Dix expositions romandes à ne pas manquer cet été

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Dix expositions romandes à ne pas manquer cet été
Culture
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Au théâtre,
citoyens!
Le Matin Dimanche | 19 juin 2016
Dix expositions roman
Entrée
libre
Beaux-arts Entre Picasso, les trésors de l’Hermitage, Byron au château de Chillon
Jean-Jacques Roth
Rédacteur en
chef adjoint
Jacqueline, la dernière muse de Picasso à la Fondation Pierre Gianadda
Oui, aussi tarte à la crème que soit
l’expression dans l’univers très
politiquement correct de la culture
subventionnée, c’est bien la dimension citoyenne qui fait la nécessité
d’un théâtre. On connaît des exemples de réussite, dont on présentait les
saisons la semaine dernière dans ces
pages: le Théâtre de Vidy, ce laboratoire contemporain où Vincent Baudrier fait circuler urgence et panache;
le Théâtre de Carouge qui se bat
pour un théâtre vivant et populaire; le
Théâtre populaire romand qui renoue
avec ses racines combattantes. Mais
la liste n’est pas close, loin s’en faut.
Cette semaine, bravant l’Euro, une
autre scène attirait les foules: le Théâtre Forum, à Meyrin (GE). Un de ces
théâtres qui invite plus qu’il ne produit, mais à quel tempo! Succession
de théâtre et de danse, de pointu
et de populaire, d’invités prestigieux
(Luchini, Balasko) et de créateurs locaux (Botelho, Rosel), mais aussi lieu
d’expositions, de fêtes communales,
en réseau avec le centre commercial
et les écoles. Oui, lorsqu’il ouvre ainsi
ses portes, qu’il excite toutes les
formes de curiosité et de désir,
le théâtre reste bel et bien un personnage majeur sur la scène de notre
vie collective. Il y rappelle que «les
rêves sont le coeur sacré de notre
imagination», pour reprendre le beau
slogan qu’Omar Porras a accroché
en exergue de la saison du Théâtre
Kléber-Méleau.
[email protected]
Contrôle qualité
Picasso «Portrait de femme au chapeau à pompons
et au corsage imprimé», 1962.
PICASSOA voir
L’œuvre ultime
«Picasso, l’œuvre ultime Hommage à Jacqueline»
jusqu’au 20 novembre,
Fondation Gianadda, Martigny
(VS). Ouvert tous
les jours de 9 h à 19 h.
Fondation Pierre Gianadda
www.gianadda.ch
Hommage à Jacqueline
Martigny Suisse
18 juin - 20 novembre 2016
Tous les jours de 9 h à 19 h
PICASSO
L’œuvre ultime
Hommage à Jacqueline
Pablo Picasso, Jacqueline assise avec un chapeau vert et jaune, 1962, h/t,162 x 130 cm, Collection particulière, © Succession Picasso / 2016, ProLitteris, Zurich / Photo Claude Germain
son identité, il ne reste qu’un prénom et le surnom énigmatique de Madame Z. Pourtant,
son visage angélique et son port altier sont
connus dans le monde entier, grâce à Picasso.
Jacqueline sera sa muse, son égérie, sa dernière
femme. Il la rencontre en 1952, l’épouse
en 1961. Elle veillera sur lui les vingt dernières
années de sa vie, avant de se suicider, à l’âge
de 60 ans, le 15 octobre 1986.
Pour un artiste en quête de perfection, Jacqueline est le modèle idéal. Elle a cette beauté
froide, ce regard tranché qui conviennent si bien
au trait de Picasso, ainsi qu’une force de caractère qui se voit sur la toile. En alliant mystère et
intelligence, fierté et mélancolie, elle représente
une sorte de Mona Lisa des temps modernes.
La Fondation Pierre Gianadda, à Martigny (VS),
propose un ensemble de gravures, peintures,
céramiques et sculptures mettant en lumière
cette femme à l’éternelle jeunesse. Pour la seule
année 1963, Picasso a réalisé 160 portraits d’elle.
Il peut la présenter de manière classique (à
l’image de «Jacqueline aux jambes repliées»,
1954), la préférer en icône hiératique («Madame
Z (Jacqueline aux fleurs)», 1954) ou la parer
de vêtements orientalistes, à la façon d’un
Matisse («Jacqueline en costume turc», 1955).
Picasso aime aussi capturer son modèle
de profil, posé comme un sphinx; de face, avec
de grands yeux en amande, des sourcils sombres
et épais, comme dans «Portrait de femme au
chapeau à pompons et au corsage imprimé»,
peint en 1962. Surtout, avec elle il se libère, joue
avec les formes, les angles, les perspectives. Les
couleurs vives de la peinture à l’huile servent
à la sublimer, tandis que la délicatesse du fusain
ou du crayon lui donne un côté plus intime.
Avec Jacqueline en fil rouge, la Fondation
Gianadda se penche sur l’œuvre tardive de
Picasso. Celle où le maître espagnol excelle
et explore de multiples voies, peinture, gravure,
sculpture ou céramique. De cette période, de
son modèle, il laisse, notamment, de sublimes
statues en tôles découpées, élégantes et fières,
élancées et mystérieuses. Isabelle Bratschi
Successsion Picasso/2016 ProLitteris Zurich/Photo @RMN-Grand Palais (musée Picasso de paris)/Michèle Bellot
La personnalité des
responsables de théâtre a
toute son importance: ils ont
à personnifier leur institution,
à défendre son projet
$ Elle s’appelait Jacqueline Roque, mais de
Pablo Picasso, Jacqueline assise avec un chapeau vert et jaune, 1962, h/t,162 x 130 cm, Collection particulière, © Succession Picasso / 2016, ProLitteris, Zurich / Photo Claude Germain
C
e n’est pas tous les jours
fête dans les théâtres
romands. Mais on y voit,
en ce moment, des spectacles réjouissants. Ils attirent un public fervent qui remplit
les salles jusqu’à les faire déborder.
Il ne s’agit ni de pièces classiques, ni
de stand-up. Ce sont les présentations
des saisons à venir. On pourrait penser que ce rituel satisfait d’abord le
narcissisme de ceux qui le pratiquent,
mais non: les spectateurs aiment
se voir présenter le menu préparé
par les directeurs des établissements.
Ainsi que le sens qu’ils entendent
lui donner.
Car un théâtre, c’est bien plus
qu’une succession de spectacles. C’est
une identité. Que définissent d’abord
les choix artistiques, bien sûr, mais
aussi la qualité de l’accueil, celle des
sandwiches servis au bar, des liens tissés avec l’environnement, les écoles,
les «non-publics»… La personnalité
des dirigeants a elle-même toute
son importance: ils ont à personnifier
leur institution, à défendre son projet.
Fondation Pierre Gianadda
Martigny Suisse
18 juin - 20 novembre 2016
Tous les jours de 9 h à 19 h
Expos A voir également
Carl Hackert/ Centre d’iconographie genevoise/Bibliothèque de Genève, Markus Brunetti, Yves André, MEG J. Watts, Annik Wetter/MAMCO/Genève, Bili Sánchez Montenegro/Lima., Steeve Iuncker, DR.
Fondation Bodmer, Genève Après
deux siècles, Frankenstein revient
à Cologny. C’est en 1816 que
Mary Shelley écrit «Frankenstein,
le Prométhée moderne», chefd’œuvre de la littérature qui a fait
frémir plus d’un lecteur. Avec les
manuscrits de l’époque, le journal
intime de Mary Shelley ou encore
l’exemplaire de la première
édition du livre, l’exposition de la
Fondation Bodmer explore les
origines de cette histoire sur
l’avancée de la science qui ne
cessera d’être d’actualité.
«Frankenstein, créé des
ténèbres», jusqu’au 9 octobre.
www.fondationbodmer.ch
Musée des beaux-arts, Le Locle (NE)
Musée d’ethnographie, Genève
Recomposer la façade d’une
cathédrale avec des milliers
d’images qui représentent
chacune un fragment. Absurde?
Non. Le résultat de ce titanesque
travail photographique numérique
est impressionnant. On se
retrouve devant un dessin
d’architecte avec une perspective
frontale, impossible à avoir en une
seule prise et avec assez de recul.
L’allemand Markus Brunetti a
voyagé pendant dix ans en
Europe pour capter l’essence de
ces façades d’églises baroques,
gothiques ou romanes.
Diadème en plume d’ara et de
toucan de l’Equateur (photo),
collier de canines de jaguar
du Haut-Amazone, pendants
d’oreilles en nacre ou masques
en roseau et palmier du Brésil,
autant d’objets de cérémonie
utilisés par les chamanes.
L’exposition au MEG, placée
sous le patronage de
la Commission suisse
de l’Unesco,
confronte les
témoignages
d’une histoire
riche de croyances
à l’inquiétude pour
l’avenir des peuples
de l’Amazonie, dont
la population a diminué
de près de 80%.
«Façades»,
Markus
Brunetti,
jusqu’au
16 octobre.
Vernissage
aujourd’hui
à 18 h.
www.mbal.ch
Château de Chillon, Montreux (VD)
«Byron était une véritable star il y a
200 ans au même titre que David
Bowie de nos jours!» C’est avec ce
constat que le château de Chillon
propose une exposition intitulée
«Byron is back!» Il s’agit de
célébrer le bicentenaire de la visite
en Suisse, et plus précisément
au château de Chillon, du poète
anglais Lord Byron. L’exposition
comprend des éditions originales
et des documents de l’époque,
dont le célèbre manuscrit
du «Prisonnier de Chillon».
«Byron is back! Lord Byron,
le retour», jusqu’au 21 août.
www.chillon.ch
«Amazonie, le chamane
et la pensée de la forêt»,
jusqu’au 8 janvier 2017.
www.ville-ge.ch/meg
Culture
19 juin 2016 | Le Matin Dimanche
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des à ne pas manquer cet été
ou encore les façades d’églises recomposées, la balade artistique se révèle riche et surprenante.
Les trésors d’un collectionneur anonyme dévoilés à la Fondation de l’Hermitage
$ On ne connaîtra pas son nom. Mais derrière
@Andrew Mansfield, courtesy Anthony Reynolds Gallery, London, photo: Olivier Goulet
les 120 œuvres présentées à la Fondation de
l’Hermitage, sur les hauts de Lausanne, on peut
deviner le profil du collectionneur qui tient
à garder l’anonymat. Il y a une curiosité sans
limites et une connaissance de l’art sans faille.
«L’une des plus belles collections privées
d’Europe», précise-t-on du côté du musée.
Avec une sélection de peintures, sculptures et
installations, l’exposition dévoile les contours
d’une passion de toute une vie. Elle traduit
une attirance pour des œuvres modernes et
contemporaines avec une série de remarquables portraits très différents les uns des autres.
Il y a la sagesse de «Gabrielle penchée», une
peinture de Renoir datant de 1905, la tristesse
du «Chômeur» d’Otto Dix de 1924, la mélancolie de cette «Tête de femme» de Derain
en 1928. S’ajoutent aussi la souffrance d’un
autoportrait d’Antonin Artaud ou l’étrange
poésie aux tons passés et aux couleurs délavées
des visages d’Andrew Mansfield (ci-contre).
Le collectionneur est un promeneur qui aime
suivre les lignes bleues, blanches et rouges
de Louise Bourgeois, ou se perdre dans les
graffitis de Jean Dubuffet. Il s’évade aussi
dans les ciels chargés de milliers de traits d’un
Mark Tobey ou de points d’un Mark Francis.
Curieux, il s’intéresse autant aux encres
de Louis Soutter qu’aux noirs de Pierre
Soulages, aux ellipses de Robert Mangold
qu’aux écritures de Jean-Michel Basquiat.
«Cette collection ne s’embarrasse d’aucun
préjugé, ni d’aucune typologie exclusive,
explique Sylvie Wuhrmann, directrice de
la Fondation de l’Hermitage. Elle accueille
les formes classiques comme les expressions
contemporaines les plus radicales. Elle apprécie
autant l’économie des moyens que la profusion
des signes, et ne craint pas de se confronter
avec les matériaux nouveaux, les thèmes provocants ou les formats un peu extravagants…»
Si le collectionneur reste anonyme, les
visiteurs, à l’aide d’audioguide, pourront
l’entendre décrire les œuvres qu’il a acquises.
Et comprendre que chacune d’elles est un
coup de cœur.
Andrew Mansfield «Sans titre n° 232», 1998.
A voir
«Basquiat, Dubuffet, Soulages… une
collection privée», du 24 juin au
30 octobre, Fondation de
l’Hermitage, Lausanne (VD). Du mardi
au dimanche, de 10 h à 18 h (jeudi
21 h). Ouvert lundi 1er août.
www.fondation-hermitage.ch
Et encore…
Musée romain de Lausanne-Vidy
MAMCO, Genève Des histoires,
il aura le temps d’en recueillir.
Lionel Bovier, nouveau directeur
du MAMCO de Genève, signe
son premier accrochage, «Récit
d’un temps court», en offrant un
voyage temporel des années 1960
à 2000 ainsi que géographique,
avec «GVA-JFK», dialogue entre les
scènes suisses romandes et newyorkaises. On y voit, entre autres,
«Chocolate Explosion», de Vidya
Gastaldon & Jean-Michel Wicker,
devant une peinture murale
de Stéphane Dafflon (photo).
«Récit d’un temps court», jusqu’au
4 septembre. www.mamco.ch
Contrôle qualité
Devenez un Tintin reporter des
temps modernes à la recherche
de Rijkrallpa, un dieu volant
qui aurait renoncé à ses ailes
de condor pour se rapprocher
des humains. Histoire vraie
ou légende, science ou fiction?
Peu importe, la magie opère
au Musée romain de LausanneVidy, en suivant ce passionnant
parcours jalonné de précieux
objets précolombiens.
Pour exemple, ce vase à étrier
en terre cuite du XVe siècle
ap. J.-C., de culture
chimú figurant le dieu
Rijkrallpa (photo).
Serait-ce une
des preuves que
cet ange sans aile
a bien existé?
«L’ange
des Andes»,
jusqu’au 8 janvier.
www.lausanne.ch/mrv
Musée de l’Elysée,
Lausanne
La première
exposition de
Tatyana Franck,
directrice de
l’Elysée depuis
le 1er mars 2015,
oscille entre hier
et demain
en présentant
des artistes
contemporains
aux prises avec des techniques
anciennes. Les images offrent
une vision insolite de l’histoire.
Parallèlement, le musée met
en avant le travail du photographe
genevois Steeve Iuncker, qui
se penche sur une jeunesse en
quête d’indépendance et flirtant
avec les limites. En photo, «Street
Workout» entre 2012-2016.
«La mémoire du futur» et «Steeve
Iuncker», jusqu’au 28 août.
www.elysee.ch
Musée Rath, Genève A la base d’une
vaste opération concernant toutes
les institutions culturelles privées
et publiques de la Cité de Calvin,
le Musée Rath dresse un état des
lieux de la photographie à Genève.
Il en ressort des bijoux tels que cet
ensemble de seize photographies
couleur de Christian Boltanski
intitulé «Les habits d’Ariane»
appartenant au MAMCO (photo).
«Révélations, photographies à
Genève», jusqu’au 11 septembre.
www.mah-geneve.ch
Dans le canton de Vaud, à Lausanne, le Musée
des beaux-arts s’intéresse à l’œuvre en blanc
de Piero Manzoni et la Collection de l’art brut
aux artistes de l’ombre avec «People»
(dès le 3 juillet); le Musée d’art de Pully
propose un corps-à-corps avec les peintures
de Luc Andrié; la Fondation Jan Michalski,
à Montricher, dévoile le travail d’illustrateur
d’Antonio Saura.
En Valais, la Fondation Pierre Arnaud,
à Lens, présente «Artistes pour la liberté.
Mur de Berlin» (dès le 22 juillet).
A Genève, le Château de Penthes expose
une centaine de gravures de Rembrandt
(dès le 23 juin).
A Fribourg, le Château de Gruyères accueille
Christian Gonzenbach (dès le 22 juillet)
et Sophie Guyot investit le Musée gruérien
de Bulle avec «Archisalé».
A Neuchâtel, on peut visiter «IonescoDürrenmatt, peinture et théâtre»
au Centre Dürrenmatt et «Archives de sables.
De Palmyre à Carthage» au Laténium
(dès le 16 juillet).

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