LA FERME JEANNICOLE :
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LA FERME JEANNICOLE :
| AFFAIRES AGRICOLES LA FERME JEANNICOLE : UNE FERME EN ORDRE, UNE ENTREPRISE EN OR TEXTE ET PHOTOS D’ÉTIENNE GOSSELIN, AGRONOME, M. SC. LA FERME JEANNICOLE, À KAMOURASKA, EST UNE ENTREPRISE GÉRÉE IMPECCABLEMENT. COMME TOUT Y EST EN ORDRE, L’ORDRE NATIONAL DU MÉRITE AGRICOLE ET SON JURY N’ONT EU D’AUTRE CHOIX QUE DE LUI DÉCERNER L’OR, PAR UNE LARGE AVANCE. QUELLE NOTE AURIEZ-VOUS SUR 1000 POINTS ? Depuis 125 ans, le gouvernement du Québec reconnaît l’apport exceptionnel de particuliers et d’entreprises à l’avancement de l’agriculture québécoise par un concours prestigieux : celui de l’Ordre national du mérite agricole (ONMA). En 2014, 83 candidatures provenant de l’AbitibiTémiscamingue–Nord-duQuébec, du Bas-Saint-Laurent, de Gaspésie–Îles-dela-Madeleine, du Saguenay– Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord se faisaient la lutte dans les trois catégories : bronze, argent et or. Les petits détails font les grandes entreprises. Parlons-en aux jumeaux Christian et Yvan Drapeau, qui ont repoussé les limites de la catégorie or du concours (19 participants) avec un score global de 913 points sur un total de 1000, loin devant la deuxième position (903 points). D’ordinaire, la marge entre les premières places sur le podium est mince. Il n’est pas étonnant que cette ferme modèle l’ait remporté. Il y a cinq ans, les Drapeau avaient obtenu le premier rang régional et national pour l’argent, par une marge tout aussi confortable (18 points) que celle de cette année. Ainsi, s’ils sont devenus chevaliers de l’Ordre national du mérite agricole (ONMA) en 1999 et officiers en 2009, ils portent aujourd’hui les titres les plus prestigieux : ceux de commandeurs. Cohérents et perfectionnistes, Yvan et Christian Drapeau, qui ont pris la relève complète de leurs parents, Jean-Marie Drapeau et Nicole Labrie, en 2003, n’ont pas voulu poser leur candidature à la médaille d’argent après une seule année financière à gérer l’entreprise par eux-mêmes. UNE RECETTE POUR L’OR Le jury, qui a passé six heures à la Ferme Jeannicole, était composé d’un agronome, d’un agroéconomiste et d’un commandeur ayant déjà remporté une médaille d’or de l’ONMA – un trio qui arpente tous les champs, ouvre toutes les portes, fouille dans tous les classeurs, même la « filière 13 », où s’entassent les factures avec des arrérages 20 COOPERATEUR.COOP – MAI-JUIN 2015 ou les dossiers qui traînent sans raison. « Pour la médaille de bronze, nous nous étions préparés à la dernière minute, mais pas pour l’argent et l’or », expliquent les deux frères, diplômés du campus de La Pocatière de l’ITA en 1994. « Pas besoin d’être exceptionnel dans certaines catégories pour espérer remporter l’or », considère Christian. « Il faut toutefois être supérieur à la moyenne dans toutes les catégories. Le concours nous fait vraiment travailler sur nos points faibles. Par exemple, nous sommes passés d’une fosse lagune à une fosse bétonnée et nous avons travaillé sur la sécurité à la ferme. En fait, tout y passe : plan d’intervention en cas d’accident, gestion du troupeau, registre des traitements vétérinaires, bandes riveraines, calibration du pulvéri sateur, largeur des entrées de champ, sorties de drain enrochées, grillagées, balisées, etc. », explique Yvan. « Yvan et Christian sont des gars très astucieux, qui trouvent toujours des solutions pour parfaire leurs façons de faire, souligne Hubert Bélanger, leur expertconseil de La Coop. Leur seul garage est un exemple de l’organisation qu’ils ont dans leur travail : tout est propre, en ordre, étiqueté, pour plus d’efficacité. Les deux gars font preuve d’une grande organisation et d’un travail soigné qui se reflète dans toutes les sphères de l’entreprise : rendements des cultures, gestion et qualité du troupeau, entretien de la machinerie et des équipements. » 2 PHOTO : MARC LAJOIE, MAPAQ 1 3 1 I ls sont jumeaux, ce qui comporte des avantages : Christian et Yvan Drapeau communiquent facilement, ont les mêmes objectifs, en sont au même stade de leur vie avec conjointes et enfants. « Yvan n’est pas mon frère, c’est ma moitié : on cherche donc toujours à se protéger mutuellement », observe Christian. 2 La médaille d’or, l’ultime récompense, dans toute sa splendeur, à l’image de l’entreprise qui l’a décrochée. 3 L a Ferme Jeannicole, avec ses 80 kg de quota détenu, est au maximum de ses infrastructures, ce qui lui permet de produire avec un maximum d’efficacité et de rentabilité. Aucun investissement n’est superflu, chaque équipement sert optimalement. COOPERATEUR.COOP – MAI-JUIN 2015 21 45 6 4 P eu importe l’outil, ce qui compte, c’est le résultat. Les Drapeau, de la Ferme Jeannicole, utilisent un bon vieux cadran de gestion, qui leur donne un aperçu rapide et complet de la conduite du troupeau. 5 L es veaux logent, de leur naissance à deux mois, dans l’étable principale. On les transfère ensuite en stabulation entravée, où ils restent jusqu’à six mois. Enfin, les génisses goûtent au confort de l’étable solaire jusqu’à la veille du vêlage. Par sa conception, ce bâtiment datant de 1988 minimise les rayons du soleil en été et les maximise en hiver. 6 É criteaux et balises, prévention des accidents et plans d’intervention en cas d’urgence : la Ferme Jeannicole est reconnue pour ses bonnes pratiques en matière de santé et de sécurité au travail. En plus de la médaille d’or, elle s’est vu remettre le Mérite Promutuel de la prévention. ÊTRE PRÊT À SE JUSTIFIER LA GRILLE DES JUGES Gestion de l’appareil de production Gestion des ressources financières Gestion des ressources humaines Gestion agroenvironnementale Rayonnement social Total 22 355 points 300 points 175 points 125 points 45 points 1000 points COOPERATEUR.COOP – MAI-JUIN 2015 Bien sûr, l’efficacité technique et la rentabilité économique pèsent beaucoup dans la balance, comptant pour presque les deux tiers des points du concours. Avec son endettement inférieur à 10 %, résultat de l’excellente gestion des actionnaires actuels et précédents, nul doute que la Ferme Jeannicole a marqué des points dans le concours. Ainsi, dans trois à cinq ans, l’entreprise aura une marge de manœuvre à faire rêver toute exploitation agricole : aucune dette ! Déjà, à 41 ans, les frères pensent à accumuler des fonds pour leur retraite, tout en préparant un transfert à bon prix à leurs enfants. Qui dit mieux ? Durant leur visite, les juges s’interrogent sur les choix des entrepreneurs. Pourquoi tel équipement ? Pourquoi ce modèle en particulier ? Comment a-t-il été financé et amorti ? Quel rendement espère-t-on de l’investissement ? Peut-on voir la facture ? De là l’importance de ne pas accumuler de factures dans la « filière 13 » ! Les juges doivent aussi s’assurer que les concurrents maîtrisent bien « l’appareil de production ». Les frères Drapeau, qui ont des terres « fraîches » près du fleuve et d’autres qui se réchauffent plus facilement dans les hautes terres, ont donc été questionnés sur leur plan de culture et sur le choix des cultivars, sachant qu’il existe un gradient de 500 UTM entre les deux endroits, ce qui est peu commun pour une exploitation agricole. Au hasard de la visite des juges, les questions réelles ou hypothétiques fusent. Si la ferme doit faire face à une grave pénurie de fourrages, que fera-t-on sans la mettre en péril ? Les liquidités sont-elles suffisantes ? La marge de crédit est-elle pleine ? Les paiements sont-ils à jour ? Pourquoi ne pas avoir choisi d’adhérer au programme d’assurance récolte pour le foin ? Et si on y a adhéré, quelle est la connaissance des adhérents quant aux risques couverts ? Il faut avoir réponse à tout. Documents à l’appui !