CONTACTS - Association des écoles lasalliennes
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CONTACTS - Association des écoles lasalliennes
ASSOCIATION DES ECOLES LASALLIENNES Frères des Ecoles Chrétiennes Belgique-Sud Foi – Service – Communauté CONTACTS Bulletin de liaison des établissements d’enseignement secondaire N° 112 w 3ème Trimestre 2010 La classe, pour apprendre à vivre ensemble Garder la mémoire Imprimé à taxe réduite – Déposé au guichet Rencontre avec Bernard Tirtiaux Périodique Trimestriel Editeur responsable : Jean-Louis VOLVERT Avenue d’Huart 156 – 5590 CINEY Sommaire « Contacts » 112 Association des Ecoles Lasalliennes Les Editos Le mot du Frère Visiteur Provincial Croire, une histoire joyeuse Y a-t-il un pilote dans l’avion ? p. 4 p. 6 p. 8 Pédagogie et pastorale La classe, pour apprendre et vivre ensemble Séparer pour réussir ? Les modalités de groupement des élèves Une classe … une matrice p. 10 p. 14 p. 17 C’est arrivé près de chez vous Université du SeGEC. Estime de soi et réussite scolaire : un cercle vicieux Garder la mémoire L’autoportrait des Instituts Saint-Luc p. 20 p. 26 p. 31 Des 7èmes « extra-ordinaires » Une 7ème TQ « Assistant(e) aux métiers de la sécurité et de la prévention » Institut La Providence à Ciney p. 32 Rencontre Rencontre avec Bernard Tirtiaux : « A fleur de sens »… p. 34 Lasal-liens Des nouvelles de nos écoles Les Cahiers de la MEL Jean-Baptiste de La Salle – Rêver l’éducation ? Rencontre avec le VLP Liste des établissements secondaires lasalliens de Belgique-Nord Nos bien chers Frères : Frère Pierre Massart p. p. p. p. p. p. 36 37 38 41 42 43 Plaisir de lire L’humour pour aider à grandir, Bruno Humbeeck CONTACTS n° 112 - 3ème trimestre 2010 3 p. 45 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire Le mot du Frère Visiteur Provincial Bonjour à tous profs de maths formés exclusivement aux maths modernes. Quelques années plus tard, je suis parti à Saint-Luc Liège pour y suivre les quatre années d’Industrial Design. Revenu à Ramegnies-Chin je m’absenterai encore une année pour le – très tardif - service militaire et six mois à Rome pour une formation lasallienne. En fait, je vais passer 41 ans à RamegniesChin dont 31 comme directeur du Pensionnat. Progressivement, je ne m’occuperai plus que du Pensionnat et de quelques cours donnés dans l’Enseignement Supérieur principalement dans l’option « architecture d’intérieur ». Après toutes ces années, je quitte donc cette grande maison pour celle de Ciney et surtout pour des responsabilités tout autres. Je suis le Frère Patrick Vandeputte, nouveau « Visiteur » du district de Belgique-Sud. Une nouvelle nomination devait avoir lieu puisque le Frère Jean-Pierre Berger terminait un mandat de 9 ans : le maximum selon notre Règle. L’internat de Saint-Luc Tournai est devenu le plus grand de Belgique avec 350 internes. La rénovation des chambres, les salles de jeux, la décoration des lieux, les animations collectives, le restaurant, les équipements techniques, les récréations … sont des préoccupations permanentes et originales. Hormis les quelques internats libres qui obtiennent des ressources financières supplémentaires, le monde des internats du libre est en grande difficulté … au fil des années le nombre d’internes – et d’internats - a chuté de moitié. Ceci a pour effet que les internats qui subsistent sont généralement bien fournis en nombre d’élèves, mais demeurent en sursis sur le plan financier. La situation à Ramegnies-Chin est un peu l’arbre qui cache la forêt : alors que tous les grands internats de jadis n’ont plus que quelques dizaines d’internes ou ont dû fermer, la situation là-bas est très différente. Cela est principalement dû à la qualité de l’enseignement qui y est dispensé. Des centaines de familles françaises en sont si convaincues que chaque année nous avons des élèves – dans l’enseignement secondaire – qui Appelé à Rome pour participer à une formation spécifique de quelques semaines, j’ai accepté la fonction demandée par les Frères du District selon nos Règles de concertation. Mais c’est le Frère Supérieur Général Alvaro qui a fait la nomination. En ce tout début d’année scolaire je me soumets à la curiosité de beaucoup qui désirent savoir « qui c’est celuilà …? ». Originaire de Bruxelles (école N-D de la Paix, place Dailly) mais né à Monaco en 1944, c’est à Ciney que je fais mon noviciat. Après une régence en maths à Malonne, je suis arrivé à Saint Luc de Ramegnies-Chin. Je faisais partie de la première vague des CONTACTS n° 112 – 3EME Trimestre 2010 4 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire Des dizaines de livres furent écris par ce Taminois avec ce « G. » énigmatique pour nom ! Le Frère Gochet éditait annuellement 40.000 atlas, 75.000 géographie-atlas, 65.000 cartes cartographiques, 250.000 manuels, etc. Il fut celui qui introduisit les courbes hypsométriques sur les cartes d’atlas et rénova le cours de géographie dans une grande partie de l’Europe ! Son histoire est captivante, car elle montre un enseignant qui débute très modestement à Carlsbourg, qui perçoit clairement les besoins et les attentes de ses élèves en matière de géographie … et y répond de telle manière qu’il va révolutionner – c’est vraiment cela – l’enseignement d’une « petite » branche peu estimée à l’époque. Conseiller pour le roi Léopold II et pour Stanley, il collectera tant d’informations sur chaque pays africain qu’il devient l’auteur de livres de géographie sur chacun de ces pays ! Acharné au travail et très organisé il va refuser une chaire de professeur à l’université de Louvain tant il a de travail. Hormis un timbre à son effigie … il y a quelques années, voici la figure d’un enseignant de nos régions qui a été oublié … mais qui jadis eut un rôle considérable et respecté de partout. Quand on lit la vie de cet enseignant et de ce religieux, on est étonné de voir comment débuta si modestement une carrière tellement brillante. Sa démarche pédagogique fut exceptionnelle. viennent de 25 départements français différents. Dans cette synergie, le Pensionnat répond correctement aux attentes des familles. Saint-Luc Tournai est très spécialisé et performant dans un domaine spécifique où nous avons une position essentielle. Actuellement, je fais face à un tout autre monde et à des défis très différents … c’est le moins que l’on puisse dire ! Le vieillissement des Frères, l’avenir des écoles lasalliennes, voire celui des spécificités congréganistes, le rôle du cours de religion, l’attitude des écoles dans une société qui demande enseignement et éducation, etc., sont des problèmes que nous devons prendre en compte, alors que nos moyens faiblissent (pas seulement sur le plan financier). Nous sommes dans le paradoxe où les familles qui font confiance à nos écoles sont de plus en plus nombreuses … et où notre indépendance pédagogique, nos moyens propres, … sont de plus en plus réduits. Curieuse situation qui, je l’espère, ne cache pas une volonté d’uniformisation dogmatique. Je profite de cette tribune pour évoquer la figure d’un enseignant étonnant dont on pourrait fêter cette année le centième anniversaire de sa mort : le frère AlexisMarie G. Frère Patrick Vandeputte. CONTACTS n° 112 – 3EME Trimestre 2010 5 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire Les Editos Croire, une histoire joyeuse la même question. Selon elle, un enseignant vit implicitement les trois vertus théologales. « Profs au bord de la crise de nerfs. Recherche enseignants désespérément. Quand les écoles se débrouillent. Les enseignants souffrent au travail. Le maître d’école est tombé de son estrade. Des profs en mal d’autorité. Instit, espèce en voie de disparition. Profs, ne baissez pas les bras. Ces profs qui en veulent et qui parfois dérangent. Pénurie, absentéisme : l’heure du spleen. » Il croit que l’homme est plus que l’homme, il espère en chacun de ses élèves, en un monde plus humain, il aime chacun de ses élèves. On est enseignant pour être « en relation » avec l’élève. La « bonne école », dit-elle, est une école où on a la croyance que cela va marcher, où il y a une proximité à l’élève. Elle nous parle de la foi de l’enseignant, qui consiste à croire qu’il y a des choses invisibles. « Eduquer un enfant n’est pas une activité rentable. » Et cela prend du temps, on est « en route ». On ne peut pas dire que le supplément « Enseignement » de rentrée du journal Le Soir, dont vous venez de relire quelques titres, déborde d’optimisme. Au-delà du caractère nécessairement accrocheur d’articles de presse qui doivent faire parler d’eux, au-delà de ces contenus incontestablement liés à des réalités tangibles, voire à des perceptions réelles internes et externes au monde scolaire, je me suis demandé pourquoi les enseignants de nos écoles enseignaient. Le Père Dominique Collin, père dominicain, conseiller théologique pour le Conseil de la Jeunesse, se risque à une définition de la « bonne » école catholique et aborde implicitement la question des raisons d’enseigner. Pour lui, « la bonne école » est un lieu où une parole sur un style d’existence peut faire l’objet d’un dialogue, d’une confrontation. La « bonne école catholique » est un lieu où on invite le jeune à bien croire pour bien vivre. L’enseignant, l’éducateur invitent l’élève à un changement de mentalité, d’attitude. Pour atteindre cet objectif, il faut oser parler et se parler en développant un regard critique. Dans une interview accordée au même journal Le Soir1 Philippe Meirieu répond à la question « Pourquoi enseigner en 2010 ? ». « Enseigner, déclare-t-il, c’est faire vivre à d’autres la joie de ses propres découvertes. C’est investir dans l’avenir. Convaincre les élèves qu’un futur différent est possible. Pour moi, deux questions sont fondamentalement solidaires. Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? Et quels enfants allonsnous laisser au monde ? Les Christoph Colomb d’aujourd’hui sont ceux qui réussissent à faire accéder à la pensée des enfants qui sont dans le caprice ». S’il est question de foi, la mienne est que ce temps de rentrée – s’il n’est pas question de nier les problèmes multiples de l’enseignement et particulièrement celui de l’absence d’écoute réelle des soucis quotidiens des enseignants – est synonyme d’un accueil vrai des nouveaux enseignants et des nouveaux élèves. Lors d’un atelier organisé au sein de l’Université d’été du SeGEC en août dernier, Marthe Mahieu, ancienne directrice d’école, répond indirectement à CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 « Accueillir au mieux les nouveaux, 6 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire Saint-Joseph de Liège se découvrent par le biais d’une réflexion sur les réseaux sociaux du net, je me dis qu’on ne passe pas à côté de l’essentiel. nourrir une vraie convivialité, prendre collégialement certaines décisions, manifester ses traditions, c’est exprimer dans le quotidien la volonté de travailler les uns avec les autres, non pas les uns à côté des autres et encore moins les uns contre les autres. »2 Au cours de cette année scolaire, l’AEL et Contacts aborderont la qualité de la relation entre les membres de la communauté éducative de nos établissements. Et c’est, notamment, dans cet espace que l’enseignant et l’éducateur jettent les bases de leur foi et qu’ils « reprennent vie ». Dans ce numéro, la focale est mise sur le groupe classe qui se constitue dès la rentrée. Si beaucoup s’accordent à dire que le choix de l’école joue un rôle dans la réussite scolaire, tous s’accordent aussi pour dire que ce qui se joue au sein de la classe est extrêmement déterminant. Soyons-en conscients. En parlant avec chacune de nos directions, il y a quelques jours, je me suis à nouveau aperçu de tout ce qui est réalisé en matière d’accueil des nouveaux élèves : rencontres individuelles, accueil séparé des élèves et souvent de leurs parents, jeux découverte des infrastructures et des personnes de l’école, accueil de la direction, accueil du ou des titulaires (on ne dira jamais assez ce rôle essentiel, hélas non reconnu par la Communauté française), célébrations eucharistiques de rentrée préparées par les élèves … Je ne peux croire qu’il s’agisse là de préoccupations liées uniquement au marketing de l’école. Quand l’Institut de Saint Jean-Baptiste à Wavre confie l’accueil des nouveaux à son équipe d’animation pastorale, quand l’Institut Notre-Dame de Tournai confie des activités de découverte à une lectrice extérieure à l’école venant narrer l’histoire d’un élève arrivant en secondaire, quand des élèves de l’Institut Saint-Ferdinand de Jemappes se découvrent mutuellement à la bibliothèque communale ou à la Maison Diocésaine de Mesvin, quand des élèves de l’Institut Dans son mot de rentrée, Etienne Michel, Directeur du SeGEC, cite Albert Jacquard : « L’objectif de toute éducation devrait être de projeter chacun dans l’aventure d’une vie à découvrir, à orienter, à construire. » Oui, chers collègues enseignants et éducateurs, chers membres des Pouvoirs Organisateurs et des directions des écoles lasalliennes, nous n’avons pas vraiment le choix. Il s’agit de garder l’enthousiasme individuel et collectif et d’y croire. Je souhaite à chacune et chacun une excellente rentrée 2010 et une relation de proximité et d’écoute avec chacun(e) de nos élèves. Jean-Louis VOLVERT, Inspecteur Principal Coordonnateur 1 2 Le Soir, Dossier Enseignement, 25 août 2010 Projet Educatif Lasallien, page 17 CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 7 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire Y a-t-il un pilote dans l'avion? coéduquer ces enfants, ces jeunes en âge de scolarité ? Des interrogations sans réponses toutes faites, des interrogations qui portent sur le sens du métier. Ce titre évoque peut-être pour vous un film déjà ancien ... Dans cette parodie américaine des films de catastrophes (1980), un passager, ancien pilote de guerre qui n'arrive plus à toucher aux commandes d'un avion, est contraint de dépasser son traumatisme, le pilote étant tombé malade. Au-delà de l'anecdote et des rapprochements qu'elle peut susciter, cette métaphore peut prendre tout son sens en ce début d'année scolaire. Il renvoie, tant les directions que les enseignants, à un de leurs rôles primordiaux : être un pilote. Le pilote, celui qui dirige la man uvre ... Et la direction est aux premières loges, elle qui est amenée, sans cesse, à prendre des décisions. Le professeur, lui, conduit aussi la barque de la classe : il incarne (ou tente toujours d'incarner) l'autorité, donne des repères. Mais le pilote, c'est aussi celui qui ouvre la voie, qui impulse toute une dynamique ... Un vaste programme. Rappeler que le but de l'école n'est pas seulement de délivrer des savoirs est quasi un truisme... Les avancées technologiques sont telles que certains sont rapidement dépassés ; et l'enseignant, concurrencé par les médias, par Internet, n'est plus l'unique dispensateur. Recentrons-nous donc sur une de ses missions essentielles ... L'ONU vient de lancer le 12 août dernier l'année internationale de la jeunesse pour « promouvoir la participation pleine et effective des jeunes dans tous les aspects de la société ». Cette initiative, qui peut certes irriter ou faire sourire (Fallait-il attendre 2010 pour en arriver là ? Quelle politique à long terme?) renvoie cependant à l'école comme vecteur d'éducation et de formation. Cependant, s'en tenir à cette vision de l'école, n'est-ce pas cautionner d'anciennes représentations, finalement fort réductrices ? Et si, plutôt que de se focaliser sur le pilote, l'on se centrait sur l'équipage ? C'est d'ailleurs, ce que fait S. Grau, dans un des articles que les Cahiers pédagogiques publiaient en mai dernier1. Elle relate une expérience menée en classe-projet et montre que les professeurs ne peuvent être crédibles aux yeux de leurs élèves que s'ils sont solidaires et travaillent ensemble. Faire équipe ... pour être plus forts, pour éviter que le jeune enseignant ne quitte le métier dans les cinq premières années, mais aussi pour aider les élèves à jeter des ponts entre les disciplines afin de mieux comprendre le monde ... et pour leur apprendre à coopérer. Faire équipe : un objectif prioritaire pour les directions soucieuses que leur école aille bien, préoccupation chère à Jean-Baptiste de La Salle. Quelles valeurs partager ? Comment les faire vivre ? Comment chercher à y associer les parents pour réellement CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 La société change et place les acteurs de la communauté éducative devant de grands défis. Dans un supplément du Soir consacré à l'enseignement2, France Baie, auteure d'une étude sur le malaise des enseignants3, affirme : « La modification du public scolaire ... les nouvelles missions de l'école, sa marchandisation, sa massification ... la mise en doute du savoir scientifique, la perte de sens, l'individualisme ... exigent de la part de l'enseignant une nouvelle manière de pratiquer et de prendre en charge leur métier. » Ph. Meirieu va dans le même sens. Constatant, par exemple, que les 8 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire élèves sont de moins en moins prêts à s'astreindre à une discipline intellectuelle, il dira l'importance de « réussir à faire accéder à la pensée des enfants qui sont dans le caprice »4. tâche qui nous est confiée, communiquons aux élèves notre propre plaisir d'apprendre et faisons-le « Ensemble et par association ». Car, pour reprendre les paroles du Frère Marcel Ollier, enseignant à Abidjan : « Rien de grand ne voit le jour sans une bonne dose d'idéal. Rien de solide ne se crée sans un projet bien réfléchi et réalisable. Rien ne résiste aux tourments sans une véritable communauté très unie qui vit et réalise son idéal jour après jour. »5 L'heure n'est pourtant pas au découragement : gardons foi en l'avenir, dans celui des élèves et dans notre métier. En France, le thème choisi cette année pour les écoles lasalliennes est d'ailleurs celui de la confiance. Soyons heureux de ce que nous sommes, de la A. Oger 1 Vous pourrez lire plus loin un recensement du dossier intitulé « La classe pour apprendre et vivre ensemble » paru dans les Cahiers pédagogiques (n° 481) en avril-mai 2010 2 Le Soir, 26 août 2010 3 F. BAIE, Le malaise des enseignants dans le secondaire, étude UFAPEC 2008, n°18 4 « Profs, ne baissez pas les bras », entretien avec Ph. Meirieu, dans le dossier « Enseignement », le Soir, 26 août 2010 5 Délégation Lille-Paris, Pli n°62, sept 2010 CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 9 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire Pédagogie et pastorale La classe, pour apprendre et vivre ensemble La classe : une manière de dispenser un enseignement simultané à un groupe d'élèves, une réalité déjà bien connue de J.B. de La Salle au 17ème siècle. Certains, aujourd'hui, la remettent en cause, mais elle reste incontournable dans notre système scolaire actuel. Alors, comment en faire un lieu d'éducation, pas seulement un lieu d'instruction ... C'est cette thématique qui était au centre d'un dossier des Cahiers Pédagogiques, en avril-mai dernier (n° 481). Plutôt que d'en faire une synthèse exhaustive ou de présenter succinctement quelques articles, j'ai choisi de vous proposer une sorte d'abécédaire. Choisissez votre porte d'entrée : certes, la plupart des idées ne sont pas neuves, mais les remettre en lumière à un moment où on se « replonge dans le bain » n'est peut-être pas inutile ; de plus, des pistes d'action plus novatrices sont aussi présentées : peut-être vous inspireront-elles ? Jugez plutôt ... des garçons, encore plus rétifs à supporter une forme d'obéissance et de passivité, souvent exigée dans le cadre scolaire3. Que l'enseignant se rassure donc : silence, brouhaha, agitation, paroles de protestation ... autant de comportements qu'il ne doit pas décrypter comme des volontés délibérées de le déstabiliser ... C comme Comprendre Vivre en groupe est source d'anxiété, de peurs, car « Le climat du groupe classe ne résulte pas uniquement des caractéristiques psychologiques individuelles des élèves qui le composent, mais aussi des interactions et des multiples réseaux de relations qui se tissent entre eux. Des circulations émotionnelles et fantasmatiques s'y produisent et évoluent avec le temps constituant une ‘dynamique’1 » Des mécanismes, parfois inconscients, sont donc à l'oeuvre dans la classe, qui est, par ailleurs, un lieu où s'exercent des pressions: les attentes des parents, la nécessité de réussir pour ne pas compromettre son avenir, les contraintes de la vie scolaire, de l'établissement, hantent également, de façon variable, chaque membre du groupe ... Les choses se compliquent encore, lorsqu'on prend en compte que l'enseignant a lui aussi ses fantasmes (par exemple, liés au choix de son métier ...) et ses obligations ; il incarne l'adulte, l'autorité, « cristallise sur lui des affects positifs ou négatifs2 » ; sa situation est encore plus périlleuse quand il a devant lui des adolescents qui se croient déjà autonomes et adultes, alors qu'il n'en est rien ... d'autant plus, si ces ados sont CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 E comme Entrée en classe Un moment capital pour l'enseignant4! Dès les premiers instants, s'instaure une relation qui conditionnera partiellement la suite : ses paroles, ses actes, mais aussi ce qu'il manifestera par le non-verbal augurent déjà de la qualité de la relation à venir. Sa manière d'être, de communiquer, la passion qui l'anime, l'envie de partager ses connaissances, mais aussi le respect témoigné aux élèves sont déjà des premiers pas positifs. Dire bonjour, regarder chacun, retenir les noms, encourager ... des pratiques simples qui facilitent l'accueil et le contact. Mais les jeunes ont également besoin d'un cadre, de règles, pour améliorer le vivre ensemble. L'enseignant peut les définir, en partant du règlement de l'école, et expliciter les raisons sur lesquelles elles se fondent ; 10 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire « L'élève apprend à écouter, à ne pas régler ses comptes, à s'impliquer dans ce qu'il dit : assumer une parole engageante. » Cela postule de dégager les freins (tensions en classe, peur de se tromper ...) et les leviers à l'apprentissage, au cours, mais également en dehors (se coucher tard ...). Ce travail demande aux enseignants d'accepter les critiques, de perdre parfois la main, mais le risque est souvent payant, suivant les auteurs de l'article. cependant, lorsqu'il s'agira de veiller à leur application par chacun des 25 à 30 élèves du groupe-classe, il risque fort de s'épuiser, sans, du reste, pouvoir développer leur sens de l'autonomie. Alors pourquoi ne pas élaborer les règles de vie en classe ensemble5, pour qu'elles s'imposent ensuite à tous comme des aides aux apprentissages ? Pour susciter la confiance, l'enseignant a aussi intérêt à être organisé, cohérent et clair. Il donnera ainsi : − des repères chronologiques : le déroulement de l'année, les moments d'apprentissages et d'évaluation ... − des repères spatiaux (pas seulement liés à l'espace physique), relatifs aussi au découpage à l'intérieur d'une discipline, mais également aux ponts qu'on peut établir avec d'autres disciplines − des repères causaux, mettant en évidence pourquoi on travaillera telle notion, pourquoi on accomplira telle tâche ... P comme participation7 Quelques procédés pour susciter la participation au sein de la classe : − Lors des premiers cours, utiliser un jeu de cartes (un nom d'élève par carte) et le confier à un élève avec la consigne suivante : « Durant l'heure de cours, quand tu l'estimes nécessaire, tire au sort une carte pour désigner celui qui va prendre la parole ou effectuer une tâche ». Petit à petit, le jeu de cartes sera utilisé de façon pertinente et en fin de compte, il ne servira plus que dans les cas extrêmes, lorsque personne ne veut parler ou lorsque la parole est toujours monopolisée par le même ... − Envoyer plusieurs élèves au tableau pour réaliser simultanément le même travail, afin de découvrir la pluralité des productions. Commencer par épingler un point fort chez chacun ... − Considérer le groupe comme une troupe d'acteurs et mettre ainsi le jeu au service des apprentissages. Trois règles de base: personne ne peut refuser de jouer (mais on peut limiter son rôle), le temps imparti est toujours annoncé, les critiques ne peuvent jamais se porter sur les personnes. − Utiliser les brouillons comme supports à la communication. Chaque élève lit le sien, mais en choisissant dans la classe l'endroit qui lui convient (en dehors de sa place habituelle). Autre possibilité : les feuilles de brouillon sont toutes retournées, face écrite contre terre, dans le fond de la classe: chaque élève se mettra au service du texte d'un autre ... − Projeter une copie d'élève pour qu'elle soit corrigée par l'ensemble de la classe : cela responsabilise tant l'élève que le groupe. Les règles : toujours commencer par un point positif, par un commentaire H comme Heure de vie de classe6 Il est paradoxal de constater que, dans nos écoles, l'heure de titulariat a été supprimée alors qu'en France, l'on a instauré une « heure de vie de classe », pour, à titre préventif, améliorer son fonctionnement. Certes, la situation n'est pas idyllique chez nos voisins. Utilisé ponctuellement et uniquement en cas de tensions, le dispositif est peu efficace. Il n'a de sens que s'il prépare véritablement au débat démocratique, dans le respect de l'autre. Cela implique chez les enseignants de travailler ensemble en amont pour voir comment faire vivre la classe. Dans une école de Grenoble, des professeurs appelés « référents de classe » ont été désignés pour animer le collectif d'élèves. Leur but : aider les jeunes à mettre des mots sur ce qu'ils vivent, les initier au débat démocratique (en prenant en compte l'hétérogénéité des avis, en sortant des lieux communs) pour les faire réfléchir et réguler leurs comportements. C'est ainsi qu'ensemble, ils redéfinissent le métier d'élève : ce n'est pas seulement réussir pour avoir un diplôme, c'est aussi s'élever, se former et c'est aussi, ensemble, construire l'avenir, la réussite de tous et de chacun. CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 11 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire rien faire: ils essayent de retarder le moment de se mettre au travail, tentent de négocier ou font semblant de travailler, voire ont oublié leur matériel, leur devoir. encourageant, et regarder toujours d'abord la forme, avant le fond. Le but poursuivi : favoriser l'écoute, la recherche, le débat et la coévaluation. P aussi comme Projet8 Pourquoi ? Les raisons sont multiples. Bon nombre d'entre eux cherchent à fuir une école qui les a dégoûtés ; certains, jugeant l'environnement menaçant, ont une attitude de repli, d'autres sont simplement déstabilisés par l'apport de connaissances nouvelles, qui remettent en cause le savoir déjà acquis ... La situation se corse à l'adolescence : les jeunes, pour renforcer leur sentiment d'appartenance à un groupe, adoptent souvent le même comportement, les mêmes opinions. Le jeune mâle aime aussi montrer sa puissance (l'activité intellectuelle est jugée peu virile !), contester le pouvoir, voire le prendre, surtout si l'enseignant manifeste qu'il cherche à le garder. La coopération, parce qu'elle semble être une forme de soumission enfantine, peut également susciter des réactions de rejet. Mais que l'enseignant se rassure : « Il n'y a jamais de relation, aussi idyllique soit-elle, qui ne soit ponctuée par des épisodes de résistance », selon Y. Guegan, et résister ensemble au prof cache souvent une intention positive : cimenter le groupe, développer la solidarité, en réaction au monde des adultes ... La pédagogie du projet n'est pas dénuée d'avantages, tant pour les élèves que pour les enseignants, comme l'atteste Sylvie Grau, professeur de mathématiques dans un lycée de l'Hérault ; elle décrit ci-dessous le fonctionnement d'une classe à projet de 2ème. En début d'année, le projet est présenté à la classe par l'équipe des enseignants qui ont accepté de collaborer. Les élèves comprennent rapidement, qu'au-delà de leurs différences, l'équipe est soudée : il y a un équipage dans l'avion. Si un des profs a des difficultés avec la classe, les autres enseignants seront rapidement informés via la messagerie de l'école. Il pourra exprimer son ressenti, mais un de ses coéquipiers, après l'avoir écouté, l'aidera à se mettre à distance, à mieux gérer ses émotions. A noter que le média utilisé ne sert pas qu'aux doléances : les réussites, les progrès enregistrés dans la classe sont aussi signalés par ce biais. Les élèves voient ainsi se développer un esprit coopératif chez leurs enseignants, qui sont, certes, parfois en conflit, mais qui négocient pour arriver à une décision commune. C'est cette même démarche qu'ils vont pratiquer euxmêmes dans la gestion de leur projet. De plus, parce que les enseignants sont dans un climat de confiance, ils s'échangent leurs pratiques, favorisent l'interdisciplinarité et ainsi le transfert de compétences chez l'élève lui-même. Enfin, il est certain qu'avoir un projet de classe permet aussi de donner une identité à un groupe et de valoriser ce qui a été produit ... Et R comme Ruses Les élèves ne peuvent être concentrés 24h/24. Lorsque l'attention se relâche, on peut tenter certaines manoeuvres, manifester une attitude d'ouverture, tout en évitant que la situation ne dégénère10. Par exemple: − Accepter des déviances mineures (bavardages ...), à condition qu'elles se fassent furtivement, ne soient pas source de conflits ou de problèmes de sécurité. − S'occuper de façon très manifeste et audible de ceux qui travaillent: les conseiller, les encourager − Théâtraliser ses interventions en exagérant les félicitations (« C'est génial, ce que fait X ... ») − Utiliser au maximum le « on » ou le « vous », pour interpeller un maximum d'élèves et cimenter le groupe R comme Résister9 La joie de résister se manifeste déjà chez le petit enfant qui trouve plaisir à dire non. Si cette attitude est parfois mal vécue parfois par les parents, il n'empêche qu'elle marque une volonté de s'affirmer et constitue une étape indispensable dans la conscience de soi. Il arrive aussi, dans une classe, que les élèves utilisent diverses tactiques pour ne CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 Quand ils refusent de participer, il est inutile de vouloir les convaincre de changer 12 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire Cependant, parfois, il sera plus prudent de reporter le débat, quand les esprits seront moins échauffés. de comportement par des arguments rationnels. De petites ruses peuvent alors être utilisées ponctuellement et prudemment. Il ne s'agit pas de tromper l'élève, de lui nuire, mais de manoeuvrer, en préalable à une discussion franche. Par exemple, on peut lui proposer un contrat de paresse, afin qu'il s'engage pendant une semaine à ne rien faire. Le but est, bien sûr, ... qu'il ne le signe pas. Dans le cas inverse, il risque de se sentir très isolé ...11 En début d'année scolaire, sortir de l'école est un excellent moyen pour ... − apprendre à se connaître entre élèves, percevoir autrement les profs − se livrer à des activités qui donnent le plaisir d'apprendre − développer à la fois l'autonomie (par exemple, confier à chacun une tâche lors des préparatifs) et la solidarité (travail de groupe ...) Et que faire lorsqu'un élève est désigné comme bouc-émissaire de la classe14? − Penser d'abord à protéger la victime, tout en sachant que le recours au boucémissaire permet de canaliser une violence encore plus grande (suivant la théorie bien connue de R. Girard) − Puis essayer diverses solutions, même s'il n'existe pas de panacée : − Lancer une discussion en l'absence de la victime ou en sa présence − Prendre les leaders à part et tenter de les responsabiliser, voire de les menacer d'une sanction − Décontextualiser le problème, proposer une étude de cas (proche, mais non similaire), pour analyser le problème, tenter de le comprendre et d'y apporter des solutions. La pire des choses: détourner le regard ... T comme tensions ... En guise de conclusion : Quand des tensions apparaissent13, il est important de réguler le groupe, de l'aider à comprendre les problèmes pour les résoudre. Cela suppose d'interrompre une activité pour laisser un temps de parole, afin que les élèves réfléchissent sur leur comportement. Si l'on recourt à l'écrit, on guidera l'expression par des questions, par la mise en évidence d'un thème ou on fera dessiner. Des travaux en petits groupes peuvent aussi conduire à un compte rendu collectif qui sera ensuite présenté. Mais des règles doivent être posées : formuler au besoin une critique sans insulte, ni grossièreté, proposer des solutions constructives, voire des engagements. R. Etienne, dans le dernier article du dossier, nous pose cette question provocatrice « Faut-il sauver la classe à l'heure de l'individualisation et de la personnalisation ? » (p.51-53). La réponse ne va pas de soi. Selon lui, dans le contexte actuel, « Sauver la classe se conçoit à condition de considérer les élèves comme des personnes susceptibles d'interagir et de coopérer, d'en faire un lieu où les enseignants organisent des situations dans lesquels les projets peuvent émerger ... ». Abandonner la compétition pour promouvoir la coopération ... voilà ce qu'il prône : cela nécessite une transformation profonde des mentalités. Un passionnant défi ! A. Oger S comme sortie 12 1 C. YELNIK, La vie psychique du groupe, p.21 Ibid. 3 N. PRIOU, Filles, garçons: savoir vivre ensemble (p.6-7) 4 C. YELNIK, La régulation du groupe-classe (p.13-15) 5 M. RAMOS, Les « contenir », (p. 6 R. DAVID, R. DEPRES, Ibid., p.48-49 7 La lecture des pages 28-29, 32 à 35, ont alimenté ce point 8 S. GRAU, Y a-t-il un équipage dans l'avion, p.48 9 Y. GUEGAN, L'appel de la résistance, p.23-25 10 O. VORS, N. GAL- PETITFAU, Entre tolérance et efficacité, p.26-27 11 Y. GUEGAN, L'appel de la résistance, p. 12 Ce point est abordé p. 11 et 21 13 C. YELNIK, La régulation du groupe classe, p.13-15 14 Ch. VALLIN, Le bouc-émissaire, p.41-42 2 CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 13 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire Séparer pour réussir ? Les modalités de groupement des élèves Dans le numéro 93 de la série « Principes de la planification de l’éducation », l’Organisation des NationsUnies pour l’éducation, la science et la culture1 tente de mieux comprendre la valeur et le rôle de l’éducation, par l’observation empirique des dimensions particulières qui sont les siennes, et de contribuer à définir des stratégies propres à amener le changement. Vincent Dupriez, sociologue collaborateur au GIRSEF (Groupe Interdisciplinaire de recherche sur la socialisation, l’éducation et la formation), en lien avec l’UCL, y aborde une des questions les plus débattues dans le monde éducatif, à savoir l’impact des groupes de niveaux sur les résultats scolaires des élèves et sur leur devenir scolaire. Comment élever le niveau de ceux qui ont des difficultés d’apprentissage ? Convientil de regrouper les élèves dans des classes homogènes, dites de niveaux, de manière à adapter le contenu, la pédagogie et les pratiques pédagogiques aux caractéristiques et au niveau des élèves ? Faut-il reculer l’âge de la différenciation des groupes d’élèves, l’orientation et la spécialisation des élèves ? Quel lien entre les classes hétérogènes sur le plan scolaire et les classes hétérogènes sur le plan social ? Vincent Dupriez fait le point sur quelques recherches existantes2. Il traite notamment des différents niveaux de différenciation. des élèves. Vincent Dupriez se concentre dans son analyse sur les connaissances acquises en matière de gestion de l’hétérogénéité des groupes d’apprentissage et des implications que celle-ci peut avoir sur l’efficacité et l’équité des systèmes éducatifs, notamment lorsqu’il s’agit des élèves les moins favorisés et les moins performants. C’est bien ce qui nous intéresse. Son analyse comporte trois parties : elle traite des classes homogènes et hétérogènes, de la ségrégation entre écoles et des systèmes scolaires intégrés ou différenciés, incluant une typologie des modes de gestion de l’hétérogénéité dans l’enseignement obligatoire. Evaluer l’influence des groupes d’apprentissage sur chacun des élèves implique donc d’aborder le problème de l’égalité des chances. Certaines recherches existantes montrent qu’une variation dans la composition d’un groupe d’élèves s’accompagne le plus souvent d’une variation dans la qualité de l’environnement de formation. De facto, bien des différences existent entre une classe qui regroupe des élèves forts et une qui regroupe des fai- Dans la préface de son analyse, il se demande si, au niveau individuel, une bonne part de l’apprentissage ne dépend finalement pas de ce que l’élève apporte à l’école, et non de ce qu’il y trouve. Au niveau collectif, une part non négligeable de ce que chaque élève peut apprendre et CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 la manière dont il pourra bénéficier des enseignements offerts dépendront des caractéristiques de ses condisciples, le fameux « effet de pairs ». Ceci n’est pas sans lien avec le choix de l’école par les parents et la tendance voulue de regrouper les « bons élèves » dans des classes socialement homogènes. On comprend d’emblée que les modalités de regroupement des élèves au sein des classes, des écoles et des filières, peuvent influencer fortement la réussite et la formation 14 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire qualité de l’enseignement dispensé sont tenues constantes. M Crahay suggère donc de garder des classes hétérogènes, puisque les recherches montrent qu’on n’a rien à gagner des classes homogènes. Dans de récentes études américaines portant sur de larges cohortes d’élèves (5 000 dans un cas, 8 000 dans l’autre), on lit par ailleurs que le groupement des élèves par niveau (ability grouping) est favorable aux bons élèves, tandis que les plus faibles y perdent : les forts sont de plus en plus forts, les faibles de plus en plus faibles. Dans les classes regroupant les plus faibles, le temps réel de travail est moindre, le curriculum est moins ambitieux, les attentes des enseignants moins élevées et le climat de travail parfois perturbé. bles : les contenus enseignés ne sont pas exactement les mêmes, les attentes et exigences des enseignants s’adaptent au niveau de la classe. Si la question de la répartition des élèves entre écoles est une question politique, on peut, par contre, affirmer que le chef d’établissement et les enseignants ont un poids sur la formation des classes. Le premier chapitre de l’analyse a plus particulièrement retenu mon attention. Vincent Dupriez, s’appuyant sur des recherches menées tant aux Etats-Unis qu’en Europe, y démontre les effets pervers des classes de niveaux. La quantité et la qualité de l’instruction varient incontestablement en fonction du niveau de la classe. Et la dérive est là : ce ne sont pas les stratégies permettant d’atteindre des objectifs de l’enseignement dispensé qui sont changées, mais les objectifs euxmêmes. Regrouper les élèves n’est, de plus, jamais un acte neutre : la division selon les performances scolaires engendre d’autres clivages, en fonction de l’origine socio-économique, culturelle et/ou ethnique. Une hiérarchisation de chacun des groupes de niveau, et donc des élèves, génère polarisation et ségrégation sociale. Les études menées en milieu naturel montrent, en parallèle, qu’il y a bien un effet lié à la composition de la classe, mais que celui-ci se distribue de manière contrastée en fonction des niveaux des élèves, de sorte que le résultat global est proche de zéro Le bénéfice que des élèves forts ou très forts pourraient tirer de l’organisation de classes homogènes ne s’explique pas par l’homogénéité, mais par le niveau moyen de la classe dans laquelle ils se trouvent. L’influence du groupe d’apprentissage est positive, quand elle est liée au fait d’être scolarisé dans une classe de haut niveau scolaire. Il convient donc, selon Dupriez, de rechercher des classes de niveau élevé afin de maximiser les possibilités d’apprentissage de chacun et d’assurer aux élèves plus d’autonomie, les enseignants s’adaptant à leur public, d’après les recherches effectuées. En bref, les classes hétérogènes correspondent mieux au projet d’une école démocratique et pluraliste encourageant des comportements coopératifs au sein des classes et forçant les enseignants à prendre en compte les différences de capacités et d’intérêts entre les élèves de la classe. L’argument organisationnel en faveur de la différenciation suppose des activités variées, mais les recherches montrent que les ressources ne sont pas toujours adaptées, qu’il n’existe pas de consensus sur les méthodes d’enseignement, ni sur les méthodologies de la différenciation. De plus, selon V. Dupriez, dans un environnement où les conditions de formation sont strictement contrôlées et équivalentes entre les groupes, l’influence exercée sur les apprentissages de chaque élève par les autres élèves de sa classe ou de son école est nulle, en moyenne. Il n’y a pas d’effet bénéfique lié à l’organisation des classes de niveaux, que ce soit sur l’ensemble des élèves ou seulement sur des groupes spécifiques Selon M. Crahay qui a proposé en français une synthèse de nombreuses enquêtes américaines, l’effet spécifique du groupement des élèves par classes de niveaux est nul si la quantité et la CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 A noter que pour V. Dupriez, groupes de besoin et classes de niveaux sont à distinguer. A un moment donné, dans une 15 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire Il convient de garantir un accompagnement et un soutien des professeurs. Cela remet en question la division du travail entre enseignants, la représentation symbolique de l’école et les valeurs sous-jacentes au projet éducatif. Travailler sur ces dimensions cachées du travail pédagogique est sans doute indispensable à la réussite du changement. discipline précise, il peut être opportun de regrouper des élèves dans un temps limité, afin qu’ils puissent rattraper les autres dans le développement des compétences. Par contre, les classes de niveaux sont à rejeter, car elles ne permettent pas d’augmenter le niveau moyen des systèmes éducatifs. V. Dupriez énonce l’hypothèse suivante : la présence d’importantes différences de composition entre les écoles, l’accent mis sur l’autonomie pédagogique (permettant aux enseignants de s’adapter localement à leur public), ainsi que le recours faible à des épreuves externes standardisées, donnent lieu à des effets de composition des classes, d’autant plus pervers que la ségrégation entre écoles serait forte. Il semble alors plaider pour des balises et une régulation publiques destinées à favoriser l’efficacité des systèmes éducatifs. De la même manière, le recours précoce à des filières d’enseignement s’accompagne de grandes inégalités de résultats entre élèves et d’inégalités sociales lourdes. La remédiation et l’accompagnement individualisé des élèves en difficulté d’apprentissage valent mieux que filières et redoublements. Je terminerai en vous livrant mon point de vue, suite à cette lecture : peut-être devrions-nous analyser en profondeur au sein de notre propre établissement l’impact réel de la constitution de nos classes et groupes de niveaux, ou de besoin, si nous en avons. Cette constitution se fait parfois dans l’urgence, en fin ou au début d’année scolaire. Peu de personnes y sont associées : le chef d’établissement, un coordinateur de degré ou d’année, un chef d’atelier, un titulaire … ont là une clé de la réussite scolaire. Je ne prétends pas qu’il faut la leur enlever, ni qu’il convient de consulter chaque famille (on en connaît les dérives) ou chaque élève, mais ne serait-ce pas un bel objet de discussion coopérative au sein de chaque conseil de participation ? Une occasion de réactiver la relecture du projet éducatif et pédagogique, à croiser avec le projet d’établissement qui en assure la concrétisation? V. Dupriez conclut cependant avec nuance que les systèmes éducatifs ne sont pas interchangeables. Chacun d’entre eux a été créé dans une société spécifique. Modifier les modalités de formation des classes, le processus de répartition des élèves entre écoles ou plus largement, les modalités de gestion de l’hétérogénéité des élèves implique des enjeux pédagogiques. Des mots, encore des mots ? Chiche ! L’Association des Ecoles lasalliennes peut … s’associer à vos réflexions. Dans cette perspective, le projet éducatif lasallien est une ressource intéressante. Jean-Louis Volvert 1 2 Institut International de planification de l’éducation, www.iiep.unesco.org Pour le détail, lire l’enquête via le site évoqué ci-dessus. CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 16 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire symbolique majeure. Je me propose de vous présenter ce qui, d’un point de vue psychanalytique, peut se jouer à chaque fois que l’être humain a à vivre une intronisation au sein d’un groupe. Une lecture parmi d’autres, bien sûr. Une ambiance un peu fébrile, un brouhaha de fond qui ne cesse de s’amplifier, au fur à mesure que l’enceinte de l’école retrouve ses hôtes après deux mois d’absence : des éclats de rires, quelques regards inquiets parfois … Puis soudain, une attente et le silence. Et pour cause : l’éducateur va citer les noms des différents élèves qui vont constituer, une année durant, un groupe classe et leur présenter le professeur titulaire, leur adulte référent. Nous le savons tous … Ce court instant est dense. « Ce sera ma classe », « Ce sera mon titulaire » : une histoire commence maintenant avec des êtres bien réels. Le premier regard, la première impression vont laisser une empreinte très prégnante pour le reste de l’année. Pour mesurer l’importance de ce qui est à l’ uvre, je me réfère aux travaux de recherche de Geza Róheim, anthropologue et psychanalyste hongrois du début du siècle. Dans le chapitre de son livre intitulé « Unicité du genre humain » 1, d’emblée, il pose les questions suivantes : « Qu’est-ce qui rend l’humanité humaine ? Quelle est la clé qui permettra de comprendre sa nature ? ». En observant les différents stades de développement de l’homme et des animaux « supérieurs », il soutient une thèse qui, aujourd’hui est confirmée de manière très pointue par la paléontologie : la théorie de la « f talisation de l’espèce humaine ». En effet, les études comparées montrent que les stades de développement biologiques sont nettement plus longs chez l’homme, offrant ainsi la possibilité d’un développement neuronal plus important. Mais ce qui est vraiment intéressant, c’est que, si le développement de l’homme est ralenti par rapport à celui d’autres animaux, l’effet ultime de ce ralentissement consiste dans le fait que certains traits infantiles sont conservés de façon permanente par l’espèce humaine. « Des phénomènes qui étaient transitoires Le présent numéro de la revue Contacts consacre une réflexion autour la problématique du groupe classe et, plus particulièrement, de l’interaction entre la réussite scolaire et la dynamique de groupe. Quel éclairage apporter à ce moment si particulier de la constitution de la classe ? Pour quelles raisons, est-il vécu avec autant d’intensité émotionnelle, aussi bien du côté des professeurs que de celui des élèves ? Comment expliquer que ce jour soit appréhendé avec un petit pincement au c ur, voire même, pour certains, une certaine angoisse, alors que d’autres le vivent avec beaucoup plus de sérénité ? C’est que, sans doute, ce rituel de début d’année comporte une dimension CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 17 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire les souvenirs et les événements s’y rattachant sont, quant à eux, comme perdus. Le moment précis de la constitution d’une classe peut ramener à la relation avec la mère. L’empreinte de cette relation connecte les élèves, à leur insu, à ce partenaire que constitue une classe. chez le grand singe sont devenus permanents chez l’homme. Les autres primates traversent dans leur évolution des périodes dans lesquelles les hommes ne les suivent pas. L’évolution de l’homme est conservatrice, celle du grand singe est propulsive ». Sous sa forme condensée, la thèse pourrait s’énoncer de la manière suivante : « L’homme est un f tus de primate qui a atteint la maturité sexuelle ». Quel paradoxe ! Le statut particulier de l’homme doué de capacités cognitives est donc dû à un ralentissement de son développement. Au fond, à la différence des autres espèces, l’être humain n’atteint jamais vraiment le stade adulte, tel que l’on observe dans le monde animal. A l’époque, Géza Róheim concluait : « Il faudrait peut-être admettre l’idée d’une situation circulaire et équilibrée, dans laquelle plus l’homme régresse vers ses caractères infantiles, plus il progresse culturellement, moins il se spécialise dans son corps, plus il se spécialise dans sa culture et sa société ».2 Ce qui fait l’unicité de l’homme, c’est qu’à la naissance, il sort d’une matrice maternelle pour aller vers une autre dans laquelle la société ou le groupe remplace l’utérus, le lien social devenant le substitut du cordon ombilical. Ainsi, tous les passages d’une « matrice » à une autre constituent un moment dans lequel les sensations de la naissance peuvent être éprouvées. Et c’est là que je désire étayer le propos engagé dans mon introduction. Cette vision des choses peut éclairer certaines réactions intenses d’élèves qui ne semblent pas trouver leur origine dans la vie scolaire même. Certains éprouvent une véritable angoisse à l’idée que le professeur n’ait pas un regard pour eux, d’autres craignent d’emblée d’être rejetés, d’autres encore prennent le parti, dès la première heure de cours, de se « mettre de travers », sans compter ceux qui refusent le groupe classe et souhaitent pouvoir, illico presto, en changer, avant même de voir si cela va aller ou non. On peut y voir des réactualisations de l’entrée de la vie : - la magie du premier regard au moment de la naissance n’a peutêtre pas été au rendez-vous - des difficultés de tout ordre ont rendu la disponibilité des parents moins importante à l’égard de l’enfant qui vient de naître - malgré les attentions des parents, la venue d’un petit frère ou d’une petite s ur a suscité de l’hostilité dans le reste de la fratrie … Les positionnements « de travers » peuvent être compris comme une manière inconsciente de recréer l’hostilité ressentie de manière très diffuse au début de la vie. Tous ces éléments peuvent expliquer les angoisses, le désir de changer de classe, un peu comme certains auraient voulu pouvoir choisir une autre famille. Le moment de la rentrée des classes peut parfois, pour certains élèves, réactualiser une blessure narcissique, le groupe classe devenant le lieu de projection et le catalyseur des affects. En effet, la relation première avec la mère, aussi bien pour la fille que pour le garçon, laisse une empreinte sur laquelle toutes les autres vont venir se mouler. Cette empreinte est archaïque, précoce, et s’édifie bien avant l’accès au langage. Elle est faite de sensations à la fois précises et floues … un peu comme quand on retourne sur les lieux de son enfance : des odeurs, des sons sont précisément reconnus, alors que CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 A titre d’exemple, je me souviendrai toujours d’une élève que je nommerai ici : Dominique. A la rentrée scolaire, à la lecture de son prénom, elle a un comportement qui m’oblige à l’interpeller. Je ne sais pas pourquoi, voilà que j’utilise un langage un peu « vieille France » du genre : « Alors, jeune homme, il y a quelque chose qui ne va pas ?». Et 18 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire ce qui se passe, en tête à tête, pour expliquer la dynamique à l’ uvre. Ces élèves, une fois que l’enseignant leur aura expliqué le sens de ses attitudes, seront capables de prendre une place plus petite, sans pour autant se sentir inexistants. Dominique de me répondre avec indignation : « Je ne suis pas un garçon, mais une fille ». En fait, elle semblait franchement cultiver l’ambiguïté, une apparence au-delà de celle « du garçon manqué ». Et, dès le début, une tragédie se met en place. Pendant de nombreuses semaines, Dominique va développer, à mon encontre, une franche hostilité du fait de ma bévue qui, à ses yeux, est sans amendement. Tant et si bien qu’un jour, aux détours d’une discussion, je décide de m’adresser à elle: « Oui, effectivement, je me suis trompée à ton égard, j’aurais dû être vigilante. Mais je pense que tu devrais aussi assumer ton attitude, qui ne pouvait que conduire à ce quiproquo : il est un peu injuste de me reprocher ce que tu as toi-même induit. A toi de choisir ce que tu veux, de l’assumer avec plus de sérénité, plutôt que de chercher à tout prix la faille pour légitimer une colère qui ne m’est pas vraiment destinée ». En cette rentrée des classes, autant que faire ce peut, nous avons veillé à bien accueillir tous nos élèves. Certains vivront ces moments comme des réparations à des blessures narcissiques bien anciennes. Mais, pour d’autres, cela sera difficile, peut-être parce qu’il leur faudra du temps pour métaboliser, digérer leur propre histoire. Au fond, celle-ci ne change jamais vraiment. Ce qui a blessé reviendra de façon récurrente, mais sera traité autrement : les événements seront petit à petit décontaminés des différentes projections issues du passé. Ainsi, on parviendra à faire la part des choses entre la réalité et le fantasme, ce petit cinéma intérieur qui se juxtapose aux images du présent, à donner, dans les mêmes situations, des réponses autres que la colère, la fermeture ou la prise de pouvoir, pour éviter toute blessure. Et, c’est comme cela que l’on changera son destin : non pas en changeant d’histoire, mais plutôt (et cela prend parfois de nombreuses années) en l’acceptant et en « faisant avec ». Il s’agit un travail de l’âme auquel est confronté avec plus ou moins d’acuité chaque être humain, un être ontologiquement lié à une dimension tale. Quant aux élèves qui craignent d’être oubliés dans le regard du professeur, ils ont parfois des mécanismes de défense qui conduisent au bout d’un moment à ce qu’on les ignore. Leur désir de prendre toute la place, en voulant absolument prendre la parole en premier lieu, leur bougonnement lorsqu’on ne leur en donne pas la possibilité, sont autant de comportements intrusifs qui « obligent » le maître à ne plus vouloir porter le regard sur de tels élèves. Que faire dans ces cas ? Selon moi, le mieux est de « métacommuniquer » sur Laurence LAURENT Professeur au Collège Saint Guibert Gembloux Sophianalyste 1 2 Róheim Géza, « Psychanalyse et anthropologie », Ed Gallimard, 1967. ibidem CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 19 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire Université d’été 2010 du SeGEC Suite au dossier sur l’estime de soi, publié dans Contacts au début de cette année (n° 110), j’ai été contactée par le SeGEC pour participer à l’Université d’été, qui avait pour thème : « Comment faire une bonne école ? », le 20 août dernier. Douze ateliers étaient organisés dont un, intitulé : « Estime de soi et réussite scolaire : un cercle vertueux ». Dans ce cadre, il m’avait été demandé, ainsi qu’à G. Chapelle, attachée au service de pilotage du système éducatif de la Communauté française et professeur à l’UCL, de préparer un exposé d’une vingtaine de minutes, pour nourrir un temps de débat. L’atelier a connu un franc succès, puisqu’il avait été choisi par une septantaine de participants. Si vous n’avez pu y participer ou si vous voulez vous remémorer ce que j’y ai développé, vous trouverez ci-dessous le compte rendu de mon intervention. Estime de soi et réussite scolaire : un cercle vertueux Préambule (Illustrations de M. Berger, Ed. Mols, 2009), ainsi qu’un autre livre, qui n’en est plus à sa première édition : « L’estime de soi, s’aimer pour mieux vivre avec les autres » de Christophe André et François Lelord (Ed. O. Jacob, 2008, nouvelle édition) Cet exposé se nourrit d’abord d’une rencontre : celle avec le sociologue belge B. Humbeeck. Travailleur psychosocial au CPAS de Peruwelz, chercheur à l’Université de Mons-Hainaut et psychopédagogue, il a aussi collaboré avec B. Cyrulnik sur la notion de résilience. Nous l’avions invité lors d’une trimestrielle organisée en février dernier pour les directions de nos 26 écoles secondaires lasalliennes, directions qui pouvaient se faire accompagner par des enseignants. En effet, nous étions convaincus d’un lien entre l’estime de soi et la réussite scolaire : aider les élèves les plus fragiles à la renforcer cadrait ainsi parfaitement avec notre projet éducatif qui place les plus démunis au centre de nos préoccupations. Je vais tenter de croiser l’essentiel de ce que j’ai pu en retirer avec ma pratique et avec celles qui se vivent au sein de certaines de nos écoles. Mon exposé se déroulera en trois grands moments : d’abord, une approche, très générale, de ce que l’on met sous les termes « estime de soi » et l’importance que celle-ci peut jouer dans la vie et à l’école plus particulièrement ; ensuite, je repartirai des grandes composantes dégagées par Humbeeck pour tenter d’en tirer des implications tant pour l’élève que pour l’enseignant ; enfin j’évoquerai deux expériences menées dans nos écoles (SAS d'écoute et coaching scolaire). En parallèle à cette rencontre, relatée dans notre revue « Contacts », des livres ont également contribué à alimenter ma réflexion : celui de B. Humbeeck luimême, sorti en novembre 2009 et intitulé « L’estime de soi pour aider à grandir » I. L'estime de soi Ch. André et F. Lelord, dans leur ouvrage, reprennent la définition donnée par un adolescent : « C'est comment on se voit, et si ce qu'on voit, on l'aime ou pas ». C’est donc un regard et, en même temps, un CONTACTS n° 112 – 3EME Trimestre 2010 jugement porté sur soi. Mais c’est, en fait, une notion complexe. Nous confondons, par exemple, souvent « Estime de soi » et « confiance en soi », alors que l’estime de soi est bien plus que la capacité de se lancer dans une action 20 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire individus compétents, en répondant aveuglément à des injonctions sociales, sans considérer l’élève dans sa globalité. Or, comme l’affirment le décret « Missions de l’école chrétienne », mais aussi notre projet éducatif, s’il est certes important que l'école prépare les jeunes à prendre leur place dans la société, elle doit aussi les aider à définir leur projet de vie. jugée réalisable. Selon B. Humbeeck, elle englobe plusieurs paramètres qui touchent à la dimension cognitive, sociale et affective de l'être humain et qui sont en interdépendance : la connaissance de soi l'image de soi (fonction aussi du regard d'autrui) l'amour de soi (dépendant surtout des apports familiaux reçus au départ) Les choses se compliquent encore lorsque l’on sait que l’estime de soi évolue et doit être nourrie sans arrêt. Cela demande à la communauté éducative d'être vigilante, de garder le sens critique, voire de constituer une « école de la résistance » : refuser d’entrer dans un moule préétabli qui ne permet pas de grandir en humanité, prendre des risques, oser et ouvrir des voies nouvelles. Pour rappel, le fondateur de nos écoles, Jean-Baptiste de La Salle, a résisté aux pressions des autorités, du milieu (écoles payantes), voire des parents eux-mêmes, afin d'ouvrir des écoles gratuites pour les garçons les plus défavorisés (enfants de pauvres ou d'artisans), tout en veillant à garder une mixité sociale, en refusant les écoles ghettos. Une intuition qui est toujours d'actualité. De façon générale et un peu simplifiée, celui qui a une faible estime de lui-même, lorsqu’il est confronté à l’échec, se résigne ou se trouve déstabilisé : il hésite, a peur d'agir. Il serait cependant faux de croire qu’avoir une faible estime de soi, c’est totalement négatif : des qualités comme la modestie ... peuvent y être associées. Celui qui, par contre, a une bonne estime de soi a appris à s’accepter et à accepter de changer: tout en étant exigeant, il est bienveillant par rapport à lui-même. Il ne se focalise pas sur lui, mais cherche de bonnes interactions avec l'environnement. Un des dangers qui le guette : confondre « être estimable » et « être admirable », fixer la barre trop haut. Les enseignants, aujourd’hui plus que jamais, devraient rester des piliers sur lesquels les jeunes peuvent s’appuyer. Être vrai, veiller à la cohérence entre les paroles et les actes, s’engager pleinement dans l’acte d’enseigner, avoir une bonne estime de soi pour « être bien dans son axe » … : des attitudes qui aideront le jeune à se construire et à renforcer l’estime de lui-même. A l'école, avoir une haute estime de soi constitue un atout pour réussir : c’est d’autant plus vrai si on y encourage à la compétition, l’excellence, l’efficacité, le rendement, si on cherche à former uniquement des II. Développement de trois composantes essentielles de l'estime de soi 1. Se connaître: Une bonne connaissance de soi favorise le passage à l'action ... à condition d'accepter le risque de commettre des erreurs, voire de se trouver confronté à l’échec. Et cela n'est possible que si cela n'affecte pas globalement l'image qu'on a de soi, si l'on pense qu’en traversant une difficulté, on peut aller plus loin dans son évolution personnelle. Dans ce cadre, une des missions de l’école, rappelée par notre projet éducatif, est d’apprendre « à La connaissance de soi passe par le questionnement, la réflexion sur soi, mais aussi la prise en considération de ce que les autres pensent savoir. Se connaître, c'est connaître ses goûts (ce qu'on aime ou pas), se donner des qualités, des défauts, se reconnaître des compétences (même si on peut reconnaître parfois son incompétence dans un domaine, sans en être trop affecté) et attribuer du sens à ses actions. CONTACTS n° 112 – 3EME Trimestre 2010 21 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire tissages, afin que l’enfant ou le jeune comprenne pourquoi il va effectuer telle ou telle tâche Lui laisser du temps pour qu'il apprenne à se connaître Développer chez lui l’intériorité (un fameux défi dans une société où on court sans arrêt!) l'enfant, au jeune à s'assumer, à comprendre et à accepter leur propre histoire, dans ses échecs et ses réussites » (p.9) Cela suppose de la part de l'enseignant d’accepter lui-même l'incertitude, de renoncer à n'être qu'un transmetteur de savoirs, pour devenir principalement un accompagnateur. Il est là d'abord pour écouter l'élève, pour le questionner, afin de le faire réfléchir, de l’aider à trouver sa voie, ses solutions. Le but n’est pas seulement la recherche d'une orientation la mieux adaptée à sa situation et à ses objectifs, c’est le développement de son projet personnel, un jour inséré dans son projet de vie (Projet Educatif Lasallien, p.11). Cette posture est aussi au centre du coaching scolaire dont je parlerai plus loin. Et les écoles lasalliennes ont été des pionnières en ce domaine. Bien des gens parlent encore « des écoles des Frères », mais ignorent que, dans l’esprit du fondateur, la fraternité caractérise aussi la relation enseignant-enseigné, le premier étant comme un grand frère pour l'élève. Et l'évaluation? Souvent, elle obsède et stresse tant l’enseignant que l’élève, chez qui elle tue tout plaisir d’apprendre. Si elle n'est pas avant tout formative, si elle n'aide pas l’élève à percevoir ses forces et ses faiblesses, si elle ne tient pas compte de son rythme d'apprentissage, elle peut instaurer chez lui des croyances négatives contre lesquelles il sera par la suite bien difficile de lutter. Qui n’a jamais entendu cette phrase : « Vous savez, madame, j’ai toujours été nul en math ». Sousentendu : « Inutile d’insister : j’ai abandonné et ne travaille plus dans cette branche ». Or, suivant notre projet éducatif: « Eduquer la personne, c'est d'abord croire en elle » « Eviter toute attitude d'humiliation ou de vexation, de mépris ou de rejet » C'est moins simple qu'il n'y paraît, il suffit pour s’en convaincre d’épingler les petites phrases assassines entendues dans les salles des profs, mais aussi notées sur les copies, dans les bulletins … ou formulées devant toute la classe (« C’est nul », voire « Tu es nul »). Sans parler du non-verbal, des attitudes ou mimiques de l’enseignant dont le sens n’échappe guère aux élèves. Pourtant, l’enseignant ne devrait-il pas être ce magicien capable d’émerveiller et de réveiller en chacun le meilleur de luimême ? Comment aider l'élève à se connaître ? Cela commence dès la maternelle, quand les tout-petits parlent de leur doudou préféré, prennent conscience de leurs différences, mais aussi expriment leurs peurs et découvrent qu’ils ne sont pas seuls à en avoir. Un livre lu en classe offrira également l’occasion à chacun de livrer ses émotions, ses expériences, de réfléchir sur soi… Mais comment l’amener à accepter la perspective de l'échec, à désirer et à oser apprendre ? Quitte à rappeler des évidences, je pointerai les pistes suivantes : Dédramatiser l'échec : il fait partie de toute expérience humaine, est surmontable et peut, si on en tire des enseignements, être positif Lui faire vivre une expérience positive au départ Procéder par étapes, lui fixer des objectif bien ciblés et atteignables. Pourquoi pas un cahier de réussites, pour noter chaque semaine une « prouesse » accomplie ? Expliquer, donner du sens aux appren- CONTACTS n° 112 – 3EME Trimestre 2010 2. Avoir une bonne image de soi Avoir une bonne image de soi dépend du regard de l'autre, de la relation qui se noue avec lui. Ce qui précède était déjà explicite à cet égard: le comportement de l'enseignant stimule ou bloque au contraire l'élève dans ses apprentissages. Mais évitons de lui jeter simplement la pierre: lui-même a souvent bien du mal à se créer une image professionnelle 22 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire traditions, c'est exprimer, dans le quotidien, la volonté de travailler les uns avec les autres, non pas les uns à côté des autres et encore moins les uns contre les autres » (p. 17). Il insiste donc beaucoup sur cette dimension communautaire, sur le fait de « porter ensemble le même projet pédagogique et éducatif, poursuivre le même but, même si les chemins pour y arriver sont différents. » (p. 14) Mais, au travers de la formule « Ensemble et par association », il privilégie aussi des liens réguliers et suivis entre écoles. valorisante. Qui n’a pas entendu parler des résultats des enquêtes PISA largement diffusés par les médias ? Ils ne mettent pas seulement en cause la qualité de l’enseignement dispensé en Communauté Française ; pour un large public, c’est l’enseignant directement qui est visé, c’est lui qui a mal fait son travail. Ajoutez à cela les décrets qui se succèdent. Prenez le Décret Inscription : certains sont tellement obsédés par les évaluations certificatives qu’ils perdent de vue l'importance de l'apprentissage. D’autres, en période de recours, se sentent personnellement accusés, alors qu’ils sont consciencieux et pensent avoir pris leurs responsabilités après une longue réflexion. Sans oublier les clichés qui ont la vie dure : l’enseignant est souvent malade, a trop de congés … Le métier est beau, certes, mais difficile. Comment rester serein, gérer son stress, garder du recul et un esprit entreprenant ? Revenons à l’élève. Il est inquiétant de constater que des enseignants ont une image très négative de l’enfant, du jeune, de sa famille, de sa culture. Ici aussi, les stéréotypes ont la vie dure. Pour n’en citer qu’un, celui de l’adolescent en quête de son identité qui ne rechercherait que l'approbation de ses pairs. Il n’est pourtant pas devenu insensible au regard de l’adulte ; il cherche toujours spontanément à être reconnu par lui et ne peut affronter la difficulté que sous son regard bienveillant, même s’il reste exigeant. Pour B. Humbeeck, il ne s'agit pas de vouloir comprendre ce jeune, mais simplement de s'intéresser à lui, de mettre en évidence ses forces et de lui lancer des défis, au lieu de le casser, en pointant seulement ce qui est négatif. Une solution consiste à offrir aux enseignants en école un lieu, du temps, pour exprimer leurs émotions, pour reconnaître leurs fragilités et apprendre à les vivre positivement. G. Ringlet, invité à s’exprimer sur notre projet éducatif, soulignait d’ailleurs l’importance d’une école « qui ose la fragilité et l’intériorité». Une autre planche de salut est de créer une véritable communauté éducative, avec la collaboration de tous : enseignants, éducateurs, direction, parents et élèves. Pour désamorcer la peur de l'autre, l’on ne peut qu’encourager les rencontres en dehors du cadre scolaire : un voyage, un souper … sont des occasions extraordinaires. Meirieu disait: « Il n’y a que l’équipe qui sauvera l’enseignant. » C'est un premier pas ... Cela implique, chez l’enseignant, des questionnements : quelle préparation aux bilans ? quelle correction ? quelle remédiation ? Peut-être faut-il aussi lui rappeler, lorsqu’il construit des séquences de cours, que l'intelligence peut prendre des formes multiples. Elle ne réduit pas aux intelligences verbale et logicomathématique, qui ont quasi l’exclusivité à l’école. Et son rôle n’est-il pas aussi d’apprendre à l’enfant ou au jeune à identifier ses émotions et à exprimer ce qu’il pense et ressent sous une forme socialement acceptable ? Dans un collège français (Clysthène), un temps d’accueil est prévu en début de journée pour que le jeune puisse se poser et déposer ce qui le préoccupe. La création d’un sas d’écoute (dont je vous parlerai plus loin) est aussi intéressant à cet égard. Notre projet, lui, fait la part belle à trois mots-clefs : accueil, convivialité, participation, pour créer un sentiment d’appartenance. « Accueillir au mieux les nouveaux, nourrir une vraie convivialité, prendre collégialement des décisions, manifester ses CONTACTS n° 112 – 3EME Trimestre 2010 23 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire 3. S'aimer l'échec lui paraissant conséquences. Pour s'accepter et accepter de changer, pour affronter la possibilité d'échouer, il faut pouvoir compter sur le soutien de son entourage. Le jeune ne s'engagera dans une activité que si cela compte pour ceux qu'il aime et ne met pas en péril l'amour qu'il a reçu. Si la pression est trop forte, s’il associe amour et réussite, il risque de se sentir paralysé, trop lourd de Mais il a aussi besoin d’être structuré. Il attend de l’adulte qu’il se positionne par rapport à ses comportements : « Je n'aime pas que tu te comportes ainsi, je préfèrerais que tu te comportes autrement », non pas « Je n'aime pas ce que tu es ». III. Des expériences vécues au sein des écoles lasalliennes trois jours à l'écoute (« entretien d'aide »); certains, en dehors de la formation d'initiation en ont suivi une seconde, plus spécialisée. Un bon signe : le groupe se renouvelle régulièrement … 1. Le SAS d'écoute, à l'Institut SaintLuc, Ramegnies-Chin Dans cette école technique et professionnelle où est dispensé un enseignement artistique, l’expérience a débuté voici cinq ans ; plusieurs centaines de jeunes sont passés par le sas d’écoute à un moment où ils se sentaient fragilisés. 2. Le coaching scolaire, à l'Institut Saint-Joseph, Ciney L’expérience est récente, elle n’a débuté qu’en septembre dernier. L’initiative est venue d’une éducatrice, C. Stevens qui s’est demandé comment aider les élèves à développer davantage leur potentiel. Après un accueil favorable de la direction, elle a commencé à suivre une formation en coaching auprès d'un organisme reconnu par la Communauté Française ; c’est une formation lourde pour laquelle elle a obtenu une dérogation et qu’elle n’a pas encore achevée. Il y est question de PNL, d'écoute active ... pour offrir un accompagnement à l'élève, l’amener par des questions à exprimer ce qu'il a en lui. Chacun peut prendre rendez-vous, se présenter spontanément pendant ses temps libres (heures d’études, temps de midi) ou venir au sas d'écoute pendant les heures de cours, après avoir demandé l'accord du professeur concerné (un justificatif lui sera alors donné à la fin de l'entretien). Ce lieu est, en fait, accessible toute la semaine, sauf à la dernière heure de la journée et le vendredi midi. Pour quelles raisons y venir ? Les demandes sont variées, elles ont pu cependant être listées. A signaler, en lien direct avec l'estime de soi, les difficultés familiales ou relationnelles (liées à des embarras sentimentaux, à des complications dans la classe, à la perte d’un proche …), la dépression, des problèmes d'orientation ; depuis peu, se sont ajoutés des problèmes liés à l'identité sexuelle (homosexualité ...). Le jeune pourra trouver, dans le sas d’écoute, une oreille attentive, en toute confidentialité … sauf si sa vie en dépend. Dans ce cas, l'équipe passera le relais à un service thérapeutique. Concrètement, C. Stevens passe dans toutes les classes de l’enseignement général, de la 1ère à la 6ème en début d'année scolaire pour expliquer ce qu'elle propose et distribuer un petit feuillet. Il est facile ensuite à ceux qui le souhaitent de prendre contact avec elle durant les récréations, les temps de midi …, pour obtenir un rendez-vous. Les demandes portent, entre autres, sur des difficultés relationnelles, le manque de confiance en soi, le stress, la difficulté d'accepter ou de dépasser l'échec; elles peuvent aussi émaner des parents, du Conseil de classe ..., mais l'accord de l'élève et un minimum de motivation sont toujours Celle-ci est composée d'une vingtaine d'enseignants et d'éducateurs bénévoles qui ont, au moins, suivi une formation de CONTACTS n° 112 – 3EME Trimestre 2010 24 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire A ce jour, une soixantaine d'élèves ont bénéficié d'un suivi. Même si C. Stevens réaffirme que le coaching n'est qu'un moyen, non la panacée ..., cette initiative ouvre la porte sur des pratiques innovantes en école. Elle cadre aussi très bien avec notre projet éducatif qui insiste sur l’ouverture, la valorisation du jeune, le développement de son autonomie et de son projet personnel. requis. Les entretiens se déroulent dans un local aménagé, à l'abri des regards, pendant les heures d'étude ou à la fin de la journée pour le 1er degré (entre 15h30 et 16h30). Les élèves peuvent aussi s'absenter pendant un cours avec l'accord de leur professeur. L'éducatrice pose directement un cadre. Elle énonce d’abord son objectif et le mode de fonctionnement: par son écoute et ses questions, elle incitera l'élève à chercher des pistes de solution; il les expérimentera et les évaluera à la séance suivante. Elle fixe aussi des règles : la confidentialité (sauf exceptions), l’importance de se tourner vers l’avenir, non vers le passé; elle précise sa posture : elle n’est pas ici l'éducatrice chargée parfois de sanctionner des comportements ... et signale qu’en cas de problèmes graves, elle passera la main à d’autres intervenants. Le suivi est variable, mais généralement bref. Cette pratique, comme celle qui précède, montrent bien que, dans le milieu scolaire, des équipes réfléchissent, innovent, s’engagent, sans sombrer dans le marasme et la résignation. Des enseignants, des éducateurs, des directions continuent à aimer leur métier et à aimer ces enfants, ces jeunes, surtout s’ils sont fragiles ; ils restent convaincus qu’un avenir peut s’ouvrir à eux et que leur mission, c’est de les y aider … Et ils alimentent notre foi en une école plus juste et plus humaine. Une école qui fonctionne bien, une utopie certes, mais pas un mirage ... A. Oger, Conseillère en pastorale pour les écoles lasalliennes Photo : SeGEC CONTACTS n° 112 – 3EME Trimestre 2010 25 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire C’est arrivé près de chez vous barbarie (www.enseignement.be/dob). Par sa circulaire n° 3171 du 11 juin dernier, la Communauté française lance un appel à projets dans le cadre du décret du 13 mars 2009 relatif à « la transmission de la mémoire des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et des faits de résistance ou des mouvements ayant résisté aux régimes qui ont suscité ces crimes » (Moniteur belge du 03 avril 2009). Connaître le passé pour construire le futur. Tel est bien le but de rencontres avec des hommes et des femmes qui ont posé des actes d’une très grande humanité et d’une parfaite abnégation. Les témoins vivants de la seconde guerre mondiale sont de moins en moins nombreux. Aussi, avons-nous souhaité vous donner quelques exemples récents de projets menés l’année scolaire passée dans certaines de nos écoles lasalliennes. Puissent-elles vous donner l’envie de vous intéresser à une thématique qui peut marquer l’éducation de nos jeunes ! 1) La Semaine de la mémoire, Institut SaintJoseph à Liège 2) Visite du camp de concentration du Struthof à Natzwiller, Institut Saint-Joseph à Ciney 3) Des jeunes au Yad Vashem, Institut SaintJoseph/Sacré-C ur à La Roche en Ardenne 4) Institut Saint-Luc Bruxelles Cet appel à projets vise à recueillir, valoriser, exploiter ou à préserver des témoignages, à organiser des visites de lieux de mémoire et des séminaires à destination des enseignants, ou à monter une exposition, une représentation théâtrale, une production écrite ou audiovisuelle. Nous nous permettons de vous rappeler ces appels à projets ouverts du 1er septembre au 15 octobre 2010. Ils sont gérés par la cellule de coordination pédagogique Démocratie ou Institut Saint-Joseph, Liège : « Semaine de la mémoire » Toute l’école a été mobilisée autour du souvenir. Dans notre école et notre quartier culturellement si riches, il nous semble plus que jamais important de rappeler, de façon officielle et régulière, que notre démocratie actuelle repose sur de terribles évènements vieux d’à peine 70 ans, l’âge de nos grands-parents. La liberté d’expression, l’accueil des étrangers, la cohabitation pacifique des religions n’auraient pas été possibles si … L’équipe des Educateurs a donc proposé fin janvier 2010 une solide réflexion sur ces évènements passés, à travers une « semaine de la mémoire ». Ces activités ont été organisées dans le cadre de l’éducation à la citoyenneté. CONTACTS n° 112 – 3EME Trimestre 2010 L’axe principal de la semaine a été une exposition sur les deux voyages de nos élèves en Pologne (2005 et 2006), à Auschwitz & Birkenau, ces terribles cicatrices du génocide nazi. Lieu de passage pour toute l’école, elle est présentée sous forme de panneaux didactiques propres à l’Institut (photos et historiques, vidéos, peintures murales, panneaux « réflexions », …) et de matériel prêté par les Territoires de la mémoire (Deuxième guerre mondiale, Shoah). Sont également évoqués divers génocides 26 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire ancien déporté politique liégeois (Nuits & Brouillard) à Mauthausen et Dachau. nous concernant plus particulièrement, nous et nos élèves (l’Arménie, les Kurdes, le Rwanda, la RDC, l’ex-Yougoslavie …). Nous avons eu aussi le plaisir d’avoir en prêt du petit matériel (mais ô combien symbolique) provenant du musée de Baugnez 44. Nos jeunes classes de première et deuxième années ont visité le « Parcours symbolique » des Territoires de la Mémoire1. Une première approche de la thématique a été faite via un Conseil de Tous2 avec la lecture et l’analyse du livre « Matin brun » (F. Pavloff). Un « parcours citoyens » a été mené sur les différents lieux de mémoire à travers Liège pour les troisième et quatrième années (Maurice Waha, l’Enclos des Fusillé, l’ancienne prison Saint-Léonard, la stèle Raymond Lepouse, …). Ces classes ont également écouté un professeur nous conter l’histoire de ses deux grands-pères, aux destins aussi différents que tragiques. Enfin, nos aînés ont visité Breendonck et de Malines (Casernes Dossin) et ont eu l’honneur aussi d’écouter Paul Busson, Ces trois jours de la Mémoire, en fait, ont duré près de deux semaines ! Au travers de lectures, films, documentaires, travaux, l’école est toujours dans son devoir de Mémoire, 10 jours plus tard ! Rendez-vous en 2010 pour renouveler l’expérience, avec, entre-temps, peutêtre, un voyage à Auschwitz & Birkenau ? Benoît SCARMURE Educateur 1. Les Territoires de la Mémoire, centre d’éducation à la résistance et à la citoyenneté, association d’éducation permanente, Boulevard d’Avroy 86 – B-4000 Liège – Tél. 04/232.70.60 – www.territoires-memoires.be. Cette asbl organise aussi un concours de nouvelles « Passages de mémoire ». 2. Les Conseils de Tous sont des moments privilégiés entre l’Educateur(trice) et ses classes, sans tabous, avec la liberté de parole pour tous, mais dans le respect des règles de politesse. Visite au camp de concentration du Struthof à Natzwiller Institut Saint-Joseph Ciney : « Tirer la leçon de l’Histoire, c’est refuser la falsification » Simone Veil. Et en septembre 2009, l’Interfédérale offrait à ces élèves et professeurs, la visite du camp de concentration du Struthof à Natzwiller en Alsace. En mai 2009, dans le cadre des cours de français et d’histoire, les élèves de 5e ont remporté, sur ce sujet, un concours de dissertation organisé par l’Interfédérale des Groupements Patriotiques de la ville de Ciney. CONTACTS n° 112 – 3EME Trimestre 2010 Ce camp est le seul camp de concentration construit sur le sol français. Son emplacement a été choisi à cause de la présence d’une carrière de granit située à proximité et dès 1941, des prisonniers 27 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire vont y travailler dans des conditions très pénibles. En 1943, une chambre à gaz est aménagée non loin du camp. On y gaze une centaine de personnes, principalement des Juifs, et leurs corps sont envoyés à l’Institut d’Anatomie de l’Université de Strasbourg pour des expériences médicales. C’est en septembre 1944 que les Alliés libèreront le camp. La confrontation directe avec les traces du passé (les baraquements, la potence, les objets de torture, la chambre à gaz, …) marque bien plus les élèves. Encore merci à l’Interfédérale des Groupements Patriotiques de la ville de Ciney pour leur travail de mémoire, car ce sont nos jeunes qui seront les témoins de demain. Si l’univers concentrationnaire est une réalité qu’un cours d’histoire peut tenter d’expliquer, les mots sont en réalité peu de chose pour exprimer pareille horreur. Anne TILLIEUX, Professeur d’histoire Institut Saint-Joseph/Sacré-C ur La Roche-en-Ardenne : Soixante jeunes au Yad Vashem Plus particulièrement, vers le Yad Vashem, lieu de mémoire s’il en est. Outre la vallée des communautés, le musée ou le jardin des justes parmi les nations, un séminaire centré sur la Shoah et ses conséquences était organisé. Pour la soixantaine de personnes qui composaient le groupe, une expérience enrichissante et surtout une nouvelle façon d’appréhender ces problèmes, qui ne sont pas toujours faciles à être enseignés aux jeunes générations. Le témoignage d’un enfant caché pendant la guerre restera, sur ce point, dans la mémoire de tous. Comprendre la Shoah. Tel était l’objectif d’un voyage en Israël organisé par la commune de La Roche-en-Ardenne. Premier ministre Expérience unique aussi pour le groupe, il était présent lors du Yom haShoah, le jour où, en Israël, on se souvient des 6 000 000 de victimes du génocide perpétré par les nazis. A 10 h, les sirènes retentissent et, l’espace de deux minutes, la vie s’arrête. La veille, les Rochois ont eu le réel privilège, le terme est loin d’être faible, d’assister à l’hommage rendu par la nation toute entière, sur le site du Yad Vashem. Là, ils ont eu l’occasion d’entendre et de voir le Président de la République, Shimon Peres et le Premier ministre Benyamin Netanyahou. Un moment émouvant où six victimes de la barbarie nazie ont allumé les flammes de l’espoir, le tout précédé par une brève Depuis 1999, la commune de La Rocheen-Ardenne organise un voyage centré sur les lieux de mémoire. Ouvert aux adultes, à une époque où l’intergénérationnel a la cote, il est avant tout destiné aux élèves de 5e année des humanités des réseaux libre et officiel. Des sites comme Auschwitz, Mauthausen, Dachau ou encore Oradour-sur-Glane ont ainsi été visités. Visites loin d’être anodines, puisque le but principal de ces périples est de sensibiliser les jeunes aux dérives, inévitables, de tous les extrémismes. Cette année, le choix des autorités rochoises s’était porté sur l’Etat d’Israël. CONTACTS n° 112 – 3EME Trimestre 2010 28 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire mais émouvante biographie. Le reste du périple a été centré sur la visite de nombreux sites archéologiques, comme Massada ou Césarée et par la découverte des lieux étroitement liés à notre culture chrétienne. Les lieux sacrés juifs, comme le Mur des lamentations, figuraient également au programme. D’un avis unanime, l’expérience a été très enrichissante autant pour les jeunes que pour les adultes. Et si le nuage de cendres a obligé la délégation à atterrir à Francfort à la place de Bruxelles, tous sont rentrés en Belgique avec des images plein les yeux et surtout avec une nouvelle vision de ce qu’a été l’horreur du peuple juif pendant la Seconde Guerre Mondiale. D’après l’article de Jean-Michel Bodelet Avenir du Luxembourg, 29 avril 2010 Institut Saint-Luc Bruxelles : REGARDS D’AUJOURD’HUI SUR LES PRIVATIONS D’HIER : la débrouille au quotidien pendant la seconde guerre mondiale reportage. L’éducation aux medias s’est invitée aussi dans nos réflexions. Vu l’enthousiasme lié à la diffusion de la série « Apocalypse » en août dernier, la Communauté française et la RTBF ont lancé un appel à projets aux écoles : réaliser une séquence télévisée qui approfondit une thématique liée à la deuxième guerre mondiale. Puis il a fallu finaliser et … coordonner 19 visions d’un reportage de 4 minutes ! Un beau défi pour que chacun trouve sa place ! Tournage, montage, dessins, musique (composée entièrement par une élève). Nos élèves de 6e année AI ont proposé un scénario : « Regards d’aujourd’hui sur les privations d’hier » en interrogeant des témoins directs, leurs grands-parents et des pensionnaires d’une maison de repos. Le résultat : un reportage « impressionniste », des bribes de souvenirs d’enfants évoquées par petites touches successives. Comment arrive-t-on à s’en sortir, à se débrouiller avec très peu ? Comment les enfants d’alors ont-ils vu leurs parents s’adapter matériellement à ce contexte de guerre ? Les réponses surgissent par le biais d’anecdotes sur la vie quotidienne en temps de guerre et sont mises en perspective avec notre mode de vie actuel d’hyperconsommation. Et les liens avec le développement durable de surgir ou de s’estomper. A l’heure du bilan, comme à chaque fin de projet, une impression intense : la satisfaction du travail accompli en coopération. Avoir appris tellement les uns des autres, une vraie richesse tant pour les profs que pour les élèves. Et enfin, immortelle : la rencontre avec tous ces grands-parents qui ont accepté de nous offrir un petit bout de leur Histoire… Catherine Soudon Professeur d’Histoire Un aller-retour permanent entre forme et fond s’est opéré : cours sur le contexte historique, visites de musées, voyage à Berlin, rencontre avec des personnesressource, questionnaire et réalisation du CONTACTS n° 112 – 3EME Trimestre 2010 Le travail est visible sur: http://www.rtbf.be/tv/actualite/detail?id= 29 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire 18222 ou encore http://www.enseignement.be/index.php?p age=26224&navi=1953&rank_page=2622 4 Le home écarte l’horizon… Une passerelle reste à traverser. Un ascenseur descend dans les profondeurs non seulement du bâtiment mais dans l’âme d’un espace clos, celui des personnes âgées. Avec délicatesse et timidité, les élèves de 6ème Image se munissent de leur carnet de croquis et se glissent entre les regards où le temps n’existe plus. Bientôt pour certains, c’est le retour vers une grand-mère ou un grand-père universel. Pour d’autres, le choc des fins de vie, de la vieillesse, une confrontation qui les prend d’assaut. En douceur, les liens se tissent, chaque élève apprivoise ou se laisse apprivoiser. Les vieilles mains se délient, les cheveux blancs se font coquets, les yeux entre les rides s’animent, jeunesse oblige. Et puis les rires se mettent à fuser, Marcelle a le c ur en joie, Gilberte clignote béate, Robert se munit d’une feuille et d’un crayon entre les doigts tremblants, Gilberte se retranche derrière un pilier, tout étourdie de cette jeunesse, Jeanne discourt avec panache du haut de ses 106 ans L’alchimie a opéré. Les croquis vibrent, l’émotion au bout du crayon, et des fragments d’une mémoire, celle de la guerre 40-45, se libèrent, les mots recueillis pour la création d’un documentaire au sein de leur cours d’histoire Isabelle de Vinck, professeur d’Art Plastique, cours de dessin, 6ème Image. Impressions d’élèves « C’était vraiment un chouette projet de groupe constructif et motivant dans lequel chacun a pu trouver sa place en fonction de ses affinités futures (journalisme, montage, infographie, …) « Ce qui fut le plus enrichissant, c’est le lien que nous avons eu avec les personnes âgées interviewées … Un lien intergénérationnel formidable. Malgré ce qu’elles ont pu vivre, elles arrivent à relativiser et faire preuve d’humour » « C’était intéressant de voir comment elles sont arrivées à s’adapter dans un contexte de privations matérielles, nous qui voulons toujours tout, plus vite et toujours du neuf. Alors que dans certaines circonstances, on est obligé de se priver. Ce qui nous a surpris et fait réfléchir : plus que les privations matérielles, c’est la privation de liberté qui leur a le plus manqué ! » CONTACTS n° 112 – 3EME Trimestre 2010 30 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire L’autoportrait des Instituts Saint-Luc référence en lien donnée. Les modalités ? Non, il ne s’agit pas là du dernier caprice de directeurs à la recherche de nouveaux projets. avec la formation Dans la semaine du 1 au 5 mars 2010, les élèves ont dû - dans un laps de temps de 6 heures au cours d’une journée fixée – faire leur autoportrait plein pied. Le format choisi est 60 X 110 cm en hauteur Dans le même esprit que le Brevet d’Art proposé aux élèves de 6ème TQ Arts appliqués et Arts & Structure de l’Habitat, une nouvelle épreuve pratique commune a été proposée aux élèves de 5ème TQ Arts appliqués. Le but ultime ? Placer les autoportraits par 4 sur un panneau de format standard 122 X 244 cm, panneaux exposés dans chaque école lors des Portes Ouvertes des Saint-Luc, avec également projection sur écran de l’ensemble des 200 réalisations. Ce projet a associé aussi les sections infographie et photo des Saint-Luc. En finale, on visera une autre exposition des autoportraits réalisés en 2010, 2011 et 2012 lors de l’expo Shed+2 à mettre sur pied au Wiels. Un tout grand bravo à Marc pour son idée, à tous les enseignants, et aux élèves qui se sont à nouveau dépassés. L’idée ? Vous voulez tenter votre autoportrait ? Allez-y, vous verrez, ce n’est pas si simple … Tout en soutenant l’esprit Saint-Luc en interne, proposer une épreuve de Dominique Lannoy Accompagnatrice de proximité en Arts CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 31 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire Des 7èmes « extra-ordinaires » Tout au long de cette année, Contacts vous présentera des exemples de 7èmes années organisées dans divers établissements lasalliens : elles poursuivent des objectifs différents, répondent à des profils variés ... Pour démarrer cette série, vous trouverez ci-dessous la présentation d'une toute nouvelle 7ème, organisée depuis septembre 2009, à l'Institut de la Providence, à Ciney Une 7ème TQU « Assistant(e) aux métiers de la sécurité et de la prévention » Institut de la Providence à Ciney agréés par le Ministère de l'Intérieur. Le profil pour le certificat de qualification, quant à lui, n'est toujours pas fixé. A l'origine ... Cette option existait déjà en Flandre ; alors pourquoi pas en Wallonie et à Bruxelles ? Via les réseaux, la Communauté Française, en collaboration avec le Ministère de l'Intérieur, a proposé aux établissements qui avaient des options sociales d'adhérer au projet : 12 écoles ont été retenues, dont 6 dans l'Enseignement libre : l'Institut de la Providence, à Ciney, proche de la province de Luxembourg où aucune école n'avait déposé sa candidature, est l'une d'entre elles. Une école-pilote en quelque sorte ... Le profil de formation Un objectif central du Ministère de l'Intérieur qui a été rencontré était de favoriser l'entrée à l'Académie de police, le taux de réussite étant extrêmement faible (19 %). Mais l'option sert aussi à former des agents de gardiennage (des attestations de base pour deux des sept fonctions requises sont délivrées) et des gardiens de la paix: au service de la commune, ils cherchent, par leur présence, à pacifier les relations entre les citoyens, une mission qui n'a vraiment son utilité que dans les grandes villes ... Sans oublier la formation de steward de football: après avoir appris la loi du football, les apprenants complètent leurs connaissances au Standard de Liège. Leur participation à 5 matchs constitue un stage obligatoire. Enfin, un dernier profil qui n'est pas encore finalisé: celui de pompier. La 7 ème servirait d'année préparatoire pour l’entrée à l’école des pompiers. Une fameuse aventure Cette septième année technique de qualification n'est ouverte que depuis un an et s'est construite de façon expérimentale. Le professeur d'éducation physique, par exemple, a dû suivre une formation beaucoup plus lourde que celle annoncée au départ. Il a également dû nouer toute une série de contacts, tant avec le Ministère de l'Intérieur qu'avec la Communauté française, et établir une collaboration avec le Standard de Liège. Comme d'autres intervenants extérieurs sont aussi amenés à dispenser des modules de cours, il a fallu trouver, par exemple, une juriste et une psychologue CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 Les conditions d'accès Avoir obtenu son CESS est obligatoire, mais 32 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire ne suffit pas: l'élève doit se soumettre avant le premier octobre à un examen psychologique organisé par le Sélor, afin de déterminer s'il a le profil psychologique adéquat... La grille horaire comporte de 32 à 34h: français (2P), religion (2P), éducation physique (2P), psychologie appliquée (4P), communication (2P), bureautique (2P), législation (2P), néerlandais (2P) et anglais (2P), mais aussi ... professions déjà citées. En ce qui concerne les futurs policiers, leur examen d'entrée se réduira à une seule épreuve, puisqu'ils auront déjà réussi les tests physiques, cognitifs et seront passés devant la commission. Il leur faudra encore repasser un examen psychologique (en plus de l'examen médical). Des cours très particuliers Ils étaient 18 au départ (dont 2 filles) et 14 à l'arrivée, venus de la région de Ciney ou de la province du Luxembourg (aucune école n'y a encore ouvert l'option). Âgés entre 18 et 23 ans, ils avaient suivi des parcours scolaires très différents. Leurs principales difficultés : les connaissances nécessaires, tant en néerlandais qu'en anglais, pour comprendre et se faire comprendre, mais aussi l'orthographe, jugée capitale pour la rédaction des rapports. Les élèves en 2009-2010 Sans entrer dans le détail, un des cours spécifiques est celui de « techniques du métier » (6h/sem.) : même si ce cours est attribué à un seul professeur, il comporte différents modules, dont certains ne se donnent que par des gens agréés, formés dans une des spécificités (policier, juriste ...). Un autre est celui de « techniques d'esquive », enseigné par le professeur d'éducation physique qui a suivi, pour ce faire, une formation supplémentaire. Axé sur la prévention et l'autodéfense, le cours n'autorise nullement le maniement d'armes, ni le recours à la violence. L'entraînement physique est capital : un parcours de 330 m avec obstacles doit être effectué en 1 minute 10 maximum : une épreuve de résistance, non d'endurance ... Un bilan provisoire L'entrée à l'Académie de police est réellement facilitée ; les élèves, surtout les plus jeunes, gagnent en maturité et, en restant à l'école, ils conservent un certain rythme de vie. Quant aux difficultés organisationnelles, elles devraient être moins importantes : des contacts ont déjà été établis, l'équipe d'enseignants dispose de davantage de recul ... Bref, un bilan encourageant. Au terme de la formation ... Différentes attestations seront fournies aux étudiants afin de faciliter leur entrée dans les A. Oger CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 33 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire Rencontre avec Bernard Tirtiaux Une journée paisible de juin baignant dans une lumière douce, tamisée par les nuages. Nous arrivons à la ferme de Martinrou, près de Fleurus, où nous attend Bernard Tirtiaux, pour parler avec lui de notre projet éducatif, mais aussi de sa vie ... de la vie. en soi, en son coeur. Notre projet éducatif ? Un appel à faire de chaque enfant, non un consommateur forcené, mais un homme, tout simplement, prêt à s'engager dans le présent, car « la vie est improbable », elle résiste à tous nos arrangements. Par une porte entrouverte, nous apercevons l'artiste dans son lieu de création, l'atelier, que nous traversons avant d'accéder à son bureau. Un passage où la lumière du jour se réfracte au travers de morceaux de verres, de vitraux, de sculptures translucides, dont une « marcheuse » qui nous entraîne dans son mouvement. Pour cela, il faut à l'enseignant de l'audace, en écho à « l'aventure éducative » dont parle le PEL. Et Bernard Tirtiaux de dénoncer un monde trop sécurisé où l'on n'ose guère faire de paris sur la vie. Lui-même se moque des avertissements de ceux qui s'inquiètent des effets du plomb sur la santé. Comme si les bâtisseurs de cathédrale avaient craint que la poussière de pierre ne détruise leurs poumons ... Tant d'enfants, aujourd'hui, se heurtent à des freins, sans vivre leurs passions ; c'est au contact d'enseignants passionnés qu'ils pourront être libérés. Et lui de rappeler des moines bénédictins connus à Maredsous durant sa scolarité qui lui ont donné le goût du théâtre, de la poésie ..., des moines animés de l'intérieur. L'expression « avoir le feu sacré » prend alors vraiment tout son sens. Puis, nous voici face à l'écrivain. Sur son bureau, repose un cahier toilé, l'histoire de son prochain roman, terminée dans la nuit. Il nous avouera qu'il procède toujours selon le même rituel : au départ, un questionnement, une réflexion, puis une histoire qui prend forme dans sa tête. Il la couche ensuite sur papier : il couvre les pages du cahier (toujours le même format, toujours le même nombre de pages) de sa belle écriture penchée ; et lorsqu'il arrive à la dernière ligne de la dernière page marquée du mot « Fin », il sait qu'il lui restera cinq mois pour la refaçonner (pour rechercher des documents, travailler la langue ...). Et comment ouvrir à la beauté, pour concrétiser cette dimension si bien soulignée dans notre projet éducatif ? Il plaide pour des heures d'éveil où on s'accorde du temps, sans être obsédé par les programmes, pour redécouvrir le langage des sens. Et l'écrivain nous raconte alors une anecdote liée à nouveau à sa vie à Maredsous : le père Antoine avait eu l'idée de faire monter, avec des élèves, un bloc de pierre de deux cents kilos, depuis la vallée de la Molignée jusqu'au monastère. Une fois arrivé au sommet, après avoir mis de l’huile dans une corne de vache, il l’avait versée sur la pierre pour expliquer aux jeunes l’onction. Cette expérience vécue, simple et concrète, est à Le projet éducatif de nos écoles, il l'a lu. Pour lui, c'est une invitation faite à l'enfant à sortir de lui-même, à s'éveiller, pour se découvrir et s'élever ; l'école est là pour susciter sa curiosité, lui ouvrir un chemin qui le mènera à la joie, un chemin jalonné de questionnements, pour se situer dans le monde. Il importe peu de savoir, si c'est Allah ou Dieu ... qui en tient les rênes. La contemplation, c'est avant tout une plongée CONTACTS n° 112 – 3EME Trimestre 2010 34 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire comment il bouge, évolue ... Mais il est aussi important de l'ouvrir au monde. Dans une école où se côtoient plus de 40 nationalités à Jette, Bernard Tirtiaux a pensé un lieu de recueillement ; il en a conçu les vitraux pour que chacun, qu'il soit chrétien ou musulman ..., puisse se reconnaître tout en se sentant uni avec ceux qui l'entourent. Pour créer un monde unifié et pacifié, il a posé dans ses vitraux des touches chrétiennes, mais aussi africaines, orientales. l'origine de son amour des pierres. Il reproche à notre enseignement d'être trop abstrait, trop cérébral, alors qu'on devrait toujours garder les sens éveillés : « Respire! » « Ecoute! » « Regarde! » A cet égard, la nature est un espace de vision important dont l'école est, malheureusement, trop souvent déconnectée. Faire connaître, faire approcher, pour saisir la beauté autour de soi, ce qui est précieux en chaque chose. La fourchette qui tombe ne fait pas un bruit, mais un son musical. Et Bernard Tirtiaux de citer Koans Zen « J'éteins la lumière. Où va-t-elle ? », avant d’ajouter : « Si on ne sait pas, on ne respecte pas ». Ce qu'il a retenu surtout de notre projet éducatif, c'est le conte avec l'oiseau, parce qu'il y est question de transmission et de respect. Le métier de verrier est, à cet égard, prodigieux, car il permet de se familiariser avec la lumière, de jouer avec elle. Pourtant, on n'enseigne plus le vitrail dans aucune école ... Il aurait tellement aimé en ouvrir une au Val Saint Lambert. Mais le travail manuel est déjà si dévalorisé. Pourtant les demandes affluent, mais elles émanent souvent d'adultes d'une quarantaine d'années. Comme ce canadien arrivé un beau matin chez lui avec un allersimple. Il ne peut cependant former tous ceux qui le souhaitent. Pour faire face aux commandes, il faudra donc recourir à des verriers étrangers : ceux qui ont réalisé les vitraux dans la chapelle de Waha, près de Marche, suivant des modèles dessinés par Folon, étaient français. La fraternité, qui occupe une place centrale dans notre projet, est, pour lui, cette ouverture au monde ; c'est avant tout, une fraternité d'esprit, une connexion mystérieuse entre des êtres qui partagent une façon de vivre, qui sont prêts ensemble à défendre ce qui a de la valeur à leurs yeux. Cela l'amène à parler des « âmessoeurs », une expression dont il cherche à dévoiler le sens dans son dernier roman encore inachevé : il se dégage entre elles une curieuse énergie, elles s'envoient des messages qui franchissent les barrières de l'espace ... Certes, Bernard Tirtiaux a choisi, à la ferme de Martinrou, d'expérimenter depuis bientôt 30 ans une vie en communauté ; mais elle dépasse le « vivre ensemble ». Il nous cite alors quelques phrases qu'il compte graver sur les dix pierres qui s'ajouteront aux vingt autres, pour célébrer cet anniversaire. Nous en retiendrons une tout particulièrement qui nous imprègne au sortir de l'entretien : « Tout ce qui est léger invite l'âme à rester en soi ». Ainsi, la beauté se saisit-elle par le regard, qui est plus que le voir. Et c'est aussi la tâche de l'enseignant de détecter dans chaque enfant ses forces, son type d'intelligence, de l'observer, de voir Merci, Monsieur Tirtiaux, pour la densité de cette légèreté que vous nous avez fait entrevoir et goûter. Pour rester dans le sillage de l’auteur, d’autres phrases qu’il compte graver dans des pierres et qu’il livre à notre réflexion : « L’homme est le rêve d’une ombre » Pindare « La chute est l’état d’un monde qui ne danse plus » F. Nietzsche « J’ai vu ce que je voulais voir et je suis comblée. C’est tout. » Ch. Singer « Parce que je m’arrache, du neuf surgit » … A. Oger CONTACTS n° 112 – 3EME Trimestre 2010 35 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire Lasal-liens Des nouvelles de nos écoles Aux Instituts Saint-Luc de Mons, beaucoup de changements également. Au sein de l’Institut Saint-Luc, Patrick Deleu, précédemment chef des travaux, devient le directeur, en remplacement de Jean-Marie Perin désormais pré-retraité. Son sous-directeur est Thierry Deboskre, précédemment secrétaire de direction au sein des Instituts. A l’Institut Technique Saint-Luc, Guy Van Craynest, le directeur, est assisté de Thierry Dewaele, lui aussi professeur au sein de l’école, remplaçant Jean-Louis Ferain parti à la pension. Tout d’abord un souvenir douloureux : la tempête du 14 juillet dernier à Ciney a laissé des stigmates que l’Institut de la Providence et l’Institut Saint-Joseph tentent d’effacer. Toitures, arbres arrachés, clocher de la chapelle endommagé. Il a bien fallu s’en accommoder et procéder d’urgence aux réparations. Le Collège Saint-Guibert de Gembloux a aussi dû faire face à une rapide et dévastatrice inondation. Quelques changements au niveau de nos directions : L’Association des Ecoles Lasalliennes remercie Jean-Claude, Thierry, Jean-Marie et Jean-Louis pour leur travail au service des écoles et des élèves. Elle souhaite la bienvenue aux nouveaux membres des équipes de direction et leur souhaite pleine réussite dans leur nouvelle mission. Au Collège Saint-Guibert à Gembloux, JeanClaude Glibert, directeur depuis près de 20 ans, est parti vers une pension bien méritée. C’est Didier Libert, son sous-directeur, qui devient le directeur des 2e et 3e degré tandis que Jean-Pierre Turpin, professeur au sein de l’établissement, devient le sous-directeur du même établissement. Une pensée particulière pour Christian Falesse, sous-directeur à l’Institut Saint-Luc à Mons qui nous a quittés dans le courant de l’année 20092010. Une pensée aussi pour la communauté éducative de l’Institut Saint-Ferdinand à Jemappes douloureusement éprouvée par la perte d’un collègue au début des vacances d’été. A l’Institut Saint-Berthuin de Malonne, Thierry Lebrun accède lui aussi à la pension. Le PO a désigné Josiane Vieslet comme directrice de l’établissement. Comme vous le savez, Josiane était précédemment en charge de la formation des cadres au SeGEC. Formations Lasalliennes A) La formation initiale lasallienne • Elle se déroulera le 18 novembre 2010 et le 22 mars 2011 au Mont de La Salle à Ciney. B) La formation continuée lasallienne Le but visé est de permettre aux membres des équipes de direction des écoles fondamentales et secondaires lasalliennes entrés en fonction depuis le 01/09/05 de bien appréhender leur rôle en tant que personne en responsabilité dans une école lasallienne Elle aura lieu le 19 novembre 2010 au Mont de La Salle à Ciney et s’adresse ici aux membres des équipes de direction des écoles fondamentales et secondaires lasalliennes entrés en fonction avant le 01/09/05, afin de les aider également à bien appréhender leur rôle, en tant que personne en responsabilité dans une école lasallienne. Les objectifs poursuivis sont les suivants : • • • • et sur le « Ensemble et par Association ». Outiller les directions pour qu'elles puissent présenter le PEL aux divers membres de la communauté éducative de l'école. Après avoir fait émerger les représentations, présenter les intuitions du fondateur, afin de donner davantage de sens au travail de la direction dans une école lasallienne. Présenter l'itinéraire de Saint Jean-Baptiste de La Salle. Présenter le Projet Educatif Lasallien, ses valeurs, l'importance de poser des choix en lien avec ce dernier et de chercher la cohérence entre le dire et l'agir. Aborder l'importance de former une véritable communauté éducative, axée sur la fraternité Vous trouverez ci-dessous les principaux objectifs visés par cette formation : • • Mieux comprendre en quoi le projet de mixité sociale de l'école rejoint les fondements de la tradition éducative lasallienne. Mieux percevoir la conjugaison entre spiritualité et pédagogie au coeur même du PEL. Jean-Louis Volvert CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 36 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire Les Cahiers de la MEL Depuis 2003, l’Institut des Frères des Ecoles Chrétiennes à Rome édite une série de publications relatives à la mission éducative lasallienne. Vous en trouverez les titres cidessous. Nous disposons, au Mont de La Salle, d’un exemplaire de ces cahiers. Mais vous pouvez aussi les télécharger à l’adresse suivante : www.lasalle.org, (Documents à télécharger, Publications, Pour la MEL, Cahiers MEL). 1 2 3 4 5 6 7 8/9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 = Cheminer vers 2006 : Assemblée Internationale de la Mission Educative Lasallienne, Novembre 2002 = L’Association Lasallienne : Le récit continue, Fr. Antonio Botana, Mars 2003 = Quand l’Ecole va vers les enfants, Claire Guérin-Lesueur, Mai 2003 = L’Innovation Educative Lasallienne, Fr. Nicolas Capelle, Juin 2003 = A l’écoute des jeunes : L’Expérience Australienne, Juillet 2003 = Education scolaire et culture religieuse, Fr. Flavio Pajer, Octobre 2003 = Priorité aux Pauvres. Les Ecoles San Miguel aux Etats-Unis, Novembre 2003 = Itinéraire de l’Educateur, Fr. Antonio Botana, Mars 2004 = Unité des chrétiens et apostolat lasallien, Fr. Jeffrey Gros, Avril 2004 = Ecole lasallienne et éducation populaire, Fr. Patricio Bolton, Juin 2004 = La Conduite des Ecoles Chrétiennes, Fr. Léon Lauraire, Juillet 2004 = Le dialogue judéo-chrétien proposé aux institutions lasalliennes, Fr. Edwin Arteaga Tobon, Octobre 2004 = Volontariat Missionnaire Lasallien, Fr. Lorenzo Gonzalez Kipper, Décembre 2004 = L’appartenance associative. Considérations sociologiques, Février 2005 = Présences Lasalliennes, Mars 2005 = La Catéchèse dans l’histoire lasallienne, Fr. José Maria Pérez Navarro, Avril 2005 = Ministres et Serviteurs de la Parole, Fr. Alvaro Rodriguez Echeverria, Mai 2005 = Education intégrale, Juin 2005 = Service éducatif des pauvres, Rencontre Intercapitulaire, Mai 2004, Juillet 2005 = Une pratique lasallienne : la présence de Dieu, Fr. Jacques Goussin, Octobre 2005 = « Est déjà homme, qui le sera », Novembre 2005 = Asie 2004 : La situation de l’Education, Fr. Andrew Gonzalez, Février 2006 = Année Internationale de la Famille, ONG Catholiques et CCIC, Février 2006 = L’Identité aujourd’hui, Fr. Robert Comte, Mars 2006 = Multiculturalisme et immigration, Fr. Belisario Sanchez Martin et Fr. José Ma Martinez Beltran, Avril 2006 = L’Identité Lasallienne (Notes pour un atelier), Groupe d’Experts Lasalliens, Mai 2006 = Pastorale éducative en école. Un regard argentin, Fr. Santiago Rodriguez Mancini, Juin 2006 = De La Salle au c ur de la société contemporaine multi-culturelle et multi-religieuse, Fr. Herman Lombaerts, Juillet 2006 = Ateliers et Conférences Huether, Septembre 2006 = Projet éducatif régional Lasallien d’Amérique Latine – PERLA, Fr. Oscar Azmitia, Octobre 2006 = Ecoles et enseignants lasalliens : Un point de vue des Etats-Unis, Fr. Frederick C. Mueller, Novembre 2006 = Animation biblique de notre pastorale, Fr. Enrique Garcia Ahumada, Janvier 2007 = L’Education Lasallienne aux prises avec l’Union Européenne, Fr. Herman Lombaerts, Mars 2007 = « La » Mission devient « Notre » Mission. Formation Lasallienne dans le District de San Francisco, Juin 2007 = Fondation La Salle des Sciences Naturelles. Modèle scientifique et éducatif favorisant l’option préférentielle pour les pauvres, Juillet 2007 = Les Frères des Ecoles Chrétiennes en France et le service éducatif « des artisans et des pauvres » au moyen de l’Enseignement Technique, Fr. Henri Bédel, Octobre 2007 = Relations entre les familles et l’école. Une expérience, Belisario Sanchez Martin, Novembre 2007 = Les Identités des Universités Lasalliennes au vingt-et-unième siècle : Un document de recherche analytique, Fr. Francis Tri Nguyen, Décembre 2007 = Expériences pastorales dans le Monde Lasallien, Juin 2008 = Appel mondial à une nouvelle mobilisation pour l’enfance, Fr. Ernest Miller, Mars 2010 CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 37 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire Jean-Baptiste de La Salle - Rêver l’éducation ? Livre. Christophe Mory est chroniqueur radio et écrivain (de romans et biographies - Schubert, Molière, Charles de Foucauld …). Il vient de publier Jean-Baptiste de La Salle - Rêver l’éducation ? toujours trop hagiographiques. J’aime chercher l’homme avant le saint. Quelque vingt ans plus tard, constatant le marasme de l’Éducation nationale, je me suis dit qu’il fallait chercher les expériences heureuses, les éducateurs qui ont compté. La Salle engage ses frères à être des " hommes tout entiers ", trois mots au diapason de l’engagement - ce dont nous avons besoin. Quels traits de sa vie, sa personnalité, son uvre éducative vous ont le plus marqué ? Bien que sa vie très vite lui échappe, La Salle est un homme de la rupture (sa famille, sa fortune …), et de la fidélité à lui-même. Il garde une liberté envers l’Église, non l’institution, mais l’appareil ecclésiastique. Voyez l’ironie qui transparaît dans son Mémoire sur l’Habit, où il s’oppose nommément au curé de Saint-Sulpice ! Aussi, l’ uvre éducative est-elle immense : d’une part, il revalorise le métier d’enseignant en le fondant sur la vocation ; d’autre part, il comprend que l’éducation s’appuie sur une communauté forte et un engagement envers les enfants (les deux étant indissociables) ; enfin, la conception de l’école comme lieu de vie, de silence, de responsabilisation de l’élève, de connaissance profonde de l’enfant, motive la générosité et le respect. Vous n’êtes pas un ancien élève des Frères, ni du sérail lasallien ; comment vous est venue cette idée de biographie de leur fondateur, saint patron des éducateurs, mais aujourd’hui paradoxalement méconnu ? Vous avez raison de dire « paradoxalement méconnu ». Quel enseignant le fête le 7 avril, lui, leur saint Patron ? Moi-même, j’ai été surpris de rencontrer des Frères à La Salle SaintNicolas d’Issy-les-Moulineaux, où j’enseignais le Français. C’était en 1987. Ne connaissant rien aux Lasalliens, ayant été élevé par les Jésuites, j’ai voulu me documenter et lire des biographies du Fondateur. Hélas, elles me parurent CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 Quelle est selon vous la modernité du message de saint Jean-Baptiste de La Salle ? Entre son temps, le XVII°, et aujourd’hui, peut-on y voir aussi quelque analogie de contextes ? La pauvreté reste la pauvreté, et l’illettrisme conquiert notre époque. La Salle valorise les professeurs ? Eh bien valorisons les enseignants. Il apporte des méthodes claires ? Eh bien quittons les expérimentations et les doutes, et 38 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire force que le lieu de vie qu’est l’école procure ces moments de paix et de silence nécessaire à la croissance de l’être. Et puis, j’aimerais dire aux responsables et enseignants d’écoles chrétiennes qu’ils ne doivent pas avoir de complexes de l’enseignement religieux, d’emmener les élèves à la messe régulièrement, de vivre une vraie formation chrétienne au sein de l’établissement. Oui, il faut décomplexer l’école catholique. Les enfants qui lui sont confiés y viennent autant pour passer le bac que pour approfondir leur baptême. Enfin, l’équilibre entre la communauté et l’enseignement est très important : que cette communauté soit la famille, le couple, elle a part égale avec le professeur au cours de la formation de l’enfant. Un échange, un respect mutuel, des vues communes et partagées donneront du fruit. appliquons des méthodes claires. Autrefois, l’enfant entrait en éducation. Depuis 1968, on veut faire entrer l’éducation dans l’enfant. Quarante ans après, on s’affole de Grenelle en États généraux. De quoi a-t-on peur ? Des syndicats et des associations ? La Salle en a vu d’autres, avec les maîtres des écoles, les maîtres écrivains, et surtout les curés ! La seule préoccupation doit rester l’enfant, l’homme qu’il sera. Cette biographie est l’ uvre de deux années de travail. Quelles traces laisse-t-elle aujourd’hui chez vous ? Sans être anticlérical, je me sens un peu plus libre envers la Sainte Église romaine … La Salle nous dit que les laïcs restent laïcs, et les prêtres entre eux. J’en tire un affectueux respect pour les Frères des Écoles Chrétiennes. Je crois surtout m’être fait un nouvel ami, Jean-Baptiste, dont la présence me rappelle que l’exemplarité est un moteur essentiel de l’Éducation, dans une " tenue modeste " : pas d’héroïsme, donc, mais des petites victoires au quotidien qui font avancer, sous le regard de Dieu. Qu’est ce que votre biographie apporte de nouveau, par rapport aux ouvrages précédents, sur le personnage Jean-Baptiste de La Salle, l’homme, ses motivations, ses ambitions, son uvre ? Au risque de froisser quelques fans de Jean-Baptiste de La Salle, ou simplement des Frères des Écoles Chrétiennes, je me suis démarqué de l’hagiographe, sans hésiter à un regard critique sur des pratiques mortifères de la religion, par exemple. Je n’ai pas cherché à approuver toutes les actions ni toutes les pensées et je refuse de les justifier par des déséquilibres psychologiques. JeanBaptiste de La Salle est un homme équilibré et particulièrement vertébré. Toutefois, il y a chez lui une dépréciation de soi, qui l’emporte sur la petitesse assumée d’un saint Vincent de Paul. L’explication vient sans doute de son éducation. Son père était probablement membre ou proche de la Confrérie du Saint Sacrement et de l’autel, encore puissante à Reims, ville marquée par le Jansénisme. Plus précisément, au risque de choquer, je crois que Jean-Baptiste fut un enfant conçu avant mariage. Moi, ça ne me dérange pas : ça n’enlève rien à la richesse de l’homme ni à l’ampleur du saint. Et ça explique beaucoup de choses Quel est le principal message de JeanBaptiste de La Salle dont vous voudriez que vos lecteurs se souviennent et s’inspirent ? Le respect pour l’enfant est lié au respect qu’on a pour soi-même. Quand JeanBaptiste de La Salle demande à ses Frères de vouvoyer les élèves et de paraître devant eux d’égale tenue, d’égal jugement, etc., il oblige l’enseignant à une rigueur bienveillante qui me séduit. Ne demandons pas aux éducateurs d’être des copains, mais des repères. C’est exigeant, certes, mais l’éducation est une affaire sérieuse et précieuse. La nécessité du silence, ensuite, me paraît essentielle. Le silence n’est jamais contraint ni obscur quand il est une habitude qui nous fait grandir. Il est source de paix. Notre époque marquée par le I-pod, le téléphone portable, le multimédia transforme les individus en des girouettes aux vents de l’actualité. Jean-Baptiste de La Salle rappelle avec CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 39 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire féminins qui auront marqué La Salle. A-t-il rencontré Mme Guyon ? À travers Mgr. Godet des Marais, l’ami de toujours, ce ne serait pas étonnant. Ces questions m’ont beaucoup plus intéressé que les aspects spirituels : s’ils se tiennent au fondement de la personne, s’ils sont sous-jacents à toute action du Fondateur, alors ils sont évidents. Je laisse au lecteur la liberté de croire ou non. Et puis, je ne me sentais pas capable d’écrire un ouvrage de spiritualité : les Frères des Écoles Chrétiennes sont plus compétents que moi pour cela. Leurs recherches me passionnent à titre personnel. Pour résumer, je m’en suis tenu à un double éclairage historique et humain. sur son tempérament et lui donne une cohérence. Ensuite, j’ai tenté de replacer les épisodes de cette vie dans leur contexte historique. Ainsi, la fameuse querelle sur le Quiétisme qui opposa Bossuet et Fénelon n’avait peut-être pas l’importance qu’on lui donnera ; il ne s’agissait que d’un conclave pour désigner le futur archevêque de Paris, Mgr de Noailles. Il est curieux de constater que tous les courants de pensée de l’époque n’échappent pas à Jean-Baptiste de La Salle, mais qu’il s’en éloigne. Peut-on rapprocher S ur Louise et Madame Guyon ? Nous n’avons pas d’écrit de la première, car elle ne savait pas écrire ! Mais nous tenons deux personnages Jean-Baptiste de La Salle Rêver l'éducation ? Christophe Mory 345 pages, Pygmalion février 2010 CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 40 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire Rencontre avec le VLP het opvoedingsproject », toujours signé du même Frère Lombaerts, aborde les ressources architecturales que les écoles catholiques ont dans leurs bâtiments et l’intérêt de les mettre en harmonie avec le sens de l’esthétique que développent les personnes qui les fréquentent : personnel enseignant, parents, élèves. A Grand Bigard, au siège du VLP, une chapelle a été aménagée dans le but de mieux comprendre l’idée qui précède. Un séminaire est en préparation en 20102011 : on y analysera la façon d’utiliser aujourd’hui l’espace sacral parfois encore inclus dans l’école. Le VLP organise aussi chaque année une zeesessie réunissant, à la mer, directions, parents, professeurs et élèves d’écoles lasalliennes. Un thème est choisi annuellement. Témoignage et réflexions sur le Projet Educatif Lasallien s’entremêlent. Nous y voyons là une piste pour partager et vivre ensemble les valeurs et les convictions proposées par le PEL. Le VLP nous a invités à la prochaine zeesessie. Nous vous en reparlerons donc. Poursuivant nos rencontres avec le Vlaams Lasallians Perspectief, l’équivalent de notre AEL au Nord du pays, nous avons à nouveau partagé une très riche journée d’échanges. Ce 21 juin dernier, au Mont de La Salle, nous avons pu comparer nos projets pastoraux et nous découvrir mutuellement. Le VLP édite en néerlandais des cahiers très riches en réflexion et pratiques innovantes. Le numéro 6, « ZORG ! Welvaartmaatschappij en zorgen in het onderwijs » signé par le Frère Herman Lombaerts a été écrit dans la foulée de la 18e session lasallienne en novembre 2009. Il aborde le lien entre « zorgmaatschappij » et « zorgonderwijs ». Comment construire un enseignement et une société basés sur le souci de l’autre ? Comment aider d’une façon altruiste ? Comment se soucier de chaque enfant ? Comment la foi peut-elle éclairer cette vision de l’école qui se soucie de l’autre ? Quelle politique participative, un établissement peut-il mener dans cette perspective d’une réelle « zorgschool » ? Vous trouverez aussi en annexe la liste des écoles secondaires lasalliennes du Nord du pays. Peut-être nageons-nous à contre-courant mais il nous semble important malgré – ou à cause de – la situation politique actuelle de nous soucier de l’autre que nous ne connaissons pas. Si vous souhaitez prendre des contacts, vous avez toutes les coordonnées nécessaires. Vous pouvez aussi consulter le nouveau site web du VLP : www.vlpscholennetwerk.be. Beste groeten Le cahier n° 7 intitulé « De andere schoolarchitectuur Naar een esthetiek van Anne Oger Jean-Louis Volvert CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 41 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire Liste des établissements scolaires secondaires Lasalliens de Belgique-Nord Sint-Jorisinstituut Kruibekestraat 55A - 9150 BAZEL ( 03/740 03 30 Dir: Karl FIEVEZ Web: www.sintjoristinstituut.be Em: [email protected] ASO/TSO/BSO de Ekeren Moretus 3 graad Oorderseweg 8 - 2180 Ekeren ( 03/541 03 05 Dir: Luk Dewilde Web: www.moretus-ekeren.be Em: [email protected] ASO/TSO/BSO Sint-Jozefinstituut Hasseltweg 383 - 3600 GENK (011/26 40 30 Dir: Marida Nijs Web: www.sint-jozefinstituut.be Em: [email protected] ASO/TSO Pleinschool Groeningekant Langemeersstraat 3 - 8500 KORTRIJK (056/22 15 75 Dir: Geert Vanmarcke Web: www.pleinschool.be Em: [email protected] ste 1 graad VISO GENT Guinardstraat 23 - 9000 GENT (09/223 04 68 Dir: Kathlijn De Preester Web: Em: [email protected] [email protected] Sint-Truiden KCST Plankstraat 11 - 3800 SINT-TRUIDEN (011/70 50 02 Dir: Johnny Jans Web: www.kcst.be Em: [email protected] de ASO/TSO/BSO 2 gr. Tuinbouwschool Scholengroep O.-L.-Vrouw Diestersteenweg 146 - 3800 SINT-TRUIDEN ( 011/68 23 39 Dir: Jacques Dewaelheyns Web: tuinbouwschool.telenet.be Em: [email protected] TSO/BSO CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 Technisch Instituut Sint-Jozef Wijerstraat 28 - 3740 BILZEN ( 089/41 17 60 Dir: Vandoren André - Voets Edgard Web: www.tisj.be Em: [email protected] TSO/BSO de Ekeren Moretus 2 graad Oorderseweg 8 - 2180 Ekeren (03/541 03 05 Dir: Annick Grimon Web: www.moretus-ekeren.be Em: [email protected] ASO/TSO/BSO Kunsthumaniora Sint-Lucas Oude Houtlei 44 - 9000 GENT (09/224 08 76 Dir: Piet de Meulenaere Web: www.ziehier.be Em: [email protected] de de KSO 2 + 3 gr. Pleinschool Broelkant Guido Gezellestraat 3 - 8500 KORTRIJK (056/22 31 65 Dir: Geert Timperman Web: www.pleinschool.be Em: [email protected] ASO/TSO/BSO Instituut O.-L.-Vr. van Vreugde Mandellaan 170 8800 ROESELARE (051/20 03 03 Dir: Ludo Carmerlynck Web: www.broederschool-roeselare.be Em: [email protected] ASO Sint-Truiden KCST Ridderstraat 23 - 3800 SINT-TRUIDEN (011/70 50 01 Dir: Daniëlle Coune Web: www.kcst.be Em: [email protected] ste 1 graad Sint-Jozefinstituut Stationsstraat 37 - 1740 TERNAT (02/582 13 11 Dir: Yannick Noppe Web: www.sint-jozef-ternat.be Em: [email protected] de de ASO 2 + 3 gr. Sint-Aloysius Scholengroep O.-L.-Vrouw Kasteelstraat 53 - 3800 ZEPPEREN (011/68 24 63 Dir: Marleen Van Dijck Web: www.sintaloysius.be Em: [email protected] ASO/TSO/BSO 42 Moretus - Ekeren Campus Lourdes/ Campus Lambertus 2180 Ekeren (03/541 01 36 - 03/541 03 05 Dir: Rony Mathyssen – Frans Roggen Web : www.moretus-ekeren.be Em : [email protected] Middenschool, ASO/TSO/BSO ste Ekeren Moretus 1 graad Kloosterstraat 82 - 2180 EKEREN (03/541 01 36 Dir: Lieve Povré Web: www.moretus-ekeren.be Em: [email protected] Gemeeschappelijke vorming Pleinschool Leiekant Plein 14 - 8500 KORTRIJK (056/22 16 76 Dir: Nicole Casteele Web: www.pleinschool.be Em: [email protected] ASO VISO Industrieweg 230 - 9030 MARIAKERKE (09/216 36 36 Dir: Piet De Graeve Web: www.viso.be Em: [email protected] TSO/BSO Sint-Lukaskunsthumaniora Groenstraat 156 - 1030 SCHAARBEEK (02/217 77 00 Dir: Kris Bauwens Web: www.sintlukas.com Em: [email protected] ste de de KSO 1 graad, 2 + 3 gr. Sint-Truiden KCST Diesterstraat 1 - 3800 SINT-TRUIDEN (011/70 50 03 Dir: Johnny Plevoets Web: www.kcst.be Em: [email protected] ZAVO Groenstraat 13 - 1930 ZAVENTEM (02/720 00 91 Dir: Frank Dirix Web: www.zavo.be Em: [email protected] ASO/TSO/BSO Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire Nos bien chers Frères Rencontre avec le Frère Pierre MASSART bibliothèques, ateliers et plus tard, écoles des devoirs. 1) Cher Frère, vous avez contribué en 1972 à la création de l’asbl Rasquinet, Ecole de Devoirs, Centre d’Expression et de Créativité, à la rue Josaphat à Schaerbeek. Pouvez-vous nous dire l’élément de votre parcours personnel qui vous a mené vers cette démarche ? J’ai été ainsi amené à faire partie de la première équipe fondatrice des Ecoles de Devoirs (www.ecolesdedevoirs.be) en rejoignant le mouvement « Hypothèse d’Ecole » très connu, en ce temps là, pour son engagement très progressiste dans le monde de l’enseignement, continué, plus tard, par la C.G.E. (Confédération Générale des Enseignants) et, aujourd’hui, « Changement pour l’Egalité » (voir leur site www.changement-egalite.be). Je suis gradué en sciences religieuses, instituteur et régent littéraire de formation. J’ai été amené à m’occuper de « Rasquinet » (nom d’une ancienne usine désaffectée et rachetée par la Commune) dans la rue Josaphat à Schaerbeek parce que, avant de venir à Bruxelles en 1970, j’avais été responsable de la « Fraternité Moniteur » à Châtillon, en Champagne de 1965 à 1969 et qu’ensuite j’avais accompagné un groupe de jeunes dans la banlieue parisienne : bidonville de Villeneuve Saint-Georges, Cité d’urgence ATD à Créteil et maison d’accueil pour « zonards » à Athis-Mons. A Bruxelles, la « Messe des Jeunes » de la rue l’Olivier, que je connaissais déjà depuis quelques années suite à ma participation à des Sessions liturgiques sur les « Messes des Jeunes », m’a amené à continuer à mobiliser des jeunes, d’abord pour mes engagements en France, puis pour m’occuper des enfants du quartier, turcs et marocains nous chahutant quelque peu pendant nos Célébrations dominicales. D’où, club de rues, CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 Tout ce que j’ai fait dans ce domaine, où je continue à être très présent aujourd’hui, est lié à ma vocation de Frère des Ecoles Chrétiennes, à la mission éducative lasallienne à laquelle je voulais me consacrer, en particulier dans le cadre de l’apprentissage de la langue française comme « Maître spécial d’adaptation à la langue de l’enseignement » auprès des enfants immigrés turcs et marocains arrivés très nombreux à Bruxelles dans les années 1965-1975. Toute ma carrière professionnelle a été imprégnée de cet engagement. 2) Pouvez-vous nous expliquer brièvement la finalité et les objectifs de l’ asbl Rasquinet ? Notre asbl souhaite organiser toute animation contribuant à l’épanouissement 43 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire global des enfants et au développement de leurs capacités intellectuelles, affectives et sociales. Cet épanouissement vise aussi leur conscientisation pour un changement sociétal. Les objectifs se déclinent comme des engagements dans les principes psychopédagogiques suivants : proposer des activités variées alliant le scolaire, le récréatif, le didactique et le créatif, favoriser le vivre ensemble par la coopération, la solidarité, la non-violence, susciter la curiosité intellectuelle et l’envie d’apprendre, développer autonomie et confiance en soi, développer l’apprentissage du français, instaurer une démocratie participative, … Justice et Paix Bruxelles et le Bureau International de l’Enfance. En tant que membre de la CODE, je participe à un groupe de travail initié dans le cadre de La Convention Internationale des Droits de l’Enfant. Un rapport est publié visant à évaluer le travail réalisé, à décrire comment les Ministres du Gouvernement de la Communauté Française en charge de cette responsabilité (en lien avec l’Observatoire de l’Enfance, de la Jeunesse et de l’Aide à La Jeunesse) appliquent la convention au niveau de leur action propre et envisagent leur action à l’avenir. Je suis – en tant que membre du MOC – impliqué dans diverses sections locales à Schaerbeek. 3) En mai dernier, un colloque des Ecoles des Devoirs a été organisé à Namur par la Fédération francophone des Ecoles de Devoirs. Quel en était l’objectif ? 5) Vous êtes toujours aujourd’hui, à 77 ans, un homme d’engagement. Il y a peu, vous m’écriviez pour me recommander la campagne « Plateforme de lutte contre l’échec scolaire » (voir le site www.ecoleenquestions.be). Quel est le « carburant » qui vous anime aujourd’hui encore ? Il s’agissait d’évaluer collectivement le Décret du 29 avril 2004 reconnaissant ces Ecoles des Devoirs. La Fédération des Ecoles des Devoirs (consulter leur site web www.ffedd.be) coordonne 363 EdD reconnues sur les 400 écoles existantes en CF. Chaque école reçoit entre 15OO et 3000 euros de subsides. C’est peu en regard de la re-scolarisation possible de nombreux enfants. Un vrai combat qu’il convient de continuer à mener. A. L’exemple de Jésus de Nazareth et le message de l’Evangile, en particulier : l’accueil des pauvres, des petits, des faibles, des minorités et des laissés pour compte. B. La volonté d’être créatif et initiateur (dans la ligne du charisme de son Fondateur, Jean-Baptiste de La Salle) pour répondre à des besoins éducatifs rencontrés aujourd’hui dans notre société qui ne sont pas toujours rejoints par l’Institut auquel j’appartiens. 4) Vous avez été ce qu’on appelle un homme de terrain. Quelles ont été vos activités principales ? Elles ont été nombreuses. Je citerai notamment l’A.L.E.J. (Association pour le Logement et l’Emploi des Jeunes). Cette association a été créée dans le but de rénover des logements sociaux où sont impliqués des jeunes en formation dans les Ateliers de Formation par le Travail. Je me suis impliqué aussi dans la CODE (Coordination des Droits de l’Enfant) dont sont notamment membres ATD Quart Monde, la Ligue des Familles, l ’UNICEF, Amnesty International, la Commission CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 C. Les rencontres - au cours de ma vie à Bruxelles depuis 1970 de militant(e)s, associations, mouvements et groupes très engagés et le fait d’avoir pu, à de nombreuses occasions, participer avec eux pour créer un Monde Nouveau, c’est-à-dire le Royaume ! 44 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire Plaisir de lire L'humour pour aider à grandir, B. HUMBEECK, M. BERGER, Ed. Mols, 2008 familial. Ils se rendent compte également qu'en faisant rire, ils peuvent désamorcer la colère, l'agressivité, mais cela n'est pas systématique : cela passe par la relation, la compréhension de la psychologie de l'autre. Les bienfaits du rire ne sont plus à démontrer. Plus particulièrement pour ceux qui ont un métier social, le rire permet de dédramatiser certaines situations, mais cela implique de prendre certaines précautions. B. Humbeeck nous propose dans ce livre un « voyage au coeur du rire » : quelles sont ses sources, comment le décrypter, alors qu'il est aux confins de la philosophie, la sociologie, la psychologie ? Car le rire, s'il est très personnel, est aussi au carrefour du culturel et de l'universel. L'enfant va élargir petit à petit son univers comique et, par le rire qui interprète le réel, il va mieux gérer ses angoisses face à la maladie, la mort, le sexe. Pour saisir les jeux de mots, l'irruption de l'incongru dans le familier, la maîtrise de la langue s'impose à nouveau. Plus tard, à l'adolescence, se pose la question cruciale de l'identité : se situer par rapport aux modèles parentaux et aux autres modèles sociaux, n'est pas simple. Et cette quête se répercute au niveau de l'humour. B. Humbeeck le qualifie de « cool » : il est marqué actuellement par une tendance à l'égocentrisme, à l'hédonisme, mais aussi au cynisme et à la cruauté ironique. Il est fondé sur la parodie qui métamorphose le réel, y transforme tout ce qui pourrait s'y révéler traumatisant ... et sur l'absurde. La mort devient ainsi un objet de délire et tous les excès sont permis. Les causes ? Une désillusion face au monde, un manque de repères, de communication, une angoisse face à un avenir très aléatoire ... Dans la première partie, il évoque l'évolution du comique, depuis la naissance jusqu'à l'adolescence. Très vite, le bébé réagit à des stimuli tactiles moteurs ... s'il se sent sécurisé et perçoit cela comme un jeu. Ensuite, lorsqu'il a plus de 6 mois, il devient sensible aux stimuli acoustiques et se familiarise ainsi avec le langage, outil d'interactions ..., puis à des stimuli visuels. Le procédé est toujours le même : l'incongru surgit dans un contexte familier et sécurisant, sinon, il pourrait effrayer. C'est une condition sine qua non de l'apprentissage. Mais, paradoxalement, pour saisir ce qui est nouveau et s'en divertir, il faut connaître suffisamment le code utilisé. Dans la seconde partie de l'ouvrage, il est question des principes fondamentaux du comique et des limites du rire. D'abord, des règles communes doivent exister entre l'émetteur et le récepteur pour que ce dernier comprenne le message comique. Mais les observateurs éventuels jouent aussi un rôle : l'émetteur cherche leur approbation. S'ils connaissent davantage le code langagier que le récepteur, qui ne réagit alors que faiblement, le rire peut se transformer en Au travers du regard que l'adulte porte sur lui, le bébé va aussi prendre conscience qu'il peut provoquer le rire : vers 8, 10 mois, certains, devant un public réceptif, ont déjà du plaisir à imiter les adultes et à jouir de leur pouvoir. On perçoit bien ici toute l'influence que peut avoir le milieu CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 45 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire psychique constitue un moyen de protection efficace contre l'angoisse, espace qu'il va progressivement désinvestir, au fur et à mesure que se développent ses intérêts culturels. facteur d'exclusion. Et ceci nous ramène à surveiller la façon dont nous utilisons l'humour en classe. Pour en faire un instrument de cohésion sociale ou de régulation, il s'agit de tenir compte des règles de vie du groupe, de ses préoccupations, ses valeurs, ses interdits ... Quant à la question : « Doit-on rire de tout et tout le temps ? », la réponse par la négative s'impose. Car le rire est, avant tout, une pause, une opportunité. Pour être bénéfique, il ne peut conduire à la rupture ou à l'isolement, mais doit viser la création de liens. Cela postule que l'émetteur réfléchisse sur ses intentions, prenne en compte le contexte relationnel, ait la volonté de favoriser l'expression, la communication, afin que le rire ne sombre pas dans la moquerie, la raillerie ou le sarcasme qui causeraient bien des blessures. Ensuite, il est important que l'humour ne perde pas tout contact avec le réel, même s'il est bon qu'il s'en éloigne (d'où la recherche d'un équilibre entre l'imaginaire et le réel). Rire de son drame, c'est, par exemple, une façon de se réapproprier son histoire et de l'infléchir. C'est ainsi que S. Dardenne affirme que l'humour l'a aidée à survivre après sa captivité chez M. Dutroux. Enfin, il est impératif que l'espace du rire reste bien séparé du vécu (« C'est pour rire »). Chez le jeune enfant, cet espace Riez donc et faites rire, mais toujours avec bienveillance! Anne Oger CONTACTS n° 112 – 3ÈME Trimestre 2010 46 Bulletin de liaison des Etablissements d’Enseignement secondaire Un service à rendre, ensemble, aux jeunes sur un chemin de croissance … Ensemble et par association Un projet à porter, ensemble, en association sur un chemin de solidarité Projet éducatif lasallien Une mission à vivre, ensemble, sur un chemin de fraternité selon l’Evangile