Lieux et non-lieux

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Lieux et non-lieux
Paolo Portoghesi, conférence du 27.02 : "Lieux et non-lieux"
La réflexion philosophique autour du phénomène des “non lieux” et le rapport qui s’est
développé pendant ces dernières décennies entre l’homme et la terre, a rendu plus évident
le manque de neutralité du projet architectural par rapport à ses processus, fondés sur la
société de consommation et susceptibles de modifier radicalement notre environnement, en
rendant toujours plus dramatique le conflit entre l’homme et son milieu. Une des
conséquences de l’actuelle domination de l’économie des pays les plus développés par le
capitalisme financier est la transformation du rapport entre les êtres humains et la terre.
“Habiter la terre” n’est plus une condition qui repose sur la stabilité d’une installation radicale,
mais sur l’instabilité de la perception virtuelle d’un monde qui se soustrait à la formation de
liens permanents et concrets.
Une grande partie de la production architecturale contemporaine s’est consciemment efforcé
de nier le concept de lieux à l’avantage d’une dé-conceptualisation systématique. Il est
désormais évident que cette tendance reflète tant bien que mal le processus économique
(pas culturel) de la mondialisation et du train de vie dicté par la consommation, qui attribuent
à la technologie la tâche de fournir constamment au marché de tout nouveaux et séduisants
produits.
C’est dans l’univers de la communication que se manifestent de la façon la plus évidente ces
phénomènes contradictoires. D’un côté nous avons une connaissance toujours plus vaste et
analytique de l’histoire, de l’autre nous sommes dans l’incapacité d’insérer l’expérience
historique dans la dialectique des décisions. D’un côté, un système invasif de diffusion de la
connaissance à travers la toile, de l’autre, la tendance de la toile à remplacer l’expérience
directe et personnelle des relations humaines par un faible succédané prêt à se dissoudre en
un clin d’œil. Encore plus dangereuse est la capacité de la toile, à travers l’attraction des
jeux et de la recherche fortuite, de couper l’internaute du monde des relations réelles, en
créant ainsi les prémices d’un isolement définitif de l’individu par rapport à la société.
L’architecture, en mettant en discussion, voir même en annulant de façon systématique, le
rapport avec le lieu, ou le réduisant à une réponse technique aux conditions purement
matérielles, a éloigné les architectes du problème de la ville, c’est à dire un organisme
malade dont les soins ont été délégués à des disciplines incapables d’apercevoir son
essence systémique et donc la complexité en tant qu’ensemble de lieux et de relations entre
lieux.
A partir de la conscience des risques liés à une architecture qui se nie à l’expérience
concrète du lieu et qui prêche encore la nécessité de l’amnésie et de la tabula rasa, partout
dans le monde est en train de naitre une nouvelle architecture strictement liée à la terre et à
ses diversités, et donc aux traditions des peuples qui l’habitent : il s’agit d’une géoarchitecture dont les aspects globaux et locaux trouvent une synthèse équilibrée, où
l’homologation universelle, indifférente aux identités locales dans le rapport entre l’homme et
la terre, est combattue comme une reddition à la stratégie de l’auto destruction.