La force d`une conviction
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La force d`une conviction
Une volonté de communiquer, un journal pour le faire… La force d’une conviction Histoire de l’Arefo et de l’Arpad N°20 juin 2012 AREFO (Association Résidences et Foyers) ARPAD (Association des Résidences pour Personnes Agées Dépendantes) 103, Bd Haussmann • 75 008 Paris • Tél. 01 42 68 40 40 Éditorial p. 2 Pourquoi j’ai souhaité écrire un livre sur l’histoire des associations p. 3 Vieillir en Arefo p. 4 Vieillir en Arpad p. 5 Un domicile familial pour la vie p. 6-7 Entre dedans et dehors, pas de frontière p. 8 Faire valoir sa spécificité, face à une dépendance réglementée p. 9 Les résidents Alzheimer au sein de l’Arpad p. 10-11 La démarche de l’Arpad p. 12 Le risque zéro, une entrave à la liberté du résident ? p. 13 Faire vivre et partager les valeurs associatives p. 14 Jusqu’au bout du prendre soin p. 15 Les risques pour le secteur associatif p. 16 Les perspectives pour demain p. 17 Les instruments de la gouvernance et du management p. 18 Des projets dans la continuité de la vie p. 19 Les choix politiques de la gouvernance p. 20-21 La force d’une conviction, une aventure personnelle ! p. 22 Naissance d’un livre p. 23 AREFO (Association Résidences et Foyers) ARPAD (Association des Résidences pour Personnes Agées Dépendantes) 103, bd Haussmann 75 008 Paris Tél. : 01 42 68 40 40 - Fax : 01 42 68 07 24 [email protected] - [email protected] Internet : www.arefo-arpad.com Responsable de la publication Jean-Louis Stevens Directeur de la publication Alain Lecerf Responsable de communication Elzbieta Przybylska Chargée de communication Charlotte Cabo Maquette, compogravure, impression : Ecoprint 01 64 66 30 00 Dépôt légal : 2e trimestre 2012 « J’ai réinventé le passé, pour voir la beauté de l’avenir », Louis Aragon. Éditorial humaniste de l’Arefo et de l’Arpad. Ceux qui auront demain la charge de le poursuivre ont entre leurs mains le passeport qu’il fallait, un passeport qui ouvre les portes d’une vision solidaire de la société au sein de laquelle le vecteur social prend toute sa place. Militant de la première heure de l’économie sociale, je suis fier de présider ces structures avec tous ceux qui sont autour de moi. Merci à Alain Lecerf, à ses équipes et ses collaborateurs qui, sur le terrain, confortent jour après jour ce projet de vie qui fait l’originalité de nos établissements. Merci aux fondateurs et à ceux qui m’ont précédé d’avoir donné du sens à nos entreprises associatives, et en particulier à Jean-Pierre Leroy qui m’a accueilli au sein des conseils d’administration qu’il présidait. Merci aux responsables du logement social, à ceux des régimes et institutions de retraite de leur soutien durant toutes ces années. Cette histoire est aussi la leur, elle se poursuivra demain avec leur concours, je l’espère. Mais cette histoire-là ne s’invente pas… 45 ans d’une histoire authentique, pas banale, dont je fus successivement le témoin et l’acteur. Que de volontés exprimées tout au long de ces années ! Au cœur de l’économie sociale et solidaire, l’Arefo et l’Arpad contribuent à l’accompagnement de nos aînés dans le cadre d’un engagement sans concession pour que la dignité de chacun soit préservée jusqu’au bout. Les combats menés au service d’une plus grande justice sociale, afin que les plus démunis puissent avoir accès à un accompagnement social, médical et résidentiel, ont porté leurs fruits. Le chemin restant à parcourir est encore long et devra faire l’objet d’un engagement sans relâche. Ce livre dont l’initiative revient à Alain Lecerf, directeur général de l’Arefo et de l’Arpad, est un outil exemplaire. Témoin du passé, il est porteur du futur ; on y raconte une épopée conduite par des femmes et des hommes, galvanisés par leur idéal. Longue vie à l’Arefo et à l’Arpad et bienvenue à toutes celles et à tous ceux qui les rejoindront demain. Comment ne pas remercier toutes celles et tous ceux qui ont participé à l’élan Jean-Louis Stevens Président de l’Arefo et de l’Arpad Merci à Geneviève Charbonneau pour son travail d’historienne : que de rapports, de documents et de procèsverbaux elle a dû lire, que de témoignages elle a dû recueillir, pour nous conter cette belle aventure ! Le passé nous engage tous pour l’avenir. Alors, continuons l’aventure… Pourquoi j'ai souhaité écrire un livre sur l'histoire des associations Les deux premiers avaient donné la parole à celles et à ceux que nous accueillons au quotidien dans nos 56 établissements en gestion : La Traversée d’un siècle et La Passion des métiers ont ainsi exprimé des joies, des émotions, des couleurs du temps, de belles pages d’histoire des hommes et des femmes de notre pays. Ce nouveau livre est une découverte bien différente Lorsqu’en 1966, les statuts de l’Arefo ont été déposés en préfecture de la Seine, qui aurait parié sur la destinée de cette association ? Qui aurait cru que 45 ans plus tard, cette « graine », déposée dans la plus grande discrétion, boulevard Malesherbes, à l’ombre de l’Ocil et de l’église Saint-Augustin, allait pousser avec « une générosité exemplaire », sans chercher les honneurs, en traçant au plus profond son identité, ses fondations humanistes, sa volonté et sa ténacité sans cesse renouvelées, et en conservant le cap fixé à ses origines ? Quelle pugnacité au cours de ces cinq dernières décennies ! Quels chemins tortueux empruntés, quelles tempêtes affrontées, dans lesquelles il aura fallu maintenir la barre, donner le la quotidien, réaffirmer le sens de l’accompagnement de l’autre, remettre sans cesse le métier sur l’ouvrage ! C’est ainsi que les racines associatives ont trouvé leur force, irriguées par la sève du projet de vie proposé aux personnes accueillies. Et l’arbre a grandi en taille et en sagesse. Il a donné d’autres fruits dont le dernier, l’Arpad, fut forgé pour aider les plus abîmés d’entre nous. Ces 45 années constituent un long trajet au cours duquel les passages de témoins se sont succédés. La transmission s’est accomplie et s’accomplit sans rupture, tel le rythme des saisons qui voit sans cesse le renouveau des bourgeons, des feuilles et des fruits de l’arbre. Et celui-ci croît, prospère, protège et s’épanouit. Ce livre de mémoire et de perspectives se veut être la clé qui ouvre à la compréhension des choix opérés et un témoignage sur celles et ceux qui les ont décidés et mis en œuvre. Il s’adresse à tous ceux qui sont impliqués, de près ou de plus loin, dans cette belle entreprise associative. Il est là pour convaincre : il a vocation d’entretenir les consciences, d’aiguiser les appétits, de fédérer celles et ceux qui veulent adhérer au projet de l’Arefo et de l’Arpad. Mais il s’adresse également à tous, hommes et femmes engagés, et toutes les personnes qui trouveront dans ce livre de la matière pour découvrir ou réfléchir à l'action sociale et à la solidarité en direction des populations vieillissantes. L’histoire de l’Arefo et de l’Arpad n’avait jamais été contée. Elle a représenté un chantier de plus de trois années au cours desquelles documents, rapports, procès-verbaux, échanges, réflexions et contributions auront permis, avec une certaine justesse, à Geneviève Charbonneau, à laquelle j’ai confié l’écriture de cet ouvrage, de nous décrire l’investissement des femmes et des hommes de l’Arefo et de l’Arpad, dirigeants ou collaborateurs de tous temps, et de celles et ceux qui leur ont fait confiance et les ont accompagnés, convaincus que ce qui était élaboré avait du sens, notamment tous les partenaires d’origine parmi lesquels les acteurs de l’immobilier social et des institutions de retraite. 3 C’est ainsi que cet ouvrage a pu voir le jour Je veux remercier toutes celles et tous ceux qui ont apporté leur contribution et manifesté leur attachement à ce que nos associations portent de valeurs, en se rapprochant du champ de l’économie sociale et solidaire. Bonne lecture et puissiez-vous découvrir, au fil de ces pages, la nature de l’engagement qui a guidé celles et ceux qui ont consacré tout ou partie de leur vie professionnelle. Je souhaite à l’Arefo et à l’Arpad de poursuivre leur chemin, éclairé par « l’abricot d’argent », l’arbre aux mille écus. Alain Lecerf, Directeur Général de l'Arefo et de l'Arpad. AREFO ARPAD MAGAZINE N° 20 - JUIN 2012 L’ouvrage qui vous est présenté est le troisième initié par l’Arefo et l’Arpad, ces organismes dont Jean-Pierre Leroy m’a confié la direction en 1988. Vieillir en Arefo : une alternative à la solitude L’Arefo offre une alternative à la dépossession de soi, notamment lors de la cessation de l’activité professionnelle, en proposant un environnement et un projet social qui soutiennent la volonté de vivre et d’agir. Elle démontre en même temps que demeurer dans le domicile dans lequel on a mené sa vie active peut être un obstacle au redéploiement personnel, alors que ses établissements constituent une opportunité pour se réinvestir dans une deuxième vie. 4 Dans les jardins de la résidence le Bocage à Neuilly-sur-Marne, 1999 Un rempart au laisser-aller L’Arefo n’oblige à rien. Elle définit seulement un cadre dans lequel le résident peut trouver une assise et un rythme. Ainsi, les services, inclus ou non dans la redevance, sont organisés selon des modalités ou des horaires : s’inscrire aux repas et aux activités, fixer un rendezvous chez le coiffeur qui vient dans l’établissement et honorer les engagements pris… Par ailleurs, un règlement de fonctionnement décrit l’ensemble des relations auxquelles chacun est tenu entre l’établissement et les autres retraités, mais aussi avec les intervenants extérieurs, l’entourage et les familles. La vie au sein d’un groupe social incite tout un chacun à s’occuper de son apparence et à entretenir sa forme, car il est exposé au regard des autres. Par exemple, prendre soin de se maquiller ou assortir sa cravate à la couleur de sa chemise sont de petits gestes de la vie quotidienne bien futiles mais essentiels, car ils expriment toute la mesure de l’espoir que l’on place encore dans l’avenir. Au contraire, dans son domicile privé, à l’abri du jugement extérieur, on peut être tenté de se lever plus tard, de traîner en robe de chambre ou de faire moins attention à la propreté de sa personne et de son logement. Cette négligence traduit souvent le découragement devant la nécessité d’une reconversion dans un environnement peu stimulant. territoire et se faire reconnaître, se confronter, parfois négocier avec son entourage et s’exposer à des désaccords ou des conflits. Ainsi, en continuant de se positionner parmi les autres, on s’oblige à maintenir des comportements sociaux. En Arefo, chacun aménage sa manière de vivre, choisit ses fréquentations, ses occupations, son mode de participation à la vie communautaire, selon ses goûts et ses affinités avec des personnes réunies par le destin sous un même toit. Être au milieu des résidents, c’est être sollicité de façon spontanée et échanger des points de vue. C’est, forcément, se trouver un jour en concurrence avec les autres, quand des initiatives sont à prendre, des animations et des projets à conduire, comme autrefois dans le travail. On doit marquer son Les visages de la vieillesse sont multiples : on peut devenir vieux comme on a vécu jeune car l’âge affirme et révèle les caractères, mais on peut aussi être façonné et « instruit » par la vie. En établissement, la question de la cohabitation entre personnes vieillissantes est particulièrement présente. D’autant qu’il n’est pas toujours simple de vivre avec des personnes beaucoup plus âgées que soi, car le spectacle du vieillissement de l’autre contraint à une projection de son futur, parfois insoutenable. Vieillir avec les autres et se regarder vieillir Vieillir en Arpad : l’unité de vie, un nouveau foyer L’entrée en EHPAD ne notifie-t-elle pas un voyage sans retour ? Ce passage est la dernière étape du renoncement à ce qu’on a été et demande un travail de deuil sur la restriction de l’agir et l’acceptation de la perte d’autonomie. Il coïncide souvent avec une période de désinvestissement, indispensable pour réévaluer et reconstruire le domaine de son possible dans cette existence dans laquelle l’aidant est prépondérant. En Arpad, les conditions de l’accueil sont réunies pour donner au retraité les moyens de se réinvestir dans la vie, de se penser comme une personne agissante, pour éviter l’enfermement. En 1984, l’Arpad a bâti son projet de vie en privilégiant l’esprit du domicile familial avec une médicalisation légère de ses établissements. Cette orientation intègre le champ du possible de la personne en perte d’autonomie, non réduite au statut d’un corps qui réclame soins et manipulations. Reconnue dans son identité, la personne âgée conserve le lien avec son passé et demeure dans sa trajectoire de vie, avec un avenir proposé et le choix d’organiser son présent pour être et agir ou, au contraire, de s’en remettre totalement aux autres. Dans son nouveau foyer, l’unité de vie, elle est entourée des auxiliaires de vie et d’une équipe soignante qui lui prodiguent attention et vigilance et prennent soin d’elle. Son existence est partagée entre les actes de la vie courante, se lever, faire sa toilette, s’habiller, prendre ses repas et se coucher, les soins et le temps qui reste, dédié à la vie avec les autres dans la communauté ou à l’extérieur. Une auxiliaire de vie aidant un résident à prendre son repas Résidence Arpage Les Clairières à Pavillons-sous-Bois Un rythme de vie choisi Au sein d’une Arpage, dans le déroulement de la journée, le temps de l’accompagnement, de l’assistance et des soins est distribué entre tous les résidents et chacun doit respecter l’organisation du travail des auxiliaires de vie et de l’équipe soignante. Les repas et le goûter, moments communautaires, sont prévus dans des tranches horaires qui peuvent convenir ou non à la personne âgée. En revanche, elle peut se faire réveiller et prendre son petit déjeuner à l’heure qu’elle souhaite. Elle choisit les activités qui l’intéressent. Et puis, elle a son mot à dire sur son régime alimentaire ou de convenance et elle peut infléchir le programme des loisirs et des animations. Elle reçoit sa famille et ses amis et elle part en vacances, quand cela est encore possible. Elle se trouve donc dans une position où elle peut exprimer ses désirs. 5 AREFO ARPAD MAGAZINE N° 20 - JUIN 2012 Soulagée par un accompagnement individualisé, la personne en perte d’autonomie peut se consacrer à maintenir ou élargir le champ de son possible. Elle peut répondre au projet de vie de l’Arpad qui ne consiste pas simplement à développer des distractions, mais à offrir des activités intégrées au monde, dans lesquelles elle met en œuvre un savoir-faire, une expérience et des compétences. Ce projet la fait exister en tant que personne capable d’agir dans ce nouvel univers. Un domicile familial pour la vie Les établissements recréent les conditions d’habitat et de vie de la sphère familiale. Ils procurent l’intimité du domicile personnel, avec une sécurité supplémentaire, puisque le logement est intégré dans un espace agencé pour inciter les résidents à se redéployer dans une existence harmonieuse. Comme à la maison 6 Les résidents, « occupants » de leur studio ou de leur deux-pièces, s’ils sont en couple, disposent de leur espace privatif, avec leur mobilier et leurs objets, ainsi que d’une installation sanitaire et d’une cuisine individuelles. Ils sortent de chez eux pour faire leurs achats, voir leurs amis, se distraire… Ils reçoivent l’aide-ménagère, la femme de ménage le cas échéant, le médecin, l’infirmière et les aides-soignantes qui leur dispensent les services identiques à ceux auxquels recourt toute personne qui habite en domicile diffus. Comme à la maison, leurs amis et leur famille viennent partager, avec eux, le repas de midi au restaurant de l’établissement, bavarder dans les salons ou dans leur logement et passer la nuit dans des chambres réservées aux hôtes de passage. A partir de 1974-1975, les projets architecturaux, conçus avec des jardins privatifs et des terrasses, encouragent l’accueil des animaux de compagnie, innovation propre à l’Arefo. Mieux qu’à la maison Ces retraités sont en majorité très actifs et autonomes. Néanmoins, dans la perspective de leur vieillissement, l’Arefo met à leur disposition, sous forme d’appel à des associations et des bénévoles, ou d’aides négociées avec les organismes sociaux, des services facultatifs dont beaucoup sont organisés sous l’impulsion du responsable d’établissement qui démarche les prestataires, mais aussi avec le soutien des familles et la solidarité entre résidents. Beaucoup de ces services vont pouvoir être regroupés ou assurés par des bénévoles et leur coût est souvent inférieur à une prestation délivrée pour une seule personne en domicile diffus. Cette assistance est assortie d’une vigilance 24h/24 avec la présence du responsable d’établissement et/ou d’un employé de collectivité chargé Comme à la maison, l'animal domestique partage la vie de ses maîtres Résidence L'Avenue aux Moines, 2002 Le confort et l'intimité sont ceux du domicile personnel - Résidence la Sablonnière, 1985 du gardiennage, d’un système de sécurité qui profite de l’évolution des technologies, leur garantissant confort de vie et bien-être et d’installations qui précèdent, le plus souvent, les réglementations normatives sur l’habitat, la sécurité des personnes et l’hygiène. Les quelques personnes handicapées accueillies sont « prises en charge » par cet environnement. En cas de grande difficulté, les résidents sont hospitalisés : parmi eux, de 85 % à 90 % reviennent poursuivre leur séjour en établissement, les autres rejoignant une structure spécialisée. Des animations et des loisirs sont proposés sur place et à l’extérieur. Dans ce domaine, les résidents peuvent, et beaucoup ne s’en privent pas, créer des activités, des clubs, au sein ou à l’extérieur de l’établissement. Enfin, les aides personnelles, consenties par les organismes sociaux, ouvrent à tout retraité l’accès à ces conditions de vie, plus attractives sous certains aspects que le domicile traditionnel. Une initiative en avance sur son temps L’Arefo se différencie alors des maisons de retraite, en donnant ce caractère de domicile familial à ses établissements dans lesquels les retraités actifs et autonomes peuvent profiter d’une intervention rapide et appropriée, en cas de besoin. Car, malgré les recommandations du rapport Laroque en 1962 et une législation incitative, rares sont, dans les années 70, les créations de logements-foyers lancées par le secteur privé associatif, proposant ce mode de vie qui fait encore aujourd’hui la modernité de l’Arefo. La circulaire du 5 décembre 1974 donnera une définition des logements-foyers, largement devancée par les premières résidences Arefo accueillant des retraités, ouvertes en 1972 : « Les logements-foyers sont destinés aux personnes âgées capables de vivre de manière habituelle dans un logement indépendant mais ayant besoin occasionnellement d’être aidées ; cette formule convient tout particulièrement aux personnes isolées, aux couples dont les forces déclinent, aux personnes sortant de centres de rééducation fonctionnelle ne pouvant vivre en logement autonome. Ils devront pouvoir être facilement adaptés aux besoins des personnes handicapées. Les logements-foyers comportent comme tout foyer : des logements (80 maximum), des locaux communs, des services collectifs (locaux nécessaires aux activités, à l’animation et à la gestion). Les logementsfoyers doivent être implantés à proximité de moyens de transport et de centres d’activités (commerces, lieux de culte et de réunion) » La vie quotidienne dans le maintien à domicile Les services composent la trame du maintien à domicile, et stimulent la capacité d’initiative de la personne âgée et ses contacts avec la vie sociale. Très rapidement, les prestations, en s’appuyant les unes sur les autres, donnent corps au domicile personnel, avec la possibilité de vivre davantage : elles dégagent les retraités des contingences matérielles parfois très pesantes au profit des loisirs et des échanges, que ce soit dans leur cercle privé habituel, dans les ressources offertes par le quartier où est implanté leur nouveau domicile, ou encore au sein de la résidence. Elles constituent le premier rempart contre le déclin des forces et la perte d’autonomie. Des services à la carte 7 Certains services, obligatoires, sont inclus dans la redevance mensuelle forfaitaire ; les autres, facultatifs, sont proposés « à la carte », afin de rendre les établissements accessibles financièrement et de respecter l’indépendance des retraités accueillis. Depuis l’ouverture de ses établissements, l’Arefo assure une permanence de sécurité 24h/24 et fournit les prestations locatives traditionnelles comprises dans le montant mensuel forfaitaire de la redevance qui se divise en trois parties, l’équivalent loyer, l’équivalent charges locatives, l’équivalent charges de services. La redevance couvre les frais d’hébergement, l’assurance du mobilier et celle de la responsabilité civile du résident, l’eau, les consommations électriques individuelles, le nettoyage des vitres et les petits dépannages ménagers, mais aussi des locaux communs polyvalents, des logements, les frais de gestion du personnel et l’entretien du bâtiment. L’Arefo développe son offre dans une totale mutualisation des coûts, c’est la force et l’originalité de ses logements-foyers. AREFO ARPAD MAGAZINE N° 20 - JUIN 2012 À cette sécurité s’ajoute le bénéfice de l’ambiance communautaire. Dans les lieux de vie collective, restaurant, salons et salles d’activités diverses, on rencontre les autres résidents avec lesquels on refait le monde et on sollicite le personnel chargé des fonctions administratives, de la maintenance et de l’entretien des lieux. L’écoute figure dans la charte morale, à laquelle adhèrent tous ceux qui participent à la gestion des établissements. Entre dedans et dehors, pas de frontière Année après année, voici égrenée une succession de moments de vie. Ajoutés les uns aux autres et enchâssés dans le rituel de l’organisation quotidienne, ils composent la trame d’une vie en Arefo et en reflètent toutes les réalités, tous les possibles, et surtout, toutes les volontés. Comme les images tournoyantes d’un kaléidoscope, ils renvoient une représentation très colorée de l’existence de nos aînés et un désir de vivre très puissant. Des communautés qui sont le reflet de la vie 8 Nous sommes étonnés par ces retraités, entrepreneurs, créatifs, capables de développer des talents très variés et qui manifestent une attention aux autres que beaucoup d’actifs n’ont pas le temps d’accorder. Bien que leur temps de vie se raccourcisse, le temps d’agir leur semble octroyé. Les résidents de l’Arefo donnent l’impression, non pas de subir le temps, mais de le saisir pour se faire plaisir, pour satisfaire leur curiosité, pour créer des amitiés et même pour accomplir de vieux rêves. Propulsés par la volonté d’être dans la réalité, ils s’ouvrent aux autres retraités de leur quartier, de leur ville et de leur résidence, ils vont vers les jeunes dont ils font volontiers bénéficier leur expérience. Bien sûr, il faut nuancer cette vision : les communautés de résidents sont stimulées par une poignée d’organisateurs, provocateurs d’événements, agitateurs de vie. Mais il reste tous les autres, ceux qui, sans être des moteurs, adhèrent et sont heureux de faire fructifier leurs projets, et aussi les inactifs qui se mettent en retrait de toute animation, parce que leur caractère ne les y prédispose pas ou parce qu’ils se sentent fatigués. Enfin, pour tous, certaines périodes appellent des questionnements et réveillent des peurs, quand on se voit vieillir, quand la mémoire joue trop souvent des tours… Alors, s’amuser, se divertir, à quoi bon ? Mais, après tout, tout cela est tellement normal…, comme la vie ! Le logement-foyer, un espace de liberté Malgré les incertitudes sur l’avenir, le logement-foyer de l’Arefo, espace à la fois sécurisant et libérateur, semble donner Les vacanciers de l’Arefo reviennent d’une promenade aux îles de Lérins, 2009 des ailes à ces retraités. Nous sommes bien loin de l’image d’isolement conférée à la maison de retraite. C’est que, dès l’origine, le projet de l’Arefo, en aidant les personnes âgées à trouver du sens à la vie, évite tout risque d’enfermement dans la résidence et rejette le cloisonnement générationnel. Accompagnant l’évolution de la société depuis 1970, les résidents ont changé avec elle ! Ils s’étaient réalisés à l’âge adulte dans un monde consumériste et ils ont commencé leur carrière de retraités dans ce même univers dominé par le matérialisme. Consommateurs de loisirs, de sorties et de spectacles, ils en sont devenus, progressivement, les producteurs, les acteurs. Ils se sont découvert des dons et des capacités d’expression qu’ils ont su mettre au service de leur résidence et de leur cité et pour le bénéfice des autres. À leur fierté de se valoriser aux yeux de l’extérieur, de leur famille et des plus jeunes, ils ont ajouté la joie de faire profiter leur environnement de leur expérience, de leur sagesse et du temps qui leur est octroyé, autant de raisons d’être et de vivre. Mais que deviennent ces retraités quand leur perte d’autonomie s’accentue, au point d’avoir besoin d’assistance ? Pour répondre à leur angoisse, l’Arpad leur propose aussi un espace de liberté jusqu’au bout de la vie. C’est un immense défi qu’elle lance à la dépendance. Faire valoir sa spécificité, face à une dépendance réglementée Depuis l’époque où, à Épinay, elle avait pris à bras-le-corps la question de l’incontinence en travaillant sur la rééducation des résidents, plutôt que de les équiper de protections, l’Arpad explore toutes les voies de l’accompagnement. La désorientation croissante et les polyhandicaps de ses résidents lui enjoignent d’aller encore plus loin dans la professionnalisation de ses équipes. Comme en Arefo, ont émergé les questionnements sur le très grand âge et sur tout ce qui peut relier la personne à la vie dans cette dernière partie de l’existence, jusqu’au moment ultime. Sans relâche, l’Arpad va guider ses collaborateurs, à travers la gérontologie, vers les contrées de l’extrême abandon et de l’extrême détresse et, ce faisant, se prépare à affronter la réglementation de la dépendance. La relance au sein de l’Arpad du débat sur sa légitimité Le soin vise l’indépendance de la personne âgée Au regard de la banalisation et de la normalisation des niveaux d’une dépendance grandissante, l’Arpad réaffirme, comme elle le fera souvent au cours de son histoire, les fondements de son projet qui doit s’épanouir dans la cohérence et la stabilité, devant les situations imprévisibles provoquées par la détérioration mentale et la fin de vie. Plus que jamais, tous les acteurs de l’association doivent s’interroger sur les comportements à adopter face à l’augmentation des pathologies liées au grand âge et entretenir 9 Au cours d’une fête, le clown animateur réussit à libérer la parole des résidents les plus dépendants (Résidence Arpage Les Astéries, 2006) la notion de domicile, quelle que soit la démarche sociale ou médicale. La fidélité aux engagements d’origine exige, en effet, une vigilance de tous les instants à une période où les tentations de se réfugier dans une logique institutionnelle réduisant le résident à sa pathologie sont fortes. Un cycle de formation sur trois ans Ces réflexions, que la montée de la dépendance aiguillonne, vont aboutir, une fois encore, à la mise en place d’une stratégie de formation, cette fois prévue sur 3 ans, de 1998 à 2000 et qui se prolongera au-delà. Pour l’Arpad, cette formation cautionne son projet de vie et améliore le niveau de ses prestations, dans l’esprit de la réforme de la tarification. Elle sera orientée sur la prise de conscience personnelle : « Prendre conscience de ce que j’induis en ayant telle attitude ou tel comportement auprès d’un résident. Savoir regarder, savoir écouter, savoir toucher. » Son contenu va également approfondir les compétences antérieures : la formation gérontologique des maîtresses de maison, des infirmières et des aides-soignantes, notamment l’accompagnement en fin de vie et aux troubles psychiques, ainsi que la formation à l’ergonomie et à la manutention des résidents. AREFO ARPAD MAGAZINE N° 20 - JUIN 2012 Dans le rapport d’activité de 1997, les sons de cloche, avec bien sûr quelques nuances selon les situations, sont unanimes : le manque d’effectifs, de budgets et la hiérarchisation de la dépendance assortie à une tarification mettent en péril la réalisation du projet de vie, inscrit dans les statuts de l’association, et sa seule légitimité au regard des autres structures existantes. Car qu’est-ce qui fonde l’Arpad ? L’engagement de ses collaborateurs auprès des résidents revêt une signification humaine considérable ; mais comment se traduit-il, si ténu, si insaisissable au regard des autres ? L’Arpad porte très loin son exigence : « Des métiers de l’humain vieillissant qui demandent en permanence d’être disponible, à l’écoute ; ils ne souffrent pas l’à-peu-près car, en face, la souffrance est souvent présente et profonde. » Les résidents Alzheimer au sein de l’Arpad La volonté de l’Arpad de ne pas cantonner les désorientés dans un univers clos est celle de l’origine, mais les années 2000, avec la terrifiante montée en puissance de la pathologie d’Alzheimer et des maladies apparentées lui commandent d’explorer toutes les solutions qui puissent alléger le surcroît des besoins générés par la dépendance. Cherchant une voie qui lui évite toute sélection discriminante, elle s’engage dans la création d’unités spécifiques, tout en y incorporant l’esprit de l’Arpad, pour lesquelles elle espère obtenir davantage de financement et de personnel, grâce au plan Alzheimer 2004. Elle s’aventure dans cette direction également pour répondre à l’attente de la pensée politique, caractérisée par son monolithisme, car les projets présentés en CROSMS n’intégrant pas ces spécificités recueillent un avis défavorable. La cohabitation maîtrisée 10 Dès 2009, l’Arpad émet de fortes réserves sur cet accueil. Car fondamentalement, l’unité de vie, et non l’unité spécifique, lui semble la meilleure réponse, la seule, car elle offre un espace sécurisé au résident désorienté, sans pour autant le confiner dans un espace dédié. Faut-il, écritelle, « privilégier pour elles [personnes âgées désorientées] une (ou des) unité(s) spécifique(s) au sein des établissements ou au contraire, comme l’Arpad l’avait posé à l’origine, considérer qu’elles doivent être accueillies comme les autres résidents, sans distinction de lieu avec un accompagnement individuel adapté » ? Relier à la vie, jusqu’au bout de la vie, c’est ce qui a conduit l’Arpad à ériger ses unités de vie, pour accompagner toutes les pertes d’autonomie, physiques et psychiques. L’Arpad avait soupesé alors les risques de la promiscuité entre les désorientés et les non-désorientés, évalué le seuil de tolérance acceptable et analysé l’impact de la cohabitation des différents handicaps. Sa conclusion l’avait dirigée vers la cohabitation maîtrisée, par l’alternance d’espaces dédiés et d’espaces communs, d’activités dédiées et d’activités communes, de moments de vie spécifiques et de temps partagés. C’est ce choix qu’elle applique dans bon nombre de ses établissements où l’accompagnement est individualisé. Les résidents présentant des troubles sont accompagnés pour la toilette, l’habillage et l’alimentation, et escortés dans leurs déplacements par les auxiliaires de vie et L’Arpad propose une approche non médicamenteuse de la maladie d’Alzheimer en associant les résidents aux gestes de la vie quotidienne, afin qu’ils les mémorisent (Résidence Arpage Mornay, 2011) Pour pouvoir partager la vie sociale de la communauté des résidents, le retraité désorienté a besoin de moments privilégiés avec les membres de l’équipe (ici, une résidente avec Céline Vilocy, directeur de la Résidence Arpage à Enghien-les-Bains, 2007) « La (les) maladie(s) fait (font) partie des différences qui isolent ou rendent la relation aux autres difficile et douloureuse. Le projet de l’Arpad repose sur un principe de tolérance et de respect de l’autre quels que soient ses handicaps et difficultés. Par définition, l’EHPAD est un lieu de vie de personnes vieillissantes, aujourd’hui très âgées et vulnérables. Si la vieillesse n’est pas une maladie, elle est pour certaines d’entre elles l’époque de la vie durant laquelle les affections sont multiples et pour certaines invalidantes. La maladie d’Alzheimer en fait partie et les établissements doivent s’organiser et former les équipes d’accompagnement et de soins pour accueillir et aider les personnes handicapées par leur pathologie, et leurs proches, à vivre dans un lieu collectif, sans être exclues ni identifiées par leur seule affection. Être ni exclu, ni identifié par leur seule maladie L’un des directeurs d’EHPAD écrit dans son rapport d’activité 2009 que l’établissement constitue une unité spécifique à lui tout seul. Le questionnement de l’Arpad sur un accueil spécifique ou diffus, réactivé par les orientations politiques actuelles, est loin d’être achevé. En témoigne le rapport d’activité de 2009, proclamant une fois encore les principes qui la guident depuis sa création : Cette définition représente la seule voie possible pour sortir concrètement de la difficulté créée par la notion d’unité spécifique qui, si elle est appliquée à la lettre, suppose de concevoir l’hébergement comme un passage organisé d’une unité de vie vers une autre puis encore une, au fur et à mesure que la maladie ou le handicap évolue. Vaste programme de déménagements successifs et réguliers dont il n’est d’ailleurs pas certain, même s’ils étaient réalisables, qu’ils suffisent à créer un équilibre possible au sein de l’établissement ! 11 C’est donc bien de la capacité à faire vivre les principes associatifs de tolérance et de respect des personnes, quels que soient leur état de santé et leur niveau d’handicap, que va dépendre la qualité de l’accueil en EHPAD et, en l’occurrence, en Arpage, des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer et des affections apparentées. » Le « prendre soin » personnalisé L’Arpad sait conjuguer avec bonheur la cohabitation des handicaps, la vie communautaire au sein des Arpage et l’accompagnement individualisé. En même temps que l’attention portée aux désorientés, c’est l’ensemble des résidents qui jouissent de l’extension de la notion de soins au « prendre soin », qui dit bien sa globalité. La rédaction des projets d’établissements et du projet individualisé, réclamée par la loi de 2002, rejoint les préoccupations de l’Arpad, complètement préparée par ses pratiques à ces exigences. AREFO ARPAD MAGAZINE N° 20 - JUIN 2012 les aides-soignantes. Leur déambulation est respectée. Ceux qui participent à des activités sont accompagnés par les animateurs. Ils sont encadrés par les aides médico-psychologiques, qui ont suivi la formation « Humanitude », formation qui ressemble étrangement à ce que l’Arpad avait voulu mettre en œuvre à son origine, évaluant le potentiel de chaque personne âgée et intégrant, notamment, les animations dans l’accompagnement aux besoins fondamentaux. À l’Arpage Louis Grassi, certaines activités de groupe sont proposées à l’ensemble des résidents, y compris aux personnes désorientées, même si par ailleurs un EVA (espace de vie adapté), destiné aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, leur fournit un accompagnement au plus près de leur rythme individuel. La démarche de l’Arpad : être et agir La situation en Arpad n’est pas la même qu’en logements-foyers où les résidents sont devenus les initiateurs et parfois les financeurs de leurs activités, en créant des clubs et des associations loi 1901, en se tournant vers l’ensemble des ressources et des retraités de leur environnement. En Arpage, certes les conseils des résidents qui ont leur mot à dire font des suggestions et certains retraités font preuve d’une vitalité remarquable, mais les projets d’activités et de loisirs sont soutenus essentiellement par la structure de l’établissement, les personnels, le bénévolat, les familles et par des animateurs professionnels. Quel regard peut-on porter sur la personne âgée en Arpad ? Un regard réaliste sur ses difficultés à être et à agir, surtout quand la désorientation commence puis s’accentue et quand la dépendance s’accroît. Un regard attentif sur ses désirs, qui n’oublie pas que les accomplir lui demande beaucoup d’efforts et de courage. . Des sollicitations auxquelles on est libre d’adhérer 12 L’Arpad, dans son projet de vie, refuse d’imposer à la personne âgée un mode de vie dont elle ne voudrait pas et réfute tout volontarisme. L’Arpage Lannelongue à Vanves résume ainsi sa position en 1992 : « Trois idées essentielles ont dominé cette démarche : ne pas développer d’activisme, s’orienter vers une dynamisation de la vie quotidienne, s’ouvrir sur l’extérieur. » L’Arpad va donc proposer un environnement dans lequel, à travers une relation personnelle et d’écoute, la personne âgée dépendante va trouver la place qui lui convient et renouer avec l’envie de profiter d’une sortie, de participer à une animation ou à un événement de la vie collective. La famille, partie prenante du projet de vie Les familles contribuent à la réussite de l’intégration du résident. Leur présence ne se limite pas uniquement au droit de visite. Elles font partie des conseils d’établissement de jadis, puis des conseils de la vie sociale, aujourd’hui instances représentatives du fonctionnement de l’établissement. Elles sont invitées aux repas de fête, aux anniversaires et à toutes les manifestations organisées dans les établissements. La grande souplesse des heures de visite et la possibilité de participer aux repas de leurs parents et de les assister quand cela est nécessaire et fait plaisir encouragent la poursuite d’une relation pleine. Les familles ne se sentent pas « dessaisies » de leur rôle. Il est bon de faire les badauds sur la place ombragée de Latour-Bas-Elne et de renouer avec la vraie vie (2004) ! D’ailleurs, il n’est pas rare de voir des enfants, petits-enfants et même arrièrepetits-enfants, exposer leurs travaux de peinture dans les salons des résidences, proposer un concert de musique, présenter un spectacle ou animer un atelier. saine et régulière, sont les premières conditions pour conserver sa dignité. Le soulagement des handicaps par la relaxation, les massages, la gymnastique douce et les soins esthétiques sont pour le résident autant de moments de plaisir qui le libèrent de son état de malade ou de déficient. Maintenir une apparence pour soi-même et pour les autres Les actes et les échanges suscités par ces services enracinent la personne âgée dans un univers qui ne se réduit pas au soin médical et à la survie et l’empêchent de se désincarner. Cet ancrage est un rempart au risque d’enfermement, il est aussi un instrument de mesure du temps par lequel la personne âgée dépendante peut se projeter dans la perspective de moments de plaisir à vivre avec les autres. Les services et les activités de bien-être encadrent concrètement la volonté de maintenir le champ du possible. L’entretien du logement, du corps et des vêtements, ainsi qu’une alimentation Le risque zéro, une entrave à la liberté du résident ? Le risque zéro imprègne aujourd’hui très fortement la politique de vieillesse. Faire cohabiter liberté, vie citoyenne et risque zéro soulève l’interrogation délicate sur l’interdit : interdit d’aller se promener seul parce que c’est dangereux quand on possède une faible autonomie, interdit de boire de l’alcool ou de manger trop riche ou trop sucré parce que c’est dangereux quand on a du diabète, interdit de fumer, et bientôt, interdit d’avoir telle ou telle relation… Plus sa dépendance s’accroît, plus la personne âgée voit se restreindre son champ du possible. Quelle est la bonne pratique en établissement : lui interdire d’aller au-delà de son champ du possible et la cantonner dans un univers de plus en plus clos où la vie perd de son sel ou lui laisser transgresser parfois la frontière de son possible, l’exposant à l’accident ? Quelle légitimité, autre que la réglementation, possède l’établissement pour lui interdire quelque chose qu’elle ferait peut-être à son domicile privé ? L’observance de la règle dans un établissement permet de vivre ensemble de manière citoyenne, mais fixer des règles de conduite et de vie d’ordre privé à une personne âgée, au prétexte qu’elle est trop vieille pour savoir ce qui est bon pour elle, ne la prive-t-il pas d’une partie de sa liberté ? Poser des limites à un enfant qui fait son apprentissage de l’autonomie et expérimente le monde pour le protéger est un comportement responsable et respectueux de son identité, mais comment concilier responsabilité, respect et surveillance de la personne âgée dont on tente de prolonger les capacités résiduelles et l’étincelle du regard ? Accueillir, pour préserver de toute dépossession La réponse à cette controverse ne réside-telle pas tout simplement dans une attitude d’accueil qui reconnaisse au grand âge toute sa plénitude et balaye la hantise de se tromper sur ce qu’il convient de faire pour lui ? Laissons l’Arpad conclure : « Nous ne voulons pas, au sein de nos établissements, des résidents figés et amputés de leurs droits et exclus du jeu. Il est manifeste qu’il faut œuvrer non seulement pour maintenir l’autonomie, ce qui est une évidence, mais encore conserver le plus longtemps possible et au mieux l’intégrité identitaire des personnes accueillies. Nous le savons parce que nous sommes au cœur des problématiques sociales et humaines et pas des moindres. L’âge est une force qu’il nous appartient d’entretenir pour que le tissage social soit toujours plus cohérent. Pourquoi attacher une importance toute particulière à notre rôle ? Parce que le risque pour la personne âgée est de sombrer dans une non-présence donc une nonexistence au sens social du terme. Nous sommes à ses côtés pour revendiquer qu’elle soit visible comme sujet reconnu dans l’ordre social, nous l’accompagnons pour Résidence Arpage de la Tour, à la Tour-Bas-Elne qu’elle ne soit pas dépossédée de sa valeur sociale. Notre mission est d’accueillir, ce qui veut dire que nous accomplissons un acte en souriant, en adressant un geste de bienvenue, en prenant place dans un regard et invitant à la parole. Notre ambition est de créer les conditions d’une parole vive et appliquée avec le souci du concret. C’est une vraie tâche qui nous confirme dans notre mission d’être au plus près de la vie. » AREFO ARPAD MAGAZINE N° 20 - JUIN 2012 13 Faire vivre et partager les valeurs associatives Au-delà de l’impact de la conjoncture économique et sociale sur les résultats financiers, qui sont la préoccupation de toute entreprise, l’objet essentiel des activités associatives de l’Arefo et de l’Arpad, l’accompagnement de la personne vieillissante, en perte d’autonomie puis dépendante, engage tous les salariés ; il implique un énorme investissement professionnel et un usage sans faille des compétences requises pour exercer les métiers qui se rapportent à l’accueil de la personne âgée en établissement. Les valeurs d’origine vont soutenir les premiers responsables et directeurs d’établissement ainsi que la première génération des équipes, qui portent avec les fondateurs la lourde responsabilité de donner corps à des projets innovants, souvent jugés irréalistes. L’enthousiasme du départ va façonner un état d’esprit et une culture d’entreprise qui marqueront l’évolution des deux associations ainsi que le comportement des collaborateurs qui rejoindront leurs rangs. Les contraintes de la gouvernance 14 À chaque fois qu’elles accèdent à des paliers critiques, l’Arefo et l’Arpad remettent en question leur structure, leur mode de gouvernance, les relations entre leur siège et les établissements et le niveau de qualification de leurs salariés. À chaque fois aussi, les changements réglementaires les incitent à redéfinir leur place dans le secteur social et médicosocial et à renforcer l’esprit associatif au sein de leurs équipes, géographiquement dispersées. L’Arefo et l’Arpad vont asseoir leur cohésion interne sur une organisation qui propose des règles et un cadre de plus en plus précis aux attributions de la présidence, de la direction générale, du siège et des établissements, amenant les dirigeants à étoffer progressivement le siège et à le doter de services spécifiques et d’outils technologiques performants. Équilibre financier et perte d’autonomie Les deux associations ont pour vocation d’accueillir des retraités aux revenus modestes, leur offrant un projet de vie sociale et une vie digne jusqu’au bout. Elles recourent aux mêmes filières de financement et, en avance sur leur époque, elles doivent s’imposer auprès des autorités de tarification. Dans le cadre d’une politique de redevance accessible aux plus modestes, elles se trouvent, sur le plan financier, longtemps en mode de survie. Faire en sorte que les recettes compensent les dépenses, au siège comme dans les établissements, est un exercice obligé et peu commode, et les orientations associatives, avec des montants de redevance parfois trop bas par rapport à la réalité des coûts des prestations, vont le rendre acrobatique et installer une situation perpétuellement tendue qui, en termes de management, va renforcer tôt ou tard l’ingérence de la direction dans les affaires de chaque établissement, au début très autonome. L’Arefo ne trouvera l’équilibre qu’en regroupant les recettes et la gestion administrative au siège, dont le pouvoir va s’accroître au fur et à mesure de cette centralisation. Mais sa volonté de centraliser, bien que longue à se concrétiser, existait dès le départ, et c’est pourquoi elle profile des responsables pour diriger les établissements qu’elle gère et non des directeurs. Pour l’Arpad, en revanche, les tarifs de section de cure médicale puis la tarification ternaire imposée par le conventionnement tripartite négociés avec les autorités de tarification départementales font de chaque établissement une entité spécifique. Les limites de la centralisation se heurtent donc à leur statut, même si la trésorerie de l’Arpad est centralisée au siège depuis 2000. C’est, entre autre la raison pour laquelle chaque Arpage comporte à sa tête un directeur, gestionnaire de l’établissement qui lui est confié. L’Arefo consacrera, en 1994, son entité juridique à travers la solidarité financière entre les établissements, tandis que l’Arpad, bien que constituant la seule entité juridique gérant les établissements, doit faire face à une gestion individualisée des Arpage. Cette distinction principalement réglementaire prend ses racines dans ce qui différencie essentiellement les deux associations, le degré d’autonomie des retraités qu’elles accueillent et les réglementations qui s’y rattachent. Elle va provoquer pour chacune des problématiques d’équilibre de gestion et d’organisation spécifiques. Les conséquences seront importantes puisque l’Arpad, pour ne pas disparaître, devra se faire assister par l’Arefo, d’abord techniquement, puis financièrement. La cohabitation entre l’Arefo et l’Arpad va être un dur apprentissage Jusqu’au bout du prendre soin L’Arpad pousse toujours plus avant sa détermination à faire se rejoindre le prendre soin et l’animation, dans l’esprit de son combat pour sa légitimité, conduit depuis sa création en 1984. L’approche non médicamenteuse du traitement des atteintes cognitives qu’elle a érigée au fil du temps représente pour elle la manifestation la plus aboutie de cet accompagnement qui vise à procurer jusqu’au bout de la vie des moments de bien-être et de tendresse à toute personne âgée, quels que soient la nature et le degré de sa dépendance. Adepte de la zoothérapie Bien sûr, la plupart du temps, il s’agit d’animations réalisées avec un zoothérapeute le plus souvent bénévole, accompagné en majorité de chiens dressés comme à l’Arpage Louis Pasteur, l’Arpage l’Espérance, l’Arpage Stenhuis, l’Arpage La Poésie ou l’Arpage Les Astéries. À L’Espérance, un premier travail, l’« animo’gym » a produit un impact bénéfique sur les résidents, significatif pour l’équipe. La présence d’animaux motive les résidents et, grâce au chien, la marche sur de petits parcours n’est plus une obligation, mais un moment où l’on se sent utile et où l’on oublie l’effort. Mais l’établissement n’hésite pas non plus à faire évoluer deux chouettes, une fois par mois, autour de ses résidents, pour leur plus grand émerveillement ! Atelier zoothérapie à l’Arpage Saint-Genest à Nevers 15 AREFO ARPAD MAGAZINE N° 20 - JUIN 2012 En 2010, elle développe, dans bon nombre de ses Arpage, la zoothérapie, initiée en 2007. L’Arpage Saint-Genest n’a pas craint d’introduire des perroquets et des chèvres, associés aux anniversaires de deux centenaires, ou encore un coq, une poule et des lapins ! Les risques pour le secteur associatif 16 La croissance du nombre de personnes âgées fait aujourd’hui de la dépendance un problème social et financier aussi majeur que celui du chômage et de la retraite. Les « valeurs » du jeunisme et de l’hédonisme, propulsées comme le mode d’épanouissement personnel par excellence, déprécient le grand âge, pour bon nombre de Français, en le relayant à l’état de maladie et de perte. Conjuguée à la médiatisation des actes de maltraitance dans les maisons de retraite et à une vision insupportable des vieux grabataires, cette perception positionne l’aide à la dépendance sur le terrain du bien-être physique et de la prévention sanitaire. Le prolongement au domicile privé, conforté par les soins et les aides à domicile, apparaît comme la meilleure solution avant l’entrée en établissement, repoussant à plus tard le moment d’abandonner l’extrême dépendance à un environnement médicalisé qui n’a pas suffisamment de moyens et de temps à consacrer à la personne âgée. Tout est fait pour huiler le parcours de soins : la filière gérontologique est repensée pour que les liens entre le soin à domicile, l’hospitalisation et les maisons de convalescence se multiplient. Le statut de « patient » ou de « malade » reprend l’avantage sur la notion de personne. Que peut-on opposer à cette logique ? Car il faut bien l’avouer, nous sommes dans une problématique de masse qui expose la question du traitement des conditions de vie de la personne âgée dépendante à une réponse de masse : même si les mesures en faveur de la professionnalisation des métiers de la dépendance expriment le désir de prodiguer aux retraités le soin et l’accompagnement les plus pertinents, l’expérience prouve, au regard de l’histoire de l’Arefo et de l’Arpad, que le risque encouru, lorsqu’on manque de financements, c’est la prévalence du soin sur l’accompagnement et le « prendre soin ». Par ailleurs, la préférence pour le domicile privé, structure plus maniable qu’un établissement, n’atteste-t-elle pas qu’on sous-estime le caractère préventif du lien social, tel qu’il est entretenu en Arefo et en Arpad ? Et quand le gouvernement préconise la revalorisation des métiers Pour l’Arpad, c’est la notion de personne qui prévaut, et pour la logique gouvernementale, c’est celle de patient (Résidence Arpage Lannelongue, 2007) de la dépendance, c’est surtout dans le contexte de l’aide à domicile, porteuse d’emplois. Quelles pourraient être, pour l’Arefo et l’Arpad, les conséquences de la conjonction de la réforme territoriale et de cet état d’esprit qui guide la nouvelle politique de vieillesse, dans un contexte où les financements publics sont pratiquement inexistants ? Un changement d’échelle avec un préfet sanitaire Le changement d’échelle au niveau territorial s’accompagne de conditions de financement d’établissements, de procédures nouvelles de créations et de contrôle qualité, dont l’appel à projet et le CPOM, qui risquent d’étrangler bon nombre d’établissements du secteur associatif, dans le cadre d’enveloppes financières nationales bloquées. Les ARS constituent une étape dans la redistribution des pouvoirs et des charges entre l’État et les régions et dans la suppression progressive des départements. Y aura-t-il un transfert suffisant de recettes pour faire face à ces attributions élargies ? Y aura-t-il encore des financements publics pour le secteur associatif, seule source d’argent lui permettant de gérer ses établissements et de garantir des prix accessibles à ses résidents ? Que deviennent les plurifinancements par l’État, les communes, le département et les institutions de retraite ? Ces questions sont pour le moment en suspens, mais de leur résolution vont dépendre les plans du financement de tout l’immobilier social et en particulier les montants des loyers dus par le gestionnaire au bailleur social, la fixation du prix de journée (intégrant ou non la dépendance et les soins) par la nouvelle autorité de tarification, le montant de a redevance demandée au résident et enfin, les garanties de la qualité des prestations offertes en établissement Les perspectives pour demain Sous le signe de la diversité Sous le signe de la proximité solidaire Dans le même temps, la stratégie des partenaires se décante. François d’Huart, représentant d’Astria, aborde la composante géographique favorisant les synergies de proximité. Ainsi, le Nord avec Arras et Valenciennes, l’Est avec l’acquisition prochaine d’une filiale immobilière à Strasbourg et l’Ouest avec des participations importantes dans des constructions immobilières sont trois zones à privilégier. De son côté, Louis Couasnon, représentant du RSI, informe qu’à l’instar du regroupement des communes de proximité solidaires il peut être profitable de s’orienter sur l’idée d’institutions solidaires au bénéfice de 17 Un accueil de jour fait partie du projet de restructuration de la Résidence Arpage d’Epinay, qui sera rebaptisée pour l’occasion Résidence Arpage Laure Eteneau l’Arefo et de l’Arpad. Une autre piste est évoquée, également par François d’Huart : un projet architectural innovant, mixant des logements sociaux, à la fois pour résidents et salariés, sachant qu’Astria peut financer des réservations dans des logements destinés à des salariés. Arefo Services, dont le Cyclopousse constitue la première pierre, trouve toute sa place dans ce concept de proximité émergeant. Il paraît inéluctable d’y associer dans l’avenir d’autres services en collaborant avec les bailleurs sociaux, car la population vieillit dans le locatif traditionnel, et en s’affirmant davantage dans les plans gérontologiques départementaux qui sont proposés, comme ce qui se fait à Epinay-sur-Seine (couplage EHPA/EHPAD). Sous le signe de la nécessité Deux grandes problématiques, redynamiser l’offre de l’Arefo et sauvegarder l’accessibilité des Arpage aux retraités aux revenus modestes, sont d’une actualité brûlante : le renforcement de la menace qui pèse sur les logementsfoyers dans la réorganisation du secteur social et médico-social et les alignements financiers des EHPAD. Elles infligent de nouvelles contraintes aux deux associations qui sont autant de raisons supplémentaires pour souder leurs destins. AREFO ARPAD MAGAZINE N° 20 - JUIN 2012 L’augmentation du nombre de personnes âgées en situation de précarité matérielle et morale provoque l’expression de besoins nouveaux, interpelle particulièrement le secteur associatif et mobilise la volonté d’y répondre. Cette tendance s’est amorcée avec une hausse de la demande sur l’accueil temporaire et de jour, le couplage EHPA/EHPAD qui intéresse les communes, les concepts de résidences seniors, une mode ou un nouveau type d’hébergement, et d’établissements « mixtes » au cœur d’équipements multiples. Au-delà d’une évolution cantonnée jusqu’à aujourd’hui à deux types de structures, l’EHPA et la résidence avec services pour l’Arefo, et à une seule, l’EHPAD pour l’Arpad, cette diversification de solutions de relogement, sollicite la complémentarité. Elle s’accorde en cela au désir intemporel et légitime des personnes âgées d’éviter les ruptures du parcours de fin de vie. Elle renvoie à la résolution des politiques de rendre fluides les étapes du vieillissement, en privilégiant le traitement de la maladie et en l’incorporant dans une filière gérontologique resserrée, mais aussi à la détermination de l’Arefo et de l’Arpad d’être présentes dans le secteur social et médico-social en pleine évolution. Les instruments de la gouvernance et du management La communication au service de l’esprit d’entreprise : premier comité de rédaction de l’Arefo magazine, 1994 18 Une politique salariale, appuyée sur la formation La qualification et la polyvalence, pour souder les équipes Le vieillissement des retraités en EHPA comme en EHPAD, qui perdent tout doucement leur autonomie pour les uns et dont la dépendance augmente fortement pour les autres, inspire les quatre grandes orientations de la politique envers les salariés des deux associations, même si les postes recouvrent pour chacune des réalités et des domaines de compétences différents : un recrutement spécifique, une majorité de contrats de travail à temps partiel, la formation continue ainsi que la qualification et la requalification. Qualifier les collaborateurs sur le projet associatif, intégrant la vie, le soin, l’animation, signifie leur proposer une compétence élargie et une polyvalence qui soudent les équipes, rendent leurs métiers attractifs et excluent toute forme d’isolement dans leur exercice. L’Arefo aura à cœur d’associer la fonction d’hébergement à la dimension de travail social, et l’Arpad, d’abolir les barrières entre les équipes de soins et les équipes d’hébergement, avec comme leitmotiv « il n’y a pas de métiers plus ou moins nobles que d’autres. » Pour cette raison, la formation gérontologique, destinée à faire connaître la personne âgée, sera régulièrement prodiguée et approfondie. Au fil du temps, la formation va porter les effectifs et la cohérence des pratiques. Élément fédérateur des salariés, elle deviendra un outil du siège pour le conforter dans son rôle unificateur. Après quelques tentatives de recrutement de collaborateurs issus du secteur sanitaire, l’Arefo se tourne définitivement vers des personnes provenant du secteur associatif ou de l’éducation populaire, pour ses responsables comme pour le personnel non soignant, tandis que l’Arpad exclut d’emblée le champ du secteur hospitalier, préférant, pour le personnel d’accompagnement, recruter parmi les chômeurs et leur apporter une formation spécifique. La qualification et la requalification vont de pair avec l’obligation permanente de convaincre les partenaires et les autorités de tarification du bien-fondé des engagements associatifs : les politiques de vieillesse, les évolutions technologiques, une réglementation des normes de l’accueil, la contrainte de l’ajustement des prix de journée aux taux officiels de l’augmentation, et un espace de plus en plus concurrentiel, conduisent sans cesse à relever le niveau de compétence et de formations diplômantes recherché. Susciter l’esprit d’entreprise Afin de ne pas se laisser déborder par les établissements, la direction va travailler sans relâche à mettre en cohérence les pratiques d’accueil en les associant à des outils de gestion dont l’homogénéisation s’accomplit par étapes. L’effort va exiger beaucoup d’ajustements : mises aux normes sécuritaires et démarche qualité, formalisation des pratiques d’accompagnement, harmonisation des outils de travail et de gestion. Ces adaptations vont se réaliser au fil du temps avec l’embauche de collaborateurs aux compétences accrues, au sein d’un siège qui spécialise ses services, introduit les technologies dans les outils de travail et les moyens de communication et élabore des procédures de travail homogènes. Des projets dans la continuité de la vie Dans la réalité, le maintien au domicile diffus est compliqué et cher et il constitue une forme de ghetto, car il confine la personne âgée en situation de dépendance à l’horizon de son appartement ou de sa maison. Comme les projets annoncés le laissent entrevoir, l’Arefo et l’Arpad affichent d’autres ambitions, qui reposent sur la complémentarité orchestrée par un pôle développement structuré, et c’est aussi une nouvelle approche de la croissance. En se présentant unies et fortes de leurs savoir-faire respectifs, les deux associations confortent au-dehors leur crédibilité et au-dedans la cohésion ; elles La plantation du ginkgo à La Résidence Arpage Les Clairières en 2006, symbole à la fois du grand âge et de la pérennité associative. acquièrent toute légitimité, au sein la concurrence, à proposer une « panoplie » riche de réponses aux étapes de la perte de l’autonomie, qui font que l’on quitte son domicile diffus pour entrer dans un établissement. Par leur vocation, elles se veulent porteuses également de mixité sociale. Cela ne signifie pas qu’elles vont créer des structures fourretout, accolant des problématiques de vie peu compatibles, mais elles s’attellent à imaginer des structures complémentaires qui, par leur proximité et une équipe commune, peuvent offrir, de l’autonomie vers la dépendance, une évolution sans rupture violente du mode de vie et de l’hébergement. Ainsi, le couplage EHPA/EHPAD commande une vision des besoins de la personne âgée dans la continuité, depuis l’âge de la retraite jusqu’à la mort, dans l’extrême variation des capacités résiduelles individuelles. Et en même temps, si l’on juxtapose les deux établissements, en considérant qu’il n’y en a qu’un, on efface quelques différences notables au niveau du personnel. Un seul directeur, cela change la donne et aura pour effet de ne pas accroître les difficultés d’aujourd’hui. Toute réflexion sur la croissance conduit naturellement vers ce type de structure qui s’apparente à un mariage entre les deux spécificités associatives. Considéré comme tel, le jumelage EHPA/EHPAD, qui fait intervenir sans discontinuité toute la filière gérontologique et gériatrique, ne semble-t-il pas proposer une conclusion heureuse à une cohabitation vieille de 20 ans ? L’axe de la mixité sociale et de l’intégration dans la cité peut déboucher sur l’insertion d’EHPA ou d’EHPAD au cœur de logements familiaux, dotés d’équipements commerciaux et de services animés par un réseau gérontologique et gériatrique. Il présente une forte cohérence avec le développement de l’Arefo Services, que l’entité, à l’instar du Cyclopousse, entend poursuivre par la création de services qui diversifient les liens entre l’établissement, qu’il soit EHPA ou EHPAD, et son environnement. 19 AREFO ARPAD MAGAZINE N° 20 - JUIN 2012 Au regard du poids démographique, qui est une raison d’espérer de la croissance pour l’Arefo et pour l’Arpad, il va falloir concevoir d’autres formules pour aider les personnes âgées à vivre dignement et inventer des solutions économiques conjuguées à la démarche sociale, en faisant très attention à ce qu’elles aient du sens, contrairement à celles prônées aujourd’hui. Par exemple, la législation nouvelle est une manière de remédier au déficit structurel de l’accueil des personnes âgées, mais sans relais approprié : si elle décide de maintenir les gens chez eux, elle doit multiplier son offre de services d’aide à la vie quotidienne mais aussi d’accompagnement de la vie sociale. Les choix politiques de la gouvernance Au fur et à mesure que le siège et la direction générale assoient leur pouvoir, ils se font le porte-parole de l’ensemble des instances dirigeantes, à travers un discours qui exprime la philosophie mais aussi la sensibilité politique de l’Arefo et de l’Arpad. Les orientations politiques associatives s’affirment aujourd’hui sans ambiguïté. Elles soutiennent l’identité culturelle des deux associations qui ne cessent de proclamer leur fidélité aux choix d’origine en dénonçant avec vigueur les positions économiques et sociales d’un pouvoir qui les fragilise. Elles rappellent de manière officielle auprès du secteur associatif et des partenaires institutionnels les spécificités aréfiennes et arpadiennes. Et, avec ce livre, qui est en quelque sorte le couronnement de cette démarche, elles marquent la volonté de démontrer la continuité entre les exigences du passé et celles du futur, quels que soient les gouvernements qui se succèdent. La radicalisation, ou plutôt la clarification, du message politique ne s’est pas faite en un jour. Plus que politique, c’est une vision humaniste qui anime les choix d’origine et les statuts. Bien sûr, l’Arefo et l’Arpad affichent leurs convictions tout au long de leur développement, face aux politiques de vieillesse que souvent elles doivent subir. Mais, pendant de longues années, le discours demeure philosophique. Les vagues réformatrices contraignent l’Arefo et l’Arpad à se positionner 20 Les réformes de 1997 puis de 2002 commandent aux deux associations de se positionner dans le secteur social et médico-social. L’Arefo va s’opposer à la nouvelle tarification et se lancer dans le rapport Grunspan pour se battre pour toutes ses spécificités : défense du forfait de soins courants, non classification des logements-foyers en type J, GMP en dessous de 300, et aujourd’hui, forfait d’autonomie. L’Arpad, quant à elle, mène la lutte, lorsqu’elle passe au conventionnement tripartite, pour ne rien céder de son ambitieux projet de vie. Le message politique, clairement installé depuis 2003, éclaire l’action de l’Arefo et de l’Arpad au sein des vagues réformatrices qui bouleversent le paysage social et médico¬social et le contexte économique qui ébranle l’accès des plus démunis au logement-foyer comme aux EHPAD. Cette coloration fait écho aux procès-verbaux qui, dans la tourmente, réfutent des voies qui pourraient contredire les choix originaux. En s’accentuant, elle est à la mesure des déceptions qui s’accumulent au regard de promesses non tenues et aux incertitudes grandissantes : incertitude économique, incertitude face à la concurrence du secteur commercial, incertitude face à la voie de la sanitarisation qui se précise, Alain Lecerf, directeur général, Marilys Collet-Berling, directeur général délégué et Jean-Louis Stevens, président (accompagné d’Anne-Marie Réali, son assistante à l’Isica), un trio de l’Arefo et de l’Arpad uni par une même détermination. incertitude face à la réorganisation territoriale et aux nouvelles procédures de création d’établissements, incertitude face à la création d’un 5e risque… C’est que, en dépit des obstacles provoqués par des décisions gouvernementales ou des oublis, comme l’absence des logements-foyers de la réforme de 1997, l’Arefo et l’Arpad s’obstinent dans la voie pour laquelle elles se sont créées. Pour exemple, elles évoquent, dans le combat qu’elles mènent pour leurs projets de vie, en 2005, le silence radio du gouvernement sur le rapport Grunspan, tombé aux oubliettes, elles dénoncent, déjà en 2005, les risques du financement mixte du 5e risque, en 2006, la pénurie des places en EHPAD tandis que les tarifs grimpent, et en 2007, la concurrence du secteur commercial qui bénéficie de financements privés. Alain Lecerf résume ainsi tout l’engagement associatif : « Nous devons réaffirmer notre appartenance au mouvement associatif inscrit dans une économie sociale et solidaire. » « Notre secteur se veut être porteur de valeurs de solidarité, de partage, d’équité. Cette démarche originale est, certes, difficile à mettre en œuvre, mais elle conduit à n’avoir comme centre d’intérêt et comme priorité que la seule personne accueillie. Résidentes de l’Arpage Stenhuis à Saint-Omer Elle s’inscrit naturellement et trouve alors tout son sens dans la loi sociale du 2 janvier 2002. Notre activité n’a pas pour objectif une rentabilité financière à servir, mais de servir la personne que nous accueillons. En fin d’exercice, les résultats économiques, s’ils sont excédentaires, seront naturellement réinvestis dans l’activité même, au profit de celles et ceux que nous accueillons. Il faut, à tout prix, éviter de laisser la place aux seules opérations financières, où les seuls qui offriraient aujourd’hui de nouvelles places seraient les opérateurs cotés sur le marché boursier ! Nous continuons à revendiquer auprès des pouvoirs publics, et de celles et ceux qui sont récemment arrivés au pouvoir, des actes forts pour retrouver une vraie capacité à créer des projets ouverts à tous et à toutes les bourses, notamment les plus modestes. Il faut que les différents plans annoncés au cours des trois dernières années soient suivis d’effets. » Tandis que, dans celui de l’Arefo de 2009, il exprime son extrême réserve devant la préférence affichée par les gouvernants actuels pour le domicile diffus, dont les limites se cognent à celles des personnes âgées ni assez autonomes pour rester chez elles et ni assez dépendantes pour entrer en EHPAD : « Nous n’avons eu de cesse d’affirmer, depuis le milieu des années 80, que le nombre des personnes en perte d’autonomie devait certes progresser, mais moins fortement qu’à l’époque la plupart des acteurs du secteur avaient pu le laisser croire, mais qu’en revanche, celui des personnes en bonne santé ou à autonomie maîtrisée, selon notre formule, devait croître de façon encore plus élevée. La réforme de la tarification de 1997 est en train de montrer ses limites ; elle focalise une fois de plus sur la gestion comptable du vieillissement et des réponses apportées. Cette politique engendre d’un côté des établissements de type Arefo mais dont la population accueillie ne peut pas, ou très peu, relever des GIR autres que 5 et 6 et, de l’autre, des EHPAD dont le GMP moyen est en train de se rapprocher de 800. C’est donc, avec le maintien à domicile diffus et son cortège de limites, le choix qui va se présenter, demain, à une personne de GIR 3 ou 4. C’est le seul choix qui lui sera proposé, qui nous sera opposé. C’est donc faire bien peu de cas de la réalité et de la capacité des personnes à « choisir » et à être libres ! » 21 AREFO ARPAD MAGAZINE N° 20 - JUIN 2012 Ces valeurs de solidarité et de partage, menacées par notre culture consumériste et du chacun pour soi et par la tentation de faire de l’argent avec les vieux, Alain Lecerf les revendique haut et fort dans Profil et Visions Horizon 2009 du rapport d’activité 2008 de l’Arpad : La force d’une conviction, une aventure personnelle ! Le 4 août 2008 voit le démarrage du travail qui conduira à la publication de La force d’une conviction, au tout début janvier 2012. Témoignage de Geneviève Charbonneau, rédactrice de l'ouvrage. Comment avez-vous procédé pour répondre à sa commande ? Tout d’abord, je m’attaquai aux archives des associations engrangées depuis plus de quatre décennies : rapports d’activité, procès-verbaux des conseils d’administration, rapports financiers, dossiers de construction des établissements, études de projets… Ces sources écrites ont représenté des milliers de pages. 22 Quels furent les objectifs de votre commanditaire ? En juillet 2008, Alain Lecerf, directeur général de l’Arefo et de l’Arpad, me demanda d’écrire un livre pour raconter l’histoire des deux associations. Capitaine du navire depuis 1989, il voulait léguer à ses collaborateurs un outil de transmission des valeurs édifiées par l’Arefo et l’Arpad pendant presque un demi-siècle, afin d’éclairer les engagements d’aujourd’hui. Sa seule recommandation était de ne rien laisser dans l’ombre. Pour le reste, il me laissa carte blanche ! Les rapports d’activité en présentant la vie quotidienne en établissement, proposaient une représentation des résidents et de leurs attentes et faisaient émerger tout le questionnement de l’Arefo et de l’Arpad sur la perte de l’autonomie, la réglementation de la dépendance et la concurrence. Les procès-verbaux, avec leurs débats inlassablement répétés au fil du temps, mettaient au clair les problématiques de développement, de financement, de pérennisation et les stratégies de gestion, tout en dessinant la complexité des relations humaines. Par ailleurs, pour replacer mon récit dans son contexte historique, politique, social et réglementaire, j’ai compulsé beaucoup de sources institutionnelles, d’ouvrages sur le secteur social et médico-social, sur le logement social et les principaux textes juridiques. La diversité de ces informations m’a décidée à organiser ce récit en quatre parties distinctes : les fondations, le combat pour les valeurs, les phases et la stratégie de développement et le rôle de la gouvernance et du management qui ont présidé aux destinées et à l’évolution des deux associations. Ensuite, j’ai confronté mon interprétation de ces écrits à la parole des témoins, notamment, Laure Eteneau, la fondatrice, dont la disparition brutale m’a frustrée de nouvelles rencontres. Et bien sûr, au fur et à mesure que mon texte prenait forme, j’ai longuement échangé avec Jean-Louis Stevens et Alain Lecerf. Quels sont les moments forts de votre écriture et qu’est-ce que livre vous a apporté sur le plan personnel ? Ces trois années et demie d’écriture demeurent un moment fort de ma vie. J’ai exploré, parfois avec effroi, le cheminement vers la vieillesse, sa richesse et sa fragilité. Et cela me questionne vigoureusement. J’ai découvert les pratiques d’accueil de l’Arefo et de l’Arpad, légitimées par la fidélité à des valeurs qui peuvent se prévaloir du beau nom d’humanisme ! Et cela m’a remplie d’admiration. J’ai compris que l’obstination est la condition de l’incarnation de l’utopie. Et cela m’a contrainte à la modestie. J’ai vécu l’écriture de ce livre comme une aventure qui m’a entraînée vers des contrées et des rivages dont je ne soupçonnais ni l’intense détresse, ni la formidable lumière. Moi aussi, j’ai été emportée par la force de cette conviction qui anime depuis les origines l’Arefo et l’Arpad dont, à travers ce récit, je suis également devenue un témoin des plus fervents, mais aussi des plus humbles. Naissance d’un livre La force d’une conviction • Recherche iconographique. 22 juin 2011 • Remise des textes à l’imprimeur Ecoprint. Septembre 2011 • Accord de Michel Serres de l’Académie française, de publier en exergue du livre, un extrait de la préface d’un de ses derniers ouvrages Habiter (Editions du Pommier, 2011). 4 janvier 2012 • Réception du livre. 28 Janvier 2012 Janvier 2008 • Décision d’écrire l’histoire des associations prise par Alain Lecerf, directeur général de l’Arefo et de l’Arpad. Juin 2008 • Rencontre avec Geneviève Charbonneau pour lui confier le travail d’écriture. Entre août 2008 et décembre 2010 •L ecture de l’ensemble des archives conservées par les associations (comptes rendus des conseils d’administrations, rapports d’activité annuels, magazines, bulletins internes, plaquettes, revue de presse, notes diverses…) et rédaction du livre. Entre mars 2009 et décembre 2010 • Rencontres avec les personnalités qui ont marqué l’histoire des associations et les ont accompagnées (anciens présidents, administrateurs, collaborateurs…) • Présentation du livre aux administrateurs, aux équipes d’encadrement et aux collaborateurs du siège lors de la traditionnelle soirée des vœux. Depuis février 2012 • Présentation du livre au sein des établissements de l’Arefo et de l’Arpad et remise du livre aux collaborateurs et relations. Depuis mai 2012 • Communication auprès des hommes et femmes politiques. 28 juin 2012 • Présentation et lancement national du livre à l’ensemble des partenaires et aux médias à la Maison des Polytechniciens à Paris. À partir du 29 juin 2012 • Communication externe en direction des résidents et de leurs familles, partenaires institutionnels et historiques, étudiants, universités et centres de formation, grand public… •C ommunication en ligne sur le site Internet de l’Arefo et de l’Arpad. •C ommunication auprès des partenaires institutionnels, nationaux, locaux et territoriaux. •C ommunication auprès du milieu littéraire (bibliothèques, librairies…) •C ommunication auprès de divers supports médias. Lectorat • Les salariés et les anciens salariés. • Les résidents, leurs familles et amis. • Les institutions de retraite réservataires et partenaires. • Les sociétés HLM ou immobilières propriétaires. • Les communes dans lesquelles sont implantés les établissements. • Les collectivités territoriales. • Les organismes, groupements, unions et associations concernés par l'accueil et l'accompagnement des personnes âgées et par l'action sociale de manière générale. • Les professionnels du milieu social et médico-social. • Les partenaires locaux. • Les librairies spécialisées. 23 Les bibliothèques • Les universités et centres de formation du secteur sanitaire et social. • Le grand public. Quelques chiffres • Impression en 3 000 exemplaires. • Format : 24 cm L × 30 cm H. • 500 pages, soit 2,5 millions de signes. • Poids du livre : 2,5 kg. • 450 photos retenues sur 10 000 photos visionnées. • 3 ans et demi de recherche, d’écriture et de relecture, soit plus de 7 000 heures de travail. AREFO ARPAD MAGAZINE N° 20 - JUIN 2012 Entre mai et septembre 2011 La force d’une conviction Il y a presque 50 ans, une petite graine a été semée, avec une conviction inébranlable. Fortifiée par les épreuves, elle s’est enracinée dans la vie et a donné naissance au grand arbre Arefo-Arpad et aux 56 rameaux qui étoffent leur tronc commun. Le ginkgo biloba, l’arbre aux quarante écus, l’arbre qui a vaincu le temps, n’est-il pas, à juste titre, le symbole de la pérennité de nos associations, de l’alliance entre l’Arefo et l’Arpad, mais aussi de cette étincelle de lumière que nous espérons tant voir briller dans le regard de nos aînés ? Alain Lecerf, Plus d'informations : 01 42 68 41 35 39 e AREFO ARPAD MAGAZINE N° 20 - JUIN 2012 Directeur général de l’Arefo et de l’Arpad