Loués soient les poulets

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Loués soient les poulets
Loués soient les poulets Entre les képis de la Police nationale et l’aviculteur Loué, ça fleure bon la récidive ! La nouvelle campagne d’affichage de ce dernier a encore pris récemment un malin plaisir à jouer avec la sémantique du mot « poulet » de la langue française. C’est ainsi que l’on voit actuellement un gendarme juché sur un tracteur équipé d’un gyrophare côtoyant une fière volaille elle-­‐même perchée sur son panneau du village de Loué. L’idée potache provient du directeur général de la Coopérative des poulets de Loué, Yves de la Fouchardière. L’éleveur avicole n’en est pas à son coup d’essai. Déjà en 2010, il s’était aventuré à brocarder la maréchaussée en imaginant une affiche faisant figurer d’un côté un policier décontracté avec le slogan clin d’œil « Poulet de Loué élevé en liberté » et de l’autre des pandores compactés dans une estafette de police avec une simple mention « D’autres poulets ». Objectif de cette parabole humoristique : vanter avec humour les mérites des poulets élevés en plein air par rapport à ceux issus des élevages en batterie. Néanmoins, la familiarité taquine d’Yves de la Fouchardière s’est à chaque fois attiré les foudres de certains représentants de l’ordre. Ceux-­‐ci y voient une inacceptable atteinte à la dignité de leur profession. Il y a deux ans, le syndicat Unité SGP Police s’était fendu d’une lettre indignée au directeur général de Loué pour critiquer cet « outrage à agent de la force publique ». En s’indignant bruyamment, les policiers vexés se sont en fin de compte administré eux-­‐mêmes un retour de matraque qui bénéficie plus à la notoriété des poulets de Loué qu’à l’image des forces de l’ordre. Lesquelles apparaissent sur ce coup comme étant plutôt des mauvais coucheurs. De plus, si l’objectif était de réduire au silence la campagne moqueuse, l’effet est totalement raté puisque médias et réseaux sociaux s’en sont emparés avec délectation. La réaction syndicale est d’autant plus décalée que la culture hexagonale a toujours malicieusement associé sa police à des vocables de volatiles. Il suffit de feuilleter quelques pages du dictionnaire de l’argot pour se remémorer nombre d’expressions espiègles comme « poulet » évidemment mais aussi « perdreau », « poulaga », voire « la maison Poulardin ». En ce sens, la marque Loué ne fait que rebondir sur un filon populaire volontiers taquin à l’égard des forces de l’ordre. L’origine argotique même du mot « poulet » possède de surcroît un lien avec la dite volaille qu’élève la coopérative de Loué. C’est d’ailleurs le site internet du ministère de l’Intérieur lui-­‐même qui dévoile l’origine de l’association sémantique entre policier et « poulet » : « par arrêté du préfet de police du 7 septembre 1870, les sergents de ville changent de nom ; ils deviennent des gardiens de la Paix publique. Leur uniforme est modifié, le bicorne est remplacé par le képi. En 1871, Jules Ferry met à disposition de la préfecture de police la caserne de la Cité pour en faire son siège. Cette caserne ayant été bâtie sur l’emplacement de l’ancien marché aux volailles de Paris, le sobriquet de poulet est alors donné aux policiers ». Dans cette affaire des poulets de Loué, s’il y a un P.-­‐V. à dresser sur le champ, c’est bien aux pisse-­‐froids syndicaux qui se sont offusqués un peu trop prestement. Si le pitch publicitaire de Loué n’a en soi rien de follement génial, il n’est nullement une insulte à la profession. D’ailleurs, il est des policiers et des gendarmes qui ne s’y sont pas trompés. Dans certaines casernes et commissariats, l’affiche est devenue un authentique collector comme le raconte amusé Yves de la Fouchardière : « À l’époque, nous avons procédé à 9 000 retirages pour satisfaire toutes les demandes qui nous sont parvenues par courrier ou par téléphone. Plus surprenant, beaucoup de requérants n’étaient autres que... des gendarmeries et des commissariats de police. Nous avons eu énormément de sollicitations de la part des forces de l’ordre, pour des pots de départ, par exemple ». Comme quoi l’affaire ne valait guère le coup de se dresser sur ses ergots ! D’après un article d’Olivier Cimelière www.leplus.nouvelobs.com