traitement chirurgical des fistules durales rachidiennes

Transcription

traitement chirurgical des fistules durales rachidiennes
Article original
TRAITEMENT CHIRURGICAL
DES FISTULES DURALES RACHIDIENNES A DRAINAGE
VEINEUX PERIMEDULLAIRE :
ETUDE RETROSPECTIVE A PROPOS DE 32 CAS
SURGICAL TREATMENT OF SPINAL DURAL
ARTERIOVENOUS FISTULAE :
A RETROSPECTIVE STUDY OF 32 CASES
R. Guillevin 1, J.N.Vallee 1, L. Sakka 2, P. Cornu 2, J. Chiras 1
1- Service de Neuroradiologie,
2 Service de Neurochirurgie
Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, Bd de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13.
Résumé
Summary
bjectifs : les fistules durales rachidiennes
constituent un enjeu thérapeutique important
puisque, première cause d’atteinte vasculaire
de la moelle, elles représentent la seule pathologie vasculaire médullaire curable. Aussi l’étude des facteurs
épidémiologiques et cliniques, ainsi que les données
de l’imagerie, corrélés aux paramètres thérapeutiques,
permet-elle de dégager ici de nouveaux arguments thérapeutiques et pronostiques sur les fistules durales.
Matériels et méthodes : 32 patients ont été pris en
charge au sein du GHPS entre 1976 et 2002 et traités
chirurgicalement. 11 d’entre eux avaient préalablement fait l’objet d’une embolisation par cyanoacrylates. Les paramètres cliniques ont été colligés selon les
critères d’Aminoff et Logue et corrélés avec les paramètres de l’imagerie (myélographie et IRM) à différents stades pré et post-thérapeutiques, soient 4 évaluations au total.
ackground and purpose : spinal dural arteriovenous fistulae still remain a therapeutic challenge, because they represent the first cause of
medullar vascular disease. Moreover, they are the only
curable cause of medullar ischemia. So the study of epidemiologic and clinical data, also those of imaging, and
correlation with therapeutic data performed in this
study give us new therapeutic and outcome prognosis
features.
Materials and methods : 32 patients with spinal dural
arteriovenous fistulae were managed and surgically
treated in Pitié-Salpêtrière hospital between 1976 and
2002. 11 of them had been previously treated by embolization with glue. Clinical data were collected according the criterions of Aminoff and Logue scale. Imaging
data of both myelography and MRI were also collected
and correlated with clinical data. Four successive evaluation of all parameters were performed.
O
RACHIS - Vol. 16, n°2, Juin 2004
B
121
R. Guillevin, J.N.Vallee, L. Sakka, P. Cornu, J. Chiras
Les études corrélatives statistiques ont été réalisées à
l’aide du test khi-2 pour corréler les variables nominales, en particulier à l’aide du test exact de Fisher pour
les variables nominales à deux ordres. Les corrélations
entre variables numériques et nominales ont été réalisées à l’aide du test de Mann-Whitney et Wilcoxon
dans le cas de variables nominales à deux ordres, et du
test de Kruskall et Wallis dans le cas de variables
nominales à plus de deux ordres.
Résultats : le bénéfice clinique post-thérapeutique est
significatif (p=0,017) pour tous les patients opérés
avec succès, mais demeure “proportionnel” au déficit
pré-existant. En revanche, le bénéfice est moins net
sur la sensibilité profonde, qui persiste lorsqu’elle préexistait au traitement. Pourtant, la durée d’évolution
pré-thérapeutique n’est pas corrélée (p>0,05) au pronostic clinique post-thérapeutique. Aucune différence
significative (p>0,05) n’a été retrouvée entre les différentes techniques chirurgicales employées. Le taux
d’échec de la chirurgie demeure plus faible que celui
de l’embolisation, mais avec des complications plus
nombreuses et plus graves que celles de l’embolisation.
Statistical correlation studies were performed with khi-2
test for nominal variables, especially with exact Fischertest for two orders nominal variables. Correlations between numerical variables and nominal variables has
been obtained by Mann-Whitney et Wilcoxon test for two
orders nominal variables, and Kruskall and Wallis test
nominal variables of more than two orders.
Results : clinical outcome improvement is significant
(p=0,017) for all patients successfully treated. However,
this improvement remains « proportional » to the previous deficiency. Evolution time before diagnosis and
outcome prognosis are not correlated (p>0,05). No statistical difference was found (p>0,05) between different
surgical techniques for outcome prognosis. Failure rate
of surgery remains lower than embolization one, but
complications are more frequent and more serious than
those noticed with embolization.
Mots-clefs : Mœlle épinière - Fistule durale artério-veineuse Artériographie rachidienne.
Key-words : Spinal cord - Dural arteriovenous fistula - Outcome spinal arteriography
l faut remonter à 1885 avec Hebold, suivi De
Gaupp en 1888, Brash en 1900, Krause en 1911 et
Elsberg en 1916 (sur des descriptions opératoires)
pour retrouver une première évocation des “malformations artério-veineuses médullaires”. Plusieurs classifications, basées sur des constatations opératoires et anatomiques se succédèrent ensuite, tentant d’en préciser
les différents types. L’introduction de l’angiographie
médullaire sélective a rapidement permis de distinguer
entre les malformations postérieures de traitement relativement aisé et les malformations intramédullaires
posant d’importants problèmes thérapeutiques.
Ainsi Djindjian R et al.(1) proposèrent en 1969 une
classification selon trois types de ces malformations,
basée sur leur alimentation artérielle :
- les malformations artérioveineuses intramédullaires,
toujours vascularisées au moins partiellement par le
système spinal antérieur ;
- les malformations artérioveineuses rétro ou extramédullaires, vascularisées par l’axe spinal postérieur ;
- les malformations artérioveineuses mixtes, tributaires des deux axes artériels.
Pour tous ces auteurs, l’ensemble des malformations
étaient alimentées par le système artériel médullaire.
Au début des années 70, la mise en évidence d’une
“alimentation artérielle inhabituelle” fait évoluer le
concept d’angiome rétromédullaire : Stein en 1972 et
Heindel en 1975 rapportent ainsi deux cas de fistule
artérioveineuse de siège intradural et alimentées
respectivement par une artère ilio-lombaire et une
artère sacrée (2, 3). Simultanément, des progrès sont
réalisés dans l’angiographie médullaire sélective avec
le repérage des branches des artères intercostales (4),
associés à l’amélioration de la qualité des images
(soustraction) : la particularité de l’alimentation artérielle de cette malformation artérioveineuse par des
I
RACHIS - Vol. 16, n°2, Juin 2004
122
Traitement chirurgical des fistules durales rachidiennes à drainage veineux périmédullaire : étude rétrospective à propos de 32 cas
moyenne, sans interposition d’un réseau angiomateux,
entre une ou plusieurs artérioles méningées et une
veine radiculo-médullaire unique se drainant avec un
faible débit à contre-courant, de façon centripète, vers
le réseau veineux périmédullaire de façon ascendante
ou descendante ou bien des deux façons à la fois (20).
Ce shunt est localisé dans la dure-mère entourant la
racine nerveuse proximale et la dure-mère spinale
adjacente.
La présente étude, rétrospective, collige les données
cliniques pré et post-thérapeutiques de 32 fistules
durales rachidiennes traitées chirurgicalement entre
1975 et 2002. Les techniques chirurgicales ont été
recensées et confrontées statistiquement aux données
cliniques.
branches (radiculo-) méningées le plus souvent indépendantes de l’axe spinal est alors clairement établie.
En revanche, jusqu’en 1977, la relation entre la malformation rachidienne extra-durale et la malformation
durale avec drainage intradural demeura non élucidée.
C’est alors que Kendall et Logue (5) mirent en évidence que la plupart de ces “malformations artérioveineuses”, jusqu’alors appelées angiomes spinaux, ou
encore “long dorsal arteriovenous malformation”,
“single coiled vessel malformation”, “angioma racemosum venosum”, en l’absence d’une connaissance
précise du site du nidus, souvent masqué par le retour
veineux anormal, n’étaient rien d’autre que le drainage veineux intra dural d’une malformation à localisation durale radiculaire, comme cela a pu être prouvé
chirurgicalement (6, 7). En 1980, Merland et al.
publient une série de 13 cas de “fistules artérioveineuses intracanalaires extramédullaires à drainage veineux médullaire” (7).
En 1987 Merland et al. (20) introduisent une classification des lésions vertébro-médullaires en fonction de
leur siège et de leur morphologie ; il distinguent
notamment :
● les malformations artérioveineuses intramédullaires ;
● les fistules artérioveineuses périmédullaires intradurales, situées à la surface de la moelle et constituées
d’un shunt direct entre une artère médullaire et une
veine périmédullaire ;
● les fistules artérioveineuses durales à drainage veineux périmédullaire proprement dites.
Enfin en 1993 Anson et Spetzler (9) élaborent une ultime classification où 4 types de malformations artérioveineuses médullaires sont recensées :
- type I : fistules artério-veineuses durales ;
- type II : malformations artério-veineuses intramédullaires ;
- type III : malformations artério-veineuses intramédullaires de type juvénile avec parfois un composant
extramédullaire, voire extradural ;
- type IV : fistules artério-veineuses intradurales extramédullaires.
Matériel et méthode
32 patients ont été pris en charge au GHPS entre 1976
et 2002 pour fistule durale rachidienne. 25 femmes et
7 hommes, d’âge moyen 61,5 ans (de 34 à 87 ans) au
moment du diagnostic. Le délai moyen entre le début
des troubles et le diagnostic était de 23,5 mois (de 1 à
84,7 mois).
Tous les patients ont bénéficié d’une évaluation préthérapeutique clinique et par imagerie :
● De 1976 à 1986, 19 patients ont bénéficié d’une
myélographie.
● De 1986 à 2002, 16 patients ont bénéficié d’une
IRM.
● 3 patients ont bénéficié des deux examens.
Le diagnostic de fistule durale rachidienne a été posé
pour chaque patient sur les données de l’angiographie
médullaire. Une fistule e été diagnostiquée chez chacun des patients. Tous les patients ont été traité par chirurgie, précédée d’une embolisation dans 11 cas.
Tous les patients traités ont bénéficié d’un suivi postthérapeutique clinique et par imagerie.
Quatre familles de paramètres ont été étudiés :
1/Cliniques
2/Imagerie
3/Thérapeutiques
4/Evolutifs
Actuellement tout le monde s’accorde à considérer
que la fistule durale à drainage veineux périmédullaire est une lésion vasculaire de la dure-mère alimentée
par les branches artérielles naissant des artères intercostales lombaires (plus rarement sacrées, cervicales
ou intracrâniennes) et se drainant dans le réseau veineux périmédullaire.
Le shunt microscopique direct mesure 140 microns en
RACHIS - Vol. 16, n°2, Juin 2004
Les paramètres cliniques comprennent :
● l’âge au moment du diagnostic et le sexe ;
● le mode de début, brutal ou progressif, ainsi que la
chronologie d’installation des troubles par type de
123
R. Guillevin, J.N.Vallee, L. Sakka, P. Cornu, J. Chiras
- son afférence artérielle (anastomotique / longue ou
moyenne) ;
- son drainage veineux : extensif (sur plus de deux
étages) ou loco-régional ;
- descendant, ascendant ou mixte ;
- la visualisation éventuelle d’une veine médullo-radiculaire avec un niveau de sortie épidurale.
Tous ces paramètres étaient destinés à affiner l’étude
hémodynamique de la fistule durale en les corrélant à
ceux des différents examens cliniques et para cliniques.
symptômes moteurs / sensitifs / génito-sphinctériens ;
● une éventuelle pathologie intercurrente ;
Les éléments de l’examen clinique initial sont classés
selon trois cadres :
● atteinte motrice :réflexes ostéotendineux et cutané
plantaire, ainsi que testing musculaire (de 1 à 5) sur
chaque membre inférieur avec relevé du périmètre de
marche et cotation de l’altération de la marche (de 1 à
6) en résultant ;
● atteinte sensitive profonde et superficielle, cette dernière étant subdivisée en paresthésies, hyperesthésie et
en hypo- ou anesthésie avec les territoires correspondants ;
● atteinte génito-sphinctérienne, avec cotation (de 1 à
3) d’une éventuelle dysfonction anale ou vésicale.
Etude des éléments thérapeutiques.
● méthode utilisée ;
● complications éventuelles.
Suivi évolutif
L’évolution a été appréciée en réévaluant les paramètres cliniques initiaux à des temps différents, en postprocédure immédiat, dans les semaines suivantes, à
moyen (6 à 15 mois) et à plus long terme (au-delà de
18 mois). Là encore, le but était d’évaluer l’incidence
des traitements chirurgicaux sur les différents paramètres cliniques (moteurs, sensitifs et génito-sphinctériens) en tentant d’établir ainsi des délais moyens de
récupération pour les différents types d’atteinte observés initialement, en les corrélant aux paramètres IRM
et angiographiques, eux-mêmes colligés aux mêmes
intervalles pour l’IRM, et en cas de suspicion de récidive pour l’angiographie.
Le détail des différentes cotations selon Aminoff et
Logue de l’atteinte de la marche et des fonctions
sphinctériennes est donné dans le tableau 1.
Trois grandes familles d’arguments en imagerie ont
été relevés :
Pour les 19 myélographies réalisées, ont été notés :
● l’existence d’un réseau veineux péri médullaire dilaté ;
● le niveau topographique de la fistule quand il était
proposé.
Pour les 16 IRM initiales, cinq arguments ont été systématiquement recherchés et évalués :
● le diamètre médullaire :augmenté / normal / diminué ;
● un hypersignal T2 intra médullaire ;
● un hypersignal T1 péri-médullaire après injection de
Gadolinium ;
● un flow void intracanalaire.
Pour chacun de ces cinq éléments, la topographie et
l’extension ont été précisés de la façon suivante :
● Topographie : cervicale=1 / dorsale haute=2 /dorsale basse=3 / lombaire=4 ;
● Extension : _au plus deux corps vertébraux=1 :
- deux à quatre vertèbres=2 ;
- au moins quatre vertèbres=3.
Analyse statistique
Les études corrélatives statistiques ont été réalisées à
l’aide du test khi-2 pour corréler les variables nominales, en particulier à l’aide du test exact de Fisher pour
les variables nominales à deux ordres.
Les corrélations entre variables numériques et nominales ont été réalisées à l’aide du test de MannWhitney et Wilcoxon dans le cas de variables nominales à deux ordres, et du test de Kruskall et Wallis dans
le cas de variables nominales à plus de deux ordres.
Résultats
L’angiographie médullaire permet de colliger de nombreux paramètres.
L’Artère Spinale Antérieure (ASA) a été repérée avec
un éventuel tronc commun avec la fistule et son retour
veineux étudié, retardé ou absent. La fistule a été
caractérisée par :
RACHIS - Vol. 16, n°2, Juin 2004
Sur les trente-deux patients opérés, 21 (62,5%) n’ont
pas subi d’embolisation préalable. Dans 11 de ces cas,
il existait un tronc commun d’alimentation avec une
ASA (8 cas) ou une ASP (3 cas). Un échec du cathétérisme à été retrouvé dans 8 cas, dont 4 liés à un spas124
Traitement chirurgical des fistules durales rachidiennes à drainage veineux périmédullaire : étude rétrospective à propos de 32 cas
me persistant de l’afférence artérielle. Enfin dans un
cas l’existence d’une anastomose a été retenue comme
une contre-indication.
Quatre méthodes opératoires ont été utilisées pour les
patients de cette série. La pose d’un clip associée à une
électrocoagulation a été la plus fréquente (37,5%), suivie de l’exérèse de la zone de shunt après pose de clip
(25%), de la coagulation seule (21,8%), et enfin de
l’exérèse de la zone de shunt sans clip associé
(15,7%).
Trois patients ont été opérés deux fois, après échec du
repérage per-opératoire (2 cas) ou du clippage (1 cas).
Une deuxième tentative a été réalisée avec succès,
après repérage per-opératoire.
Deux échecs (6,25%) ont été notés : le premier chez le
patient préalablement embolisé deux fois ; le deuxième chez un patient auparavant embolisé, puis à nouveau embolisé après l’échec chirurgical, sans succès
(spasme de l’afférence).
Trois patients (9,37%) ont dû être repris une seconde
fois, le shunt n’ayant pas été localisé au cours de la
première intervention.
2 complications (6,25%) ont été rapportées : une méningocèle (ayant nécessité une ré intervention) et une paraplégie avec très faible récupération secondaire.
Le suivi post-opératoire était de 24,4 mois en moyenne, (de 2 à 144 mois). 22 patients ont eu un suivi supérieur à 12 mois, 12 patients ont eu un suivi supérieur à
18 mois, et enfin 6 patients ont eu un suivi supérieur à
36 mois. Ce suivi a été clinique dans tous les cas, associé à un suivi IRM systématique pour tous les patients
pris en charge après 1986. Seuls les patients ayant présenté une symptomatologie clinique et /ou IRM évocatrice d’une persistance de leur fistule ont fait l’objet
d’une nouvelle artériographie.
Figure 1 : Artériographie médullaire. Fistule durale alimentée par T8 G,
avec shunt (flèche) et artérialisation rétrograde du réseau veineux périmédullaire (têtes de flèches).
ficielle ne s’améliore significativement qu’à long
terme. Ces résultats, établis selon les mêmes critères
d’Aminoff et Logue (19), corroborent ceux des séries
chirurgicales de la littérature (10 à 16), mais avec une
progression du taux d’amélioration post-opératoire,
puisque Symon (11) a noté au plus 80% d’amélioration. L’amélioration précoce de la marche et des fonctions sphinctériennes apparaît également plus marquée
que dans les séries précédentes (11 à 16).
Il est notable que l’amélioration clinique post-opératoire observée, pour significative qu’elle soit, n’en est
pas moins “proportionnelle” au statut clinique préexistant. Ainsi, les patients présentant une atteinte
sensitivomotrice et /ou génito-sphinctérienne pré-thérapeutique sévère ne récupèrent pas forcément complètement, même si le bénéfice thérapeutique est réel.
Ces résultats inciteraient donc à proposer un traitement à tous les patients, même ceux sévèrement han-
Discussion
Dans cette étude, une amélioration significative
(p=0,017) des paramètres moteurs et sphinctériens a
été retrouvée à tous les stades du suivi post-thérapeutique, même pour les patients suivis au-delà de 36
mois (n=6), et ce pour tous les patients opérés avec
succès (n=30). En revanche, l’atteinte sensitive superficielle régresse de façon plus aléatoire, moins constante, que l’atteinte motrice ou sphinctérienne.
L’atteinte sensitive profonde, notamment proprioceptive, ne régresse jamais lorsqu’elle préexistait au traitement, alors que l’amélioration de la sensibilité superRACHIS - Vol. 16, n°2, Juin 2004
125
R. Guillevin, J.N.Vallee, L. Sakka, P. Cornu, J. Chiras
A
B
Figure 2 : Aspects IRM d’une fistule durale (acquisitions sagittales).
A- Hypersignal T2 intra-axial et hypertrophie du cône médullaire remontant jusqu’en T6 (têtes de flèches).
B- Hypersignal T1 post-gadolinium périmédullaire correspondant au réseau veineux périmédullaire dilaté (têtes de flèches).
Symon et al. (11), qui suggéraient un bénéfice clinique post-thérapeutique significativement meilleur
pour les patients présentant initialement le plus faible
handicap fonctionnel. Le suivi à long terme des
patients traités pour une fistule durale rachidienne,
déjà relativement âgés au moment du diagnostic - 65
ans pour la série de Tacconi et al. (13) - soulève le
problème d’affections intercurrentes susceptibles
d’aggraver le pronostic fonctionnel, voire d’obérer
une éventuelle récupération post-thérapeutique. Cela
est d’autant plus vrai pour suivi à très long terme de
84 mois en moyenne, rapporté par Tacconi et al. (13).
Quelle que soit la technique utilisée, l’évaluation à
long terme peut donc s’avérer difficile sinon impossible. Un modèle clinique de cette pathologie, corroboré par l’importante dispersion des durées d’évolution
pré-thérapeutiques, pourrait comprendre une évolution par paliers, avec une phase de latence clinique
dicapés, tous les patients présentant une zone de
“pénombre ischémique médullaire” d’étendue variable et susceptible de bénéficier du traitement. De plus,
la sévérité de l’atteinte n’est pas forcément liée à la
durée d’évolution pré-thérapeutique. Ainsi, 2 cas de
début brutal ont été observés dans cette étude, avec
une progression rapide des troubles et un handicap
fonctionnel important. Ces patients étaient tous deux
porteurs d’un tronc intercostal d’alimentation de leur
fistule commun avec l’ASA. L’absence de corrélation,
dans cette étude, entre l’âge ou la durée d’évolution
pré-thérapeutique et le pronostic clinique post-thérapeutique, va d’ailleurs dans le même sens. Rosenblum
et al. (10) ont déjà rapporté l’absence de corrélation
entre l’existence ou le degré d’atteinte sensitive ainsi
que le taux de progression des déficits neurologiques
d’une part, et le pronostic clinique post-thérapeutique
d’autre part. Ceci nuance la position développée par
RACHIS - Vol. 16, n°2, Juin 2004
126
Traitement chirurgical des fistules durales rachidiennes à drainage veineux périmédullaire : étude rétrospective à propos de 32 cas
Figure 3 : Ouverture de la dure-mère; mise en évidence du réseau veineux
péri-médullaire dilaté (têtes de flèche).
Figure 5 : Electrocoagulation du pied de la veine de drainage (têtes de flèche).
Figure 4 : Dégagement du pied de la veine de drainage en amont du shunt
(têtes de flèche).
Figure 6 : Pose du clip.
longue, pauci-symptomatique ou avec des épisodes
déficitaires spontanément régressifs, suivie d’une
phase d’aggravation rapide avec constitution de déficits fixés, cette période courte apparaissant cruciale
pour le diagnostic et le traitement. L’absence de corrélation entre la durée d’évolution clinique pré-thérapeutique et le pronostic clinique suggérerait alors que
les patients sont dépistés et pris en charge trop tard
dans l’évolution naturelle de leur maladie. Les indications de l’artériographie médullaire, examen de référence, demeureraient à ce jour encore trop restrictives.
En effet, cette pathologie, trop souvent méconnue,
n’est pas systématiquement évoquée devant une
symptomatologie clinique et une sémiologie IRM
pourtant compatibles.
RACHIS - Vol. 16, n°2, Juin 2004
Figure 7 : Résultat final.
127
R. Guillevin, J.N.Vallee, L. Sakka, P. Cornu, J. Chiras
velle tentative. L’afférence artérielle initiale est partiellement ou totalement occluse, et les afférences anastomotiques se révèlent trop distales et/ou trop sinueuses
pour être microcathétérisées ; ou bien encore la nouvelle afférence présente un tronc commun avec une
artère spinale antérieure ou postérieure.
L’association de la pose d’un clip d’une part, à l’électrocoagulation plus ou moins l’exérèse du shunt d’autre part, a été réalisée dans 20 cas de cette étude, sans
effet significatif (p >0,05) par rapport à chacune des
techniques prises séparément sans clippage préalable.
En outre, l’ablation totale du réseau veineux dilaté
apparaît inutile et dangereuse (11). En effet, un phénomène compressif médullaire lié à l’hypertrophie du
réseau veineux dilaté paraît improbable. La chirurgie
décompressive rachidienne pratiquée par Symon et al.
(16) sur certains de leurs patients n’a pas permis d’obtenir une quelconque amélioration.
Moins invasive et moins lourde que l’intervention chirurgicale, en particulier en faisant faire au patient,
relativement âgé en moyenne, l’économie d’une anesthésie générale, l’embolisation, qui peut être pratiquée
en même temps que l’angiographie médullaire diagnostique constitue une alternative thérapeutique indéniable, au moins en première intention. Après l’échec
patent des particules polyvinyliques, du fait de leur
caractère résorbable, ainsi que l’ont montré Hall et al.
et Niimi et al. (17, 18), le traitement par cyanoacrylates, avec des taux de succès à long terme supérieur à
70%, suscite un intérêt certain dans la prise en charge
des patients. La disparition angiographique du shunt
en fin de procédure constitue la preuve de l’exclusion
au moins temporaire du shunt. La difficulté réside
dans l’affirmation de sa pérennité, et donc d’obtenir
un ou plusieurs critères d’embolisation “satisfaisante”
ou “non satisfaisante”, ainsi évoqué par Niimi et al.
(17). En particulier, l’atteinte du pied de veine du
shunt par le cast d’embolisation ne peut pas toujours
être affirmé en angiographie. Ainsi, l’absence de facteur prédictif positif d’une exclusion définitive du
shunt précoce et fiable rend difficile l’appréciation du
taux de succès immédiat de ce type de traitement. De
même, la disparition du shunt après traitement chirurgical ne peut être affirmée, sauf à pratiquer systématiquement une angiographie médullaire de contrôle, ce
qui n’a pas été le cas ici, non plus que dans la plupart
des séries précédentes.
■
Les résultats du traitement chirurgical des malformations artérioveineuses médullaires ne dépendent pas
seulement de la nature ou de la topographie du shunt,
mais également du mode opératoire (11, 12, 14, 16).
La déconnexion du shunt du réseau veineux péri
médullaire semble aussi efficace que l’excision (ou la
coagulation) durale du shunt. Ce mode opératoire présente l’avantage théorique de la suppression du shunt
et donc de prévenir tout développement ultérieur d’afférence ou d’efférence anastomotique. Toutefois, l’unicité théorique du drainage veineux efférent du shunt
rend la déconnexion veineuse simple à priori aussi
efficace tout en présentant moins de risques opératoires (11). La localisation précise du shunt demeure un
problème, ses dimensions (140 microns en moyenne)
rendant sa visualisation per opératoire difficile.
L’injection de bleu de méthylène, réalisée durant l’intervention, après réalisation de la voie d’abord, permet
cette localisation précise. Elle nécessite le pré positionnement du cathéter dans le tronc de l’intercostale
fournissant l’afférence du shunt en salle d’angiographie, immédiatement avant l’intervention. Les deux
reprises opératoires observées dans cette étude sont
manifestement attribuables à un repérage pré et peropératoire difficile. Il peut être complété par un
contrôle angiographique per-opératoire, ainsi que l’ont
pratiqué Lee et al. Pourtant, Tacconi et al. (13) considéraient que la technique du “clip associé à une coagulation et /ou une excision du shunt” générait de
meilleurs résultats, surtout à long terme, que la même
technique associée à l’exérèse du shunt, considérant
même que la technique chirurgicale constituait le principal facteur pronostique à long terme, sans pour
autant fournir une explication à cette constatation.
Pourtant, aucune corrélation claire n’a pu être établie
dans cette série entre la technique opératoire utilisée et
le pronostic clinique post-thérapeutique, quel que soit
le terme considéré. De même, aucune corrélation entre
les complications (il est vrai rares) et la technique n’a
été mise en évidence dans cette étude. Enfin, il ne
semble pas exister de différence significative (p>0,05)
entre les évolutions post-thérapeutiques des patients
ayant bénéficié d’une embolisation préalable et les
autres. Au contraire, la chirurgie devient alors la seule
ressource thérapeutique pour ces patients, la nouvelle
configuration vasculaire induite par l’embolisation
s’avérant le plus souvent incompatible avec une nou-
RACHIS - Vol. 16, n°2, Juin 2004
128
Traitement chirurgical des fistules durales rachidiennes à drainage veineux périmédullaire : étude rétrospective à propos de 32 cas
Bibliographie
11. SYMON L., KUYAMA H., KENDALL B. Dural
arteriovenous malformations of the spine J. Neurosurg,
Vol. 60 : 238-247, 1984.
12. BEHRENS S., THRON A. Long-term follow-up and
outcome in patients treated for spinal dural arteriovenous
fistula. J. Neurol. 1999, 246 : 181-185.
13. TACCONI L., LOPEZ IZQUIERDO B.C., SYMON L.
Outcome and prognostic factors in the surgical treatment
of spinal dural arteriovenous fistulas. A long-term study. J.
Neurosurg. 1997, 11[4]: 298-305.
14. LEE T.T., GROMELSKI E.B., BOWEN B.C.,
GREEN B.A. Diagnostic and surgical management of
spinal dural arteriovenous fistulas. Neurosurgery, Aug.
1998, 43 [2] : 242-247.
15. BERENSTEIN A., LASJAUNIAS P. Surgical neuroangiography: endovascular treatment of spine and spinal
cord lesions. BERLIN, Springer-Verlag, 1992, Vol. 5, 1109.
16. OLDFIELD E.H., DI CHIRO G., QUINDLEN
E.A., RIETH K.G., DOPPMAN J.L. Successfull treatment of a group of spinal cord arteriovenous malformations by interruption of dural fistula. J. Neurosurg. 1983,
59: 1019-1030.
17. NIIMI Y., BERENSTEIN A., SETTON A., NEOPHYTIDES A. Embolization of spinal dural arteriovenous fistulae: results and follow-up. Neurosurgery, Vol.
40, N° 4, April 1997.
18. HALL W.A., OLDFIELD E.H., DOPPMAN J.L.
Recanalization of spinal arteriovenous malformations following embolization. J. Neurosurg. 70: 714-720, 1989.
19. AMINOFF M.J., LOGUE V. Clinical features of spinal vascular malformations. Brain, Vol. 97 : 197-210,
1974.
20. MERLAND J.J., REIZINE D. Malformations vasculaires vertébromédullaires. Encyclopédie Méd. Chir.
[PARIS], Radiodiagnostic II, 31671-G10, 5-1987: 22 p.
1. STEIN J.C., OMMAYA A.K., DOPPMAN D.L.
[1972] : Arterio-venous malformation of the cauda equina
arterial supply from branches of the internal iliac arteries.
J. Neurosurgery 36 [649-651].
2. HEINDEL, DUGGER, GUITO [1975] : Spinal arterio-venous malformation with hypogastric blood supply. J.
Neurosurgery 42 [462-465].
3. BERT S. [1992] : Etude angiographique de la vascularisation à l’étage dorso-lombaire. Résultats normaux et
variantes anatomiques. Thèse de médecine Paris.
4. CHIRAS J. Branches para-médianes des artères intercostales aortiques et lombaires: corrélation anatomo-clinique. Thèse, Paris, 1979.
5. KENDALL B.E., LOGUE V. Spinal epidural angiomatous malformations draining into inrathecal veins.
Neuroradiology, Vol. 13 : 181-189, 1977.
6. ALLEYNE C.H., BARROW D.L., JOSEPH G.
Surgical management of angiographically occult spinal
dural arteriovenous fistulae [Type I spinal arteriovenous
malformations] : Three technical case reports. J.
Neurosurg, Vol. 44, n° 4, April 99.
7 . MERLAND J.J., RICHE M.C., CHIRAS J. Les fistules artério-veineuses intracanalaires extramédullaires à
drainage veineux médullaire. J. Neuroradiol. 1980, Vol. 7 :
271-320.
8. DJINDJIAN R. [1977] : Les malformations artérioveineuses de la moelle épinière et leur traitement à propos
de 150 cas. Thèse médecine Paris.
9. ANSON J.A., SPETZLER R. Spinal dural arteriovenous malformations. In Awad IA, BARROW DL, Eds
Dural arteriovenous malformations. Par Ridge, III :
American Association on Neurological Surgeons : 175191, 1993.
10. ROSENBLUM B., OLDFIELD E.H., DOPPMAN
J.L. et col. Spinal arteriovenous malformations : a comparison of dural arteriovenous fistulas and intradural
AVMs in 81 patients. J. Neurosurg, Vol. 67 : 795-802,
1987.
RACHIS - Vol. 16, n°2, Juin 2004
129

Documents pareils