Au fond d`un restaurant de gastronomie grecque, Bastien Mots

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Au fond d`un restaurant de gastronomie grecque, Bastien Mots
Au fond d’un restaurant de gastronomie grecque, Bastien Mots Paumés confirme son
aptitude à beaucoup parler. Venu sur Paris pour une relecture poétique décalée à l’occasion
d’une conférence très sérieuse, on en apprend plus sur cette activité, sur ses débuts, ses
motivations et anecdotes préférées. Peu participatif aux tournois nationaux, il est rare de le
croiser ailleurs qu’à Grenoble sauf exception qui a été faite ce jour et pour les Journées de
la Joute et de la Jacte..
15 septembre 2013 | DaMe GaBriElle
Comment as-tu découvert la scène Slam ?
Un peu par hasard et après un 1 er rdv manqué au Festival La
Mastre en Ardèche dans lequel je me suis un peu perdu. A ce
moment là, j’avais déjà bien saisi que le Slam c’était des joueurs
de basket qui faisaient de la poésie. Un autre soir, un pote me
harcèle pour l’accompagner à la MC2, la grosse salle de
spectacle de Grenoble dans laquelle je n’aurais d’ordinaire
jamais mis les pieds. Il y avait une soirée Slam, ce n’était pas
une scène ouverte mais plutôt une démo de la Session
Lyonnaise des Amasseurs de Mots (S.L.A.M). J’y ai vu une
grande diversité avec une organisation assez simple et je me
suis dit : c’est ça que je veux faire.
.
Tu écrivais déjà à ce moment là ou tu avais déjà une
pratique artistique ?
Non, à part à l’école où je m’en sortais bien mais j’étais aussi un peu paresseux donc je n’ai pas
poussé l’écriture davantage. Pour la petite histoire, quand j’étais en fac pour devenir éducateur
spécialisé, je me suis embrouillé méchamment avec une prof. Ce n’est pas faut mais pas
complètement vrai de dire que je me moquais de son nom de famille avec lequel je faisais des jeux
de mots. J’ai alors décidé d’écrire une lettre très chiadée pour m’excuser. Elle m’a convoqué et
après avoir fait un point sur ma formation et mes absences, elle m’a dit que si je décidais de ne
pas travailler dans le social, je pourrais toujours écrire. L’année dernière, elle est venue à mon
spectacle et a acheté mon disque. La boucle est bouclée.
» Avec l’écriture, tu peux faire percuter les gens autour de toi. Sur une scène, tu
te défoules ; les gens kiffent et ils se défoulent aussi. «
Mots Paumés 2013
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1ers textes, rencontre de la S.L.A.M, à tes débuts sur la scène Slam quelle impression tu
as ?
J’ai eu l’impression qu’il y avait un accès facile de suite. Je me suis dit que j’avais les capacités et
que si je faisais un petit effort, je pouvais peut être toucher les gens plutôt que de les soûler.
Comme je parle beaucoup, c’est un peu le calcul narcissique que j’ai fait. Sinon un des moteurs de
mon écriture c’est la frustration, ce qui m’indigne. Avec l’écriture, tu peux faire percuter les gens
autour de toi. Sur une scène, tu te défoules ; les gens kiffent et ils se défoulent aussi.
Rien de désagréable sur les scènes Slam ?
Si les egos, les conflits ! Malgré le fait que les gens peuvent rester chez eux plutôt que de venir sur
scène s’ils le souhaitent et qu’on ne soit qu’une poignée. J’ai l’impression modestement qu’à
Grenoble, on a réussi à ne pas le faire. On a réussi à s’entendre pour que tout le monde puisse
avoir sa place, chacun ayant ses particularités propres.
» Aujourd’hui, j’anime des ateliers en hôpitaux, en prison et avec des éducateurs
sans l’être moi-même et je suis beaucoup plus proche de ce que je voulais faire
à la base. «
Je sais que tu n’es pas amateur des tournois.
Pourquoi ?
Par erreur ! J’ai découvert le Slam avec Marco DSL
qui était anti-tournoi et la formule ouverte fonctionnait
très bien. Avec la S.L.A.M, il y avait toujours beaucoup
d’émulation, la même que tu peux trouver dans les
tournois. A la même époque, j’étais aussi en formation
pour être éducateur avec toutes les aspirations
libertaires et donc anti-compétitives qui vont avec.
J’étais plus porté par le potentiel créatif et social
qu’offrait la scène Slam. Je voulais monter des
ateliers créatifs, inspiré par l’histoire d’Asian Dub
Fondation : des travailleurs sociaux qui bossent sur la
rencontre des gens dans la rue avec la matière musique comme support. Le groupe est composé
à la fois des ces travailleurs et de gars de la rue. Aujourd’hui, j’anime des ateliers en hôpitaux, en
prison et avec des éducateurs sans l’être moi-même et je suis beaucoup plus proche de ce que je
voulais faire à la base.
» Les jeux de mots me permettent d’aborder les choses sans faire de morale ni
de textes ‘étendard’ auquel je crois de moins en moins. «
En terme d’écriture, qu’elle est ton approche poétique ? Que cherches-tu à faire et sinon à
transmettre ?
Pour moi, toute la langue se construit en jeux de mots. C’est une constante dans mon écriture. J’ai
pu écrire des textes un peu rigolards à mes débuts. Mais j’ai aussi travaillé sur des sujets plus
sensibles comme les demandeurs d’asile. Les jeux de mots me permettent d’aborder les choses
sans faire de moral ni de textes ‘étendard’ auquel je crois de moins en moins. Après je peux parler
de tout : de choses sombres, d’autres plus lumineuses, d’amour, de plaisir. L’idée est d’être moimême, en fait. L’écriture, c’est j’existe et l’animation des scènes Slam, c’est vas-y empare toi de
ça.
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» Tu n’arrives pas sur scène par hasard. Quand t’es artiste, tu as des choses à
dire que tu ne peux pas exprimer dans l’espace public. Tu as cette espèce de
non-dit qui peut devenir une maladie. «
Tu as été membre de la S.L.A.M et CIEELL, tu participes encore à diverses créations mais
très vite, tu as poursuivi en solo sur tes propres projets. Comment s’opère cette orientation,
ce souhait de vouloir faire son truc à soi ?
C’est un peu par luxe parce que je n’ai pas eu de soucis à faire mon intermittence. A Grenoble, on
n’était pas nombreux et je faisais partie des plus rigoureux. Au début, j’étais dans l’énergie postétudiante à faire des perf un peu partout et puis, on commence à t’appeler de plus en plus. Alors,
tu demandes à être payé. Mon rapport à la création était assez clair aussi, ce qui me permettait
d’être tout terrain. Du coup, on m’a appelé sur plusieurs projets ce qui m’a donné l’opportunité de
travailler avec différentes personnes et encore aujourd’hui. C’est très formateur et très
passionnant. Il y a tout ça et à coté, commence à germer l’envie d’un projet solo. Tu n’arrives pas
sur scène par hasard. Quand t’es artiste, tu as des choses à dire que tu ne peux pas exprimer
dans l’espace public. Tu as cette espèce de non-dit qui peut devenir une maladie. Le fait d’avoir
ton propre projet pour lequel tu décides de tout : des nuances, des contours etc…, c’est
intéressant. Je pense que tu mets là une partie de ton ego, de ton univers, de ta satisfaction et de
ta responsabilité aussi. Pour moi, les projets collectifs et solos s’alimentent.
.
Tu as sorti un album Songes Déments que tu
as défendu sur scène et tes autres projets
sont scéniques : Hommes / Off, Radio de la
Méduse. La scène reste le nerf de ta
création ?
Mon truc c’est la scène, oui. Ou plutôt c’est le fait
de parler à des gens, peu importe l’enceinte.
Songes Déments, c’est plutôt une maquette de
luxe pour donner envi d’aller voir le spectacle.
Hommes / off, je ne l’ai joué qu’une fois par
contre. C’est un spectacle sur les conditions de
travail, très dense et très sombre. Trop
suicidaire ! Je n’ai pas souhaité le continuer. Le
disque pour moi, ce n’est pas un passage obligé
parce que je ne me sens pas encore prêt. Mais,
je suis invité en featuring et ça fait plaisir. Je
travaille avec des gars qui font de la transe, avec
d’autres qui font du rock qui tache ou encore du
Hip Hop indus de bûcherons.
» Ou sinon ce sont les gens de la culture qui me félicitent d’être sorti de mon
quartier grâce au Slam. Ça me plaît de leur répondre que j’ai grandi à la ferme et
que je milite pour le Slam champêtre. »
Tu tournes dans différents milieux musicaux, théâtrales, institutionnels et sociaux.
Comment es-tu accueilli en tant que slameur, avec tous les clichés que ça induit ?
Il y a des erreurs de casting mais ça se passe plutôt pour les ateliers et les petites démos. Certains
travailleurs sociaux ou prof pensent encore que le Slam va être le pansement des plaies sociales
magique. Ou sinon ce sont les gens de la culture qui me félicitent d’être sorti de mon quartier
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grâce au Slam. Ça me plait de leur répondre que j’ai grandi à la ferme et que je milite pour le Slam
champêtre. Aujourd’hui, j’ai pris du recul par rapport à ça. Je ne me sens pas aigri de faire, pour la
énième fois, la différence entre Slam, poésie, Rap etc… Au final, je leur dis que je suis un artiste,
et d’écouter ce que je fais. S’ils aiment alors on peut travaillez ensemble dans la même énergie.
.
Tu fais aussi des relectures poétiques décalées pour des conférences. Ce n’est pas banal !
Tu peux nous en parler.
Ce sont pour la plus part des conférences politiques, sociales ou sur l’éducation avec des
spécialistes en psycho, sociaux etc… J’écoute et j’écris en direct, dans l’urgence sans aucune
objectivité. C’est ma réaction. J’en profite pour dire ce que je pense. Suivant ce que j’entends, je
pète un câble, je me moque du jargon scientifique ou j’y vais par l’absurde. Il y a un coté bouffon
du roi, effet miroir. J’aime bien que ça amène quelque chose. C’est vrai que des fois, je me suis fait
un peu plaisir et on ne m’a pas rappelé.
.Le mot de la fin ?
Ce que j’aurais à ajouter c’est le problème des
étiquettes. Au-delà du Slam ! Arrêtez de lire
Télérama ou mettez du Tipp-Ex sur les catégories
de disques ou de spectacles. Allez voir un
spectacle sans chercher à définir le truc ou à
connaître l’école que les artistes ont fait. Et puis, il
serait bien que les journalistes aillent sur les
scènes Slam pour vraiment savoir de quoi il s’agit.
Qu’ils viennent et qu’ils se prennent une claque.
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