Les biomarqueurs dans le diagnostic de la maladie d`Alzheimer

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Les biomarqueurs dans le diagnostic de la maladie d`Alzheimer
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Les biomarqueurs dans le diagnostic
de la maladie d’Alzheimer
Dr Mátyás Végh
The Genetics Company, Suisse
Oliver Wildanger
The Genetics Company, Suisse
Prof. Dr Dr h.c. Konrad Beyreuther
ZMBH Université de Heidelberg, Allemagne
D’après les estimations les plus récentes d’experts internationaux, il y
aurait actuellement quelque 24,3 millions de personnes atteintes de maladie d’Alzheimer (MA) dans le monde
(Ferri, 2005) et leur nombre devrait
avoir pratiquement doublé d’ici 2025
(Ferri, 2005). Ce pronostic dramatique
souligne à quel point il est nécessaire
et urgent de conduire des recherches
sur les causes, les procédés diagnostiques et les traitements de la MA.
Cet article présente une vue d’ensemble des méthodes diagnostiques
faisant intervenir des biomarqueurs
de la maladie d’Alzheimer (ou démence de type Alzheimer/DTA). Les
biomarqueurs constituent une méthodologie alternative ou complémentaire
par rapport aux tests cognitifs et neuropsychologiques.
ASA SVV L’âge et l’assurance vie
Objectifs et caractéristiques
d’un diagnostic
La notion de diagnostic recouvre généralement trois objectifs: premièrement,
un diagnostic dans une phase très précoce, idéalement présymptomatique,
doit aider à évaluer le risque de survenue de la maladie chez le patient.
Deuxièmement, à la phase d’apparition
des premiers symptômes, il s’agit de
constater clairement si le patient est atteint d’une maladie donnée et d’exclure
d’autres affections similaires (diagnostic différentiel). Troisièmement, le diagnostic devrait fournir des indications
sur l’évolution de la maladie et permettre de faire un pronostic et d’assurer le
suivi du traitement le cas échéant.
La performance d’une méthode diagnostique se mesure à l’aide de deux
paramètres principaux: la sensibilité et
la spécificité (graphique 1). La sensibilité est le critère de mesure donnant les
vrais positifs c’est-à-dire le pourcentage des patients correctement dépistés. Lorsque la sensibilité est de 90%,
cela veut dire que le test a permis de
dépister 90% des patients réellement
concernés. La spécificité est une valeur
donnant le nombre de contrôles perti-
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nents. Si la spécificité est de 80%, par
exemple, cela veut dire que 20% des
contrôles ont donné des faux positifs.
Il devrait y avoir une relation aussi
directe que possible entre la méthode
diagnostique, ici le biomarqueur choisi,
et la cause ainsi que la pathologie
recherchées. Plus cette relation est
étroite, plus on peut supposer que la
sensibilité et la spécificité de la méthode seront grandes. Lorsque la méthode diagnostique est fondée sur la
mesure de paramètres qui ne sont pas
spécifiques de la maladie mais décrivent des manifestations concomitantes, la sensibilité peut être grande dans
Graphique 1
Diagnostic +
de la maladie
selon le
gold standard –
certains cas mais, revers de la médaille,
la spécificité sera généralement faible.
La validation d’un nouveau biomarqueur passe par la comparaison avec
la méthode diagnostique la plus exacte
servant de référence à ce moment-là.
Lorsque l’on définit la sensibilité et la
spécificité d’un autre procédé, il faut
cependant garder à l’esprit que la méthode de référence n’est pas toujours la
plus exacte. C’est particulièrement vrai
dans la MA. En effet, seule une autopsie
permet de poser définitivement ce diagnostic mais les examens post-mortem
servent rarement de référence, contrairement à des méthodes diagnostiques
Diagnostic de la maladie selon nouveau test
+
–
Vrai positif
Faux négatif
Faux positif
Vrai négatif
Vrai positif
왘 Sensitivité =
Vrai positif + Faux négatif
왘 Spécificité =
Vrai négatif + Faux positif
Vrai négatif
Exemple: Un nouveau test atteint une sensitivité de 90% et une spécificité de 70%.
• Le test découvre 90% de tous les patients malades, autrement dit 10% de patients malades
seront faussement classifiés dans les personnes en bonne santé.
• Le test découvre 70% de tous les patients en bonne santé, autrement dit 30% des personnes
en bonne santé seront faussement diagnostiquées malades.
ASA SVV L’âge et l’assurance vie
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moins exactes mais plus aisées à mettre en œuvre, à savoir les tests cognitifs
et/ou neuropsychologiques. C’est un
point important pour les biomarqueurs
présentés ici car des études ont montré
que l’exactitude des tests cognitifs et/
ou neuropsychologiques ne dépasse
pas 90%, même s’ils sont pratiqués
par des personnes expérimentées
(Growdon, 1999). Les biomarqueurs
présentés ci-après ont tous une sensibilité et/ou une spécificité se situant
dans une fourchette de 80 à 95% environ.
Difficultés du diagnostic de la maladie
d’Alzheimer
La maladie d’Alzheimer est une pathologie neurodégénérative. Le principal
obstacle au diagnostic de la MA est la
difficulté d’accès à l’organe touché, à
savoir le cerveau. Certaines méthodes
décrites plus en détail ci-après permettent une approche plus ou moins
directe des processus pathologiques.
Il s’agit notamment de l’analyse du liquide céphalo-rachidien (LCR) ou de
techniques d’imagerie assez lourdes
à mettre en œuvre. D’autres difficultés
diagnostiques dans la MA proviennent
de la comorbidité: dépression et mani-
ASA SVV L’âge et l’assurance vie
festations inflammatoires, par exemple, ainsi que de la coexistence ou
de la survenue de démences mixtes
comme une démence vasculaire associée à la MA.
Au cours des dernières années, on a
aussi accordé davantage d’importance
à la catégorie des patients présentant
un déficit cognitif léger (MCI, Mild
Cognitive Impaired). On observe chez
ces patients une altération d’un domaine cognitif sans que cela constitue
une gêne importante dans leur vie courante. Il est admis aujourd’hui qu’un
déficit cognitif léger est un facteur de
risque d’évolution démentielle de type
Alzheimer. En une année, environ 15%
des cas de MCI évoluent vers une MA,
ce qui signifie qu’en l’espace de six ans,
le taux de conversion sera de 80%.
Alors que la plupart des cas de MCI
évoluent vers une démence de type
Alzheimer, une autre démence apparaîtra chez une partie de ces patients et un
très faible pourcentage guérira. C’est
pourquoi, dans le diagnostic précoce
de la MA, on porte une grande attention
au dépistage des patients présentant
des déficits cognitifs légers et évoluant
vers une MA.
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Anatomopathologie de la maladie
d’Alzheimer
Au début du XXe siècle, Alois Alzheimer,
un psychiatre et neurologue allemand,
a consigné la première observation histologique de la maladie qui allait porter
son nom. Il a fallu attendre quelque
80 ans pour que les amas protéiques
typiques de la maladie décrits par
Alzheimer, dits plaques séniles et dégénérescences neurofibrillaires (DNF/
NFT pour neurofibrillary tangles), soient
identifiés et caractérisés au niveau
protéique et génique. L’analyse moléculaire des éléments ainsi agrégés a
conduit au développement de diverses
méthodes de mesure et de représentation dont la plupart sont basées sur la
détection à l’aide d’anticorps et sur la
découverte des caractères génétiques
liés à l’évolution de la maladie. On disposait désormais d’une base pour la
mise au point de marqueurs diagnostiques en étroite corrélation avec la pathogénie de la MA. Pour une meilleure
compréhension des relations entre des
marqueurs biochimiques et les possibilités de diagnostic, nous allons présenter les amas et enchevêtrements extracellulaires et intracellulaires caractéristiques de la MA.
Plaques séniles
Les plaques séniles ou neuritiques sont
des dépôts protéiques extracellulaires
compacts et insolubles ou difficilement
solubles en conditions physiologiques,
mesurant de 10 à 150 micromètres. Les
principaux constituants de ces agrégats
sont des peptides amyloïdes (bêtaamyloïdes ou Aβ). La longueur des Aβ
varie entre 38 et 43 acides aminés.
Parmi un grand nombre d’autres protéines, on trouve aussi dans ces plaques des astrocytes et de la microglie.
Cela laisse à penser qu’une réaction
immunologique pourrait être liée à la
formation des plaques. L’Aβ, lui-même,
provient du clivage enzymatique d’une
protéine plus grande, le précurseur du
peptide amyloïde ou APP (= Amyloid
Precursor Protein). L’APP est «découpé» à deux reprises par des enzymes (secrétases) faisant fonction de
ciseaux: la bêta-secrétase (ou BACE
Beta Amyloid Converting Enzyme) et
la gamma-secrétase (graphique 2). La
gamma-secrétase est un complexe protéique qui contient la préséniline et
dont l’action s’exerce à l’intérieur des
membranes mais comme les membranes sont d’épaisseurs différentes, le
clivage ne se fait pas avec exactitude et
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il en résulte des Aβ de différentes longueurs. Le produit le plus fréquent (à
presque 90%) de ce clivage enzymatique est l’Aβ40, un peptide bêta-amyloïde de 40 acides aminés. Vient ensuite (environ 10%) un peptide comportant seulement deux acides aminés
de plus, l’Aβ42. D’autres formes d’Aβ
ont pu être identifiées en spectroscopie
de masse (Lewzcuk, 2004b) mais elles
ont fait l’objet de peu de recherches
jusqu’à présent. Bien que les deux principaux constituants des plaques neuritiques ne se distinguent que par deux
acides aminés à une de leurs extrémités, Aβ40 et Aβ42 ont des propriétés
physiques et physiologiques très différentes. Tandis qu’Aβ40 est aisément
soluble et n’a guère tendance à s’agréger, Aβ42 est très «collant» ce qui facilite l’agrégation. Ainsi la formation des
plaques neuritiques commence-t-elle
avant tout avec Aβ42, auquel peut ensuite venir se fixer Aβ40.
Outre les plaques séniles, il existe aussi
des amas amyloïdes extracellulaires
nommés «plaques diffuses». Phénomène intéressant, on peut observer ces
mêmes amas amyloïdes chez des sujets
en bonne santé. Ces plaques diffuses
ASA SVV L’âge et l’assurance vie
왘 Graphique 2: Genèse de la neuropathologie
dans la maladie d’Alzheimer
Abeta (Aβ) apparaît en tant que produit de coupure
tiré de la protéine précurseur APP liée à la membrane.
Sont responsables de la coupure deux enzymes également localisés dans la membrane cellulaire, la sécrétase
beta et la sécrétase gamma. Une fois produit, le peptide
Aβ s’agrège rapidement en oligomères et, ensuite,
en gros dépôts, visibles au microscope, insolubles
et typiques de la maladie d’Alzheimer, autrement dit en
plaques séniles. Hormis la pathologie Aβ, on trouve
dans les cellules des dénommées «cordelettes» neurofibrillaires provenant de la protéine τ hautement phosphorique. Il est admis aujourd’hui que dans la maladie
d’Alzheimer, la pathologie Aβ induit la pathologie τ.
Alors que l’agrégation de la protéine τ génère une déstabilisation des microtubules et, par conséquent,
une dégénération axonale, la pathologie Aβ est associée
à un stress oxydatif et à une excitotoxicité. Les plaques
elles-mêmes sont entourées de microglies et d’astrocytes, ce qui fait conclure de surcroît à une réaction
immunologique. Ces phénomènes entraînent une perte
de synapses ainsi que la mort de cellules neuronales et,
finalement, une neurodégénérescence.
sont également constituées d’Aβ42
mais sont plus solubles que les plaques
séniles et leur formation ne semble pas
être obligatoirement liée à une réaction
immunitaire concomitante. L’existence
de formes intermédiaires entre plaques
diffuses et séniles laisse supposer que
les plaques diffuses sont des précurseurs des plaques séniles.
Les fibres nerveuses qui débouchent
dans les plaques séniles présentent
des lésions mais la manière dont les
plaques séniles exercent leur effet délétère n’a pas encore été élucidée. Des
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Graphique 2
APP
Aβ-production
β-secretase
γ-secretase
Aβ
tte
le
de
or res
«c llai
de ibri
n
io of
at ur
rm ne
Fo
Aβ-formation de plaque
s»
Déstabilisation
des microtubules
Aβ-oligomérisation
Excitotoxicité
왔
Perte de synapses
Mort neuronale des cellules
Perte de transport
axonal
Stress oxydatif
Activation de
microglies & astrocytes
Neurodégénération
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études plus récentes ont cependant
montré clairement que les plaques
séniles sont des agrégats inertes d’un
peptide Aβ dont la neurotoxicité ne fait
pas de doute. Des indices dans ce sens
sont apparus dans des cultures cellulaires qui ont montré qu’Aβ est neurotoxique sous forme d’oligomère mais
ne l’est pas sous forme de mono- ou
de polymère (Kirkitadze, 2002; Lesne,
2006). La formation de plaques agrégeant les peptides pourrait ainsi apparaître comme une mesure naturelle
d’élimination des peptides Aβ toxiques.
On suppose aussi que les plaques
peuvent relarguer des peptides Aβ
toxiques et on en déduit qu’un traitement efficace devrait être capable de
les éliminer.
Dégénérescences neurofibrillaires
Parmi les phénomènes auxquels on impute le développement d’une MA, il y a
certes les dépôts bêta-amyloïdes extracellulaires mais aussi des agrégats
intracellulaires. Ces dégénérescences
neurofibrillaires se composent avant
tout de protéines tau (τ) agrégées. Par
leur liaison aux protéines du cytosquelette (microtubules), les protéines tau
ont normalement pour fonction de con-
ASA SVV L’âge et l’assurance vie
tribuer à la stabilité des axones, prolongements des corps cellulaires des neurones, par lesquels transitent les influx
nerveux. Lors de la formation des structures fibrillaires, ce sont avant tout
les protéines tau ayant subi plusieurs
phosphorylations qui ont un rôle déterminant. Pour des raisons encore inconnues, les protéines tau sont phosphorylées par diverses kinases au niveau des
sites de liaison aux microtubules, elles
se détachent des microtubules et forment des amas de structures fibrillaires
enchevêtrées dans les neurones. Les
microtubules perdent leur intégrité,
la transmission axonale est perturbée
et la stabilité de la cellule n’est plus
totalement assurée. Il s’ensuit une
mort neuronale qui libère les enchevêtrements neurofibrillaires, de sorte
que des protéines tau phosphorylées
peuvent aussi être mises en évidence
dans le milieu extracellulaire. Pendant
longtemps, il n’était pas clair si et, le
cas échéant, comment les différentes
structures agrégées – plaques séniles
et dégénérescences neurofibrillaires –
étaient en relation. Toutes les questions n’ont pas encore obtenu de réponses mais différentes études indiquent que les dégénérescences neuro-
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fibrillaires pourraient provenir du métabolisme des Aβ. On a montré notamment dans des modèles chez la souris
qu’une injection intracérébrale d’Aβ
synthétique accélérait le développement d’une pathologie liée aux protéines tau (Götz, 2001).
Modifications fonctionnelles
des neurones
Outre les altérations histologiques décrites, les patients souffrant d’une MA
présentent aussi des modifications
fonctionnelles neuronales. Il s’agit essentiellement d’une diminution du métabolisme du glucose conduisant à une
limitation du métabolisme énergétique,
à une moindre densité de synapses et,
finalement, à une perte neuronale.
Facteurs à l’origine de la démence
de type Alzheimer
Les caractéristiques anatomopathologiques de la maladie sont apparemment simples et évidentes, on suppose
néanmoins qu’il s’agit plutôt d’un syndrome multifactoriel que d’une entité
homogène. En l’état actuel des connaissances, on attribue sa survenue avant
tout à des facteurs génétiques et liés à
l’âge. Étant posé que les facteurs liés à
l’âge impliquent une accumulation d’influences nocives et leur conséquences
tout au long de la vie (Hofman, 2006).
Facteurs génétiques
Les premiers indices d’une origine génétique de la MA, ont été fournis par
des observations chez des patients
atteints de la forme familiale de la MA
et du syndrome de Down. Dans la forme
familiale, l’apparition des premiers
symptômes de MA est relativement précoce, à la soixantaine en règle générale.
Souvent les premiers signes de démence sont déjà perceptibles avant
l’âge de 50 ans. Le fait que les patients
atteints de la forme familiale de MA
aient souvent des parents au premier
degré dans le même cas, permet de
conclure à une composante héréditaire
favorisant l’apparition de la maladie.
L’examen de patients présentant un
syndrome de Down a fourni un indice
important en faveur d’une prédisposition génétique. Dans ce syndrome, le
patient est porteur de trois chromosomes 21 (trisomie 21). Tous les gènes
se trouvant sur ce chromosome existent donc en trois exemplaires au lieu
de deux, ce qui constitue une sorte
de surdosage. Des symptômes de dé-
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mence apparaissent très tôt chez les
patients trisomiques comme dans la
forme familiale de la MA. Dans un premier temps, on avait supposé qu’il
pourrait y avoir, sur le chromosome 21,
des gènes ayant une influence sur
l’évolution de la MA. Il a ensuite été
possible de localiser, sur le chromosome 21, le gène codant le précurseur
du peptide amyloïde (APP), c’est-à-dire
celui des peptides Aβ. La présence
excédentaire du gène de l’APP, paraît
accroître la synthèse des peptides Aβ
et l’on a effectivement observé les premiers signes d’agrégations bêta-amyloïdes chez de jeunes patients trisomiques (< 20 ans). Cela explique l’évolution démentielle de ces patients à un
âge présénile, entre 50 et 60 ans.
Des mutations du gène de l’APP ont
également pu être mises en évidence
chez des patients présentant la forme
familiale de la MA. Les mutations identifiées altèrent surtout les séquences
de l’APP, au niveau desquelles les secrétases clivent la protéine pour former
les Aβ. Des essais ont ensuite montré
que ces mutations avaient pour effet
d’accroître la production de peptides
Aβ et en particulier celle d’Aβ42. Entre
ASA SVV L’âge et l’assurance vie
temps, d’autres mutations autosomiques dominantes ont pu être cartographiées et les gènes correspondants,
ceux de la préséniline 1 et 2, ont pu être
identifiés. Les mutations affectant le
gène de la préséniline 1 sont la cause la
plus fréquente de MA familiale. Les présénilines sont des enzymes appartenant au complexe des gamma-secrétases, lesquelles jouent un rôle déterminant dans la libération des Aβ à
partir de l’APP (graphique 2). Les mutations identifiées sur la préséniline 1
comme sur la préséniline 2 sont des
mutations dites «faux-sens» (missense) ayant conduit à un échange
d’acides aminés lors de la synthèse
protéique. Dans le cas de la préséniline
1 et de la préséniline 2, ces altérations
de la structure enzymatique primitive
induisent une efficience accrue et, de
ce fait, une augmentation de la production de peptides Aβ42.
Contrairement aux mutations associées
à la MA familiale, qui entraînent un accroissement de la production d’Aβ42, il
n’a pas encore été possible de mettre
en évidence une mutation génique
directement corrélée à une pathologie
liée à la protéine tau (tauopathie). Au
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contraire, les patients porteurs de certaines mutations précises sur le gène
tau, localisé sur le chromosome 17,
évoluent vers une démence frontotemporale associée à un parkinsonisme en
relation avec le chromosome 17 (FTDP17 = frontotemporal dementia with parkinsonism linked to chromosome 17).
La démence frontotemporale est incluse dans les tauopathies et les examens post-mortem des cerveaux de
tels patients n’ont pas mis en évidence
de plaques amyloïdes mais seulement
des dégénérescences neurofibrillaires
en grand nombre. Comme différentes
études scientifiques l’ont montré, la
plupart des cas de MA ne sont pas
héréditaires mais d’apparition sporadique. On ignore pour le moment dans
quelle mesure la connaissance des
mutations géniques de la MA familiale
peut s’appliquer à la MA sporadique.
Quelques loci de gènes ont pu être
identifiés comme étant sans doute
liés à la forme sporadique mais ni la
signification ni surtout la spécificité de
ces mutations géniques n’ont encore
été suffisamment étudiées. Le locus génique le mieux étudié est certainement
celui du gène de l’apolipoprotéine E
(ApoE). L’ApoE se présente sous forme
de trois allèles (variantes géniques) différents, dits epsilon2, 3 et 4. Plusieurs
études montrent que l’allèle ε4 est particulièrement fréquent dans la MA sporadique, c’est-à-dire qu’on le rencontre
trois fois plus souvent que dans la
population normale (40 – 50% contre
15%). C’est pourquoi ε4 est généralement considéré comme un facteur de
risque de MA sporadique. On suppose
aussi que l’allèle ε4 de l’ApoE joue un
rôle dans le métabolisme des Aβ.
Contrairement à d’autres allèles de
l’ApoE, l’allèle ε4 stabilise les agrégats
d’Aβ et gêne ainsi l’évacuation des Aβ
via le LCR. Cela peut se déduire du fait
que des plaques apparaissent chez
des souris porteuses d’un transgène
de l’APP croisées avec des souris transgéniques porteuses de l’allèle ε4 de
l’ApoE, alors que les souris dépourvues de gène de l’ApoE (knock-out) ne
développent guère de plaques (Bales
1997).
Facteurs de risques non génétiques
Parallèlement aux risques génétiques
traités plus haut, l’âge est le principal
risque de subir les atteintes de la MA.
La prévalence est en outre plus forte
chez les femmes que chez les hommes,
ASA SVV L’âge et l’assurance vie
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ce qui est peut-être lié à une plus
grande espérance de vie. Le décalage
évident que l’on observe entre la répartition de la MA dans le monde, entre
pays en développement et pays industrialisés, semble également s’expliquer
par la longévité et une plus forte prévalence. D’autres facteurs sont régulièrement évoqués comme la formation et la
culture, le tabagisme, des antécédents
de traumatisme crânio-cérébral ou
l’exposition à l’aluminium mais pour
le moment il n’a pas été possible de
conclure de façon univoque sur ces
sujets (Hofman, 2006).
Biomarqueurs de la maladie
d’Alzheimer
Marqueurs génétiques
Les marqueurs génétiques sont potentiellement utiles dans le diagnostic
précoce mais pourraient aussi être
utilisés – sans réserves sur le plan
éthique – avant l’apparition des symptômes dès qu’un traitement efficace
sera disponible, d’autant plus que c’est
une méthode peu onéreuse utilisable
en analyses de routine. Malheureusement, les seuls marqueurs génétiques
connus sont ceux des personnes à
ASA SVV L’âge et l’assurance vie
risque de MA familiale. Pour les cas
sporadiques, seule une présence plus
fréquente de l’allèle ε4 du gène de
l’ApoE a été observée mais ont retrouve
aussi ce même allèle chez environ 15%
des sujets en bonne santé et, inversement, quelque 40 – 50% de l’ensemble
des patients atteints de MA ne sont pas
porteurs de l’allèle ε4 (Mayeux, 1999).
C’est pourquoi la présence ou l’absence de l’allèle ε4 de l’ApoE dans le
patrimoine génétique d’une personne
ne peut pas servir de critère d’exclusion
mais doit être considérée comme l’indice d’une éventuelle augmentation du
risque. En résumé, on peut dire qu’il
n’existe pas actuellement de marqueurs génétiques validés pour la MA
sporadique. On ignore également si des
mutations spontanées peuvent contribuer à la survenue d’une MA comme
c’est notamment le cas dans le cancer.
Des recherches sur l’origine génétique
de la MA et sur les biomarqueurs correspondants sont conduites par d’innombrables institutions académiques
et par un grand nombre d’entreprises
qui y consacrent des investissements
très conséquents. Dans ce dernier cas,
l’intérêt est de tirer parti du potentiel
des biomarqueurs pour le diagnostic et
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pour l’identification et la validation de
nouvelles approches thérapeutiques.
Marqueurs biochimiques
Les méthodes diagnostiques faisant
appel à des marqueurs biochimiques
mesurent les concentrations de protéines, de peptides ou d’autres molécules chimiques issues de processus
métaboliques, dans les tissus ou les
liquides de l’organisme, en tenant
compte de la modification de ces taux
en cas de maladie. La détermination
quantitative de ces marqueurs biochimiques peut s’effectuer à l’aide de méthodes bon marché et faciles à graduer
qui nécessitent relativement peu de
travail et peuvent même être automatisées. Contrairement aux marqueurs
génétiques, les modifications observées pour les marqueurs biochimiques
présentent une corrélation temporelle,
voire locale le plus souvent. Ce dernier
point n’étant valable que si le marqueur
n’a pas été entraîné dans la circulation
des liquides de l’organisme. Souvent,
il est également possible d’établir une
corrélation entre la concentration du
marqueur et l’évolution de la maladie.
Le processus pathologique de la MA
étant limité au cerveau, on peut partir
du principe que les marqueurs biochimiques doivent être aussi spécifiques
que possible du cerveau. Ainsi les biomarqueurs les mieux validés actuellement, tau et Aβ, sont-ils en relation
directe avec les observations anatomopathologiques dans la MA. Comme
nous l’avons déjà mentionné, le dosage
de marqueurs spécifiques du cerveau
pose un problème délicat puisque
l’accès au cerveau d’un patient, de son
vivant, suppose la mise en œuvre de
moyens très lourds. Une autre solution
consiste donc à doser les biomarqueurs
dans le liquide céphalorachidien (LCR).
Le LCR est produit dans les plexus choroïdes et entoure à la fois le cerveau
et la moelle épinière. Le contact direct
avec les cellules cérébrales influe sur la
composition du LCR lors de processus
pathologiques dans le cerveau. Dans
une certaine mesure, il constitue une
extension de l’espace extracellulaire.
Des prélèvements de LCR peuvent être
effectués de manière relativement sûre
par ponction lombaire. Le risque d’une
ponction lombaire est moins grand que
celui d’une endoscopie intestinale, par
exemple. C’est ainsi que plusieurs biomarqueurs du LCR ont été testés dans
de nombreuses études au cours des
ASA SVV L’âge et l’assurance vie
42
dernières années (Blennow, 2004) et
les marqueurs en relation directe avec
les deux caractéristiques histopathologiques, à savoir Aβ et tau, donnent des
résultats très prometteurs.
LCR et Aβ42
Grâce à sa corrélation étroite avec
l’évolution de la MA, le peptide Aβ est
devenu un candidat biomarqueur sur
lequel on mise beaucoup. Les plaques
séniles se composent majoritairement
d’Aβ42. Les examens post-mortem du
cerveau confirment la forte concentration d’Aβ42 ainsi qu’une corrélation
avec le stade d’évolution de la maladie.
Curieusement, les valeurs d’Aβ42 soluble (pouvant de ce fait être dosé dans le
LCR) ne sont pas plus élevées mais plus
basses chez des patients atteints de la
MA par rapport aux valeurs mesurées
chez des sujets témoins. Ce résultat est
aussi en contradiction avec les valeurs
cérébrales d’Aβ42. Il n’y pas d’explication évidente de ce paradoxe jusqu’à
présent. On suppose qu’à mesure que
la maladie progresse, la formation accrue des plaques entraîne une fixation
de l’Aβ42 néoformé et ne lui permet
pas d’atteindre le LCR. Plusieurs études
ont décrit le fort potentiel de l’Aβ42
ASA SVV L’âge et l’assurance vie
comme biomarqueur de la MA. Avec
une sensibilité et une spécificité de
l’ordre de 90%, Aβ42 est très utile pour
la différentiation par rapport à d’autres
pathologies psychiatriques et neurologiques comme la dépression ou la
maladie de Parkinson. Des études plus
récentes ont en outre mis en évidence
de plus en plus fréquemment le potentiel diagnostique d’Aβ42 dans le dépistage précoce d’une MA lors de déficit
cognitif léger (MCI) (Hansson, 2006).
LCR – ratio Aβ42 /Aβ40
Il a déjà été dit que, dans le LCR, les
concentrations d’Aβ se répartissent
approximativement comme suit: Aβ42
(10%) et Aβ40 (90 %). Contrairement
aux taux d’Aβ42 dans le LCR, celles
d’Aβ40 ne semblent pas être spécifiques de la maladie. En effet, les
concentrations d’Aβ40 dans le LCR ne
varient pas ou très peu pendant l’évolution de la maladie. La concentration
d’Aβ40 dans le LCR à elle seule n’est
donc pas pertinente pour le diagnostic
de la MA. On a constaté cependant que
certains patients présentaient naturellement des valeurs d’Aβ plus élevées
ou plus basses dans le LCR, la nature
de la sous-catégorie d’Aβ n’ayant d’ail-
43
leurs aucune signification. Chez ces
patients, les valeurs d’Aβ40 et Aβ42
sont également élevées ou basses,
c’est pourquoi il est possible d’inclure
Aβ40 comme paramètre de contrôle
intrinsèque pour rééquilibrer les variations de concentrations dans la production totale d’Aβ en mesurant le rapport
entre Aβ40 et Aβ42. Les premières
études ont monté que le ratio Aβ42/40
est plus pertinent pour le diagnostic
que le dosage d’Aβ42 seul. L’établissement du ratio entre les deux peptides
Aβ permet d’obtenir une sensibilité et
une spécificité pouvant atteindre 96%
(Lewczuk, 2004a; Hansson, article soumis à publication).
LCR – tau totale
Les valeurs totales de protéine tau
dans le LCR ou tau totale (c’est-à-dire
la quantité totale de toutes les souscatégories de tau) sont un paramètre
de dégénérescence neuronale. Les concentrations de tau totale ne servent pas
uniquement de paramètre dans le diagnostic de la MA mais aussi dans
d’autres atteintes neurodégénératives
comme la maladie de Creutzfeld-Jakob.
La sensibilité et la spécificité de ce paramètre sont de 81 – 91% en moyenne.
LCR – ptau
Les dégénérescences neurofibrillaires
sont essentiellement constituées de
protéines τ hyperphosphorylées, c’està-dire de protéines tau qui ont fixé
des groupes phosphate en divers sites,
notamment sur les deux acides aminés
que sont la sérine et la thréonine.
Jusqu’à présent, environ 30 sites de
phosphorylation de ce type ont été décrits et un nombre presque équivalent
de kinases responsables de la phosphorylation de tau (Bueé, 2000). Cela
explique l’offre abondante d’anticorps
capables de reconnaître de façon sélective les différents sites de phosphorylation. On a constaté cependant que pour
le diagnostic de la MA, ce sont principalement ptau181 (tau phosphorylée sur
l’acide aminé en position 181), ptau199
et ptau231 qui sont pertinentes. Les
différentes sous-catégories de tau, considérées comme des paramètres séparés, présentent une sensibilité et une
spécificité comparables (Hampel, 2004)
se situant respectivement entre 81 et
91% environ. Comparé au marqueur
tau totale, ptau semble avoir un potentiel supérieur car certaines phosphorylations, inconnues dans d’autres tauopathies, sont plus spécifiques de la MA.
ASA SVV L’âge et l’assurance vie
44
Plasma – Aβ
Il n’existe pas actuellement, hélas, de
données uniformisées sur une corrélation entre les concentrations d’Aβ dans
le plasma et celles d’Aβ dans le LCR
(Irizarry, 2004). Le taux d’Aβ42 du LCR
présente une très bonne corrélation
avec l’évolution de la MA alors qu’il y a
tout lieu de penser que tous les peptides Aβ présents dans le sang ne sont
pas d’origine neurologique. De plus, les
tentatives de dosage de l’Aβ plasmatique se heurtent encore à des obstacles techniques dans la mesure où la
concentration totale d’Aβ dans le sang
est environ dix fois plus faible que dans
le LCR. À cela s’ajoute le fait que les
concentrations d’Aβ42 dans le plasma
et le LCR sont inférieures d’un facteur
10 à celles de l’Aβ40 et que les méthodes de dosage disponibles ne permettent pas de déterminer des limites
de détection statistiquement significatives pour Aβ42.
Autre complication, les propriétés physiques d’Aβ42 lui permettent d’interagir avec un grand nombre de protéines
en tous genres comme l’albumine ou
l’héparine, lesquelles sont présentes
en grandes quantités dans le plasma ou
ASA SVV L’âge et l’assurance vie
ont été rajoutées dans les échantillons
sanguins. Cette liaison à d’autres composants plasmatiques nuit à la précision des dosages et à la reproductibilité
des données. Des études plus récentes
montrent toutefois que de nouvelles
tendances se font jour, au moins pour
l’Aβ40 plasmatique. Ainsi a-t-on découvert dans une étude clinique de
grande envergure que des valeurs élevées d’Aβ40 plasmatique sont le signe
d’un risque accru d’évolution démentielle, surtout si parallèlement les valeurs d’Aβ42 plasmatique sont basses
(van Oijen, 2006). La possibilité d’extrapoler ces conclusions à l’appréciation
du risque chez un patient individuel
nécessite cependant d’être confirmée
par d’autres études.
Autres marqueurs biochimiques
dans le plasma
Les problèmes évoqués au paragraphe
précédent ont incité de nombreux
scientifiques à rechercher d’autres biomarqueurs spécifiques de la maladie.
Une foule de sous-produits moléculaires de la MA ont été étudiés en remplacement des peptides Aβ (Teunissen,
2003). Parmi les marqueurs potentiels
de la MA, on peut notamment citer l’iso-
45
prostane, la 3-nitrotyrosine (stress oxydant et de nitration), l’alpha1 antichymotrypsine, les interleukines (inflammation), la protéine C-réactive, le C1q
(système du complément), le 24Shydroxycholestérol (produit spécifique
du métabolisme cérébral de la cholestérine) et l’homocystéine. La sensibilité
et surtout la spécificité de ces marqueurs étant faibles, aucun d’entre eux
n’est réellement adapté pour poser un
diagnostic fiable de MA. Sans compter
que les concentrations d’assez nombreux marqueurs plasmatiques candidats peuvent être fortement modifiées
par la prise de produits vitaminés et de
traitements concomitants ou par des
pathologies associées.
Imagerie
Contrairement aux dosages de biomarqueurs dans le LCR ou le plasma sanguin, l’imagerie cérébrale offre la possibilité d’observer directement in situ les
processus pathologiques en cours dans
la MA à un stade très précoce. La diffusion rapide de ces méthodes se heurte
cependant au coût élevé d’acquisition
et d’exploitation de ces matériels et
au prix qui en découle pour les explorations en recherche préclinique et cli-
nique, ainsi qu’en pratique clinique ou
en diagnostic ambulatoire. C’est pourquoi de nombreuses institutions académiques et entités industrielles travaillent de manière intensive au développement de cette option.
En matière d’imagerie, on distingue habituellement trois approches. La visualisation et l’évaluation des altérations
cérébrales, structurelles ou fonctionnelles, ainsi que l’évolution des
plaques, servent de paramètres à l’appréciation du processus pathologique.
Visualisation des modifications
structurelles
L’intérêt de la neuro-imagerie structurelle réside avant tout dans la mise en
évidence et la mesure d’une atrophie
du cerveau ou de certaines de ses parties. S’agissant de la MA, une attention
particulière est portée à la perte de volume de l’hippocampe. La visualisation
de ce type de structures s’effectue à
l’aide de scanners (tomodensitométrie)
mais aussi, et de plus en plus fréquemment, par résonance magnétique nucléaire (IRM). Outre leur sensibilité
dans le diagnostic de la MA, ces explorations ont également un pouvoir dis-
ASA SVV L’âge et l’assurance vie
46
criminant par rapport à d’autres causes
de troubles cognitifs comme une hydrocéphalie ou des tumeurs cérébrales
(glioblastomes, par exemple). La résolution des appareils d’IRM actuels est
telle que les modifications structurelles
les plus petites peuvent être mises en
évidence. La visualisation des altérations structurelles du cerveau ne peut
en règle générale servir que pour un
diagnostic post-symptomatique car il
faut un certain degré de dégénérescence neuronale pour qu’un diagnostic
fiable puisse être posé. L’IRM peut cependant apporter une contribution décisive à un diagnostic précoce et fiable
avec des séries de mesures visant à
déterminer la rapidité avec laquelle la
dégénérescence progresse. La pratique
des mesures en séries convient également à l’évaluation de traitements
susceptibles de retarder ou d’arrêter
la dégénérescence neuronale.
Modifications fonctionnelles
Comparée à la neuro-imagerie structurelle, l’imagerie fonctionnelle se voit
généralement attribuer un potentiel
encore plus grand pour le diagnostic
précoce de la MA ainsi que pour le diagnostic différentiel. Ce procédé permet
ASA SVV L’âge et l’assurance vie
d’explorer la perfusion sanguine ou le
métabolisme du cerveau au moyen de
la scintigraphie cérébrale (tomographie
par émission monophotonique SPECT
ou par émission de positrons TEP). La
SPECT permet de visualiser la circulation sanguine dans le cerveau à l’aide
d’une caméra détectant les rayons
gamma. La source de rayonnement
gamma est fournie par un radio-isotope liposoluble le 99mTc-hexaméthylpropylèneamine oxime (HMPAO) que
l’on injecte au patient avant l’examen.
L’évaluation des images obtenues fournit une analyse semi-quantitative de
la perfusion sanguine. On observe un
hypodébit chez les patients atteints
d’une MA par rapport aux témoins, en
particulier dans les régions temporopariétales. Avec la SPECT, la différentiation diagnostique est relativement
bonne entre la MA et d’autres formes
de démence mais son utilité n’est pas
encore suffisamment validée en pratique clinique pour le dépistage précoce d’une MA.
Plus que la SPECT, la TEP au 18FDG a
fait la preuve, dans diverses études, de
son intérêt en tant que méthode de dépistage précoce et de diagnostic diffé-
47
rentiel dans la MA (Silvermann, 2001).
À un stade précoce, les patients atteints d’une MA présentent déjà une
activité métabolique réduite dans certaines zones du cerveau (temporopariétales, par exemple). Le 18-fluoro2-désoxy-2-D-glucose (18FDG) marqué
permet de déterminer l’absorption du
glucose et donc les besoins énergétiques des territoires neuronaux. Dans
les cellules, le 18FDG est transformé en
FDG-6-phosphate, lequel ne peut plus
subir les étapes suivantes de la glycolyse et s’accumule dans les neurones. Il
existe une corrélation entre la quantité
accumulée en l’espace de 30 à 40 minutes et la consommation de glucose,
c’est-à-dire les besoins énergétiques
ou l’activité cellulaire. Le potentiel diagnostique de la scintigraphie isotopique SPECT et TEP est restreint du fait de
la limitation de la résolution spatiale de
ces méthodes. Les valeurs mesurées
sont des moyennes sur un volume
donné. Les résultats peuvent être faussés par une résolution insuffisante ou
par une atrophie tissulaire croissante.
Il est possible de corriger en partie des
résultats erronés en effectuant simultanément un scanner ou une IRM.
Bien que certaines études présentent
des résultats très prometteurs, notamment avec la TEP au 18FDG, la standardisation et la validation clinique de ces
méthodes sont encore insuffisantes.
Plusieurs études de grande envergure
sont en préparation pour la standardisation et la validation de ces méthodes,
tout en incluant des marqueurs biologiques comme Aβ42 et Aβ40.
Représentation des plaques
Des traceurs utilisables en TEP ont été
développés ces derniers temps pour
visualiser les plaques séniles et accroître la corrélation avec l’évolution
pathologique de la MA. Le 8FFDDNP
(2-(1-(6 -(2-(18F)fluoroéthyl)(méthyl)
amino)-2naphtyl)éthylidène)malononitrile) (Agdeppa, 2001) et le PIB
(Pittsburgh Compound-B, un dérivé de
la thioflavine T) (Klunk, 2004) sont deux
exemples de substances qui se lient
aux plaques séniles et sont détectables
en TEP. Les premiers résultats sont très
prometteurs mais des études de plus
grande ampleur font encore défaut
pour prouver l’intérêt diagnostique de
cette méthode – notamment pour établir des corrélations en incluant le ratio
Aβ42/Aβ40 dans le LCR.
ASA SVV L’âge et l’assurance vie
48
Conclusions
La plupart des méthodes que nous venons de décrire sont plutôt utilisées à
des fins de recherche mais les cliniques
spécialisées disposent maintenant de
toute une batterie de moyens d’exploration, parallèlement aux tests neuropsychologiques et cognitifs, pour diagnostiquer la MA à un stade précoce.
On peut évidemment s’interroger sur la
pertinence d’un diagnostic précoce de
la MA alors que cette maladie passe encore pour incurable. Ce qui est certain,
en revanche, c’est que les médicaments
actuellement sur le marché déploient
d’autant mieux leur effet palliatif que le
diagnostic et le début du traitement ont
eu lieu à un stade précoce (Chang et
Silvermann, 2004). Le diagnostic précoce de la maladie contribue ainsi à
améliorer la qualité de vie du patient et
souvent aussi celle de ses proches.
Cette amélioration de la qualité de vie
grâce à un diagnostic précoce, permet
aussi de réduire les coûts importants
générés par les soins liés à la MA. De
plus, le patient et ses proches peuvent
se préparer plus tôt à affronter la maladie et prendre ensemble les mesures
qui s’imposent (Leifer, 2003).
ASA SVV L’âge et l’assurance vie
Des études et des enquêtes menées
aux États-Unis ont montré que chez de
nombreux patients, la maladie d’Alzheimer est identifiée trop tard (4 ans
seulement après le début des symptômes en moyenne). Les raisons en
sont multiples, allant de la stigmatisation des personnes atteintes, en passant par une attitude de déni du patient
face aux premiers symptômes, jusqu’à
l’erreur de diagnostic du médecin. C’est
pourquoi il est important à la fois de
sensibiliser le grand public à la maladie
et de poursuivre les recherches sur les
méthodes diagnostiques et thérapeutiques.
Toutes les méthodes diagnostiques
présentées ici ont leurs avantages et
leurs inconvénients. Parmi ces derniers,
on peut notamment citer le risque infectieux lors de ponction lombaire ou
l’exposition aux rayonnements dans la
neuro-imagerie. Il semble que la sensibilité et/ou la spécificité des tests, pris
séparément, dépassent rarement 90%.
D’emblée et en dehors du coût, les biomarqueurs ne présentent aucun avantage réel par rapport aux tests cognitifs,
si ce n’est leur capacité de dépistage
présymptomatique de la maladie. Pour
49
le monitorage quantitatif de l’évolution
de la maladie ou du processus de guérison, les possibilités des biomarqueurs
apparaîtront clairement lorsque l’autorisation de mise sur le marché aura été
donnée à des médicaments susceptibles de modifier le cours de la maladie
en agissant au niveau de cibles précises dans l’organisme (targeted
drugs). Les approches thérapeutiques
visant à empêcher la formation de
peptides Aβ, à éliminer les plaques
par une vaccination ou l’inhibition de la
phosphorylation de la protéine τ, sont
autant d’exemples où le monitorage
quantitatif est d’ores et déjà employé,
même si c’est encore au stade des essais cliniques dans le développement
des médicaments.
Il serait aussi envisageable de fonder
une classification des démences sur
des tests avec des biomarqueurs au
lieu d’avoir recours à des tests cognitifs. Cela aurait l’avantage supplémentaire de pouvoir débuter le traitement
plus tôt et de façon plus ciblée et plus
spécifique. Nous sommes convaincus
que les biomarqueurs pourraient à
terme devenir une étape préliminaire
dans la recherche d’un traitement per-
sonnalisé dont on peut espérer qu’il
sera efficace et bien toléré.
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