Je m`appelle - Passeurs d`images

Transcription

Je m`appelle - Passeurs d`images
Quelques pistes pour aller plus loin
© D.R.
par Jean-Marc Génuite
Je m’appelle
DOCUMENTAIRE DE FICTION - FRANCE – 2001- 17’
Réalisation
Stéphane Elmadjian
Production Lardux Films
Scénario
Stéphane Elmadjian
Textes Enzo Cormann
Image Hugues Poulain
Montage Loïc Jaspard,
Adam Wolny
Décors Armelle Demange
Son Tristan Essyad
Musique Naked Funk
Interprétation
Féodor Atkine,
Michel Debrane
« Mon père disait que la liberté n’a pas de prix... Il se trompait... Non
seulement tu la payes au prix fort, mais en plus elle n’existe que pour
ceux qui te la vendent ».
2003
Clermont-Ferrand « Festival international du Court Métrage » :
Mention Spéciale du Jury, Prix « Attention Talent » FNAC, Mention du Jury Jeunes
Paris « Paris tout court - Festival International du Film Court de Paris » :
2002
24
Prix du public
Nomination aux Lutins du court-métrage
Nomination aux Césars
Pantin « Festival Côté Court » Grand Prix et Mention du Jury Jeune
Brest « Festival européen du film court de Brest » : Grand prix de la ville
Nancy « Festival du film court » : Prix du pavé
Tiré d’un monologue théâtral composé par le dramaturge Enzo Cormann qui avait
déjà fait l’objet d’une adaptation radiophonique réalisée par Blandine Masson, le film
de Stéphane Elmadjian évite les écueils sur lesquels butent habituellement les films
considérés comme politiques. Expression d’une conscience engagée, il est porté par
une force de conviction qui innerve toute la démarche de création et pour reprendre
une réflexion menée par le cinéaste Jean-Marie Straub sur les liens entre cinéma et
politique, il nous semble que Je m’appelle est moins un « film politique » qu’une œuvre
« politiquement » réalisée. Le metteur en scène y tisse sa dramaturgie autour d’effets
de montage qui ne sont pas sans évoquer le « montage des attractions » d’un Eisenstein
et sur l’interprétation vocale de l’acteur Féodor Atkin qui s’incarne sur la bande son. Véritable expérience esthétique, le film de Stéphane Elmadjian nous propose d’éprouver
la condition sociale de tous ces hommes qui occupent des positions subalternes sur
l’échiquier social jusqu’à ce qu’ils décident de faire entendre leur voix.
Dès le premier plan, le film met en représentation le décor urbain devenu visuellement
emblématique de l’existence des groupes sociaux subalternes et révèle (au sens photographique du terme) le contexte géographique et social qui forme le terreau des
dissidences populaires. Baigné d’une lumière artificielle quasi crépusculaire ce plan
inscrit en arrière-plan de sa composition les hautes tours d’une banlieue contemporaine alors qu’un grondement évoquant celui du tonnerre ou d’une explosion émerge
et que le cadre cinématographique est littéralement agité d’une secousse. Ce plan
inaugural dont l’esthétique n’est pas sans évoquer les récits d’apocalypses, pourrait
s’interpréter comme la représentation métaphorique d’une agitation sociale au bord
de la « guerre civile » susceptible de gagner les cadres urbains symboliquement désignés par les tours.
En outre, dans ce film où la force poétique du verbe joue un rôle essentiel, c’est par un
geste d’écriture que se déploie l’éventail des récits et témoignages auxquels le montage image entremêle des visages, donne du corps. Il s’agit d’un texte aux allures de
testament autobiographique dont un vieux « clochard céleste » (Jack Kérouac) engage
la rédaction dès les premiers plans. Interprétée par la voix de Féodor Atkine, cette
« écriture de soi » dérive étrangement vers une narration palimpseste où les fictions
identitaires en forme d’autoportraits se bousculent sur la page blanche du cahier. En
se peuplant d’une multitude de trajectoires sociales dont il restitue la mémoire, ce
vieil Homère des temps modernes endosse l’étrange statut de médium à travers lequel résonne la voix des « damnés de la terre » (Frantz Fanon), il incarne une sorte de
scribe universel témoignant d’une certaine histoire des hommes.
En entrelaçant la matière composite de sa forme cinématographique par l‘acte de
montage, le cinéaste ne cesse de nous faire entendre le récit de multiples dissidences
individuelles et collectives tout en parvenant à représenter l’idée même de révolte.
Films passerelles
Eût-elle été criminelle ; En râchachant
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