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témoignages Kitchen r as Guérille En pleine parano alimentaire, Des résistantes LÂCHENT LEUR carrière de sociologue ou de styliste POUR LIVRER la bataille DE la bonne bouffe… ET PRÔNEr lE retour au bon sens, et aux produits frais. à TABLE ! Par Julie Lasterade et Charlotte Roudaut Photos Michel Sedan pour Grazia E lles avancent sans bruit, n’ont encore signé ni compilations de recettes, ni traité de guerre contre la malbouffe. Mais derrière leurs fourneaux, elles s’activent. Pour prouver qu’une alimentation saine et respectueuse de l’environnement ne se limite pas aux graines germées et autres a priori macrobiotiques. Elles ont plaqué leur métier d’avant pour devenir traiteurs ou restauratrices, et leurs plats calent et régalent. Elles ont troqué avant tout le monde les farines et les sucres raffinés contre leurs versions complètes, ont redécouvert les beurres d’amande et les sirops d’agave, mélangé les céréales, les farines d’épeautre ou de pois chiche, privilégié les légumes sans forcément cuisiner végétarien. Elles achètent du gras, mais le bon. Fuient la grande distribution et – si possible – consomment local. Leurs plats sont ultravitaminés et diététiques… sans être ennuyeux. Elles n’oublient pas les desserts et ne comptent pas les calories. Mais pourraient sans doute être goûtées et approuvées par l’Association française des diététiciens nutritionnistes. Leur cuisine est alternative, pointue, moderne, leurs salles comptent peu de couverts mais elles commencent à se faire repérer par les plus grands. Des précurseurs de la nouvelle cuisine française ? Bientôt, vous ferez comme elles. Portraits de cinq mousquetaires de la cuisine de demain qui fait du bien. • 78 GR A ZIA •7.09.2012 Maori Murota, La créatrice d’émotions 33 ans, Japonaise, ex-assistante styliste de Christophe Lemaire, restaurant La Conserverie. Son déclencheur J’adore voir les gens heureux en mangeant ce que je prépare. Je préfère me connecter aux autres par la cuisine que par la mode. Alors je me suis lancée. Son meilleur allié Une bonne et vraie sauce de soja. Si j’en ai, je suis sûre de faire de bonnes choses. Son pire ennemi Le faux « dashi » (un bouillon japonais) en poudre avec plein de glutamate. Tellement répandu, même au Japon, que les gens ne connaissent plus le goût du vrai. Le faux uniformise les plats et, en plus, est mauvais pour la santé. Son arme préférée Un couteau Aritsugu (une des meilleures marques de couteaux japonais) que mon père m’a offert pour mon anniversaire. Mon prénom est gravé dessus. Sa permission Des « instant noodles » coréennes. Ok, c’est de la junk food pleine de glutamate mais j’adore en manger toute seule au lit avec un livre. Un moment de complète cuisine régressive que je ne partage même pas avec mon mari. Son traité de paix Les cahiers remplis de recettes de magazines, de livres, de restaurants, adaptées par ma mère aux goûts de la famille. Il y en a quatre, elle les tient depuis son mariage. J’y retrouve toute mon enfance. Quand je rentre au Japon, je les recopie. Sa meilleure cantine Chef’s, à Tokyo. J’y vais depuis que je suis toute petite. A 17 ans, j’ai demandé au chef, un réfugié politique de Shanghai, de faire un stage chez lui. Ses techniques chinoises m’ont beaucoup influencée. Sa petite gamelle Tous les plats de ma mère. Mais s’il faut choisir, je prends ses « onigiris » (des boulettes de riz, les sandwiches du Japon) qu’elle me fait pour l’avion, quand je repars. Pleins d’amour ! Son union sacrée En ce moment, j’aime associer les fruits et les poissons ou les viandes : rouleaux de printemps de saumon-mangue, porc rôti au four-ananas, makis de chinchard épicé-poire… Son combat Ouvrir l’esprit à de nouvelles saveurs, de nouveaux ingrédients. Ma cuisine est facile à reproduire chez soi, j’adorerais que mes clients se l’approprient. La Conserverie, 37 bis, rue du Sentier, Paris 2e. Tél. : 01 40 26 14 94. 7.09.2012 • GR A ZIA 79 témoignages Tiffany Iung, la Sandwicheuse à vélo « je veux une cuisine fraîche et de qualité, comme celle que je prépare pour mes amis » www.tifamade.com 80 GR A ZIA •7.09.2012 photos : michel sedan pour grazia Léa Nitaro, la néocantinière 28 ans, ex-psychosociologue, restaurant La Cagette. Son déclencheur Un petit boulot dans un resto pendant une période de chômage, j’ai adoré ne plus être derrière un ordinateur. J’ai alors eu envie d’avoir un endroit à moi, où je pourrais proposer aux clients la cuisine fraîche et de bonne qualité que je prépare pour mes amis à la maison. Son meilleur allié Le citron et l’huile d’olive, parce qu’ils parfument, complètent et donnent la touche finale à n’importe quel plat ! Son pire ennemi Je déteste par-dessus tout le colorant. C’est un mensonge dans l’assiette. Son arme préférée Mon minivélo qui me permet de me déplacer rapidement de fournisseur en fournisseur, d’aller chercher mon pain chez Greg, mon boulanger, ou de filer au marché. Sa permission Le burger… avec frites, bien sûr. Dans un pub avec de la bière, c’est encore mieux. Son traité de paix Sans hésitation, les livres d’Alice Waters, chef de file du « bien manger », de la cuisine californienne et du 30 ans, Américaine, ex-serveuse, traiteur à vélo à paris. Son déclencheur J’ai été élevée à la nourriture industrielle. Quand j’ai travaillé pour le restaurant Potager, à Denver, aux Etats-Unis, j’ai découvert les produits frais. Et j’ai changé ma façon de m’alimenter. Son meilleur allié Le pain français, évidemment. Pour toutes ses variétés et la qualité de sa mie. Le pain américain est bien triste à côté. Son pire ennemi Celui qui ne veut pas goûter de nouveaux ingrédients, ni essayer le végétarien. Alors que je peux lui garantir d’être aussi comblé qu’avec de la viande. Son arme préférée Un flacon d’essence de vanille. Ça sauve tous les desserts et c’est le secret du bon glaçage d’un carrot cake. Sa permission Le fish and chips. Mon père est anglais, c’est ma madeleine de Proust. Son traité de paix L’Art of Simple Foods d’Alice Waters (Clarkson Potter Publishers, env. 30 €). C’est une excellente pédagogue. Sa meilleure cantine Celle de Teri Rippeto : Potager (1 109 Ogden Street, Denver, Etats-Unis). Sa chef est mon mentor. C’est ultrafrais, pas végétarien, elle achète ses ingrédients aux producteurs du coin et les sert le jour même. J’aime tout ce qu’elle fait. Sa petite gamelle Un sandwich beurre de cacahuète et confiture de fraises. Son union sacrée Pêche + chèvre… en dessert. Son combat Privilégier l’économie locale, provoquer une réflexion chez les consommateurs sur la façon de s’alimenter, et aussi prouver qu’on peut faire du sport au quotidien. « manger frais » (In the Green Kitchen, Clarkson Potter Publishers, env. 23 €). Dans toutes ses recettes, j’aime son obsession du légume vivant directement dans l’assiette. Sa meilleure cantine N’importe où au Cap-Ferret dans les dégustations d’huîtres, c’est là qu’elles sont les plus fraîches. En plus, le cadre est à couper le souffle. Sa petite gamelle Une salade que m’a fait découvrir une amie colombienne : crevettes, coriandre, avocat, citron vert et oignon rouge. C’est tout simple, frais et savoureux. Et exotique en prime. Son union sacrée J’aime associer les herbes. On peut en mettre partout, avec tout, et elles permettent tout. Son combat Faire intégrer que le « mieux manger » est abordable si l’on choisit bien ses fournisseurs. La Cagette, 8, place du Palais, Bordeaux (33). Tél. 09 80 53 84 35. Adeline Grange, la diva de la détox 33 ans, Française, ex-organisatrice d’échanges franco-allemands, traiteur. Son déclencheur Une cure Detox Delight à Munich avec Astrid Purzer. Ça a été une révélation, je me suis sentie mieux. J’ai eu envie de proposer la même chose en France. Son meilleur allié Le beurre de coco. J’en mets dans les crèmes de noix de cajou à la vanille, les pancakes et pour donner un petit goût exotique aux soupes. Un régal. Son pire ennemi Le sucre blanc raffiné. Il n’est d’aucun intérêt nutritionnel et possède un index glycémique élevé. Et il est assez facile de le remplacer par le sirop d’agave, d’érable, et la stevia. Son arme préférée La mandoline japonaise. Elle coupe des lamelles de radis si fines qu’elles en deviennent transparentes. Sa permission Les truffes chocolat-caramel au beurre salé que ma sœur nous fait tous les ans à Noël. Son traité de paix Cuisiner les ingrédients japonais, de Clea (La Plage, env. 16 €), un livre très pédagogique. Et des blogs et sites de cuisine comme Alter Gusto, Rawmazing, etc. Sa meilleure cantine Mirazur (30, avenue Aristide-Briand, à Menton), le resto de Mauro Colagreco. Il cuisine les fruits et légumes de son propre potager et garnit ses plats avec des fleurs. Sa petite gamelle Le yellow détox juice de notre atelier : pomme, ananas, céleri, courgette, citron et persil (2 à 3 kilos de fruits pour 0,5 litre). Son union sacrée Un fruit et une plante aromatique : abricot et basilic, mangue et coriandre, ananas et citronnelle, etc. Son combat Limiter la consommation de protéines animales. www.detox-delight.fr 7.09.2012 • GR A ZIA 81 « j’ai pris conscience que le bien-être pouvait être associé au plaisir » Lawrence Aboucaya, la pionnière de la new food Française*, ex-journaliste de mode et créative dans la pub et la déco, restaurant Pousse-Pousse. Mon déclencheur Après un certain nombre de comportements alimentaires abracadabrants à l’adolescence, j’ai pris conscience que le bien-être pouvait être associé au plaisir et à la diversité. Du coup, je me suis intéressée passionnément à la nutrition bien avant que ce soit à la mode. Son meilleur allié Le citron sous toutes ses formes : jaune, vert, Meyer, citron caviar (plus rare), en jus, zeste, confit… Très alcalinisant, donc idéal pour la détox. J’ai toujours des zestes dans de l’huile d’olive, au réfrigérateur, et je m’en sers aussi bien en cuisine que pour les desserts. Son pire ennemi Je déteste les abats, le gibier, le poisson cru ou la viande crue, donc pas de sushi, ni de tartare ou de carpaccio. Son arme préférée Le Vitamix, la Rolls des blenders pour faire des soupes, purées, smoothies, d’une onctuosité incomparable, même sans ajout de crème. Ma permission Du fromage Caprice des Dieux avec du pain et du beurre 82 GR A ZIA •7.09.2012 salé, un truc super-industriel, pasteurisé avec gélatine, colorant alimentaire, et j’en passe. Son traité de paix En ce moment, c’est Plenty, de Yotam Ottolenghi (Ebury Press, env. 27 €) et sa recette de nouilles soba (au sarrasin) aux aubergines et à la mangue. J’adore Nigella Lawson, même si sa cuisine est très grasse et très sucrée. Sa meilleure cantine Je suis fidèle aux linguine au citron de Chez Bartolo (7, rue des Canettes, Paris 6e), ou aux spaghettis à la poutargue d’Amici Miei (44, rue Saint-Sabin, Paris 11e). Sa petite gamelle J’ai une nette faiblesse pour des plats italiens très simples comme les pâtes et le risotto. Son union sacrée J’adore utiliser la rhubarbe dans une recette salée et la purée de graines de tournesol de chez Graines d’Alma comme liant pour mes sauces. Son combat Qu’il y ait une prise de conscience collective de notre société sur l’impact de la nourriture sur notre santé, notre énergie, notre esprit et notre environnement. Pousse-Pousse, 7, rue Notre-Dame de Lorette, Paris 9e. Tél. : 01 53 16 10 81. * Qui ne dit pas son âge. Nos chaleureux remerciements à tout le personnel du marché international de Rungis, et en particulier à celui des sociétés Armara et Delta Prim. photo : michel sedan pour grazia témoignages