Un racket organisŽ

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Un racket organisŽ
Les publicités doivent être plus pertinentes et ciblées
nomène :sur les smartphones, le
temps de chargement des pubs
rend lÕaffichage des pages web
inutilement long, surtout lorsque
le réseau nÕest pas très bon.
CQFD.
«Un poison
insidieux»
PATRICK STEINFORT, président de
la branche belge de l’Interactive
Advertising Bureau.
pub ne concernaient essentiellement que le monde ÇfixeÈ du PC,
épargnant ainsi les smartphones
et les tablettes qui ne représentaient dÕailleurs que 1,6 % du
trafic piraté par les adblockers en
juin 2015,si lÕon en croit toujours
lÕétude de PageFair et Adobe.
Mais cette époque semble désormais révolue car, le mois dernier,
ces programmes ont fait leur entrée en fanfare sur lÕiPhone et
lÕiPad du géant Apple. En permettant aux bloqueurs de pub de
développer leurs applications sur
son tout nouveau système dÕexploitation iOS9, la marque ˆ la
pomme a en effet semé un véritable vent de panique chez tous les
acteurs de lÕindustrie publicitaire,
des annonceurs aux éditeurs de
presse en ligne, en passant par les
régies et les agences médias, mais
aussi chez Google dont 90 % des
revenus proviennent de la publicité.
Le sentiment de tous ces acteurs
était dÕailleurs justifié : quelques
heures ˆ peine après le lancement
de lÕiOS9, les trois premiers adblockers pour les terminaux
dÕApple Ñ Crystal, Purify et
Peace Ñ se sont en effet hissés
dans le Top 5 des applications les
plus téléchargées sur lÕApp Store.
Un simple argument technique
peut aisément expliquer le phé-
Pour les patrons de sites de
presse, cÕest évidemment une catastrophe, car le mobile représente désormais 38 % du trafic
mondial sur le Web, trafic qui
pourrait •tre bient™t pollué par
les bloqueurs de pub et donc diminuer ces fameux revenus publicitaires essentiels ˆ leur survie.
ÇCes instruments de blocage
constituent un poison insidieux
pour les médias et la sociétéÈ,
écrivait récemment Chris Van
Roey, CEO de lÕUnion belge des
annonceurs (UBA), dans une
carte blanche adressée aux professionnels de la pub sur mm.be.
ÇCe dont le consommateur doit
•tre conscient, explique-t-il, cÕest
que le gratuit nÕexiste pas. Le
contenu gratuit encore moins.
LorsquÕil sÕagit de contenu et de
média, quelquÕun doit •tre payé
par quelquÕun. La plupart du
temps par des annonceurs, parfois par les pouvoirs publics. Sinon cÕest le consommateur qui
doit mettre la main au portefeuille. Lorsque les consommateurs détruisent sciemment le
modèle publicitaire avec des adblockers, ils se tirent directement
une balle dans le pied. Car ils attendent du contenu de qualité, et
celui-ci est généralement financé
par les annonceurs.È
Le nÏud du problème est lˆ :
comment préserver un modèle
économique qui repose sur la gratuité contre un peu de publicité ?
Car pour lÕimmense majorité des
sites dÕinformation, la pub est
NOUVELLES
Un racket organisŽ
Plus de 60 millions dÕutilisateurs actifs dans le monde. Voilˆ ce que p•se aujourdÕhui Adblock Plus, le plus cŽl•bre et le plus populaire des bloqueurs de
publicitŽ. Derri•re lui se cache la sociŽtŽ allemande Eyeo qui a fait de cette activitŽ anti-pub un vrai business lucratif. Car si lÕobjectif de dŽpart se voulait
ÇnobleÈ Ñ rendre la navigation sur le Web plus fluide et moins polluŽe par la
publicitŽ Ñ les motivations dÕAdblock Plus ont rapidement ŽtŽ gagnŽes par la
fi•vre rŽmunŽratrice.
Depuis 2011, Eyeo propose en effet aux Žditeurs de figurer sur une Çliste
blancheÈ sÕils diffusent des publicitŽs ÇacceptablesÈ. Traduction : la pub peut
donc passer ˆ travers le filtre dÕAdblock Plus pour autant quÕelle ne prŽsente
pas de formats agressifs ni dÕanimation au sein de la page web. Si certains petits sites peuvent figurer gratuitement sur cette Çliste blancheÈ, les tout gros
acteurs du Net doivent en revanche payer cher et vilain pour dŽcrocher le prŽcieux sŽsame. Google, Amazon, Microsoft et 60 autres grandes entreprises ont
ainsi franchi le pas, cŽdant au passage quelque 30 % des revenus gŽnŽrŽs sur
chaque page ainsi dŽbloquŽe. Pour les sites dÕinfo qui nÕont pas les moyens de
cŽder, cette pratique rel•ve tout bonnement du racket et certains Žditeurs allemands ont dÕailleurs saisi la justice pour dŽnoncer cet Žtat de fait, en vain.
Juteux, le business dŽveloppŽ par Adblock Plus gagne ˆ prŽsent les bloqueurs
de pub sur mobile puisque lÕapplication Crystal pour lÕiPhone Ñ dŽjˆ tŽlŽchargŽe plus de 100.000 fois au prix unique de 0,99 euro Ñ vient de cŽder aux sir•nes de la fameuse Çliste blancheÈ. Le nouvel adblocker vedette de lÕApp
Store a en effet signŽ un accord avec la sociŽtŽ Eyeo pour laisser passer ˆ son
tour quelques publicitŽs contre de beaux billets. Bref, le racket continue...
bien souvent la seule source de financement. Depuis les balbutiements du Web, lÕinternaute a été
habitué au Çtout gratuitÈ, quitte ˆ
•tre de plus en plus inondé dÕannonces ciblées, pour ne pas dire
carrément ÇfliquéÈ par les
marques. Retirer artificiellement
cette publicité gr‰ce ˆ lÕutilisation
de système de blocage revient ˆ
priver les sites concernés de revenus indispensables ˆ leur survie et
donc mettre en péril, de manière
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GRAPHIQUES
03
plus générale, lÕavenir des contenus gratuits sur le Web.
Quatre solutions
Fragilisés par les bloqueurs de
pub, certains dirigeants tirent
déjˆ la sonnette dÕalarme, ˆ lÕinstar de Christophe Laporte, patron du site fran•ais dÕinfos
techno MacGeneration, dont
40 % des 700.000 visiteurs
uniques par mois ont recours
ˆ un adblocker : ÇLa montée en

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