4582767 - Afschrift

Transcription

4582767 - Afschrift
actu fiscalité
UN SYSTÈME À REMETTRE EN CAUSE
CATERPILLAR: LE COÛT DE L’ÉTAT PROVIDENCE
L
e drame de Caterpillar a au moins le mérite
d’unir les responsables politiques, fédéraux
et régionaux, et syndicaux, dans un souci d’assistance aux travailleurs dramatiquement
et injustement privés de leur emploi.
On a même vu le Premier ministre et le ministreprésident wallon côte à côte et on attend avec impatience que le chef du gouvernement fédéral annonce
l’union sacrée avec le chef par intérim du syndicat
socialiste.
Le Premier ministre a ainsi annoncé, dans des
termes que ne désavouerait sûrement pas la FGTB:
«nous allons nous battre contre Caterpillar». Voilà
un bel avertissement pour les entreprises étrangères
qui s’aventureraient, suite à un quelconque road show
du gouvernement fédéral, à investir en Belgique:
si les choses tournent mal, le gouvernement les combattra. Si elles vont bien, il se contentera de les taxer...
Un climat social mal perçu outre-Atlantique
On oublie un peu vite qu’il y a à peine un an, après
28 jours de grève en 18 mois, des centaines de travailleurs de cette entreprise, excédés, manifestaient
à Charleroi parce qu’ils voulaient travailler et en
étaient empêchés par des piquets de grève. Le bourgmestre de la Ville ne les avait à l’époque pas reçus
et personne ne les avait soutenus pour combattre
le syndicat. La direction de l’usine avait alors annoncé
qu’il ne faudrait pas s’étonner si un tel climat social
était un jour perçu, outre-Atlantique, comme
un élément de poids pour provoquer la fermeture
du site de Gosselies.
Si une grande entreprise décide aujourd’hui cette
fermeture, ce n’est sûrement pas par sentiment antiwallon, ni par parti pris en faveur des travailleurs chinois et français, qui, eux, bénéficieront du transfert
de l’activité de Gosselies. Il n’est pas facile, pour une
telle entreprise, d’abandonner un site de production
gigantesque comme celui dont elle dispose en
Wallonie, et qui, dans ses comptes, est encore valorisé après amortissements à une centaine de millions
d’euros. Si elle accepte le risque de perdre cet actif
important, devenu improductif en raison de la fermeture, c’est tout simplement parce qu’elle considère que, même en assumant cette perte, il est préférable pour elle de produire ailleurs, non seulement
dans un pays, comme la Chine, où les salaires sont
beaucoup plus bas qu’en Belgique, mais même en
France, qui n’est pas réputée être un enfer social.
Charges fiscales et sociales gigantesques
Le PTB a justement fait remarquer qu’une autre
société du groupe, son centre de coordination,
22 8 SEPTEMBRE 2016 WWW.TRENDS.BE
ne payait, en raison des intérêts notionnels, qu’un
très faible taux effectif (moins de 5 %) d’impôt des
sociétés. Mais ce centre peut fonctionner sans que
l’on produise quoi que ce soit en Belgique, et la
société qui donnait, jusqu’à présent, du travail
à plus de 2.000 personnes subissait, elle, une imposition élevée. Surtout, comme tous les employeurs
de Belgique, elle payait des montants de charges
fiscales et sociales gigantesques sur les salaires
de son personnel.
C’est là tout le drame de la fiscalité belge: le travail est à ce point imposé que l’on pousse les entreprises à partir, et en tout cas à ne pas s’installer ici.
Il ne sert à rien, comme le font certains responsables politiques aujourd’hui, à affirmer qu’il faut «réindustrialiser»: le système social que tous les partis
politiques protègent, celui de l’Etat providence, fait
exactement le contraire.
Ce système, ce «modèle social» sanctionne délibérément le travail, sur la base de l’argument cynique
que les revenus du travail sont quantitativement
les plus importants. C’est ce système qui crée le chômage, auquel sont confrontés, outre ceux qui perdent aujourd’hui leur emploi, des centaines de milliers de personnes. A force de les «protéger» dans
toutes les hypothèses de la vie où il peut leur arriver quelque chose, comme la perte de leur travail,
on a créé une énorme machine extrêmement coûteuse, qui dissuade patrons belges et étrangers
de donner du travail.
Les dirigeants en ont alors été réduits à jouer
les voyageurs de commerce, pendant des années,
non pas même pour inciter des entreprises étrangères à investir dans notre pays, mais à promouvoir
des centres de coordination et des intérêts
notionnels, qui créent très peu de richesses
en Belgique, et ne donnent de travail
à presque personne, tandis que les gens qui
travaillent, et les entreprises qui créent
vraiment de la richesse, restaient soumises aux impôts et aux cotisations
sociales parmi les plus élevés au monde.
Ce n’est pas en proposant aujourd’hui
encore plus d’assistanat, encore plus
d’«aides» que cela peut changer. Mettre
encore plus de quelque chose qui n’a pas
fonctionné n’a jamais été une voie vers le
succès. C’est ce système, celui de l’Etat providence qu’il faut remettre en cause,
en réduisant d’un même élan les
charges des entreprises et le rôle
des pouvoirs publics pleurnicheurs et inefficaces. z
C’est là
tout le drame
de la fiscalité
belge : le travail
est à ce point
imposé
que l’on pousse
les entreprises
à partir.
THIERRY AFSCHRIFT
Professeur
ordinaire
à l’ULB