.MUSEE DE LODEVE du 26 juin au 31 octobre 2004 VAN DONGEN

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.MUSEE DE LODEVE du 26 juin au 31 octobre 2004 VAN DONGEN
.MUSEE DE LODEVE
VAN DONGEN du 26 juin au 31 octobre 2004
VAN DONGEN : 1877, Delfshaven - 1968, Monaco
L'exposition présentée par le Musée de Lodève, du 26 juin au 31 octobre 2004, réunit des œuvres de la première
partie de la vie de Van Dongen, depuis les premières années à Rotterdam, l'installation à Paris, les séjours en
Espagne, au Maroc et en Égypte, jusqu'aux lendemains de la Première Guerre et le voyage à Venise au début des années 1920. Elle est consacrée essentiellement à la relation Nord-sud propre à cette période durant laquelle il puise ses sujets à la
fois dans les régions du Nord et dans les pays méditerranéens. L'exposition met en évidence la manière dont cette
conjonction du Nord et du Sud stimule la création chez le peintre qui, issu d'une culture nourrie de l'école hollandaise,
va rencontrer le foisonnement avant-gardiste de l'École de Paris, et, à travers ses voyages dans le Sud, la lumière
particulière de la Méditerranée.
Van Dongen, d'abord intéressé par le dessin où s'expriment ses idées anarchisantes, se consacre ensuite à la
peinture. C'est par la couleur, celle d'une palette éclatante et vitaliste qu'il mène au paroxysme des contrastes, qu'il va
désormais exprimer sa fougue provocatrice, son sensualisme, cette " délectation capiteuse de la matière " et, surtout,
cette invention chromatique lyrique et brutale qui a fait de lui un des grands fauves.
L'exposition rassemble environ quatre-vingts œuvres provenant de nombreux Musées et collections particulières
internationaux. Elle est accompagnée d'un catalogue scientifique qui réunit essais synthétiques et analytiques, notices
d'œuvres, destinés à éclairer le propos de l'exposition.
La jeunesse à Rotterdam
Cornelis Theodorus Marie (dit Kees) Van Dongen naît le 26 janvier 1877 à Delfshaven, un des faubourgs de
Rotterdam. Deuxième des quatre enfants d'une famille bourgeoise de maltiers, il quitte l'école à douze ans pour
travailler pour son père avant de suivre les cours de l'Académie royale des Beaux-Arts, à partir de 1894. Il étudie le
dessin, certainement sous la direction de Van Maasdjik.
Au gré des expositions ou des musées qu'il découvre dans les villes voisines, il s'imprègne de l'art de Rembrandt et
de Franz Hals qu'il admire et de peintres contemporains, comme Jozef Israëls et Breitner. Dans le grenier familial
qui lui sert d'atelier, il dessine et commence à peindre des paysages et scènes typiques, d'une palette plutôt sombre, qui s'éclaircit en 1895-96, quand il réalise des " études de plein air agréables et alertes " des quais de Delfshaven. 1896-97 : Il s'installe à Rotterdam et participe à la revue Vrije Kunst où le style de ses dessins, désormais linéaire,
apparaît comme très proche du symbolisme de Jan Toorop. Son appartenance au cercle de Vrije Kunst situe déjà
Van Dongen dans la mouvance anarchiste.
Il exécute, en 1903-1904, de nouvelles séries de dessins " à l'encre de chine que l'aquarelle bariole violemment ou
colorie de nuances tendres ", selon Félix Fénéon, qui s'attachent toujours à la représentation de la " Femme " mais
dans des occupations intimes et familières où interviennent les " plaisirs sensuels " . Ils ont acquis une aisance
expressive et fougueuse, une ampleur remarquable notée par Fénéon : " son pinceau trace avec un sens décoratif qui
enchante et une incomparable décision la ligne où leur mouvement s'accuse ". Cette évolution se retrouve non
seulement dans le style, mais aussi dans les sujets. Le thème de la rue s'efface devant celui des spectacles
populaires, la critique sociale laisse la place à l'évocation de la sensualité. Le cirque, la fête foraine, qui apparaissent
parmi ses thèmes récurrents, s'inscrivent dans un registre " moderne ". C'est à ce moment là, au printemps-été 1903,
qu'il revient à la peinture. En 1904, il travaille comme homme de force ou comparse pour le cirque ambulant " Chez Marseille " et y puise ses
sujets. Il s'inspire quelque peu du travail de Maximilien Luce dont il est l'ami et qui l'aide, sur le plan financier, à
participer en février, pour la première fois, au Salon des Indépendants où il expose six toiles. Durant l'automne 1904,
il peint une série de carrousels, esquisses à l'encre et à l'aquarelle, inspirée par " les tourbillons de lumière provenant
de la lumière blanche " des carrousels à vapeur dont il ose " rendre cette bacchanale de lumière et de vie dans sa
brutalité et sa violence " comme le remarque Tom Schilperoort. (Il en exposera deux exemples au Salon des
Indépendants de 1905.)
En novembre, après le Salon d'Automne, c'est grâce à Fénéon que la galerie Vollard lui consacre une première
exposition particulière. Il y présente des œuvres réalisées en Hollande à Delfshaven, des vues de Paris, des marines
exécutées en Normandie, à côté de Trouville où il a séjourné durant l'été.Sa technique se situe alors dans la lignée
du néo-impressionnisme et du divisionnisme de Signac-comme Matisse qu'il rencontre alors- et du néerlandais Otto
Van Rees. La critique note " les touches juxtaposées en retombées de feu d'artifice…les nuées rugueuses et
papillotantes ". Sa palette est devenue plus vive . L'audace de son " écriture spontanée et directe, comme imposée par le
mouvement et l'expression par la couleur "favorise son passage à la couleur pure qui l'amènera au fauvisme. Ainsi,
pour Apollinaire, " ce coloriste a le premier tiré de l'éclairage électrique un éclat aigu et l'a ajouté aux nuances. Il en
résulte une ivresse, un éblouissement, une vibration et la couleur conservant une individualité extraordinaire se pâme,
s'exalte, plane, pâlit, s'évanouit sans que l'assombrisse jamais l'idée seule de l'ombre ". Durant toute cette période,
Kees Van Dongen
Autoportrait, 1895
Huile sur toile 92,5 x 59,8 cm
Centre Georges Pompidou, Paris Musée national d'Art moderne / Centre de création industrielle Achat en 1976 Inv. AM 1976-1056
© ADAGP, Paris 2004
Kees Van Dongen
Les Fêtards, 1901-1903
Huile sur toile, 41 x 32 cm
Musée d'Art moderne, Troyes
Donation Pierre et Denise Lévy
Inv. MNPL 326
© ADAGP, Paris 2004
fortement intéressé par le primitivisme, attaché à la simplification de la ligne, il est aussi marqué par l'œuvre de Van
Gogh . dont une rétrospective aura lieu au printemps 1905 aux Indépendants..
Vers la célébrité
En 1905, il expose chez Berthe Weil et à nouveau aux Indépendants en mars . Sa fille Augusta, surnommée Dolly,
naît le 18 avril . Au Salon d'Automne, deux de ses œuvres figurent dans la salle des Fauves. Son intérêt pour la
couleur s'affirme, notamment dans ses séries sur le cirque où il utilise fréquemment des oppositions de couleurs
complémentaires. Ces accords contrastés se retrouvent aussi dans les paysages réalisés à Fleury en Brière, durant
l'été. Traités au pastel et à la peinture, ils portent l'empreinte de Van Gogh, par leurs sujets aussi bien que par leur
technique. Cette série " Une saison " fait partie des œuvres exposées à la galerie Druet en novembre, avec des
peintures consacrées aux fêtes foraines, carrousels et manèges. Van Dongen acquiert auprès de la critique la
réputation d'un artiste audacieux " moderne ", par ses sujets et leur traitement pictural. Par sa recherche d'une
expression directe et primitive au travers de la couleur , celle d'une palette fougueuse qui s'enflamme, il s'inscrit
entièrement dans l'avant-garde de l'époque. Il est pleinement, brutalement fauve. 1906 : Il loue un atelier au Bateau lavoir sans déménager de son logement de l'impasse Girardon et fait la
connaissance de Picasso dont il devient l'ami. La compagne de ce dernier, Fernande Olivier, sera par la suite
fréquemment son modèle. Il rencontre également Derain, Vlaminck, Max Jacob, André Salmon, Rolland Dorgelès…
Avec Picasso, il fréquente le cirque Médrano. Il peint des séries de scènes de cirque et de fêtes foraines. La série d'études, de dessins et de toiles qu'il consacre au Moulin de la Galette, encore centrée sur l'intensité de la
représentation des lustres électriques " soleils brûlants de couleurs ", marque l'apogée et les derniers feux de la période où sa technique dérive du néo-impressionnisme pendant que sa palette devient fauve. Il expose au Salon des Indépendants et au Salon d'Automne, dans les salles réservées à l'avant-garde fauve, des
œuvres décrites comme " de prodigieuses et énigmatiques débauches de couleur " . Il commence à pouvoir vivre de
sa peinture.
Kees Van Dongen
L'Ecuyère, 1906
Huile sur toile, 33 x 24 cm
Collection particulière
Courtesy Galerie Bellier, Paris
© ADAGP, Paris 2004
Kees Van Dongen
La Vigne, 1905
Huile sur toile, 46 x 55 cm Musée
Picasso, Paris Dation à l'État, 1973
Inv. R.F. 1973-92
© ADAGP, Paris 2004
1907 : De mi-janvier à mi-août, il est aux Pays-Bas, commandité par Fénéon pour rechercher des œuvres de Van
Gogh destinées à une exposition chez ernheim-Jeune. Luce et Ludovic Rodo-Pissarro le rejoignent. Il réalise des
esquisses, des études à l'huile, toujours autour de sujets réalistes mais plus colorées et " libres " qu'il présente à son
retour au marchand Kahnweiler, avec qui il passe un contrat oral. Il a déjà quitté le Bateau-lavoir mais reste à
Montmartre, où il s'installe d'abord rue Lamarck, puis , à la fin de l'année, rue Saulnier qu'il ne quittera pas jusqu 'en
1912. Pendant que les fauves s'éloignent vers d'autres aventures sur les traces de Cézanne, Van Dongen persiste
dans ses recherches autour d'une couleur triomphante et, à partir de 1908, s'affirme essentiellement comme peintre. 1908 : Kahnweiler lui organise une exposition en Allemagne à Düsseldorf, et, en mars, dans sa galerie rue Vignon. Il
expose aux Indépendants et au Salon d'Automne. En novembre, il signe un contrat avec Bernheim Jeune qui lui
consacre aussitôt une exposition rue Richepanse où il vend beaucoup. Invité par Max Peschtein et les peintres de Die
Brücke qui reconnaissent en lui un tempérament expressionniste, il expose à Dresde. Ses modèles préférés sont alors
Fernande Olivier -dont les yeux en amande caractériseront désormais ses portraits féminins - Nini " marcheuse sur le
plateau " aux Folies Bergères et la danseuse Anita. Il commence à être reconnu internationnalement
Kees Van Dongen
Amies, c. 1908
Huile sur toile, 110 x 90 cm
Kunsthaus, Zurich
Don de M. et Mme René Lang
Inv. 1982-27
© ADAGP, Paris 2004
Kees Van Dongen
Le Châle espagnol, 1913
Huile sur toile, 195,5 x 130,5 cm
Centre Georges Pompidou, Paris
Musée national d'Art moderne /
Centre de création industrielle
Donation Dolly van Dongen, 1985
Inv. AM 1985-73
© ADAGP, Paris 2004
Kees Van Dongen
La Piazzetta, Venise, 1921
Huile sur toile, 92 x 73,5 cm
Collection Particulière
Courtesy Micky Tiroche Fine
Arts Ltd, Londres
© ADAGP, Paris 2004
Van Dongen Fauve
En 1905 , Van Dongen est fauve. Il l'est de nature, d'instinct et le restera longtemps puisque, si ses amis fauves s'orientent rapidement vers d'autres pistes dès 1907-1908, la période fauve de
Van Dongen durera presque jusqu'à la veille de la guerre de 14. C'est par la virulence de la couleur, dont il explore la puissance et qu'il amène au paroxysme des contrastes, que Van Dongen va désormais exprimer son
besoin de provocation, son refus du conformisme. La couleur, -il privilégie essentiellement les couleurs fondamentales- s'étale maintenant en larges plans, en
même temps que disparaissent les petites touches discontinues.
Cette explosion chromatique, notamment dans le traitement de ses fonds remarquables, est ainsi notée par Elie Faure : " La couleur des morts, le plâtre des
joues, le sang des lèvres, les yeux verts, tout éclate à cause des fonds volontaires qui transforment le ciel, les crépuscules et la lueur des lampes en nappes
royales d'indigo, de rouge et d'orangé ". Sa palette et son dessin le situent parmi les plus violents des fauves.
Sur le même principe que Matisse dont il vient de voir Le Bonheur de vivre ( Luxe, calme et volupté ) au Salon des Indépendants , il s'intéresse à la place de
la ligne dans la composition. C'est ainsi qu'entre 1905-1910 ses personnages apparaissent entourés de cernes -allant parfois jusqu'au halo- souvent outremer
profond ou rougeâtres qui vont devenir une des caractéristiques de ses portraits.
Si sa palette change, dans ces années 1906-1908, son inspiration diffère aussi radicalement de la période du Zandstraat. Ses sujets s'éloignent des basquartiers pour s'inscrire dans le paysage de Montmartre , ses cafés-concerts, ses boulevards…. Sa prédilection pour la figure féminine, souvent représentée
nue, dans une posture provocante exaltant une troublante sensualité, s'affirme. Il excelle dans la puissance d'évocation sexuelle de ses sujets féminins,
danseuses ou demi-mondaines Il devient, comme l'écrit Elie Faure " le poète bestial des bijoux et des fards et de la chair profonde où la mort et la cruauté
veillent sous l'ombre des aisselles et les blessures du carmin ". Ses recherches chromatiques s'expriment aussi au travers du maquillage comme le souligne
Vauxcelles : " Coloriste ardent, il recherche et décompose les harmonies de la peau rosée où il découvre les acidités vertes, des lilas vineux, des bleuités
électriques. " Si les halos colorés cernant les portraits ont tendance à disparaître vers 1910, si la fréquence de la représentation des châles espagnols, décorés
d'arabesques, augmente en même temps que Van Dongen affirme une tendance décorative plus marquée, il reste cependant fauve, au moins jusqu'à la suite
de son voyage en Égypte en mars 1913, où les éblouissantes lumières méditerranéennes relancent son fauvisme.
La consécration
Sa dernière étape fauve est une période de transition dans sa vie et son œuvre. 1909 : Beaucoup plus à l'aise financièrement, il s'installe rue Saulnier, près des
Folies-Bergères. Il expose à Moscou, Odessa, aux Indépendants et au Salon d'Automne. Il signe avec Bernheim-Jeune un contrat de sept ans. En 1910, il participe à une exposition de groupe chez Berthe Weill, et à Munich avec Die Brücke. Il voyage, d'abord en Hollande, puis en Italie et, pendant
l'hiver, traverse l'Espagne avant de résider quelque temps au Maroc . Les chefs-d'œuvre qu'il en rapporte font l'admiration des critiques qui les découvriront lors
de ses deux expositions chez Bernheim, l'année suivante. Avec la découverte de la lumière particulière de la Méditerranée, son registre s'est modifié. La peau cuivrée de ses modèles féminins, les cascades de bijoux
étincelants, les châles éclatants, parent de couleurs chatoyantes une silhouette qui apparaît simplifiée, stylisée, assouplie. Ses paysages sont parmi les plus
remarquables avec ceux de Paris et d'Égypte. Et sa palette, outre les teintes vives, la chaleur de ses ocres jaunes et orangés, décline les nuances de blancs,
de noirs et de gris. " Européen ou exotique à son gré, Van Dongen a un sentiment personnel et violent de l'orientalisme. Cette peinture sent souvent l'opium et
l'ambre " écrit à ce sujet Apollinaire. En 1911, il expose aux Indépendants (dont 3 compositions décoratives) , en juin chez Bernheim-Jeune l'exposition " Hollande- Paris-Espagne ", au Salon
d'Automne, et, à nouveau chez Bernheim-Jeune en décembre, une reprise -due à son succès- de sa dernière exposition. En 1912, il donne des cours à l'Académie Vitti, participe à des expositions de groupe en Russie, à Londres et expose au Salon d'Automne. Désormais libéré
des soucis financiers, il déménage rue Denfert-Rochereau, à Montparnasse et se lance dans une vie mondaine intense, organisant des réceptions, des fêtes
costumées très prisées du Tout Paris. Au printemps 1913, Van Dongen voyage en Égypte où l'intensité des couleurs de ce pays de soleil réactive son fauvisme . " Il simplifie, se sert de cernes
puissants et fait jouer librement les couleurs en accordant une place importante au rouge ", note Jean Mélas Kyriazi. Durant l'été, premier séjour de la famille de Van Dongen à Deauville où il retournera ensuite régulièrement. Au Salon d'Automne, une de ses œuvres cause un
scandale retentissant Le Tableau ou Châle espagnol, ou La Femme aux pigeons, ou Le mendiant d'amour est un grand nu provocant de sa femme, Guus,
drapée dans un châle, jugé " obscène " et donc retiré par la police, au grand intérêt de la presse qui contribue, à cette occasion, à la célébrité de Van Dongen . Sa rencontre avec la marquise Luisa Casati, amie de D'Annunzio, lui ouvre les portes du monde, initiant une période qu'il nomme "l'époque cocktail " . Durant
cette " période duchesse " selon Max Jacob, comme beaucoup d'autres artistes d'avant-garde qui y recrutent leurs mécènes ou collectionneurs, il fraie avec la
haute société et ses extravagantes représentantes, avec le milieu de la mode et des couturiers tels Poiret ou la sœur de celui-ci, Nicole Groult . 1913 est considérée comme la date de son abandon du fauvisme. Il réalise alors une série de compositions décoratives de nus au dessin très stylisé, peints en
aplats de tons primaires, peut être inspirés des sculptures égyptiennes qu'il vient de découvrir.
Les "Années cocktails"
Le début de l'année 1914 le voit organiser dans son appartement un bal costumé auquel assistent Paul Poiret, La Fresnaye, Matisse, Marquet et le " Tout Paris
à la page ", dans des décors extravagants. Il accueille ses invités, le " torse nu avec un large pantalon de couleur tendre, les cheveux et la barbe parsemés de
petits nœuds de ruban rose… " ainsi que le décrit André Warnod . Il expose aux Indépendants, puis, en juillet, à Berlin, à la galerie Cassirer. Guus et Dolly
partent en vacances en Hollande avant la déclaration de la guerre de 14 qui empêche Van Dongen de les y retrouver . Resté en France, néerlandais,
antimilitariste, il ne participe pas au conflit. Il va désormais essentiellement se consacrer aux portraits. Si, jusqu'en 1914, il n'en a réalisé que peu, c'est dans l'entre-deux guerres qu'il devient le portraitiste
à la mode. " L'extériorisation de mes désirs s'inscrit en images. J'aime ce qui brille, les pierres précieuses qui étincellent, les étoffes qui chatoient, les belles
femmes qui inspirent le désir charnel… La peinture me donne une possession plus complète de tout cela " déclare-t-il. Dans ces portraits féminins, il s'attache
désormais, en priorité, à générer non plus la force profonde et instinctive du désir mais les charmes plus superficiels de l'esthétisme. En 1916, Son contrat avec la galerie Bernheim-Jeune est rompu. Il rencontre Jasmy Jacob, avec laquelle il noue une liaison qui durera jusqu'en 1927.
Intelligente, belle, volontaire, ambitieuse, issue des milieux de la mode, elle partage avec Van Dongen le goût d'un mode de vie très mondain qui précipite
l'évolution stylistique de l'artiste et décuple son appétit de vivre les plaisirs que son succès de peintre à la mode lui apporte. En 1917, le couple s'installe dans un hôtel particulier du bois de Boulogne, au 29 de la Villa Saïd. La séparation de Van Dongen et de Guus, de retour de
Hollande avec Dolly à la fin de la guerre, est consommée. Il expose en mars à la Galerie d'Antin. En mars 1918 une exposition particulière -dont le catalogue est préfacé par Apollinaire- lui est consacrée chez Paul Guillaume. Les commandes abondent, de
portraits essentiellement ou, pour Paul Poiret , la réalisation de Quiétude. 1919 : Il expose à Berlin chez Cassirer, à Hambourg et Düsseldorf, et au Salon d'Automne. Puis en 1920, aux Indépendants et au Salon d'Automne, mais à
partir de septembre, il décide de n'exposer que dans son propre atelier, à la Villa Saïd. " Deauville 1920 " est la première concrétisation de cette volonté. Il fait
le portrait de Charles Rappoport, et, par son intermédiaire, rencontre Anatole France.
Il exécute un portrait de ce dernier, présenté à la Nationale en 1921, qui est l'occasion d'un nouvel énorme scandale car cet écrivain, alors considéré comme
gloire nationale, y est représenté comme un vieillard sénile à moitié endormi. En mars, il expose chez Bernheim. Il se rend à Venise avec le critique Michel
Georges-Michel. La marquise Casati qu'il accompagne, le fait bénéficier de ses relations haut placées. Il peint une vingtaine d'œuvres, reflétant la grâce de la
ville et de ses sites réputés, habités par des femmes élégantes dont la silhouette élancée s'inscrit dans son nouveau style de représentation féminine. Elles
sont exposées chez Bernheim, en décembre . Un nouveau scandale éclate au Salon d'automne dans lequel une de ses toiles aurait été refusée. En fait, il en a envoyé cinq au lieu des deux prévues par le règlement, mais Van Dongen sait jouer des scandales qu'il suscite en s'attirant ainsi le soutien d'un public dont
il est de plus en plus apprécié. Il achète une maison de campagne et divorce de Guus.
Il va ensuite se consacrer essentiellement, dans une période que ne traite pas l'exposition, à un rôle de portraitiste officiel de cette partie du 20ème siècle, en
accord avec son goût pour les plaisirs qu'apporte l'argent, les fêtes mondaines dont il est devenu " l'observateur impertinent " . Il écrit " Je veux bien être,
comme on le dit, le peintre de l'élégance et de la mode ! Mais je ne suis pas, comme beaucoup sont tentés de le croire, victime du snobisme, du luxe, du
monde. Ca m'amuse. C'est tout ! ". En 1922 , il peint son Autoportrait en Neptune exposé au Salon d'Automne. Il achète au nom de Jasmy Jacob, un
magnifique hôtel particulier, rue Juliette-Lamber " véritable palais, presque aux dimensions de cathédrale ", selon le témoignage d'André Warnod en 1928.
Mondanités, et réceptions s'y succèdent. Les années folles lui réussissent. Sans cesse sollicité pour de nombreux portraits, il réalise en 1926 les illustrations du
roman de Victor Margueritte La Garçonne. De ce personnage aux cheveux courts, aux grands yeux en amande cernés de noir, au corps mince et élancé, il fera
l'archétype de la femme de cette période 1925. Cette même année, il est fait Chevalier de la Légion d'Honneur . En 1927, il publie sa biographie par le truchement de celle de Rembrandt. L'exposition rétrospective organisée par le Stedelijk Museum d'Amsterdam est pour
lui une consécration internationale . Il rompt avec Jasmy Jacob . Nouveau voyage en Egypte en 1928. Il y peint quelques portraits et visite la Haute-Egypte, où
il réalise des paysages du Nil, exposés en novembre dans son atelier. En 1929, il est naturalisé Français. Avec le Krach de Wall Street , ses commandes se raréfient, mais il choisit de ne pas brader son talent et cesse de vendre.
Jasmy Jacob vend en 1932 la rue Juliette Lamber . Van Dongen s'installe à Garches, jusqu'en 1934 où il aménage dans un immense atelier, rue de Courcelles
.Les affaires reprennent et il reçoit à nouveau de nombreuses commandes dont celles du Roi des Belges, de l'Aga Khan et de stars telles Arletty, ou Sacha
Guitry . Un grand nombre d'expositions rétrospectives confirment cette embellie .
Sa vie, elle aussi prend un tour nouveau. En 1938, il rencontre Marie Claire qu'il épousera en 1953. C'est en 1940 que naît leur fils, Jean-Marie. Alors que
Paris est occupé, il participe au malheureux voyage en Allemagne nazie organisé par Arno Becker avec d'autres artistes français tels Derain, Vlaminck, Dunoyer
de Segonzac… qui lui sera longtemps reproché. A partir de 1949, il vit l'hiver à Monaco, dans la villa " le Bateau-lavoir " qu'il vient d'acheter, avec Marie-claire
et son fils, et l'été partage son temps entre Paris et Deauville. Un grand nombre d'expositions et de rétrospectives lui sont internationalement consacrées, mais
le milieu artistique français le boycotte, jusqu'en 1959 et sa participation à l'exposition " le fauvisme français et les débuts de l'expressionnisme " . Il vit
désormais toute l'année au Bateau Lavoir de Monaco . En 1967 , pour ses 90 ans, une rétrospective de son œuvre est présentée en octobre au Musée d'Art
Moderne de Paris puis en décembre à Rotterdam. Il meurt le 28 mai 1968, à Monaco.
Quelques repères bibliographiques :
- Catalogue Les années fauves, 1904-1908, Barcelone, 1999. Ed. française, Editions Somogy, 2000
- Catalogue Van Dongen retrouvé. L'œuvre sur papier, 1895-1912. Museum Boijmans Van Beuningen, Rotterdam 1996-97, Musée des Beaux-Arts, Lyon, 1997,
Institut Néerlandais, Paris, 1997, RMN
- Van Dongen. Gaston Diehl, Flammarion, 1968
- Catalogue Les fauves et la critique, Musée de Lodève, 1999, Ed. Electa - Catalogue Kees Van Dongen, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, 2002 - Fauves, Judi Freeman, The Art Gallery of New South Wales, 1995 - Van Dongen après le fauvisme, Jean Melas Kyriazi, Edita-Lazarus, 1987 - Catalogue Hommage à Van Dongen, Musée Cantini, presses municipales de Marseille, 1969 - Le Musée de l'Annonciade, Saint Tropez, Jean-Paul Monery, Musées et Monuments de France - Van Dongen, le peintre 1877-1968, Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, 1990