que l’absence de taux de période et de durée de période par la substitution du taux légal, à un grand nombre de prêts structurés souscrits par des personnes morales de droit public, alors même que ces manquements ne leur causent aucun Page -5- Décision du 12 Mai 2015 9ème chambre 2ème section N° RG : 12/09334 préjudice avéré dès lors que les “éléments essentiels à la compréhension des caractéristiques de l’emprunt (périodicité, mode de détermination des échéances, taux applicable) ont été portés à la connaissance de l’emprunteur”, le législateur a entendu procéder rétroactivement à la validation de la clause conventionnelle d’intérêt limitée aux cas de défaut de mention ou d’erreur de TEG, de taux de période ou de la durée de période, dans les termes de la loi 2014-844 du 29 juillet 2014 relative à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public laquelle précise : Article 1 “Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, est validée la stipulation d’intérêts prévue par tout écrit constatant un contrat de prêt ou un avenant conclu antérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi entre un établissement de crédit et une personne morale de droit public, en tant que la validité de cette stipulation serait contestée par le moyen tiré du défaut de mention, prescrite en application de l’article L. 313-2 du code de la consommation, du taux effectif global, du taux de période ou de la durée de période, dès lors que cet écrit constatant un contrat de prêt ou un avenant indique de façon conjointe: 1° Le montant ou le mode de détermination des échéances de remboursement du prêt en principal et intérêts; 2° La périodicité de ces échéances; 3° Le nombre de ces échéances ou la durée du prêt.” Article 2 “Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, est validée la stipulation d’intérêts prévue par tout écrit constatant un contrat de prêt ou un avenant conclu antérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi entre un établissement de crédit et une personne morale de droit public, en tant que la validité de cette stipulation serait contestée par le moyen tiré de la mention d’un taux effectif global, d’un taux de période ou d’une durée de période qui ne sont pas déterminés conformément à l’article L. 313-1 du code de la consommation, dès lors que cet écrit constatant un contrat de prêt ou un avenant indique de façon conjointe : 1° Le montant ou le mode de détermination des échéances de remboursement du prêt en principal et intérêts; 2° La périodicité de ces échéances ; 3° Le nombre de ces échéances ou la durée du prêt.” En l’espèce, la commune de Saint-Maur-des-Fossés ne discute pas que l’acte en cause est un contrat de prêt structuré conclu entre un établissement de crédit et une personne morale de droit public mais considère que le présent litige échappe au champ d’application de la loi 2014-844 du 29 juillet 2014 compte tenu des moyens qu’elle oppose. Il convient donc de les examiner. < sur le moyen tiré de l’inapplicabilité de la loi 2014-844 du 29 juillet 2014 en l’absence d’indication du nombre d’échéances ou de la durée du prêt La commune de Saint-Maur-des-Fossés qui reconnaît que l’acte de prêt se réfère à de nombreuses reprises à la durée de 30 ans visée à la page Page -6- Décision du 12 Mai 2015 9ème chambre 2ème section N° RG : 12/09334 2, soit au paragraphe “Caractéristiques du Prêt”, ce que réitère le tableau d’amortissement annexé qui fait état de 30 échéances annuelles d’un montant constant de 166.666,67 € du 1er mai 2007 au 1er mai 2036 inclus, soutient que la durée de 30 ans mentionnée est inexacte en ce que le point de départ a été repoussé au jour de la remise des fonds, soit au 2 juillet 2007. Toutefois, il apparaît que le report du point de départ du paiement de la première échéance annuelle au jour du versement des fonds ne modifie aucunement la durée du remboursement mentionnée, soit un remboursement en 30 annuités, de sorte que le moyen tiré de l’absence d’indication du nombre d’échéances ou de la durée du prêt qui rendrait le dispositif législatif en cause inapplicable, est dénué de tout sérieux et sera rejeté. < sur le moyen tiré de l’inapplicabilité de la loi précitée en raison des omissions critiquées Il ressort des articles susvisés de la loi 2014-844 du 29 juillet 2014 qu’elle valide l’absence des mentions prescrites par les dispositions de l’article L. 313-2 du code de la consommation, soit celle du TEG, du taux de période ou de la durée de période ainsi que celle d’un TEG, d’un taux de période et d’une durée de période qui ne seraient pas déterminés conformément aux dispositions de l’article L. 313-1 du code de la consommation. Il sera d’ores et déjà relevé que le dernier alinéa de l’article L. 313-1 du code de la consommation renvoie pour la détermination de ses conditions d’application à un décret en Conseil d’Etat, soit à l’article R.313-1 du même code qui définit la méthode de calcul du TEG de sorte que la commune de Saint-Maur-des-Fossés ne peut utilement soutenir que ce dernier article n’étant pas visé par la loi, les moyens soulevés à son visa, sont en l’espèce recevables. Relevant l’affichage de trois taux successifs correspondant à la Phase Taux fixe (1,014 %), à la Phase Bonifiée (1,957 %) et à la Phase Euribor (4,561 %), la commune de Saint-Maur-des-Fossés soutient en premier lieu qu’“en méconnaissance des prescriptions de l’article L 313-4 du code monétaire et financier, le taux effectif global n’est donc pas porté à l’acte de prêt du 2 juillet 2007 alors qu’il pouvait et aurait dû l’être.”. Elle déplore donc l’absence d’indication d’un taux global effectif pour l’entière durée du contrat, dont elle affirme qu’il ressortirait à 1,69 %, en violation des dispositions de l’article L 313-2 du code de la consommation auquel renvoie l’article L 313- 4 du code monétaire et financier qui le reproduit. Par suite, ce moyen entre dans le champ d’application de l’article 1 de la loi 2014-844 du 29 juillet 2014 ; en conséquence, la demande d’annulation de la clause formée à ce titre sera rejetée. La commune de Saint-Maur-des-Fossés fait valoir en second lieu que “la banque n’a pas communiqué à l’emprunteur la durée de la période unitaire comme elle n’a pas indiqué le taux de cette période unitaire en dépit des prescriptions réglementaires” et que “cette seule omission expose au constat de nullité de la stipulation d’intérêts”. Page -7- Décision du 12 Mai 2015 9ème chambre 2ème section N° RG : 12/09334 Ce moyen tiré de l’absence de mention du taux et de la durée de la période unitaire est expressément visé à l’article 1 de la loi précitée de sorte que la commune n’est pas fondée à l’invoquer. La commune de Saint-Maur-des-Fossés reproche ensuite l’absence de prise en compte des conditions d’amortissement de la créance pour calculer le taux de la période ; elle critique donc l’existence d’un taux de période qui ne serait pas déterminé conformément à l’article L. 313-1 du code de la consommation lequel renvoie aux dispositions de l’article R.313-1 du même code qui précise notamment, s’agissant des opérations de crédit destinées à des personnes morales de droit public, comme tel est le cas en l’espèce, les modalités de détermination du taux de période et de la période unitaire. L’erreur de calcul dans le taux de la période invoquée par la demanderesse constitue donc une hypothèse visée à l’article 2 de la loi 2014-844 du 29 juillet 2014 de sorte que ce moyen n’est pas susceptible de fonder la demande d’annulation de la stipulation conventionnelle d’intérêts. Enfin, la commune fait grief à la banque un défaut d’affichage du taux conventionnel qui aurait dû lui être présenté, en raison de sa qualité d’emprunteur non-professionnel sur la base de l’année civile de 365 ou 366 jours. Ce moyen tiré de l’absence de mention écrite du taux de l’intérêt conventionnel en violation de l’article 1907 alinéa 2 du code civil, en revanche, n’entre pas dans le champ d’application des articles 1 et 2 de la loi du 29 juillet 2014 dont se prévaut la banque et qui ne visent que ceux tirés du défaut des mentions prescrites aux articles L 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation. Il convient donc de rechercher s’il est susceptible de prospérer en l’espèce. sur le défaut de calcul de l’intérêt conventionnel sur la base d’une année civile Les parties s’accordent à reconnaître que les TEG figurant à l’acte de prêt ont été calculés sur la base d’une année civile de 365 jours et les taux conventionnels sur la base d’une année bancaire de 360 jours. La commune de Saint-Maur-des-Fossés se réfère au principe selon lequel le taux de l'intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l'acte de prêt consenti à un consommateur ou un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, sous peine de se voir substituer l'intérêt légal, être calculé sur la base de l'année civile. Or, la commune de Saint-Maur-des-Fossés est une personne morale de droit public qui a emprunté auprès d’une banque 5 millions d’euros destinés à financer des investissements prévus à son budget. Elle ne saurait, dès lors, revendiquer le statut de consommateur ou de nonprofessionnel de sorte que rien n’interdisait aux parties de convenir d’un intérêt au taux conventionnel calculé par référence à l’année bancaire de 360 jours. En définitive, la commune de Saint-Maur-des-Fossés qui échoue à rapporter la preuve de l’irrégularité de la clause conventionnelle Page -8- Décision du 12 Mai 2015 9ème chambre 2ème section N° RG : 12/09334 d’intérêts, sera déboutée de sa demande en annulation et de celles subséquentes en substitution du taux légal et en restitution d’intérêts. sur les autres demandes Conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il convient de mettre à la charge de la commune de Saint-Maur-des-Fossés qui succombe à l’égard de la société Crédit Foncier de France une indemnité au titre des frais de procédure engagés et non compris dans les dépens qu’il est équitable de fixer à la somme de 3.000 €. Aucun élément ne justifie que soit ordonnée l’exécution provisoire de la présente décision. PAR CES MOTIFS : Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et publiquement par mise à disposition au greffe : - Déboute la commune de Saint-Maur-des-Fossés de ses demandes formées à l’encontre de la société Crédit Foncier de France. - Condamne la commune de Saint-Maur-des-Fossés aux dépens qui seront augmentés de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Crédit Foncier de France. - Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision. Fait et jugé à Paris le 12 Mai 2015 Le Greffier Le Président Page -9-