L`étrange histoire de la jeune femme aux yeux blancs
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L`étrange histoire de la jeune femme aux yeux blancs
L'étrange histoire de la jeune femme aux yeux blancs M. Pirelli était un jeune peintre, homme de grande taille avec un fort caractère. Il reçut une lettre d'un proche, M. de Flaville artiste lui aussi, qui lui proposait de venir dans son palais à Venise afin de lui montrer ses oeuvres, sa collection de tableaux et d'échanger leurs appréciations et sentiments. M. Pirelli empaqueta ses affaires pour prendre le train en partance de Paris. Il acheta un journal et tomba par hasard sur un article qui évoquait la nouvelle acquisition de son ami. Cela décupla son envie de la découvrir. Après un long et fatiguant voyage ainsi que de nombreux arrêts dans les gares, M. Pirelli arriva à Venise et monta à bord d'une gondole. La nuit était tombée. C'était la pleine lune mais un épais brouillard l'empêchait d'apercevoir le palais. L'atmosphère devenait presque étrange. Arrivé devant la somptueuse demeure vénitienne, il distinguait mal la façade. Il toqua à la porte. Un majordome lui ouvrit, le laissa entrer et M. de Flaville le salua chaleureusement puis commença la visite. M. Pirelli regardait les milliers d'oeuvres d'art défiler devant ses yeux mais un des portraits attira plus son attention. Il représentait une jeune femme aux yeux blancs alors que les autres femmes avaient des yeux ordinaires. Cela l'étonna mais il suivit son hôte dans les autres pièces sans poser de question. C'était l'heure du souper. Le majordome fit sonner sa clochette pour prévenir que le dîner était prêt. Dans l'immense salle à manger, la table était dressée majestueusement avec des couverts en argent, des verres en cristal et ornée de bouquets garnis de roses. Le menu se composait de mets gastronomiques savoureux de l'entrée jusqu'au dessert. Tous étaient des spécialités vénitiennes à base de viande comme le figà a la venexiana ou à base de coquillages, de poissons ou de légumes. Le dessert, une crème brûlée à la vénitienne et quelques gâteaux aux amandes, était délicieux. Après ce somptueux repas, M. Pirelli se retira dans sa chambre et se laissa tomber sur son lit en pensant à cette mystérieuse toile. Il ferma les yeux et quelques heures passèrent. Le tic-tac sourd et monotone de la pendule située à la droite de son lit le réveilla. Un air froid entrant dans ses draps finit par le réveiller totalement. Il vit apparaître devant lui la jeune femme du tableau. Les premières lueurs de l'aube éclairaient à peine la pièce. Il frissonna, ses muscles se contactèrent et la peur l'envahit. Tout son corps tremblait. La jeune femme avait des traits fins et délicats mais l'absence de la couleur de ses yeux la rendait effrayante. M. Pirelli se cacha sous ses couvertures en espérant rêver. En se découvrant, la jeune femme était à côté de lui. Elle donnait l'impression de s'être échappée du tableau par enchantement. Ses yeux blancs le fixaient fortement. On aurait dit qu'elle attendait quelque chose. Elle paraissait désemparée et apeurée. M. Pirelli effrayé s'évanouit. Le jour se levait quand il reprit connaissance. Il lui fallut quelques instants pour comprendre ce qui s'était passé. Dans un premier temps, il crut à un cauchemar mais les souvenirs précis de ses visions nocturnes finirent par le convaincre qu'il n'avait pas rêvé. Il se hâta de s'habiller pour rejoindre son ami au petit déjeuner, bien décidé à le questionner sur les origines de cette peinture. Il repassa devant ce curieux portrait et était maintenant convaincu que la jeune femme l'observait. Son sang se glaça. Il retrouva son convive et lui raconta sa mésaventure. M. de Flaville fut très surpris et se méfia de la cohérence des propos de M. Pirelli. Il l'écouta l'air ébahi puis lui dit qu'il avait acheté cette oeuvre à un marchand d'art quelques mois plus tôt. Un mystère persistait sur sa provenance mais elle datait du XVIIIème siècle. Elle semblait originalement inachevée mais attirait beaucoup le regard de ceux qui l'admiraient. C'est pourquoi il avait décidé de l'acquérir. Le soir venu, M. Pirelli monta dans sa chambre avec appréhension. L'inconnue était encore dans la pièce. Il appela son hôte pour lui montrer la scène surréaliste mais à son arrivée, elle avait disparu. Inquiet, M. de Flaville essaya de le raisonner avec bienveillance. M. Pirelli, dans une immense confusion, balbutia quelques mots et quitta le palais précipitamment. A l'extérieur, le carnaval avait débuté. M. de Flaville regarda son ami se diriger vers les festivités puis disparaître au milieu de tous ces masques, costumes et autres créatures féeriques.