I. Pourquoi étudier L`Abbesse de Castro en classe de
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I. Pourquoi étudier L`Abbesse de Castro en classe de
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 16-03-09 17:09:53 139751CRF - Flammarion - Guide lycée 2009 - Stendhal - Page 47 — Z39751$$$1 — 18.04 XIXe siècle Nouvelle STENDHAL L’Abbesse de Castro ISBN : 9782081219717 – 3,20 € 192 pages I. Pourquoi étudier L’Abbesse de Castro en classe de Seconde ? L’Abbesse de Castro est la plus connue des Chroniques italiennes de Stendhal et constitue un condensé particulièrement riche de l’écriture stendhalienne. En classe de Seconde, ce texte, qui par sa brièveté est d’une approche plus simple que celle de La Chartreuse de Parme, permet d’aborder de manière idéale l’étude du récit et le travail de l’écrivain par rapport à ses sources. En effet, l’écriture de cette chronique est contemporaine de celle de La Chartreuse de Parme : la découverte en 1833 de manuscrits italiens dans les bibliothèques ou chez de riches particuliers fournit la première impulsion à l’imagination de l’auteur, qui ne se démentira jamais jusqu’à sa mort prématurée. Stendhal s’empare de ce matériau et se l’approprie, tant et si bien que la majeure partie de L’Abbesse de Castro n’est en rien une traduction, mais bien une invention. Cette chronique se présente comme une histoire d’amour impossible entre Hélène, élevée au couvent de Castro, riche héritière d’une puissante famille des environs de Rome, et Jules, fils de brigand, et pauvre parmi les pauvres. Leur différence sociale, la religion, une sourde fatalité : tout s’oppose à leur union et concourt à leur perte. Histoire effrénée d’amour, de violence et de mort dans l’Italie du XVIe siècle, L’Abbesse de Castro revisite les grands mythes amoureux de la littérature. L’Abbesse de Castro 47 NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 16-03-09 17:09:53 139751CRF - Flammarion - Guide lycée 2009 - Stendhal - Page 48 — Z39751$$$1 — 18.04 L’auteur, qui ne traduit en rien de prétendus manuscrits contemporains des faits, se livre en réalité à une véritable mystification auctoriale qui lui permet de se jouer de tous les attendus du récit. L’Abbesse de Castro présente alors un intérêt remarquable pour l’appréhension des procédés narratifs en Seconde. Si cette histoire est d’une lecture relativement aisée pour des lycéens, passé le premier chapitre descriptif, elle est extrêmement riche pour l’analyse de la technique narrative : le jeu entre différentes instances énonciatives qui se mêlent souvent (notions de récit extradiégétique, intradiégétique, métadiégétique), l’ordre du récit (prolepses, analepses), sa vitesse (sommaires) et son mode (focalisations multiples, « restrictions de champ », monologues intérieurs), tout comme la dramatisation et l’inscription de l’épistolaire, permettent une étude extrêmement précise de l’art du récit. C’est pourquoi il semble préférable de réserver cette œuvre pour le deuxième ou le troisième trimestre, après l’étude du théâtre et de récits brefs. En outre, le thème de L’Abbesse de Castro – une histoire d’amour impossible entre deux jeunes gens – permet une première entrée dans l’univers stendhalien : on retrouve dans ce récit les motifs propres à Stendhal (l’amour-passion, la hantise de la claustration, la passion pour l’Italie, l’analyse politico-sociale de l’époque), ceux qui sont développés dans La Chartreuse de Parme. Ainsi, cette chronique, véritable laboratoire du roman stendhalien, permet de tisser des liens entre un récit bref et le reste de la production romanesque de l’auteur. C’est alors le travail de l’écrivain que cette chronique permet d’aborder (jeu avec les hypotextes, question de la traduction, lien avec l’œuvre stendhalienne en général). D’autant que, comme dans La Chartreuse de Parme, Stendhal récrit des stéréotypes et les actualise, autorisant une réflexion sur la production et la singularité de l’œuvre littéraire. En effet, dans cette chronique, Stendhal retravaille tant les mythes personnels que ceux hérités de l’Antiquité ou de Shakespeare. L’Abbesse de Castro permet alors une première entrée, relativement simple, dans la problématique des récritures envisagée de manière plus approfondie en classe de Première littéraire. Dans sa présentation, l’édition « Étonnants Classiques » propose une contextualisation rapide – qu’est-ce qu’une chronique ? quelle est la place de L’Abbesse de Castro dans la production de 48 Une nouvelle du XIXe siècle NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 16-03-09 17:09:53 139751CRF - Flammarion - Guide lycée 2009 - Stendhal - Page 49 — Z39751$$$1 — 18.04 Stendhal ? –, puis analyse les procédés narratifs au regard de la mystification auctoriale, et enfin s’intéresse à la notion d’amour contrarié, offrant une grille d’analyse tragique de l’œuvre. Le dossier de l’édition, quant à lui, complète la lecture du texte par les divers projets de préface du projet inachevé auquel on a donné le titre Chroniques italiennes : ils permettent de mieux cerner la spécificité du récit étudié et l’intérêt que l’auteur porta au genre de la chronique italienne de 1833 à sa mort. La seconde partie du dossier est constituée d’un groupement de textes sur le mythe des amours contrariées, qui permet de lier l’œuvre aux différents hypotextes stendhaliens, littéraires ou mythologiques. Ces deux grandes perspectives sont accompagnées de questions, de commentaires de textes et de sujets d’écriture, qui permettent d’exploiter L’Abbesse de Castro en classe de Seconde. II. Tableau synoptique de la séquence Séances Supports Objectifs Activités 1 Introduction à la lecture de l’œuvre intégrale Durée : 2 heures en classe entière — L’ensemble du récit — Présentation et chronologie de l’édition (p. 5-35) — Questionnaire de lecture (dossier, p. 160-161) — Vérifier la connaissance de l’œuvre auprès des élèves — Contextualiser la chronique dans l’œuvre de Stendhal — Contrôle de lecture — Observation du paratexte, travail de recherche sur Stendhal, l’homme et l’œuvre 2 Définir le genre de la chronique Durée : 2 heures en classe entière — Projets de préface des Chroniques italiennes (dossier, p. 166-172) — Présentation (p. 5-25) — Premier chapitre (p. 39-48) — L’art du récit : l’esthétique de la brièveté, le fait vrai — Le problème du réalisme de la chronique — Questionnaire de lecture sur les projets de préface — Lecture cursive 3 La structure de L’Abbesse de Castro Durée : 1 heure en classe entière ; 1 heure en module — L’ensemble de l’œuvre — Une nouvelle du XVIe siècle, tirée par exemple de l’Heptaméron de Marguerite de Navarre — L’art du récit : l’esthétique de la nouvelle — Le travail de l’écrivain et le jeu avec les sources — Cours sur la nouvelle : prise de notes — Module sur une nouvelle du XVIe siècle L’Abbesse de Castro 49 NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 16-03-09 17:09:53 139751CRF - Flammarion - Guide lycée 2009 - Stendhal - Page 50 — Z39751$$$1 — 18.04 Séances Supports Objectifs 4 La structure de L’Abbesse de Castro, suite Durée : 2 heures en classe entière — Microlecture no 1 sur le chapitre II (dossier, p. 162-163) — Shakespeare, Roméo et Juliette, acte II scène 2 (dossier, p. 184-188) — Réinvestir les acquis du cours sur la nouvelle — Découvrir le jeu stendhalien avec les stéréotypes et leur actualisation — Lecture analytique — Lecture complémentaire 5 Formes et fonctions de l’épistolaire dans L’Abbesse de Castro Durée : 2 heures en classe entière ; 1 heure en module — Étude des lettres dans L’Abbesse de Castro — Lectures cursives : microlecture no 2, la lettre de Jules à Hélène (dossier, p. 163-164) ; microlecture no 4, la lettre d’Hélène à Jules (dossier, p. 165-166) — Analyser la forme et la fonction de l’épistolaire dans un récit — Découvrir la notion d’impossible contact entre les deux amants (préparation aux séances sur le tragique) — Repérages sur le texte — Prise de notes — Module : analyse d’autres lettres d’amour (par exemple, première lettre des Lettres portugaises de Guilleragues) 6 Formes et fonctions de l’épistolaire dans L’Abbesse de Castro, suite Durée : 2 heures en classe entière. Sujet d’invention (dossier, p. 188) — Réinvestir les acquis des séances nos 4 et 5 sur l’épistolaire Évaluation : écriture d’invention 7 La passion et le tragique dans L’Abbesse de Castro Durée : 2 heures en classe entière — L’ensemble de l’œuvre — Groupement de textes sur le mythe des amours contrariées (dossier, p. 172188) — Étudier la notion de récritures — Envisager la production et la singularité des textes — Découvrir la notion de tragique dans un récit — Traitement préalable par écrit d’un questionnaire de lecture — Mise en regard de textes : comparaison de textes en vue du travail sur le corpus proposé à l’épreuve anticipée de français 8 La passion et le tragique dans L’Abbesse de Castro, suite Durée : 1 heure en classe entière Microlecture no 4, la lettre d’Hélène à Jules (dossier, p. 165-166) — Analyser un sommaire narratif : ressaisir toutes les connaissances sur l’œuvre — Notion de restriction de champ : le point de vue d’Hélène Lecture analytique 50 Une nouvelle du XIXe siècle Activités NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 16-03-09 17:09:53 139751CRF - Flammarion - Guide lycée 2009 - Stendhal - Page 51 — Z39751$$$1 — 18.04 Séances 9 L’amour et la mort dans L’Abbesse de Castro Durée : 2 heures en classe entière Supports Sujet de dissertation no 1 (dossier, p. 189) Évaluation finale — Sujet de dissertation no 2 (dossier, p. 189) — L’ensemble du récit — Présentation et dossier Objectifs — Relire les grandes scansions de l’œuvre en fonction du registre tragique — Ressaisir les acquis des séances nos 7 et 8 — Analyser une citation Restituer de manière problématisée les connaissances acquises durant cette séquence Activités Méthodologie de la dissertation — Méthodologie : entraînement à l’épreuve écrite du baccalauréat — Modalité : devoir à la maison III. Déroulement de la séquence Séance no 1 : entrer dans L’Abbesse de Castro Objectifs → Vérifier la connaissance de l’œuvre auprès des élèves. → Contextualiser la chronique dans l’œuvre de Stendhal. Supports → L’ensemble du récit. → Présentation et chronologie de l’édition (p. 5-35). → Questionnaire de lecture (p. 160-161). Préalablement à l’étude de l’œuvre, on demandera aux élèves de se procurer le volume « Étonnants Classiques », de lire la chronique, la présentation et le dossier de l’édition, afin de répondre au questionnaire de lecture. ■ Contrôler la connaissance de l’œuvre Pour vérifier que la lecture de L’Abbesse de Castro, de la présentation et du dossier de l’édition a bien été effectuée, on demandera aux élèves de répondre pour cette séance au questionnaire de lecture, p. 160-161. L’Abbesse de Castro 51 NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 16-03-09 17:09:53 139751CRF - Flammarion - Guide lycée 2009 - Stendhal - Page 52 — Z39751$$$1 — 18.04 ■ Découvrir Stendhal, l’homme et l’œuvre On fera une lecture commentée de la chronologie. On mettra plus particulièrement en avant les points suivants : — L’Abbesse de Castro s’insère dans un recueil de chroniques qui ne sera publié qu’après la mort de Stendhal ; — Stendhal a toujours été fasciné par l’Italie (voir la présentation) : cet amour s’enracine dans celui de sa mère et dans le rejet de son père. D’où le choix du pseudonyme « Stendhal » (par refus du patronyme « Beyle ») et le grand nombre de textes tant narratifs que discursifs consacrés à ce pays. À ce sujet, on pourra se reporter à l’article de Gérard Genette cité dans la présentation de l’édition et dans les orientations bibliographiques de cette fiche (voir infra), ou aux premiers chapitres de la Vie de Henry Brulard, qui reviennent sur cet amour maternel exclusif et sur la manière dont le petit Henri Beyle fit le lien entre amour maternel et amour pour l’Italie, grâce aux propos de sa grand-tante : les Gagnon, nom de jeune fille de la mère de l’auteur, seraient en effet d’ascendance italienne ; — le nombre d’années que Stendhal a passées en Italie, en tant que voyageur, puis consul ; — enfin, le paroxysme de sa passion pour l’Italie qui s’exprime dans l’écriture de La Chartreuse de Parme. Le roman fait revivre l’Italie mythique du début du XIXe siècle mais aussi celle du XVIe siècle, notamment dans la description du régime despotique de la cour de Parme. On soulignera alors l’étroite parenté entre L’Abbesse de Castro et La Chartreuse de Parme : la rédaction de cette dernière œuvre est enchâssée dans l’écriture de notre chronique. D’ailleurs, La Chartreuse de Parme est aussi une « chronique italienne », dans la mesure où elle s’inspire du texte Origine des grandeurs de la famille Farnèse (voir à ce sujet le dossier de l’édition, p. 176-179). L’extrait proposé dans le dossier permet de faire découvrir aux élèves l’étroite parenté thématique entre les deux textes : la claustration, l’amour impossible, même si Fabrice et Clélia réussissent là où Jules et Hélène échouent – ils ne consommeront jamais leur union. 52 Une nouvelle du XIXe siècle NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 16-03-09 17:09:53 139751CRF - Flammarion - Guide lycée 2009 - Stendhal - Page 53 — Z39751$$$1 — 18.04 Séance no 2 : définir le genre de la chronique Objectifs → → Supports → → → L’art du récit : l’esthétique de la brièveté, le fait vrai. Le problème du réalisme de la chronique. Projets de préface (dossier, p. 166-172). Présentation (p. 5-25). Premier chapitre (p. 39-48). ■ Qu’est-ce qu’une chronique ? Dans ses projets de préface, Stendhal prend soin de définir lui-même le genre de la chronique : une histoire vraie, rapportée par des auteurs contemporains, qui relate des faits particulièrement frappants. Les désordres des mœurs, les passions impossibles, les sombres histoires de famille ou les intrigues politiques et religieuses constituent souvent la matière de ces récits. Lecture et commentaire des projets de préface, pour définir le genre de la chronique — Analyse des projets de préface Dans un premier temps, l’analyse des projets de préface fera ressortir le goût stendhalien pour le « fait vrai », qui s’inscrit dans la revendication que l’auteur fait de la vérité des récits dont il s’empare. — Réponse aux questions 1 à 5 du questionnaire de lecture qui suit les projets de préface On attend des élèves qu’ils relèvent, entre autres, les éléments suivants : 1. L’isotopie du réalisme, qui rejoint la définition stendhalienne du roman, « miroir qu’on promène le long d’un chemin ». 2. La position de Stendhal, traducteur de ces histoires vraies. On découvre ainsi le problème de la narration dans les Chroniques italiennes : Stendhal ne traduit pas, il invente les trois quarts de son texte et ne convoque ses sources que pour les mystifier à loisir. C’est donc à un jeu subtil qu’il se livre ici : d’une part, l’histoire de Jules n’est pas présente dans les manuscrits italiens conservés à la Bibliothèque nationale de France (voir la présentation de l’édition) ; d’autre part, quand le narrateur se réfère effectivement à des hypotextes, il les subvertit, L’Abbesse de Castro 53 NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 16-03-09 17:09:53 139751CRF - Flammarion - Guide lycée 2009 - Stendhal - Page 54 — Z39751$$$1 — 18.04 comme dans la mention des volumes du procès d’Hélène et de l’évêque. 3. La création d’un horizon d’attente chez le lecteur. Prolongements On pourra faire découvrir aux élèves que le genre de la chronique rejoint celui des histoires tragiques en France : L’Heptaméron de Marguerite de Navarre, les Histoires tragiques de François de Rosset... ■ L’art du récit : le contexte de L’Abbesse de Castro On étudie en lecture cursive le premier chapitre de L’Abbesse de Castro. On soulignera d’emblée la difficulté que constitue pour les élèves la lecture de ce premier chapitre, en recueillant leurs impressions de lecture. A priori, elles doivent être négatives : un chapitre ennuyeux, car il s’agit d’un discours et non d’un récit. L’objectif de cette lecture cursive est alors de faire découvrir aux élèves l’intérêt de ce chapitre dans l’économie générale du texte. Pour ce faire, on s’efforcera de repérer les éléments suivants : Le cadre spatio-temporel — Le fonctionnement tyrannique des cités italiennes au XVIe siècle est tout d’abord mis en avant par Stendhal : le champ lexical de la tyrannie et celui de la cruauté sont soulignés par l’auteur (« gouvernements atroces », « empoisonnements et assassinats sans nombre », « cruautés des petits tyrans »). Ces iniquités ont amené une partie des grands seigneurs, dépossédés du pouvoir, à se révolter contre lui : ils ont pris appui sur les brigands qui, à l’origine, sont les « républicains les plus énergiques, ceux qui aimaient la liberté plus que la majorité de leurs concitoyens ». Ils ont pris le maquis et certains d’entre eux sont devenus légendaires, tel Marco Sciarra. — Puis, Stendhal décrit le cadre dans lequel se développera L’Abbesse de Castro : la ville d’Albano, la forêt de la Faggiola. On note que les événements qui seront évoqués dans la chronique sont liés au passé mythique de la fondation d’Albe : le Monte Cavi, qui offre un panorama exceptionnel sur la plaine romaine, jusqu’à la mer. Ce décor grandiose et chargé d’histoire 54 Une nouvelle du XIXe siècle NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 16-03-09 17:09:53 139751CRF - Flammarion - Guide lycée 2009 - Stendhal - Page 55 — Z39751$$$1 — 18.04 (le temple de Jupiter Férétrien, la fondation d’Albe et de Rome) est fortement structuré par l’opposition entre la forêt sombre de la Faggiola – lieu des sanglants exploits des brigands – et l’ouverture permise par ce panorama. Néanmoins, le lexique de la noirceur s’allie à celui de la démesure spatio-temporelle et prépare l’atmosphère tragique dans laquelle baignera toute la chronique : « [...] c’est le site le plus magnifique de cette admirable campagne de Rome, dont l’aspect sombre semble fait pour la tragédie » (p. 46). — Dès le premier chapitre, Stendhal convoque un riche hypotexte : l’hypotexte des chroniqueurs italiens du Moyen Âge, qui s’inscrit dans une histoire longue de plusieurs centaines d’années ; l’hypotexte antique, qui autorisera par la suite le rapprochement entre notre chronique et les grands mythes de l’amour impossible (voir dossier, p. 172-189) ; L’analyse des mœurs du XVIe siècle : la distance critique La comparaison avec la France des années 1830 instruit le procès de la « vanité ». Stendhal souligne en outre que l’Italie du XVIe siècle s’oppose en tout point à la France du XIXe siècle : alors que ses contemporains sont abîmés dans le désir de paraître, la gloire et l’inaction, les Italiens du XVIe siècle, idéalisés par l’auteur, sont érigés en modèles critiques. Le modèle italien repose en effet sur l’analyse sociopolitique. D’où la critique que Stendhal fait de ses contemporains, et qu’on retrouve dans les projets de préface. Parler de l’Italie de la Renaissance, c’est, par contraste, parler de la France du XIXe siècle, selon un mécanisme déjà éprouvé par les moralistes. Ainsi Stendhal souligne-t-il qu’en France, dès le XVII e siècle, a triomphé « ce préjugé assez ridicule qu’on appelait l’honneur, du temps de Mme de Sévigné, et qui consiste surtout à sacrifier sa vie pour servir le maître dont on est né sujet et pour plaire aux dames » (p. 40). Cet « esprit de galanterie » a donc gâté les mœurs françaises au profit de la « vanité » et de « l’empire des rubans ». Ici, il est possible de revenir sur le contexte français de l’écriture des chroniques : la France de Louis-Philippe, en s’appuyant sur la chronologie. On rappellera notamment que la révolution de 1830 n’a pas porté au pouvoir le peuple, mais a plutôt été L’Abbesse de Castro 55 NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 16-03-09 17:09:53 139751CRF - Flammarion - Guide lycée 2009 - Stendhal - Page 56 — Z39751$$$1 — 18.04 l’occasion d’un transfert du pouvoir de l’aristocratie à la bourgeoisie, privant la jeunesse de l’époque de perspectives d’ascension. À ce sujet, il est intéressant de reprendre les analyses d’Alfred de Musset sur le fameux « mal du siècle » (La Confession d’un enfant du siècle, chapitre II). La préparation de l’intrigue à venir Ce premier chapitre entretient des liens étroits avec le contenu de l’intrigue qui va suivre : il brosse le tableau d’une Italie dans laquelle peut naître un amour comme celui qui unit Jules et Hélène, un brigand et une aristocrate, riche héritière. L’absence de préjugés, le statut privilégié des brigands et des bravi, le fonctionnement clanique de la société du XVIe siècle, autorisent ce sentiment passionnel. Plus encore, ce premier chapitre nous installe au cœur de l’action : les thématiques de l’amour et de la violence sont d’emblée étroitement liées par le narrateur, qui nous projette au cœur du tragique. Les paysages démesurés de la campagne romaine ne peuvent qu’être le théâtre d’amours impossibles, comme le suggère l’isotopie de la violence. Il a donc fallu poser le cadre politico-social du récit pour pouvoir conférer à l’intrigue bien plus qu’un cadre – une atmosphère tragique liée au lieu et aux mœurs mêmes. Enfin, le mystère qu’entretient Stendhal incite le lecteur à lire la chronique : l’opposition entre l’histoire officielle (les « auteurs généralement approuvés ») et les manuscrits anonymes qui constituent la source stendhalienne permettent en effet de piquer la curiosité du lecteur. La mention de l’historien Giannone, qui « a voulu soulever un coin du voile » (p. 44), est ainsi placée sous le signe du mystère, de l’énigme que le récit à venir va pleinement lever. De même, l’insistance sur la dimension démesurée du cadre et le caractère éloigné des mœurs est faite pour piquer la curiosité du lecteur : « l’histoire détaillée de cet illustre brigand serait incroyable aux yeux de la génération présente » (p. 45) ; « ces usages du XVIe siècle étaient merveilleusement propres à créer des hommes dignes de ce nom » (p. 43). 56 Une nouvelle du XIXe siècle NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 16-03-09 17:09:53 139751CRF - Flammarion - Guide lycée 2009 - Stendhal - Page 57 — Z39751$$$1 — 18.04 Séances nos 3 et 4 : la structure de L’Abbesse de Castro Objectifs → L’art du récit : l’esthétique de la nouvelle ; le travail de l’écrivain et le jeu avec les sources (séance no 3). → Découvrir le jeu stendhalien avec les stéréotypes et leur actualisation (séance no 4). Supports → L’ensemble de l’œuvre ; une nouvelle du XVIe siècle, tirée par exemple de l’Heptaméron de Marguerite de Navarre ; la présentation de l’édition, p. 9-17 (séance no 3). → Microlecture no 1 sur le chapitre II, dossier, p. 162163 ; Shakespeare, Roméo et Juliette, acte II, scène 2, dossier, p. 184-188 (séance no 4). Déroulement : — cours sur la structure du récit ; — module sur la nouvelle, qui étudiera l’histoire du genre et définira son esthétique à partir d’un exemple tiré de nouvelles du XVIe siècle. ■ Le travail de l’écrivain et le jeu avec les sources La séance no 3 s’appuiera sur le chapitre de la présentation de l’édition intitulé « L’Abbesse de Castro, une mystification narrative ». On réinvestira ainsi ce qui aura été abordé dans la séance précédente lors de l’analyse des projets de préface. — Il convient de rappeler aux élèves que le genre de la « nouvelle » est d’abord constitué par la mise en avant d’une histoire brève, contemporaine de son auteur (une histoire « nouvelle » au sens étymologique), qui repose sur la catégorie du « vraisemblable » par opposition au registre épique qui déréalise les héros dans le roman des origines (voir la chanson de geste). On peut approfondir ces points par la lecture d’une nouvelle de Marguerite de Navarre, en module. Ce rappel problématise la forme brève : le « réalisme » et sa portée didactique (les récits sont toujours suivis d’une moralité chez les premiers auteurs de recueils de nouvelles). On pourra montrer que Stendhal renoue avec les L’Abbesse de Castro 57 NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 16-03-09 17:09:53 139751CRF - Flammarion - Guide lycée 2009 - Stendhal - Page 58 — Z39751$$$1 — 18.04 origines du genre dans ses Chroniques italiennes et rappeler que la référence en la matière demeure l’Italien Boccace. — La structure de L’Abbesse de Castro permet d’étudier l’art du récit : la concision et la brièveté de la forme narrative ressortissent de l’art de la nouvelle. Un récit bref, centré sur un petit nombre de personnages, qui souligne la rapidité des événements : passé le premier chapitre consacré à la description de l’Italie au XVIe siècle, l’action est resserrée, concentrée vers la chute finale, annoncée par de multiples prolepses. Cette concision va de pair avec l’économie des descriptions : le recours au « réalisme subjectif » et la mise en avant du point de vue des personnages (relevé des nombreuses restrictions de champ) permettent au narrateur d’éviter les descriptions au profit du discours. Derrière l’opposition traditionnelle entre récit et discours, on remarquera la formalisation discursive de nombreux passages : le recours au dialogue, au monologue intérieur et à l’écriture épistolaire. — On montrera que cette concision est mise au service d’une polyphonie narrative. Par polyphonie narrative on entend ici la multiplication des « voix » qui constituent une constante particulièrement remarquable des Chroniques italiennes : voix de l’auteur-narrateur, des chroniqueurs, du prétendu traducteur, des personnages enfin. ■ Microlecture no 1 : la scène du balcon La séance no 4 est consacrée à la première lecture analytique proposée dans le dossier de l’édition, p. 162-163. Introduction Situation du passage : nous sommes ici dans le deuxième chapitre de L’Abbesse de Castro. Jules et Hélène s’aiment en secret car, de conditions sociales trop éloignées, ils sont en butte à l’opposition du seigneur de Campireali, le père d’Hélène. Ce dernier vient d’être averti que « tous les soirs, après minuit, on aper[çoit] de la lumière dans la chambre de sa fille ; et, chose bien autrement extraordinaire, la fenêtre [est] ouverte, et [...] Hélène s’y tient » (p. 59). Escorté par son fils Fabio, il va donc veiller sur la fenêtre de sa fille afin de s’assurer que Jules ne s’en 58 Une nouvelle du XIXe siècle NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 16-03-09 17:09:53 139751CRF - Flammarion - Guide lycée 2009 - Stendhal - Page 59 — Z39751$$$1 — 18.04 approche pas ; il est prêt à tuer le jeune amant imprudent à coups d’arquebuse. Problématisation : le cadre spatio-temporel de cette scène semble annoncer la récriture d’un lieu commun de la littérature amoureuse : la scène du balcon, présente par exemple dans Roméo et Juliette. Pour autant, le narrateur n’actualise-t-il pas ce cliché en l’inscrivant pleinement dans les thématiques et l’esthétique de sa chronique ? 1. Une situation romanesque conventionnelle Cette scène d’amour paraît au premier abord conventionnelle : les deux jeunes amants ne peuvent s’aimer au grand jour car Jules est pauvre et Hélène riche. Cette situation renvoie à une intrigue de comédie, mais aussi aux obstacles que rencontrent les amants dans la littérature, notamment dans Roméo et Juliette de Shakespeare, quand bien même ils sont du même rang social. A. Relevez et analysez les éléments conventionnels qui permettent d’inscrire cette scène dans un réseau de clichés dont Stendhal joue. Pour répondre à cette question, appuyez-vous notamment sur l’analyse de l’espace, des objets et des signes mis en avant dans ce passage. — La période de la journée : la nuit (« à onze heures et demie », « minuit », « dans l’obscurité »), « heure » traditionnelle des rendez-vous galants dans la littérature. On peut se reporter aux textes complémentaires du dossier : Ovide, « Pyrame et Thisbé » ; Stendhal, La Chartreuse de Parme ; Shakespeare, Roméo et Juliette, pour montrer qu’il s’agit là d’un topos de la littérature amoureuse. La nuit favorise la rencontre entre les amants, elle abolit la distance sociale. — L’espace : un balcon du palais des Campireali (« le grand balcon de pierre au-dessous de sa fenêtre », « balcon de fer de sa fenêtre », « le balcon en pierre », « le balcon », « son balcon », « au bas du balcon de pierre », « sous le balcon du palais », « penchée sur son balcon », « votre fenêtre »). La multiplicité des mentions du balcon d’Hélène souligne la récriture du topos de la « scène du balcon », telle qu’on la trouve à l’acte II, scène 2 de Roméo et Juliette. Le narrateur oppose plusieurs espaces : l’espace ouvert de la rue, celui de Jules, et l’espace clos de la chambre d’Hélène. Entre ces deux espaces, le balcon constitue un lieu L’Abbesse de Castro 59 NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 16-03-09 17:09:53 139751CRF - Flammarion - Guide lycée 2009 - Stendhal - Page 60 — Z39751$$$1 — 18.04 intermédiaire, car il est le prolongement du lieu fermé qu’est la chambre et constitue un lieu ouvert sur l’extérieur. — Les signes : le bouquet de fleurs, la lettre. Ils sont également conventionnels. — Enfin, la position d’Hélène rappelle celle de la « dame » dans la littérature amoureuse : la dame est en effet la domina, celle qui domine, placée en position surplombante, comme Juliette face à Roméo dans la scène du balcon. B. Comment le narrateur dramatise-t-il cette scène ? Analysez notamment les monologues et les dialogues. Que pouvez-vous en déduire ? La forte présence des marqueurs temporels permet de dramatiser ce passage : le narrateur suggère la rapidité de cette scène par l’emploi d’adverbes et de marqueurs comme « un quart de minute ne s’était pas écoulé lorsque », « vivement », « à l’instant », « rapidement », « à ce moment » (simultanéité des actions), « aussitôt », « à peine prononcées », « se hâta d’ouvrir ». Ainsi cette scène se passe-t-elle très rapidement ; elle est tout entière construite autour de l’action, mais aussi des réactions des personnages. L’alternance du récit et du discours contribue à la dramatiser. C. Quels sont les adjuvants et les opposants des jeunes amants ? Comment le narrateur dramatise-t-il alors le topos (lieu commun) de l’amour contrarié ? Pour répondre à cette question, analysez le mouvement narratif de cette scène. La mère d’Hélène joue ici le rôle d’adjuvante des jeunes amants alors que le seigneur de Campireali et son fils sont placés en position d’opposants. Les rapports de force entre actants inscrivent donc cette scène dans une optique ouvertement dramaturgique : à mi-chemin entre tragédie (omniprésence de la violence) et comédie. Certes, la violence et la mort sont omniprésentes dans ce passage, mais la dimension comique n’est pas absente. En témoigne l’outrance caricaturale des propos de Fabio, soulignée par la parodie de langage précieux (« ose s’attaquer à votre fenêtre »). 2. Une revisitation de la « scène du balcon » : amour, courage et violence Stendhal actualise ces clichés en mêlant la passion et le courage des deux amants à la violence qui unit amour et mort. 60 Une nouvelle du XIXe siècle NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 16-03-09 17:09:53 139751CRF - Flammarion - Guide lycée 2009 - Stendhal - Page 61 — Z39751$$$1 — 18.04 A. Comment Hélène apparaît-elle dans ce passage ? Comment Stendhal souligne-t-il son intrépidité ? Hélène apparaît ici comme une jeune fille extrêmement décidée à sauver son amant, quitte à enfreindre les ordres paternels. Son rôle dans le passage est mis en valeur par l’emploi du monologue intérieur qui ouvre cette scène et par la focalisation interne, qui privilégie son point de vue. En outre, l’intrépidité de la jeune femme est soulignée par le champ lexical du danger qu’elle encourt. On voit en effet la scène de son point de vue et elle apparaît donc comme l’héroïne, plus encore que Jules (qui demeure caché), même si le narrateur nous donne quelques indications sur sa conduite ou sur celle des autres personnages. B. Pourquoi le narrateur mêle-t-il dans cette scène les thématiques de l’amour et de la violence ? Justifiez votre réponse. Tout d’abord, on identifiera le rapport antagoniste traditionnel entre les jeunes amants et leurs opposants : la violence paraît tout d’abord opposée à l’amour. Elle est du côté du seigneur de Campireali et de son fils Fabio, alors que Jules, Hélène et Victoire Carafa semblent représenter l’amour (amour-passion, amour maternel et protecteur). Dans un second temps, on pourra montrer qu’amour et violence sont complémentaires : l’amour fait violence à l’ordre social incarné par la loi du père ; il est donc passible d’une sanction, car il est, par définition, comme dans Roméo et Juliette, violation des interdits. De plus, Jules fait ici violence à Hélène ; l’entremêlement des armes et de la lettre ne fait que préfigurer la violence que Jules imposera à de nombreuses reprises à Hélène, notamment lors de l’attaque du couvent. C. Cette scène met en avant l’importance du signe (ou ensemble de codes qui permettent aux jeunes amants de correspondre) dans le récit : quels signes Stendhal privilégie-t-il et pourquoi ? Ici, on analysera la manière dont la lettre constitue un code entre les deux jeunes amants, un moyen de communication qui signifie aussi un contact impossible. L’Abbesse de Castro 61 NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 16-03-09 17:09:53 139751CRF - Flammarion - Guide lycée 2009 - Stendhal - Page 62 — Z39751$$$1 — 18.04 Séances nos 5 et 6 : formes et fonctions de l’épistolaire dans L’Abbesse de Castro Objectifs → Analyser la forme et la fonction de l’épistolaire dans un récit ; découvrir la notion d’impossible contact entre les deux amants (séances nos 5 et 6). Supports → Les lettres dans L’Abbesse de Castro ; lectures cursives : microlecture no 2, dossier, p. 163-164, microlecture no 4, dossier, p. 165-166 (séance no 5). → Sujet d’invention, dossier, p. 188-189 (séance no 6). ■ La présence de l’épistolaire dans L’Abbesse de Castro Le but de la séance no 5 est d’analyser rapidement avec les élèves la place et la fonction des lettres dans l’économie du récit. Les lettres se situent à des moments clés de l’action : la première lettre de Jules à Hélène lance l’intrigue amoureuse entre les deux amants, la lettre transmise à Hélène lors de la scène du balcon permet d’établir une communication entre les deux amants par-delà les obstacles, et sera suivie de nombreuses autres lettres (« Le lendemain et les jours suivants, il y eut des lettres et des entrevues semblables », p. 59). Les amants vont ensuite communiquer grâce à des billets échangés à l’église. Dans chaque cas, la lettre est le prélude à la rencontre, elle est le moyen de communiquer et plus encore de s’expliquer. On appliquera ensuite ces analyses à deux questionnaires de lecture du dossier : microlectures no 2 et no 4. Dans la lettre de Jules à Hélène (chapitre IV, microlecture no 2), on soulignera le caractère « sacré » de l’écriture, qui rappelle le serment passé entre les amants. D’où le caractère tragique que prennent les fausses lettres écrites par Victoire Carafa à sa fille, pour l’éloigner de Jules (chapitre VI). On étudiera ensuite la lettre finale d’Hélène à Jules (chapitre VIII, microlecture no 4), en répondant rapidement à la première partie des questions du dossier s’y rapportant. On réserve la notion de tragique (deuxième partie des questions) pour les séances nos 7 et 8 sur la passion dans L’Abbesse de Castro. 62 Une nouvelle du XIXe siècle NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 16-03-09 17:09:53 139751CRF - Flammarion - Guide lycée 2009 - Stendhal - Page 63 — Z39751$$$1 — 18.04 ■ Évaluation : écriture d’invention La séance no 6 est consacrée à la rédaction d’un sujet d’invention. Sujet (dossier de l’édition, p. 188-189) : Au chapitre IV de L’Abbesse de Castro, le narrateur indique : « L’auteur italien rapporte curieusement beaucoup de longues lettres écrites par Jules Branciforte après celle-ci ; mais il donne seulement des extraits des réponses d’Hélène de Campireali. Après deux cent soixantedix-huit ans écoulés, nous sommes si loin des sentiments d’amour et de religion qui remplissent ces lettres, que j’ai craint qu’elles ne fissent longueur. » Après avoir relu et analysé la lettre de Jules (chapitre VII, de « Maintenant ma triste tâche » à « et devint tout à fait stupide de peur »), vous imaginerez la réponse d’Hélène. Votre lettre devra respecter les critères du genre épistolaire et rendre compte du caractère de l’héroïne ainsi que de la situation des deux amants. Devoir en deux heures sur table. Séances nos 7 et 8 : la passion et le tragique dans L’Abbesse de Castro Objectifs → Étudier la notion de récritures ; envisager la production et la singularité des textes ; découvrir la notion de tragique dans un récit (séance no 7). → Analyser un sommaire narratif : ressaisir toutes les connaissances sur l’œuvre ; étudier la notion de restriction de champ : le point de vue d’Hélène (séance no 8). Supports → Groupement de textes sur le mythe des amours contrariés, dossier, p. 172-188 (séance no 7). → Microlecture no 4, dossier, p. 165-166 (séance no 8). ■ L’engrenage fatal de la passion : la récriture de l’amour impossible On partira pour la séance no 7 de l’introduction du groupement de textes proposé dans le dossier de l’édition (p. 172-188) et des questions qui s’y rapportent. L’Abbesse de Castro 63 NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 16-03-09 17:09:53 139751CRF - Flammarion - Guide lycée 2009 - Stendhal - Page 64 — Z39751$$$1 — 18.04 En module, il est souhaitable d’approfondir les connaissances des élèves sur le mythe des amours contrariés par la recherche d’autres grandes histoires d’amour tragique (voir la question 5, p. 188). ■ L’Abbesse de Castro, une « histoire tragique » La séance no 8 sera consacrée à la lecture analytique de la lettre d’Hélène à Jules (microlecture no 4, p. 165-166). Séance no 9 : l’amour et la mort dans L’Abbesse de Castro Objectifs → Relire les grandes scansions de l’œuvre en fonction du registre tragique. → Ressaisir les acquis des séances nos 7 et 8. → Analyser une citation. Support → Sujet de dissertation no 1 (dossier, p. 189). Cette séance s’appuie sur le premier sujet de dissertation proposé dans le dossier de l’édition : Dans L’Amour et l’Occident, Denis de Rougemont voit dans Roméo et Juliette la récriture de « ce beau conte d’amour et de mort » qu’est Tristan et Iseut. En quoi peut-on dire que L’Abbesse de Castro constitue également un « beau conte d’amour et de mort » ? 1. L’amour et la violence dans L’Abbesse de Castro : l’impossible contact 1. Certes, l’intrigue se présente comme une histoire d’amour entre les deux protagonistes, mais cet amour est perçu d’emblée comme impossible car : — Hélène et Jules viennent de milieux sociaux éloignés. D’où le mépris avec lequel le père d’Hélène traite Jules et la violence qu’il lui inflige lors de la scène du balcon ; — la structure de l’intrigue met elle-même en valeur cette union impossible : après l’acmé que constitue le serment entre les deux amants, les malentendus et les obstacles se multiplient et rendent cet amour impossible. 64 Une nouvelle du XIXe siècle NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 16-03-09 17:09:53 139751CRF - Flammarion - Guide lycée 2009 - Stendhal - Page 65 — Z39751$$$1 — 18.04 2. Dès lors, les deux amants semblent promis à un destin tragique. On attend ici des élèves qu’ils réinvestissent les acquis des séances nos 7 et 8, par exemple en prenant appui sur l’analyse de l’ultime lettre d’Hélène et sur la présentation. 3. Ce destin tragique est d’autant plus remarquable que Stendhal récrit les grands mythes de la passion amoureuse. Ici, il s’agit de montrer que l’hypotexte convoqué par Stendhal lui permet de revisiter les grands mythes de l’amour contrarié et d’inscrire dans ce cadre la problématique de l’histoire de Jules et d’Hélène, « l’amour-passion ». 2. L’amour et la mort, ou l’union des contraires 1. Plus encore, c’est une « histoire tragique » que nous livre Stendhal, car elle met en avant les pulsions du désir et de la mort : l’amour-passion est aussi alliance entre Éros et Thanatos, le désir et la mort, comme le montre Denis de Rougemont dans son essai L’Amour et l’Occident. L’amour de Jules pour Hélène ne peut-il s’accommoder du monde ? Certes, les deux amants sont vaincus par les obstacles que le monde extérieur dresse contre eux, mais cette passion porte en elle-même le germe de sa sublimation dans la mort. Ici, on attend des élèves qu’ils réinvestissent ce qui a été étudié dans la microlecture no 2, sur la problématique du serment. La scène où Jules renonce à posséder Hélène au nom d’un désir plus haut n’inscrit-elle pas cet amour dans la catégorie de l’impossible ? Le suicide d’Hélène est aussi une union des contraires, Éros et Thanatos car le coup de poignard symbolise tout à la fois la pénétration et la mort. 2. D’où le problème de la responsabilité des deux amants. Hélène a déchu sous la pression du mensonge et de la méchanceté de son entourage mais, en même temps, elle est restée la même, ce que montre son geste final. Quant à Jules, lui aussi a succombé au moment même où il pensait triompher, lors de l’attaque du couvent. On mettra en avant la responsabilité de la mère d’Hélène, Victoire Carafa, dans la perte des deux amants, mais aussi celle de Jules et d’Hélène : pourquoi ne s’est-elle pas réservée à Jules ? Pourquoi a-t-elle succombé à « l’amour de vanité » et à L’Abbesse de Castro 65 NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 16-03-09 17:09:53 139751CRF - Flammarion - Guide lycée 2009 - Stendhal - Page 66 — Z39751$$$1 — 18.04 « l’amour-physique » ? On s’appuiera ici sur la lecture cursive de la déchéance d’Hélène (microlecture no 4) Ainsi Stendhal renoue-t-il avec les catégories antiques de la tragédie et du tragique, même si Dieu semble absent du récit : la notion de fatalité unit amour et mort (voir la présentation de l’édition, p. 18 et 19). 3. Une vision noire de l’amour. Dès lors, nous sommes bien loin de la vision prétendument hédoniste de Stendhal : le bonheur est impossible pour les deux amants, ce qui signifie que cet échec porte un jour sombre sur la condition humaine. Si le cadre de l’Italie du XVIe siècle était le plus à même de favoriser cet amour qui pourtant échoua, que dire du cadre français de 1830 ? La libération d’Hélène par sa mère est une dégradation de l’attaque du couvent de Castro par Jules, tout comme l’amour d’Hélène pour l’évêque est une dégradation de celui qu’elle éprouve pour Jules : la pureté de l’amour-passion est éphémère. IV. Orientations bibliographiques De Stendhal Chroniques italiennes, éd. Béatrice Didier, GF-Flammarion, 1977 [on se reportera à l’édition complète des Chroniques italiennes pour lire l’intégralité des chroniques et l’introduction très suggestive de Béatrice Didier. De même, les archives de l’œuvre fournies en annexe sont utiles pour cerner le processus d’écriture stendhalien]. La Chartreuse de Parme [pour le lien entre L’Abbesse de Castro et La Chartreuse de Parme]. Textes critiques BLIN, Georges, Stendhal et les problèmes du roman, José Corti, 1954 (rééd. 1973). GENETTE, Gérard, « Stendhal pseudonyme », dans Figures II, Seuil, 1969 [sur les problèmes narratologiques posés par L’Abbesse de Castro]. 66 Une nouvelle du XIXe siècle NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 16-03-09 17:09:53 139751CRF - Flammarion - Guide lycée 2009 - Stendhal - Page 67 — Z39751$$$1 — 18.04 SAMAAN, Brigitte, Étude sur Stendhal. Chroniques italiennes, Ellipses, 2001 [une étude parascolaire très instructive sur les Chroniques italiennes]. François-Xavier HERVOÜET, professeur de français et de culture générale en lycée et classes préparatoires au lycée Pierre de Coubertin, à Meaux (Seine-et-Marne).