L`Abbaye Notre-Dame de Tuffé

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L`Abbaye Notre-Dame de Tuffé
L'Abbaye Notre-Dame de Tuffé
Historique
Selon la tradition, c'est dans le deuxième quart du VIIe siècle qu'est créé sur le site actuel de la commune
de Tuffé un premier monastère de femmes avec l'accord de l'évêque Béraire. La fondatrice de ce
premier établissement est une riche veuve d'origine noble nommée Loppa. C'est elle qui devient la
première abbesse du monastère, dont les moniales sont originaires de Sainte-Marie du Mans. À cette
abbaye de femmes s'ajoute progressivement un monastère d'hommes chargé des travaux temporels.
Peu à peu, le développement de l'abbaye entraine l'apparition d'un bourg qui se dote rapidement d'une
église paroissiale.Si, de cette époque, nous disposons de quelques sources écrites ; il ne subsiste en
revanche aucune trace archéologique de cette ancienne abbaye de femmes qui disparaît entre le IXe
et le XIe siècle en raison des invasions normandes et de la main-mise croissante des seigneurs laïcs
sur les biens du clergé.
Une fois le calme revenu, la vie monastique reprend ses droits à Tuffé au XIe siècle sous l'égide du
seigneur Hugues de Mondoubleau. Une nouvelle abbaye d'hommes obéissant à la règle de saint-Benoit
est alors créée à Tuffé. À la mort du seigneur Hugues de Mondoubleau en 1073, le domaine passe à sa
fille et à son gendre Hamelin de Langeais qui, aux alentours de 1079, fait don du nouveau monastère à
l'abbaye de bénédictins Saint-Vincent du Mans ; à charge pour eux d'y entretenir au moins six moines.
Dès lors, l'abbaye Notre-Dame de Tuffé devient un prieuré conventuel ; statut qu'elle conservera jusqu'à
la Révolution.
Au fur et à mesure que l'établissement de Tuffé prospère, les moines se retrouvent à la tête d'un
puissant monastère. Cette puissance est acquise grâce au rôle religieux de l'établissement, mais
également grâce au statut de grands propriétaires terriens et de seigneurs de paroisse que détiennent
les moines. À la fin du XIIe siècle et au XIIIe siècle, le domaine du prieuré s'accroit avec l'introduction
de nouvelles terres provenant de dons et de tractations. Grâce à ces différentes transactions, les
moines du prieuré gravissent la hiérarchie féodale et accèdent au statut de baron. Tuffé devient alors
l'établissement le plus important des 21 prieurés appartenant à l'abbaye Saint-Vincent. Il le restera
jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, aussi bien par l'étendue de son domaine que par ses revenus.
Aux XIVe et XVe siècles, le prieuré de Tuffé connait toute une série de difficultés (imputables à la guerre
de Cent-Ans et aux problèmes internes de l'ordre bénédictin) qui contraignent les moines à concéder
progressivement une partie de leurs terres à des seigneurs laïcs. Au XVIe siècle, le prieuré de Tuffé, à
l'image de nombreux autres établissements bénédictins, sombre dans la désorganisation et le laxisme.
Il ne compte plus au début du XVIIe siècle que six moines résidents.
Il faut finalement attendre la reprise en main du monastère par la congrégation de Saint-Maur pour
que l'établissement retrouve la totalité de son lustre passé. En 1636, l'abbaye Saint-Vincent du Mans
est réformée à l'initiative de la congrégation de Saint-Maur, dont le but est d'apporter au sein des
abbayes françaises une meilleure observance de la règle de Saint-Benoit. Cet objectif entraine à Tuffé
l'arrivée de huit nouveaux moines en 1646 et la reconstruction des bâtiments conventuels entre 1680
et 1740 ; à l'exception de l'église abbatiale et des bâtiments agricoles qui font simplement l'objet de
travaux d'entretien et de réaménagements intérieurs. Les bâtiments reconstruits ou modifiés sont le
logis prieural, le cloître, la porterie et les jardins réguliers.
La phase de travaux entreprise par les moines mauristes se termine à la fin des années 1730. Ces
travaux ont représenté un coût très important pour le monastère qui commence à rencontrer des
difficultés financières dès 1743. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, le recrutement dans la
congrégation de Saint-Maur s'effondre et on ne compte plus à Tuffé que deux moines permanents. La
vie conventuelle du prieuré est supprimée, faute d'un nombre suffisant de moines, à la fin de l'année
1767. Les biens temporels du monastère sont alors réunis à la mense de l'abbaye Saint-Vincent du
Mans. Les moines confient la gestion du prieuré et de ses dépendances à un fermier afin d'assurer à
l'abbaye Saint-Vincent les revenus des terres qui en dépendent (bail à ferme général).
La Révolution française sonne le glas du prieuré en tant qu'établissement monastique. En 1792, le
prieuré et les terres qui en dépendent sont vendus comme biens nationaux. Le prieuré est alors acheté
par Jean Galmard, marchand de bois originaire de Bonnétable, qui décide d'y installer une faïencerie à
partir de 1798. Après quelques années d'exploitation et plusieurs changements de propriétaires, cette
faïencerie ferme définitivement ses portes en 1832.
Le prieuré est ensuite loué à une date indéterminée à la municipalité pour servir de mairie et de siège
de justice de paix. La destruction progressive des bâtiments réguliers dans le courant du XIXe siècle, à
la suite de la démolition volontaire de l'église abbatiale en 1771, n'a permis de conserver que quelques
éléments de l'ancien monastère. Dans le courant du XIXe siècle, les anciens bâtiments agricoles du
prieuré sont séparés des vestiges subsistants du logis et transformés en une ferme indépendante.
L'aile ouest du cloître est alors utilisée comme maison d'habitation par les fermiers ; tandis que le
pavillon lui-même est racheté par une famille originaire de la capitale en vue de devenir une résidence
secondaire. Un parc paysager planté d'essences exotiques remplace les anciens jardins réguliers. Ne
subsiste plus de l'ancien prieuré en 1972 qu'une petite portion du cloître, le pavillon d'angle de l'ancien
logis, le pigeonnier, l'ancienne grange dîmière et la porterie.
Conservation, restauration et mise en valeur actuelle du prieuré
Ce n'est que très récemment que la commune de Tuffé a pris conscience de l'existence de son ancienne
abbaye. Celle-ci était en effet tombée dans un oubli quasi total au cours du XXe siècle ; à tel point que
les habitants eux-mêmes n'établissaient plus de relation directe entre, d'une part, le pigeonnier et l'aile
ouest du cloître, dont on pensait qu'il ne s'agissait que d'un bâtiment de ferme, et d'autre part l'ancien
logis prieural, qui apparaissait aux yeux de tous comme une simple maison bourgeoise de campagne.
Après leur redécouverte et pour en assurer au mieux la préservation, les vestiges conservés du prieuré
furent peu à peu rachetés par la municipalité. Le cloître, le pigeonnier et l'ancienne basse-cour de la
ferme devinrent propriété communale en 1985. En 2004 vint s'y ajouter le pavillon restant du logis
prieural.
Le rachat des bâtiments subsistants du prieuré a répondu à deux objectifs principaux. Le premier,
purement matériel, était de rétablir un passage entre la place de l'église et la base de loisirs du plan
d'eau pour faciliter l'accès à celle-ci par le centre du bourg.
Le second était bien entendu de restituer et de valoriser un ensemble historique dont on avait totalement
perdu la trace, pour en faire un lieu vivant et un témoignage du passé ancien de la commune. C'est dans
cette optique que fut créée en décembre 2003 l'association des Amis de l'abbaye Notre-Dame de Tuffé.
Le premier président de cette association, Bernard Rerat, ainsi que le maire de Tuffé de l'époque, JeanPierre Maupay, ont réalisé un gros travail de mobilisation de la commune et des professionnels locaux
du patrimoine afin de faire reconnaître l'importance de ce site historique et encourager sa valorisation.
Dès 2003, des travaux d'étude du bâti, de sauvegarde et de restauration ont été menés au prieuré. Le
pigeonnier a été le premier bâtiment à être restauré entre 2004 et 2006.
La restauration du pavillon a nécessité un investissement plus conséquent. Suivant les conseils des
professionnels du Pays d'art et d'histoire du Perche sarthois, il a été décidé de réaliser une étude
préalable du bâtiment avant d'engager les travaux. Un appel d'offre a été lancé afin de recruter un
architecte du patrimoine habilité à réaliser ce genre d'étude. La direction de cette étude, puis des
travaux de restauration du pavillon, ont été confiés à l'architecte Alain Barbier. Après l'obtention des
subventions et la décision communale de commencer les travaux, le permis de construire a été établi.
Le chantier a eu lieu de janvier à septembre 2008. La toiture de l'ancienne grange dîmière a été
restaurée durant cette même phase des travaux.
À la suite de la découverte d'une sépulture à l'emplacement supposé de l'ancienne église abbatiale
disparue, l'archéologue Jean-David Desforges a été missionné par la commune afin de réaliser une
analyse archéologique des façades nord et ouest du pavillon. Son travail a fourni des éléments précis de
datation des différents constituants de ces façades et des dessins très détaillés retraçant la chronologie
de leur construction. Ces éléments ont permis de proposer au maitre d'ouvrage plusieurs versions de
restauration de la façade du pavillon. Chaque époque de l'histoire du prieuré ayant laissé son empreinte
sur le bâti, il était illusoire de vouloir homogénéiser l'ensemble du pavillon par une restauration qui aurait
privilégié une seule période de construction par rapport à une autre. Le parti de restauration retenu a
donc été de faire des choix partie par partie, en proposant de restaurer les parties anciennes quand
elles étaient connues (ex: sols, enduits, voûtes), tout en conservant des dispositions plus récentes,
comme les combles ou certains aménagements du XIXe siècle.
Le parc de l'abbaye fait également l'objet d'une réhabilitation particulière depuis l'année 2009. Mis
en œuvre par Édith Boulen, l'une des membres de l'association, ce projet vise à recréer près d'une
dizaine de jardins thématiques, proposant chacun une atmosphère différente évoquant la conception
des relations de l'homme à la nature, de l'abbaye primitive jusqu'à nos jours. Cette mise en valeur du
parc de l'abbaye répond à un engouement de plus en plus affirmé des visiteurs pour le patrimoine
paysager. À Tuffé, les travaux de réhabilitation des jardins possèdent un double-avantage, ils sont
moins coûteux que les travaux du bâti (travail des bénévoles de l'association) et ils favorisent une
fréquentation continue du prieuré grâce à leur constante transformation. C'est peut-être d'ailleurs ici
l'un des atouts principaux de l'abbaye : associer la découverte d'un patrimoine bâti et d'un patrimoine
paysager.
Les prochains travaux de restauration concerneront la protection et la mise en valeur du cloître,
avec l'installation, en son sein, d'un nouvel espace d'accueil pour les visiteurs. Dans la perspective
de ces travaux, un relevé architectural et archéologique du bâtiment et de ses annexes est en
cours. L'opération a reçu l'aval du Service Régional de l'Archéologie. Elle est pilotée par Jean-David
Desforges, l'archéologue qui a réalisé l'étude des pignons ouest et nord du pavillon.
Cette campagne de restauration s'achèvera (si possible) par la réalisation de sondages archéologiques
destinés à repérer de nouveaux éléments concernant les bâtiments manquants du prieuré (notamment
l'église abbatiale).
Le prieuré de Tuffé est labellisé « Patrimoine vivant » de la Sarthe depuis 2008. Ce label donne
aux associations et aux communes sélectionnées la possibilité de proposer une animation culturelle
de qualité en vue d'inciter le grand public à découvrir des artistes dans des lieux de caractère, le
plus souvent situés en territoire rural. L'acquisition de ce label, qui s'accompagne d'un financement
du Conseil général de la Sarthe (depuis 2005 à Tuffé), permet à l'association des amis de l'abbaye
Notre-Dame d'organiser chaque année une douzaine de manifestations culturelles (ateliers découverte,
concerts, expositions, conférences, Journées du patrimoine, Rendez-vous aux jardins).
Sont ouverts actuellement à la visite le logis prieural, le cloître, le pigeonnier, la grange et les jardins,
ainsi qu'un petit musée de la bourrellerie à l'étage du logis. Des visites guidées du prieuré, sur
réservation, sont réalisées pour les groupes tout au long de l'année en partenariat avec le Pays d'art et
d'histoire du Perche sarthois et l'Office du tourisme de la Ferté-Bernard. Pour les individuels, le prieuré
est accessible tous les vendredis, samedis, dimanches et jours fériés en juillet et en août de 14h à 19h.
Des visites guidées sont proposées l'été chaque dimanche après-midi (tarif : 2 €).
Bibiographie
Ouvrages
-LEMERCIER Sylvie, « La seigneurie du prieuré de Tuffé au temps des mauristes », dans La Province
du Maine, janvier-juin 2006, p.61-79.
-Le patrimoine des communes de la Sarthe, Tome 2, Paris, Flohic Editions, collection « Le Patrimoine
des Communes de France », 2000.
-LÉVY André (dir.), Les Hommes et les Défis d'une Restauration. Actes du Colloque Le Mans, Vivoin,
Tuffé. 27, 28, 29 novembre 2008, Mulsanne, ITF Editeurs, 2010.
-PESCHE Julien-Rémi, Dictionnaire topographique, historique et statistique de la Sarthe, Paris, Le Livre
d'histoire, collection « Monographies des villes et villages de France », 1999 (1ère édition 1829).
Autres
-Entretien avec M. Jean-Pierre Maupay, ancien maire de Tuffé (2001-2008) et précédent président de
l'association des Amis de l'abbaye Notre-Dame de Tuffé
-Guide de visite de l'association des Amis de l'abbaye Notre-Dame de Tuffé
-Dépliant du Pays d'art et d'histoire du Perche Sarthois sur le « Pôle ecclésiastique de Tuffé »
-Blog de l'association des Amis de l'abbaye Notre-Dame de Tuffé

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