L`autre festival de Bourges
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L`autre festival de Bourges
lumières EXTÉRIEURES e maire de Bourges, Serge Lepeltier, n’a pas manqué d'ambition lorsqu’il a confié, en 1999, à deux scénographes réputés le parcours Lumière de Bourges. Christine de Vichet et Philippe Noir avaient à leur actif les Imaginaires du Mont Saint-Michel et ceux d’Azay-le-Rideau. Si le résultat promettait d'être imposant, l'investissement de 1,5 M€ (10 MF) ne l’a pas moins été pour cette ville de 75 000 habitants. Mais le jeu en valait la chandelle. « Nous voulions quelque chose qui puisse donner aux Berruyers de quoi se réapproprier leur patrimoine, mais aussi retenir la nuit les visiteurs de passage », indique le sénateur-maire. Ainsi est née l'idée des Nuits Lumière de Bourges qui recevaient en septembre le premier prix du concours Lumières 2002 organisé par le Serce chaque année depuis 1987. PARCOURS LUMIÈRE L’autre festival de Bourges Photo M.-Y. Brandily Les Nuits Lumière de Bourges ont reçu leur consécration officielle en septembre, en obtenant le premier prix du concours Lumières organisé par le Serce et Philips Eclairage. Depuis 2000, ce parcours a attiré 190 000 personnes. Retour sur une scénographie exemplaire. L Pour les deux scénographes le pari était intéressant : « Nous devions transposer nos deux expériences précédentes à un espace ouvert et urbain, et prendre en compte les rues, les habitants, la vie, l'environnement », raconte Christine de Vichet, animatrice avec Philippe Noir du cabinet Itinérance. La spécificité du travail d'Itinérance est de concevoir des parcours spectacles d’un genre nouveau : s'ils mettent bien en œuvre éclairage événementiel et ambiance sonore, l'animation n'est pas confiée à quelque troupe de théâtre. Des projections de tableaux de maîtres, accompagnées de morceaux choisis de musique évoquent l'histoire des édifices. Les murs Les Nuits Lumière de Bourges ont attiré 190 000 visiteurs pour 366 représentations entre 2000 et 2002. Cette réussite touristique a dopé le commerce local à tel point que, cette année, le plus bel hôtel de la ville affichait 90 % de fréquentation en arrière-saison. Seul inconvénient, les frais d'exploitation, de fonctionnement et de maintenance représentent 10 % du montant de l'investissement, soit 150 000 €/an. 52 LUX n° 220 - Novembre/Décembre 2002 Lanternes de style Ragni : équipées de deux sources avec un système d’aiguillage permettant le passage de l’éclairage bleu à l'éclairage public. Scénographie : encastrés de sol dichroïques 50 W gradables ( scénographie). Ville (ombres, éclairage de détails architecturaux) : encastrés de sol dichroïques. Détails architecturaux : réglettes agabekov xénon 2700 K à grande durée de vie et réglettes fluorescentes. Scénographie : réglettes fluorescentes Julia. Projections : projecteurs de diapo Kodak (petites images) et Cyclope (grandes images). Pour la cathédrale : • Réglettes fluorescentes en toiture, température de couleur 4200 K, • Façade : lampes aux halogénures métalliques à brûleurs céramique (les cinq porches) pour la gradation de la lumière ; projecteurs aux lampes au sodium blanc. et l'architecture sont les acteurs. L’éclairage, tantôt statique, tantôt dynamique, permet de souligner l'architecture (murs à médaillons, escalier ouvragé), tout en la faisant servir au propos de la scénographie (voir encadré). Un exemple : le couvent des Augustins, à Bourges, lieu de recueillement et de paix, prête les arcades de son déambulatoire à la mise en scène de tableaux de Fra Angelico (XIVeXVe siècles) : des anges musiciens ou annonciateurs apparaissent sur le mur du fond. Le concepteur lumière Vladimir Lyszczynski, chargé de l'éclairage mobile des Nuits Lumière, raconte : « Les arches sont d'abord éclairées par les encastrés dichroïques. Puis l'image projetée apparaît. Peu à peu la lumière des encastrés s'atténue, les anges semblent flotter dans l'espace. Une lumière colorée fournie par des réglettes fluorescentes quadritubes (1) efface peu à peu la projection. » Ces séquences durent plusieurs minutes, pendant lesquelles le spectateur écoute une musique baroque de Claudio Monteverdi. Le fil bleu d'Ariane Ces scénographies constituent le principe fondateur du travail d’Itinérance. La spécificité du projet de Bourges est d’assurer la continuité de la scénographie dans le tissu urbain. Il faut un lien entre les édifices pour amener le visiteur d'un monument à l'autre sans rupture de trajectoire et sans l’extirper brutalement de l’ambiance onirique. Pour éviter d’installer une signalétique ▼ ▼ ▼ Les anges de Fra Angelico Matériels Photo M.-Y. Brandily lumières EXTÉRIEURES Serge Digoin-Danzin dressent le bilan de treize années de concours Lumières. Le premier est directeur général du Serce, le deuxième, qui a participé au jury du concours 2002, est président de la commission éclairage public du Serce. POURQUOI AVEZ-VOUS ATTRIBUÉ LE PREMIER PRIX DU CONCOURS LUMIÈRES 2002 À LA VILLE DE BOURGES ? FRANCIS BOUQUILLON ET SERGE DIGOIN-DANZIN • C'est une scénographie com- plète, forte et subtile, dont la cohérence répond parfaitement aux critères de qualité, de pertinence et de technicité que nous avons définis. LE CONCOURS A FÊTÉ SA 13E ANNÉE. QUEL BILAN DRESSEZ-VOUS DES 12 OPÉRATIONS PRÉCÉDENTES ? F.B. et S.D.-D. • Notre mission est de favoriser la créativité par l'exemplarité. Au fil des concours, de nombreux élus ont ainsi acquis une vision neuve de la vie nocturne de leur patrimoine, et osé l'aventure. Même les plus modestes. Nous avons ainsi accordé le deuxième prix à la ville de Saint-Simon, dans le Cantal, qui a réalisé un éclairage très intelligent avec peu de moyens. De notre côté, nous avons fait évoluer la notion de patrimoine. A l'origine, le concours primait des monuments historiques. Aujourd'hui il s'intéresse aux sites, comme la ville Bourges, aux constructions modernes, aux ouvrages d'art. Nous primons aussi la fonction sociale des éclairages qui font revivre un quartier tout en assurant la sécurité. POUVEZ-VOUS NOUS DIRE COMMENT FABRICANTS ET INSTALLATEURS APPORTENT LEUR PIERRE À L'ÉDIFICE ? F.B. et S.D.-D. • C'est simple. Les fabricants proposent des produits dont la sécurité s'accroît et qui nécessitent moins d'entretien. Ils fournissent des modes d'emploi de plus en plus détaillés. Quant aux installateurs, ils jouent souvent un rôle de conseillers techniques auprès des collectivités de taille petite ou moyenne. Cela contribue globalement à l'amélioration des réalisations et peut aussi favoriser les projets modestes. ▼ ▼ ▼ peu propice au rêve, c'est à la lumière qu'a été confié le soin de guider le spectateur. « Un éclairage ambiant bleu signale, comme un fil d’Ariane, le chemin à suivre. Le bleu est la couleur du rêve. Il ne rompt pas l'ambiance, mais la prolonge », poursuit la scénographe. Pour obtenir ce bleu, le concepteur lumière Pierre Bideau, chargé de tous les éclairages statiques du parcours, a imaginé d'intégrer une deuxième source dans les lanternes de rue. Pour prendre en compte l'environnement social et historique, les rues elles-mêmes participent à la découverte du vieux Bourges. Un 54 LUX n° 220 - Novembre/Décembre 2002 éclairage spécifique, réalisé par Pierre Bideau avec des encastrés de sol et des réglettes xénon de marque Agabekov, a ainsi permis de mettre en valeur des porches remarquables et des maisons à pans de bois. La cathédrale en gloire La cathédrale Saint-Etienne, chefd'œuvre d’art gothique classé au patrimoine mondial par l'Unesco, est évidemment le point d'orgue du parcours. Commençant son cheminement dans les jardins de l'archevêché, le visiteur ne cesse de la contourner jusqu'au moment où les cinq tympans et ses deux tours apparaissent dans toute leur beauté. La toiture d'ardoise, mise en valeur par des réglettes fluorescentes placées en corniche, sert de repère visuel tout au long de la visite. Vue de dos, la cathédrale présente ses arcsboutants éclairés en contre-jour, les contreforts restant dans le noir. L’éclairage des murs de l'édifice monte progressivement en puissance, doux au sol puis intense aux sommets. Un parti pris renouvelé sur la façade, dont les détails sont surlignés par un éclairage spécifique. La partition s’achève sur cette mise en gloire. L'aventure de cette création fut un travail d'équipe étroit entre scénographes, concepteurs lumière, ingénieurs du son et iconographes. Mais, tous le répètent, il ne faut pas oublier d’autres acteurs, dont on parle trop peu et sur qui parfois tout repose : « Les services de la ville et les entreprises, notamment l'installateur AEB, nous ont remarquablement compris et épaulés. Sans eux, ce parcours spectacle n'aurait peut-être pas aussi bien fonctionné », résume Christine de Vichet. A.L. (1) Les réglettes fluorescentes sont accrochées à la face arrière des arches. Les quatre tubes, un rouge, un vert, un bleu, un blanc, sont commandés par un système de gradation qui permet d’obtenir les teintes désirées et de faire varier l’intensité, le blanc servant à créer des teintes pastel. LES INTERVENANTS Treize ans de concours Lumières. Francis Bouquillon et > Maître d’ouvrage : Ville de Bourges > Scénographes : Philippe Noir et Christine de Vichet (Itinérance) > Lumière : Pierre Bideau (cathédrale et rues), Vladimir Lyszczynski (monuments historiques) > Son : Daniel Dehays > Images : Serge Fouillet > Réalisation et coordination technique : AEB > Défilants : Cyclope > Pilotage et encodage : Electrosonic