Harcèlement scolaire : « J`étais une cible facile, sans amis, sans

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Harcèlement scolaire : « J`étais une cible facile, sans amis, sans
SEQUENCE 1 : « Vivre sa différence avec les autres ».
Harcèlement scolaire : « J’étais une cible facile, sans amis, sans soutien »
Cible privilégiée des moqueries d’une bande de filles au collège, en 4 ème, Blanche a cessé
d’aller en cours. Il lui était devenu insupportable de vivre ces violences quotidiennes.
Aujourd’hui, elle raconte son histoire afin de faire tomber le tabou qui entoure trop souvent
le harcèlement scolaire.
Je me suis retrouvée seule
« J’étais une cible facile. Tous mes amis
avaient déménagé et changé de collège.
J’étais seule et sans soutien. Une bande
de filles a très vite commencé à me
critiquer, sans relâche, tout le temps.
Elles me disaient que j’étais une
« extraterrestre », que j’étais « bizarre ».
Tellement bizarre que, plus tard, je
deviendrai sans doute « une meurtrière, une folle… » Elles critiquaient mon apparence : j’ai
les cheveux très bouclés, alors que pour elles, il fallait les avoir lisses… Je n’avais pas les
mêmes centres d’intérêts, je ne m’intéressais pas du tout à la mode et j’étais différente, ça
ne leur plaisait pas. Elles m’ont même forcé à me relooker. A ces violences verbales, se sont
ajoutées des violences physiques. Des coups derrière la tête, des croche-pieds… Je n’ai pas
perçu tout de suite l’ampleur de la violence, jusqu’où cela pouvait aller. Je ne me suis pas
défendue. Se défendre est d’ailleurs presque impossible quand on est seule. Et cela a duré
une grande partie de l’année, jusqu’au moment où je n’en puisse plus. Et que ce ne soit plus
tenable. Je souffrais d’insomnies, l’idée d’aller à l’école m’était insupportable, comme si
chaque jour au collège était une nouvelle rentrée. J’ai développé une véritable phobie
scolaire.
Au début on minimise les choses
Pour résister, je me disais que ce n’était pas très grave, que ce n’étaient que des petites
violences. Qu’il fallait que je prenne mon mal en patience. Que l’année suivante, je
changerai de classe, que je ne verrai plus celles qui me harcelaient. Et puis j’ai craqué. Je me
suis confiée à ma professeure d’italien. La seule en qui j’avais confiance et à laquelle j’ai
dédié mon livre. J’ai alors refusé de retourner au collège et j’ai fini mon année scolaire, ainsi
que la suivante grâce au CNED. Au lycée, mes horaires étaient aménagés car je n’arrivais pas
à me rendre à toutes les heures de cours. Aujourd'hui encore, cela reste compliqué pour
moi. Ce que j’ai vécu continue d’avoir d’assez lourdes conséquences.
Personne n’avait décelé mon problème
Même la professeure à laquelle je me suis confiée n’avait rien perçu et a été la première
étonnée. Le harcèlement scolaire est très difficile à cerner. Seule la victime sait ce qui se
passe, connaît ces petites violences insidieuses et peut en parler. Ce qu’il faut absolument
faire. Si je me suis confiée à cette professeure, plutôt qu’à mes parents, c’est que je ne
voulais pas les inquiéter, ni qu’ils se sentent coupables. C’est elle ensuite qui a pris
l’initiative, même si je n’étais déjà plus au collège, d’en parler en classe. Elle a mis des mots
sur la situation, sans me nommer. Elle a fait prendre conscience aux élèves que je n’étais
plus là, à cause de ce que certains d’entre eux m’avaient fait subir. Les filles qui me
harcelaient sont passées en conseil de discipline.
Mes parents ont été sidérés
Pour eux, il était impensable que personne n’ait rien vu. C’est vrai que ma mère avait essayé,
durant les conseils parents-professeurs de parler avec eux. Elle avait quand même remarqué
que je n’allais pas très bien, que j’allais au collège à reculons. Mais les professeurs lui
répondaient toujours que je ne posais pas de problèmes, que j’étais seulement un peu
discrète, que je travaillais bien et qu’il ne fallait pas s’inquiéter. Mes parents en ont vraiment
voulu à l’école, pour ce manque de vigilance de la part des adultes.
Ne pas se sentir coupable
Quand on est victime de harcèlement, on culpabilise, on a honte de ce qui nous arrive. Il faut
absolument se convaincre que ce n’est pas de sa faute. Que ce que l’on vit n’est pas normal,
que l’on ne doit pas se sentir en insécurité à l’école, au collège ou au lycée. Au contraire : les
élèves sont censés y être protégés, égaux et respectés. Pas jugés sur le physique, la façon de
penser, ou de s’habiller. J’invite ceux qui sont victimes de harcèlement à trouver la force en
eux de parler, la bonne personne à qui se confier, un adulte ou un ami. Il ne faut pas avoir
honte et faire comprendre que ce que l’on vit est grave. Parler c’est le plus important. Le
harcèlement ce n’est pas de l’enfantillage. Ce n’est pas une insulte une fois mais des
centaines de fois, sans cesse, tous les jours. Et c’est intolérable. Personne ne mérite de vivre
ça. »
Aux côtés de l’association Plus-Fort, Blanche intervient dans les collèges et lycées de
Marseille pour sensibiliser sur le sujet. « C’est dur pour moi, mais il y a un réel échange.
Quand je témoigne les élèves sont touchés mais ils voient aussi que j’ai réussi à dépasser
tout ça, à faire quelque chose derrière. » Et surtout elle écrit. Une passion née de son besoin
de se libérer.
Interview rapportée par Lucien Fauvernier, Psychologie Magazine, février 2015
Pour réfléchir ensemble :
1. Quelles ont été les humiliations subies par Blanche ?
2. Face au harcèlement comment Blanche a-t-elle réagi ? Quelles en ont été les
conséquences ?
3. Comment Blanche s’en est-elle sortie ?
4. Comment ont réagi les adultes ?
5. Quelles ont été les conséquences pour ses bourreaux ?
6. Quels conseils Blanche donne-t-elle à toutes les victimes du harcèlement ?
Exercice d’écriture :
Tu as peut-être été victime d’une forme de harcèlement ou tu as connu un(e) camarade qui
l’a été. Dans un paragraphe d’une dizaine de lignes, raconte brièvement comment ce drame
a été vécu et quelle solution a été la trouvée.