Socio-économie de l`environnement et du développement

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Socio-économie de l`environnement et du développement
Socio-économie de l’environnement et
du développement durable :
état des lieux et perspectives
Bruno BOIDIN et Bertrand ZUINDEAU1
P
arler de socio-économie renvoie à la mise en rapport de deux instances, la
"société" et "l'économie", et conduit à postuler que pour un objet donné,
l'économie de cet objet n'est pas indépendante de rapports sociaux plus larges,
prenant une forme particulière, dans un contexte historique donné. D'un point
de vue épistémologique, il en résulte que l'analyse économique de l'objet doit se
compléter, ou mieux, s'inscrire, dans une analyse sociologique de l'objet. À la
manière de la sociologie économique, les deux approches sur ce point sont
difficilement distinguables, la socio-économie aborde l'objet économique
comme une construction sociale, prononçant ainsi une rupture avec la théorie
économique standard ; celle-ci passant généralement sous silence les éléments
de construit social pour privilégier des fondements universalistes a-historiques
(en particulier une rationalité universelle, calculante et optimisatrice).
Cependant, parler de socio-économie de l'environnement élargit le jeu entre les
deux instances à une troisième, "l'environnement". À la différence des autres
objets économiques, dont on peut volontiers reconnaître la dimension sociale et
uniquement sociale, l'environnement ne peut, à l'évidence, se dissoudre
analytiquement dans le social. Non qu'il n'ait pas de lien avec le social. Mais
l'environnement renvoie aussi et même principalement à des déterminations
relevant d'autres champs : biologie, géologie, chimie… Une première image
peut être risquée, pour illustrer cette idée : l'économique s'inscrit dans le social,
qui s'inscrit dans la nature. En mobilisant le concept polanyien d'
"enchâssement", nous pourrions dire également que, dédiée aux questions
environnementales, l'économie est porteuse des conséquences d'un "double
enchâssement" : par rapport à la société, conformément à l'idée polanyienne
traditionnelle, mais aussi par rapport à la nature elle-même. Toutefois, la
1
CLERSE (IFRESI-CNRS), Université Lille 1 [email protected]
[email protected].
Nous remercions les deux rapporteurs pour leurs remarques et suggestions qui ont permis de
clarifier un certain nombre de points. Les éventuelles erreurs et limites demeurent, toutefois,
de notre seule responsabilité.
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Bruno BOIDIN et Bertrand ZUINDEAU
référence à l’enchâssement ne doit pas mener à une position déterministe
laissant supposer une dépendance stricte, successivement des lois de
l'économique par rapport au social et du social par rapport aux lois de la nature.
L’enchâssement s’appuie sur des interrelations reliant les trois champs
envisagés. Le rapport économique à l'environnement est par conséquent à
rapprocher de causes proprement économiques, par exemple un prix relatif de
ressources naturelles, des éléments de construits socio-historiques - par
exemple la prégnance des formes réglementaires dans un cadre
interventionniste donné -, et enfin des déterminations propres au système
naturel lui-même - situation particulière d'une ressource, chacun de ces
éléments n'étant pas lui-même exempt de rapports avec les deux autres
instances. Étendre la problématique de l'environnement à celle du
développement durable rend certainement plus propice encore une telle vision.
En effet, suivant sa définition même, en tout cas celle qui recueille le consensus
le plus large, le développement durable se présente comme une approche - ou
un "projet" (Zaccaï, 2002) si l'on met plutôt l'accent sur sa dimension de
transformation du réel, articulant les trois composantes que sont l'économique,
le social et l'environnemental.
Dès lors, une stricte sociologie économique de l'environnement ne paraît pas
pouvoir répondre à l'enjeu d'une prise en compte de l'environnement par les
sciences sociales. Mais il est possible que la socio-économie y parvienne
davantage, si l'on accepte de reconnaître, à l'instar de Richard Swedberg, qu'elle
"diffère de la nouvelle sociologie économique par ses ambitions qui sont, non
pas sociologiques, mais interdisciplinaires" (Swedberg, 1997, 238).
L'interdisciplinarité semble en effet requise s'il s'agit d'intégrer dans l'analyse des
éléments d'explication ayant trait aux "lois" animant le référentiel
environnemental. Des disciplines telles que la biologie, la chimie, l'écologie, etc.,
sont à mobiliser avec profit pour appréhender la question du rapport
économique à l'environnement, dans toute son étendue et dans toute sa
complexité.
La socio-économie de l'environnement et du développement durable ne fait pas
figure de corps théorique constitué et reconnu. Les auteurs qui s'en réclament
explicitement sont en définitive peu nombreux2. C'est plutôt à titre de
démarche générale que nous souhaitons l'appréhender ; une démarche qui
minimalement reconnaîtrait l'emboîtement des trois instances que sont
l'économique, le social et l'environnemental, le "double enchâssement" évoqué
auparavant, et privilégierait une approche interdisciplinaire de l'objet étudié. La
démarche socio-économique de l'environnement ainsi définie, la question se
pose de savoir comment se positionnent à son égard les diverses constructions
théoriques de l'économie de l'environnement. Des interrogations plus précises
2
Une exception notable est fournie par Beat Bürgenmeier, auteur de plusieurs ouvrages et
articles en économie de l'environnement (2000a, 2000b) et du développement durable
(2005) et qui est l’un des promoteurs de la socio-économie en général, de langue française
(Bürgenmeier, 1994).
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émergent alors : quelle est la place conférée aux processus de construction
sociale ? Comment sont approchées les interrelations unissant économie,
société et environnement, à supposer qu'elles soient reconnues comme objet
d'analyse pertinent ? Quels modes d'appréhension du rapport économique
particulier à l'environnement en résulte-t-il ? Quelles leçons en déduisent les
économistes concernés, en termes de gestion de l'environnement ?
Face à ces différentes questions, un axe de clivage fort distingue les
constructions ressortissant à la théorie néoclassique3 de conceptions
hétérodoxes, aussi variées que soient ces dernières. C'est vis-à-vis des deux
caractéristiques du "double enchâssement" et de la valeur de l'interdisciplinarité
que se séparent les deux ensembles. Pour l'essentiel, et quand bien même n'en
nierait-elle pas l'existence, l'approche standard ne reconnaît pas la pertinence
heuristique du "double enchâssement". Elle prétend, en quelque sorte, ne pas
en avoir besoin pour expliquer les comportements économiques face à
l'environnement. Partant, l'interdisciplinarité ne revêt pas d'intérêt particulier
pour la démarche de connaissance. L'environnement est ici considéré comme
un "monde extérieur", entrant en rapport avec l'économique, et l'explicitation
de ce rapport, si singulier puisse-t-il apparaître, se résout en réalité par la
mobilisation d'une axiomatique tout à fait "traditionnelle", laissant une place
exclusive aux arguments généraux de la rationalité individuelle, substantielle et
a-historique. Avec des traitements certes différenciés, cette approche est, en
fait, commune aux deux corps que sont l'économie des externalités
environnementales et l'économie des ressources naturelles. On la retrouve
également dans l'approche dynamisée de l'environnement qu'est celle de la
"croissance soutenable". L'ensemble de cette première lecture, appliquée aux
trois composantes que sont l'analyse des externalités environnementales, la
gestion des ressources naturelles et la problématique de la croissance
soutenable, sera traitée dans une première partie qui intégrera aussi la critique
de cette position ; une critique notamment conduite à partir de l'approche
écologique, mais s'appuyant de même sur l'idée que le rapport économique à
l'environnement relève d'un construit social.
Cette critique servira de transition à la présentation du deuxième ensemble de
constructions (partie 2), dont on peut dire qu'elles souscrivent à l'idée du
"double enchâssement" et qu'elles se montrent plutôt, voire très favorables à
l'interdisciplinarité. Un certain nombre de conceptions seront de cette façon
passées en revue et examinées à l'aune de ce double critère. Nous nous
attacherons à des conceptions bien installées dans le champ de l'économie de
l'environnement : approche institutionnaliste de l'environnement, économie
écologique, mais également à des développements théoriques plus récents,
ayant donné lieu à une littérature beaucoup moins abondante, et offrant, en
3
Les termes "néoclassique" et "standard" sont considérés comme des synonymes. En
revanche, cette approche pouvant conduire à des modes de régulation interventionnistes, il
n’y a pas équivalence avec le qualificatif "libéral", dont l’emploi éventuel se limitera à la
préconisation de modes d’actions offrant une place essentielle au marché.
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définitive, des conceptualisations non encore véritablement stabilisées. Nous
mettrons l'accent sur l'approche conventionnaliste de l'environnement, et sur
les prémisses d'une approche régulationniste de l'environnement.
Une troisième partie dessinera les limites de la démarche socio-économique de
l'environnement et du développement durable et esquissera quelques
perspectives.
1.
LA THÉORIE STANDARD COMME CONSTRUCTION
"DÉ-SOCIALISÉE" ET "DÉ-NATURALISÉE"
La socio-économie est critique d’une approche standard "bâtissant sa théorie
sur l’individu représentatif qui n’a que des attributs rationnels" et "réussit à faire
(…) abstraction de [l’]interdépendance [des individus] avec les structures
sociales" (Bürgenmeier, 1994, 11). La théorie standard est une construction "désocialisée". Et c’est un trait fondateur de la socio-économie que de critiquer
cette posture épistémologique. Nous n’y reviendrons pas dans le
développement. Plus original est d’essayer de montrer que cette dé-socialisation
se double d’une véritable dé-naturalisation, lorsque l’approche s’emploie à
traiter de l’environnement. Nous parlons de dé-naturalisation pour signifier que,
dans un tel cadre, la logique économique est foncièrement hermétique à la
logique de la nature, autrement dit que l’approche ne prend pas la réelle mesure
des interactions existant entre les activités économiques et l’environnement.
1.1
L’environnement comme "monde extérieur" entrant en
rapport avec l’économique
Dans son intention la plus générale, la théorie économique standard s’entend
comme une méthodologie d’optimisation, individuelle et collective, sous
contrainte. L’environnement est, en quelque sorte, l’une de ces contraintes. La
contrainte environnementale, avec laquelle l’exercice d’optimisation doit
composer, dispose de deux modes principaux de manifestation. Ou
l’environnement, à proprement parler ici, la "ressource naturelle", constitue un
facteur de production rare : optimiser requiert alors de prendre en compte la
raréfaction progressive de la ressource naturelle en question. Ou
l’environnement prend la forme d’un support d’externalité entre individus :
optimiser revient dans ce cas à tenir compte de ces externalités et à y remédier.
L’environnement fait figure de "monde extérieur" entrant en rapport avec
l’économique ; rapport en définitive limité et n’affectant pas fondamentalement
la pérennisation de la logique économique comme optimisation.
En tant que ressource naturelle, l’environnement est facteur de production.
Encore faut-il préciser que le statut de ressource rare ne soit pas allé, d’emblée,
de soi. En l’occurrence, l’héritage de l’économie politique classique incorporait,
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dans une certaine mesure, la conception de ressources naturelles illimitées4. Il
faudra attendre Hotelling (1931) et son article séminal sur les ressources
naturelles non renouvelables pour disposer des premières bases de l’économie
des ressources naturelles. Face à la raréfaction de la ressource, et comme pour
tout type de bien en définitive, le mécanisme équilibrant est la variation du prix.
Hotelling montre qu’au fur et à mesure que la ressource s’épuise, l’optimum
économique pourra être maintenu à la condition que la rente de rareté, égale à
la différence entre le prix unitaire et le coût marginal d’extraction, croisse dans
le temps suivant un taux d’augmentation égal au taux d’intérêt. Hartwick (1977)
franchira une étape supplémentaire en définissant la règle éponyme selon
laquelle l’atteinte de l’optimum intergénérationnel est garantie sous réserve que
la rente de rareté s’investisse dans du capital physique compensatoire. À ce
stade de l’analyse, apparaît une caractéristique essentielle de la théorie standard
de l’économie des ressources naturelles : la substituabilité entre facteurs,
notamment entre le capital physique et le capital naturel. Cet axiome de
substituabilité va plus largement s’appliquer aux divers biens, dans le cadre de
l’économie des externalités environnementales.
On doit à Pigou (1920) d’avoir montré qu’une divergence pouvait apparaître
entre le produit social et le produit privé d’une activité. Il en est ainsi lorsque
existe, entre les deux quantités, une externalité qui consiste en un effet non
compensé monétairement de l’activité sur des agents a priori non visés par
l’activité. Un produit social inférieur, respectivement supérieur, au produit privé
révèle un effet externe négatif, respectivement positif. L’environnement peut
être support d’externalités et l’on citera comme exemple la pollution comme
support d’externalité négative et les aménités liées à un paysage comme
externalité positive. Sous hypothèse d’une possible monétarisation, le coût de
l’externalité, plus simplement le "coût externe", vient en déduction du bien-être
collectif. Dès lors, en présence d’externalité, la quantité produite représentative
de l’optimum social est inférieure à celle qui correspond à l’optimum privé.5
Le cadre marchand, "livré à lui-même", ne permet pas d’atteindre l’optimum
collectif : la solution d’équilibre correspond effectivement à l’optimum privé.
4
Est emblématique de cette conception, la citation de Jean-Baptiste Say (Passet, 1979, 34) :
"Les richesses naturelles sont inépuisables car sans cela nous ne les obtiendrions pas
gratuitement. Ne pouvant être multipliées ni épuisées, elles ne sont pas l’objet de la science
économique". Il est vrai, les travaux de l’économie politique classique sur la question de
"l’état stationnaire", en particulier ceux de Malthus et de Ricardo, théorisent de possibles
limites naturelles à la croissance économique.
5
Cette analyse est généralement formalisée grâce à un schéma que l’on doit à Turvey (1963)
et qui a été repris, parfois avec quelques variantes, dans la majeure partie des manuels en
économie de l’environnement, en particulier Baumol, Oates (1975), Siebert (1987), Pearce,
Turner (1990), Barde (1992), Bonnieux, Desaigues (1998), Bomtens, Rotillon (1998).
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En conséquence, la théorie standard prévoit-elle des mécanismes
interventionnistes6 (réglementation, mais de préférence des outils économiques
tels que la taxation ou les quotas transférables) à même de satisfaire l’atteinte de
l’optimum collectif : les externalités vont faire l’objet d’une internalisation au
détriment des agents économiques responsables de ces externalités.
Cependant, en un sens quelque peu différent, on pourrait dire que l’approche
standard a déjà procédé à une première forme d’internalisation en intégrant dans son
modèle d’optimisation la contrainte environnementale. D’objet extérieur,
l’environnement est ainsi endogénéisé dans le schéma standard et ce, par
l’articulation des deux temps suivants : en premier lieu, le problème
environnemental - par exemple une pollution - est médiatisé, dans l’analyse, par
l’impact qu’il exerce sur les fonctions d’utilité individuelle ; en second lieu, cet
impact est lui-même traduit suivant l’unité de mesure homogène qu’est la
monnaie. Pour ce faire, et faute de prix se référant directement aux biens
environnementaux, la théorie standard recourt à différentes méthodes aux
résultats plus ou moins probants : évaluation contingente, méthode du coût du
trajet, méthode des prix hédoniques7… Les deux temps de la procédure
d’endogénéisation sont capitaux et révèlent pleinement la spécificité de
l’approche néoclassique de l’économie de l’environnement. D’une part,
l’environnement en soi ne constitue pas un objet d’intérêt pour l’économie
standard : seule importe la capacité qu’a l’environnement d’influencer le bienêtre individuel et collectif. En l’occurrence, fidèle à sa vision programmatique
générale, l’économiste standard ne se préoccupe pas des vecteurs culturels et
sociaux conditionnant les perceptions liées à l’environnement, mais ne retient
que l’expression de ces dernières en termes de bien-être. Dans la mesure où
prime la question générale de la maximisation du bien-être ou, en termes
monétaires, du bénéfice social, les facteurs influençant bien-être et bénéfice
seront, par essence, jugés équivalents et, par là même, substituables. Pour
accéder au bien-être maximum dans un collectif donné, des arbitrages sont
alors justifiés entre plus ou moins de qualité de l’environnement et moins ou
plus de biens matériels. Somme toute, quelle que soit la spécificité apparente
des enjeux écologiques, le schéma d’optimisation standard intégrant
l’environnement maintient une norme de référence purement économique. Le
modèle endogénéise tout à la fois l’objectif à atteindre et les moyens à même
d’atteindre l’objectif en question. Reprenant la conceptualisation de Simon,
nous pouvons qualifier de "substantielle" la rationalité sous-jacente à cette
démarche (Faucheux et al., 1993).
6
Une réaction, interne au corpus standard et amorcée par Ronald Coase (1960), tente de
valider l’idée que, sous certaines conditions, le marché lui-même assure l’atteinte de
l’optimum collectif. Il en résulte un débat opposant libéraux et interventionnistes de
l’environnement, non encore tranché à ce jour.
7
Outre les références générales relatives à l’économie de l’environnement, la présentation de
ces méthodes peut être trouvée dans les ouvrages suivants : Johansson (1987), Bateman
(1993), Desaigues, Point (1993).
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Finalement l’approche néoclassique de la croissance durable8 repose sur une
logique similaire à celle des deux domaines qui viennent d’être décrits. Elle se
situe même en droite ligne de la théorie standard des ressources naturelles9. Le
concept large et multiforme de "durabilité" et l’ensemble des normes et
objectifs pouvant en résulter sont, en quelque sorte, "résumés" dans la règle dite
"de Pezzey" (1992), selon laquelle est durable une économie caractérisée par la
non-décroissance dans le temps du bien-être per capita. Sans surprise, on
retrouve l’axiome de substituabilité des biens et le principe d’une optimisation
économique, mais qui prend désormais pour cadre le domaine intertemporel.
Des facteurs tels que le taux de rendement de l’investissement et le taux
d’actualisation jouent alors un rôle décisif quant à la définition des conditions
de la durabilité.
En résumé, l’approche standard de l’économie de l’environnement et des
ressources naturelles dilue la spécificité de l’objet écologique dans le monde des
biens. On doit ce résultat important au principe de monétarisation des biens
environnementaux, quand bien même ne seraient-ils pas en réalité des biens
marchands, et au principe corollaire de substituabilité, entre facteurs de
production, ou plus largement entre les biens eux-mêmes. Dans le
prolongement de cette conceptualisation, la logique de l’écologique ne
compromet, en aucune façon, la logique économique. Si des écarts à l’optimum
sont observés, c’est dans le cadre du modèle économique, et en pratique, en
s’aidant d’instruments économiques, que ces écarts pourront être rectifiés, sans
porter atteinte au cadre général d’optimisation. Une telle vision ne pouvait que
susciter la critique, notamment, mais pas uniquement, celle des écologistes.
Éléments de critique écologique du modèle standard
Avant de se tourner vers les sphères écologistes, il est intéressant de demeurer
encore quelque instant dans le référentiel standard et de repérer certains
éléments de critique interne, relatifs à la prise en compte insuffisante de la
spécificité environnementale. De ce point de vue, un apport important est celui
de Baumol et Oates (1971), repris dans nombre de travaux ultérieurs, et qui
utilise une partie du cadre standard, tout en omettant la référence à l’optimum.
On identifie généralement ce modèle par l’expression standards and prices
(normes et prix). Par hypothèse, une norme est édictée par les pouvoirs publics,
sur la base de considérations diverses : écologiques, sociales, politiques,
économiques…Un instrument économique, par exemple une taxation
environnementale, est alors instauré, incitant les entreprises à réduire leur
8
Il est déjà symptomatique que, sous la plume des auteurs standard, le développement durable
devienne "croissance durable" (sustainable growth)…
9
L’approche néoclassique de la croissance durable (parfois appelée "durabilité faible") se
fonde principalement sur les travaux pionniers de Solow (1974a et b) et de Hartwick (1977,
1978). On y adjoindra, en France, les travaux de Henry (1990). Pour deux contributions
synthétiques récentes, on pourra se reporter utilement à Neumayer (2003) et à Pezzey,
Toman (2002).
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pollution jusqu’au niveau prescrit par la norme. Le comportement des
entreprises sera dicté par l’objectif de minimisation des coûts totaux, eu égard
aux fonctions de coûts de dépollution qu’elles supportent. Certes, une partie
significative du cadre standard est de cette façon préservée, tant du point de vue
des hypothèses inhérentes aux agents, que des objectifs qu’on leur prête.
Cependant, une différence majeure doit être soulignée. L’optimum collectif du
modèle pigovien - norme endogène au modèle économique - fait place, dans le
modèle "standards and prices", à une norme exogène répondant à de toutes autres
déterminations. Cet univers autoréférentiel qu’est celui de l’économie standard,
intégrant l’extérieur en le dissolvant sous l’action de la logique d’optimisation,
admet désormais des normes hétéronomes au regard de l’économique.
L’optique de Baumol et Oates n’est pas très éloignée, en définitive, de celle
d’auteurs pourtant réputés beaucoup plus radicaux : on pense, par exemple, à
Passet (1990, 1397) et à sa "gestion normative sous contrainte".
La critique écologique s’attaque aux deux axiomes liés qui fondent la
construction standard de l’économie de l’environnement : celui de
substituabilité des facteurs et des biens, celui de monétarisation de
l’environnement.
La substitution n’est pas, le plus souvent, reconnue possible. Il en est ainsi car
les objets naturels sont estimés spécifiques. Dans une vision très radicale,
s’apparentant à la "deep ecology" (écologie profonde)10, la nature se voit
reconnaître une valeur en soi ; il lui est même conféré des droits propres.
Singulière, elle ne saurait être homogénéisée par l’opération de mesure
monétaire, ni être soumise à de quelconques arbitrages ou substitutions avec
d’autres types de biens.
Une optique moins drastique, celle de l’économie écologique (cf. infra) conduit,
cependant, à mettre en avant la dimension irremplaçable de certaines ressources
ou régulations environnementales. Le maintien en quantité et qualité des
aquifères, la couche d’ozone stratosphérique, la teneur atmosphérique de gaz à
effet de serre, dans leur rôle général vis-à-vis des climats, par exemple, ne
peuvent être compensés par d’autres biens, en particulier, par de la monnaie. Ce
capital naturel non substituable, à supposer que l’on maintienne encore le terme
de "capital", est parfois appelé "capital naturel critique" dans les contributions
de l’économie écologique (Ekins, 2003 ; Ekins et al., 2003). Dépasser certains
seuils, c’est s’exposer à des irréversibilités, c’est éventuellement aussi porter
atteinte à des fonctions essentielles pour l’homme et la planète. C’est toucher à
l’irréparable. Pour le moins, les systèmes économiques ne peuvent demeurer
indemnes de perturbations environnementales majeures. Quand l’approche
standard voit la possibilité de rectifications restreintes dans un cadre logique et
normatif inchangé, la critique écologique met l’accent sur des effets en retour
10
À titre d’exemples de cette littérature, on citera : Leopold (1949), Naess (1973), Devall,
Sessions (1985), Nash (1989). Pour un développement synthétique de langue française sur
ce courant, on pourra se reporter à Ost (1995), notamment le chapitre 4 ; pour une critique
virulente, on pourra lire Ferry (1992).
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significatifs à l’encontre des activités économiques. À l’extrême, on se souvient
des prévisions pessimistes du Club de Rome au seuil des années 1970,
pronostiquant un effondrement du système économique avant 2100…
(Meadows et al., 1972). Reprenant le concept de Norgaard (1994), on peut
parler de coévolution, dans le cas présent négative, entre l’environnement et les
activités économiques. La détérioration de l’environnement ne peut
qu’entraîner la détérioration des activités économiques. Et s'il en est ainsi, nous
disent les écologistes ou les auteurs relevant de "l’économie écologique", c’est
parce que fondamentalement l’économie dépend de la biosphère. Cette idée
parcourt largement l’ensemble de la littérature hétérodoxe en économie de
l’environnement. En France, son promoteur est, sans conteste, René Passet,
auteur d’un ouvrage majeur dans le domaine : l’Économique et le vivant (1979).
Dans une autre contribution, Passet (1990, 1386) propose un schéma très
suggestif où s’incluent successivement la sphère économique dans la sphère
humaine et la sphère humaine dans la biosphère, marquant par là la dépendance
de la logique économique par rapport à la logique sociale et de la logique sociale
par rapport à la logique de la biosphère. Dès lors, quand elle traite
d’environnement, l’économie ne peut reprendre les références qui lui sont
propres, ces normes endogènes que sont les optima. Que le travail d’allocation
optimale des ressources soit préservé, il n’en doit pas moins être subordonné à
des normes inhérentes à un autre référentiel : la biosphère. On comprend que la
critique écologique du modèle standard de l’environnement soit, sur ce point
précis, sans concession : l’économie ne saurait dominer le champ des objectifs
et des moyens. Au mieux, on lui permet d’organiser les moyens, la prescription
des objectifs relevant, quant à elle, du champ écologique.
Cependant, la dénaturalisation de l’économie ne doit pas faire place à la
désocialisation de la nature. Le risque existe, en effet, qu’en insistant sur la
dépendance de l’économique et du social face aux lois de l’écologique, on en
oublie que le rapport économique à l’environnement est également social. Si
l’activité économique s’avère bornée par des limites naturelles11, il n’en reste pas
moins que l’explication, mais aussi normativement, la préconisation des
pratiques économiques ou des politiques publiques ayant trait à
l’environnement appellent la mobilisation de considérations sociales. Il serait
faux, d’ailleurs, de prétendre que des auteurs tels que Passet ou les tenants de
l’économie écologique aient négligé ces éléments de construit social, eux qui les
ont largement intégrés dans leurs analyses. Comment les approches
hétérodoxes de l’économie de l’environnement ont-elles conceptualisé cette
double inscription de l’économique, dans la société et dans la nature ? Dans
quelle mesure peut-on voir dans ces conceptions une lecture socio-économique
de l’environnement ? Telles sont les questions que nous envisageons dans la
seconde partie.
11
Encore faut-il noter que certains auteurs s’avèrent tout à fait critiques vis-à-vis de la notion
de limites naturelles à la croissance économique, par exemple, Le Bras (1994). Pour des
aperçus récents sur la question des limites, cf. Zaccaï (2002, chapitre V) et Godard (2003).
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2.
Bruno BOIDIN et Bertrand ZUINDEAU
LA CONSTRUCTION SOCIALE DU RAPPORT
ÉCONOMIQUE À L’ENVIRONNEMENT :
PRINCIPAUX APPORTS THÉORIQUES
Traiter des approches non standard en économie de l’environnement nous
confronte à un vaste ensemble présentant des éléments d’unité, mais également
des différences. Certaines de ces constructions sont déjà bien établies depuis
plusieurs années, notamment l’économie écologique12 ou l’approche
institutionnaliste de l’environnement. D’autres sont plus récentes et nettement
moins stabilisées : on pense à ce qu’il serait convenu d’appeler l’(les)
approche(s) conventionnaliste(s) de l’environnement. Une dernière, enfin,
existe à l’état de prémices : l’approche régulationniste de l’environnement et du
développement durable. Avant de dessiner à grands traits la manière dont les
différentes conceptions envisagent l’articulation entre économique, social et
sphère naturelle, cette deuxième partie commence par une présentation de la
notion générale d’anthroposystème.
2.1
Le rapport à l’environnement comme anthroposystème
Pour rendre compte de la complexité du rapport entre les sociétés humaines et
"leurs natures", la notion d’"anthroposystème" constitue l’une des contributions
les plus intéressantes de ces dernières années. Ce concept ne s’inscrit pas dans
un corpus théorique bien délimité, mais résulte du travail collectif réalisé dans le
cadre du Programme de recherche "Environnement, Vie et Sociétés" (PEVS)
du CNRS13. Cette orientation de recherche dispose de préalables intellectuels
importants (anthropologiques, philosophiques, sociologiques, etc.) ; on peut
aussi lui rattacher nombre de contributions parues dans la revue "Nature,
Sciences, Sociétés", en particulier celles de Jollivet. Progressivement elle a construit
un référentiel d’analyse original, au sein duquel la notion d’anthroposystème
constitue la pierre angulaire14. Tout autant éloigné de la conception d’une
nature-objet, qui entoure l’homme et lui est soumise, et de la conception d’une
nature-sujet, au sein de laquelle l’homme constituait un simple élément parmi
12
Sans nous arrêter sur ses antécédents conceptuels nombreux, l’économie écologique trouve
son origine dans deux colloques internationaux : le premier, tenu à Stockholm en 1982, le
second à Barcelone en 1987. La revue Ecological Economics date de 1989 et
l’International Society for Ecological Economics de 1990. Sur la genèse de l’économie
écologique, on peut, entre autres, se reporter à l’ouvrage de Söderbaum (2000), notamment
18 sqq.
13
Avec des appellations changeantes, ce programme a démarré à la charnière des années
1970-1980. Animé notamment par Lévêque, Pavé, Muxart et van der Leeuw, il n’a pas été
reconduit après 2002.
14
Bien représentatifs de cette optique de recherche sont les deux ouvrages collectifs récents :
Lévêque, van der Leeuw (2003) et Muxart et al. (2003).
Mondes en Développement Vol.34-2006/3-n°135
Socio-économie de l'environnement et du développement durable
17
d’autres15, "le concept d’anthroposystème se définit comme un système interactif16
entre deux ensembles constitués par un (ou des) sociosystème(s) et un (ou des)
écosystème(s) naturel(s) et/ou artificialisé(s) s’inscrivant dans un espace
géographique donné et évoluant avec le temps" (Lévêque et al., 2003, 121).
C’est donc moins la figure de la dépendance stricte qui est retenue ici que celle
de la mise en relation, ou mieux encore, pour tenir compte de la dimension
dynamique de cette mise en relation, celle de la "dialectique" (Lévêque, 2003,
39). L’anthroposystème n’est pas sans entretenir certaines parentés : par
exemple, on peut lui rapprocher le concept d’éco-socio-système des tenants de
la "gestion patrimoniale" (Montgolfier, Natali, Ollagnon…). En revanche, du
fait de son degré d’ouverture, il s’avère plus large, tout à la fois de
"l’écosystème" des écologistes et du "système socio-économique". Dès lors,
parler de "socio-économie de l’environnement" ne convient pas vraiment ici et
il est plus adéquat de faire référence à une "approche socio-écologique du
champ de l’environnement" – pour reprendre le sous-titre de l’ouvrage de
Lévêque et van der Leeuw (2003). Cette orientation de recherche ne peut se
concevoir que servie par une interdisciplinarité large où s’appuient
réciproquement historiens, archéologues, biogéographes, géomorphologues,
géographes humains, sociologues… (Burnouf et al., 2003, 16-17). L’économie
n’est pas, tant s’en faut, oubliée dans cette démarche, mais le concept
d’anthroposystème transcende le lien particulier entre le système économique et
les écosystèmes, pour l’intégrer dans des conditionnements plus larges, où se
mêlent le politique, le culturel et, somme toute, l’historique, étant donnée la
dimension temporelle qui en est l’une des caractéristiques principales. Il en
résulte une certaine oscillation dans l’analyse entre, d’une part, la référence à ce
méta-concept qu’est l’anthroposystème, en fait valable dans sa forme générale
pour toute configuration quelle qu’elle soit, et d’autre part, des caractérisations
très contingentes obtenues au gré des études de terrain. Peut-être manque-t-il
des concepts "intermédiaires" à cette approche socio-écologique ; des concepts
intermédiaires qui, notamment, eu égard à notre préoccupation première dans
cet article, s’attelleraient au rapport économique particulier à l’environnement.
Que nous disent, de ce point de vue, les approches économiques non
standard ?
2.2
Approche institutionnaliste de l’environnement
et économie écologique
Au sens large, "l’économie écologique" cherche à relativiser la portée de
l’approche néoclassique des ressources naturelles, en montrant que cette
dernière ne permet pas d’appréhender l’articulation économie-environnement17.
15
"Nature-objet", "nature-sujet", cette double expression est de Ost (1995), qui s’oriente vers
une autre voie, celle de la "nature-projet", où s’entretient une dialectique favorable entre les
deux mondes.
16
En italiques dans le texte.
17
Pour une approche très récente de ce courant, cf. Ropke (2005).
Mondes en Développement Vol.34-2006/3-n°135
18
Bruno BOIDIN et Bertrand ZUINDEAU
Le concept de coévolution, évoqué plus haut, occupe une place centrale dans
l’économie écologique. Norgaard (1992, 1994), à l’origine de ce concept, le
définit comme le processus d’interaction évolutive entre le système socioéconomique et le système écologique. Ainsi, les hommes ont exercé une
pression sélective sur les espèces par la chasse et la cueillette, tout comme la
chasse et la cueillette ont sélectionné comme chasseurs et cueilleurs, les
hommes les mieux préparés à ces activités. Ensuite, les activités humaines
agricoles ont contribué à éliminer certaines espèces, à sélectionner des variétés
plutôt que d’autres, tandis que l’agriculture a contribué à faire évoluer les
hommes vers des capacités différentes de celles requises pour la cueillette et la
chasse. La coévolution traduit ces interactions historiques homme-nature, et
rend nécessaire une analyse des interactions entre les systèmes économique et
écologique, telle que celle menée par Dietz et van der Straaten (1992). Ces
auteurs ont mis en évidence "l’interdépendance circulaire" entre les deux
systèmes. Le système socio-économique exerce des impacts sur
l’environnement en y prélevant des ressources et en émettant des déchets, ce
qui altère de façon plus ou moins irréversible celui-ci. À son tour,
l’environnement, étant fragilisé, altère le système socio-économique.
Au travers de cette coévolution entre les systèmes, l’économie écologique
cherche à redonner à l’environnement une place centrale dans l’analyse
économique, à l’inverse de l’approche standard pour laquelle l’environnement
reste un monde extérieur (cf. 1.1). L’influence de l’économie écologique se fait
ressentir via plusieurs courants qui s’en réclament ou lui sont rattachés :
approche évolutionniste, thermodynamique (initiée dès les années 1960 par
Boulding, 1966, et Georgescu-Roegen, 1971), éco-énergétique (Odum, 1983 ;
Faucheux et O’Connor, 1997), néo-autrichienne (voir Schembri, 1996, pour une
synthèse), mais également institutionnaliste (Paavola, Adger, 2005). La
rencontre entre la démarche institutionnaliste et les préoccupations
environnementales peut illustrer l’émergence, encore fragile mais prometteuse,
d’une approche socio-économique de l’environnement.
L’analyse institutionnaliste appliquée à l’environnement reprend les grands traits
méthodologiques de "l’ancienne" et de la "nouvelle" économie
institutionnaliste : insuffisance reconnue de l’approche néoclassique pour
élaborer une théorie de la coévolution ; limites du cadre maximisateur standard
pour prendre en compte l’influence des normes sociales sur les préférences ;
enfin place centrale accordée aux institutions et aux organisations, le marché
n’étant pas le seul moyen de coordination des décisions. Un certain nombre
d’auteurs estiment que l’approche institutionnaliste permet alors de répondre,
dans le domaine de l’environnement, à la nécessité de dépasser les limites du
cadre néoclassique. La reconnaissance d’une coévolution entre les systèmes
économique et environnemental n’est que le point de départ des objectifs fixés
par Dietz et van der Straaten (1992, repris par Froger, 1997), à savoir la prise en
compte des critères éthiques dans la définition des ressources à transmettre aux
générations futures, et l’analyse des institutions qui prendraient en charge la
gestion des ressources naturelles.
Mondes en Développement Vol.34-2006/3-n°135
Socio-économie de l'environnement et du développement durable
19
L’approche institutionnaliste vise à s’appliquer à la fois au niveau microéconomique et au niveau macro-économique (Froger, 1997). À l’échelle microéconomique, on cherche à préciser les conditions de la prise de décision face
aux incertitudes environnementales. Des typologies de situations sont élaborées
dans le prolongement de l’analyse en termes de rationalité limitée (Dosi et
Egidi, 1991 ; Froger et Zyla, 1996), pour étayer la nécessité de construire des
modèles dans lesquels les événements dépendraient de comportements
imprévisibles, eux-mêmes liés à des anticipations sur ces événements.
L’imprévisibilité est renforcée dans le domaine environnemental, soumis à de
nombreuses hypothèses invérifiables, comme le montre également Godard
(1992) dans une optique conventionnaliste assez proche des analyses
institutionnalistes (cf. 2.3). Face à cette imprévisibilité, et à l’irréversibilité de
l’évolution biophysique, les décideurs doivent cependant prendre des mesures
"à temps", pour ajuster les évolutions du système économique à celles de
l’environnement. Les propositions institutionnalistes tentent d’éclairer les
décisions des régulateurs dans ce contexte, en construisant des outils d’aide à la
décision multicritères plutôt qu’une monétarisation systématique telle qu’elle est
prônée par l’approche néoclassique. La démarche multicritères permet de
prendre en compte des objectifs ou des priorités contradictoires, inhérents à
l’incertitude (cf. partie 3).
Dans le domaine macro-économique, les institutionnalistes s’intéressent aux
défaillances des institutions existantes pour la gestion environnementale. Les
tenants de l’approche s’attachent à montrer que les institutions économiques,
répondant principalement à une logique marchande, ne prennent pas en
compte la temporalité de l’environnement, et contribuent ainsi aux défaillances
de la gestion environnementale (Opschoor et van der Straaten, 1993). Ce
phénomène est renforcé par la distance (temporelle et spatiale) existant entre les
causes (mode de production et de consommation adopté) et leurs effets
(impacts environnementaux). Pour autant, les institutionnalistes ne considèrent
pas que les mécanismes publics de correction constituent une solution simple à
ces problèmes, puisque les modalités publiques de régulation de
l’environnement se heurtent à la diversité des logiques et des acteurs en
présence. À titre d’illustration, les agences nationales créées pour répondre aux
préoccupations environnementales restent principalement orientées vers les
problèmes internes aux pays, alors que l’environnement devient une question
éminemment mondiale. Mais lorsque des acteurs sont désignés à l’échelle
internationale pour traiter les problèmes environnementaux globaux, ils sont en
concurrence avec des organisations dont la priorité reste le développement des
systèmes économiques. Les institutionnalistes posent alors la question d’un
renouvellement des institutions, en particulier à l’échelle internationale, avec
une intégration accrue des préoccupations environnementales. Des similitudes
apparaissent entre l’approche institutionnaliste de l’environnement et la
démarche conventionnaliste.
Mondes en Développement Vol.34-2006/3-n°135
20
2.3
Bruno BOIDIN et Bertrand ZUINDEAU
Approche conventionnaliste de l’environnement et du
développement durable
L’École des conventions est, sans conteste, l’une des branches, sinon à
proprement parler de la socio-économie, en tout cas de la sociologie
économique, en particulier en France (Lévêque et al., 1997, 276 sqq.). Quand
bien même les différentes contributions issues de ce courant ne constitueraient
pas un ensemble parfaitement homogène18, elles s’accordent, cependant, pour
contester l’infaillibilité de la rationalité substantielle et pour voir dans les
comportements économiques le résultat d’arrangements, de conflictualité
variable, entre les acteurs. La rationalité individuelle est loin de tout expliquer et
la décision, même individuelle, ne se comprend réellement que par la prise en
compte de la contextualisation sociale.
On compte un certain nombre de travaux caractérisés par l’emploi des
catégories conventionnalistes pour l’étude de l’environnement et du
développement durable. En leur sein, il nous semble que les plus nombreux
sont ceux qui tentent d’appliquer le concept des Cités (Boltanski, Thévenot,
1987, 1991 ; Boltanski, Chiapello, 1999) à l’environnement (Godard, 1990 ;
Barbier, 1992 ; Lafaye, Thévenot, 1993 ; Latour, 1995) ou précisément au
développement durable (Godard, 1994). On sait que Boltanski et Thévenot ont
repéré et théorisé six paradigmes de la légitimation en société qu’ils symbolisent
par la figure des Cités : cité inspirée, domestique, industrielle, marchande,
civique, et cité du renom, avec leur contenu et leurs règles propres. Pour une
problématique environnementale donnée, par exemple la gestion de l’eau
(Narcy 2000), il convient de voir laquelle ou lesquelles des Cités permet(tent) au
mieux de rendre compte des comportements économiques ou des politiques
observés. Les auteurs s’interrogent également quant à la pertinence de
reconnaître une cité supplémentaire, la cité écologique (Lafaye, Thévenot,
1993 ; Godard, 1994 ; Latour, 1995), mais il est possible de montrer qu’une telle
construction reviendrait à élargir le champ des droits au-delà de l’humain,
intégrant les animaux, voire les écosystèmes, avec remise en cause de "la césure
entre un ordre de la nature et un ordre social et politique" (Lafaye, Thévenot,
1993, 518), dont les conséquences pourraient s’avérer dangereuses pour
l’homme.
Une autre direction, tout particulièrement suivie par Godard (1993), consiste à
recourir au concept de "conventions d’environnement". La convention n’est
pas un simple accord entre acteurs, c’est, au sens fort des conventionnalistes, un
ensemble de règles de comportement collectif, adopté face à une situation
d’incertitude radicale19. Or, l’environnement est le lieu de telles incertitudes, et
18
Sur l’analyse des différents courants conventionnalistes et pour une typologie, cf. Gomez
(1994).
19
À cet égard, Olivier Godard reconnaît l’inspiration d’auteurs tels que Heiner (1983), Orléan
(1989) et Dupuy (1989), qui à la suite de Keynes, ont conceptualisé la notion de
"convention économique" (Godard, 1993, 157).
Mondes en Développement Vol.34-2006/3-n°135
Socio-économie de l'environnement et du développement durable
21
ce, particulièrement avec l’émergence des pollutions dites "globales". Pour
qualifier ces pollutions à fort enjeu d’incertitude, Godard parle d’"univers
controversé" (versus "univers stabilisé"). Face à des problèmes dont les
conséquences ne sont pas directement perceptibles ou peuvent être différées
dans le temps, dont la remédiation est difficile sinon impossible, dont la
connaissance même est sujette à caution, en tout cas suscite controverses
scientifiques et sociales, etc., des processus conventionnels de décision
collective vont s’organiser malgré tout (exemple des pluies acides, du trou dans
la couche d’ozone…). Comme toute convention économique, ces conventions
d’environnement vont contribuer à la stabilisation du contexte socio-politique.
Des politiques fondées sur des dispositions légistatives et réglementaires,
éventuellement confortées par des incitations économiques (taxation, quotas
transférables, subventions) vont voir le jour, de telle sorte que les agents
économiques puissent, en dépit de l’incertitude environnementale, "former des
anticipations suffisamment rationnelles et (…) s’engager dans des
investissements" (Godard, 1993, 157).
Indubitablement, la figure de la convention d’environnement révèle une
articulation, de portée fructueuse, entre la sphère environnementale (plus ou
moins traversée par la dimension d’incertitude), la sphère sociale (comme lieu
de régulation générale des problèmes) et la sphère économique.
2. 4
Une perspective théorique prometteuse : environnement,
développement durable et théorie de la régulation
S’il est une approche qui assume bien le point de départ théorique d’un
enchâssement social des phénomènes économiques, avec de surcroît une
historicisation de l’analyse, c’est certainement la théorie de la régulation,
véritable "institutionnalisme historique", suivant la formule de Théret (2000).
En revanche, force est de constater que, depuis son émergence et son
renforcement, cette théorie ne s’est guère préoccupée d’environnement
(Lipietz, 1995) et moins encore de développement durable. Certes, ces
dernières années, un certain nombre de contributions sont à relever qui visent à
rapprocher "régulation" et "problématique environnementale" (Gibbs, 1996 ;
Becker, Raza, 2000 ; Zuindeau, 2001 ; Gendron, 2001 ; Rousseau, 2002), mais,
pour autant, il est clair que ne s’est pas constituée une complète analyse
régulationniste de l’environnement.
À supposer que les prémices existants soient prolongées et approfondies, une
telle analyse aurait pour objet de préciser les liens généraux entre les concepts
fondamentaux de la théorie de la régulation (régime d’accumulation, mode de
régulation, formes institutionnelles, mode de développement…) (Boyer,
Saillard, 1995) et la base environnementale (ressources naturelles, écosystèmes
altérés par les pollutions diverses), et de détailler les liens particuliers entre ces
différentes catégories selon des périodisations pertinentes (régime
d’accumulation extensive au 19ème siècle, régime d’accumulation intensive
centrée sur la consommation de masse d’après-guerre, etc.) (Boyer, 1979).
Mondes en Développement Vol.34-2006/3-n°135
22
Bruno BOIDIN et Bertrand ZUINDEAU
Une intuition forte et un début de démonstration soutiennent, en effet, l’idée
que les externalités environnementales sont variables, dans leur mode de
formation et dans leur mode de régulation, suivant les régimes économiques en
vigueur (Zuindeau, 2001). Par exemple, le régime fordiste, promoteur de l’ÉtatProvidence, serait, dans une telle approche, à relier à la manière dont sont
appréhendés les problèmes environnementaux, préoccupation croissante mais
demeurant subalterne face à la constitution de la norme de consommation, et la
manière dont ils sont traités, "curativement" et en associant le principe
pollueur-payeur et la solidarité collective. Des auteurs ont même souhaité aller
plus loin et ont voulu voir dans l’environnement une véritable sixième forme
institutionnelle (Becker, Raza, 2000 ; Rousseau, 2002) en sus du rapport salarial,
de la monnaie, des formes de la concurrence, du mode d’insertion
internationale, et des formes économiques de l’État.
Les applications d’une éventuelle théorie régulationniste de l’environnement
sont a priori nombreuses et stimulantes. La propension historiciste de l’analyse
régulationniste la rend tout à fait adaptée à traiter de monographies (nationales
mais aussi régionales) où seraient analysés, dans leur articulation dynamique, le
sous-sytème socio-économique et le sous-système écologique. Par ailleurs,
l’intérêt des régulationnistes pour la démarche comparative (Théret, 1997 ;
Boyer, 2002 ; Amable, 2005) laisse concevoir des analyses fructueuses de la
variété des politiques de l’environnement, rapprochée de la variété des
capitalismes. C’est là une perspective d’analyse digne d’attention à laquelle est
mal préparée la théorie standard, elle qui s’appuie sur des catégories
universalistes, telles que la notion d’"agent économique" ou de "rationalité". Au
niveau microéconomique, toujours armé des catégories de la régulation, il serait
également possible de dépasser les typologies existantes, assez pauvres en
l’occurrence, des comportements des entreprises face à l’environnement.
S’agissant de la problématique du développement durable, la théorie de la
régulation aide également à des ouvertures conceptuelles intéressantes. La
problématique du développement durable et la théorie de la régulation sont de
nature à s’enrichir mutuellement : historicisation fine, architecture approfondie
des mécanismes jouant sur la régulation, les fameuses formes institutionnelles,
quant à l’apport de la théorie de la régulation ; mise en évidence des contraintes,
des incertitudes, des irréversibilités liées à l’environnement, quant à l’apport des
approches en termes de développement durable. Une perspective
particulièrement stimulante serait de positionner le développement durable et
ce qu’il est convenu d’appeler le (ou les) post-fordismes, pour en analyser les
possibles rapprochements (rôle dévolu à la qualité, à la prévention…), mais
tenter également d’en déceler les divergences (place du profit, de la régulation
marchande, de la compétitivité).
Au total, et quelles que puissent être leurs différences internes, les contributions
non standard apportent, sinon des réponses indiscutables aux limites de la
théorie néoclassique, en tout cas d’autres voies d’appréhension des relations
entre économie et environnement. Face à ce que nous avons appelé le caractère
"dé-naturalisé" de la théorie néoclassique, ces approches tentent de tirer les
Mondes en Développement Vol.34-2006/3-n°135
Socio-économie de l'environnement et du développement durable
23
conséquences des logiques propres de l’environnement. Egalement, en
s’appuyant sur leurs architectures respectives (en termes d’institutions, de
conventions, de modes de régulation), elles insistent sur la contextualisation
sociale des rapports économie-environnement. Entre autres avantages, une telle
posture aide à mieux expliquer les formes positives d’action en faveur de
l’environnement, autrement dit la diversité des politiques (poids de la
réglementation, caractère hybride des dispositifs…), ce dont la théorie
néoclassique, victime de son universalisme, ne parvient guère à rendre compte.
Par ailleurs, dans une optique normative, elle élargit la base justificatrice des
modes d’action, adjoignant aux considérations économiques, d’autres référents
(sociaux, écologiques), qu’elle cherche à articuler, notamment à l’aide des
méthodes multicritères (cf. infra pour des précisions).
3.
LIMITES ET PERSPECTIVES
Quel qu’en soit l’intérêt, les approches qui relèvent de la socio-économie de
l’environnement et du développement durable ne sont pas elles-mêmes
exemptes de limites. Ces limites, cependant, ne sont pas définitives et sont à
considérer plutôt comme des motifs de réflexions nouvelles. Nous proposons
de mettre l’accent sur deux d’entre elles : d’une part, la question de l’articulation
des différentes dimensions du développement durable, d’autre part, le rôle des
institutions dans la gestion de l’environnement et du développement durable.
3.1
Articulation des composantes du développement durable
et question des seuils d’irréversibilité
L’économie de l’environnement et du développement durable reconnaît que
l’articulation des composantes économique, sociale et environnementale,
constitue un domaine d’étude pertinent. Les relations entre les trois "sphères",
ou dimensions, sont pourtant difficiles à appréhender. L’approche en termes
d’anthroposystème tente, comme nous l’avons vu, de définir les interactions
entre le sociosystème et l’écosystème, mais laisse à l’observateur le soin de
préciser le rapport économique à l’environnement. Les approches économiques
non standard tentent, chacune à sa manière, de combler ce vide laissé dans
l’analyse de l’articulation économie-environnement : en recourant au concept de
coévolution pour l’économie écologique et l’approche institutionnaliste, au
paradigme des "cités" ou aux "conventions d’environnement" pour les
conventionnalistes, ou encore à une analyse historicisée pour les
régulationnistes. Un point commun important entre ces approches consiste à
reconnaître l’interaction entre les différentes sphères (environnementale,
économique et sociale) comme catégorie analytique pertinente.
Mais reconnaître l’articulation entre les trois sphères ne constitue que la
première étape d’une démarche plus ambitieuse qui cherche les conditions de
leur évolution harmonieuse. En d’autres termes, dans le "projet" du
Mondes en Développement Vol.34-2006/3-n°135
24
Bruno BOIDIN et Bertrand ZUINDEAU
développement durable, la coévolution des différentes sphères ne devrait pas se
faire au détriment de l’une d’entre elles, en tout cas pas au-delà d’un certain
seuil. Il apparaît alors impératif de concrétiser le projet par une meilleure
connaissance, dans une société donnée, des seuils d’irréversibilité existant dans
le domaine environnemental, mais également social. À ce stade, les approches
du développement durable se trouvent confrontées à une double difficulté.
La première difficulté se trouve dans la fixation des seuils d’irréversibilité. Dans
le domaine environnemental, et plus encore dans le domaine social, cet écueil
provient des limites dans la connaissance scientifique, du caractère faillible de la
rationalité, et de la prédominance des rapports de force et des jeux d’acteurs,
caractéristiques précisément reconnues par les approches non standard. Ces
dernières cherchent alors à montrer comment les seuils d’irréversibilité sont,
dans les faits, construits socialement et non pas seulement scientifiquement.
L’approche de Godard et ses applications en constituent une bonne illustration.
À titre d’exemple, Vivien et al. (1997) ont montré comment l’élaboration d’une
convention internationale sur la biodiversité (Sommet de la terre, 1992) reflétait
la diversité des communautés d’intérêt et des interprétations relatives à cette
importante question écologique.20
De telles analyses soulignent le caractère variable des normes selon l’évolution
des rapports de forces et des critères retenus pour estimer les seuils, mais elles
ne constituent pas encore une procédure aboutie, qui puisse être alternative à la
monnaie. Une telle approche est cependant proposée par les institutionnalistes
et l’économie écologique (Faucheux et O’Connor, 1997), visant à remplacer les
évaluations monétaires par des évaluations multicritères. Ces évaluations
consistent à combiner plusieurs indicateurs environnementaux, économiques
et/ou sociaux, en commençant par définir pour chacun d’entre eux un seuil
d’insoutenabilité (c’est-à-dire une valeur au-dessus ou en dessous de laquelle la
situation est considérée comme insoutenable, par exemple un taux de
croissance ou de chômage pour la dimension économique, un degré de
biodiversité pour la dimension environnementale…) et une norme ou objectif à
atteindre (Faucheux et Noël, 1995, 320). Le seuil permet de définir les situations
dans lesquelles la compensation entre les actifs n’est plus à même d’assurer la
soutenabilité. Pour chaque indicateur, la distance par rapport à la norme est
ensuite évaluée, puis les résultats sont agrégés, aidant à estimer la soutenabilité
"globale". De telles tentatives offrent des perspectives stimulantes, mais leur
opérationnalisation reste difficile. En effet, un des problèmes principaux réside
dans l’agrégation des résultats obtenus pour chaque indicateur. Les tenants de
l’économie écologique considèrent que de tels choix doivent largement résulter
d’un processus de négociation entre acteurs (Ibid., 323-324). Si cette position
20
Selon les auteurs cités, la convention sur la diversité biologique insiste sur les avantages
économiques de la biodiversité, et penche donc pour une approche de l’environnement en
tant que ressource plutôt que comme patrimoine commun. La mesure de la dégradation
environnementale "tolérable" qui en découle repose en conséquence sur des critères de
préservation des intérêts économiques.
Mondes en Développement Vol.34-2006/3-n°135
Socio-économie de l'environnement et du développement durable
25
est intéressante et cohérente avec l’idée conventionnaliste que des processus de
décision collective pourront faire émerger des valeurs acceptées socialement,
elle nécessite un arsenal méthodologique et un recueil de données qui rendent
malaisée sa mise en œuvre, même à une échelle territoriale limitée.
Dans le domaine social, les problèmes d’irréversibilité sont tout
particulièrement difficiles à étudier. La "soutenabilité sociale" vise à préserver
(ou à améliorer) la cohésion sociale d’une société toute entière (et non pas
seulement d’une partie de celle-ci), l’accessibilité des populations aux services
sociaux et aux biens publics, la transmission des capacités aux générations
futures. Si ces différentes améliorations constituent l’objectif implicite du
développement, force est de constater que les politiques publiques peuvent
également engendrer des conséquences néfastes, souvent non anticipées, dans
le domaine du développement social.21 Les risques de "destruction du social"
liés aux politiques publiques ne sont pas négligeables, mais de tels effets sont
rarement examinés. Ceci amène certains auteurs (Dubois, Mahieu, 2002) à
proposer un principe de précaution sociale, obligeant les décideurs à évaluer ex
ante les conséquences, dans le domaine social, des politiques menées. Mais
comment mesurer la destruction sociale engendrée par un développement
économique ou une intervention extérieure aux populations ? Les tentatives
actuelles de mesure insistent sur le rôle du "capital social", terme controversé et
forme d’actif aux effets ambigus (Ballet et Guillon, 2003). La mesure de la
cohésion sociale et des opportunités individuelles via le capital social reste
particulièrement délicate.
La seconde difficulté relative à la mesure des seuils d’irréversibilité tient aux
relations ambivalentes entre les différentes sphères. Comment cerner les
conditions dans lesquelles les dimensions sociale, environnementale et
économique évolueraient harmonieusement ? La thèse de la coévolution
montre comment, historiquement, les sphères économique et environnementale
ont pu se transformer de façon mutuellement bénéfique, ou au contraire
comment le développement de l’une s’opérait au détriment de l’autre. En
introduisant l’encastrement de l’économie dans le social, les approches socioéconomiques de l’environnement et du développement durable lancent un
programme de recherche encore plus ambitieux, consistant à étudier les
interactions entre trois sphères plutôt que deux. Ce programme est pourtant
incontournable au regard de la difficulté à combiner des politiques
environnementales et sociales. Un exemple souvent cité est celui décrit par
Turnbull (1972), qui relate la destruction des valeurs sociales élémentaires dans
21
Ballet, Dubois et Mahieu (2004, 4) évoquent, dans le cas des pays pauvres, "certaines
mesures de lutte contre la pauvreté (travaux à haute intensité de main-d’œuvre, octroi de
micro-crédit, etc.) qui en ciblant un groupe social particulier (les réfugiés, certaines
catégories de femmes, etc.) augmentent, dans le même temps, la vulnérabilité des autres
groupes et, finalement, accroissent les inégalités (…). De même, il arrive qu’une décision
qui revalorise le revenu des plus pauvres, déstabilise la hiérarchie sociale et impose une
reprise complète de l’échelle des salaires pour tenir compte du statut et de la
reconnaissance sociale des autres catégories."
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Bruno BOIDIN et Bertrand ZUINDEAU
une communauté africaine, les Iks, dont le territoire avait été classé en zone
protégée, sans tenir compte des effets sur l’accès aux ressources de base pour
cette population. Mais la difficulté d’étudier les interactions entre les différentes
composantes du développement durable est encore renforcée si l’on reconnaît
l’existence de sous-dimensions au sein d’une même sphère. Il en est ainsi de la
dimension sociale, qui concerne à la fois des caractéristiques relatives au
développement humain individuel (santé, libertés individuelles, estime de
soi…), et des caractéristiques sociales, qui positionnent l’individu dans sa
société (cohésion, réseaux, système social d’appartenance…). Entre ces deux
sous-catégories, les relations peuvent s’avérer vertueuses si le cadre social
contribue à l’élévation ou au maintien du bien-être individuel. Mais elles
peuvent également se révéler ambivalentes ou risquées pour l’individu, lorsque
son contexte social devient un poids, une contrainte ou un danger à son
encontre.22
En définitive, en reconnaissant l’articulation des différentes sphères, la socioéconomie de l’environnement et du développement durable se heurte à une
nouvelle question, celle des relations ambiguës et incertaines entre ces
dernières, et partant, celle de la mesure des seuils d’irréversibilité propres à
chacune d’entre elles. Cette voie de recherche est essentielle car elle déterminera
la capacité des approches non standard à opérationnaliser leur analyse. Des
avancées importantes ont déjà été réalisées dans la recherche de mesures
multicritères, y compris à travers la floraison d’indicateurs composites de
développement durable depuis les années 1990 (cf. Boidin, 2006). Cependant
de tels indicateurs ne prennent généralement pas en compte les seuils
d’irréversibilité propres à chaque dimension, ceci justifiant de maintenir des
indicateurs sectoriels, adaptés aux dimensions en question.
22
Dans le contexte des pays pauvres, le caractère très développé du capital social peut
paradoxalement, dans certains cas, poser un problème de déséquilibre entre les différentes
formes de capital et déboucher sur des conflits (Boidin, 2004). Par exemple, s’agissant du
capital social et du capital santé, la combinaison de ces deux actifs, dans un but de
maintien ou d’amélioration du bien-être, n’est possible qu’à partir d’un stock initial
minimal de chacun d’entre eux. La difficulté est également de mesurer ces seuils croisés et
ces effets de complémentarité, puisque les dotations en actifs sont différentes pour chaque
individu, créant de multiples combinaisons possibles. On peut, supposer que l’effet sur les
populations d’une intervention jouant sur le capital social (politiques d’investissementtravail, projets de développement rural…) sera d’autant plus imprévisible que le capital
humain de la population est initialement faible. Cela est vrai des populations d’Afrique
subsaharienne, pour lesquelles les indices de développement humain sont parmi les plus
bas. La faiblesse du capital humain étant partiellement compensée par le capital social, une
remise en cause de ce dernier peut avoir des effets désastreux. C’est de cette façon que
certaines guerres civiles ont pu être interprétées comme les conséquences d’une pression
trop forte sur le capital social, engendrant des clivages entre groupes sociaux homogènes
qui jusque là vivaient en harmonie.
Mondes en Développement Vol.34-2006/3-n°135
Socio-économie de l'environnement et du développement durable
3.2
27
Les institutions face à la gestion de l’environnement et
du développement durable : des insuffisances difficiles à
surmonter
L’approche institutionnaliste insiste explicitement sur le projet d’analyser les
défaillances institutionnelles dans la gestion environnementale. Les autres
courants non standard traitent, directement ou indirectement, de ces questions,
en cherchant à réintroduire l’épaisseur sociale des décisions prises à l’échelle
micro ou macro.
Parmi les tenants de cette approche institutionnaliste, Harris estimait dès 1992
que les problèmes environnementaux constituaient le terreau d’une deuxième
"révolution keynésienne". L’auteur entendait par là que la tradition keynésienne
de soutien à la création d’emploi était parfaitement compatible avec la
protection de l’environnement et la gestion des ressources. S’ensuivit un débat,
toujours vivace, sur les moyens de mettre en œuvre cette nouvelle révolution.
Compte tenu de l’incompatibilité entre les institutions existantes (à l’échelle
nationale et internationale), fondées sur une logique marchande, et la nécessaire
gestion des ressources environnementales, faut-il créer de nouvelles institutions
ou renforcer et réformer les institutions existantes ? Froger soulignait en 1997
que les défaillances institutionnelles et les solutions envisagées étaient posées
sans être encore traitées avec les développements nécessaires. Le constat est
toujours d’actualité23, même si l’on ne peut minimiser les avancées dans ce
domaine. Parmi les économistes, sociologues et politologues intéressés par la
problématique de l’environnement et du développement durable, certains ont
travaillé sur la question de la gouvernance à l’échelle locale ou mondiale. Le
problème posé par de telles approches est le caractère contesté et ambigu du
concept de gouvernance, approprié tout autant par des auteurs se réclamant
d’une analyse hétérodoxe que par les tenants du courant néoclassique. On
retrouve cette ambiguïté, ou cette appropriation partagée, à travers la notion de
"biens publics mondiaux", parmi lesquels l’environnement (dimension
environnementale) et les "droits humains essentiels" tels que la santé
(dimension sociale et humaine). En d’autres termes, sur le terrain de la
régulation de la sphère environnementale ou sociale, les approches non
standard ne se trouvent pas en position dominante. En effet, les termes clés en
expansion au sein des différents acteurs ne sont pas spécifiques à une approche
socio-économique, comme l’illustrent les termes de "gouvernance" et de "biens
publics mondiaux", pourtant révélateurs des limites du marché. Le courant
standard utilise ces termes, mais dans une perspective quelque peu différente
des conceptions hétérodoxes.
Pour souligner cette difficulté éprouvée par les analyses socio-économiques
d’explorer des domaines occupés ou réinvestis par les approches standard, nous
examinons la notion de bien public mondial, appliquée à la sphère
23
Voir par exemple "Relations Nord-Sud et environnement", revue Mondes en
développement, 2004/3, n° 127.
Mondes en Développement Vol.34-2006/3-n°135
28
Bruno BOIDIN et Bertrand ZUINDEAU
environnementale et à la sphère sociale. Selon Kaul, Grunberg et Stern (1999),
trois critères peuvent être retenus pour définir les biens publics mondiaux
(1999, 36-38) : ils ne concernent pas seulement un groupe de pays (leurs effets
dépassent, par exemple, les blocs commerciaux ou les pays de même niveau de
richesse) ; leurs effets atteignent non seulement un large spectre de pays, mais
également un large spectre de la population mondiale ; enfin leurs effets
concernent les générations futures (les auteurs rattachent ce point au concept
de "durabilité", en particulier dans l’esprit d’un impact intergénérationnel). Les
"effets" ici énoncés font directement référence à la notion d’externalité, centrale
dans l’approche des biens publics telle qu’elle a été proposée par Samuelson
(1954). La différence tient à l’ampleur des externalités transfrontalières. Si l’on
examine les analyses récentes relatives aux actions menées par les différents
acteurs de la "gouvernance mondiale" (institutions internationales, ONG,
pouvoirs publics…), un relatif consensus semble se dégager sur les possibilités
de coopération pour la gestion des biens publics mondiaux, et ce, quels que
soient les fondements, altruistes et/ou égoïstes, guidant les différentes
initiatives. Martin (1999, 61) estime qu’il n’est "nul besoin de faire appel à un
altruisme ou un idéalisme des acteurs pour expliquer pourquoi ils pourraient
coopérer les uns avec les autres. Il suffit simplement de démontrer que tous
peuvent trouver l’entreprise de coopération avantageuse". L’auteur souligne,
cependant, que ce sont les obstacles à la coopération qui doivent être traités. Ce
consensus sur la notion d’intérêts bien compris est-il absolu ? Selon certains
auteurs, l’audience croissante du concept de bien public mondial refléterait une
simple prise en compte de dimensions sociale ou humaine dans un contexte
marqué par une volonté et un mouvement effectif général de libéralisation. En
d’autres termes, les approches libérales de la mondialisation trouveraient dans
l’extension du concept de bien public à l’échelle mondiale un moyen d’asseoir la
libéralisation tout en laissant une place à un "minimum universel" de dotations.
L’approche par les biens publics mondiaux ne serait alors qu’une nouvelle
façon de remédier aux défaillances du marché, tout en préservant la place
centrale de ce dernier.
Néanmoins, un examen plus attentif des différentes visions des biens publics
mondiaux nous amène à relativiser cette thèse d’une prédominance de la vision
strictement "standard". Ainsi, un certain nombre d’acteurs et d’analystes,
quoique critiques par rapport aux présupposés orthodoxes sur les biens publics
et la gouvernance mondiale, sont sensibles à l’intérêt du concept de bien public
mondial comme levier de renforcement des interventions publiques.24 De plus,
24
Le recours au concept de bien public mondial est alors vu comme contribuant à rendre
opérationnelle la notion de droit humain fondamental. Certaines ONG actives dans le
domaine de la solidarité internationale adoptent cette démarche (on peut citer en France
l’association Survie). Plus généralement, Gauvrit (2002, 84) indique comment ce concept
est approprié par les institutions internationales, dans le sens donné par Badie et Smouts
(1999, 206) : ces biens publics mondiaux "appartiennent à l’ensemble de l’humanité et
doivent être considérés comme des éléments dont chacun est responsable pour la survie de
tous".
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Socio-économie de l'environnement et du développement durable
29
la notion de bien public, même si elle trouve ses sources dans l’analyse
standard, devient avec son extension aux biens publics mondiaux un objet de
débats et d’approches différentes, tant dans la définition du contenu du bien
public que dans la mise en œuvre et l’ampleur des programmes concernés.
L’existence de différentes approches possibles est également soulignée par
Gabas et Hugon (2001). Ces auteurs distinguent deux "doctrines opposées" des
biens publics mondiaux. La première est une vision minimaliste de la
coopération internationale, dont l’objet serait cantonné à apporter des réponses
aux défaillances du marché. Dans cette première version, on se situe
effectivement au sein de l’approche standard des biens publics. La gestion des
biens publics mondiaux est alors abordée en termes d’intérêts tirés par chacun
des acteurs d’une éventuelle coopération, en particulier face aux externalités
négatives transfrontalières. C’est là une approche stricte des "intérêts bien
compris" explicités plus haut. À l’inverse, la seconde doctrine présentée par les
auteurs repose sur une approche "en termes d’économie politique", qui d’une
part préfère une vision maximale de la coopération (la régulation internationale
peut se substituer aux accords bilatéraux ou multilatéraux), d’autre part
s’interroge sur les limites, au sein des "intérêts bien compris", d’une gestion qui
laisserait toute liberté aux acteurs dont les objectifs sont purement égoïstes.
Cette seconde vision, tout en admettant la pluralité des objectifs, pose comme
principe la primauté des règles sur le marché, notamment lorsque l’intérêt
collectif est menacé.
Un exemple de l’opposition des deux approches peut être abordé dans le
domaine du développement humain, en particulier la santé. Ce domaine est
depuis plusieurs années présenté par les institutions plurilatérales, les ONG et
les Etats, comme un bien public mondial. Cet apparent consensus ne doit
néanmoins pas tromper. Deux visions polaires peuvent être distinguées, sans
empêcher conjointement la présence d’approches intermédiaires.
D’un côté, on trouve une conception sécuritaire, principalement basée sur le
principe des externalités. Ainsi, au même titre que les programmes de
vaccination pourraient être gérés de façon transnationale afin de prendre en
compte leurs externalités positives au-delà des frontières, les épidémies
(HIV/SIDA, tuberculose, paludisme, SRAS…) devraient être traitées à l’échelle
internationale ou mondiale afin d’assurer une prise en charge commune des
contagions transfrontalières et de mieux partager les responsabilités entre pays.
Cependant, l’approche sécuritaire constitue une conception particulière et très
réductrice des biens publics mondiaux, autocentrée et privilégiant de fait la
protection contre les risques émanant de l’extérieur. Plus généralement, l’accent
mis sur une perspective sécuritaire explique le recentrage, depuis plusieurs
années, des programmes de santé mondiaux vers les maladies infectieuses.
Même si elles peuvent avoir comme effet bénéfique des initiatives innovantes
dans le cadre de la lutte contre le Sida, le paludisme, la tuberculose et d’autres
maladies courantes dans les pays pauvres, ces approches du bien public santé,
vu essentiellement sous l’angle du risque transfrontalier, posent problème. Elles
tendent, en effet, à mettre en concurrence des actions qui, pour certaines
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30
Bruno BOIDIN et Bertrand ZUINDEAU
d’entre elles, nécessitent, au contraire, une approche transversale de la santé
parce que les causes des maladies qu’elles traitent sont dans une large mesure
complémentaires.25 Elles renforcent, également, la stigmatisation dont les pays
dits à risque font l’objet, puisqu’ils sont considérés comme les "maillons faibles"
d’un système international de surveillance et de prévention. Enfin ces stratégies
sous-estiment largement les externalités négatives allant cette fois des pays
riches vers les pays pauvres.26
À l’inverse, une vision en termes d’économie politique dans le domaine de la
santé ne partira pas des seules externalités ou de considérations technicoéconomiques sur les biens concernés. Elle reposera sur la primauté de la règle
face au marché. À titre d’exemple, certains domaines de la santé pourront être
considérés comme nécessitant une prise en charge supranationale ou
partenariale entre des acteurs publics et privés, au regard de la gravité de la
situation pour les populations pauvres face aux maladies négligées par les
laboratoires pharmaceutiques. Certaines initiatives émanant d’ONG et
d’organisations internationales vont dans ce sens, dans une version extensive de
la mise hors marché qui repose sur des partenariats entre acteurs publics et
privés, y compris des firmes. La plus notoire est la Drugs for Neglected Diseases
Initiative (DNDi) lancée en février 2002 par Médecins Sans Frontières dans le
cadre du "Drugs for neglected diseases Working group". Elle consiste à associer des
laboratoires et des acteurs dans les pays touchés, en particulier des scientifiques.
Le financement repose sur les ONG et les donations privées et vise en priorité
la maladie du sommeil, la maladie de Chagas, la leishmaniose viscérale, le
paludisme, toutes ces affections étant négligées dans les recherches des grands
laboratoires.
Si cette deuxième approche demeure en construction, elle nous semble bien
traduire une conception des biens publics mondiaux qui pose des limites à
l’auto-régulation des décisions individuelles et se rapproche du cadre non
standard. En effet, la règle y étant l’élément central, ce sont les processus
décisionnels principalement itératifs menés pour construire cette règle qui
nécessitent une analyse poussée.
25
26
Dans le même ordre d’idée, Waddington illustre les interrogations sur les effets réels de
certaines actions partenariales avec le cas de "l’Alliance globale sur les vaccins et la
vaccination" (Global Alliance for Vaccine and Immunization, GAVI). L’auteur craint que
les rares ressources humaines compétentes dans la vaccination traditionnelle (en particulier
la rougeole, dont la couverture n’est pas très élevée) ne soient détournées vers des vaccins
moins prioritaires. Voir Waddington C. (2001), "Don’t be distracted from good routine
immunization", revue GAVI Immunisation Focus, mars, cité par Mills (2002).
Les études menées sur la "charge mondiale de la maladie" (global burden of disease)
(Murray et Lopez, 1996) concluaient dès les années 1990 que, si les maladies contagieuses
touchent encore en priorité les pays en développement, les maladies non contagieuses, et
liées principalement aux modes de vie des pays riches, frappent à leur tour les pays
pauvres et intermédiaires à un rythme inquiétant. Les affections dont la charge augmentera
le plus au début du 21e siècle, figurent celles liées au tabac. Les pays pauvres et en
développement ne bénéficient pas du même niveau de vie que les pays riches, mais ils en
importent déjà les maladies.
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Socio-économie de l'environnement et du développement durable
31
Il reste que les deux visions des biens publics mondiaux, l’une standard
minimaliste, l’autre en termes d’économie politique, admettent la pluralité des
objectifs des différents acteurs. Rien ne garantit alors que chacun d’entre eux
adhérera au consensus de la coopération, car les intérêts parfois divergents
favorisent les rivalités. En d’autres termes, la coopération n’est nullement
garantie, et la construction des biens publics mondiaux nécessiterait donc la
mise en œuvre d’une politique favorisant la coordination des acteurs, peut-être
malgré eux. On retrouve le projet institutionnaliste de remise en cause des
institutions27 dont l’action est fondée sur une logique principalement
marchande. Ce projet demeure lui aussi à l’étape préalable.
CONCLUSION
En mêlant des objectifs d’ordre environnemental, économique, politique, etc.,
la réalité des politiques de l’environnement et du développement durable s’écarte
résolument de la notion d’optimum économique de l’environnement. On serait
tenté d’y voir une contestation majeure de la théorie standard. Pourtant, cela ne
suffit pas car, traitant de norme, ce qui est ne saurait servir de fondement à ce
qui devrait être, suivant la fameuse "guillotine de Hume". L’existence de
normes environnementales et sociales, non fondées sur un calcul d’optimisation
économique, n’invalide pas fondamentalement la pertinence en soi d’un tel
optimum. De même, si l’on admet raisonnablement que la détermination exacte
de l’optimum est chose inatteignable, une telle référence économique, ne seraitelle qu’approximative, n’en reste pas moins valable dans la définition des
politiques.
Cependant, une approche socio-économique de l’environnement placera
d’emblée la critique sur un autre terrain : le normatif. Elle peut, certes,
reconnaître le caractère irréaliste de l’optimum économique de l’environnement,
mais surtout elle jugera mauvaise une telle norme. Mauvaise, parce qu’elle
prétend convertir la totalité du vivant (Passet, 1979) à l’aune de la monnaie.
Mauvaise, parce que l’axiome de substituabilité élimine hâtivement la marque
originale des contraintes environnementales et sociales.
En réaction, les courants écologique et écologico-économique mettent en avant
les concepts alternatifs de capacité de charge, de capital naturel critique, de seuil
d’irréversibilité, etc., ainsi que nous les avons abordés précédemment. Certes,
de tels critères ne sont pas eux-mêmes exempts de difficultés d’évaluation, en
particulier, lorsque la démarche s’approfondit et passe de l’analyse
environnementale à la problématique multidimensionnelle que constitue le
développement durable. De même, les propositions quant à des moyens
27
Sachant que l’approche standard, via la théorie des jeux appliquée aux politiques
internationales dans le domaine de l’environnement, a traité des difficultés de la
coopération, sans toutefois remettre en cause le cadre marchand (Carraro, Siniscalco,
1992 ; Chander, Tulkens, 1992 ; Kaitala et al., 1992 ; Rotillon, Tazdaït, 2003 ; etc.).
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Bruno BOIDIN et Bertrand ZUINDEAU
institutionnels renouvelés pour viser les objectifs assignés se heurtent à des
difficultés non négligeables, ne serait-ce que du fait d’une "occupation du
terrain", conceptuelle et en pratique, par les conceptions économiques
dominantes.
Il n’en demeure pas moins que les approches hétérodoxes tirent les
conséquences de cet objet complexe qu’est l’interaction natures/sociétés pour
proposer des normes ne ressortissant pas au paradigme économique
traditionnel et révélant, au contraire, la nécessité d’intégrer les différentes
dimensions de cette interaction : écologique, socioculturelle, politique,
économique…
On comprend que la question clef sous-jacente à l’ensemble de la réflexion
amorcée sur une problématique socio-économique de l’environnement et du
développement durable est celle de la détermination des normes d’action. À cet
égard, tout autant l’hypothèse de "double enchâssement" et l’optique
interdisciplinaire sont deux variables à même d’éclairer cette détermination, à la
fois sur un plan positif et d’un point de vue prescriptif.
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