I. Pourquoi étudier L`Abbesse de Castro en classe de

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I. Pourquoi étudier L`Abbesse de Castro en classe de
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XIXe
siècle
Nouvelle
STENDHAL
L’Abbesse de Castro
ISBN : 9782081219717 – 3,20 €
192 pages
I. Pourquoi étudier L’Abbesse de Castro
en classe de Seconde ?
L’Abbesse de Castro est la plus connue des Chroniques italiennes de Stendhal et constitue un condensé particulièrement
riche de l’écriture stendhalienne. En classe de Seconde, ce texte,
qui par sa brièveté est d’une approche plus simple que celle de
La Chartreuse de Parme, permet d’aborder de manière idéale
l’étude du récit et le travail de l’écrivain par rapport à ses
sources. En effet, l’écriture de cette chronique est contemporaine
de celle de La Chartreuse de Parme : la découverte en 1833 de
manuscrits italiens dans les bibliothèques ou chez de riches particuliers fournit la première impulsion à l’imagination de l’auteur, qui ne se démentira jamais jusqu’à sa mort prématurée.
Stendhal s’empare de ce matériau et se l’approprie, tant et si
bien que la majeure partie de L’Abbesse de Castro n’est en rien
une traduction, mais bien une invention.
Cette chronique se présente comme une histoire d’amour
impossible entre Hélène, élevée au couvent de Castro, riche héritière d’une puissante famille des environs de Rome, et Jules, fils
de brigand, et pauvre parmi les pauvres. Leur différence sociale,
la religion, une sourde fatalité : tout s’oppose à leur union et
concourt à leur perte. Histoire effrénée d’amour, de violence et de
mort dans l’Italie du XVIe siècle, L’Abbesse de Castro revisite les
grands mythes amoureux de la littérature.
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L’auteur, qui ne traduit en rien de prétendus manuscrits
contemporains des faits, se livre en réalité à une véritable mystification auctoriale qui lui permet de se jouer de tous les attendus
du récit. L’Abbesse de Castro présente alors un intérêt remarquable pour l’appréhension des procédés narratifs en Seconde.
Si cette histoire est d’une lecture relativement aisée pour des
lycéens, passé le premier chapitre descriptif, elle est extrêmement riche pour l’analyse de la technique narrative : le jeu entre
différentes instances énonciatives qui se mêlent souvent (notions
de récit extradiégétique, intradiégétique, métadiégétique), l’ordre
du récit (prolepses, analepses), sa vitesse (sommaires) et son
mode (focalisations multiples, « restrictions de champ », monologues intérieurs), tout comme la dramatisation et l’inscription
de l’épistolaire, permettent une étude extrêmement précise de
l’art du récit. C’est pourquoi il semble préférable de réserver
cette œuvre pour le deuxième ou le troisième trimestre, après
l’étude du théâtre et de récits brefs.
En outre, le thème de L’Abbesse de Castro – une histoire
d’amour impossible entre deux jeunes gens – permet une
première entrée dans l’univers stendhalien : on retrouve dans ce
récit les motifs propres à Stendhal (l’amour-passion, la hantise de
la claustration, la passion pour l’Italie, l’analyse politico-sociale
de l’époque), ceux qui sont développés dans La Chartreuse de
Parme. Ainsi, cette chronique, véritable laboratoire du roman
stendhalien, permet de tisser des liens entre un récit bref et le reste
de la production romanesque de l’auteur. C’est alors le travail de
l’écrivain que cette chronique permet d’aborder (jeu avec les
hypotextes, question de la traduction, lien avec l’œuvre stendhalienne en général). D’autant que, comme dans La Chartreuse de
Parme, Stendhal récrit des stéréotypes et les actualise, autorisant
une réflexion sur la production et la singularité de l’œuvre littéraire. En effet, dans cette chronique, Stendhal retravaille tant les
mythes personnels que ceux hérités de l’Antiquité ou de Shakespeare. L’Abbesse de Castro permet alors une première entrée,
relativement simple, dans la problématique des récritures envisagée de manière plus approfondie en classe de Première littéraire.
Dans sa présentation, l’édition « Étonnants Classiques » propose une contextualisation rapide – qu’est-ce qu’une chronique ?
quelle est la place de L’Abbesse de Castro dans la production de
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Une nouvelle du
XIXe
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Stendhal ? –, puis analyse les procédés narratifs au regard de la
mystification auctoriale, et enfin s’intéresse à la notion d’amour
contrarié, offrant une grille d’analyse tragique de l’œuvre. Le dossier de l’édition, quant à lui, complète la lecture du texte par les
divers projets de préface du projet inachevé auquel on a donné
le titre Chroniques italiennes : ils permettent de mieux cerner la
spécificité du récit étudié et l’intérêt que l’auteur porta au genre de
la chronique italienne de 1833 à sa mort. La seconde partie du
dossier est constituée d’un groupement de textes sur le mythe des
amours contrariées, qui permet de lier l’œuvre aux différents
hypotextes stendhaliens, littéraires ou mythologiques. Ces deux
grandes perspectives sont accompagnées de questions, de
commentaires de textes et de sujets d’écriture, qui permettent
d’exploiter L’Abbesse de Castro en classe de Seconde.
II. Tableau synoptique de la séquence
Séances
Supports
Objectifs
Activités
1
Introduction à la
lecture de l’œuvre
intégrale
Durée : 2 heures
en classe entière
— L’ensemble du
récit
— Présentation et
chronologie de
l’édition (p. 5-35)
— Questionnaire
de lecture (dossier,
p. 160-161)
— Vérifier la
connaissance de
l’œuvre auprès
des élèves
— Contextualiser
la chronique dans
l’œuvre de
Stendhal
— Contrôle de
lecture
— Observation du
paratexte, travail
de recherche sur
Stendhal,
l’homme et
l’œuvre
2
Définir le genre de
la chronique
Durée : 2 heures
en classe entière
— Projets de
préface des
Chroniques
italiennes (dossier,
p. 166-172)
— Présentation
(p. 5-25)
— Premier
chapitre (p. 39-48)
— L’art du récit :
l’esthétique de la
brièveté, le fait
vrai
— Le problème
du réalisme de la
chronique
— Questionnaire
de lecture sur les
projets de préface
— Lecture cursive
3
La structure de
L’Abbesse de
Castro
Durée : 1 heure
en classe entière ;
1 heure en
module
— L’ensemble de
l’œuvre
— Une nouvelle
du XVIe siècle, tirée
par exemple de
l’Heptaméron de
Marguerite
de Navarre
— L’art du récit :
l’esthétique de la
nouvelle
— Le travail de
l’écrivain et le jeu
avec les sources
— Cours sur la
nouvelle : prise de
notes
— Module sur
une nouvelle du
XVIe siècle
L’Abbesse de Castro
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Séances
Supports
Objectifs
4
La structure de
L’Abbesse de
Castro, suite
Durée : 2 heures
en classe entière
— Microlecture
no 1 sur le
chapitre II (dossier,
p. 162-163)
— Shakespeare,
Roméo et Juliette,
acte II scène 2
(dossier, p. 184-188)
— Réinvestir les
acquis du cours
sur la nouvelle
— Découvrir le
jeu stendhalien
avec les
stéréotypes et leur
actualisation
— Lecture
analytique
— Lecture
complémentaire
5
Formes et
fonctions de
l’épistolaire dans
L’Abbesse de
Castro
Durée : 2 heures
en classe entière ;
1 heure en
module
— Étude des
lettres dans
L’Abbesse de
Castro
— Lectures
cursives :
microlecture no 2, la
lettre de Jules à
Hélène (dossier,
p. 163-164) ;
microlecture no 4, la
lettre d’Hélène à
Jules (dossier,
p. 165-166)
— Analyser la
forme et la
fonction de
l’épistolaire dans
un récit
— Découvrir la
notion
d’impossible
contact entre les
deux amants
(préparation aux
séances sur le
tragique)
— Repérages sur
le texte
— Prise de notes
— Module :
analyse d’autres
lettres d’amour
(par exemple,
première lettre
des Lettres
portugaises de
Guilleragues)
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Formes et
fonctions de
l’épistolaire dans
L’Abbesse de
Castro, suite
Durée : 2 heures
en classe entière.
Sujet d’invention
(dossier, p. 188)
— Réinvestir les
acquis des
séances nos 4 et 5
sur l’épistolaire
Évaluation :
écriture
d’invention
7
La passion et le
tragique dans
L’Abbesse de
Castro
Durée : 2 heures
en classe entière
— L’ensemble de
l’œuvre
— Groupement
de textes sur le
mythe des amours
contrariées
(dossier, p. 172188)
— Étudier la
notion de
récritures
— Envisager la
production et la
singularité des
textes
— Découvrir la
notion de tragique
dans un récit
— Traitement
préalable par écrit
d’un questionnaire
de lecture
— Mise en regard
de textes :
comparaison de
textes en vue du
travail sur le corpus
proposé à l’épreuve
anticipée de
français
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La passion et le
tragique dans
L’Abbesse de
Castro, suite
Durée : 1 heure
en classe entière
Microlecture no 4,
la lettre d’Hélène
à Jules (dossier,
p. 165-166)
— Analyser un
sommaire
narratif : ressaisir
toutes les
connaissances sur
l’œuvre
— Notion de
restriction de
champ : le point
de vue d’Hélène
Lecture analytique
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Une nouvelle du
XIXe
siècle
Activités
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Séances
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L’amour et la
mort dans
L’Abbesse de
Castro
Durée : 2 heures
en classe entière
Supports
Sujet de
dissertation no 1
(dossier, p. 189)
Évaluation finale
— Sujet de
dissertation no 2
(dossier, p. 189)
— L’ensemble du
récit
— Présentation et
dossier
Objectifs
— Relire les
grandes scansions
de l’œuvre en
fonction du
registre tragique
— Ressaisir les
acquis des séances
nos 7 et 8
— Analyser une
citation
Restituer de
manière
problématisée les
connaissances
acquises durant
cette séquence
Activités
Méthodologie de
la dissertation
— Méthodologie :
entraînement à
l’épreuve écrite du
baccalauréat
— Modalité :
devoir à la maison
III. Déroulement de la séquence
Séance no 1 : entrer dans L’Abbesse de Castro
Objectifs → Vérifier la connaissance de l’œuvre auprès des
élèves.
→ Contextualiser la chronique dans l’œuvre de
Stendhal.
Supports → L’ensemble du récit.
→ Présentation et chronologie de l’édition (p. 5-35).
→ Questionnaire de lecture (p. 160-161).
Préalablement à l’étude de l’œuvre, on demandera aux élèves
de se procurer le volume « Étonnants Classiques », de lire la
chronique, la présentation et le dossier de l’édition, afin de
répondre au questionnaire de lecture.
■ Contrôler la connaissance de l’œuvre
Pour vérifier que la lecture de L’Abbesse de Castro, de la présentation et du dossier de l’édition a bien été effectuée, on
demandera aux élèves de répondre pour cette séance au questionnaire de lecture, p. 160-161.
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■ Découvrir Stendhal, l’homme et l’œuvre
On fera une lecture commentée de la chronologie. On mettra
plus particulièrement en avant les points suivants :
— L’Abbesse de Castro s’insère dans un recueil de chroniques
qui ne sera publié qu’après la mort de Stendhal ;
— Stendhal a toujours été fasciné par l’Italie (voir la présentation) : cet amour s’enracine dans celui de sa mère et dans le rejet
de son père. D’où le choix du pseudonyme « Stendhal » (par
refus du patronyme « Beyle ») et le grand nombre de textes tant
narratifs que discursifs consacrés à ce pays. À ce sujet, on pourra
se reporter à l’article de Gérard Genette cité dans la présentation
de l’édition et dans les orientations bibliographiques de cette
fiche (voir infra), ou aux premiers chapitres de la Vie de Henry
Brulard, qui reviennent sur cet amour maternel exclusif et sur la
manière dont le petit Henri Beyle fit le lien entre amour maternel
et amour pour l’Italie, grâce aux propos de sa grand-tante : les
Gagnon, nom de jeune fille de la mère de l’auteur, seraient en
effet d’ascendance italienne ;
— le nombre d’années que Stendhal a passées en Italie, en
tant que voyageur, puis consul ;
— enfin, le paroxysme de sa passion pour l’Italie qui s’exprime dans l’écriture de La Chartreuse de Parme. Le roman fait
revivre l’Italie mythique du début du XIXe siècle mais aussi celle
du XVIe siècle, notamment dans la description du régime despotique de la cour de Parme. On soulignera alors l’étroite parenté
entre L’Abbesse de Castro et La Chartreuse de Parme : la rédaction de cette dernière œuvre est enchâssée dans l’écriture de
notre chronique. D’ailleurs, La Chartreuse de Parme est aussi
une « chronique italienne », dans la mesure où elle s’inspire du
texte Origine des grandeurs de la famille Farnèse (voir à ce sujet
le dossier de l’édition, p. 176-179). L’extrait proposé dans le
dossier permet de faire découvrir aux élèves l’étroite parenté thématique entre les deux textes : la claustration, l’amour impossible, même si Fabrice et Clélia réussissent là où Jules et Hélène
échouent – ils ne consommeront jamais leur union.
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Séance no 2 : définir le genre de la chronique
Objectifs →
→
Supports →
→
→
L’art du récit : l’esthétique de la brièveté, le fait vrai.
Le problème du réalisme de la chronique.
Projets de préface (dossier, p. 166-172).
Présentation (p. 5-25).
Premier chapitre (p. 39-48).
■ Qu’est-ce qu’une chronique ?
Dans ses projets de préface, Stendhal prend soin de définir
lui-même le genre de la chronique : une histoire vraie, rapportée
par des auteurs contemporains, qui relate des faits particulièrement frappants. Les désordres des mœurs, les passions impossibles, les sombres histoires de famille ou les intrigues politiques
et religieuses constituent souvent la matière de ces récits.
Lecture et commentaire des projets de préface,
pour définir le genre de la chronique
— Analyse des projets de préface
Dans un premier temps, l’analyse des projets de préface fera
ressortir le goût stendhalien pour le « fait vrai », qui s’inscrit
dans la revendication que l’auteur fait de la vérité des récits dont
il s’empare.
— Réponse aux questions 1 à 5 du questionnaire de lecture qui
suit les projets de préface
On attend des élèves qu’ils relèvent, entre autres, les éléments
suivants :
1. L’isotopie du réalisme, qui rejoint la définition stendhalienne du roman, « miroir qu’on promène le long d’un chemin ».
2. La position de Stendhal, traducteur de ces histoires vraies.
On découvre ainsi le problème de la narration dans les Chroniques italiennes : Stendhal ne traduit pas, il invente les trois
quarts de son texte et ne convoque ses sources que pour les
mystifier à loisir. C’est donc à un jeu subtil qu’il se livre ici :
d’une part, l’histoire de Jules n’est pas présente dans les manuscrits italiens conservés à la Bibliothèque nationale de France
(voir la présentation de l’édition) ; d’autre part, quand le narrateur se réfère effectivement à des hypotextes, il les subvertit,
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comme dans la mention des volumes du procès d’Hélène et de
l’évêque.
3. La création d’un horizon d’attente chez le lecteur.
Prolongements
On pourra faire découvrir aux élèves que le genre de la chronique rejoint celui des histoires tragiques en France : L’Heptaméron de Marguerite de Navarre, les Histoires tragiques de
François de Rosset...
■ L’art du récit : le contexte de L’Abbesse de Castro
On étudie en lecture cursive le premier chapitre de L’Abbesse
de Castro.
On soulignera d’emblée la difficulté que constitue pour les
élèves la lecture de ce premier chapitre, en recueillant leurs
impressions de lecture. A priori, elles doivent être négatives : un
chapitre ennuyeux, car il s’agit d’un discours et non d’un récit.
L’objectif de cette lecture cursive est alors de faire découvrir aux
élèves l’intérêt de ce chapitre dans l’économie générale du texte.
Pour ce faire, on s’efforcera de repérer les éléments suivants :
Le cadre spatio-temporel
— Le fonctionnement tyrannique des cités italiennes au XVIe
siècle est tout d’abord mis en avant par Stendhal : le champ
lexical de la tyrannie et celui de la cruauté sont soulignés par
l’auteur (« gouvernements atroces », « empoisonnements et
assassinats sans nombre », « cruautés des petits tyrans »). Ces iniquités ont amené une partie des grands seigneurs, dépossédés
du pouvoir, à se révolter contre lui : ils ont pris appui sur les
brigands qui, à l’origine, sont les « républicains les plus énergiques, ceux qui aimaient la liberté plus que la majorité de leurs
concitoyens ». Ils ont pris le maquis et certains d’entre eux sont
devenus légendaires, tel Marco Sciarra.
— Puis, Stendhal décrit le cadre dans lequel se développera
L’Abbesse de Castro : la ville d’Albano, la forêt de la Faggiola.
On note que les événements qui seront évoqués dans la chronique sont liés au passé mythique de la fondation d’Albe : le
Monte Cavi, qui offre un panorama exceptionnel sur la plaine
romaine, jusqu’à la mer. Ce décor grandiose et chargé d’histoire
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(le temple de Jupiter Férétrien, la fondation d’Albe et de Rome)
est fortement structuré par l’opposition entre la forêt sombre de
la Faggiola – lieu des sanglants exploits des brigands – et l’ouverture permise par ce panorama. Néanmoins, le lexique de la
noirceur s’allie à celui de la démesure spatio-temporelle et prépare l’atmosphère tragique dans laquelle baignera toute la chronique : « [...] c’est le site le plus magnifique de cette admirable
campagne de Rome, dont l’aspect sombre semble fait pour la
tragédie » (p. 46).
— Dès le premier chapitre, Stendhal convoque un riche
hypotexte : l’hypotexte des chroniqueurs italiens du Moyen Âge,
qui s’inscrit dans une histoire longue de plusieurs centaines
d’années ; l’hypotexte antique, qui autorisera par la suite le rapprochement entre notre chronique et les grands mythes de
l’amour impossible (voir dossier, p. 172-189) ;
L’analyse des mœurs du
XVIe
siècle : la distance critique
La comparaison avec la France des années 1830 instruit le
procès de la « vanité ». Stendhal souligne en outre que l’Italie du
XVIe siècle s’oppose en tout point à la France du XIXe siècle : alors
que ses contemporains sont abîmés dans le désir de paraître, la
gloire et l’inaction, les Italiens du XVIe siècle, idéalisés par l’auteur, sont érigés en modèles critiques. Le modèle italien repose
en effet sur l’analyse sociopolitique.
D’où la critique que Stendhal fait de ses contemporains, et
qu’on retrouve dans les projets de préface. Parler de l’Italie de
la Renaissance, c’est, par contraste, parler de la France du
XIXe siècle, selon un mécanisme déjà éprouvé par les moralistes.
Ainsi Stendhal souligne-t-il qu’en France, dès le XVII e siècle, a
triomphé « ce préjugé assez ridicule qu’on appelait l’honneur,
du temps de Mme de Sévigné, et qui consiste surtout à sacrifier
sa vie pour servir le maître dont on est né sujet et pour plaire
aux dames » (p. 40). Cet « esprit de galanterie » a donc gâté les
mœurs françaises au profit de la « vanité » et de « l’empire des
rubans ».
Ici, il est possible de revenir sur le contexte français de l’écriture des chroniques : la France de Louis-Philippe, en s’appuyant
sur la chronologie. On rappellera notamment que la révolution
de 1830 n’a pas porté au pouvoir le peuple, mais a plutôt été
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l’occasion d’un transfert du pouvoir de l’aristocratie à la bourgeoisie, privant la jeunesse de l’époque de perspectives d’ascension. À ce sujet, il est intéressant de reprendre les analyses
d’Alfred de Musset sur le fameux « mal du siècle » (La Confession
d’un enfant du siècle, chapitre II).
La préparation de l’intrigue à venir
Ce premier chapitre entretient des liens étroits avec le contenu
de l’intrigue qui va suivre : il brosse le tableau d’une Italie dans
laquelle peut naître un amour comme celui qui unit Jules et
Hélène, un brigand et une aristocrate, riche héritière. L’absence
de préjugés, le statut privilégié des brigands et des bravi, le fonctionnement clanique de la société du XVIe siècle, autorisent ce
sentiment passionnel.
Plus encore, ce premier chapitre nous installe au cœur de l’action : les thématiques de l’amour et de la violence sont d’emblée
étroitement liées par le narrateur, qui nous projette au cœur du
tragique. Les paysages démesurés de la campagne romaine ne
peuvent qu’être le théâtre d’amours impossibles, comme le suggère l’isotopie de la violence. Il a donc fallu poser le cadre politico-social du récit pour pouvoir conférer à l’intrigue bien plus
qu’un cadre – une atmosphère tragique liée au lieu et aux mœurs
mêmes.
Enfin, le mystère qu’entretient Stendhal incite le lecteur à lire
la chronique : l’opposition entre l’histoire officielle (les « auteurs
généralement approuvés ») et les manuscrits anonymes qui
constituent la source stendhalienne permettent en effet de piquer
la curiosité du lecteur. La mention de l’historien Giannone, qui
« a voulu soulever un coin du voile » (p. 44), est ainsi placée
sous le signe du mystère, de l’énigme que le récit à venir va
pleinement lever. De même, l’insistance sur la dimension démesurée du cadre et le caractère éloigné des mœurs est faite pour
piquer la curiosité du lecteur : « l’histoire détaillée de cet illustre
brigand serait incroyable aux yeux de la génération présente »
(p. 45) ; « ces usages du XVIe siècle étaient merveilleusement
propres à créer des hommes dignes de ce nom » (p. 43).
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XIXe
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Séances nos 3 et 4 : la structure de L’Abbesse
de Castro
Objectifs → L’art du récit : l’esthétique de la nouvelle ; le travail
de l’écrivain et le jeu avec les sources (séance no 3).
→ Découvrir le jeu stendhalien avec les stéréotypes et
leur actualisation (séance no 4).
Supports → L’ensemble de l’œuvre ; une nouvelle du XVIe siècle,
tirée par exemple de l’Heptaméron de Marguerite
de Navarre ; la présentation de l’édition, p. 9-17
(séance no 3).
→ Microlecture no 1 sur le chapitre II, dossier, p. 162163 ; Shakespeare, Roméo et Juliette, acte II, scène 2,
dossier, p. 184-188 (séance no 4).
Déroulement :
— cours sur la structure du récit ;
— module sur la nouvelle, qui étudiera l’histoire du genre et
définira son esthétique à partir d’un exemple tiré de nouvelles
du XVIe siècle.
■ Le travail de l’écrivain et le jeu avec les sources
La séance no 3 s’appuiera sur le chapitre de la présentation de
l’édition intitulé « L’Abbesse de Castro, une mystification narrative ». On réinvestira ainsi ce qui aura été abordé dans la séance
précédente lors de l’analyse des projets de préface.
— Il convient de rappeler aux élèves que le genre de la « nouvelle » est d’abord constitué par la mise en avant d’une histoire
brève, contemporaine de son auteur (une histoire « nouvelle » au
sens étymologique), qui repose sur la catégorie du « vraisemblable » par opposition au registre épique qui déréalise les héros
dans le roman des origines (voir la chanson de geste). On peut
approfondir ces points par la lecture d’une nouvelle de Marguerite de Navarre, en module. Ce rappel problématise la forme
brève : le « réalisme » et sa portée didactique (les récits sont toujours suivis d’une moralité chez les premiers auteurs de recueils
de nouvelles). On pourra montrer que Stendhal renoue avec les
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origines du genre dans ses Chroniques italiennes et rappeler que
la référence en la matière demeure l’Italien Boccace.
— La structure de L’Abbesse de Castro permet d’étudier l’art
du récit : la concision et la brièveté de la forme narrative ressortissent de l’art de la nouvelle. Un récit bref, centré sur un petit
nombre de personnages, qui souligne la rapidité des événements : passé le premier chapitre consacré à la description de
l’Italie au XVIe siècle, l’action est resserrée, concentrée vers la
chute finale, annoncée par de multiples prolepses. Cette concision va de pair avec l’économie des descriptions : le recours au
« réalisme subjectif » et la mise en avant du point de vue des
personnages (relevé des nombreuses restrictions de champ) permettent au narrateur d’éviter les descriptions au profit du discours. Derrière l’opposition traditionnelle entre récit et discours,
on remarquera la formalisation discursive de nombreux passages : le recours au dialogue, au monologue intérieur et à l’écriture épistolaire.
— On montrera que cette concision est mise au service d’une
polyphonie narrative. Par polyphonie narrative on entend ici la
multiplication des « voix » qui constituent une constante particulièrement remarquable des Chroniques italiennes : voix de l’auteur-narrateur, des chroniqueurs, du prétendu traducteur, des
personnages enfin.
■ Microlecture no 1 : la scène du balcon
La séance no 4 est consacrée à la première lecture analytique
proposée dans le dossier de l’édition, p. 162-163.
Introduction
Situation du passage : nous sommes ici dans le deuxième chapitre de L’Abbesse de Castro. Jules et Hélène s’aiment en secret
car, de conditions sociales trop éloignées, ils sont en butte à
l’opposition du seigneur de Campireali, le père d’Hélène. Ce
dernier vient d’être averti que « tous les soirs, après minuit, on
aper[çoit] de la lumière dans la chambre de sa fille ; et, chose
bien autrement extraordinaire, la fenêtre [est] ouverte, et [...]
Hélène s’y tient » (p. 59). Escorté par son fils Fabio, il va donc
veiller sur la fenêtre de sa fille afin de s’assurer que Jules ne s’en
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approche pas ; il est prêt à tuer le jeune amant imprudent à
coups d’arquebuse.
Problématisation : le cadre spatio-temporel de cette scène
semble annoncer la récriture d’un lieu commun de la littérature
amoureuse : la scène du balcon, présente par exemple dans
Roméo et Juliette. Pour autant, le narrateur n’actualise-t-il pas ce
cliché en l’inscrivant pleinement dans les thématiques et l’esthétique de sa chronique ?
1. Une situation romanesque conventionnelle
Cette scène d’amour paraît au premier abord conventionnelle : les deux jeunes amants ne peuvent s’aimer au grand jour
car Jules est pauvre et Hélène riche. Cette situation renvoie à
une intrigue de comédie, mais aussi aux obstacles que rencontrent les amants dans la littérature, notamment dans Roméo et
Juliette de Shakespeare, quand bien même ils sont du même
rang social.
A. Relevez et analysez les éléments conventionnels qui permettent d’inscrire cette scène dans un réseau de clichés dont Stendhal
joue. Pour répondre à cette question, appuyez-vous notamment
sur l’analyse de l’espace, des objets et des signes mis en avant
dans ce passage.
— La période de la journée : la nuit (« à onze heures et
demie », « minuit », « dans l’obscurité »), « heure » traditionnelle
des rendez-vous galants dans la littérature. On peut se reporter
aux textes complémentaires du dossier : Ovide, « Pyrame et
Thisbé » ; Stendhal, La Chartreuse de Parme ; Shakespeare,
Roméo et Juliette, pour montrer qu’il s’agit là d’un topos de la
littérature amoureuse. La nuit favorise la rencontre entre les
amants, elle abolit la distance sociale.
— L’espace : un balcon du palais des Campireali (« le grand
balcon de pierre au-dessous de sa fenêtre », « balcon de fer de sa
fenêtre », « le balcon en pierre », « le balcon », « son balcon », « au
bas du balcon de pierre », « sous le balcon du palais », « penchée
sur son balcon », « votre fenêtre »). La multiplicité des mentions
du balcon d’Hélène souligne la récriture du topos de la « scène
du balcon », telle qu’on la trouve à l’acte II, scène 2 de Roméo
et Juliette. Le narrateur oppose plusieurs espaces : l’espace
ouvert de la rue, celui de Jules, et l’espace clos de la chambre
d’Hélène. Entre ces deux espaces, le balcon constitue un lieu
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intermédiaire, car il est le prolongement du lieu fermé qu’est la
chambre et constitue un lieu ouvert sur l’extérieur.
— Les signes : le bouquet de fleurs, la lettre. Ils sont également conventionnels.
— Enfin, la position d’Hélène rappelle celle de la « dame »
dans la littérature amoureuse : la dame est en effet la domina,
celle qui domine, placée en position surplombante, comme
Juliette face à Roméo dans la scène du balcon.
B. Comment le narrateur dramatise-t-il cette scène ? Analysez
notamment les monologues et les dialogues. Que pouvez-vous en
déduire ?
La forte présence des marqueurs temporels permet de dramatiser ce passage : le narrateur suggère la rapidité de cette scène
par l’emploi d’adverbes et de marqueurs comme « un quart de
minute ne s’était pas écoulé lorsque », « vivement », « à l’instant »,
« rapidement », « à ce moment » (simultanéité des actions), « aussitôt », « à peine prononcées », « se hâta d’ouvrir ». Ainsi cette
scène se passe-t-elle très rapidement ; elle est tout entière
construite autour de l’action, mais aussi des réactions des personnages. L’alternance du récit et du discours contribue à la
dramatiser.
C. Quels sont les adjuvants et les opposants des jeunes
amants ? Comment le narrateur dramatise-t-il alors le topos (lieu
commun) de l’amour contrarié ? Pour répondre à cette question,
analysez le mouvement narratif de cette scène.
La mère d’Hélène joue ici le rôle d’adjuvante des jeunes
amants alors que le seigneur de Campireali et son fils sont
placés en position d’opposants. Les rapports de force entre
actants inscrivent donc cette scène dans une optique ouvertement dramaturgique : à mi-chemin entre tragédie (omniprésence
de la violence) et comédie. Certes, la violence et la mort sont
omniprésentes dans ce passage, mais la dimension comique
n’est pas absente. En témoigne l’outrance caricaturale des propos de Fabio, soulignée par la parodie de langage précieux
(« ose s’attaquer à votre fenêtre »).
2. Une revisitation de la « scène du balcon » :
amour, courage et violence
Stendhal actualise ces clichés en mêlant la passion et le courage des deux amants à la violence qui unit amour et mort.
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A. Comment Hélène apparaît-elle dans ce passage ? Comment
Stendhal souligne-t-il son intrépidité ?
Hélène apparaît ici comme une jeune fille extrêmement décidée à sauver son amant, quitte à enfreindre les ordres paternels.
Son rôle dans le passage est mis en valeur par l’emploi du
monologue intérieur qui ouvre cette scène et par la focalisation
interne, qui privilégie son point de vue.
En outre, l’intrépidité de la jeune femme est soulignée par le
champ lexical du danger qu’elle encourt. On voit en effet la
scène de son point de vue et elle apparaît donc comme l’héroïne, plus encore que Jules (qui demeure caché), même si le
narrateur nous donne quelques indications sur sa conduite ou
sur celle des autres personnages.
B. Pourquoi le narrateur mêle-t-il dans cette scène les thématiques de l’amour et de la violence ? Justifiez votre réponse.
Tout d’abord, on identifiera le rapport antagoniste traditionnel entre les jeunes amants et leurs opposants : la violence paraît
tout d’abord opposée à l’amour. Elle est du côté du seigneur de
Campireali et de son fils Fabio, alors que Jules, Hélène et
Victoire Carafa semblent représenter l’amour (amour-passion,
amour maternel et protecteur).
Dans un second temps, on pourra montrer qu’amour et violence sont complémentaires : l’amour fait violence à l’ordre
social incarné par la loi du père ; il est donc passible d’une sanction, car il est, par définition, comme dans Roméo et Juliette,
violation des interdits. De plus, Jules fait ici violence à Hélène ;
l’entremêlement des armes et de la lettre ne fait que préfigurer la
violence que Jules imposera à de nombreuses reprises à Hélène,
notamment lors de l’attaque du couvent.
C. Cette scène met en avant l’importance du signe (ou ensemble
de codes qui permettent aux jeunes amants de correspondre) dans
le récit : quels signes Stendhal privilégie-t-il et pourquoi ?
Ici, on analysera la manière dont la lettre constitue un code
entre les deux jeunes amants, un moyen de communication qui
signifie aussi un contact impossible.
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Séances nos 5 et 6 : formes et fonctions
de l’épistolaire dans L’Abbesse de Castro
Objectifs → Analyser la forme et la fonction de l’épistolaire dans
un récit ; découvrir la notion d’impossible contact
entre les deux amants (séances nos 5 et 6).
Supports → Les lettres dans L’Abbesse de Castro ; lectures
cursives : microlecture no 2, dossier, p. 163-164,
microlecture no 4, dossier, p. 165-166 (séance no 5).
→ Sujet d’invention, dossier, p. 188-189 (séance no 6).
■ La présence de l’épistolaire dans L’Abbesse
de Castro
Le but de la séance no 5 est d’analyser rapidement avec les
élèves la place et la fonction des lettres dans l’économie du récit.
Les lettres se situent à des moments clés de l’action : la première lettre de Jules à Hélène lance l’intrigue amoureuse entre
les deux amants, la lettre transmise à Hélène lors de la scène du
balcon permet d’établir une communication entre les deux
amants par-delà les obstacles, et sera suivie de nombreuses
autres lettres (« Le lendemain et les jours suivants, il y eut des
lettres et des entrevues semblables », p. 59). Les amants vont
ensuite communiquer grâce à des billets échangés à l’église.
Dans chaque cas, la lettre est le prélude à la rencontre, elle est
le moyen de communiquer et plus encore de s’expliquer.
On appliquera ensuite ces analyses à deux questionnaires de
lecture du dossier : microlectures no 2 et no 4.
Dans la lettre de Jules à Hélène (chapitre IV, microlecture
no 2), on soulignera le caractère « sacré » de l’écriture, qui rappelle le serment passé entre les amants. D’où le caractère tragique que prennent les fausses lettres écrites par Victoire Carafa
à sa fille, pour l’éloigner de Jules (chapitre VI).
On étudiera ensuite la lettre finale d’Hélène à Jules (chapitre VIII, microlecture no 4), en répondant rapidement à la première partie des questions du dossier s’y rapportant. On réserve
la notion de tragique (deuxième partie des questions) pour les
séances nos 7 et 8 sur la passion dans L’Abbesse de Castro.
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■ Évaluation : écriture d’invention
La séance no 6 est consacrée à la rédaction d’un sujet
d’invention.
Sujet (dossier de l’édition, p. 188-189) : Au chapitre IV de
L’Abbesse de Castro, le narrateur indique : « L’auteur italien rapporte curieusement beaucoup de longues lettres écrites par Jules
Branciforte après celle-ci ; mais il donne seulement des extraits
des réponses d’Hélène de Campireali. Après deux cent soixantedix-huit ans écoulés, nous sommes si loin des sentiments
d’amour et de religion qui remplissent ces lettres, que j’ai craint
qu’elles ne fissent longueur. » Après avoir relu et analysé la lettre
de Jules (chapitre VII, de « Maintenant ma triste tâche » à « et
devint tout à fait stupide de peur »), vous imaginerez la réponse
d’Hélène. Votre lettre devra respecter les critères du genre épistolaire et rendre compte du caractère de l’héroïne ainsi que de
la situation des deux amants.
Devoir en deux heures sur table.
Séances nos 7 et 8 : la passion et le tragique
dans L’Abbesse de Castro
Objectifs → Étudier la notion de récritures ; envisager la
production et la singularité des textes ; découvrir la
notion de tragique dans un récit (séance no 7).
→ Analyser un sommaire narratif : ressaisir toutes les
connaissances sur l’œuvre ; étudier la notion de
restriction de champ : le point de vue d’Hélène
(séance no 8).
Supports → Groupement de textes sur le mythe des amours
contrariés, dossier, p. 172-188 (séance no 7).
→ Microlecture no 4, dossier, p. 165-166 (séance no 8).
■ L’engrenage fatal de la passion :
la récriture de l’amour impossible
On partira pour la séance no 7 de l’introduction du groupement de textes proposé dans le dossier de l’édition (p. 172-188)
et des questions qui s’y rapportent.
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En module, il est souhaitable d’approfondir les connaissances
des élèves sur le mythe des amours contrariés par la recherche
d’autres grandes histoires d’amour tragique (voir la question 5,
p. 188).
■ L’Abbesse de Castro, une « histoire tragique »
La séance no 8 sera consacrée à la lecture analytique de la
lettre d’Hélène à Jules (microlecture no 4, p. 165-166).
Séance no 9 : l’amour et la mort
dans L’Abbesse de Castro
Objectifs → Relire les grandes scansions de l’œuvre en fonction
du registre tragique.
→ Ressaisir les acquis des séances nos 7 et 8.
→ Analyser une citation.
Support → Sujet de dissertation no 1 (dossier, p. 189).
Cette séance s’appuie sur le premier sujet de dissertation proposé dans le dossier de l’édition : Dans L’Amour et l’Occident,
Denis de Rougemont voit dans Roméo et Juliette la récriture de
« ce beau conte d’amour et de mort » qu’est Tristan et Iseut. En
quoi peut-on dire que L’Abbesse de Castro constitue également
un « beau conte d’amour et de mort » ?
1. L’amour et la violence dans L’Abbesse de Castro :
l’impossible contact
1. Certes, l’intrigue se présente comme une histoire d’amour
entre les deux protagonistes, mais cet amour est perçu d’emblée
comme impossible car :
— Hélène et Jules viennent de milieux sociaux éloignés. D’où
le mépris avec lequel le père d’Hélène traite Jules et la violence
qu’il lui inflige lors de la scène du balcon ;
— la structure de l’intrigue met elle-même en valeur cette
union impossible : après l’acmé que constitue le serment entre
les deux amants, les malentendus et les obstacles se multiplient
et rendent cet amour impossible.
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2. Dès lors, les deux amants semblent promis à un destin
tragique.
On attend ici des élèves qu’ils réinvestissent les acquis des
séances nos 7 et 8, par exemple en prenant appui sur l’analyse
de l’ultime lettre d’Hélène et sur la présentation.
3. Ce destin tragique est d’autant plus remarquable que Stendhal récrit les grands mythes de la passion amoureuse.
Ici, il s’agit de montrer que l’hypotexte convoqué par Stendhal lui permet de revisiter les grands mythes de l’amour contrarié et d’inscrire dans ce cadre la problématique de l’histoire de
Jules et d’Hélène, « l’amour-passion ».
2. L’amour et la mort, ou l’union des contraires
1. Plus encore, c’est une « histoire tragique » que nous livre
Stendhal, car elle met en avant les pulsions du désir et de la
mort : l’amour-passion est aussi alliance entre Éros et Thanatos,
le désir et la mort, comme le montre Denis de Rougemont dans
son essai L’Amour et l’Occident.
L’amour de Jules pour Hélène ne peut-il s’accommoder du
monde ?
Certes, les deux amants sont vaincus par les obstacles que le
monde extérieur dresse contre eux, mais cette passion porte en
elle-même le germe de sa sublimation dans la mort. Ici, on
attend des élèves qu’ils réinvestissent ce qui a été étudié dans la
microlecture no 2, sur la problématique du serment. La scène où
Jules renonce à posséder Hélène au nom d’un désir plus haut
n’inscrit-elle pas cet amour dans la catégorie de l’impossible ?
Le suicide d’Hélène est aussi une union des contraires, Éros
et Thanatos car le coup de poignard symbolise tout à la fois la
pénétration et la mort.
2. D’où le problème de la responsabilité des deux amants.
Hélène a déchu sous la pression du mensonge et de la
méchanceté de son entourage mais, en même temps, elle est
restée la même, ce que montre son geste final. Quant à Jules,
lui aussi a succombé au moment même où il pensait triompher,
lors de l’attaque du couvent.
On mettra en avant la responsabilité de la mère d’Hélène,
Victoire Carafa, dans la perte des deux amants, mais aussi celle
de Jules et d’Hélène : pourquoi ne s’est-elle pas réservée à Jules ?
Pourquoi a-t-elle succombé à « l’amour de vanité » et à
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« l’amour-physique » ? On s’appuiera ici sur la lecture cursive de
la déchéance d’Hélène (microlecture no 4)
Ainsi Stendhal renoue-t-il avec les catégories antiques de la
tragédie et du tragique, même si Dieu semble absent du récit :
la notion de fatalité unit amour et mort (voir la présentation de
l’édition, p. 18 et 19).
3. Une vision noire de l’amour.
Dès lors, nous sommes bien loin de la vision prétendument
hédoniste de Stendhal : le bonheur est impossible pour les deux
amants, ce qui signifie que cet échec porte un jour sombre sur
la condition humaine. Si le cadre de l’Italie du XVIe siècle était le
plus à même de favoriser cet amour qui pourtant échoua, que
dire du cadre français de 1830 ?
La libération d’Hélène par sa mère est une dégradation de
l’attaque du couvent de Castro par Jules, tout comme l’amour
d’Hélène pour l’évêque est une dégradation de celui qu’elle
éprouve pour Jules : la pureté de l’amour-passion est éphémère.
IV. Orientations bibliographiques
De Stendhal
Chroniques italiennes, éd. Béatrice Didier, GF-Flammarion,
1977 [on se reportera à l’édition complète des Chroniques
italiennes pour lire l’intégralité des chroniques et l’introduction très suggestive de Béatrice Didier. De même, les archives
de l’œuvre fournies en annexe sont utiles pour cerner le processus d’écriture stendhalien].
La Chartreuse de Parme [pour le lien entre L’Abbesse de Castro
et La Chartreuse de Parme].
Textes critiques
BLIN, Georges, Stendhal et les problèmes du roman, José Corti,
1954 (rééd. 1973).
GENETTE, Gérard, « Stendhal pseudonyme », dans Figures II,
Seuil, 1969 [sur les problèmes narratologiques posés par
L’Abbesse de Castro].
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SAMAAN, Brigitte, Étude sur Stendhal. Chroniques italiennes,
Ellipses, 2001 [une étude parascolaire très instructive sur les
Chroniques italiennes].
François-Xavier HERVOÜET,
professeur de français et de culture générale en lycée
et classes préparatoires au lycée Pierre de Coubertin,
à Meaux (Seine-et-Marne).