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Journée mondiale du théâtre 2016 Message canadien par Sky Gilbert Traduction de Lisa L’Heureux T’es chez toi, assis dans ton fauteuil préféré – avec ton animal de compagnie sur les genoux (un chat ? un chien ? un lézard ?). Tu vas sur Internet. T’aimes ça parce que tes films, tes jeux, tes émissions de télé préférés sont tous au bout de tes doigts. T’aimes ça aussi parce que ça te dit qui tu es. Quand tu vas en ligne, tu découvres toutes sortes de choses à ton égard. Si t’achètes quelque chose en ligne, tu reçois un petit message cute qui te dit « Je sais ce que t’aimes… pourquoi t’essaies pas ça aussi ? » Mais attends. Et si tu sortais de chez toi ? Après tout, tu pourrais aller au Starbucks. Mais ça, ça serait pas pareil comme t’asseoir dans une pièce remplie de gens qui font tous semblant d’être tout seuls chez eux ? Ou pourquoi pas aller au cinéma ? Ouais, au cinéma. Il va y avoir des étrangers. Mais il va faire noir. Tu te sens chez toi au cinéma parce que les films aussi te disent qui tu es. Si t’es vieux — ils vont te montrer des bandes annonces de films avec Maggie Smith. Si t’es jeune — ils vont te montrer des bandes annonces avec des filles blondes aux yeux bleus qui chantent des tounes dans un palais de glace. Et si t’allais voir une pièce de théâtre ? Eh ben… Pourquoi pas ? Quand t’arrives, tu découvres que c’est pas très grand. Genre il y a une trentaine de places. Comment ça peut être une bonne pièce s’il y a rien que 30 personnes qui l’écoutent ? Et le fauteuil où t’es assis est moins confortable que celui que t’as à la maison. Le spectacle est à veille de commencer et tu réalises qu’il y a rien qu’une dizaine de personnes dans la salle. Et le programme indique qu’ils sont juste cinq dans la distribution ! Ah non ! Si tu ris trop fort, tu pourrais déranger ton voisin. Mais si tu ris pas assez, ça pourrait faire de la peine aux comédiens. Et qu’est-ce qui arrive si c’est pas une comédie ? Et là la pièce commence. Ah non. Ils disent des gros mots. Des mots que tu dirais jamais chez toi. T’es pas venu au théâtre pour entendre ça ! Et les idées ! L’auteur a des opinions étranges, des opinions radicales — et t’es pas d’accord avec. Il y a des gens qui rient. D’autres pleurent. Et certains réagissent même pas. Devrais-tu sortir maintenant — en faisant du bruit — en faisant une scène ? Ou devraistu tout endurer en silence et t’éclipser une fois que c’est fini ? Enfin c’est terminé. T’es en maudit, humilié, et gêné. Ils allument les lumières. Quelqu’un passe le balai. Tu regardes autour de toi avec un air gêné. Et là tu réalises qu’il y a quelqu’un assis à côté de toi. Comment ça tu l’avais pas remarqué ? Tu tournes légèrement la tête et tu regardes. C’est… c’est une femme âgée ! Très âgée. Et elle est… elle est d’une couleur différente de toi. Elle parle. Avec une voix rauque, une voix cassée. T’es presque pas capable de la comprendre à cause de son accent. « J’ai aimé ça », qu’elle dit. « Qu’en avez-vous pensé ? » Tu sais pas quoi faire ni quoi dire. Ça se peut que tu sois pas d’accord avec la petite madame qui a l’air très aimable et très, très, très âgée. Puis, pris de panique, tu te surprends à penser à la pièce. Tu te rends compte qu’en plus de t’avoir fait réfléchir, ça t’a aussi fait ressentir de quoi. Et là, tu réalises que… eh ben… tu sais pas ce qui se passe ! T’as des frissons dans le dos. Puis c’est vraiment étrange… comme si… comme si… comme si tu pensais et tu ressentais de quoi en même temps ! Tu penses et tu te sens perplexe, en amour, en colère, passionné, effrayé, sexy — et un peu tout mélangé ! Mais coudon, qu’est-ce qui se passe ? Puis là tu te tournes vers la femme. T’ouvres la bouche. Puis là tu — tu parles.