IMMEUBLES EUCLIDIENS by Hsueh

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IMMEUBLES EUCLIDIENS by Hsueh
IMMEUBLES EUCLIDIENS
by
Hsueh-Yung Lin
On étudiera dans cet exposé les propriétés topologiques et géométriques des immeubles euclidiens en
général, sans supposer qu’ils sont associés à un BN-paire d’un groupe. On rappelle qu’un immeuble est
un complexe simplicial ∆ recouvert par une famille de sous-complexes (Ai )i∈I (qu’on appelle appartements)
tous isomorphes à un complexe de Coxeter Σ(W, S) satisfaisant les deux axiomes suivants :
i) Deux facettes (i.e. simplexes) sont contenu dans un même appartement ;
ii) Étant donnés deux appartements A et A0 , il existe un isomorphisme de complexes de Coxeter A → A0
qui induit l’identité sur A ∩ A0 .
Le rang de ∆ est par définition la dimension des simplexes maximaux (dits chambres) de ∆. On gardera les
mêmes notations ∆ et A pour désigner la réalisation géométrique de ces complexes. On peut montrer que
cela donne des axiomes équivalents si on affaiblit l’axiome ii) en supposant que A et A0 ont une chambre
commune.
Remarque 0.1. — On rappelle qu’un morphisme de complexes de Coxeter est déterminé par sa restriction
sur une chambre quelconque. Par suite, l’isomorphisme dans l’axiome ii) est unique si l’intersection A ∩ A0
contient une chambre.
1. Métrique sur les immeubles euclidiens
1.1. Rétractions d’un immeuble sur un appartement. — Soient ∆ un immeuble et A un appartement de
∆. Notons j : A ,→ ∆ l’inclusion structurale.
Proposition 1.1. — Il existe un morphisme simplicial ρ : ∆ → A dit rétraction tel que ρ ◦ j soit l’identité sur A.
Proof. — Fixons une chambre C de A. Soient x ∈ ∆ et A0 un appartement contenant x et C. Alors il existe
un unique isomorphisme ρA0 ,C : A0 → A qui vaut l’identité sur C. On affirme que ρA0 ,C (x) ne dépend pas de
l’appartement A0 choisi. En effet, si A” est un autre appartement contenant C et x, notons iA0 ,A” : A0 → A”
l’isomorphisme fixant A0 ∩ A”, la composition ρA”,C ◦ iA0 ,A” coïncide avec ρA0 ,C par l’unicité. Ainsi les ρA0 ,C
se recollent en une application globale ρ : ∆ → A lorsque A0 parcourt les appartement contenant x et C. On
vérifie aisément que celle-ci pré-composée avec j vaut l’identité sur A.
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La rétraction construite dans la démonstration dépend de la chambre C. Elle sera notée ρA,C est appelée
rétraction sur A de centre C pour être plus précis.
Soit V un R-espace vectoriel. Un complexe de Coxeter Σ(W, S) est dit affine s’il est isomorphe à un
complexe associé à un groupe de réflexions affine, essentiel, irréductible et infini W ⊂ Aff(V) ' V o GL(V).
Un tel groupe peut être toujours considéré comme un groupe de Weyl affine d’un système de racine
irréductible et s’écrit toujours W = F o W où W désigne la partie linéaire de W. La condition d’irréductibilité
implique que les chambres de Σ(W, S), qui a priori sont des polysimplexes, sont des simplexes maximaux.
1.2. Immeubles euclidiens et leur métrique complète. —
Définition 1.2. — Un immeuble est dit euclidien ou de type affine si ses appartements sont isomorphes à un
complexe de Coxeter affine Σ(W, S).
Exemple 1.3. — Soit K un corps local non archimédien muni de sa valuation discrète ν. On note OK l’anneau
des entiers de K et k son corps résiduel. Posons N ⊂ SLn (K) le sous-groupe des matrices monomiales de
SLn (K) et B l’image réciproque du sous-groupe des matrices triangulaires supérieures de SLn (k) par la
projection canonique SLn (OK ) → SLn (k), vu comme sous-groupe de SLn (K). Les sous-groupes B, N de
SLn (K) définissent une structure de (B, N)-paire de SLn (K). L’immeuble associé à ce (B, N)-paire est un
n−1
immeuble euclidien, avec W = K× /OK×
o Sn où Sn est le groupe symétrique de degré n s’identifiant
au sous-groupe des matrices de permutation. Autrement dit, W est le groupe de Weyl affine associé au
˜ .
système de racine de type An−1
Pour n = 2, W ' Z o {±1} est le groupe diédral infini. Si K = Qp , l’immeuble associé est un arbre infini
de valence p + 1 sur chaque sommet.
On peut munit la réalisation géométrique des appartements A de la métrique euclidienne standard dA ,
de sorte que les dA sont préservées par les isomorphismes figurants dans l’axiome ii). À l’aide de l’axiome
ii), ces métriques se recollent en une application d : ∆ × ∆ → R≥0 .
Proposition 1.4. —
i) Soit ρ : ∆ → A une rétraction sur un appartement A. Pour tout x, y ∈ ∆, on a l’inégalité
d(ρ(x), ρ(y)) ≤ d(x, y).
(1.1)
ii) Le cas d’égalité dans (1.1) a lieu pour x, y contenus dans l’adhérence d’une même facette F.
iii) Si ρ est une rétraction de centre C, le cas d’égalité de (1.1) a lieu dès que x ∈ C.
iv) L’application d définit une métrique sur ∆.
Proof. — Soient A un appartement et ρ : ∆ → A une rétraction. Vérifions d’abord d ρ(x), ρ(y) ≤ d(x, y)
pour tout x, y ∈ ∆. Lorsque x et y sont dans la même chambre, on a d ρ(x), ρ(y) = d(x, y) par construction
de la rétraction. Dans le cas général, soient A0 un appartement contenant x et y et [x, y] ⊂ A0 le segment
joignant x et y dans A0 . Comme la décomposition en complexes simpliciaux de A0 est localement finie,
il existe une subdivision finie ([xi , xi+1 ])N
i=1 de [x, y] telle que les [xi , xi+1 ] soient contenus dans l’adhérence
d’une chambre Ci ⊂ ∆. D’où
d ρ(x), ρ(y) =
N
X
i=1
d ρ(xi ), ρ(xi+1 ) ≤
N
X
i=1
d (xi , xi+1 ) ≤ d(x, y).
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L’assertion ii) et iii) résultent du fait qu’il existe un isomorphisme A0 → A préservant d où A0 est
un appartement contenant F. Pour iv), montrons l’égalité triangulaire de d. Soient x, y, z ∈ ∆ et A un
appartement contenant x et y. Par i),
d x, y ≤ d x, ρ(z) + d y, ρ(z) = d (x, z) + d y, z .
Théorème 1.5. — L’immeuble ∆ est complet pour la métrique d.
Proof. — Soient (xn ) une suite de Cauchy dans ∆ et ρ : ∆ → A une rétraction de ∆ sur un appartement
A. Par l’inégalité (1.1), la suite ρ(xn ) est de Cauchy dans A pour la métrique euclidienne ; notons y ∈ A sa
limite et supposons qu’elle est contenue dans une facette F. Soit M la réunion de l’adhérence des chambres
dans A contenant F. Comme y est un point intérieur de M, on peut supposer, quitte à enlever un nombre
fini de termes, que ρ(xn ) ∈ M pour tout n. Pour tout n, soit yn une pré-image de y par ρ tel que xn et yn
soient dans l’adhérence d’une même chambre. Comme d(xn , yn ) = d(ρ(xn ), y) tend vers 0 quand n → ∞, la
suite (yn ) est aussi de Cauchy. Or le lemme suivant implique qu’il existe N > 0 tel que pour tout n, m > N,
yn et ym sont dans l’adhérence d’une même chambre. Donc (yn ) est stationnaire, d’où convergence de (xn ).
Lemme 1.6. — Soient F une facette de ∆ et x ∈ ∆, il existe une boule ouverte B de centre x telle que si F0 est une
autre facette rencontrant B, alors F est contenue dans F0
Preuve du lemme. — Soient A un appartement contenant F et MA la réunion de l’adhérence des chambres
dans A contenant F. Comme x est à l’intérieur de MA , il existe δ > 0 tel que la boule ouverte BA (x, δ) dans
A de centre x et de rayon δ soit contenue dans MA . Par définition, F est contenue dans l’adhérence d’un
simplexe quelconque dans A contenant x et rencontrant BA (x, δ).
Notons B la boule ouverte dans ∆ de centre x et de rayon δ. Soient F0 une facette rencontrant B et A0
un appartement contenant x et F0 . Soit iA,A0 : A → A0 l’isométrie dans l’axiome ii) de la définition des
immeubles. Alors iA,A0 (BA (x, δ)) = BA0 (x, δ) ⊃ (B ∩ F0 ), donc x ∈ F0 ⊂ iA,A0 (MA ) = MA0 , d’où le lemme.
Proposition 1.7. — Soient x, y deux points dans ∆ et A un appartement contenant x et y. L’image du segment
xy ⊂ A par l’inclusion A ,→ ∆ coïncide avec {z ∈ ∆ | d(x, y) = d(x, z) + d(z, y)}.
L’ensemble {z ∈ ∆ | d(x, y) = d(x, z) + d(z, y)} est appelé segment xy dans ∆. Pour t ∈ [0, 1], il est facile de
montrer qu’il existe un unique point z dans xy satisfaisant d(x, z) = td(x, y), noté (1 − t)x + ty. Par suite, le
segment xy est une géodésique dans (∆, d) (isométrie au segment [0, d(x, y)] ⊂ R), donc (∆, d) est un espace
métrique géodésique.
Proposition 1.8. — L’application ∆×∆×[0, 1] → ∆ définie par (x, y, t) 7→ (1−t)x+ty est continue. En particulier,
l’immeuble ∆ est contractile pour la topologie induite par d.
1.3. L’espace CAT(0) et le théorème de point fixe de Bruhat-Tits. —
Soit (X, d) un espace métrique géodésique. Soient x0 , x1 , x2 ∈ X et xi x j une géodésique reliant xi et x j .
Soient x00 , x01 , x02 ∈ R2 tels que les segments x0i x0j sont isométries aux xi x j .
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Définition 1.9. — On dit que (X, d) est un espace CAT(0) si pour tout x1 , x2 ∈ X, il existe une géodésique
x1 x2 telle que pour tout p ∈ x1 x2 et x0 ∈ X, on ait d(x0 , p) ≤ dR2 (x00 , p0 ) où p0 est l’image de p dans x01 x02 par
∼
l’isométrie x1 x2 →
− x01 x02 .
En passant, voici une reformulation de la propriété CAT(0).
Proposition 1.10. — (X, d) est un espace CAT(0) si et seulement si pour tout x1 , x2 ∈ X, il existe une géodésique
x1 x2 telle que pour tout p ∈ x1 x2 et x0 ∈ X, on ait
d(x0 , p)2 ≤ (1 − t)d(x0 , x1 )2 + td(x0 , x2 )2 − t(1 − t)d(x1 , x2 )2 ,
(1.2)
où t = d(x1 , p).
Remarque 1.11. — Pour X = R2 munie de sa métrique euclidienne, l’inégalité 1.10 devient une égalité.
Lorsque t = 21 , on retrouve la loi de parallélogramme.
Proposition 1.12. — Un immeuble euclidien (∆, d) munie de la métrique d définie précédemment est un espace
CAT(0) complet.
Proof. — Avec les mêmes notations de la Proposition 1.10 pour X = ∆, soit A un appartement contenant
x1 et x2 . Soient C une chambre dans A dont l’adhérence contient p et ρ : ∆ → A la rétraction de ∆ sur A de
centre C. Comme p ∈ C, on a d(ρ(x0 ), p) = d(x0 , p), d’où
d(x0 , p)2 = d(ρ(x0 ), p) = (1 − t)d(ρ(x0 ), x1 )2 + td(ρ(x0 ), x2 )2 − t(1 − t)d(x1 , x2 )2
≤ (1 − t)d(x0 , x1 )2 + td(x0 , x2 )2 − t(1 − t)d(x1 , x2 )2 .
(1.3)
Spécifiquement pour les immeubles, il existe une autre interprétation de la propriété CAT(0) en terme
de la vitesse d’éloignement des géodésiques issues d’une même origine. On commence par remarquer que
la notion d’angle au sens de la géométrie euclidienne s’étend aux immeubles : soient xy et xz deux segments
dans ∆. Quitte à les raccourcir, on suppose qu’ils sont contenus tous les deux dans une chambre (a priori
différente). Soit A un appartement contenant ces deux chambres, l’angle θ entre xy et xz est défini comme
celui entre les images de xy et xz dans A. On peut déduit de la définition de CAT(0) l’inégalité suivante,
inspirée de la loi de cosinus :
2
2
2
yz ≥ xy + xz − 2xy · xz cos θ.
Cette inégalité signifie que dans un immeuble, les géodésiques issues d’une même origine s’éloigne plus
vite que les demi-droites correspondant dans R2 données par « l’inverse de l’application exponentielle ».
Théorème 1.13 (Théorème de point fixe de Bruhat-Tits). — Soit G un groupe des isométries d’un espace
CAT(0) complet (X, d). Supposons que G stabilise une partie bornée A de X, alors il existe un point fixe x ∈ X
sous l’action de G.
Preuve du théorème pour les immeubles localement finis. — Pour tout x ∈ X, on pose r : X → R la fonction
continue définie par
r(x) := inf{r0 ≥ 0 | A ⊂ B(x, r0 )},
le rayon de la sphère circonscrite de A et de centre x. Posons r := infx∈X r(x), il est clair que s’il existe un
unique x ∈ X réalisant cette borne supérieure, x sera un point fixe sous l’action de G.
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Lorsque X est localement fini, sa réalisation géométrique est localement compacte. Montrons l’existence
dans ce cas. Soit (xn ) une suite de X telle que limn→∞ r(xn ) = r et r(xn ) < 1+r. Comme A est une partie bornée,
on en déduit que (xn ) est une suite bornée donc admet une sous-suite convergente. Or r est continue, d’où
l’existence.
Pour l’unicité, soient x, y ∈ X tels que r(x) = r(y) = r. Supposons que x , y et que m soit un point à
l’intérieur de xy. Soit p ∈ A. Par définition de l’espace CAT(0),
d(m, p) < max{d(x, p), d(y, p)} ≤ r.
Comme A est compacte (car X est localement compacte), on aurait d(m, A) < r, qui est une contradiction. 1.4. Application. — Rappelons qu’à l’aide du théorème de point fixe de Cartan, on peut montrer que pour
tout groupe de Lie G, il existe un sous-groupe compact maximal K de G tel que tout sous-groupe compact
soit conjugué à un sous-groupe de K. Soit maintenant G un groupe avec un BN-paire dont l’immeuble
associé ∆ est euclidien. On va appliquer le théorème de point fixe de Bruhat-Tits à ∆ pour obtenir une
caractérisation similaire des sous-groupes bornés de G.
Définition-Proposition 1.14. — Une partie F de G est dite bornée si l’une des conditions équivalentes ci-dessous
est satisfaite :
i) Pour tout x ∈ ∆, F · x ⊂ ∆ est bornée ;
ii) F est contenue dans la réunion d’un nombre fini de (B × B)-orbites BwB.
Proof. — Supposons i). Comme G agit transitivement sur ∆ par isométrie, on déduit que pour toute chambre
C dans ∆, F · C est bornée. Soient A un appartement contenant C et ρ : ∆ → A une rétraction de ∆ sur A.
Comme d ◦ (ρ × ρ) ≤ d, ρ(F · C) est une partie bornée de A. Par suite, ρ(F · C) est la réunion finie d’un nombre
fini de chambres. Or W agit simplement transitivement sur les chambres de A et ρ(BwB · C) = w · ρ(C), d’où
ii).
Réciproquement, on suppose que F = BwB. Soit x ∈ C ⊂ ∆ où C est une chambre de ∆. Soit 1 = bw0 b0 ∈ F
où b, b0 ∈ B et w0 est un relèvement de w dans N. Comme le sous-groupe B fixe C, on en déduit que
d(x, 1x) = d(x, wx). Ainsi F · x est bornée. Comme G agit transitivement sur ∆ par isométrie, F · x est bornée
pour tout x ∈ ∆.
Théorème 1.15. — Avec les mêmes notations et hypothèses, un sous-groupe H de G est borné si et seulement si H
est contenu sans un sous-groupe parabolique maximal.
Proof. — Par définition et le théorème de point fixe, un sous-groupe H est borné si et seulement si H fixe
un point, d’où le théorème.
2. Immeuble sphérique à l’infini
Soit ∆ un immeuble euclidien de type Σ(W, S) muni de son système complet d’appartements. Sur ∆,
on dit que deux demi-droites D1 et D2 sont parallèles s’il existe M > 0 tel que pour tout x ∈ D1 , il existe
y ∈ D2 tel que d(x, y) < M. On vérifie aisément que le parallélisme définit une relation d’équivalence et
que si deux droites sont contenues dans le même appartement, on retrouve la définition usuelle. On note
|∆∞ | l’espace des classes d’équivalence des demi-droites sur ∆. Le but de cette section est de définir une
structure d’immeuble sphérique ∆∞ sur |∆∞ |.
On admet le lemme suivant :
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Lemme 2.1. — Soient x ∈ ∆ et D ⊂ ∆ une demi-droite, il existe un demi-droite D0 basée sur x telle que D0 soit
parallèle à D.
L’existence de D0 est claire. L’unicité s’appuie sur l’interprétation de CAT(0) en terme de la vitesse
d’éloignement des géodésiques.
Soit Σ(W, S) un complexe de Coxeter affine. Les hyperplans passant par l’origine de V et fixés par W sont
appelés murs de V. Les composantes connexes du complémentaire de la réunions de tous ces murs sont
des cônes simpliciaux dits chambres vectorielles dont les sous-complexes simpliciaux sont appelés facettes
vectorielles. Le type de l’immeuble euclidien à l’infini de ∆ qu’on va définir sera de type Σ∞ := Σ(W, S) où
W est la partie linéaire de W et S désigne l’ensemble des réflexions par rapport aux murs d’une chambre
vectorielle fixée.
Soient ∆ un immeuble euclidien de type Σ(W, S) et A un appartement de ∆. Les parties de A de la forme
x + D avec x ∈ A et D une chambre vectorielle (resp. facette vectorielle) dans A sont appelées quartier (resp.
facette vectorielle) dans ∆. Un quartier Q0 contenu ensemblistement dans un autre quarter Q est appelé un
sous-quartier de Q. On étend la notion du parallélisme des demi-droites aux facettes vectorielles, donnant
une relation d’équivalence. On remarque en passant qu’un quartier a la même classe de parallélisme que
celle de tous ses sous-quartiers.
Soient [F], [F0 ] deux classes de facettes vectorielles pour le parallélisme. On dit que [F] domine [F0 ], noté
[F] ≥ [F0 ], s’il existe un représentant de F contenant un représentant de F0 . Soit ∆∞ l’ensemble des classes
de facettes vectorielles. Muni de l’ordre partiel défini par la domination, ∆∞ définit un complexe simplicial
de rang un de moins de celui de ∆. À chaque appartement A de ∆, on associe A∞ le sous-complexe de
∆∞ composé par les classes de facettes vectorielles ayant un représentant dans A. Il est clair que A∞ est
isomorphe au complexe Σ(W, S).
Proposition 2.2. — Lorsque A parcourt le système complet d’appartement de ∆, la famille de sous-complexes (A∞ )
de ∆∞ définit un système d’appartement sur ∆∞ . De plus, l’application A 7→ A∞ est une bijection entre l’ensemble
des appartements de ∆ et celui de ∆∞ .
Esquisse de preuve. — On admet le lemme suivant :
Lemme 2.3. —
i) Soient Q un quartier et C une chambre de ∆, alors il existe un appartement de ∆ contenant C et un sous-quartier
de Q.
ii) Soient Q, Q0 deux quartiers de ∆, il existe un appartement contenant des sous-quartiers de Q et Q0 .
Une conséquence du premier point de l’assertion est que pour chaque x ∈ ∆, la classe de parallélisme [F]
a un unique représentant F basée sur x. En effet, soit A un appartement contenant x et un représentant de [F].
Comme le parallélisme coïncide avec la notion usuelle sur A, il existe une unique facette vectorielle F basée
sur x qui représente [F]. À l’aide du Lemme 2.1, on peut montrer que F ne dépend pas de l’appartement A
qui la contient.
L’axiome i) de l’immeuble découle directement de la deuxième assertion lemme. Quant à l’axiome ii),
soient A et A0 deux appartements de ∆ et A∞ , A0∞ les sous-complexes de ∆∞ associés. Supposons que A∞ et
A0∞ a une chambre commune, alors il existe des quartiers Q ⊂ A et Q0 ⊂ A0 tels que [Q] = [Q0 ]. Par suite, il
existe un sous-quartier Q” contenu dans Q ∩ Q0 . En particulier, A ∩ A0 contient une chambre. Soit i : A → A0
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un isomorphisme fixant A ∩ A0 . Soit F∞ un simplexe dans A∞ ∩ A0∞ , représenté par une facette vectorielle
F contenue dans A ∩ A0 . Comme i fixe F, l’isomorphisme induit i∞ : A∞ → A0∞ fixe F∞ également.
Enfin, si deux appartements A et A0 de ∆ définissent le même appartement à l’infini, comme précédemment on suppose que x ∈ A ∩ A0 . Comme la classe de parallélisme [F] a un unique représentant F basée sur
x et comme les facettes vectorielles basées sur x représentant [F] recouvrent A et A0 lorsque [F] parcourt les
facettes de A∞ = A0∞ , on en déduit que A = A0 .
Lemme 2.4. — La réalisation géométrique de ∆∞ est l’espace des classes d’équivalence de demi-droites |∆∞ |.
Exemple 2.5. — Revenons sur l’exemple 1.3. Le (B, N)-paire de SLn (K) que nous avons donné dans
l’exemple définit un système complet d’appartement de son immeuble euclidien associé. Son immeuble
sphérique à l’infini est défini par un autre (B, N)-parie de SLn (K), avec le même N et B le sous-groupe des
matrices triangulaires supérieures de SLn (K).
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