université d`oran - Laboratoire de Macro Economie
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UNIVERSITÉ D’ORAN Faculté des sciences économiques et des sciences de gestion et des sciences commerciales Ecole Doctorale d’Economie et de Management Mémoire de Magister en Economie Option : Economie Internationale Thème : L’OMC et les accords commerciaux préférentiels : Les accords d’association des pays du Maghreb avec l’Union européenne Présenté par : Sous la Direction de: M. MELLAL Ahmed M. DERBAL Abdelkader Professeur - Université d’Oran Membres de jury : Président : M. MIRAOUI Abdelkrim Professeur - Université d’Oran Rapporteur : M. DERBAL Abdelkader Professeur - Université d’Oran Examinateur : M. DELLIL Mohamed Kheireddine Maitre de conférences (A)-Université d’Oran Examinateur : M. EL AFFANI Amar Maitre de conférences (A)-Université d’Oran Année universitaire 2013-2014 REMERCIEMENTS L'aventure de réalisation de ce travail de recherche dans le cadre d’un mémoire de magister a commencé après le choix du sujet, par une alternance de périodes d’enthousiasme et de doutes profonds, et enfin elle se conclut par la rédaction du mémoire, qui représente véritablement l’aboutissement du travail. Cet exercice n’aurait pas été possible sans la contribution de quelques personnes, c'est pourquoi je me fais le devoir de les citer pour leur exprimer ma profonde gratitude. Je voudrais en tout premier exprimer mes sincères remerciements à mon directeur de mémoire, le professeur DERBAL Abdelkader, pour l’encadrement de ma recherche, pour sa clairvoyance et la pertinence de ses conseils, sa rigueur, sa confiance, ainsi que son implication durant toute la phase de recherche. Son œil critique m’a été d’une aide inestimable pour l’amélioration de la qualité de ce travail. Dès le début, le professeur DERBAL s’est investi dans mon travail de recherche, et il l’est resté jusqu’à la fin. Qu’il voit dans ce travail l’expression de ma reconnaissance. Je tiens aussi à remercier Monsieur MIRAOUI Abdelkrim, Professeur à l’université d’Oran, de m’avoir fait l’honneur de présider le jury de mémoire et pour avoir eu l'amabilité de lire et d'évaluer mon travail. Je tiens à lui exprimer ma profonde gratitude. Je voudrais également adresser mes sincères remerciements, à Messieurs; DELLIL Kheireddine, Maitre de conférences classe "A" à l'Université d'Oran et EL AFFANI Amar, Maitre de conférences classe "A" à l'Université d'Oran, qui ont bien voulu me faire l’honneur de consacrer une partie de leur temps pour évaluer ce travail. Le présent travail a été réalisé à la faculté des Sciences économiques, de Gestion et de sciences commerciales de l'université d'Oran, dirigée par le professeur BOULANOUAR Bachir, et à l’École Doctorale économie et management, dirigée par le professeur BENBAYER Habib, et sans oublier le Docteur FEKIH Abdelhamid, Vice doyen de la post-graduation. Je tiens à leurs exprimer toute ma reconnaissance. L’aboutissement de ce travail a aussi été encouragé par de nombreuses discussions avec mes enseignants et mes collègues de la Faculté des Sciences économiques, le soutien qu’ils m’ont apporté a été précieux pour parvenir au terme de cette passionnante aventure. Je mesure la chance que j’ai à les avoir eus à mes côtés. Mille mercis à eux pour ces riches et stimulants échanges. Je tiens à remercier également l’ensemble du personnel de l’Ecole Doctorale et les employés de la Bibliothèque de la faculté pour leur efficacité, leur disponibilité et amabilité. Je voudrais exprimer ici également mes sincères remerciements à Madame Khalfoune, pour son aide et sa bienveillance, ainsi qu'à Madame Touaitia, Madame Fatima et Madame Houaria. Ces remerciements ne seraient pas complets sans l’expression de ma sympathie à toute personne qui a apporté une contribution directe ou indirecte à la réalisation de ce travail. Ahmed Mellal DEDICACE Je commencerai par remercier Dieu le tout puissant de m’avoir donné le courage, la volonté, l’amour du savoir et surtout la patience pour réaliser ce travail. Les mots sont insuffisants pour exprimer toute ma gratitude et ma reconnaissance à ma famille, qui a toujours été pour moi le pilier d’encouragement fondamentale, J’espère que mes parents trouveront dans ce travail ma reconnaissance pour tous leurs sacrifices et leur soutien permanents. Un grand merci à mes frères, mes sœurs, pour avoir toujours cru en moi, pour leur patience et leurs encouragements continuels. Jamais un aussi long effort n’aurait été possible sans leur soutien. Ma reconnaissance va surtout à ma femme pour son précieux soutien et sa confiance durant les moments de doute et de détresse, ma source de bonheur aux pires moments de ce travail. Je remercie particulièrement mes amis qui ont su m’encourager à leur façon tout au long de mes études, leur soutien dans les moments difficiles: MM. Bahidj Djamel, Mezouar Zine el abidine, Chakrar Dilmi, Mizouri Tayeb, Benjeddah Toufik et Borchi Salah. Et enfin, j’adresse un chaud remerciement à tous ceux qui m’ont aidé de près ou de loin pour mener à bien ce travail. Ahmed Mellal RESUME Au cours de la dernière décennie du vingtième siècle, les accords commerciaux préférentiels (ACPr) ont commencé à prendre une place importante dans les relations commerciales entre les pays. La prolifération et le progrès de ces ACPr et leur rapport avec le système commercial multilatéral (SCM), ont conduit à de grandes préoccupations et ont suscité de diverses réactions et d’inquiétudes de la part des responsables gouvernementaux et des analystes sur ce qui peut inciter les pays à participer à de tels accords. Par ailleurs, et dans un cadre académique, ces craintes se sont manifestées par des recherches qui ont été menées sur ce phénomène, ces recherches qui arrivent souvent aux diverses conclusions. D’une part, plusieurs approches suggèrent que ces nouvelles formes d’Accords, sont comme un défaut congénital qui contribue aux échecs du SCM, et d’autre part, autres approches affirment que les accords multilatéraux et les ACPr sont complémentaires et doivent être conçus en conséquence. Généralement, les analyses empiriques ont mis l’accent sur l'importance des ACPr comme un moyen de progrès plus rapide vers la libéralisation complète, plus profonde et sans entraves des échanges internationaux, qui peuvent servir à réduire dans certains cas le fossé entre les pays et apporter une contribution satisfaisante au développement économique. Dans ce contexte, l’expérience de l'Union Européenne (UE) avec les ACPr est perçue pour lui donner un avantage comparatif dans ce domaine, l’UE est considérée comme un partisan de l'intégration régionale. Dans cette dernière acception, l’adoption de la Déclaration de Barcelone lancée en novembre 1995, avait permis à l'UE de s’engager avec les pays Méditerranéens pour définir le nouveau cadre de partenariat euroméditerranéen fondé sur le principe de réciprocité en conformité avec les nouvelles exigences de l’OMC. Le processus de Barcelone qui prévoit entre autres, l'instauration progressive d'une zone de libre-échange en Méditerranée à l'horizon de 2010, s’est matérialisé par la conclusion de plusieurs accords bilatéraux de nouvelle génération, dont les Accords d’Association (AA) entre les pays du Maghreb et l’UE. Ces AA prennent en considération dans leurs volets politiques, économiques et sociaux, les difficultés internes et externes qui ont défavorablement contribué à enrayer l’insertion des pays du Maghreb dans l’économie mondiale. D’après leurs contenues, ils sont apparus pour aider les pays du Maghreb à émerger et améliorer leurs crédibilités sur la scène internationale. Mais, malgré les efforts que toute la région a dû fournir, à l’heure actuelle, on constate toujours des résultats médiocres, car ces pays risquent toujours d’être marginalisés de la mondialisation. Ce travail de recherche s’inscrit dans le cadre du débat relatif aux ACPr. Il fera l’objet d’une analyse relative aux AA des pays du Maghreb avec l’UE. Il est consacré tous d’abord à dresser un bilan de ces AA afin de savoir s’ils ont suffisamment contribué à la stimulation des échanges commerciaux entre les deux parties ou non? Au-delà de cette évaluation, on va identifier à travers quelques théories et résultats de recherches empiriques sur les ACPr, les différents facteurs qui influencent négativement sur les relations économiques entre l’UE et les pays du Maghreb et qui ont conduit à ce bilan qualifié mitigé au long du parcours de l’expérience de la coopération entre les deux parties. En plus, ce travail vise à mettre en exergue les nouveaux instruments de réforme structurelle mise en place qui visent à renforcer la convergence institutionnelle et qui contribueront à appuyer la mise en œuvre d’une intégration plus profonde (Deep integration) entre les pays du Maghreb et l’UE. Mots clés : Accords commerciaux multilatéraux, GATT / OMC, Accords commerciaux préférentiels (ACPr), les règles d’origine, Intégration régionale, création et détournement du commerce, l’effet de l'assiette de spaghettis, l’effet de domino, Hub and spokes, intégration superficielle et intégration profonde, convergence institutionnelle, pays du Maghreb, le partenariat Euro-Méditerranéen et les accords d’association. SUMMARY During the last decade of the twentieth century, Preferential Trade Agreements (PTA) has begun to take an important place in trade relations between countries. The growth and progress of the PTA and their relationship with the Multilateral Trading System (MTS), has led to serious concerns and prompted the various reactions and of government officials and analysts which may induce countries to participate in such agreements. Moreover, in an academic context, these worries are expressed by research that has been conducted on this phenomenon; which has often came to different conclusions. Several approaches suggest that these new forms of agreements are as a congenital defect that contributes to the failure of SCM. In the other hand, PTAs and multilateral agreements are complementary and should be designed accordingly. Generally, empirically analyses have focused on the importance of PTA as a way to accelerate progress towards the full and deeper liberalization and unfettered international trade, which can be used in some cases to reduce the gap between countries and a satisfactory contribution to economic development. In this context, the experience of European Union (EU) with PTAs is perceived to give it a comparative advantage in this area, the EU is seen as a supporter of regional integration. In this later sense, the adoption of Barcelona Declaration, launched in November 1995 had allowed the EU to engage with the Mediterranean countries to define a new framework of Euro-Mediterranean partnership, based on the principle of reciprocity in accordance with the new requirements of the WTO. The Barcelona Process, which provides the gradual establishment of a free trade area in the Mediterranean by 2010, it was evidenced by signing several bilateral agreements on new generation, including Association Agreements (AA) between the Maghreb countries and the EU. These AAs take into account (in their political, economic and social aspects) the internal and external challenges that have adversely contributed to stop the integration of Maghreb countries in the global economy and according to their content; they appeared to help Maghreb countries emerging and improve their international credibility. At present, despite the efforts provided by the entire Maghreb region, there are still poor results and these countries may still be marginalized from globalization. This research work, registered in the form of relative debate in PTA. It will study and analyses the AA of the Maghreb countries with the EU. This work focuses first to give a better understanding of AA in order to know if it contributes enough to stimulate the trade exchange between both parties, or not? The evaluations in our Work will try to illuminate and identify through some theory, and the result of empiric research on the PTA, the different factor which negatively influenced the economic relation between EU and the Maghreb countries, which have concluded that these mixed result in each way they have experience of cooperation between these countries. In conclusion, this work will focus to make a point about the new structural reform, which is a valuable asset and which seems to help some institutional convergence and Deep Integration between the Maghreb and the EU. Keywords: Multilateral trade agreements; GATT / WTO; preferential trade agreements; rules of origin; regional integration; trade creation and trade diversion; Effects of Hub-and-Spokes; shallow and deep integration; The spaghetti bowl effect; domino effect; institutional convergence; Maghreb; Euro-Mediterranean Partnership and Association Agreements ﻣﻠﺨــــﺺ ﺧﻼل اﻟﻌﻘﺪ اﻷﺧﯿﺮ ﻣﻦ اﻟﻘﺮن اﻟﻌﺸﺮﯾﻦ ،أﺧﺬت اﺗﻔﺎﻗﯿﺎت اﻟﺘﺠﺎرة اﻟﺘﻔﻀﯿﻠﯿﺔ ) (ACPrﻣﻜﺎﻧﺔ ھﺎﻣﺔ ﻓﻲ اﻟﻌﻼﻗﺎت اﻟﺘﺠﺎرﯾﺔ ﺑﯿﻦ اﻟﺪول ،ﺣﯿﺚ أدى اﻧﺘﺸﺎر وﺗﻄﻮر ھﺬه اﻻﺗﻔﺎﻗﯿﺎت اﺿﺎﻓﺔ إﻟﻰ طﺒﯿﻌﺔ ﻋﻼﻗﺘﮭﺎ ﻣﻊ اﻟﻨﻈﺎم اﻟﺘﺠﺎري اﻟﻤﺘﻌﺪد اﻷطﺮاف ) (SCMاﻟﻰ إﺛﺎرة ﻋﺪة اﻧﺸﻐﺎﻻت وردود ﻓﻌﻞ ﻣﺘﺒﺎﯾﻨﺔ ﺑﯿﻦ اﻟﻤﺴﺆوﻟﯿﻦ اﻟﺤﻜﻮﻣﯿﯿﻦ واﻟﻤﺤﻠﻠﯿﻦ اﻟﻤﺨﺘﺼﯿﻦ ﺣﻮل ﻣﺨﺘﻠﻒ اﻷﺳﺒﺎب اﻟﺤﻘﯿﻘﯿﺔ و اﻟﺪواﻋﻲ اﻟﺘﻲ ﯾﻤﻜﻦ ان ﺗﺤﻔﺰ اﻟﺪول ﻣﻦ أﺟﻞ اﻟﻤﺸﺎرﻛﺔ ﻓﻲ ﻣﺜﻞ ﺗﻠﻚ اﻻﺗﻔﺎﻗﯿﺎت اﻟﺘﻔﻀﯿﻠﯿﺔ .ﻣﻦ ﺟﮭﺔ أﺧﺮى وﻓﻲ اﻹطﺎر اﻷﻛﺎدﯾﻤﻲ ،أدت ﺗﻠﻚ اﻻﻧﺸﻐﺎﻻت واﻟﺘﺴﺎؤﻻت إﻟﻰ إﺻﺪار ﻣﺠﻤﻮﻋﺔ ﻣﻦ اﻟﺒﺤﻮث اﻟﺘﻲ أﺟﺮﯾﺖ ﺣﻮل ھﺬه اﻟﻈﺎھﺮة ،واﻟﺘﻲ ﻛﺎﻧﺖ ﻏﺎﻟﺒﺎ ﻣﺎ ﺗﺼﻞ إﻟﻰ اﺳﺘﻨﺘﺎﺟﺎت ﻣﺘﺒﺎﯾﻨﺔ وﻣﺘﻨﺎﻗﻀﺔ ،ﻧﺠﺪ ﻣﻦ ﺑﯿﻨﮭﺎ ﻋﺪة ﺣﺠﺞ ﺗﺄﻛﺪ ﻋﻠﻰ أن ھﺬه اﻷﺷﻜﺎل اﻟﺠﺪﯾﺪة ﻣﻦ اﻻﺗﻔﺎﻗﯿﺎت اﻟﺘﺠﺎرﯾﺔ ھﻲ ﺑﻤﺜﺎﺑﺔ ﻋﯿﺐ ﺧﻠﻘﻲ ﺳﺎھﻢ ﻓﻲ إﻋﺎﻗﺔ وﻓﺸﻞ اﻟﻨﻈﺎم اﻟﺘﺠﺎري اﻟﻤﺘﻌﺪد اﻷطﺮاف ،إﻟﻰ أن اﻟﺒﻌﺾ اﻵﺧﺮ ﯾﺮى أﻧﮫ ﻋﻠﻰ ﻋﻜﺲ ذﻟﻚ ﻓﺎﻻﺗﻔﺎﻗﯿﺎت ﻣﺘﻌﺪدة اﻷطﺮاف واﻻﺗﻔﺎﻗﯿﺎت اﻟﺘﺠﺎرﯾﺔ اﻟﺘﻔﻀﯿﻠﯿﺔ ﻣﺘﻜﺎﻣﻠﺘﺎن وﻗﺪ ﺻﻤﻤﺘﺎ ﻣﻦ أﺟﻞ ذﻟﻚ .ﺑﺼﻔﺔ ﻋﺎﻣﺔ ،اﻟﻜﺜﯿﺮ ﻣﻦ اﻟﺪراﺳﺎت اﻟﺘﺠﺮﯾﺒﯿﺔ اﻟﺤﺪﯾﺜﺔ أﻛﺪت ﻋﻠﻰ أھﻤﯿﺔ اﻻﺗﻔﺎﻗﯿﺎت اﻟﺘﺠﺎرﯾﺔ اﻟﺘﻔﻀﯿﻠﯿﺔ ﻛﻌﻤﻠﯿﺔ ﻟﺘﻘﺪم ﺳﺮﯾﻊ ﻧﺤﻮ ھﺪف اﻟﺘﺤﺮﯾﺮ اﻟﻜﺎﻣﻞ واﻟﻌﻤﯿﻖ ﻟﻠﻤﺒﺎدﻻت اﻟﺘﺠﺎرﯾﺔ اﻟﺪوﻟﯿﺔ، واﻟﺘﻲ ﯾﻤﻜﻦ ان ﺗﺴﺎھﻢ إﻟﻰ ﺣﺪ ﻛﺒﯿﺮ ﻓﻲ ﺗﻘﻠﯿﺺ اﻟﻔﺠﻮة اﻻﻗﺘﺼﺎدﯾﺔ ﺑﯿﻦ اﻟﺒﻠﺪان ﻣﻦ ﺧﻼل ﻣﺤﺎوﻟﺔ ﺗﺤﻘﯿﻖ اﻟﺘﻨﻤﯿﺔ اﻻﻗﺘﺼﺎدﯾﺔ ﺑﺘﻠﻚ اﻟﺪول. ﻓﻲ ھﺬا اﻟﺴﯿﺎق ،ﻓﺈن ﺗﺠﺮﺑﺔ اﻻﺗﺤﺎد اﻷوروﺑﻲ ﻣﻊ اﺗﻔﺎﻗﯿﺎت اﻟﺘﺠﺎرة اﻟﺘﻔﻀﯿﻠﯿﺔ ﺗﺠﻌﻠﮫ ﯾﻜﺴﺐ ﻣﯿﺰة ﻧﺴﺒﯿﺔ ﻓﻲ ھﺬا اﻟﻤﺠﺎل ،إذ ﯾﻌﺘﺒﺮ اﻻﺗﺤﺎد اﻷوروﺑﻲ ﺑﻤﺜﺎﺑﺔ ﻣﺆﯾﺪ ﻟﻌﻤﻠﯿﺎت اﻟﺘﻜﺎﻣﻞ اﻹﻗﻠﯿﻤﻲ .ﺑﺎﻋﺘﺒﺎر ﻣﺎ ﺳﺒﻖ ،ﻓﺈن ﺗﺒﻨﻲ إﻋﻼن ﺑﺮﺷﻠﻮﻧﺔ اﻟﻤﻨﻌﻘﺪ ﻋﺎم ،1995ﺳﻤﺢ ﻟﻼﺗﺤﺎد اﻷوروﺑﻲ ﺑﺈﻗﺎﻣﺔ ﻣﻔﺎوﺿﺎت ﻣﻊ اﻟﺒﻠﺪان اﻟﺠﻨﻮﺑﯿﺔ ﻟﺤﻮض اﻟﺒﺤﺮ اﻷﺑﯿﺾ اﻟﻤﺘﻮﺳﻂ ﻣﻦ أﺟﻞ اﻗﺎﻣﺔ ﻋﻼﻗﺎت ﺑﯿﻦ اﻟﻄﺮﻓﯿﻦ وھﺬا ﻋﻦ طﺮﯾﻖ اﺑﺮام اﺗﻔﺎﻗﯿﺎت ﺷﺮاﻛﺔ ﻣﻦ اﻟﺠﯿﻞ اﻟﺠﺪﯾﺪ ﺗﺴﺘﻨﺪ ﻋﻠﻰ ﻣﻨﺢ اﻷﻓﻀﻠﯿﺎت اﻟﺘﺠﺎرﯾﺔ وﻓﻘﺎ ﻟﻤﺒﺪأ اﻟﻤﻌﺎﻣﻠﺔ ﺑﺎﻟﻤﺜﻞ ﺗﻤﺎﺷﯿﺎ ﻣﻊ اﻟﻘﻮاﻋﺪ اﻟﺠﺪﯾﺪة اﻟﻤﻌﻤﻮل ﺑﮭﺎ ﻓﻲ ﻣﻨﻈﻤﺔ اﻟﺘﺠﺎرة اﻟﻌﺎﻟﻤﯿﺔ ) .(OMCإن اﺗﻔﺎﻗﯿﺔ ﺑﺮﺷﻠﻮﻧﺔ ﺗﮭﺪف ﻣﻦ ﺑﯿﻦ ﻋﺪة أﻣﻮر اﺧﺮى إﻟﻰ اﻹﻧﺸﺎء اﻟﺘﺪرﯾﺠﻲ ﻟﻤﻨﻄﻘﺔ اﻟﺘﺠﺎرة اﻟﺤﺮة ﻣﺎ ﺑﯿﻦ دول اﻻﺗﺤﺎد اﻷوروﺑﻲ و ﺑﻠﺪان ﺟﻨﻮب ﻣﻨﻄﻘﺔ اﻟﺒﺤﺮ اﻷﺑﯿﺾ اﻟﻤﺘﻮﺳﻂ اﺑﺘﺪاء ﻣﻦ ﺳﻨﺔ ،2010ﻛﻤﺎ أﻧﮭﺎ ﺗﻮﺟﺖ ﺑﺘﻮﻗﯿﻊ ﻋﺪة اﺗﻔﺎﻗﯿﺎت ﺛﻨﺎﺋﯿﺔ ﻣﻦ ﺑﯿﻨﮭﺎ اﻻﺗﻔﺎﻗﯿﺎت اﻟﺘﺠ ﺎرﯾﺔ اﻟﺜﻨﺎﺋﯿﺔ ﺑﯿﻦ ﺑﻠﺪان اﻟﻤﻐﺮب اﻟﻌﺮﺑﻲ واﻻﺗﺤﺎد اﻷوروﺑﻲ ،ھﺬه اﻻﺗﻔﺎﻗﯿﺎت ﺑﻤﺠﻤﻠﮭﺎ ﺗﺄﺧﺬ ﺑﻄﺒﯿﻌﺔ أﺑﻌﺎدھﺎ اﻟﺴﯿﺎﺳﯿﺔ ،اﻻﻗﺘﺼﺎدﯾﺔ واﻻﺟﺘﻤﺎﻋﯿﺔ ﺑﻌﯿﻦ اﻻﻋﺘﺒﺎر ﻣﺨﺘﻠﻒ اﻟﺘﺤﺪﯾﺎت اﻟﺪاﺧﻠﯿﺔ واﻟﺨﺎرﺟﯿﺔ اﻟﺘﻲ ﺗﻌﯿﻖ ﺳﻠﺒﺎ ﻋﻤﻠﯿﺔ إدﻣﺎج اﻟﺒﻠﺪان اﻟﻤﻐﺎرﺑﯿﺔ ﻓﻲ اﻻﻗﺘﺼﺎد اﻟﻌﺎﻟﻤﻲ ،ﻛﻤﺎ أﻧﮭﺎ ﺗﮭﺪف اﯾﻀﺎ إﻟﻰ ﻣﺤﺎوﻟﺔ ﺗﺤﻘﯿﻖ اﻟﺘﻄﻮر اﻻﻗﺘﺼﺎدي واﻟﻤﺴﺎھﻤﺔ ﻓﻲ ﺗﺤﺴﯿﻦ ﻣﺼﺪاﻗﯿﺔ ﺗﻠﻚ اﻟﺒﻠﺪان ﻋﻠﻰ اﻟﺼﻌﯿﺪ اﻟﺪوﻟﻲ .ﻟﻜﻦ ﻋﻠﻰ اﻟﺮﻏﻢ ﻣﻦ ذﻟﻚ وﻋﻠﻰ اﻟﺮﻏﻢ ﻣﻦ اﻟﺠﮭﻮد اﻟﻤﻌﺘﺒﺮة اﻟﻤﺒﺬوﻟﺔ ﻣﻦ ﻗﺒﻞ ﻛﻞ دول اﻟﻤﻨﻄﻘﺔ وﺧﺎﺻﺔ اﻟﻤﻐﺎرﺑﯿﺔ ،إﻻ أﻧﻨﺎ ﻻ ﻧﺰال ﻧﺴﺠﻞ ﻧﺘﺎﺋﺞ ﺿﻌﯿﻔﺔ ،وﻻ ﺗﺰال ھﺬه اﻟﺒﻠﺪان ﺗﻌﯿﺶ ﺗﺤﺖ ﺧﻄﺮ اﻟﺘﮭﻤﯿﺶ ﺑﻔﻌﻞ اﻟﻌﻮﻟﻤﺔ. ﻓﻲ ﻣﺤﺎوﻟﺔ ﻟﺪﻋﻢ أﺣﺪ اﻟﻤﺒﺮرات ﻟﺼﺎﻟﺢ أو ﺿﺪ اﻻﺗﻔﺎﻗﯿﺎت اﻟﺘﺠﺎرﯾﺔ اﻟﺘﻔﻀﯿﻠﯿﺔ .ﯾﮭﺪف ھﺬا اﻟﻌﻤﻞ ﻓﻲ ﺑﺪاﯾﺔ اﻷﻣﺮ إﻟﻰ ﻣﺤﺎوﻟﺔ ﺗﻘﯿﯿﻢ وﺗﻘﺪﯾﻢ ﺣﺼﯿﻠﺔ ﻻﺗﻔﺎﻗﯿﺎت اﻟﺸﺮاﻛﺔ اﻷور وﻣﺘﻮﺳﻄﯿﺔ اﻟﻤﺒﺮﻣﺔ ﺑﯿﻦ دول اﻟﻤﻐﺮب اﻟﻌﺮﺑﻲ واﻻﺗﺤﺎد اﻷوروﺑﻲ وھﺬا ﺑﮭﺪف اﻹﺟﺎﺑﺔ ﻋﻠﻰ اﻟﺴﺆال اﻟﺘﺎﻟﻲ :ھﻞ ﺳﺎھﻤﺖ اﺗﻔﺎﻗﯿﺎت اﻟﺸﺮاﻛﺔ ﺑﯿﻦ ﺑﻠﺪان اﻟﻤﻐﺮب اﻟﻌﺮﺑﻲ واﻻﺗﺤﺎد اﻷوروﺑﻲ ﻣﻨﺬ دﺧﻮﻟﮭﺎ ﺣﯿﺰ اﻟﺘﻨﻔﯿﺬ ﺑﻘﺪر ﻛﺎف ﻓﻲ ﺗﺤﻔﯿﺰ اﻟﺘﺒﺎدل اﻟﺘﺠﺎري ﺑﯿﻦ اﻟﻄﺮﻓﯿﻦ؟ ﺑﻌﯿﺪا ﻋﻦ ھﺬا اﻟﺘﻘﯿﯿﻢ اﻟﺘﻘﻠﯿﺪي ﻟﺘﻠﻚ اﻻﺗﻔﺎﻗﯿﺎت ،ﺳﻮف ﻧﺤﺎول أﯾﻀﺎ وھﺬا ﻣﻦ ﺧﻼل اﺳﻘﺎط ﺑﻌﺾ اﻟﻨﻈﺮﯾﺎت و ﻧﺘﺎﺋﺞ اﻷﺑﺤﺎث اﻟﺤﺪﯾﺜﺔ اﻟﻤﺘﻌﻠﻘﺔ ﺑﺎﻻﺗﻔﺎﻗﯿﺎت اﻟﺘﺠﺎرﯾﺔ اﻟﺘﻔﻀﯿﻠﯿﺔ ،ﻋﻠﻰ ﺗﺤﺪﯾﺪ ودراﺳﺔ ﻣﺨﺘﻠﻒ اﻟﻌﻮاﻣﻞ اﻟﺘﻲ ﺗﺆﺛﺮ ﻋﻠﻰ اﻟﻌﻼﻗﺎت اﻻﻗﺘﺼﺎدﯾﺔ ﺑﯿﻦ اﻻﺗﺤﺎد اﻷوروﺑﻲ وﺑﻠﺪان اﻟﻤﻐﺮب اﻟﻌﺮﺑﻲ واﻟﺘﻲ أدت اﻟﻰ ﺗﻠﻚ اﻟﻨﺘﺎﺋﺞ اﻟﻤﺘﺒﺎﯾﻨﺔ طﻮال ﻣﺴﺎر ﺗﺠﺮﺑﺔ اﻟﺘﻌﺎون ﺑﯿﻦ اﻟﻄﺮﻓﯿﻦ .وﺑﺎﻹﺿﺎﻓﺔ إﻟﻰ ذﻟﻚ ،ﯾﮭﺪف ھﺬا اﻟﻌﻤﻞ ﻟﻤﺘﺎﺑﻌﺔ وﺗﻘﯿﯿﻢ أھﻢ ﺟﻮاﻧﺐ اﻟﺴﯿﺎﺳﺔ اﻷور وﻣﺘﻮﺳﻄﯿﺔ ،وﺧﺎﺻﺔ ﺑﺘﺴﻠﯿﻂ اﻟﻀﻮء ﻋﻠﻰ ﻣﺨﺘﻠﻒ اﻟﺼﯿﻎ اﻟﺠﺪﯾﺪة ﻣﻦ اﻹﺻﻼح اﻟﮭﯿﻜﻠﻲ اﻟﺘﻲ ھﻲ ﻓﻲ طﺮﯾﻖ اﻟﺘﻨﻔﯿﺬ )اﻟﻤﺒﺎدرات اﻻﻗﺘﺼﺎدﯾﺔ واﻟﻤﺎﻟﯿﺔ( ﻛﻮﻧﮭﺎ ﺗﺮﻣﻲ ﻧﺤﻮ ﺗﺤﻘﯿﻖ ﻧﻮع ﻣﻦ اﻟﺘﻘﺎرب اﻟﻤﺆﺳﺴﺎﺗﻲ واﻟﺘﻜﺎﻣﻞ اﻷﻛﺜﺮ ﻋﻤﻘﺎ ) اﻟﺘﻜﺎﻣﻞ اﻟﻤﻌﻤﻖ( ﺑﯿﻦ ﺑﻠﺪان اﻟﻤﻐﺮب اﻟﻌﺮﺑﻲ واﻻﺗﺤﺎد اﻷوروﺑﻲ. ﻛﻠﻤﺎت اﻟﺒﺤﺚ :اﻻﺗﻔﺎﻗﯿﺎت اﻟﺘﺠﺎرﯾﺔ ﻣﺘﻌﺪدة اﻷطﺮاف ،اﺗﻔﺎﻗﯿﺔ اﻟﺠﺎت ،ﻣﻨﻈﻤﺔ اﻟﺘﺠﺎرة اﻟﻌﺎﻟﻤﯿﺔ ،اﻻﺗﻔﺎﻗﯿﺎت اﻟﺘﺠﺎرﯾﺔ اﻟﺘﻔﻀﯿﻠﯿﺔ ،ﻗﻮاﻋﺪ اﻟﻤﻨﺸﺄ، اﻟﺘﻜﺎﻣﻞ اﻹﻗﻠﯿﻤﻲ ،ﺧﻠﻖ وﺗﺤﻮﯾﻞ ﻣﺴﺎر اﻟﺘﺠﺎرة ،أﺛﺮ ﺻﺤﻦ اﻟﻤﻌﻜﺮوﻧﺔ ،أﺛﺮ اﻟﺪوﻣﯿﻨﻮ ،ﻗﻮاﻋﺪ اﻟﻤﺮﻛﺰ واﻟﻤﺤﻮر ،اﻟﺘﻘﺎرب اﻟﻤﺆﺳﺴﺎﺗﻲ ،واﻟﺘﻜﺎﻣﻞ اﻟﺴﻄﺤﻲ واﻟﺘﻜﺎﻣﻞ اﻟﻤﻌﻤﻖ ،.ﺑﻠﺪان اﻟﻤﻐﺮب اﻟﻌﺮﺑﻲ ،اﻟﺸﺮاﻛﺔ اﻷور وﻣﺘﻮﺳﻄﯿﺔ. Liste des abréviations Liste des abréviations AA: Accord d’association. AC: Accord commercial. ACP: Afrique, Caraïbes, Pacifique. ACPNR: Accord commercial préférentiel non-réciproque. ACPr: Accord commercial préférentiel. ACR: Accord commercial régional. ADPIC: Accord sur les Aspects de Droits de Propriété Intellectuelle relatifs au Commerce. AGCS: Accord Général sur le Commerce des Services. ALE: Accord de Libre-échange. APE: Accords de Partenariat Economique. APEC: Coopération économique des pays d’Asie-Pacifique. ASEAN: Association des Nations du Sud-Est Asiatique. BIT: Bureau International du Travail. CAN: Communauté Andine des Nations. CEDEAO: Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. CEE: Communauté économique européenne. CEMAC: Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale. CIRDI: Centre International de Règlement des Différends relatifs aux Investissements. CIS: Commonwealth of Independent States. CNUCED: Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement. COMESA: Common Market for Eastern and Southern Africa. CSI: Confédération Syndicale Internationale. DD: Développement Durable. EUROMED: Partenariat euro-méditerranéen. FMI: Fonds Monétaire International. FTTA: Free Trade Area of the Americas. GATS: General Agreement on Trade in Services. GATT: General Agreement on Tariffs and Trade. GCC: Conseil de Coopération du Golfe. IDE: Investissements Directs Etrangers. MCC: Marché Commun Centre-américain. MEDA: MEsures D'Accompagnement (accompanying measures) MNT: Mesures non tarifaires ou barrière non tarifaire (BNT). NAFTA: Accord de Libre Échange Nord-Américain. NCM: Négociation Commerciale Multilatérale. NPF: Nation la Plus Favorisée. Liste des abréviations nTIC: nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication. OCDE: Organisation de Coopération et de Développement Economique. OEPC: Organe d’examen des politiques commerciales. OIC: Organisation Internationale du Commerce. OIT: Organisation Internationale du Travail. OMC: Organisation Mondiale du Commerce. OMD: Objectifs du Millénaire pour le Développement. OMS: Organisation Mondiale de la Santé. ONG: Organisations Non Gouvernementales. ONU: Organisation des Nations Unies. ORD: Organe de règlement des différends. PAC: Politique Agricole Commune. PAS: Programme d‘Ajustement Structurel. PDD: Programme de Doha pour le Développement. PECO: Pays d’Europe Centrale et Orientale. PEV: Politique Européenne de Voisinage. PED: pays en développement. PMA: Pays les Moins Avancés. PMG: Politique Méditerranéenne Globale. PSEM: Pays du sud et de l'est de la Méditerranée. SAARC: South Asian Association for Regional Co-operation. SACU: Southern Africa Customs Union. SADC: Communauté de l’Afrique du Sud pour le Développement. SGP: Système Généralisé de Préférences. (SPG - Système des Préférences Généralisées) SGPG: Système généralisé de préférences Global. SPS: Sanitaire et phytosanitaire. TCE: Traité instituant la Communauté Européenne. TSA: Tous Sauf les Armes. TSD: Traitement spécial et différencié. TTPI: Traités de Protection des Investissements. UD: Union Douanière. UE: Union Européenne. UEMOA: Union Economique et Monétaire de l’Ouest Africain. UMA: Union pour le Maghreb Arabe. UPM: Union Pour la Méditerranée. ZALE: Zone Arabe de Libre-échange (GAFTA). ZLE: Zone de Libre-échange. SOMMAIRE Introduction Générale…………...……………………………………………………………………1 1.1- La problématique de recherche:…………………………………………………………………6 1.2- Les hypothèses de la recherche:…………………………………………………………………7 1.3- Le plan de travail:…………………………..……………………………………………………8 Chapitre I: Le Système commercial multilatéral : Du GATT à l’OMC…….………..…….….11 Section 1: L'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT):………….......….….12 1- La genèse du GATT:………………………………………………………………………….….12 2- Les cycles de négociations commerciales du GATT…………………………………………….18 Section 2: L'Organisation Mondiale du Commerce (OMC)………………………………………..31 1- La doctrine multilatérale de l’OMC en pratique…………………………………………………31 2- Les principales règles fondamentales du GATT et de l'OMC…………………………………...43 3- Le système GATT/OMC: théories et pratique……………………..…………………………….53 Section 3: Le cycle de Doha: évolution et statut des PED………………………………………….62 1- L’état des négociations du cycle de Doha………………………………………………………..62 2- Les PED et les jeux d'alliances au sein de l’OMC……………………………………………….77 Chapitre II : L’OMC et les accords commerciaux préférentiels……………………….………85 Section 1: Les Accords commerciaux préférentiels…………………...…………………………...86 1- Définition et évolution des ACPr………………………………………………………………...86 2- Les exceptions juridiques du GAAT/OMC au profit des ACPr…………………………………94 3- Les règles d'origine….………………………………………………………………………….100 4- L'érosion de préférences et les nouvelles questions contenant dans les ACPr…………………106 Section 2: Les accords commerciaux régionaux dans le système du GATT/OMC……….………113 1- La typologie classique de d'intégration régionale………………………………………………114 2- Les différentes vagues de l’intégration régionale………………………………………………117 3- Régionalisation, Régionalisme ou Intégration Economique Régionale: quel terme, pour quelle définition?.........................................................................................................................................121 4- Les différents niveaux de coordination (la profondeur) dans l’intégration régionale………….124 5- Les différentes conceptions de l’intégration régionale…………………………………………127 6- Les flux commerciaux intra et extra-régionaux………….……………………………………..131 Section 3: Le traitement spécial et différencié (TSD) en faveurs des PED et PMA……..……….134 1- L'évolution de Traitement spécial et différencié (TSD) dans le système GATT/OMC….…….134 2- Le TSD dans le Programme de Doha pour le développement………………………….………137 3- Les champs d'applications des SGP impliquant l'UE et les États-Unis……………..………….139 4- L’incidence de TSD sur le système commercial multilatéral…………………….…………….145 Section 4: les contextes théoriques des accords commerciaux préférentiels……………………..147 1- Les effets statiques des accords commerciaux préférentiels………..…………………….…….147 2- Les effets dynamiques des Accords commerciaux préférentiels………………………….……152 Chapitre III : Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE…………………...171 Section 1: Le Maghreb dans le système commercial international…………………..……………172 1- Les Plans d’Ajustement Structurel (PAS) aux pays du Maghreb…………………..…………..172 2- L'ouverture commerciale multilatérale des pays du Maghreb………………………….………174 3- Les accords commerciaux préférentiels………………………………………………….……..178 Section 2: Les relations des pays du Maghreb avec l'UE………….……………………………...186 1- Les accords commerciaux non réciproques : la coopération de la 1ere et 2eme génération……186 2- Les accords commerciaux réciproques: les accords de 3eme génération………………………193 Section 3: Un bilan très controversé des AA entre l'UE et le Maghreb:………………………….219 1- États d’avancement de la mise en place des ZLE entre les pays du Maghreb et l'UE:…...…….219 2- Des performances économiques inégales entre les deux parties………………………………..220 3- Le démantèlement tarifaire dans les AA:…………………………………..……….…………..223 3- Les échanges entre les pays du Maghreb et l'UE……………………………………………….228 4- L’afflux des IDE dans les pays du Maghreb……………………………………………………241 Section 4: Quels facteurs expliquent ce bilan mitigé?...................................................................246 1- L'érosion des préférences européennes…………………………………………………………246 2- L’absence et /ou faible intégration horizontale (intégration Sud-Sud)…………………………249 3- L’impact des élargissements de l’UE…………………………………………………………..253 4. l’impact de la fin des accords multifibres et de l'accession de la Chine à l'OMC..……..……..259 Section 5: Des tentatives d’amélioration: vers une intégration plus profonde entre les pays du Maghreb et l’UE…………………………………………………………………………………...261 1- La Politique Européenne de Voisinage (PEV)………………………………………………….261 2- Le Processus de Barcelone: Union pour la Méditerranée (UPM)………………………………264 3- Le rapprochement institutionnel entre les pays du Maghreb et l’UE……………………….…..266 Conclusion Générale…………………………..…………………………………………………274 Références bibliographique….…………………………………………………………………..282 Liste des Tableaux, Cartes, graphiques et Figures………………………………………………...298 ANNEXE N° 01: Les Résultats du Cycle d'Uruguay….…………………………………….…….303 ANNEXE N° 02: GROUPES À L'OMC……………….………………………………………….304 ANNEXE N° 03: Article XXIV, Article V et la Clause d’Habilitation….………………………..307 ANNEXE N° 04: Les documents de notification des AA des pays du Maghreb avec l'UE dans l’OMC……………………………………………………………………………………………...316 ANNEXE N° 05 : Les Calendriers de Démantèlement tarifaire sur les biens industriels tels que spécifié dans les AA entre l’UE et la Tunisie, le Maroc et l’Algérie……………………………...319 Table des matières…………………………………………………………………………….…...323 Introduction Générale Introduction Générale Introduction Générale La mondialisation (ou globalization pour les Anglo-saxons) est un processus géo-historique de mise en relation et d’interdépendance de la quasi-totalité des pays du monde. Ce concept n’est pas nouveau ; depuis le milieu du XIXe siècle, il y a eu au moins deux formes de mondialisation. La plus récente a débuté après la fin de la Seconde Guerre mondiale, à la faveur de l’apparition de nouvelles technologies de communication et de l’amélioration des moyens de transport. Elle a été marquée par une longue période de forte croissance du libre-échange. Cependant, la mondialisation n'est pas sans effet sur l'économie internationale. De fait, l'intensification des échanges et la multiplication des liens commerciaux entre les pays ont modifié la dynamique des rapports de forces entre les Etats-nations. Le concept de frontières n'a plus la même valeur stratégique que dans le passé à cause du changement marqué et imposé par la mondialisation. L’histoire du changement progressif et du passage d'une économie de subsistance à une économie de marchandises est le résultat de cycles longs. Chaque cycle s'accompagne d'une évolution technico-économique qui est à l'origine de la croissance et ce depuis la machine à vapeur, au chemin de fer, à l'électricité, au pétrole et enfin aux expansions des produits dominés par les techniques de l’information et de la communication (nTIC) qui caractérisent nos jours. Il est clair que, dans un monde conflictuel par nature, les intérêts des États qu’ils soient économiques ou politiques sont différents et incompatibles. L’échange international n’est acceptable que pour cette fin, les exportations des uns étant les importations des autres. Et malgré les lacunes persistantes dans nos connaissances et notre compréhension, les arguments théoriques et pratiques qui démontrent les gains tirés du libre-échange restes solides. Certains facteurs économiques peuvent cependant réduire ces gains ou fausser leur répartition. Les coûts commerciaux élevés peuvent empêcher certains pays de participer au commerce international ou réduire le volume de leurs transactions commerciales. Donc, le libre-échange peut faire en même temps des gagnants et des perdants. Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, plusieurs facteurs sont venus toutefois affirmer cette orientation, ce qui a donné naissance à un ordre commercial international différent. Tout d’abord, la volonté de créer une organisation internationale du commerce, mais ce projet de l’OIC a échoué. À sa place c'est le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) qui est devenu une instance essentiellement vouée à la libéralisation des échanges entre pays occidentaux. Sans nul doute, dès sa signature en 1948 jusqu'à la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995, le GATT a énormément contribué à la réduction ou à l’élimination d’une série d’entraves au commerce entre nations. L'utilité du GATT est toujours considérée comme incontestable dans le développement du libre-échange et l'expansion des échanges qui est devenu un moteur de croissance dans le projet de reconstruction économique. Nombreux pays membres du GATT, des experts ou des économistes favorables au libreéchange se disaient fiers que le système commercial multilatéral ait pu faire progresser le libreéchange dans le cadre de règles négociées. Le nombre d'adhérents à ces négociations retient de plus 1 Introduction Générale en plus l’attention des pays et ne cesse d'augmenter. Lorsque le GATT est entré en vigueur le 1 er janvier 1948, les membres fondateurs n’étaient qu’au nombre de 23, alors que L’OMC compte aujourd’hui 159 Membres dont plus des deux tiers sont des pays en développement (PED). Cet accroissement substantiel montre bien ce que la communauté internationale pense réellement de l’utilité de l’Organisation. Il constitue la riposte la plus éclatante à ses détracteurs. Le fait que parmi les accessions récentes figure celle de la Chine, le Royaume d'Arabie saoudite et la Russie et que celle-ci sera bientôt rejointe par l’Algérie et d’autres pays, en est une parfaite illustration qui montre bien le rôle central et irremplaçable que joue l’OMC dans les ambitions de ses membres sur le plan économique et en matière de développement. Le régime fondé sur l'OMC est venu à être considéré comme la pierre angulaire d'une économie mondiale axée sur le marché. À cet effet, tous les membres de GATT/OMC prennent part aux négociations commerciales multilatérales et visent à atteindre une réduction mutuelle des tarifs douaniers et autres barrières au commerce entre les participants. Le système commercial multilatéral de l’OMC impose des limites à l’exercice des politiques commerciales (au sens large), par le biais des obligations générales qui s’appliquent à tous les membres de GATT/OMC et les engagements spécifiques conclus au cas par cas par les pays. La libéralisation croissante est soutenue par des échanges internationaux sous l'égide du GATT puis de l’OMC nous laisse penser que l'économie mondiale s'approche de l'image d'un seul et un grand marché sur lesquels les tarifs douaniers et non tarifaires seront réduits progressivement. L’OMC, après tout, est la seule institution multilatérale créée récemment et expressément en vue d’une économie mondiale caractérisée par une complète interdépendance. Ces grands principes, ces règles ainsi que ces accords, sont le résultat de plusieurs cycles de négociation, leur objectif fondamental est l’amélioration du niveau de vie pour tous et le développement durable. Au cœur du GATT/OMC, il existe le principe de non-discrimination, caractérisé par la Clause de la nation la plus favorisée qui assure que les meilleures conditions tarifaires et non tarifaires accordées à une partie contractante du GATT/OMC soient étendues automatiquement et sans condition à toutes les autres parties contractantes. La Clause de la nation la plus favorisée constitue une des clefs de voûte du GATT/OMC. Le système du GATT/OMC est ouvert à tous les pays qui veulent respecter les règles, ceci démontre l’objectif de système du GATT/OMC qui consiste à construire un système commercial global et intégré. Cependant, les instances défendant le multilatéralisme (GATT/OMC), ont autorisé les accords de libre-échange régionaux. Ainsi, en dépit de son caractère important, la Clause NPF a fait l’objet des exceptions qui reposent sur son exact opposé: la notion des préférences commerciales. L’article XXIV du GATT a légitimé l’existence et la constitution d’arrangements commerciaux préférentiels réciproques pour faciliter le trafic transfrontalier. Ces nouvelles données ont généré des pressions concurrentielles entre les pays. Pour faire face à cette contrainte, toutes les nations du monde ont cherché à renforcer leur compétitivité à travers la conclusion des ACPr. Mais sur la scène mondiale, de nouveaux enjeux sont apparus; ils concernent, en particulier, l'écart entre les pays développés et ceux en voie de développement. Convaincue que toute diminution de cet écart est dans l'intérêt des pays développés comme pour les PED, les pays développés ont commencé dans les années 60 à accorder un traitement préférentiel cette fois sur une 2 Introduction Générale base unilatérale non réciproque aux importations des PED et pour trouver à cette fin une exemption spécifique dans les règles du GATT. C'est ce qui a été fait à la suite des négociations du Cycle de Tokyo par une solution juridique plus permanente pour les préférences commerciales à une clause que l'on a appelée depuis la «Enabling Clause - clause d'habilitation». Cette clause n'a pas modifié le texte du GATT, mais, comme il s'agissait d'une décision des Parties contractantes au GATT, elle avait pour l'essentiel un effet juridique semblable. Ainsi, après la mise en place, lors du cycle d'Uruguay, d'un Accord sur les services (GATS), la notion des préférences commerciales avait fait l'objet d'une autre dérogation. C'est à l'aide de l’article V du GATS qu’ont été légitimé à leur tour l’existence et la constitution d’arrangements commerciaux préférentiels réciproques pour faciliter le trafic des services. Cette libéralisation se poursuit jusqu'à nos jours avec l'intégration de tous les pays dans les unions régionales et les espaces de libre-échange. S’agissant de la nature des arrangements préférentiels réciproques ou non réciproques en faveur des PED, l'on peut distinguer trois grandes catégories. Premièrement, les accords régionaux de libre-échange entre pays développés et PED (Nord/Sud). Cette forme de régime préférentiel, qui repose sur la réciprocité, ne relève pas à strictement parler des préférences commerciales en faveur des PED. Deuxièmement, les régimes préférentiels spéciaux accordés à des groupes de PED (comme dans le cadre de la Convention de Lomé/Cotonou, ACP ou de l'Initiative pour le bassin des Caraïbes) et le Système généralisé de préférence (SGP). Troisièmement, les ACPr accordés entre les PED (Sud/Sud) et ce, dans le cadre de Système Global de Préférences Commerciales entre les PED (SGPC). Contrairement aux objectifs de l’OMC, les accords commerciaux préférentiels (ACPr) sont basés sur le principe de la discrimination en accordant aux pays à l’intérieur du bloc un traitement favorisé. Le régionalisme, dans sa logique bilatérale ou régionale, exclut tous les pays qui ne font pas partie de l’accord, dans le sens contraire au multilatéralisme qui veut que tous les États participent aux négociations. La menace émanant des ACPr est qu'ils prévoient un traitement préférentiel soit réciproque (ALE, UD) ou non réciproque (SGP, TSA), notamment en ce qui concerne le commerce des marchandises, qui entraîne un détournement des échanges au détriment des tierces parties et qui sape le principe fondamental de la nation la plus favorisée. Avec les méandres et la lenteur des progrès des négociations au sein de l’OMC, l'existence des ACPr a toujours été importante, cet intérêt augmente plus vite encore après le cycle de Doha dont les semences de son échec sont toujours présentes. Ces accords sont le produit de l’impuissance de l’OMC. Plusieurs États membres de l'OMC ont décidé de libéraliser bilatéralement et négocié quelques ACPr, d’où, dans les deux dernières décennies, plus de 350 accords ont été négociés. L’OMC est une institution totalement paralysée si on prend en considération le temps perdu pour mener des négociations. Un cycle de négociations multilatérales nécessite souvent plusieurs années (le cycle de Doha est en cours depuis 2001). Or, durant ce temps le monde change. La règle de consensus devient de plus en plus difficile à obtenir pour des décisions extraordinairement complexes. Contrairement à la lenteur des négociations au sein de l’OMC, les ACPr mettent moins de temps à être finalisés vu que les parties sont moins nombreuses. C'est souvent ce qui les rend très attrayants pour les responsables politiques et les milieux d'affaires, qui cherchent à obtenir des résultats rapidement. 3 Introduction Générale Aujourd’hui, au-delà du nombre impressionnant d’accords commerciaux qui sont en vigueur ou en négociations, il faut aussi remarquer leur variété; de plus en plus ces ACPr sont profonds (Deep integration) plutôt que des accords superficiels (Shallow Integration), ils comprennent un large éventail de questions au-delà des tarifs. Cependant, pour décrire ces questions les économistes ont adopté les expressions de l’OMC-plus et d’OMC-extra, qui peuvent se produire soit parce que le système multilatéral n’a pas convenu de négocier ou de conclure une ou plusieurs de ces questions, soit parce qu’un pays exige de tels avantages de son partenaire plutôt que de l’ensemble des membres de l’OMC bien sûr (OMC+). De plus, les accords régionaux permettent d'ouvrir de nouveaux territoires. Du fait de similitudes sur le plan des intérêts et de valeurs communes souvent plus évidentes, les accords commerciaux bilatéraux peuvent être conclus dans des domaines nouveaux comme l'investissement, la concurrence, les normes de travail ou les règles en matière d'environnement, où il n'y a pas de consensus dans l'OMC (OMC-X). Les ACPr ont permis à tous les membres de l’OMC de négocier des règles et des engagements qui allaient au-delà de ce qui était alors possible à l’échelon multilatéral. Ces règles ont à leur tour ouvert la voie et la possibilité de conclure des accords d’intégration régionale et des accords bilatéraux afin de permettre d’accélérer le rythme de la libéralisation des échanges jugé nécessaire pour promouvoir le commerce dans certains secteurs qui exigent une convergence entre les partenaires. Par conséquent, l'échange n'est plus limité aux flux du commerce entre les pays qui n'est aujourd'hui qu'une des formes classiques de l'échange international. Cependant, il existe d’autres avantages qu’une économie peut tirer d’un accord commercial, en particulier dans le domaine monétaire et financier. La libéralisation économique génère des échanges de biens et de services (le commerce des services), des flux d'IDE entrants et sortants, des flux de capitaux échangés sur les marchés financiers, des flux technologiques incorporés dans le capital physique ou humain et aussi sous forme d'externalités technologiques. Dans ce contexte, tous les accords, bilatéraux, régionaux ou multilatéraux se sont multipliés ces dernières années et de nouveaux accords sont actuellement négociés. Dans un cadre académique, de nombreux ouvrages, articles et rapports relatifs à la question du phénomène de prolifération des accords commerciaux régionaux et bilatéraux ont été publiés ces dernières années. Cette thématique fait même l’objet d’un grand intérêt, tout particulièrement, dans les cercles universitaires des pays développés et au sein des institutions internationales. Les organisations internationales et intergouvernementales ont également mis en place des structures visant à surveiller l’évolution de ces accords régionaux. En 1996, le Conseil général de l’OMC a créé le Comité des accords régionaux, avec pour mission d'examiner ces accords et analyser leurs conséquences systémiques1. Depuis 1996, la Banque mondiale mène un projet de recherche sur le régionalisme. Deux importantes publications ont été diffusées par ce projet en plus d’une centaine de documents de travail2. Quant à l’ONU, elle a suivi la même démarche au point d’ouvrir des voies de consolidation de ses modes d’action à partir de piliers régionaux, même l’OCDE a fait des recherches sur ce sujet. 1 Les documents sur le régionalisme peuvent être consultés sur le portail de l’OMC à partir de l’adresse suivante: http//www.wto.org/english/tratop_e/region_e/region_e.htm 2 Ces documents de travail sont en ligne à partir de l’adresse suivante: http//www.worldbank.org/research/trade/ 4 Introduction Générale Donc, la littérature qui se rapporte à ce sujet est très vaste, elle comprend également des contributions d'auteurs en économie, en sciences politiques et en droit international. Ces analyses empiriques qui ont mis l’accent sur l'importance des ACPr entre les économies de la planète et leur impact sur le libre-échange, essentiellement l'effet de création et de détournement du commerce. Cette préoccupation au sujet du rapport entre le système commercial multilatéral et les ACPr a suscité des diverses réactions. J. Bhagwati a adopté l’expression «bol de spaghetti» pour désigner la prolifération des ACPr fortement variés du point de vue de la taille des pays partenaires, des secteurs couverts, des concessions accordées et des systèmes de règles d’origine. Certains mettront le conflit des systèmes et les incompatibilités entre l’approche discriminatoire et l’approche non discriminatoire des relations commerciales, d’autres souligneront l’importance croissante des ACPr qui serait un signe de la faillite du multilatéralisme. Et certains autres encore affirmeront que les accords régionaux et multilatéraux sont, par définition, complémentaires et doivent être conçus en conséquence. Aucun de ces points de vue ne peut cerner à lui seul la complexité des relations commerciales internationales à l’heure actuelle. Les PED en général et les pays du Maghreb en particulier, après avoir été plutôt marginalisés de la mondialisation, sont aujourd'hui poussés par la volonté d’augmenter leur bien-être et par la communauté internationale au biais des institutions internationales (OMC et autres) à s'ouvrir aux échanges, ce qui leur permettrait de s'intégrer et de s’inscrire davantage dans les mouvements de la recomposition de l’économie mondiale. De ce fait, les pays du Maghreb n’ont pas dérogé à la règle. Ils ont pour la plupart opté pour des stratégies de libéralisation commerciale. Ceux qui ont déjà accédé dans un cadre multilatéral au GATT/OMC (1987 pour le Maroc et 1990 pour la Tunisie) sont imités par ceux qui négocient aujourd’hui leur adhésion à l’OMC (Algérie). Simultanément, les pays du Maghreb ne sont pas en marge de l’évolution actuelle de la régionalisation. Ces pays ont encouragé la création de réseaux de partenariat de libre-échange, régional et bilatéral. D’un autre côté, afin de marquer ces nouvelles réorientations stratégiques et renforcer le désir d'intégration régionale, l'Union européenne a développé un certain nombre d’accords régionaux et bilatéraux à travers le monde entier, dont ceux dirigés vers ses frontières du sud dont les pays du Maghreb font partie, à savoir dans le cadre: des accords de coopération entre la CEE et certains pays de la rive sud de la méditerranée, la politique méditerranéenne rénovée, le processus de Barcelone (1995) relatif au partenariat Euro-méditerranéen, la politique de voisinage et enfin le projet de l'Union pour la méditerranée. Par ailleurs, le phénomène de la montée en puissance de ces politiques de regroupement régional et bilatéral ont également permis au pays du Maghreb de concrétiser quelques accords importants: (UMA, GAFTA et l’Accord d’Agadir). En outre, chacun des pays de la région a conclu des accords bilatéraux: La Tunisie avec la Turquie (2005), le Maroc avec la Turquie (2005) et avec les États-Unis (2006). Il en résulte un véritable enchevêtrement d’accords commerciaux qui se combinent et se superposent (régionalisme spaghetti), rendant l’impact de ces accords plus difficile à évaluer. Ce qui est remarquable aujourd'hui, c’est que les échanges de l’ensemble des pays du Maghreb avec le reste du monde ont beaucoup progressé, mais beaucoup moins vite que dans d'autres régions. Il semble alors, que tous les pays ne profitent pas, dans les mêmes proportions, des 5 Introduction Générale avantages offerts par la libéralisation des échanges, parce que leurs importations ont augmenté plus rapidement que leurs exportations, ce qui entraîne en conséquence des pertes de revenus pour leur économie. Et malgré les diverses ambitions affichées, la région du Maghreb n’a pas atteint un degré d’intégration et de coalition suffisant pour prévenir les tensions ou les conflits politiques régionaux et bilatéraux persistants. Si certains arguments théoriques et empiriques soutiennent que l'établissement des accords de libre-échange qui devrait dynamiser les économies des pays membres, augmenter leur bien-être économique et contribuer à l'amélioration de leurs compétitivités par l’accélération de son insertion dans l’économie mondiale, pour les pays du Maghreb, qui a l'heure actuelle ont signé des accords régionaux et bilatéraux, dont les plus importants sont les accords d’association avec l’Union européenne, la réalité est que ces pays ne peuvent fournir que 0.4% du Produit intérieur brut mondial (PIBm), ne participent que pour 2% au commerce international et ne reçoivent même pas 1% des investissements directs de l'étranger (IDE). 1.1- La problématique de recherche. Sans aucun doute, le Maghreb est une région possédant un potentiel de développement très riche. Avec des ressources naturelles et humaines très importantes et des liens culturels et linguistiques communs, les trois pays du Maghreb sont dotés des conditions de production non négligeables jugées comme des atouts nécessaires au démarrage effectif de leur économie. L'Algérie, le Maroc et la Tunisie, à l'aide des accords d'association avec l'UE, ont axé leurs actions sur la coopération régionale afin de garantir un meilleur accompagnement de leur programme de relance économique et sociale. Par ailleurs, il est important de souligner que ce rapprochement avec l'UE, la première puissance économique et commerciale au monde (avec 16.4% des échanges mondiaux en 2012 des biens et services, soit environ 4633 milliards de dollars) devrait être selon la projection des pays du Maghreb comme le catalyseur d’une augmentation des échanges commerciaux bilatéraux, des investissements et de coopération économique, ainsi qu'un déclencheur de la croissance pour les deux parties. A l’heure actuelle, L’UE reste toujours le premier partenaire commercial des trois pays maghrébins, représentant un volume d’échanges d'environ 100,3 milliards d’euros pour 2012. Mais, si le poids du marché européen est prépondérant dans le commerce des pays du Maghreb, paradoxalement le poids du Maghreb dans le commerce extérieur européen est extrêmement faible, voire marginal. Et depuis plus de 50 ans de relations, les échanges entre les pays du Maghreb et l’UE restent caractérisés par une forte asymétrie qui se manifeste par la part prépondérante de l’UE dans le commerce maghrébin et des échanges marqués par des complémentarités traditionnelles entre le Nord et le Sud. Ce travail de recherche s’inscrit dans le cadre du débat relatif aux ACPr. Il fera l’objet d’une analyse relative aux accords d’association des pays du Maghreb avec l’Union Européenne. Son contenu est consacré tout d’abord à l’analyse du bilan de ces accords d’association afin de savoir s’ils ont contribué à un niveau suffisant pour la stimulation des échanges commerciaux entre les deux parties ou non? 6 Introduction Générale Notre objectif est de montrer, à travers l’étude de la trajectoire de l’évolution des accords d’association (partenariat) des pays du Maghreb avec l’UE, si ces derniers sont compatibles avec les nouvelles règles du GATT/OMC, et s’ils constituent un obstacle ou un moyen d'aller de l'avant en matière d'intégration des pays du Maghreb dans les flux d’échanges commerciaux mondiale? Dès lors, il s’agit de voir l’importance de ces accords d'association pour savoir s’il est souhaitable pour les pays du Maghreb de continuer le processus de négociation commercial multilatéral et en même temps de diversifier et d’élargir ces accords bilatéraux et régionaux. Ou vaudrait-il mieux jouer sur une intégration plus profonde avec l'Union européenne? Afin de répondre à ces questions, notre travail s'inspirera essentiellement de la chronologie d'évolution historique du système commercial multilatéral (GATT/OMC), puis du système commercial préférentiel (ACPr) et de la littérature économique existante consacrée à déterminer les différents facteurs qui ont conduit à l'émergence de ces deux systèmes commerciaux. Lorsqu'on connaît la masse de documents déjà publiée sur la question des accords commerciaux dans le monde (les effets statiques et dynamiques et leurs impacts sur la démarche des négociations multilatérales sous l'égide du GATT puis de l’OMC), comme les écrits des grands économistes, au risque d'en oublier beaucoup, on peut citer parmi eux: J. Bhagwati, A. Panagarya, P. Krishna, R.E. Baldwin, K. Bagwell, J.P Chauffour, P. Krugman, J.M.Siroën, C. Deblock et M. Abbas, on pourrait s’interroger sur l’opportunité d’une étude traitant ces questions sur les accords d’association des pays du Maghreb avec l’UE? 1.2- Les hypothèses de recherche. Les réponses à nos questions posées, réside dans les hypothèses suivantes: Hypothèse 1. Malgré l’existence de ces AA avec l'UE, les pays du Maghreb n'arrivent toujours pas à tirer parti du nouveau marché mondial, ils n'ont pas pu relever les défis de la concurrence accrue sur leurs marchés traditionnels d'exportation, notamment vers l’UE, où leur parts de marché stagnent ou s'amenuisent au profit des produits émanant des pays tiers, en raison de leur situation économique interne vulnérable et à cause de leur manque de dynamisme commercial caractérisé par des coûts de production moins compétitifs résultant des produits moins élaborés, et moins diversifiés, en perte de vitesse dans les échanges mondiaux, générés généralement par des exportations des matières premières comme le pétrole, les produits manufacturés intensifs en main-d'œuvre. Et en raison de la pratique commerciale de l’UE qui n’a pas fait inclus les produits agricoles et les services dans les négociations. Donc on pourrait dire que les résultats de ces AA conduisent à un bilan mitigé. Hypothèse 2: Les élargissements de l’UE notamment vers les pays des PECO et la multiplication des offres de préférence de la part de l'Union Européenne (bol de spaghetti Européen), fait que ces AA avec les pays du Maghreb sont sources d’inefficacités liées aux interférences entre les instruments des différents schémas de préférences dont les niveaux en matière de marge préférentielle, de règle d’origine et de clause de sauvegarde peuvent être différents. Cette multiplication des offres de 7 Introduction Générale préférences par l'UE contribueraient à l’érosion des marges dont pourraient bénéficié les pays du Maghreb dans la hiérarchie des préférences. Hypothèse 3: Mais cette érosion ne peut constituer la seule explication des résultats médiocres enregistrés dans ces pays, car les pays du Maghreb ne profitent plus de certaines offres de l'UE dédiés à aider et à stimuler la production et les échanges dans la zone euro-méditerranéenne, comme les dispositions offertes par les systèmes de cumul bilatéral, diagonal et total des règles d'origine, l’intégration SudSud, l’attractivité des IDE et les programmes d’aides financières de l’UE. Hypothèse 4: Les dispositions des AA des pays du Maghreb ne se limitent pas à la seule levée d'obstacles aux échanges, mais actuellement ils commencent à aller plus loin dans la couverture des questions de réglementation d’où ce bilan mitigé est aussi le résultat de manque de vision par ces pays aux profit des avantages qu’offre une convergence institutionnelle entre les deux partenaires, à savoir la convergence politique et sociale, la convergence réglementaire et la convergence économique et financière. Donc, pour la réussite des initiatives de rapprochement entre l’UE et les pays du Maghreb à travers les AA, le concept de convergence institutionnelle et l’intégration plus profonde apparaissent nécessaires. 1.3- Le plan de travail. Pour répondre à ces questions, le présent travail s’articule autour de trois chapitres : Le premier chapitre, tente de retracer dans un cadre historique, théorique et pratique l'essor du système commercial multilatéral incarné par l'Organisation mondiale du commerce (OMC – successeur du GATT), tout en mettant l'accent sur les efforts considérables déployés par tous les pays dans le monde afin d’améliorer les échanges commerciaux par le biais des différents cycles de négociations commerciales multilatérales. On va à cet effet énumérer les principales règles de fonctionnement et les modalités des négociations qui ont eu lieu dans les cycles de négociations commerciales multilatérales émergé sous l’égide du GATT puis de l’OMC comme une nouvelle vision politique et économique du monde après-guerre. Quant au deuxième chapitre, il propose une interprétation de l’évolution des ACPr. Notre objectif sera consacré donc à l'analyse générale, structurelle et fonctionnelle, des ACPr. Ce qui nous permettra de rendre compte de l’ensemble des formes prises par les processus régionaux dans le cadre de la mondialisation et nous allons mettre au point les termes du débat sur les ACPr ainsi que les conséquences de ces accords sur le multilatéralisme. Le troisième chapitre, portera sur les cas des accords d’association (AA) des pays du Maghreb avec l’Union européenne, En premier lieu, on présentera un panorama de l’évolution de l'intégration économique des pays du Maghreb dans le monde, à travers les différents accords multilatéraux, régionaux et bilatéraux signés par les pays du Maghreb. Le second et le principal axe de ce chapitre insistera sur le partenariat euro-méditerranéen en général et ceux du Maghreb en particulier, à travers l’étude et l’analyse de leur évolution historique, leurs motivations et objectifs et leur 8 Introduction Générale contenance. On trouvera également, un examen de son bilan, puis nous mettrons en évidence les nouveaux instruments de réforme structurelle mise en place qui visent à renforcer la convergence institutionnelle et qui contribueront à appuyer la mise en œuvre d’une intégration plus profonde (Deep integration) entre les pays du Maghreb et l’UE. Nous finaliserons par une conclusion générale dans laquelle nous résumerons les principaux apports de ce modeste travail de recherche, On y reprendra l’essentiel des chapitres, surtout, qui portent sur l’état des relations économiques bilatérales entre les pays du Maghreb et l’UE ; en vérifiant les hypothèses que nous avons posé dans notre problématique et en discutant certaines limites ainsi que, de nouvelles pistes de recherche sur le lien entre les accords commerciaux multilatéraux et les ACPr, qui n’ont pas pu être examinés au cours de ce travail, mais qui pourront être approfondies dans les futures recherches. 9 Chapitre I : Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Chapitre I : Le Système commercial multilatéral : Du GATT à l’OMC Depuis plus de soixante ans, l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) a fourni un système de règles commerciales mondiales dans lesquelles le commerce international a prospéré. En 1995, Le GATT a ensuite donné naissance à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en tant qu'institution officielle multilatérale avec les plus fortes procédures de règlement que le GATT. Alors que le GATT a eu une existence plutôt sereine, l'OMC s'est avérée très controversée. Le premier objectif de l'OMC, comme du GATT, est la libéralisation progressive du commerce international, c'est-à-dire la réduction des barrières douanières (désarmement douanier). Cette libéralisation ne doit pas être confondue avec le libre-échange souvent présenté comme la raison d'être du GATT et de l'OMC. Le libre-échange implique, en effet, la suppression complète de tous les obstacles aux échanges. Ce n'était pas l'ambition du GATT et ce n'est pas non plus celle de l'OMC, l'un et l'autre étant d'ailleurs incapables de l'instaurer. La finalité du GATT et de l'OMC est la libéralisation des échanges, qui implique seulement l'abaissement aussi loin que les États y consentent, des entraves au commerce international, qu'il s'agisse des mesures tarifaires ou non tarifaires. Le processus de libéralisation du commerce mondial repose principalement sur des systèmes économiques fondés sur la coordination des politiques commerciales au sein du GATT puis de l’OMC. Cette dernière qui a toujours employé ses efforts pour décourager le recours aux politiques protectionnistes, surtout pendant les crises économiques et financières a fortement contribué à empêcher une situation comparable à la grande dépression des années 1920 et 1930, notamment pendant la crise financière 2007-2009. Ce premier chapitre a pour objet de retracer dans un cadre historique, théorique et pratique l'essor du système commercial multilatéral incarné par l'Organisation mondiale du commerce (OMC – successeur du GATT), tout en mettant l'accent sur les efforts considérables déployés par tous les pays dans le monde afin d’améliorer les échanges commerciaux par le biais des différents cycles de négociations commerciales multilatérales. On va à cet égard faire la lumière sur les principales règles de fonctionnement et les modalités des négociations qui ont eu lieu dans les cycles de négociations commerciales multilatérales émergées sous l’égide du GATT puis de l’OMC comme une nouvelle vision politique et économique du monde d’après-guerre. 11 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Section 1: L'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). 1- La genèse du GATT. 1.1- Contexte historique. Pour comprendre les origines du GATT, il faut apprécier les événements traumatiques des années du 1920 à 1945. La période entre la Première Guerre mondiale et la Seconde Guerre mondiale a été un désastre politique et économique, elle est marquée par la Grande dépression et la montée du fascisme. Cependant, un fort désir d'éviter de répéter cette expérience après la Seconde Guerre mondiale, avec l'abandon de l'isolationnisme des États-Unis en faveur d'un rôle de leadership dans les affaires mondiales, a favorisé le soutien au monde entier pour une nouvelle approche de la coopération économique internationale1. Graphique I-01 : Le volume du commerce mondial et de la production, 1900-1938 Source: Irwin D.A., P.C. Mavroidis, A.O. Sykes, «The Genesis of the GATT», Cambridge University Press, Cambridge, 2008, p: 07. Comme le graphique I-01 le montre, le déclenchement de la Première Guerre mondiale, en 1914, a interrompu une période de prospérité économique croissante dans le monde entier avec des tarifs modérés. Le commerce mondial à cette époque, était en pleine expansion soutenue par un 1 Irwin D.A., P.C. Mavroidis, A.O. Sykes, « The Genesis of the GATT », Cambridge University Press, Cambridge, 2008, p. 05. 12 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC système monétaire international (l'étalon-or) qui fonctionnait parfaitement. Après le choc de la Première Guerre mondiale, le commerce international et le système de paiements se récupèrent difficilement avec un rythme lent au cours des années 1920. Parce qu’en temps de guerre, généralement, la plupart des pays ne suppriment que progressivement les contrôles sur le commerce. Alors que les niveaux tarifaires demeurent plus élevés qu'avant la guerre. Jusqu’au 29 avril 1925, le Royaume-Uni annonce la décision de rétablir la convertibilité-or de la livre sur la base de la parité d’avant-guerre1, d'autres pays ont attendu encore plus longtemps avant de rétablir la convertibilité de leur monnaie. Et quoique, en 1927 et sous les auspices de la Société des Nations2, une Conférence économique mondiale a été programmée dans le but de rétablir l'économie mondiale dans son état précédent, mais la Conférence a seulement débuté avec un débat international sur des questions telles que les droits de douane, la clause de la nation la plus favorisée, évaluation en douane, etc. Les tentatives de restauration progressive de l'économie mondiale ont été interrompues par une récession mondiale à partir de 1929. Le ralentissement économique a été atteint par un protectionnisme accru, ce qui a réduit davantage le commerce mondial3. Les barrières commerciales sont devenues de plus en plus restrictives à la suite de la Première Guerre mondiale, elles ont atteint des niveaux extrêmes lorsque les États-Unis ont promulgué la loi Smoot-Hawley en 1930. En vertu de cette loi, les tarifs moyens des États-Unis sont passés de 38 à 52%. Sans surprise, de nombreux partenaires commerciaux des États-Unis n'ont pas tardé à réagir, dans les mois suivants les droits de douane ont été augmentés au Canada, Cuba, France, Mexique, Italie, Espagne, Australie et la nouvelle-Zélande. D'autres pays, dont la Grande-Bretagne, ont rejoint le déchaînement de rétorsion peu de temps après. En fin de compte, des mesures de rétorsion ont été imposées de façon presque universelle, les taux tarifaires post-Smoot-Hawley pour les grandes puissances étaient généralement de l'ordre de 50%4. Bien que les facteurs monétaires et financiers fussent principalement responsables de la récession durant la Grande dépression des années 1930, la propagation des restrictions commerciales a aggravé le problème. Les politiques commerciales des années 1930 sont devenues caractérisée par la politique de «chacun pour soi», car de nombreux pays ont cherché à protéger leur économie de la récession économique en élevant des barrières commerciales. Le blocage des importations s'est avéré être une solution inutile pour augmenter l'emploi intérieur parce que les importations d'un pays sont les exportations d'un autre. L'effet combiné de cette tour vers l'intérieur de cette politique adopté a été l'effondrement du commerce international et un approfondissement de la crise dans l'économie mondiale5. La deuxième moitié des années 40 a été marquée par la fin de la Seconde Guerre mondiale, à cette époque le défi des pays est de guéri le monde à peine des ravages de cette guerre la plus destructrice que le monde n’ait jamais connue, un défi sans précédent dans l'histoire de l'humanité 1 Clerc Denis, « Les belles leçons de M. Keynes », L'Économie politique, 2013/2 n° 58, p. 53-66. La Société des Nations était une organisation internationale introduite par le traité de Versailles en 1919, lui-même élaboré au cours de la Conférence de paix de Paris, afin de préserver la paix en Europe à la fin de la Première Guerre mondiale. 3 Bagwell K. et R.W. Staiger, «The Economics of the World Trading System», The MIT Press, London, 2002, p. 43. 4 Irwin D.A., «Free trade under fire», third Edition, Princeton University Press, United States, 2009, p. 220. 5 Irwin D.A., P.C. Mavroidis, A.O. Sykes, «The Genesis of the GATT», Op.cit., p. 05. 2 13 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC par sa dimension et sa complexité, était de restaurer la stabilité économique dans un monde plongé dans le chaos et complètement dévasté, de retrouver un sentiment d'appartenance à la communauté mondiale et de jeter les bases de la croissance et de la prospérité futures. Les architectes du nouveau système ont dû tout rebâtir, agissant sur plusieurs fronts à la fois. Les participants à la conférence de Bretton Woods en 1944, ont manifesté leur volonté de ne plus vivre les expériences troublantes du protectionnisme des années antérieures, ils avaient convenu de la mise sur pied, entre 1944 et 1948, des trois grandes organisations internationales1: - le Fonds Monétaire International (FMI), en charge des questions liées au système monétaire international et la coopération entre les États; - la Banque internationale de reconstruction et de développement (BIRD), chargée de la reconstruction de l’Europe et ultérieurement du financement du développement ; - l’Organisation Internationale du Commerce (OIC) aux compétences étendues en matière de promotion du commerce et de l’emploi. Ces trois institutions supranationales de coopération économique, s'inscrivaient dans une logique d'ensemble et répondaient à des objectifs précis. Il s'agissait essentiellement, de penser principalement à l'édifice de la paix mondiale. L’Organisation internationale ne sera qu'un système incomplet et mal équilibré, si nous n'avons pas, présente à l'esprit, l'interdépendance des problèmes. Or pour résoudre ces problèmes, il convenait d'avoir recours à des initiatives complémentaires qui devaient permettre de réaliser trois grands objectifs: la sécurité, la justice et le bien-être, tous trois inscrits dans la charte et le mandat de l'Organisation des Nations Unies (ONU) et assumés tour à tour par l'une ou l'autre des grandes organisations internationales mises sur pied durant ces années 2. 1.2- L’Organisation Internationale du Commerce (OIC): un projet mort-né. La volonté exprimée par les diplomates des pays victorieux en vue de construire une institution internationale qui prend en charge la conduite des négociations multilatérales débutées juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale a conduit à un projet d’établissement d’une institution nommé l'Organisation internationale du commerce (OIC). À cette période, c’est l'OIC qui a été préconisé comme troisième institution pour aller avec les deux autres institutions de Bretton Woods (la Banque mondiale et le Fonds monétaire international)3. Du 21 novembre 1947 au 24 mars 1948, une nouvelle conférence siégeant à la Havane, s’est fixé pour objectif de créer l’OIC. Les participants à cette conférence ont adopté une Charte dite de la Havane qui va mettre sur pied l’OIC, mais l’adoption de la charte devait être premièrement soumise à la ratification des pays signataires, comme une condition d’entrer en vigueur, et au moins la moitié des pays devait signer4. 1 Siaka KONÉ, «Catégorisation et évaluation de divers scénarios de conclusion du volet agricole du Cycle de Doha pour les filières coton en Afrique de l'ouest et du centre», Thèse de doctorat, Centre International d’Études Supérieures en Sciences Agronomiques, Soutenue publiquement le 8 Juillet 2011, p. 134. 2 Deblock C., «L’Organisation mondiale du commerce. Où s’en va la mondialisation ?», Coll. Points chauds, Éditions Fidès, Québec, 2002, p. 07. 3 Krugman P., M. Obstfeld, et M.J. Melitz, «Économie internationale», Pearson Éducation, 9e Éd, France, 2011, p. 261. 4 Massé P., «Histoire économique et sociale du monde: De l'origine de l'Humanité au XXe siècle: Evolution des activités économiques et financières», Tome 2, Edition l’Harmattan, Paris, 2011, p. 57. 14 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Les buts de cette organisation déclarée dans la Charte de la Havane, sont les suivants1: - garantir l'accroissement du revenu réel et de la demande effective des biens, le développement de la production, de la consommation et des échanges commerciaux et contribuer à l'équilibre de l'économie mondiale ; - stimuler le développement industriel et le développement économique en général et encourager le mouvement international des capitaux destinés aux investissements productifs ; - faciliter à tous les pays l'accès aux marchés et aux sources d'approvisionnement. La Charte de l’OIC est l’accord de commerce international le plus complet jamais négocié. Elle crée une nouvelle institution spécialisée des Nations Unies, de même qu’elle comprend des sujets tels l’emploi, la réduction des barrières commerciales, la non-discrimination, les quotas à l’importation, les entreprises d’État et les accords sur les ressources naturelles. L’article 1, par exemple, se fixait comme objectif le plein-emploi. Sur le plan des normes sociales ou sur celui du droit de la concurrence, la Charte de la Havane (1948) était plus ambitieuse, que ce que le GATT puis l’OMC auront mis en place2. Lors de l’élaboration de la Charte de l’OIC qui contient 106 articles et 16 annexes, il y avait au centre des préoccupations et des intérêts des pays, l’entêtement des Britanniques qui revendiquent une amélioration de l’accès à leur marché en incluant à l’agenda des négociations tarifaires pour préserver le système de préférences au sein du Commonwealth3, tel que signé en 1932 à Ottawa; une clause permettait aux PED d’adopter temporairement des mesures protectionnistes. Bien que l’OIC ait été approuvée par 53 pays sur les 56 présents à la conférence de la Havane, seulement le Libéria ratifie l’accord. L’Australie et la Suède le ratifient, mais sous condition que les États-Unis et la Grande-Bretagne (dans le cas de la Suède) le ratifient à leur tour4. Aux États-Unis, sans grand enthousiasme, la Charte a été adoptée par les professeurs d’université, les économistes, le mouvement ouvrier et les agriculteurs, alors que, l’opposition est concentrée chez les hommes d’affaires, lesquels se sont plaints que les barrières commerciales soient trop élevées et qu’il y ait trop d’exceptions. Ils rejetaient aussi le principe du plein emploi, l’utilisation des quotas à l’importation, la représentation égale des consommateurs et des producteurs dans les accords sur les ressources naturelles, le principe d’un vote par pays et les dispositions sur les cartels. Les hommes d’affaires se sont aussi montrés déçus du fait que les investissements n’étaient pas protégés contre l’expropriation et la discrimination 5. 1 Nyahoho. E et P.P Proulx, «Le Commerce international, théories, politiques et perspectives industrielles», Canada, Presse de l'Université du Québec, 4e Édition, 2011, p. 383. 2 IPEMED, «Régulations régionales de la mondialisation : Quelles recommandations pour la Méditerranée? », rapport du groupe de travail composé de Charles A., H. Benabderrazik, C. de Boissieu et al., coordonné par Beckouche P., Institut de prospective économique du monde méditerranéen (IPEMED), France, 2011, p. 21. 3 Graz J.C., «Aux sources de l'OMC: la Charte de la Havane 1941-1950», Publications d’histoire économique et sociale internationale, 1999, p. 234. 4 Nyahoho. E et P.P Proulx, Op.cit., p. 383. 5 Maryse Robert, «Le Système multilatéral commercial: du GATT à l’OMC», juin 2008, disponible sur le site: http//www.sedi.oas.org/dttc/haiticourse/Presentations/Session1/Le_Syst%C3%A8me_multilat%C3%A9ral.pdf (consulté le 17 mai 2012) 15 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Enfin, la Charte a été soumise pour approbation au Congrès, lesquels l’a rejetée. La Charte de l’OIC était jugée trop américaine par les Européens (par son approche d’abolition générale des tarifs, elle était jugée insuffisamment libérale), trop européenne par les Américains (par sa préservation des préférences d’unions douanières), trop libérale par des conservateurs et trop conservatrice par les libéraux, elle fut donc abandonnée1. Selon C. Deblock, L'échec de la Havane serait alors très révélateur puisque c'est l'unique fois où l'on avait rassemblé un nombre de participants supérieur aux 51 qu'on avait atteints à San Francisco en 1945. mais ce dénombrement ne nous dit pas tout, car ce qui est encore plus révélateur, c'est que parmi les 23 présents à Genève en 1947, on retrouve quatre nouvelles et anciennes grandes puissances (États-Unis, Royaume-Uni, France et Chine), huit pays membres du Commonwealth (Australie, Canada, Ceylan, Inde, Nouvelle-Zélande, Pakistan, Rhodésie du Sud et Afrique du Sud), trois d'Amérique latine (Brésil, Chili et Cuba), cinq autres d'Europe (Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège et Tchécoslovaquie) et trois pour le reste du monde (Birmanie, Liban et Syrie). C’est dire que la dimension commerciale de la construction de ce vaste projet universel, d'après-guerre, incombe essentiellement à des pays qui ont déjà entre eux de très fortes affinités aussi bien commerciales que d’autres2. En effet, à cette époque-là, on avait constaté, que la Charte de la Havane (OIC) de 1948 est demeurée sans suite et que, faute de mettre sur pied l'OIC, heureusement, c'est l'accord temporaire du GATT, signé l'année précédente, qui servira de cadre à l'intérieur duquel seront aménagées les négociations commerciales pendant plus d'un demi-siècle3. 1.3- Le système du GATT: en alternative provisoire. Par la force des choses, les pays sont retournés à l’accord du GATT, ce dernier qui contient des objectifs moins ambitieux par rapport à l’OIC, mais c’est dans le cadre de cet accord (GATT) que les efforts vont se poursuivre pour alléger et coordonner les politiques commerciales afin de généraliser et multilatéraliser le libre-échange pour garantir le développement4. L’histoire du GATT a débuté après la réunion d’un comité de rédaction de l'ONU à Lake Success, New York, Janvier-Février 1947 afin d'améliorer le libellé des articles où un accord substantiel avait été atteint. Cette réunion a débouché sur la première version complète du GATT en s'appuyant sur les chapitres de la partie IV intitulée «politiques commerciales» inclus dans le projet de l’OIC. Le GATT a été jugé nécessaire pour protéger les concessions tarifaires négociées. La réunion de New York a également décidé que le GATT ne comprend pas les articles portant sur la politique intérieure exclusive, qui seraient inclus dans la Charte de l'OIC et que les obligations du GATT n’ont pas un effet immédiat, mais seulement après une période de transition (E/PC/T/C.6/55 1947). 1 Jouanneau D., «L’Organisation mondiale du commerce», 4eme édition, P.U.F. «Que sais-je?», Paris, 2003, p. 08. Deblock C., «L’Organisation mondiale du commerce. Où s’en va la mondialisation ? », Op.cit, p. 10. 3 Ibid., p. 80-81. 4 Massé P., Op.cit., p. 58. 2 16 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Le Comité préparatoire a établi les comités de travail suivants1: - Le Comité I: L'emploi et l'activité économique; - Le Comité II: Politique générale de commerce; - Le Comité III: Pratiques commerciales restrictives; - Le Comité IV: Dispositions intergouvernementales sur les produits; - Le Comité V: Administration et organisation. Le Comité II est le plus important, car c'est sous son égide que les premiers projets d'articles du GATT ont été préparés. Il a mis en place une série de sous-comités qui ont été appelés à présenter leurs conclusions au Comité principal (II): le premier parmi eux, le sous-comité technique, qui portait sur un certain nombre de dispositions figurant dans le GATT, allant de l'évaluation en douane au traitement national. La participation au sous-comité technique a été ouverte aux délégués de tous les pays représentés au sein du Comité préparatoire. Les délégués de six nationalités différentes agissant comme rapporteurs. Les autres sous-comités sont des structures de rédaction: les questions ont d'abord été négociées en détail au sein du Comité II, par la suite elles seront visées de sorte qu'elles furent mises sous une forme qui fut acceptable au Comité préparatoire. L'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) - prédécesseur de l'OMC - est né en 30 octobre 1947 en tant que traité international, en vue de promouvoir le libre-échange par des négociations commerciales internationales 2, avec les 23 signataires qui ont signé le Protocole d'application provisoire de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, au Palais des Nations à Genève. Le traité est entré en vigueur le 1er Janvier 1948. Sur les 23 signataires originels du GATT, 12 étaient des pays industrialisés et 11 des PED 3 . Le GATT est une enceinte dans laquelle les pays membres négocient en permanence, mais avec un but unique: réduire les obstacles aux échanges. Les réductions tarifaires ont été négociées sur une base bilatérale, produit par produit, sous le principe "avantages mutuels et réciproques", qui assure qu'aucun pays ne serait contraint de faire des concessions unilatérales. Si un accord bilatéral sur les droits de douane des produits spécifiques a été conclu, les concessions accordées au taux inférieur seraient alors appliquées à tous les autres membres du GATT par le biais de la clause de la nation la plus favorisée. Les États-Unis ont réduit leur tarif d'environ 20% au premier tour du GATT. Une estimation précise à quel taux d'autres pays ont réduit leurs tarifs n’est pas disponible, mais les principaux pays européens ont réduit leurs droits de douane à l'importation de façon significative entre les années 1930 et début des années 1950, bien que les restrictions quantitatives et les contrôles des changes aient persisté dans beaucoup de ces pays En réalité, le GATT n’était ni un traité ni une véritable organisation internationale, mais seulement un ensemble de 38 articles qui comporte des dispositions aptes à développer les échanges et auxquelles adhèrent tous les pays signataires, les parties contractantes 4 . Mais dès son introduction, le GATT a fourni un cadre consensuel des règles et des procédures pour la conduite 1 Irwin D.A., P.C. Mavroidis, A.O. Sykes, «The Genesis of the GATT», Op.cit., p. 107. Salvatore D., «Economie internationale», 1er Edition, Editions De Boeck Université, Bruxelles, 2008, p. 338. 3 Dilip K. Das, «The Doha Round of Multilateral Trade Negotiations- Arduous Issues and Strategic Responses», Palgrave Macmillan, First published, New York, 2005, p. 02. 4 Massé P., op.cit., p. 58. 2 17 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC efficace du commerce international. En outre, il a servi de forum de négociation dans lequel des réductions importantes des barrières commerciales ont été convenues et effectuées. Les deux piliers principaux ou les principes guide du GATT sont bien connus : non-discrimination et réciprocité. Le système assuré par le GATT attache une grande importance au droit de la concurrence. Si on prend la concurrence dans un sens large, le GATT a essentiellement trait à la concurrence, dans la mesure où il vise à limiter la capacité des gouvernements à imposer des mesures commerciales qui ont pour effet de restreindre ou de fausser la concurrence, en particulier celles venant de l’étranger. Donc, il est évident que la plupart des dispositions du GATT visent les pratiques commerciales restrictives d’origine publique et soient, par conséquent, en étroite relation avec la concurrence. Les sujets relatifs au droit de la concurrence traités directement ou indirectement par le GATT sont nombreux1: - L’article 1 de GATT, concernant le traitement général de la nation la plus favorisée ; l’article II prévoyant la réduction des droits de douane et les concessions tarifaires; l’article III, sur le traitement national en matière d’impositions et de réglementation intérieures ; l’article VI, concernant les droits antidumping et droits compensateurs qui a été par la suite complété par le premier Code antidumping de 1967 et révisé en 1979 lors de la conclusion des négociations du Tokyo round ; l’article VII consacré à la détermination de la valeur réelle des marchandises ; l’article X, exigeant la publication et l’application des règlements relatifs au commerce ; l’article XI, prévoyant l’élimination générale des restrictions quantitatives ; l’article XIII, imposant aux parties contractantes l’application non discriminatoire des restrictions quantitatives ; l’article XVI sur les subventions ; l’article XVII, concernant les entreprises commerciales d’État ; l’article XVIII, sur l’aide de l’État en faveur du développement économique ont toute une conséquence sur le droit de la concurrence. Ils contribuent à améliorer la concurrence internationale en assurant l’accès des produits étrangers aux marchés nationaux puis interdisent leur discrimination sur le territoire des États en établissant une mise en relation concurrentielle entre eux. Le GATT n'a pas éliminé les restrictions commerciales en un seul coup, c'était un parapluie sous lequel une série de réductions tarifaires a été entreprise. Le processus de réduction tarifaire a été réparti sur huit Cycles. Aux États-Unis, le tarif moyen a baissé de près de 92% au cours des 33 années couvertes par le Cycle de Genève de 1947 et le Cycle de Tokyo. Au début des années 1980, le niveau tarifaire était descendu à 4,9% aux États-Unis, 6% dans la Communauté économique européenne et 5,4% au Japon. 2- Les cycles de négociations commerciales du GATT. Puisque, à cette époque, parmi les objectifs essentiels il était question d’assurer une libéralisation continue des échanges entre les nations ; dans le GATT, il était nécessaire de mettre en place une procédure permettant aux parties contractantes de négocier pour ces objectifs. C’est ainsi qu’avaient été créés les cycles de négociations commerciales multilatérales ou ‘Rounds’ durant lesquels les concessions tarifaires accordées par une partie contractante à une autre étaient généralisées grâce à la clause de la nation la plus favorisée. 1 Keskin A.C., «Pour un Nouveau Droit International de la Concurrence», éditions l’Harmattan, Paris, 2009, p. 147-148. 18 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC De 1947 à 1994, tout au long de ces années, les principes juridiques fondamentaux du GATT sont pour l’essentiel restés les mêmes qu’en 1948, mais ils ont été complétés ou amendés pendant les négociations multilatérales1. 2.1- de Genève au Tokyo Round. De 1947 à 1961, cinq cycles de négociations ont été menés sous l'égide du GATT, (Genève, Annecy, Torquay, Genève et Dillon Round). Globalement, ces premiers cycles ont permis d’aboutir à des réductions très substantielles des droits de douane entre les pays concernés, dont les négociations ont pris la forme de négociations bilatérales: chaque pays négociait de façon indépendante avec ses partenaires commerciaux2. Leurs objectifs principaux étaient la réduction des tarifs. Chaque État inaugurait la technique « bimultilatérale », chaque État négociait avec son principal fournisseur, celui qui était le plus intéressé à la diminution de ses droits, puis les droits résultant de cette négociation étaient étendus à l'ensemble des participants en vertu de la clause de la nation la plus favorisée3. Il faut se rappeler qu’en dépit de l’échec de l’OIC, les pays ne voulaient pas non plus revivre les expériences protectionnistes des années 1930 qui avaient mené à la guerre. A cet époque, les États-Unis avaient adopté en 1930 la législation Smoot-Hawley, la plus protectionniste de leur histoire, même le Royaume-Uni mit fin à sa politique libre-échangiste et signa en 1932 l’Accord d’Ottawa, créant le système de préférence au sein du Commonwealth. Après la guerre, l’équilibre des forces s’est radicalement transformé. Les États-Unis émergent non seulement comme puissance militaire incontestée, mais aussi comme puissance économique. De nombreuses industries américaines, alliant les économies d’échelle, l’efficacité technique et soutenues par une devise nationale (dollar) jugée aussi bonne que l’or, n’avaient pas à se soucier des concurrents internationaux4. Dès la révolution industrielle, le Royaume-Uni voyait le protectionnisme contre leurs intérêts, les États-Unis semblaient engagés à éviter que les mesures protectionnistes s’élèvent un peu partout dans le monde, afin de permettre à ses firmes de prendre le large. Ce qui s’est traduit par l’acceptation des Etats-Unis à ouvrir ses marchés domestiques aux produits étrangers suite à leurs grands engagements tout au long des cinq premiers cycles de négociations du GATT de réduire les tarifs douaniers. Le système de préférence britannique est une des mesures que les États-Unis ont vivement cherché à abolir, mais sans succès. En outre, le Plan Marshall, pour la reconstruction de l’Europe dévastée par la guerre et celui de Dodge, pour le Japon, allaient donner un coup de pouce aux industries américaines dans leur tentative de pénétration des marchés outre-mer. À cette réalité géopolitique s’ajoute celle d’une conjoncture économique particulièrement favorable, pour ne pas dire euphorique. La fin de la guerre a relancé les industries de consommation à un point tel que la rentabilité des entreprises était évaluée par rapport à leur capacité d’offre plutôt que par leurs stratégies de mise en marché. 1 Love P. et R. Lattimore, «Les cycles de négociations commerciales et l'OMC», in, OCDE, Le commerce international: libre, équitable et ouvert?, Éditions OCDE, Paris, 2009, p. 92. 2 Krugman P, M. Obstfeld, et M.J. Melitz, «Économie internationale», op.cit., p. 263. 3 Jouanneau D., Op.cit., p. 12. 4 Nyahoho. E et P.P Proulx, Op.cit., p. 389-390. 19 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Le premier cycle de négociation du GATT, a été initié afin de créer un cadre réglementaire favorable au développement des échanges internationaux. Son activité débute conjointement avec celle du FMI et de la Banque mondiale1. La négociation d’Annecy 1949 fixe les conditions d’accession de 11 nouveaux États. Les négociations de Torquay (1950-1951) et Genève (1956) aboutissent à des réductions de droits supplémentaires. En dix ans, le GATT a fait baisser les droits de 25 % sur 55 000 produits. Ensuite il n’y aura plus de grande baise tarifaire avant 1967. Le Congrès a le sentiment que les concessions américaines sur les droits de douane n’ont pas été payées de retour par les pays européens, qui suppriment les restrictions quantitatives entre eux, dans le cadre de l’OECE (Organisation européenne de coopération économique) mais pas à l’égard des pays tiers2. La création de la Communauté économique européenne (CEE) après la signature du traité de Rome (25 mars 1957), donnent au mouvement de libéralisation des échanges un élan décisif. Et ce suite au remplacement des droits de douane nationaux par un tarif douanier commun, les six États membres de la CEE devront entrer en consultation avec les pays tiers et leur offrir des compensations chaque fois que le tarif commun sera supérieur aux tarifs nationaux antérieurs. En 1961, cette négociation donne lieu aux premiers débats difficiles entre la CEE et ses principaux partenaires à propos de la politique agricole commune (PAC). Ce sera, au sein du GATT puis l’OMC, un sujet permanent d’affrontement. Les Parties contractantes ne se prononceront en définitive jamais sur la compatibilité du traité de Rome avec le GATT alors que la première puissance commerciale du monde, conformément aux règles de la politique commerciale commune, s’est vu reconnaître dès le départ la capacité de négocier avec les États tiers en lieu et place de ses États membres. Ayant intérêt à ce que le tarif douanier communautaire les pénalise le moins possible, les ÉtatsUnis proposent une négociation tarifaire classique dans l’esprit des précédentes. Le Dillon Round inaugure une nouvelle méthode de travail. La négociation produit par produit est remplacée par la «réduction linéaire», mise en œuvre par les six pour le désarmement intracommunautaire et l’alignement progressif des droits nationaux sur le tarif douanier commun, achevé en 1962. Réduction linéaire ne veut pas dire réduction générale : la CEE met en exception les produits agricoles et une série de produits industriels «sensibles». Au total, la négociation Dillon aboutit à une baisse moyenne des droits de douane de 6.5%. Lors du Kennedy Round, les choses ont passablement changé. La conjoncture économique semble avoir une influence négative aux États-Unis. D’abord, le budget fédéral se détériore sous l’effet de la guerre du Viêtnam, ainsi que de diverses dépenses pour le développement urbain et la réalisation du projet mobilisateur de la grande société américaine. Sur le plan monétaire, l’alerte est déjà sonnée par l’incapacité de la Federal Reserve Bank à rembourser l’or pour le dollar ; c’est le début de la «surabondance» du dollar. La balance courante des États-Unis commence à faire piètre figure avec la relève des industries européennes, japonaises et canadiennes. Un autre événement lourd de conséquences pour le GATT est la formation de la CEE qui, au Kennedy Round, décide de négocier en bloc. Les États-Unis doivent maintenant composer avec un partenaire commercial de 1 Madaule S., «Le manuel du développement: 25 ans d'expérience dans la coopération internationale», Edition l’Harmattan, Paris, 2012, p. 84. 2 Jouanneau D., Op.cit., p. 13-14. 20 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC taille importante. Les négociations ont non seulement porté sur les réductions tarifaires, mais également, pour la première fois, sur les mesures antidumping. Le Kennedy Round se distingue ainsi des autres cycles de négociations par son adoption d’un code sur le dumping et les droits compensatoires (article VI). La définition du dumping est entachée d’ambiguïtés. En voici la teneur1: 1. Les parties contractantes reconnaissent que le dumping, qui permet l’introduction des produits d’un pays sur le marché d’un autre pays à un prix inférieur à leur valeur normale, est condamnable s’il cause ou menace de causer un préjudice important à une production établie d’une partie contractante ou s’il retarde sensiblement la création d’une production nationale. Aux fins d’application du présent article, un produit exporté d’un pays vers un autre doit être considéré comme étant introduit sur le marché d’un pays importateur à un prix inférieur à sa valeur normale, si le prix de ce produit est : a) inférieur au prix comparable pratiqué au cours d’opérations commerciales normales pour un produit similaire, destiné à la consommation dans le pays exportateur ; b) ou, en l’absence d’un tel prix, sur le marché intérieur de ce dernier pays, si le prix du produit exporté est : i) inférieur au prix comparable le plus élevé pour l’exportation d’un produit similaire vers un pays tiers au cours d’opérations commerciales normales, ii) ou inférieur au coût de production de ce produit dans le pays de production de ce produit dans le pays d’origine, plus un supplément raisonnable pour les frais de vente et le bénéfice. Le sixième cycle de négociation, connu sous le nom de Kennedy Round, s'est achevé en 1967. Cet accord, qui impliquait les principaux pays industrialisés, a permis de réduire en moyenne les droits de douane d'environ 35%. Il est bien intéressant de noter que pendant la période entre 1945 et 1973 la grande majorité des pays développés ont connu une forte croissance économique, (Les Trente Glorieuses selon l'expression de Jean Fourastié). A propos de cette période, J. Bhagwati avait écrit: « À cette époque, les pays riches s'activaient à libéraliser leur commerce, leurs investissements et leurs flux de capitaux. Ils voyaient dans l'intégration internationale la baguette magique qui leur apporterait la prospérité, ce qu'elle fit effectivement en produisant l'âge d'or des marées montantes qui soulevèrent tous les navires jusqu'à ce que l'explosion des prix du pétrole déclenchée par les pays de l'OPEP bouleverse l'économie mondiale à partir du milieu des années 1970. Mais les pays pauvres craignaient l'intégration internationale»2. Dans les années 70, Le Tokyo Round a été lancé en 1973 pour se terminer en 1979. Ce cycle a vu la première tentative majeure visant à remédier aux obstacles au commerce autres que les droits 1 Nyahoho. E et P.P Proulx, Op.cit., p. 391. Bhagwati J., «Plaidoyer pour la mondialisation», Ouvrage paru chez Oxford University Press sous le titre: In Defense of Globalization Oxford University press, New York, 2004, Traduit de l'anglais (États-Unis) par Michel Bessières et Agnès Botz, Edition Odile Jacob, 2010, p. 35. 2 21 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC de douane et à améliorer le système1. De l’avis d’Olivier Long, directeur général du GATT, «les négociations du “Tokyo Round” sont les plus complexes et les plus vastes qui n’aient jamais été entreprises dans ce domaine». Elle se distingue aussi par le nombre de pays participants beaucoup plus élevé (99 contre 48 pour le Kennedy Round). Le Tokyo Round s’est déroulé dans une conjoncture économique très défavorable : chocs pétroliers, inflation, chômage à des niveaux record dans la plupart des pays et, surtout, la chute du système de Bretton Woods avec l’abandon du système de parité fixe des devises. Le monde était à nouveau hanté par le spectre d’une course aux dévaluations /dépréciations comme stratégies concurrentielles 2. En outre, en 1973 la CEE a connu des changements considérables par d’autres élargissement avec l'entrée du Royaume-Uni, le Danemark et l’Irlande, Ces changements procurent à cette communauté qui de surcroît, négociait en bloc (9 pays), un poids économique considérable. Et après l’élection d’un nouveau président au États-Unis en 1977, des négociations ont été déclenchées par la suite entre les États-Unis et la CEE sur le sujet de l’agriculture, mais sans aucune suite. Et il a été recommandé aux parties contractantes du GATT, de poursuivre le développement d’une coopération dans ce secteur dans un cadre consultatif. Au premier plan, la CEE, le Japon et les États-Unis s’efforcent de se mettre d’accord avant de négocier avec d’autres pays de taille intermédiaire, tels le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. D’un autre côté, les États-Unis, la CEE, le Japon et le Canada se réunissent au sein du groupe quadrilatéral pour se concerter. Par la suite, au fur et à mesure que ces discussions progressent entre les pays industrialisés, on intègre les PED. C’est ce qu’on appelle des négociations de type pyramidal 3. Dans cette procédure, l’avantage est que les négociations se font d’abord entre les pays qui ont un pouvoir de veto, l’inconvénient de cette procédure est que les autres (petits pays) n’ont pas d’autre choix que d’accepter l’accord issu des délibérations entre ces grands pays. Le résultat final du Tokyo Round le distingue des autres séries de négociations par son traitement spécifique et étendu des mesures non tarifaires: marchés publics, droits antidumping, certificats d’origine, marques d’origine, subventions aux exportations, valeurs en douane, normes et réglementations techniques, etc. Ainsi, outre l’abaissement des tarifs douaniers, toute une série de codes (plurilatéraux) touchent aux mesures non tarifaires (MNT). En voici le résumé des faits saillants4: – un accord relatif à l’interprétation et à l’application des articles VI, XVI et XXIII de l’Accord général a été inséré (code sur les subventions et les droits compensatoires). Ce code a pour objectif de limiter le recours à des subventions à l’exportation ; – un code de valeur en douane a été également arrêté pour une définition d’un système équitable, uniforme et neutre ; – un accord relatif aux marchés publics visant un marché libre et de transparence dans les procédures d’appel d’offre, de soumission ; – un accord sur les obstacles techniques au commerce afin d’atténuer et non pas d’éliminer entièrement les obstacles non nécessaires au commerce ; 1 http://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/tif_f/fact4_f.htm (consulté le 17 mai 2012). Jouanneau Daniel, Op.cit., p. 15. 3 Nyahoho E., P.P Proulx, Op.cit., p. 392. 4 ibidem. 2 22 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC – un accord sur les procédures en matière de licences d’importation dans le but de les simplifier et de les administrer de manière neutre et équitable ; – un arrangement international concernant le secteur laitier dans le but de libéraliser ce commerce, éviter les excédents, les pénuries, les fluctuations excessives des prix ; – un arrangement sur la viande bovine pour promouvoir l’expansion, la libéralisation et la stabilisation du marché. À première vue, si les résultats du Tokyo Round apparaissent comme impressionnants, en réalité, ils se révèlent douteux. En effet, le Tokyo Round n’a pas réussi à contenir les écarts de conduite des pays signataires au chapitre des subventions à l’exportation, aux marchés publics, ni à celui des obstacles techniques au commerce. Les tracasseries administratives se sont multipliées au fil des années. Plus encore, aucun accord ne saurait véritablement mettre fin aux pratiques de subventions à moins de s’entendre sur une définition à toute épreuve de ce qu’est une subvention, ce qui est improbable. 2.2- L’Uruguay Round. Les plus grands progrès sur la voie de la libéralisation du commerce international ont été réalisés à la faveur d'une série de négociations commerciales multilatérales, huit en tout placées sous l'égide du GATT, dont la dernière, a été le Cycle d'Uruguay (1986-1994, Punta del Elste), le 8ème Cycle de négociations du GATT a fait porter l'agriculture, les textiles et les vêtements dans les règles du GATT. L’Uruguay Round ne s’est achevé que 08 ans plus tard; c’est la plus longue série de négociations de l’histoire du GATT. Si le Tokyo Round est plus complexe et plus vaste par rapport aux séries antérieures de négociations, l’Uruguay Round l’est encore davantage par son imposant ordre du jour, ses nombreux participants et la gamme des nouveaux sujets abordés. Par ailleurs, des facteurs économiques ont pesé sur le déroulement des négociations. L’économie mondiale a été secouée par la crise économique de 1981-1982, comparable à celle de 1929. Les séquelles de cette crise ont pris un caractère durable1: - incertitude du niveau des taux d’intérêt ; - taux de chômage élevés ; - instabilité des marchés de change ; - incertitude sur les prix énergétiques et comportement spéculatif des marchés financiers ; - de surcroît, un déséquilibre profond s’installe entre les pays industrialisés et les PVD. Alors que la reprise économique s’observe timidement dès 1983 au Nord, les pays du Sud vivent une crise d’endettement extérieur déclenchée en 1982 par le Mexique. L’équilibre des forces présente un nouveau visage. L’Allemagne et le Japon émergent comme puissances économiques, bien que non militaires, ils dégagent année après année un surplus commercial. Les États-Unis sont aux prises avec un double déficit sans précédent, à la fois budgétaire et commercial. De grands groupes industriels américains reculent face aux concurrents étrangers (automobile, agriculture, 1 Nyahoho E., P.P Proulx, Op.cit, p. 393. 23 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC etc.) pendant que leurs banques sont largement affectées par le lourd endettement en Amérique latine. Le Cycle d'Uruguay a constitué le cycle de négociation le plus global parmi tous ceux conduits sous les auspices du GATT. Il y avait en tous quinze groupes de négociation, le nombre des domaines de négociation ayant été ramené à huit aux derniers stades du cycle 1. En général, les négociations ont visé à2: • Prendre acte de la tarification des obstacles aux échanges, c'est-à-dire la transformation des protections non tarifaires en tarifs consolidés et organiser la négociation sur leur abaissement sur la base des principes de « réciprocité et d'avantages mutuels » (article XXVIII bis §1). • Avaliser les exceptions ou dérogations aux principes mêmes des accords et, le cas échéant, négocier les compensations qui peuvent être obtenues par les pays désavantagés. • Préciser, amender ou compléter les règles en vigueur. Le résultat le plus important du Cycle d’Uruguay est constitué par les 22500 pages qui recouvrent les engagements contractés par les différents pays pour des catégories spécifiques de marchandises et de services, notamment des engagements en vue de réduire et de «consolider» les taux des droits perçus à l’importation de marchandises3. Tableau I-01: Le champ des consolidations tarifaires avant et après le Cycle d'Uruguay Produits industriels Produits agricoles avant après avant Après Total 68 87 63 100 Pays développés 94 99 81 100 pays en développement 13 61 22 100 Pays en transition 74 96 59 100 Source : secrétariat de GATT, novembre 1994, p. 26. Dans, Siroën J.M., «L'OMC et la mondialisation des économies», IRES et CFE-CGC, 1998, p. 09. Le Cycle d'Uruguay, a fait beaucoup plus que cela. Il a, pour la première fois étendu le champ du GATT aux secteurs des services, de la propriété intellectuelle, des textiles et de l’agriculture. Il a marqué l'évolution du GATT à l'OMC, le commerce des services inclus par l'Accord général sur le commerce des services (AGCS), les règlements établis régissant le commerce des droits de propriété intellectuelle grâce à l'Accord sur les aspects commerciaux des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), les règles établies sur certaines lois sur l'investissement à travers les Accords sur les Mesures concernant les Investissements liées au Commerce (MIC), a poursuivi la tendance croissante à l'arrière-questions transfrontalières et a 1 Greenway D., C. Milner, «Les incidences sur l'emploi du Cycle d'Uruguay», in, Thwaites J.D. (Dir.), La mondialisation: Origines, développements et effets, 2eme éd, Les Presses de l'Université Laval, Canada, 2004, p. 163. 2 Siroën J.M., «L'OMC et la mondialisation des économies», IRES et CFE-CGC, 1998, p. 09. 3 OMC, «Organisation mondiale du commerce: Un commerce ouvert sur l’avenir», 2eme éd Révisée Juillet 2001, Service des publications de l’OMC, p 16. Disponible sur (http://www.wto.org/french/res_f/doload_f/tiff.pdf). 24 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC établi le Mémorandum d'accord, le mécanisme de règlement des différends de l'OMC qui a plus de «mordant» que le mécanisme du GATT. Les accords conclus sont résumés dans l'Annexe N°011. Le GATT a fait ses preuves au cours des cinquante dernières années en tant qu’instrument de négociation. Au cours de huit cycles de négociations commerciales, il a réussi à abaisser la moyenne des droits de douane de 40 % à 4 % dans le domaine des biens industriels et à éliminer ainsi une première génération d’obstacles commerciaux par des libéralisations progressives 2. Tableau I-02 : Les cycles de négociations du GATT depuis 1947 Round Durée Genève 10/1947 Annecy Torquay Genève 04/ 1949 – 08/ 1949 09/1950 – 04/1951 01/1956 – 05/1956 Domaines couverts Nombre des Flux pays commerciaux Participants en Mds de $ Droits de douane 23 Droits de douane 13 Droits de douane 38 Droits de douane 26 Dilllon Rouand 09/1960 – 07/ 1961 Droits de douane 26 Kennedy Rouand 05/1974 – 06/1967 Droits de douane et mesures antidumping 62 Tokyo Rouand 09/1973 – 11/1979 Droits de douane, - mesures non tarifaires et «accordcadre» 102 09/1986 – 04/1994 - Droits de douane, - mesures non tarifaires, - règles, - services, - propriété intellectuelle, - règlement des différends, - textiles, - agriculture, - établissement de l’OMC. Urguay Rouand 123 10 Mds 4.9 Mds 40 Mds 190 Mds 1 122 Mds Bilan - 45 000 réductions tarifaires - 104 accords de réduction des droits de douane - 5 000 nouvelles réductions - 147 accords de réduction des droits de douane Réduction des tarifs de 25% par rapport au niveau de 1948 Réduction des droits de douane (environ 60 concessions tarifaires) - 49 accords bilatéraux de réduction des droits de douane - Réduction des droits de douane 7%, - 4 400 concessions tarifaires Réduction des droits de douane 35%, codes anti dumping, mécanismes préférentiels pour les PED Droits de douane moyens 40 % 16.5 15.2 9.9 Réduction des droits de 34%, mise au point des codes anti dumping 6.5 Création de l'OMC, réduction des droits des industries, secteurs protégés (sidérurgie, pharmacie), baisse subventions, exportations agricoles et libéralisation services + propriété intellectuelle protégée au total réduction moyenne de 39%. 4 Source : Collection dirigée par Alain Nonjon « de l'internationalisation à la globalisation: Les mutations de l'économie mondiale de 1880 à nos jours», Ellipses Édition, 2007, p. 338. 1 Greenway D., C. Milner, Op.cit., p. 164-165. Cottier Thomas, «Les tâches de l'OMC: Évolution et défis», Revue internationale de droit économique, 2004/3 t. XVIII, 3, p. 273-291, p. 278. 2 25 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC 2.3- Extension des accords au commerce des services et les ADPIC. a. l'Accord général sur le commerce des services (AGCS). Avant l'Uruguay Round, les échanges internationaux de services n'étaient pas soumis aux règles du GATT. Afin de consolider le système multilatéral et de réduire les échanges « hors GATT », les négociations d'Uruguay ont décidé d'inclure ce secteur remarquablement dynamique dans le champ des disciplines collectives1. Un accord, le General Agreement on Trade of Services (GATS) a été conclu. Il soumet les échanges internationaux de services aux mêmes règles que le commerce de biens, avec quelques règles spécifiques s'ajoutant aux services, telle que la règle de transparence qui oblige les gouvernements à notifier au GATT tous les changements dans les lois et règlements nationaux concernant les services. Selon Siroën, l’Accord Général sur les Services (GATS) comprend trois types de textes2: • Le « Code » lui-même qui constitue la base juridique des droits et obligations des pays membres de l'OMC. Le GATS s’est efforcé de préserver les principes et les mécanismes de fonctionnement du GATT compte tenu de la spécificité de ces biens. Sur le plan des principes, le GATS réaffirme le traitement de la Nation la plus favorisée (article II), ainsi que le principe du traitement national. Tout comme le GATT, le GATS impose des disciplines communes, notamment en ce qui concerne les instruments de protection utilisés. Celles-ci couvrent l’ensemble des services (sauf en ce qui concerne les services fournis dans l’exercice du pouvoir gouvernemental ou dans le cadre de marchés publics qui font l'objet d'un accord séparé). Néanmoins, l'absence d'exceptions générales n'implique pas celle d'« exemptions » nationales ou de dispositions particulières dans le domaine, par exemple, des échanges entre pays frontaliers ou des accords régionaux assez équivalentes aux exonérations du traitement de la nation la plus favorisée admises dans le GATT. • Des annexes sectorielles qui ont la même force juridique que le Code et qui décrivent les modalités d'application de ces règles à un certain nombre de secteurs: mouvement de personnes, services financiers, télécommunications, services de télécommunications de base, transport aérien, transport maritime. Ces secteurs font l'objet de négociations spécifiques au sein de l'OMC. • Les listes nationales d'engagements et d'exemptions définissent les services que les pays acceptent d'ouvrir et les restrictions qu'ils souhaitent maintenir. En effet, les dispositions visant l'accès au marché et l'application du traitement national (articles XVI et XVII) ne concernent que les secteurs et les mesures portées sur une liste d'engagements notifiée au GATT/OMC. Ces listes, qui sont alors contraignantes, énumèrent explicitement les secteurs que le pays accepte d'ouvrir et c'est en ce sens qu'elles sont dites « positives » indiquant les secteurs pour lesquels un Membre accorde aux fournisseurs de services étrangers l’accès au marché ou le traitement national, sous réserve du respect de toutes les restrictions listées. En ce qui concerne les mesures, les listes sont « négatives » ce qui signifie que seules les restrictions qui sont énumérées sont « exonérées ». Par 1 Abdelhafidh S. et S. haddou, «Libéralisation commerciale et synchronisation des cycles dans les pays d’Afrique du Nord et du Proche-Orient», in, Abdelmalki L., K. Bounemra Ben Soltane et M. Sadni-jallab (Dir.), Le Maghreb face aux défis de l’ouverture en Méditerranée, éditions l’Harmattan, Paris, 2009, p. 94. 2 Siroën J.M., «L'OMC et la mondialisation des économies», Op.cit., p. 09. 26 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC défaut, les secteurs non mentionnés, existants ou à naître, ne sont pas concernés par les dispositions relatives à l'accès au marché et au traitement national. Pour résumer la complexité du GATS, l'« exception culturelle », évoquée lors de la phase finale de l'Uruguay Round, désirée par plusieurs pays (dont l'UE et le Canada), mais qui n'est, en fait, dans la terminologie du GATS, qu'une « exemption » prend donc les formes suivantes: - L'absence d'engagement spécifique qui « exonère » donc les pays concernés d'appliquer les dispositions relatives au principe du traitement national. - Le dépôt d'une « exemption » (et non d'une « exception ») au titre de l'article II (traitement NPF) et qui pour l'Union européenne, par exemple, concerne l'audiovisuel, avec obligation de réexamen. La transposition des principes du GATT au GATS est donc imparfaite. De fait, les négociations sectorielles de type multilatéral, programmées lors des accords de Marrakech ont toutes connu de sérieuses difficultés. Depuis la mise en place de l’OMC, le 1 er janvier 1995, les négociations sectorielles ont connu un succès limité: report des négociations dans le domaine des transports maritimes, succès tardif de la négociation sur les services financiers (après un demi-échec en 1995). La conclusion difficile sur les télécommunications concerne davantage les supports, c’est-à-dire le matériel, que les services transportés. Dans la plupart des cas, tout particulièrement, les services financiers, les Etats-Unis ont estimé que les engagements proposés par les autres pays étaient insuffisants. L’AGCS couvre la plupart des services échangés entre les pays, notamment les services bancaires, de télécommunications, de tourisme et professionnels. Il définit quatre «modes de fourniture» pour le commerce des services1: Mode 1 : «fourniture transfrontalière» (à titre d’exemple, un architecte basé dans un pays A envoie des plans à un client situé dans un pays B). Mode 2 : «consommation à l’étranger» (le consommateur du pays B voyage). Mode 3 : «présence commerciale» (l’architecte du pays A installe un bureau dans le pays B). Mode 4 : «mouvement de personnes physiques/admission temporaire» (l’architecte du pays A se rend dans le pays B pour établir un avant-projet). Chaque Membre de l’OMC établit le programme de ses propres engagements en matière d’accès au marché et de traitement national ainsi que celui des engagements additionnels relatifs aux quatre modes de fourniture pour des services et sous-services spécifiques. Ces programmes fonctionnent selon une approche fondée sur des «listes positives». Les programmes contiennent également des engagements «horizontaux» ainsi que des restrictions qui portent sur tous les secteurs inclus dans les listes. L’accès au marché et les obligations relatives à l’égalité de traitement entre étrangers et nationaux, aussi bien que certaines obligations liées à la réglementation intérieure s’appliquent uniquement aux secteurs pour lesquels les Membres ont contracté des engagements spécifiques. Depuis 1996, le GATS a été incorporé dans les statuts de l'OMC. Il est donc partie intégrante des disciplines instituées par cette organisation. 1 Rudolf Adlung and Aaditya Mattoo, «The GATS» in Aaditya Mattoo, Robert M.Stern, Gianni Zanini (Dir.), A Handbook of International Trade in Services, Oxford University Press, USA, 2007, p. 49. 27 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC b. l'Accord sur les aspects commerciaux des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). Dans le contexte du GATT, du moins jusqu’au cycle de Tokyo (1973-1979), la propriété intellectuelle a été considérée comme une entrave acceptable au libre-échange et une utile de défense au phénomène d’expansion du commerce de marchandises de contrefaçon. Ce dernier qui a commencé à représenter un grave problème dans les entreprises originaire des produits surtout dans les pays développés et en tête les Etats-Unis. Ce pays a en effet établi à partir des années 1970 un lien entre commerce et protection des droits de propriété intellectuelle 1. Toutefois, certaines parties contractantes du GATT, ont tenté de s’entendre sur des règles communes visant à freiner le commerce des produits de contrefaçon, en l’absence d’un système multilatéral de protection de la propriété intellectuelle. Avant l’Accord sur les ADPIC, la propriété intellectuelle était réglementée par quelques règles du GATT et certaines conventions internationales, dont la plupart étaient et sont toujours administrées par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Le Début du glissement vers le GATT s’est opéré aux Etats-Unis2. Dès le cycle d’Uruguay, la question des droits de propriété intellectuelle a posé davantage d’interrogations sur les fonctions mêmes de GATT puis l’OMC. Certes, les licences et brevets font directement l’objet d’échanges. L’accord ne vise pourtant pas à ouvrir le commerce à ce type très particulier de biens, mais à protéger les droits de propriété et à sanctionner le commerce de contrefaçon. Du point de vue de l’analyse économique, la justification de cette protection est ambiguë : d’une part la protection des droits constitue une incitation à l’invention et à l’innovation, mais, d’autre part, elle crée des situations de monopole incompatibles avec une allocation optimale des ressources. L'accord sur la propriété intellectuelle va dans le sens de la première interprétation. Il vise, de fait, à protéger le monopole des firmes, en général originaires des pays « riches ». Cet accord a moins pour fonction de favoriser directement la libéralisation des échanges, que de garantir leur loyauté. Il vise à empêcher le phénomène du l'équitation libres (free-riders) de la part de pays qui bénéficieraient des investissements réalisés ailleurs en marques ou en inventions sans en supporter les contraintes. En rompant avec une certaine conception du bien qui reste celle du GATT (en tant qu'accord), qui se définit par les besoins qu’il satisfait indépendamment du processus de production, il met d'une certaine manière en relief, les lacunes de l’OMC en matière d’environnement ou de normes de travail3. Le régime international de la propriété intellectuelle est régi par l'accord ADPIC. Ce texte est le plus complet en matière de réglementation internationale de la propriété intellectuelle puisqu'il introduit un nouveau régime pour sa gestion au niveau mondiale. L'accord ADPIC détermine les secteurs de la propriété intellectuelle qu'il couvre. Cette couverture se traduit donc par deux régimes de protection ; commun et spécifique. Le régime commun de protection met en exergue les principes de la clause NPF et du traitement national et définit les normes relatives à la protection entre États. Le régime spécifique de protection quant à lui examine la propriété industrielle, qui se divise en création industrielle et en signes distinctifs. Il examine également la propriété littéraire et artistique dont les principales composantes sont les droits d'auteur et les droits connexes aux droits 1 Gervais D., Schmitz I., «L’Accord sur les ADPIC», 1ere Edition, Edition Larcier, Bruxelles, 2010, p. 22. ibidem. 3 Siroën J.M, «L'OMC et la mondialisation des économies», Op.cit., p. 16. 2 28 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC d'auteur. Ce régime se complète par la manière dont cet accord doit être appliqué pendant la période transitoire aussi bien à l'égard des pays développés que des PED. Pour chacun des principaux secteurs de la propriété intellectuelle qui est visé par l’Accord sur les ADPIC1, ce dernier établit, des normes minimales de protection qui doivent être prévues par chaque membre. Les principaux éléments de protection sont définis, à savoir l'objet de la protection, les droits conférés et les exceptions admises à ces droits, ainsi que la durée minimale de la protection. L'accord établit ces normes en exigeant en premier lieu que les obligations de fond énoncées dans les versions les plus récentes des principales conventions de l'OMPI, soient respectées. A l'exception des dispositions de la convention de Berne relatives aux droits moraux, toutes les principales dispositions de fond de ces conventions sont incorporées par référence et deviennent ainsi, dans le cadre de l'accord sur les ADPIC, des obligations pour les pays membres parties à l'accord2. L’Accord sur les ADPIC a été adopté à Marrakech le 15 avril 1994 comme annexe 1C de l’Acte final faisant état des résultats du cycle d’Uruguay sur les négociations commerciales multilatérales, l’accord est entré en vigueur le 1er janvier 1995. Une période d’un an, de transition globale est prévue par l’article 64 de l’Accord. Ainsi, pour les pays industrialisés membre, l’Accord est entré en vigueur le 1er janvier 1996. Ces derniers ont été dans l’obligation de s’adapter à toutes les dispositions de l’Accord à compter de cette date. Par ailleurs, pour les PED membres, c’est le 1er janvier 2000 qu’il est entré en vigueur. Ces derniers pouvaient également différer l’application des prescriptions de l’Accord en matière de brevets d’invention de produits dans les domaines de la TIC qui ne peuvent être ainsi protégés sur leur territoire pendant une durée additionnelle de 5 ans, c’est-à-dire au 1er janvier 2005. Cette option était sujette aux3: - autres dispositions de l’Accord sur les ADPIC, par exemple, celle portant sur le traitement national, la nation la plus favorisée, les droits d’acquisition et de mise en œuvre ; - dispositions de paragraphe 70 :8 appelé « boite aux lettre » de même qu’aux « droits exclusifs de commercialisations » prévues au paragraphe 70 :9. - finalement, les pays les moins avancés (PMA) membres de l’OMC bénéficient d’une période de transition plus longue pour appliquer l’Accord sur les ADPIC, soit jusqu’au 1 er janvier 2006, sauf pour les articles 3, 4 et 5. Il est également possible que le Conseil des ADPIC prolonge cette période. 1 Les secteurs de la propriété intellectuelle couverts par l'Accord sur les ADPIC sont les suivants: droit d’auteur et droits connexes (droits des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion); marques de fabrique ou de commerce, y compris les marques de service; indications géographiques, y compris les appellations d'origine; dessins et modèles industriels; brevets, y compris la protection des obtentions végétales; schémas de configuration de circuits intégrés; et renseignements non divulgués, y compris les secrets commerciaux et les données résultant d'essais. 2 http://www.wto.org/french/tratop_f/trips_f/intel2_f.htm 3 Gervais D., I. Schmitz, «L’Accord sur les ADPIC», 1ere Edition, Edition Larcier, Bruxelles, 2010, p. 45. 29 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC L’accord sur les ADPIC couvre1: - Le droit d’auteur et des droits connexes dans des domaines tels que la location et la diffusion. Les artistes doivent avoir le droit d’empêcher le piratage ou l’enregistrement, la reproduction et la diffusion non autoriser de leurs performances en direct pendant une période d’au moins 50 ans. Les producteurs d’enregistrements sonores doivent avoir le droit d’empêcher les reproductions non autorisées pendant 50 ans. - Les marques de commerce ou de fabrique, y compris les marques de service. Les marques de service sont des logos et d’autres symboles utilisés pour identifier des entreprises de services dont les activités – par exemple la réparation de tuyaux – ne peuvent être désignées par un signe physique comme les autres produits. - Les indications géographiques. Ce sont souvent des noms de lieux en relation avec des aliments ou des boissons, comme le Champagne, qui ne peut porter ce nom que s’il est produit dans la région de la Champagne en France. - Les conceptions industrielles. Elles doivent être protégées pendant au moins 10 ans. - La protection des brevets. Les inventions doivent pouvoir être protégées par un brevet pendant au moins 20 ans. Cette protection doit être accordée aussi bien pour les produits que pour les procédés, dans presque tous les domaines technologiques. Les gouvernements peuvent refuser de délivrer un brevet si son exploitation commerciale est interdite pour des raisons d’ordre public ou de moralité. Ils peuvent aussi exclure de la brevetabilité les méthodes diagnostiques, thérapeutiques et chirurgicales, les végétaux et les animaux (autres que les micro-organismes) et les procédés biologiques d’obtention de végétaux ou d’animaux (autres que les procédés microbiologiques). Les variétés végétales doivent cependant pouvoir être protégées par des brevets ou par un système spécial (comme le système de protection des droits de l’obtenteur prévu dans les conventions internationales). - Les schémas de configuration (topographies) de circuits intégrés. - Les informations non divulguées, y compris les secrets commerciaux. 1 Love P. et R. Lattimore, Op.cit., p. 87. 30 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Section 2: L'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). 1- La doctrine multilatérale de l’OMC en pratique. 1.1- L'entité de l'OMC. La création d'une organisation internationale du commerce était un rêve qui avait échappé à l'ère des négociations commerciales après la Seconde Guerre mondiale. Depuis près de 50 ans, le GATT a été considéré comme un traité substitut à l'Organisation internationale du commerce avortée (OIC). Mais les tentatives visant à créer une organisation commerciale multilatérale se poursuivent. En 1955, certaines parties contractantes du GATT ont proposé la formation d'un organe plus permanent, sous la forme d'Organisation pour la coopération commerciale. Mais cette proposition n'a pas pu avoir de succès comme avait été l'OIC. La proposition d'une organisation internationale du commerce sous l'égide de l'ONU qui a été mis en avant au sein du Conseil économique et social (ECOSOC) en 1963 n’a également abouti à rien. Mais lorsque l'accord de Marrakech a conclu les négociations commerciales multilatérales de l'Uruguay Round en 1994, l'organisation tant attendue du commerce multilatéral est né. Légalement, l'OMC est entrée en vigueur le 1er janvier 1995, avec 128 Membres originels1. Comme il a été expliqué ci-dessus, le GATT n'avait pas des structures institutionnelles, dans les premières années de son fonctionnement. Il n'existait même pas comme une entité, sauf si les réunions officielles des parties contractantes sont tenues. C'est précisément cette lacune que l'OMC est venue combler. Toutefois, l'OMC n'a pas commencé à partir d'un état vierge, une grande partie de la conception institutionnelle est mise en place par le biais de ce que le GATT avait réalisé pendant 47 ans (1947-1994), essentiellement, c’est « l'Apprentissage par la pratique », qui est la source d'inspiration pour les architectes du régime commercial mondial actuel2. La création d'une organisation multilatérale du commerce n'était pas à l'ordre du jour lors de lancement de l'Uruguay Round. Mais l'insatisfaction avec le GATT avait été de brassage dans les différentes parties. Les MNT ont proliféré dans les années 1970. Les initiatives de Tokyo Round pour traiter ces obstacles grâce à des codes volontaires se révèlent être largement inefficaces. Les changements davantage comparatifs des pays développés, menés par les États-Unis, ont exigé que le GATT doive s'étendre dans les nouvelles questions dans le commerce des services, les droits de propriété intellectuelle et les mesures d'investissement si elle voulait garder les principaux négociants à bord. Les PED ont également été confrontés à de nouveaux impératifs. Le ralentissement économique des années 1980 a conduit beaucoup d'entre eux à adopter le modèle Est-asiatique de croissance axé sur l'exportation, pour contrôler leurs larges déficits grâce à l’expansion du commerce mondial. Et pour mettre en œuvre une telle stratégie de croissance pour récolter des bénéfices de la libéralisation unilatérale, ils doivent se protéger contre l'augmentation des MNT et s'assurer que les nouvelles questions ont été incluses d’une façon ou d’une autre et avec un compromis qui soutient leurs intérêts. Les PED ont dû aller à la table des négociations du GATT/OMC en y adhérant. En réponse à cette adhésion montante et active des PED et avec les nouvelles exigences, il était inévitable que l'ordre du jour du GATT aille s'étendre bien au-delà des 1 Narlikar A., «The World Trade Organization, A very short introduction», 1st ed, Oxford University Press, 2005, p. 22. Hoekman B.M., P.C. Mavroidis, «The World Trade Organization, Law, economics, and politics», first published, Routledge, New York, 2009, p. 14. 2 31 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC traditionnels question-domaines des droits de douane sur les marchandises. Le cycle d'Uruguay a certainement vu une telle expansion et l'ancienne structure du GATT était insuffisante pour y faire face. L'émergence de l'OMC a été en partie une réponse aux impératifs changements du système commercial international des années 1980. Mais sa création est également fonction d’un processus de négociations complexes. Ce que Sylvia Ostry a décrit1: une "grande négociation" sans processus prudent et compromis, l'OMC pourrait avoir subi le même sort que l'OIC. Le préambule du GATT de 1947 liste parmi ses objectifs le relèvement des niveaux de vie, assurer le plein emploi et un niveau élevé et toujours croissant du revenu réel et de la demande effective, la pleine utilisation des ressources mondiales et l'accroissement de la production et des échanges de biens. Il poursuit en disant que les arrangements réciproques et mutuellement avantageux impliquant une réduction substantielle des tarifs douaniers et des autres obstacles au commerce, ainsi que l'élimination du traitement discriminatoire dans le commerce international contribuera à la réalisation de ces objectifs, n’est nulle part fait mentionner de se faire le libreéchange comme but ultime. Cela continue d'être le cas à l'OMC. Ainsi, contrairement à l'opinion générale, l'objectif officiel de l'OMC n'est pas le libre-échange, le commerce est un moyen d'atteindre les objectifs énumérés dans le préambule et non pas une fin en soi. L'accord de l'OMC est un engagement unique, toutes ses dispositions s'appliquent à tous les membres. C’est la différence majeure avec le GATT de 1947, où les pays peuvent décider ou non de signer de nouveaux accords. Une autre différence majeure est dans le domaine du règlement des différends. En vertu de l'OMC, il est pratiquement impossible de bloquer la formation de groupes de règlement des différends, l'adoption des rapports de groupes spéciaux et l'autorisation d'exercer des représailles, Une autre différence est que l'OMC a un mandat plus fort pour poursuivre la transparence et la surveillance, grâce au mécanisme d'examen des politiques commerciales. Si l'accord de Marrakech réduit le nombre d’accords plurilatéraux, gérés par l’OMC, il maintient le caractère plurilatéral des accords relatifs aux aéronefs civils, aux marchés publics, au secteur laitier, à la viande bovine. Les dispositions relatives au dumping et aux subventions concernent maintenant l'ensemble des pays membres. L’OMC est destinée à prendre en compte les nouveaux accords sur les services (GATS), sur la propriété intellectuelle (ADPIC) et aux investissements liés au commerce (TRIMs), dont ces nouveaux accords gérés par l'OMC, est une conséquence cohérente avec l’évolution de l’économie mondiale. La part des services dans la production nationale est devenue largement majoritaire en termes d’emplois et de production. Les services constituent la composante la plus importante et la plus dynamique des économies des pays développés comme des PED. Ils ont un rôle vital non seulement en tant que tels mais aussi en tant que intrants pour la fabrication de la plupart des produits. Le GATS est une des composantes de l'Accord de Marrakech. Leur inclusion dans les négociations commerciales du Cycle d'Uruguay vise à compléter le GATT qui ne couvre que le commerce des marchandises. Ces accords séparés se rejoignent néanmoins au niveau des différends 1 Narlikar A., «The World Trade Organization: A Very Short Introduction», Op.cit., p. 23. 32 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC puisque la procédure est unifiée au sein de l'OMC 1 . Depuis janvier 2000, ils font l'objet de négociations commerciales multilatérales2. La création de l'OMC en janvier 1995 a été le symbole de l'apparition d'un système économique plus global. En un mot, l'OMC est un mécanisme d'échange des engagements de la politique commerciaux, s'entendue sur un code de conduite. L'OMC comprend un ensemble des règles et des obligations légales qui règlent les politiques commerciales entre les états membres. En 1947, les 23 membres fondateurs du GATT étaient pour la plupart des pays industrialisés, alors que l'adhésion des PED a commencé dans les années cinquante. Depuis la naissance de l'OMC en 1995, on est passé rapidement et on atteint 159 pays membres en 2013. Ceci en dépit du fait que l'adhésion à l'OMC est un processus difficile qui prend du temps, car les pays peuvent adhérer à l'OMC qu'après négociation des conditions d'adhésion. Dans la pratique, un consensus de tous les membres est nécessaire. Les PED représentent maintenant environ les trois quarts de l'ensemble des membres de l'OMC. L'augmentation du nombre de membres de l'OMC est en grande partie attribuable à une augmentation dans le développement de pays membres et des pays tels que le Brésil et l'Inde qui jouent des rôles plus important à l'OMC. Il convient de noter que l'Union européenne est un membre de l'OMC avec l'ensemble de ses États membres3. L'OMC, qui se compose aujourd'hui de 159 pays, cherche par le biais de ses principes fondamentaux, ses conférences ministérielles, administratives et, surtout, ses séries de négociations commerciales à fixer les règles du commerce mondial. L'OMC a toujours comme esprit le développement du commerce, où et quand elle le peut. Carte I-01: Les pays membres de l'OMC en 2013. Source : secretariat de l’OMC (http://www.wto.org/french/thewto_f/countries_f/org6_map_f.htm) (Consulté le 05 mars 2013). 1 Siroën J.M, «L'OMC et la mondialisation des économies», Op.cit., p. 14. http://www.wto.org/french/tratop_f/serv_f/serv_f.htm (consulté le 15 mai 2012). 3 Eberhard Bohne, «The World Trade Organization, Institutional Development and Reform», Palgrave Macmillan, First published, England, 2010, p. 02. 2 33 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Alors que l'OMC se rapproche de l'adhésion universelle, la part de ses membres dans les exportations et les importations mondiales a également augmenté de manière significative. Entre 1948 et 2005, la part des membres du GATT/OMC dans l’exportation mondiale de marchandises a affiché une tendance régulière à la hausse, passant de 60,4% en 1948 à 94,4% en 2005. Dans la même période, la part des pays membres du GATT/OMC dans l’importation mondiale de marchandises est passée de 52,9% en 1948 à 96,1% en 2005. Il est donc juste de dire que la plus grande part du total des importations mondiales de marchandises et des exportations est faite selon les règles de l'OMC. La part des exportations est toutefois inégalement répartie entre ses membres. Les comptes de l'UE-25 pour 39,4% des exportations mondiales de marchandises, suivie par les États-Unis (8,9%), la Chine (7,5%), le Japon (5,9%), le Canada (3,5%), le Brésil (1,2%) et l'Inde (0,9%). En revanche, l'ensemble de l'Afrique (que ce soit membre de l'OMC ou non) ne représente que 2,9% des exportations mondiales de marchandises, l'Afrique du Sud représente 0,5%1. Presque dès le début, les pouvoirs conférés à l’OMC sont supérieurs à ceux de son prédécesseur, le GATT. Aujourd'hui, aux yeux de beaucoup de gens, l'OMC est le GATT sur les stéroïdes2. 1.2- Structure de l'OMC. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) occupe une place à part dans l’archipel de la gouvernance mondiale. Elle se distingue de la plupart des autres grandes institutions internationales par l’importance qu’elle attache au consensus. Et selon M. Abbas3: «L’OMC est plus que l’OCDE qui n’est qu’une organisation de consultation. Par contre, elle est moins que le FMI ou la Banque mondiale qui possèdent un directoire ou un conseil d’administration auxquels sont délégués des pouvoirs substantifs et de procédure. Elle se différencie de la CNUCED du fait qu’elle ne pratique pas une "diplomatie déclamatoire" et qu’elle n’a pas pour objectif la formulation et la mise en place d’une nouvelle politique commerciale et du développement. La vocation première de l’OMC est d’être un forum de négociation des règles du commerce international qui consistent le plus souvent en "des obligations de comportements et, rarement, en des obligations de résultats"». Dans le but d’accomplir sa mission, l’OMC s’est dotée de structures fonctionnelles. Les organes suivants sont au sommet de l’organigramme : le Conseil des ministres, le Conseil général, l’Organe de règlement des différends, l’organe d’examen de politiques commerciales. Nous en ferons une présentation succincte, La structure de l’OMC est pyramidale et comporte quatre niveaux: a. La Conférence ministérielle. La Conférence ministérielle est l’autorité suprême de l’OMC chargé de définir l’orientation stratégique de l’organisation, elle prend toutes les décisions finales relatives à l’application des accords qui relèvent de sa compétence. Elle rassemble tous les États membres de l’OMC et se réunit 1 Eberhard Bohne, Op.cit., p. 03. Reis R.A., «The World Trade Organization», (Global organizations), InfoBase Publishing, USA, 2009, p. 51. 3 Abbas M., «L’Organisation mondiale du commerce et la gestion du système commercial multilatéral», in, La gouvernance globale dans le domaine commercial et l’OMC, Séminaire gouvernance, Institut d’économie et de politique de l’énergie (IEPE), 3 octobre 2000, Grenoble, p. 06. 2 34 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC tous les 2 ans comme énoncé dans l’article IV.1 «il sera établi une Conférence ministérielle composée de représentants de tous les membres, qui se réunira au moins une fois tous les deux ans. La Conférence ministérielle exercera les fonctions de l’OMC et prendra les mesures nécessaires à cet effet». Depuis la création de l’OMC, huit conférences se sont tenues : Singapour (9-13 décembre 1996), Genève (18-20 mai 1998), Seattle (30 novembre-3 décembre 1999), Doha (9-13 novembre 2001), Cancún (10-14 septembre 2003), Hong Kong (13-18 décembre 2005), Genève (30 novembre - 2 décembre 2009), Genève (15-17 décembre 2011). La Conférence ministérielle est compétente pour prendre des décisions sur toutes les questions relevant de tout accord commercial multilatéral, si un membre en fait la demande, conformément aux prescriptions spécifiques concernant la prise des décisions. La voie retenue par l’OMC est la voie consensuelle ainsi que l’indique l’article IX: «l’OMC conservera la pratique de prise de décisions par consensus suivie en vertu du GATT de 1947. Sauf disposition contraire, dans les cas où il ne sera pas possible d’arriver à une décision par consensus, la décision sur la question à l’examen sera prise aux voix…». Dans la pratique, la situation est bien plus complexe. Les États défendent leurs intérêts en fonction de leur politique économique ou commerciale interne. La Conférence ministérielle a aussi le pouvoir exclusif, avec le Conseil général, d’adopter des interprétations du présent accord et des accords commerciaux multilatéraux. La décision d’adopter une interprétation sera prise à une majorité des trois quarts des membres. La Conférence ministérielle reçoit et examine les demandes de dérogations concernant l’Accord OMC conformément à la pratique du consensus. Si les demandes de dérogation concernent les accords commerciaux multilatéraux sur les marchandises, les services et les droits de propriétés intellectuelles, elles doivent être préalablement et respectivement soumises au Conseil du commerce des marchandises, au Conseil du commerce des services ou au Conseil des ADPIC. b. Conseil général. Le Conseil général se compose de représentants de tous les membres de l’OMC. Il exerce, dans l’intervalle entre les réunions de la Conférence ministérielle, les fonctions qui sont normalement dévolues à celle-ci. Il a pour fonction de superviser la gestion des affaires courantes de l’OMC. Il préside les différents conseils décentralisés que sont le Conseil du commerce des marchandises, le Conseil du commerce des services et le Conseil des aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Ces conseils sont chargés de superviser le fonctionnement des accords multilatéraux. En pratique, le Conseil général est la principale instance de décisions de l’OMC sur la plupart des questions. Ainsi, le Conseil général s’acquitte des fonctions de l’organe de règlement des différends prévus dans le mémorandum d’accord sur le règlement des différends. Il s’occupe aussi des fonctions de l’organe d’examen des politiques commerciales indiquées dans le Mécanisme d’Examen des Politiques Commerciales (MECP)1. Le Conseil général se réunit autant que nécessaire (généralement tous les deux mois). Il se réunit également sous deux formes spécifiques : en tant qu'organe de règlement des différends, afin de superviser la mise en œuvre des procédures de règlement des différends et en tant qu'Organe d'examen des politiques commerciales des membres de l'OMC. 1 Vincent P., «Institutions économiques internationales», Edition Larcier, Groupe de Boeck, 1ere éd, 2009, p. 48. 35 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC c. Trois autres organes principaux: Agissent sous la conduite du Conseil général : le Conseil du commerce des marchandises, le Conseil du commerce des services et le Conseil des aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). Le Conseil du commerce des marchandises est chargé de superviser l’application de tous les accords relatifs au commerce des marchandises (les accords de l’annexe 1A de l’Accord sur l’OMC), bien que nombre de ces accords prévoient leurs propres organes de surveillance. Les deux autres Conseils sont chargés de superviser le fonctionnement de leurs accords respectifs (annexes 1B et 1C). Ces Conseils peuvent établir des organes subsidiaires selon leurs besoins. d. Des Comités: Auxquels les représentants de tous les membres peuvent participer, ont été créés à différents niveaux. Le secrétariat de l'OMC, à Genève, est placé sous l'autorité du directeur général, désigné par la Conférence ministérielle. Elle n'a aucune capacité d'initiative reconnue, si le Directeur général peut jouer un certain rôle au cours des négociations, c'est seulement en termes diplomatiques. Dans la structure de l’OMC, la Conférence ministérielle et le Conseil général chapeautent un ensemble de comités, conseils et groupes de travail. Tous les membres de l'OMC peuvent participer à tous ces espaces, à l’exception de l’Organe d'appel, de l’Organe de règlement des différends, de l’Organe de supervision des textiles et des comités plurilatéraux. La Conférence ministérielle est l'organe de décision suprême de l'OMC. Elle est composée de représentants de tous les gouvernements membres et se réunit au moins tous les deux ans. Elle peut prendre des décisions sur toutes les questions relevant de tout accord commercial multilatéral. Le Conseil général correspond au second niveau de la hiérarchie de l'OMC. Il est composé de représentants de tous les gouvernements membres (ambassadeurs ou fonctionnaires permanents basés à Genève). Le Conseil général se réunit environ une fois par mois pour adopter des décisions. Il se réunit également d’une part, en tant qu’Organe d’examen des politiques commerciales (OEPC) pour procéder à l’analyse des politiques commerciales et d’autre part, en tant qu’Organe de règlement des différends pour superviser la mise en œuvre des procédures de règlement des différends. Il existe trois conseils : le Conseil du commerce des marchandises, le Conseil du commerce des services et le Conseil des aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Ces conseils, composés de représentants de tous les membres de l’OMC, sont chargés de superviser le fonctionnement des accords de l’OMC sous la supervision du Conseil général. Le Secrétariat de l’OMC est relativement restreint ; son pouvoir et son autonomie sont limités. À sa tête, un Directeur général est élu pour quatre ans par le Conseil général. Le Directeur général actuel, M. Pascal Lamy est le cinquième Directeur général de l’OMC. L’OMC dispose d’une position unique dans l’architecture de la gouvernance de l’économie mondiale, au sens où elle est la seule institution de Bretton Woods qui applique le principe «un pays, une voix». Dans la mesure où, en son sein, les négociations et les règles fondées sur le consensus sont ancrées dans des valeurs communes telles que la réciprocité, la transparence, la non- 36 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC discrimination et l’État de droit, elles devraient en principe avantager de manière disproportionnée les petits pays1. Les conférences peuvent être partie intégrante d'un cycle de négociations. Ce fut le cas de la sixième conférence (Hong Kong), comme par exemple celle de Seattle qui a échoué à relancer un nouveau cycle de négociations. Lors de ces conférences ministérielles, les décisions sont adoptées par consensus. Il peut arriver de procéder à un vote. Ainsi, l'accession d'un nouveau membre se décide à la majorité. Toutefois, lorsqu'il s'agit de modifier l'une des règles de l'OMC, la décision doit être votée à l'unanimité. Figure I-01: Structure de l'OMC. Source : http://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/tif_f/org2_f.htm (Consulté le 20 mai 2012). 1 OCDE, «Perspectives du Développement Mondial 2010: Le Basculement de la Richesse», Éditions OCDE, Paris, 2010, p. 173. 37 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC 1.3- L'OMC tout-puissant que le GATT. Bien qu'il y ait une continuité dans le passage du GATT à l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce se distingue nettement de son précurseur dans au moins cinq façons. Dans tous les cas, l'OMC a le pouvoir nettement supérieur à régir le commerce international, pour définir et faire appliquer les règles et punir les contrevenants1: Tout d'abord, l'OMC constitue le cadre juridique et institutionnel pour la conduite des relations commerciales entre ses membres. Ses règles sont contraignantes. Si, à la fin de tout processus de règlement des différends intégré, il n'y a pas d'autre moyen de résoudre les problèmes, les sanctions commerciales multilatérales autorisées peuvent être imposées. Paradoxalement, peut-être, pour organiser le commerce, l'OMC sanctionne une nation en restreignant leur commerce. Deuxièmement, contrairement au GATT, qui était provisoire, l'OMC est une organisation à part entière qu’il demande à chacun de ses pays membres d'accepter ses règles. Les pays ne peuvent plus faire appel à la législation nationale préexistante pour éviter d'adhérer aux accords de l'OMC. Même si pour ce faire consiste à modifier ses propres lois nationales, un pays membre doit faire tout ce qu'il faut pour se conformer aux décisions de l'OMC. De nombreux pays considèrent cette exigence de l'OMC comme une atteinte à leur souveraineté. Troisièmement, tous les accords de l'OMC sont tenus ensemble par une «compréhension unique». Cela signifie que les pays participants ne peuvent pas appliquer sélectivement la gamme d'accords au sein de l'OMC. Ils ne peuvent pas choisir et décider ce qu'ils aiment ou n'aiment pas et de choisir en conséquence. Avec l'OMC, chaque transaction est un forfait tout-ou-rien. Quatrièmement, l'OMC va bien au-delà des frontières nationales. Elle pénètre profondément dans un pays à affecter une multitude de commerces et les questions liées au commerce. En ce qui concerne le commerce, le GATT était une entité traditionnelle qui traite du commerce des marchandises. L'OMC fait beaucoup plus que le GATT. Les critiques voient cela comme une nouvelle menace pour la souveraineté nationale. Enfin, l'OMC dispose d'un mécanisme de règlement des différends significativement plus forte que le GATT n’ait jamais eu. L’ORD est chargé d’arbitrer les conflits commerciaux des pays membres. L'OMC dispose ce qu'on appelle la règle du consensus négatif. Cela signifie que si les conclusions du groupe spécial de l'OMC doivent être renversées, il doit y avoir un consensus pour passer la décision du groupe spécial. Dans le cadre du GATT, il était dans l'autre sens : Il devait y avoir un consensus pour adopter une décision du groupe spécial. Ainsi, dans le cadre du GATT, la partie perdante pouvait bloquer une décision. Le règlement des différends: en cas de conflit commercial et lorsqu’un pays porte plainte contre un autre, si aucun compromis n’est trouvé dans les 30 jours, un groupe spécial est chargé de faire l’étude du problème et préconise des solutions compatible avec les règles de l’OMC, dans un rapport qui sera remis à l’Organe de règlement des différends, issue du Conseil principal de l’OMC. Si le pays accusé ne fait pas appel, le rapport est adopté, sauf si l’organe de règlement des différends s’y oppose. Si le pays incriminé fait appel, le rapport est soumis à un organe d’appel composé de sept (07) spécialistes du droit et du commerce international, qui lui-même remet son 1 Reis R.A, «The World Trade Organization», (Global organizations), Op.cit., p. 51-52. 38 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC avis dans un rapport qui doit être appliqué. L’ensemble de la procédure doit durer au maximum neuf (09) mois en l’absence d’appel et de 12 mois avec appel. Seule l’unanimité permet désormais de rejeter un rapport, alors que son adoption nécessitait auparavant l’accord de tous, y compris du pays condamné. Ici, on peut rendre un jugement, selon le timing suivant1: Tableau I-03: Le règlement des différends à l'Organisation mondiale du commerce temps Activité de l'OMC 60 jours Rapport de l'OMC (pour consultation) 09 mois Groupe spécial de l'OMC 60 jours L'Organe d'appel de l'OMC 15 mois Mise en œuvre par les pays Après 15 mois Mesure de sanction disciplinaire de l'OMC Source: Rugman A.M., G. Boyd, «The World Trade Organization in the new global economy: Trade and Investment Issues in the Millennium Round», Edward Elgar Publishing Limited, UK, 2001, p. 02. L'OMC a des règles qui sont plus intrusives, plus formalisées et nettement plus exécutoires que celles du GATT. Comme l'expert au commerce international A. Narlikar le fait remarquer, «La structure organisationnelle de l’OMC s'appuie sur certaines caractéristiques du GATT vieux mais formalise et les légalisent en quelque sorte tellement inouïe que le changement qui en résulte est de nature qualitative». 1.4- Le processus d'accession à l'OMC et la surveillance des politiques commerciales des États membres. a. Le processus d'accession à l'OMC. Le processus d'accession à l'OMC est un processus complexe, difficile et long, auquel font face les pays en voie d'adhésion. En 2013, il s'agissait d'un processus qui se pose aux 24 pays, composés des pays en transitions, où la majorité est des pays les moins avancés (PMA). Ce processus peut être divisé en une phase d'introduction des formalités et des trois phases de fond. Les trois phases de fond sont les suivantes2: (a) la requérante doit préparer et soumettre à l’OMC un aide-mémoire couvrant tous les aspects de son régime du commerce extérieur, qui décrit en détail les politiques et les institutions ayant une incidence sur la conduite du commerce international du pays; (b) la phase d'établissement des faits des membres ; (c) la phase de début des négociations. Les deux dernières phases, qui sont conceptuellement distinctes, tendent à se chevaucher dans la pratique. 1 Rugman A.M., «The World Trade Organization and the international political economy», in Rugman A.M., G. Boyd (Dir.), The World Trade Organization in the new global economy: trade and investment issues in the millennium round, Edward Elgar Publishing Limited, UK, 2001, p. 02. 2 Michalopoulos C., «WTO Accession», in, Hoekman B., A. Mattoo, and P. English (Dir.), Development, Trade , and the WTO : A handbook of the World Bank, n° 29799, Washington D.C, 2002, p. 61. 39 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Tout au long du processus, le pays demandeur est confronté à respecter les exigences des dispositions de l'OMC, pendant cette période de négociation (plus ou moins longue) et qui va permettre à chaque candidat ainsi qu’aux membres de l’OMC de s’assurer que cette adhésion sera mutuellement bénéfique, ce pays est admis à avoir le statut "membre observateur" auprès de l’OMC. Ainsi, il doit répondre aux questions demandées par les membres existants. À de très rares exceptions, la négociation est dans une seule direction: le demandeur doit démontrer comment il va respecter les dispositions existant de l'OMC, il ne peut pas les changer. Les membres actuels peuvent demander au demandeur de réduire le niveau de protection de ses marchés, mais l'inverse ne se produit pas souvent. Pour les pays qui veulent adhérer à l’OMC, d’où la majorité entre eux, sont des petits pays fortement dépendants du commerce international, l’avantage potentiel le plus important est l'accès à un mécanisme impartial et contraignant de règlement des différends, dont les décisions ont une chance importante d'être forcées. Le mécanisme de règlement des différends de l'OMC a fait ses preuves en offrant des opportunités pour les membres d'obtenir en satisfaction les griefs découlant des pratiques des autres membres qui causent un préjudice commercial. Bien que les PED soient confrontés à des problèmes pour accéder à ce mécanisme, les pays membres donnent l'occasion avec une assistance appropriée, pour qu’il soit bénéfique pour ces nouveaux membres, en particulier dans leurs relations avec les grands partenaires commerciaux. En général, depuis la création de l’OMC, l’évolution de processus d’adhésion des pays à cette Organisation a montrer que les pays candidats d’adhésion sont confrontés de plus en plus à un processus long et complexe. Certaines demandes en instance remontent à la fin des années 1980 (l'Algérie, par exemple). Les candidats ont souvent besoin de mettre en œuvre des réformes de fond pour aligner leurs institutions et leurs politiques nationales avec les règles de l'OMC. Beaucoup ne peuvent pas s'engager efficacement dans les négociations d'adhésion suite au manque de personnel qualifié ou en raison de contraintes institutionnelles et financières1. A ce sujet, il est important de noter qu'au sein de l’OMC (et son prédécesseur le GATT), il n'existe pas une définition des pays “développés” ou “en développement”. Les pays sont désignés comme tel par auto-sélection, il revient à chaque État membre de se désigner, le cas échéant, comme pays en développement (à la différence des « pays les moins avancés », bien que ce procédé ne soit pas nécessairement accepté de façon automatique par tous les organes de l’OMC. Pour l'OMC, les pays les moins avancés (PMA) sont ceux qui ont été désignés comme tels par l'Organisation des Nations Unies. La liste de l’ONU compte actuellement 49 pays, dont 34 sont devenus à ce jour Membres de l'OMC. Neuf autres PMA sont en train de négocier pour accéder à l'OMC (Afghanistan, Bhoutan, Comores, Éthiopie, Guinée, Équatoriale, Libéria, Sao Tomé-etPrincipe, Soudan et Yémen). 1 Cheng Fuzhi, « Cambodia’s WTO Accession (9-3) », in, Per Pinstrup-Andersen,Fuzhi Cheng (Dir.), Case Studies in Food Policy for Developing Countries: Institutions and International trade policies, Volume III, Cornell University Press, 2009, USA, p. 41. 40 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Tout au long de ce processus, il est sous la responsabilité du demandeur de satisfaire les exigences des membres actuels de l'OMC. Cette procédure apparemment unilatérale a donné lieu à des perceptions suivantes1: • Le processus d'accession à l'OMC est devenu de plus en plus, coûteux, complexe et prend plus de temps à compléter. Graphique I-02: La durée écoulée entre le début et la fin du processus d'accession à l'OMC (Par mois / pays) Source: Cheng Fuzhi, « Cambodia’s WTO Accession (9-3) », in, Per Pinstrup-Andersen, Fuzhi Cheng (dir.), Case Studies in Food Policy for Developing Countries: Institutions and International trade policies, Volume III, Cornell University Press, 2009, USA, p. 44. • Le prix de l'adhésion à l'OMC comprend maintenant des engagements qui vont au-delà de ce qui est dans les règles du GATT ou de l’OMC. • Le processus d'adhésion ne tient guère compte des circonstances particulières des pays candidats ou de leurs besoins en matière de traitement spécial et différencié. La raison sous-jacente de l'émergence de ces perceptions est que les termes, plutôt que les procédures d'adhésion à l'OMC ne sont pas bien définies. Paradoxalement pour une organisation fondée sur des règles, l'OMC n'a pas de règles claires régissant le «prix» de l'adhésion. L'article XII de l'accord de Marrakech, l'instrument juridique qui couvre le processus d'adhésion, indique simplement que les nouveaux membres peuvent adhérer à l'OMC "à des conditions à convenir." Ce guide qui est établi d’une manière sommaire non explicite laisse la porte ouverte pour une adhésion accélérée, sans tracas ou un exclu. Celle-ci ne se produit plus souvent. Le temps nécessaire pour achever le processus d'adhésion à l'OMC n'a cessé de croître au cours de la dernière décennie. Les pays ayant accédé récemment à cette organisation sont passées par des négociations s’étalant sur près d’une décennie. 1 Cheng Fuzhi, Op. cit., p. 42-43. 41 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Malgré ces préoccupations, les demandes d'adhésion à l'OMC restent fortes parce que, l'expérience de la Chine montre cette observation et témoigne que l’adhésion à l'OMC peut être un levier efficace pour promouvoir la libéralisation du commerce et pour la réforme réglementaire de fond. b. L'OMC et la surveillance des politiques commerciales des États membres. Bien que, dans le cadre du GATT en 1989, au moment de l'examen à mi-parcours du cycle de l'Uruguay, le mécanisme d'examen des politiques commerciales (MEPC) avait été institué à titre provisoire en 1988 à Montréal. Aujourd’hui, ce dispositif fait partie intégrante du système de l'OMC dans l’annexe 3 afin de renforcer le système existant précédemment en l’institutionnalisant1. Donc, en dehors des négociations commerciales, l’OMC administre sa fonction de gendarme du commerce mondial à travers un examen périodique des politiques commerciales de ses membres pour vérifier le respect de ses règles qui couvre tous les champs de compétence de l'OMC (Industrie, agriculture, services, TRIMs, TRIPs, etc...). L’objectif de ce mécanisme est de contribuer à ce que tous les membres respectent les disciplines et engagements définis dans les accords commerciaux multilatéraux, afin d’accroitre la transparence sur les pratiques et les politiques commerciales des États membres et d'assurer une application stricte des règles, sans recourir à la contraintes, mais en accentuant la pression sur les États, afin de les y inciter2. À cet effet, la politique commerciale des États membres est soumise à un examen périodique effectué par l'organe d'examen des politiques commerciales (OEPC) qui vise à atteindre les objectifs suivants, par le biais d’un suivi régulier3: - Permettre d’apprécier et d’évaluer collectivement, de façon régulière, l’ensemble des politiques et pratiques commerciales des Etats membres, ainsi que leur incidence sur le fonctionnement du système commercial multilatéral4. - Améliorer la qualité du débat public et du débat intergouvernemental au sujet des questions qui se posent. - Permettre une évaluation multilatérale des effets des politiques sur le système commercial mondial. - Encourager, à travers ce processus, les pays membres à suivre de plus près, les règles et les disciplines de l’OMC et à honorer leurs engagements. Les examens se font de manière régulière tous les deux ans pour les quatre pays à plus forte contribution au commerce mondial: l'Union européenne, la Chine, les États-Unis et le Japon; les 16 pays suivants sont examinés tous les quatre ans et les autres tous les six ans. A l’heure actuelle, de nombreux pays moins avancés n’ont toujours pas fait l’objet d’un examen de leur politique commerciale, en raison de la faiblesse du commerce international concerné. Par conséquent, un 1 Virgile Pace, «L’organisation mondiale du commerce et le renforcement de la réglementation juridique des échanges commerciaux internationaux», Edition l’Harmattan, Paris, 2000, p. 103. 2 Alimi N., «Accord de libre-échange et Synchronisation des cycles économiques: Cas de la Tunisie et l’union européenne», in, Abdelmalki L., K. Bounemra Ben Soltane et M. Sadni-jallab (Dir.), Le Maghreb face aux défis de l’ouverture en Méditerranée, éditions l’Harmattan, Paris, 2009, p. 105. 3 Healy S., R. Pearce, M. Stockbridge, «Les conséquences de l’Accord sur l’agriculture du Cycle d’Uruguay pour les PED», documents de formations pour la planification agricole N° 41, FAO, 1998, Rome, p. 157. 4 Virgile Pace, Op.cit., p. 103. 42 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC intervalle plus long pouvant être fixé pour l’examen des politiques commerciales des pays développés et ils font l’objet d’examens beaucoup plus fréquents de leur régularité par rapport aux règles de l’OMC1. Concrètement, des investigations sont réalisées par l'OMC. L’examen s’effectue, d'une part, sur un exposé de politique générale établi par le pays membre qui est tenu de fournir les informations concernant sa politique commerciale et de renseignements qui peuvent lui être demandés et, d'autre part, sur un rapport détaillé et indépendant préparé par le Secrétariat de l’OMC concernant les informations obtenues suite à des visites dans le pays membre. Ce rapport est publié immédiatement après l'examen, décrivant les pratiques et les politiques du pays. Dans l'hypothèse où l'examen révélerait des violations des règles, aucune sanction n'est prise, l'OMC, rappelons-le, ne disposant pas de ce pouvoir. bien que le rapport ne soit pas destiné à servir de base pour assurer le respect d'obligations spécifiques découlant des accords ni pour des procédures de règlement des différends, ni à imposer au membres de nouveaux engagements en matière de politique, sa publication exerce une pression efficace sur le pays concerné, car elle risque de susciter des représailles ou des plaintes auprès de l'ORD. Le MEPC joue donc un rôle préventif. Il réduit, de ce fait, les risques de conflits commerciaux. Le MEPC est une bonne illustration des moyens par lesquels l'OMC, bien que dépourvue du pouvoir de sanctionner les violations des règles, parvient cependant à amener ses membres à les respecter2. 2- Les principales règles fondamentales du GATT et de l'OMC. L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), comme toute organisation internationale intergouvernementale, est gouvernée par des principes qui s’appliquent à tous les membres, qui doivent constituer la base, le fondement de son action pour atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés. 2.1- La non-discrimination entre Membres ou le Traitement de la nation la plus favorisée. L’inclusion dans les accords commerciaux de clauses prévoyant un traitement non discriminatoire remonte au XIIe siècle. L’expression «nation la plus favorisée» a été employée pour la première fois à la fin du XVIIe siècle. L’apparition de cette notion a résulté du déclin du mercantilisme et du souhait de relier les traités commerciaux dans le temps et dans l’espace. En instituant la clause de la nation la plus favorisée (dite « clause NPF ») comme l'un des principes fondamentaux du commerce mondial, selon le professeur P. Juillard le mot « principe » doit être pris au sens traditionnel et non au sens juridique3, le GATT de 1947 n'innove en rien. Ainsi, de nombreux accords commerciaux et d'investissement ont inscrit la clause NPF au cœur de leurs dispositifs juridiques. Il en est ainsi de nombreux traités signés pendant la période médiévale. On peut citer entre autres, le Traité d'amitié et de commerce signé entre les États-Unis et la France du 6 février 1778 ou celui-ci signé un peu plus tard portant sur le commerce entre la Grande-Bretagne et la France le 23 Janvier 1860 connu sous le nom de «traité Cobden». 1 Alimi N., Op.cit., p. 105. ibidem. 3 Carreau D. et P. Juillard, «Droit international économique», Dalloz, 1ere édition, Paris, 2003, p. 443. 2 43 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Ladite clause est appliquée à son tour dans la Cour internationale de Justice (C.I.J), en la citant expressément dans plusieurs affaires. La clause NPF contenue dans les accords internationaux crée ainsi des «droits au profit d'États tiers ...sans porter atteinte à la conception contractualiste»1. Depuis, l'importance de la clause s'est accrue dans les relations économiques internationales et elle est toujours présente dans les traités. Les deux parties assument l'obligation de l'échange de la non-discrimination et le traitement de la nation la plus favorisée2. Devenue l'outil par excellence de la libéralisation des échanges, la clause de la nation la plus favorisée a été presque naturellement inscrite dans les accords GATT de 1947 afin d'assurer la non-discrimination entre les États en matière de politique commerciale internationale. Dans la période qui s’est écoulée jusqu’à la formation du GATT, des accords commerciaux NPF bilatéraux et plurilatéraux ont été établis en utilisant à la fois la forme conditionnelle du traitement NPF, c’est-à-dire que les concessions étaient accordées moyennant une compensation adéquate et la forme inconditionnelle où les concessions étant accordées sans compensation réciproque3. La clause NPF est affirmée par l’article I du GATT et l’article II de l’AGCS. Cette clause dispose que chaque partie Contractante de l’OMC est tenue de consentir à l'ensemble de ses partenaires commerciaux les conditions d'échange les plus favorables qu'elle accorde déjà à chacune d'entre elles. Autrement dit, au nom du libre-échange, chaque partie est tenue de réserver à tous ses partenaires commerciaux, le traitement qu'elle réserve à la nation la plus favorisée. Au-delà de son caractère contractuel, cet article pose le principe de l’inconditionnalité de la clause. En effet, «tous avantages, faveurs, privilèges ou immunités accordés par une partie contractante...seront, immédiatement et sans condition, étendus a tout produit similaire originaire ou à destination du territoire de toutes les autres parties contractantes..». Sans appartenir à la relation conventionnelle, la clause permet au tiers de bénéficier d'un droit découlant directement de la relation contractuelle qui lie deux États parties à une convention internationale. La clause de la nation la plus favorisée créée ainsi de facto et de jure des droits au profit d'États tiers. Entre parties à la relation contractuelle, les avantages obtenus du fait de la clause, s'acquièrent sans aucune obligation de réciprocité. Dans le cadre du GATT, l'inconditionnalité de la clause exclut de faire son application sous une quelconque condition préalable lors des négociations multilatérales. Pourtant, elle renforce la multilatéralisation du commerce en ce sens qu'elle débouche sur une généralisation automatique de tout effort d'ouverture de la part d'un pays. Avant tout, l'inconditionnalité de la clause réaffirme l'attachement dès les origines du GATT, à une forme d'égalité formelle ente les Etats, ce qui permet d'anticiper sur les discriminations potentielles dont certains membres pourraient être victimes, discriminations dues au jeu de réciprocité reconnu comme un autre principe fondateur du GATT. 1 Hervé Agbodjan Prince, «le droit de l'OMC et l'agriculture: analyse critique et prospective du système de régulation des subventions agricoles», Thèse de doctorat en cotutelle présentée à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval, Québec dans le cadre du programme de doctorat en droit pour l'obtention du grade de Docteur en droit (L.L.D.), 2011, p. 64-65. 2 Bhagwati J., «Going Alone: The Case for Relaxed Reciprocity in Freeing Trade», The MIT Press, London, 2002, p. 85. 3 OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2007 - Soixante ans de coopération commerciale multilatérale, qu'avonsnous appris?», Genève, 2007, p. 142. 44 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Mais cette réciprocité est susceptible de créer un déséquilibre dans les relations commerciales. Lequel déséquilibre sera corrigé ultérieurement par 1'«engagement unique» introduit dans les négociations multilatérales lors du cycle d'Uruguay. Finalement, il en découle désormais une conciliation entre «réciprocités des engagements et égalité des participants». En effet, l'engagement unique permet aux États d'être automatiquement liés dès leur adhésion à l'OMC à l'ensemble des accords multilatéraux signés dans cette enceinte. En cela, une multilatéralisation des avantages induite par la clause devient plus facile à assumer1. D'ailleurs, la multilatéralisation a été étendue à d'autres secteurs du commerce au cycle de l'Uruguay. En effet, la clause de la Nation la plus favorisée, considérée comme une clause «prioritaire» du GATT pour régir le commerce des marchandises et limiter aux seuls produits importés similaires, a été étendue à l'accord général sur le commerce des services (AGCS) ainsi qu'à l'accord sur le droit des propriétés intellectuelles qui touchent au commerce (ADPIC). Toutefois, l'hétérogénéité des relations commerciales multilatérales, la prise en compte d'intérêts particuliers ou antagonistes ont nécessité l'introduction de nombreuses atténuations dans la mise en œuvre de cette clause. 2.2- Le principe du Traitement national: ou la non-discrimination entre produits nationaux et importés. Si la clause de la nation la plus favorisée constitue la clé de voûte des systèmes GATT/OMC, le traitement national n'en est que son complément naturel. Tout aussi bien que la clause de la nation la plus favorisée, la clause du traitement national poursuit le même objectif de non-discrimination dans les échanges. La première s'attaquant aux discriminations entre pays et la deuxième, aux discriminations entre produits nationaux et importés. La clause du traitement national apparaît dès l'article troisième de l'accord GATT. Intitulé «Traitement national en matière d'impositions et de réglementation intérieures», cette disposition interdit toute imposition intérieure (taxes, lois, règlements) dont le but serait de protéger la production nationale. En théorie et en conformité avec cette disposition, une partie contractante ne saurait par exemple traiter de manière discriminatoire un producteur étranger par rapport aux producteurs nationaux en imposant une taxe supplémentaire aux produits étrangers présents sur le territoire national. La clause de Traitement national veut que les produits importés puissent être traités de la même manière que les produits nationaux. Le principe du traitement national concerne l'interdiction de toute discrimination entre produits nationaux et produits étrangers concurrents. Dès qu'ils ont pénétré sur un marché national, ces derniers doivent donc être soumis à la même réglementation fiscale, commerciale ou administrative que les produits nationaux, de façon à ce que ces derniers ne soient pas injustement favorisés et que la concurrence entre eux ne soit pas faussée2. Le principe du traitement national exclut donc, non seulement l'existence de taxes spéciales pénalisant les seuls produits étrangers, mais aussi toutes les mesures spécifiques susceptibles d'affecter le transport, la commercialisation, la distribution ou l'utilisation des produits étrangers. 1 Hervé Agbodjan Prince, Op.cit., p. 165. Dumas A., «L'économie mondiale: Commerce, monnaie, Finance», 3e édition, Édition De Boeck Université, Bruxelles, 2006, p. 22. 2 45 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Les mesures nationales de protection de la santé, de la moralité ou de la sécurité publiques, ainsi que les mesures de protection des consommateurs, du patrimoine culturel ou de l'environnement qu'autorise l'article 20 du GATT (lorsqu'elles sont limitées au strict nécessaire et qu'elles n'ont pas d'incidences commerciales), ne doivent pas privilégier de façon injustifiée les produits nationaux au détriment des produits étrangers concurrents. De la même façon, les marchés publics ne doivent pas être réservés aux seuls fournisseurs nationaux. Comme l'affirmait l'organe d'appel dans l'affaire, Japon-Taxes sur les boissons alcooliques, «l'objectif fondamental de l'article III est d'éviter le protectionnisme lorsque des taxes et des mesures de réglementation intérieure sont appliquées». Il précise en effet que l'objet de l'article III «est de veiller à ce que les mesures intérieures ne soient pas appliquées aux produits importés ou nationaux de manière à protéger la production nationale» 1 . De même, a-t-il été nécessaire de préciser que «l'article III ne visait pas à protéger les anticipations concernant un volume d'échanges donné, mais plutôt les anticipations relatives à l'égalité du rapport compétitif entre produits importés et produits nationaux». La clause doit ainsi assurer des conditions de concurrence égales pour les produits nationaux et étrangers une fois que ceux-ci sont légalement entrés sur le territoire national2. La portée de cet article se trouve ainsi renforcée par l'organe d'appel. Selon les termes employés par l'organe d'appel dans l'affaire, Communautés Européennes-Mesures affectant l'amiante et les produits en contenant, les deux premiers paragraphes de l'article III «expriment de manière spécifique le principe général prédominant...[en ce sens qu'il] commande le reste de l'article III et constitue un guide pour comprendre et interpréter les obligations spécifiques énoncées dans les autres paragraphes de l'article». Ce principe général se résume au critère de non-discrimination3. Comme c'est le cas de la clause NPF, l'égalité de traitement prescrit par le traitement national ne s'applique qu'aux «produits similaires». Mais comme c'est souvent le cas en droit international, les controverses apparaissent en cas de carence sémantique. L'absence de définition claire et précise du terme «similaire» prête souvent à confusion et les états sont souvent tentés de l'interpréter de manière subjective. Il faut dire que dans le cadre du GATT, les produits similaires ont été traités au cas par cas comme l'atteste l'organe d'appel dans l'affaire, Japon-Taxes sur les boissons alcooliques. En effet, l'organe d'appel y reconnaît qu'il n'existe pas de définition précise et absolue de ce qui est similaire et s'en tient à son caractère relatif. Ainsi, faut-il comprendre qu'il importe donc, pour déterminer la similitude entre deux produits- importé et national - de prendre en considération un faisceau d'indices impliquant à la fois la détermination de la nature de la disposition en cause, le contexte ainsi que les circonstances propres aux produits dont la comparaison est en cause. Pour ce qui est du commerce des services (dite AGCS), la clause du traitement national concerne aussi bien les services que leurs fournisseurs. Ainsi, l'article XVII de l'AGCS précise que «chaque membre accordera aux services et fournisseurs de services de tout autre membre...un traitement non moins favorable que celui qu'il accorde à ses propres services similaires et à ses propres fournisseurs de services similaires». Le respect de cette disposition implique qu'il soit 1 Voir l’article III – du TEXTES JURIDIQUES de l’Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce (GATT de 1947), sur le site : http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/gatt47_01_f.htm (consulté le 24 mars 2013). 2 Sandrine Maljean-Dubois, «Chili-Taxes sur les boissons alcooliques», in, Brigitte Stern & Hélène Ruiz Fabri (Dir.), La jurisprudence de l'OMC: 1999-2, Martinus Nijhoff Publishers, Boston, 2008, p. 87. 3 Hervé Agbodjan Prince, Op.cit, p. 165. 46 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC accordé, soit un «traitement formellement identique» soit un «traitement formellement différent» pourvu qu'il ne modifie pas les conditions de concurrence. C'est le même principe de non-discrimination qui s'impose lorsqu'il s'agit de traiter les questions relatives au droit de propriété intellectuelle. L'introduction de l'accord sur les droits de propriété touchant au commerce (ADPIC) dans les accords de Marrakech permet désormais d'étendre aux ressortissants des pays Membres de l'Organisation Mondiale du Commerce, l'application du traitement national et de leur accorder selon les termes de l'article 3 de l'ADPIC «un traitement non moins favorable» que celui accordé par les États Membres à leurs propres ressortissants en ce qui concerne les droits de propriété intellectuelle. Hormis les exceptions générales prévues aux articles XX et XXI du GATT relatives notamment à la sécurité et à la santé publique, le traitement national ne connaît pas d'exceptions particulières. Il est toutefois possible que les Etats membres de l'OMC obtiennent sous le fondement de l'article XXV des dérogations spéciales. C'est une hypothèse qui est restée jusqu'ici comme telle puisque aucun Etat n'a à ce jour obtenu de dérogation quant à l'application de la clause du traitement national. 2.3- Les principes de transparence et de réciprocité. Le principe de transparence est la clause de garantie d’un accès facile aux informations réglementaires et administratives nationales influençant les conditions des échanges internationaux 1. Afin d'assurer la sécurité juridique des agents économiques, pour créer les conditions d'un commerce international ouvert et non-discriminatoire et pour répondre aux objectifs généraux de l'OMC, le principe de transparence dans les échanges internationaux édicté sous le GATT de 1947 a été repris dans le GATT de 1994. Compte tenu de son importance croissante dans tous les domaines de la vie économique et politique, ce principe (de transparence) peut aujourd'hui être considéré à la fois comme une exigence économique que comme un principe démocratique en ce sens que la prévisibilité et la sécurité des lois, règlements et autres dispositions juridiques dans tout système démocratique passe par leur publication. Dans le cadre de l'OMC, il s'agit d'une obligation générale qui s'exprime sous les formes de l'exigence de publication «des lois, règlements, décisions judiciaires et administratives d'application générale...» ainsi que de leur notification. L'exigence de publication est posée dans de nombreux textes du GATT. Il en est ainsi de l'article X du GATT, tout en exigeant la publication des lois, règlements, décisions judiciaires et administratives d'application générale permettant aux partenaires commerciaux d'en prendre connaissance, l'article X n'oblige pas les membres à révéler des renseignements confidentiels, ou porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d'entreprises publiques ou privées. Ainsi, l'objectif de ce principe est de permettre une application «uniforme, impartiale et raisonnable» des dispositions du GATT. 1 Lemoine M., P. Madiès et T. Madiès, «Les grands questions d’économie et finance internationale: décoder l’actualité », 1er édition, Edition De Boeck Université, Bruxelles, 2007, p. 202. 47 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC L'attachement des parties du GATT au principe de la transparence se traduit ainsi par le nombre d'accords qui y font référence: - Accord général sur le commerce des services ; - Accord sur les droits de propriété intellectuelle touchant au commerce ; - Accord sur les obstacles techniques au commerce ; - Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires ; - Accord sur l'évaluation en douane ; - Accord sur les mesures concernant les investissements et liées au commerce ; - Accord sur les mesures anti-dumping ; - Accord sur l'inspection avant expédition ; - Accord sur les règles d’origine, Accord sur les procédures de licence d'importation ; - Accord sur les subventions et les mesures compensatoires ; - Accord sur les mesures de sauvegarde. En fonction des accords, les exigences n'ont pas le même contenu. Elles peuvent passer d'une simple obligation de fournir des renseignements ou de publication à l'exigence de notification. La notification par les États-Membres de leurs mesures qui affectent le commerce international, constitue l'autre volet des obligations de portée générale liée au principe de transparence. Il s'agit tout de même d'un degré supplémentaire dans l'exigence de transparence. Dans le domaine du commerce des marchandises par exemple, alors que l'article 5.1 de l'Accord sur les procédures de licences d'importation précise que «les Membres qui établiront des procédures de licences ou qui apporteront des modifications à leurs procédures en donneront notification au Comité dans les 60 jours qui suivront leur publication», l'article 7 de l'Accord sur les subventions et mesures compensatoires exige une simple notification. Le degré de transparence monte d'un cran encore lorsqu'il s'agit de fournir des renseignements à tout Membre qui en fait la demande comme c'est le cas dans les Accords sur les obstacles techniques au commerce ou l'Accord sur les droits de propriété intellectuelle touchant au commerce. Toutefois, la transparence ne suffit pas à elle seule à garantir la loyauté du commerce, il faut aussi créer les conditions de réciprocité. La réciprocité est un principe de base non juridique qui s'applique aux négociations qui vise à limiter les possibilités de parasitisme qui peuvent survenir en raison de la règle NPF et le désir d'obtenir une contrepartie de la libéralisation du commerce propre. Autrement dit, les pays cherchent à apporter des modifications équivalentes dans ces politiques, par opposition aux s'efforce d'établir l'égalité des niveaux absolue de protection1. Sur la base de la clause de la NPF, chaque partie contractante a le droit d'accéder aux marchés étrangers en même temps que pose sur elle l'obligation d'accorder des concessions commerciales. 1 Hoekman B.M., P.C. Mavroidis, «The World Trade Organization, Law, economics, and politics», Op.cit., p. 17. 48 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC En d'autres termes, chaque partie contractante s'engage à accorder des avantages commerciaux équivalents à ceux que lui consent un autre partenaire commercial. L'importance du principe de réciprocité dans les échanges internationaux se lit dès le préambule de l'accord GATT de 1947 et repris à l'OMC. Sur une base réciproque, les parties contractantes du GATT devenues Membres de l'OMC s'engagent à réduire de manière substantielle les tarifs douaniers, toutes formes d'obstacles au commerce et procéder à l'élimination des discriminations en matière de commerce international. Ainsi, les négociations commerciales multilatérales devront se mener sur «une base de réciprocité et d'avantages mutuels». Selon J.M Siroën, il existe plusieurs conceptions plus ou moins rigides de la réciprocité qui peuvent être défendues1 : - La conception absolue ou relative ; - La conception globale ou sectorielle. a. La conception absolue ou relative. a.1- La conception absolue. La conception absolue, se base sur une logique de nivellement (level playing field) et de convergence vers le pays le plus ouvert. Dans ce cas, les modalités d’accès aux marchés doivent tendre à s'égaliser entre les nations. Cette réciprocité fait donc porter l’effort d’ouverture sur les pays initialement les plus fermés. Elle tend à exonérer les pays les plus ouverts. a.2- La conception relative. La conception relative conduit à comparer les concessions quel que soit le degré d’ouverture déjà atteint. Tous les pays sont alors conduits à fournir le même effort relativement à leur degré initial d'ouverture. C'est cette seconde conception qui a longtemps dominé, même si, sous la pression des opinions publiques qui admettent mal cette hétérogénéité, des pas en direction de la première sont perceptibles »2. b. La conception globale ou sectorielle. b.1- La conception globale. Dans la conception globale, c’est l’effort général qui est apprécié. Chaque pays conserve la latitude de répartir les concessions. Les négociations commerciales tarifaires ont longtemps reposé sur une approche globale qui impliquait la quasi-totalité des secteurs dès lors que ceux-ci entraient dans le champ de compétence du GATT, c'est-à-dire les biens. b.2- La conception sectorielle. Dans la conception sectorielle, c’est conserver des secteurs plus protégés que la moyenne ("pics tarifaires"). Dans une conception plus stricte, la réciprocité s’apprécie produit par produit, à un niveau plus ou moins fin de nomenclature. 1 2 Siroën J.M., «L'OMC et la mondialisation des économies», Op.cit., p. 44. ibidem. 49 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Même si la négociation globale n'est pas dictée dans les textes du GATT (article XXVIII bis), elle est meilleure qu’aux négociations ponctuelles. Elle permet, en effet : • D'introduire une souplesse dans l'application du principe de réciprocité et de reconnaître, de manière pragmatique, la divergence des intérêts et des priorités entre les nations. • D'équilibrer l'influence contradictoire des groupes de pressions protectionnistes (généralement les secteurs importateurs) et libre-échangistes (les secteurs exportateurs ou utilisateurs de biens importés) en liant les avantages aux concessions. Or ces groupes ont des poids différents dans chaque pays. • Finalement, de rendre accessible un accord par consensus. Alors, le principe de réciprocité est un des piliers du système commercial multilatéral le plus important. Dans une autre étude, Bagwell et Staiger expliquent que le principe de la réciprocité dans le GATT/OMC se réfère à l'idéal de changements mutuels en matière de politique commerciale qui apportent des changements dans le volume des importations de chaque pays qui sont de valeur égale à celle de l'évolution de ses exportations. Ainsi, les concessions sont équilibrées en réciproque quand elles entraînent des changements équivalents dans les flux commerciaux bilatéraux. Bien qu'elle ne soit définie nulle part explicitement, la réciprocité au sein du GATT/OMC a toujours été comprise de cette façon1. En conséquence, un État ne pourra faire appliquer des concessions à un partenaire commercial que lorsqu'il reçoit en contrepartie des autres membres au GATT. Ce qui signifie d'une part, que les concessions n'ont pas besoin d'être identiques pour être considérées comme équivalentes. D'autre part, une concession obtenue dans le cadre du commerce des marchandises pourra être compensée par un engagement en matière de service. Il s'agit là d'un système d'«équilibre des prestations» qui n'a pas été accepté par toutes les parties et qui ont donc fait l'objet de dérogations pour certains membres du GATT. Ce concept de réciprocité qui Bhagwati a appelé «réciprocité en différence première » doit être équilibré, ce qui contraste avec la pleine réciprocité, c'est-à-dire, l'élimination progressive des obstacles à l'accès au marché dans le but d'atteindre les mêmes conditions d'accès au marché. C’està-dire, les membres de l'OMC ne sont pas tenus d'enlever complètement leurs barrières commerciales, ils ne sont pas généralement tenus d'avoir les mêmes niveaux de protection, que ce soit en général ou au niveau du produit. Au lieu de cela, à la suite de négociations, les membres de l'OMC devraient faire des efforts similaires pour entreprendre des concessions, en tenant compte de leur niveau de développement et leur importance dans le commerce mondial 2 . Krugman a fait remarquer que le principe de réciprocité dans les négociations commerciales est contradictoire avec le principe d’ouverture unilatérale qui correspond sans doute mieux au message des théories traditionnelles du commerce international3. 1 Bagwell K., R.W. Staiger, «Economic Theory and the Interpretation of GATT/WTO», in, Szenberg, L. Ramrattan (Dir.), New frontiers in Economics, Cambridge University Press, Cambridge, 2004, p. 223-224. 2 Marchetti j., M. Roy and L. Zoratto, «Is there reciprocity in preferential trade agreements on services?», Working Paper ERSD-2012-16, WTO - Economic Research and Statistics Division, October 2012, p. 03. 3 Lemoine M., P. Madiès et T. Madièsn, Op.cit., p. 196. 50 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC L'article XXVIII bis du GATT insiste déjà sur la diminution des tarifs douaniers majorés, même les pays les moins ouverts sont concernés. Dans ce cadre, une libéralisation unilatérale soutenue est demandée comme préalable à l'accession des pays candidats. Pour répondre à la demande des PED qui considéraient que l'application rigoureuse du principe de réciprocité dans leurs relations commerciales avec les pays industrialisés nuirait à leurs intérêts, une dérogation générale et permanente au principe de réciprocité a été instaurée dès la première Conférence de la CNUCED en 1964, avec l'adjonction de la partie IV du GATT intitulé «Commerce et Développement». Le paragraphe 8 de l'article XXXVI précise en effet que «les Parties contractantes développées n'attendent pas de réciprocité pour les engagements pris par elles dans les négociations commerciales de réduire ou d'éliminer les droits de douane et autres obstacles au commerce des parties contractantes peu développées». 2.4- L'exclusivité de la protection douanière et son élimination progressive. Le GATT de 1947 ne pouvait pas assumer sa logique libre-échangiste fondée sur la liberté du commerce tout en maintenant la panoplie de mesures protectionnistes dont les obstacles tarifaires aux échanges constituaient l'une des pratiques les plus répandues. Aussi, le mandat initial du GATT de 1947 devait-elle le conduire à créer des conditions favorables à une «réduction substantielle du niveau général des droits de douane» ainsi qu'à la «consolidation des droits au niveau existant au moment des négociations». La démarche du GATT de 1947 a consisté dans un premier temps, à «légaliser» les droits de douane pour ensuite établir le calendrier de leur élimination. C'est ainsi que l'article XI de l'Accord général précise qu'«aucune partie n'instituera ou ne maintiendra... [...] de prohibitions ou de restrictions autres que des droits de douane, taxes ou autres impositions...». Ce faisant, le principe est acquis et que l'érection de droits de douane devait constituer l'unique moyen d'ériger des obstacles au commerce, les MNT étant considérées comme prohibées. A cet effet, l'Accord général prévoit d'établir des Listes de concessions sur lesquelles seront inscrits les droits de douane qui feront l'objet de négociations multilatérales de sorte que les droits imposés à la frontière des Parties contractantes ne seront pas plus élevés que ceux inscrits sur les Listes de concession nationale. Ainsi, «Chaque partie contractante accordera aux autres parties contractantes, en matière commerciale, un traitement qui ne sera pas moins favorable que celui qui est prévu dans la partie appropriée de la liste correspondante annexée au présent accord». L'Accord général prévoit en outre que les Listes de concessions nationales, font partie intégrante de l'accord. Cette indication rend multilatéraux les engagements que les Parties contractantes sont amenées à prendre. C'est en tout cas, ce que semble indiquer l'Organe d'appel, dans l'affaire, Communautés Européennes-classement tarifaire de certains matériels informatiques lorsqu'il considère que les «concessions tarifaires reprises dans la Liste d'un Membre sont réciproques et résultent d'une négociation mutuellement avantageuse entre Membres importateurs et Membres exportateurs». En conséquence, les concessions font partie des termes du traité et doivent être interprétées selon les règles d'interprétation des traités énoncées par la convention de Vienne sur le droit des traités. 51 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Les droits de douane, une fois qu'ils sont inscrits sur les Listes de concessions nationales, sont consolidés pour une période de trois ans et ne peuvent plus être modifiés de façon unilatérale par les États-Membres. Il faut comprendre que la consolidation des droits de douane est une technique par laquelle chaque pays est appelé à déclarer les taux de droits de douane maxima qu'il entend appliquer sur chaque type de produit. Une fois cette consolidation faite, l'État qui y a procédé ne pourra plus appliquer des taux de droits de douane au-delà des taux maxima. S'il le faisait, il devra accorder des compensations à ses partenaires. Et dans le cas où la compensation serait jugée insuffisante, les pays intéressés «auront la faculté de retirer, dans un délai de six mois à compter de l'application de cette mesure et trente jours après réception des Parties contractantes d'un préavis écrit, des concessions substantiellement équivalentes qui auraient été négociées primitivement avec la partie contractante requérante». De plus, sur la base de la procédure prévue par le Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends (ci-après, Mémorandum d'accord), un État pourra être condamné pour ne pas avoir garanti les avantages liés à la consolidation de ses droits de douane. Cette démarche qui consiste à déclarer licites les droits de douane pour ensuite établir des règles de leur réduction progressive a relativement bien fonctionné. En effet, de 1947 jusqu'au cycle d'Uruguay, les négociations commerciales multilatérales ont connu un réel succès en matière de réduction des barrières tarifaires. Ainsi le spectaculaire désarmement douanier intervenu au cours de la période sous l’impulsion du GATT et l'OMC: le taux moyen des droits de douane est passé d’environ 40 % à la fin des années 1940 à environ 3% aujourd’hui. En valeur, le commerce international a ainsi été multiplié par un coefficient multiplicatif supérieur à 200, passant de 48 milliards de dollars en 1948 à 12 000 milliards de dollars aujourd’hui (services exclus), tandis qu’il était multiplié par 16 en volume1. Dans le domaine de l'agriculture, il a été institué un programme de «tarification» dont le but est de remplacer les mesures non tarifaires propres à l'agriculture par des mesures tarifaires qui assureront à ce secteur un niveau de protection équivalent. Et les pays développés sont convenus de réduire de 36% en moyenne sur une période de six ans à compter de 1995, les tarifs appliqués à tous les produits agricoles. S'agissant des PED, les réductions correspondantes sont de 24 à 10% respectivement sur dix ans. Enfin, les PMA ont été invités à consolider tous les tarifs appliqués aux produits agricoles. Mais ils n'ont souscrit aucun engagement de réduction tarifaire. Il est tout de même difficile de conclure que l'objectif du cycle d'Uruguay, consistant à passer d'une situation où prévalait une multitude de MNT à un régime où la protection serait exclusivement assurée par des tarifs consolidés avec des engagements de réduction est atteint. Du moins, dans le domaine de l'agriculture, cet objectif est loin d'être atteint étant donné la spécificité de son régime juridique et la panoplie d'obstacles non tarifaires auxquels le secteur agricole est encore soumis. En tout cas, la période qui a précédé l'entrée en vigueur des accords de Marrakech a surtout été caractérisée par un déferlement de mesures protectionnistes qui valent pour le secteur agricole un régime dérogatoire et son exclusion du droit commun du GATT de 1947. 1 Frédéric Teulon, «Les nouvelles tendances du commerce international», in, Lehmann P.J. (Dir.), Commerce extérieur et globalisation des marchés, Les Cahiers de Recherche n°12, publication de l’École Supérieure du Commerce Extérieur, mai 2009, p. 36. 52 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC 3- Le système GATT/OMC: théorie et pratique. 3.1- Quel est le but d'un accord international de commerce? L'approche économique des accords commerciaux commence par l'hypothèse selon laquelle les gouvernements sont incités à poursuivre des politiques qui augmentent le revenu national, même si parfois ils sont obligés de s'écarter de cet objectif pour des raisons politiques (soutien politique, sécurité, etc.) Par conséquent, les économistes ont mis l'accent sur les accords commerciaux comme un moyen de récolter les gains de revenus réels en raison des obstacles au commerce1. Grâce à l’adoption des politiques d’ouverture depuis la création du GATT/OMC, les échanges commerciaux se sont beaucoup développés dans le monde. Traditionnellement, la théorie économique explique le développement des échanges commerciaux par des avantages comparatifs ou l’abondance des ressources, mais les exemples récents ont montré qu’il fallait tenir compte du mode de politique commerciale adopté par le pays. En effet, grâce à la stratégie d’ouverture au commerce international, les pays d’Asie du sud-est ont, non seulement augmenté le volume de leurs échanges commerciaux, mais ils ont également atteint des taux de croissance économique élevés 2. Toutes les théories des accords commerciaux doivent identifier les motifs pour lesquels les gouvernements peuvent gagner en négociant des accords. Il s'agit d'identifier les problèmes qui se poseraient en absence d'un accord [c’est-à-dire quand les gouvernements prennent choix d'une politique commerciale non coopératifs]. Le but d’un accord peut alors être considéré comme une solution à ces problèmes et les gouvernements qui négocient peuvent partager les avantages qui en découlent. Par ailleurs, ce n'est pas seulement que la confirmation de l'existence d'un problème qui est importante mais une bonne compréhension du problème et sa structure peut également fournir des indications importantes pour la conception d'une institution qui peut efficacement aider les pays dans leurs efforts pour trouver une solution. Par exemple, lorsqu'un gouvernement choisit unilatéralement le niveau d'un droit de douane ou une MNT qui remplace un droit de douane, il ne tient pas compte des conséquences de sa décision pour le bien-être des exportateurs étrangers. Dans cette approche, les gains du commerce peuvent être décomposés en variations des termes de l'échange3 et du volume des échanges. Autrement dit, un pays peut avoir intérêt à conclure un accord commercial si est susceptible d'améliorer les termes de l'échange ou de développer le volume des échanges4. Cependant, tant que des obstacles aux échanges existent, il n’est pas garanti que les pays décidant unilatéralement de libéraliser leur économie puissent accéder aux marchés étrangers dans de meilleures conditions. La libéralisation multilatérale dans le cadre du GATT et de l’OMC peut donc se justifier. Elle s’appuie sur le principe non discriminatoire de la nation la plus favorisée (NPF), où les concessions sont négociées sur une base réciproque. Ce mécanisme sert à protéger les 1 Irwin D.A., P.C. Mavroidis, A.O. Sykes, «The Genesis of the GATT», Op.cit, p. 177. Gilbert NIYONGABO, «Politiques d’ouverture commerciale et développement économique», Thèse présentée et soutenue publiquement pour l’obtention du Doctorat en Sciences Economiques, Université d’Auvergne, ClermontFerrand I, 2007, p. 28. 3 Les termes de l'échange se mesurent en divisant l'indice des prix à l'exportation par l'indice des prix à l'importation. 4 Irwin D.A., P.C. Mavroidis, A.O. Sykes, «The Genesis of the GATT», Op.cit, p. 177-178. 2 53 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC intérêts des petits PED face à des pays industrialisés plus puissants et plus grands; il offre aussi aux exportations des premiers un meilleur accès aux vastes marchés des seconds. Une action concertée pour davantage d’ouvertures des échanges à l’échelle planétaire peut par conséquent créer des avantages mutuels significatifs pour tous les pays concernés, surtout si elle s’accompagne d’une libéralisation unilatérale1. 3.2- Les effets commerciaux de l'OMC selon l'approche de la théorie des termes de l'échange. Le but d'un accord commercial d'après la théorie des termes de l'échange, est de permettre aux exportateurs étrangers de prendre en considération leur avis dans les choix tarifaires de leurs partenaires commerciaux, de sorte que, par la négociation, ils les rendent attentifs aux coûts que les restrictions commerciales imposent aux exportateurs étrangers. Ainsi, un accord commercial fondé sur la réciprocité et la non-discrimination (clause NPF) conduit à l'abaissement des droits de douane et à l'élargissement de l'accès aux marchés à des niveaux internationalement efficients2. Les économistes invoquent essentiellement deux raisons pour expliquer pourquoi les gouvernements concluent des accords commerciaux: la première est le souci d’éviter ce que l’économiste britannique Joan Robinson a appelé, «beggar-my-neighbor policies»3 ou les politiques d’«appauvrissement du voisin», qui sont attractifs au niveau unilatéral mais destructrices au niveau multilatéral ; et la seconde est le souci d’éviter les politiques «Beggar-Myself Policies» c’est-à-dire les politiques d’«auto‑appauvrissement», qui sont attractifs à court terme mais ne servent pas les intérêts à long terme de la société4. La problématique repose sur l’idée que les décisions d’un pays en matière de politique commerciale affectent le bien-être d’un autre pays. Même si ce n’est en aucune façon le seul effet d’une politique d’appauvrissement du voisin, la littérature théorique met l’accent sur ses effets sur les termes de l’échange. Un accord commercial comme l’accord de l’OMC a pour but d’obliger les gouvernements à tenir compte de ces effets lorsqu’ils élaborent leurs politiques. Si on prend un exemple de deux économies ouvertes, qui sont en mesure d’influer sur l’offre et la demande mondiales et, partant, sur les prix mondiaux dans un secteur particulier (cas d'un grand pays). En imposant un droit d’importation, un pays augmente le prix des produits importés pour ses consommateurs, mais réduit le prix obtenu par les entreprises exportatrices étrangères. Cette variation des prix constitue un gain des termes de l’échange qui se fait au détriment du partenaire commercial, qui voit ses termes de l’échange se détériorer. Comme les pays interagissent de manière stratégique en contrepartie sur la scène internationale, ce partenaire commercial réagira à leur tour, en imposant un droit de douane sur les produits qu’il importe, améliorant ainsi ses termes de l’échange au détriment de l’autre pays. Au bout du compte, l’économie se trouve en équilibre, avec des droits de douane élevés et un faible volume d’échanges, enfin, les deux pays tombent dans 1 OCDE, «Vers une intégration régionale arabe et euro-méditerranéenne», Economic Research Forum for the Arab Countries, Iran and Turkey (2001), Séminaires du Centre de Développement, Éditions OCDE, Paris, 2001, p. 37. 2 OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2012: Commerce et politiques publiques, Gros plan sur les mesures non tarifaires au XXIe siècle», Genève, 2012, p. 163. 3 Bhagwati J, «Going Alone: The Case for Relaxed Reciprocity in Freeing Trade», Op.cit., p 04. 4 Bagwell K., R.W. Staiger, «The World Trade Organization: Theory and Practice», Annual Review of Economics, Annual Reviews, vol. 2(1), 2010, p. 223-256. 54 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC une situation que les économistes appellent généralement le «dilemme du prisonnier» lié aux termes de l’échange1. D'après la théorie des termes de l'échange (ou théorie classique) et selon la démonstration du Bagwell et Staiger, les gouvernements considèrent les accords commerciaux comme un moyen d'échapper au dilemme du prisonnier induit par les termes de l'échange, c'est-à-dire la raison des accords commerciaux est d’éviter les situations non coopérative en matière de politique commerciale internationale2. L’avantage qui engendre l'existence du GATT/OMC peut être formulé de la manière suivante : Ils montrent que les deux éléments du GATT/OMC, la non-discrimination et la réciprocité, sont des règles simples qui permettent aux gouvernements de parvenir à des accords commerciaux efficaces3. Dans le cas où un pays choisit pour modifier l'accès de ses partenaires commerciaux à son marché et manipuler ainsi les termes de l'échange à travers une mesure non tarifaire (MNT) à la place d'un droit de douane ; Même les deux principes du GATT/OMC, à savoir la réciprocité et le traitement NPF, peuvent faciliter la coopération dans le domaine des MNT. Toutefois, même dans un environnement politique complexe, il n'est pas nécessaire que les pays négocient directement le niveau de leurs MNT. Selon l'approche classique, l'objectif principal d'un accord commercial est plutôt d'accroître le volume des échanges sans introduire de distorsions dans le choix unilatéral des MNT (telles que la réglementation intérieure et les mesures fiscales), du fait des contraintes négociées en matière de droits de douane. On peut dire intuitivement qu'un droit de douane est l'instrument optimal de premier rang pour manipuler les termes de l’échange: si un gouvernement dispose à la fois des droits de douane et des MNT, il n'a aucune raison de recourir à ces dernières pour restreindre les échanges. La théorie des accords commerciaux fondée sur les termes de l'échange étaye solidement l'idée qu'une intégration «superficielle» est le moyen le plus direct de résoudre les inefficiences politiques qui se manifesteraient en l'absence d'un accord commercial. Des négociations portant uniquement sur les droits de douane, couplées à un ensemble de règles visant à résoudre le problème de la substitution entre les droits de douane et les MNT, peuvent amener les gouvernements à un plus haut niveau d'efficience. Au niveau théorique, cela concorde avec l'approche des MNT intérieures dans le cadre du GATT/OMC, selon laquelle les négociations sont axées sur les réductions tarifaires comme moyen d'élargir l'accès aux marchés. Selon cette approche, diverses dispositions du GATT/OMC ont pour but de protéger la valeur des engagements négociés en matière d'accès aux marchés contre une érosion par des MNT. En outre, les Membres de l'OMC sont tenus de renoncer à l'utilisation des contingents et autres restrictions quantitatives en faveur des droits de douane. Cette solution institutionnelle leur permet de trouver la combinaison efficiente de la politique commerciale et des MNT intérieures, même quand les gouvernements sont tentés de recourir à ces mesures pour limiter l'accès aux marchés accordé à leurs partenaires commerciaux par le biais des réductions tarifaires. Un accord commercial comme le GATT/OMC comporte un ensemble de règles et de principes, tels que la non-discrimination et la réciprocité, qui facilitent la coopération 1 OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2009: Les engagements en matière de politique commerciale et les mesures contingentes», Genève, 2009, p. 24. 2 OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2012», Op.cit., p. 163. 3 Irwin D.A., P.C. Mavroidis, A.O. Sykes, «The Genesis of the GATT», Op.cit., p. 178. 55 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC commerciale et permettent aux Membres d’éviter ce comportement non coopératif et d’améliorer le bien-être. L’autre raison pour laquelle des pays concluent un accord commercial est que les gouvernements peuvent avoir du mal à s’engager à poursuivre une politique commerciale maximisant le bien être. Il se peut tout d’abord qu’une politique commerciale efficiente soit temporellement incohérente, notamment lorsque les choix politiques du gouvernement varient en fonction des circonstances. Dans ces conditions, une politique commerciale efficiente mais temporellement incohérente ne serait peut-être pas crédible aux yeux des agents économiques privés, Il se peut aussi qu’une politique commerciale efficiente ne convienne pas à un gouvernement qui subit les pressions politiques de groupes d’intérêts représentant des secteurs en concurrence avec les importations. Dans ce cas, un accord commercial peut être une réforme institutionnelle qui améliorerait le bien-être, car il peut constituer un mécanisme d’engagement effectif obligeant les gouvernements membres à poursuivre une politique efficiente. Le système de l’OMC pourrait alors servir de point d’ancrage pour éviter l’adoption de stratégies auto ‑ appauvrissantes1. Ces deux approches sont complémentaires, dans la mesure où l’une n’exclut pas l’autre. Selon le rapport sur le commerce mondial 2009, plusieurs travaux récents corroborent empiriquement les deux théories. Broda et al. (2008) et Bagwell et Staiger présentent dans plusieurs études des éléments compatibles avec l’approche des termes de l’échange, tandis que Staiger et Tabellini (1999), et Tang et Wei (2009) confirment l’idée que les engagements pris dans le cadre de l’OMC permettent de résoudre les problèmes de crédibilité. 3.3- Effet de relocalisation de la production. L’«effet de relocalisation de la production» peut se produire quand un gouvernement vise à accroître la production intérieure dans un secteur, cette dernière qui engendre une modification des prix relatifs qui détriment par la suite, la production à l’étranger. Alors l’effet sur les termes de l’échange peut ne pas être la seule externalité pertinente liée à la politique commerciale. Comme dans le dilemme du prisonnier lié aux termes de l’échange, si tous les gouvernements optent pour une politique commerciale visant à accroître la production, aucun ne réussit. En situation d’équilibre, la production ne se relocalise pas d’un pays à l’autre, mais les échanges diminuent en raison du renforcement des mesures commerciales restrictives 2. Dans ce cas, les pays sont confrontés au dilemme du prisonnier lié à la relocalisation de la production. Et ces situations de non-coopération peuvent être évitées si les pays concluent un accord commercial qui les incite à coopérer au lieu d’agir unilatéralement. Il importe alors de se demander si cet accord doit être conclu au niveau régional ou au niveau multilatéral. Selon le rapport sur le commerce mondial 2011, beaucoup d’études montrent qu’un accord commercial multilatéral comme le GATT/OMC fondé sur des règles simples et qui autorise les pays à coordonner pour réduire les obstacles tarifaires et pour ouvrir réciproquement leurs marchés est la 1 OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2009», Op.cit., p. 26. OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2011, L’OMC et les accords commerciaux préférentiels: de la coexistence à la cohérence», Genève, 2011, p. 94. 2 56 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC solution optimale pour neutraliser les externalités négatives liée à l'effet de relocalisation de la production1. 3.4- Les effets commerciaux de l'OMC selon L'approche de l'engagement. D'après ce qui a précédé, on a décrit une théorie des accords commerciaux qui se base sur le contrôle et examen des politiques d’appauvrissement de ses voisins conduisant à la manipulation des termes de l'échange. Maintenant, on va mettre l'accent sur une autre théorie qui postule que le but des accords commerciaux est de faire lier les mains des pays membres, offrant ainsi un mécanisme d'engagement externe. Les pays peuvent tirer avantage d'un accord qui facilite leur engagement en faveur d'une politique d'ouverture commerciale, car les droits de douane profitent au secteur protégé, mais créent des distorsions qui réduisent le bien-être global2. Cette théorie insiste sur une source d’inefficience interne. Lorsqu’il définit la politique commerciale, un gouvernement peut être dans l’impossibilité de prendre des engagements économiques et/ou politiques crédibles envers le secteur privé ou le parlement. Les recherches qui ont adopté cette approche se sont concentrées principalement sur les droits de douane, les implications de cette approche pour le traitement des MNT dans les accords commerciaux sont moins bien comprises que celles de la théorie des termes de l'échange. Cependant, selon le rapport sur le commerce mondial 2012, deux recherches empiriques ont utilisé l'approche de l'engagement afin de faire la lumière sur certaines caractéristiques du traitement des MNT dans le système GATT/OMC qui ne peuvent être appréhendées par l'approche des termes de l'échange3: - Les droits de douane comme les subventions à l'exportation peuvent fausser l'affectation de l'investissement, ce qui entraîne une perte de bien-être social. En revanche, le gouvernement peut tirer profit des contributions des groupes d'intérêts des secteurs importateur et exportateur protégés. Les règles que le décideur choisira d'insérer dans un traité commercial reflètent cet arbitrage. Si le secteur d’importation et le secteur d’exportation ont des perspectives de croissance différentes, le gouvernement jugera efficient de s'engager à appliquer des règles différentes concernant la politique d'exportation et la politique d'importation. Plus précisément, si le secteur exportateur a de meilleures perspectives de croissance que le secteur importateur, les contributions des groupes d'intérêts représentant les exportateurs sont moins intéressantes et elles augmentent le coût social de la subvention à l'exportation. De ce fait, les règles de l'OMC qui interdisent les subventions à l'exportation mais qui limitent seulement l'utilisation des droits de douane sont difficiles à expliquer par l'approche des termes de l'échange, mais elles peuvent être comprises à l'aide de la théorie de l'engagement. - Un accord commercial qui limite les droits de douane mais n'impose aucune contrainte concernant les MNT, telles que les subventions intérieures, ou qui permet leur manipulation, ne constitue pas un mécanisme d'engagement efficace. Il permettrait simplement aux responsables 1 OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2011», Op.cit., p. 94. OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2009», Op.cit., p. 25. 3 OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2012», Op.cit., p. 165. 2 57 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC politiques de faire un usage plus intensif des MNT une fois que les consolidations tarifaires (c'est-àdire les taux plafonds) auraient été négociées (exemple clair de la substitution de mesures). Pour les gouvernements, un accord imposant des règles concernant les MNT est préférable dans ce contexte, car seul un accord commercial plus complet peut être garant de la crédibilité des politiques. Cette approche donne donc une indication des politiques requises pour traiter des MNT intérieures, comme les subventions ou la réglementation intérieure dans le système de l'OMC. 3.5- la justification institutionnelle de l’OMC. Les accords commerciaux sont allés au-delà d’une simple analyse des motivations qui soustendent les préférences en matière de politique commerciale pour s’orienter et s’intéresser à des questions telles que la justification des accords commerciaux, les obligations de fond et les mécanismes d’exécution. Les modèles axés sur la justification des accords commerciaux s’intéressent principalement aux objectifs de ces accords, en ignorant généralement la question pour lesquelles des institutions sont nécessaires, c’est-à-dire celle du rôle d’une tierce partie indépendante dans un accord commercial. En revanche, les modèles axés sur l’importance des institutions commerciales formelles n’établissent généralement pas de lien explicite et systématique avec la justification de l’accord qui sous-tend le modèle institutionnel1. Selon l’OMC, une institution indépendante peut prendre en charge diverses fonctions: administrer les affaires commerciales, telles que la réception des connaissances, l’archivage, l’assistance en matière de recherche et de commerce, la collecte et la diffusion d’informations, la fourniture d’un cadre de négociation, la médiation, la facilitation, le suivi, la surveillance et le règlement des différends. Mais, une institution formelle peut être plus qu’un simple lieu de coopération internationale ou qu’un facilitateur passif des échanges. En tant qu’agents actifs et indépendants dans le système international, les institutions peuvent aussi influer sur les attentes et, partant, sur le comportement des parties, elles peuvent aider à jeter les bases de négociations commerciales ordonnées et constructives et à gérer activement la coopération. De plus, des institutions multilatérales peuvent promouvoir des relations pacifiques entre les pays, créant ainsi les conditions générales d’un échange commercial profitable2. Cependant, il a souvent été dit que les accords commerciaux sont des contrats incomplets. L’incertitude au futur dans un monde dynamique et non stationnaire reflète le caractère incomplet du contrat, cela signifie qu'aucun accord commercial ne peut couvrir les multiples moyens dont disposent les gouvernements pour réguler la vie économique, de sorte que les accords comportent des oublis et cela est bien pour les intérêts des parties contractantes, de laisser délibérément des lacunes dans l’accord commercial et de ne pas conclure un contrat assorti de conditions très précises. Ainsi, les gouvernements acceptent l’incertitude au sujet de l’évolution du monde et des mesures qu’elle pourrait nécessiter. Donc, si en admet que le contrat est souvent incomplet, il est possible de faire appel à une institution indépendante pour recueillir activement des informations (et pas seulement pour en distribuer). En outre, comme le contrat ne prévoit pas toutes les situations pertinentes, un juge indépendant peut être amené à l’interpréter d’une manière qui correspond aux 1 2 OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2007», Op.cit., p. 119. ibidem. 58 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC attentes de toutes les parties. Une autre fonction de l’institution apparaît, à savoir celle de gardien des règles du jeu, puisqu'il peut jouer le rôle d’arbitre qui calcule les dommages 1. Selon le rapport sur le commerce mondial 2007, nous pouvons alors conclure sans risque que, si nous supposons que les pays concluent des accords commerciaux essentiellement pour surmonter des externalités économiques et politiques transfrontières, les parties à des accords commerciaux cèdent en général une part de leur souveraineté et confèrent à une institution des pouvoirs et des compétences décisionnelles, pour au moins quatre grandes raisons2: - Les institutions préparent le terrain pour la coopération commerciale : L’analyse des approches non économiques des institutions a montré que les institutions commerciales formelles peuvent contribuer grandement à l’établissement des conditions générales de la coopération commerciale. Elles peuvent d’abord promouvoir des relations pacifiques entre les pays, faciliter l’élaboration de normes et de valeurs communes et aider les pays ayant des préférences hétérogènes à trouver un équilibre de coopération. - Les institutions accroissent l’efficacité transactionnelle : La création d’un organisme neutre pour administrer et surveiller les relations commerciales augmente l’efficacité du commerce international. Il a été souligné que les institutions peuvent réduire sensiblement les coûts de transaction et améliorer la transparence en produisant des informations et en les diffusant aux Membres. - Les institutions veillent au respect des « règles du jeu » explicites : Même s’il n’y a pas d’organisme supranational chargé de faire appliquer les règles du commerce international, les institutions peuvent aider à donner du poids aux règles et procédures convenues. En veillant au respect des procédures et des délais, en informant les parties des violations du traité, en facilitant le règlement des différends, en assurant conciliation et arbitrage et en surveillant en permanence l’application des règles expresses du traité, elles contribuent beaucoup à la prévisibilité et à la stabilité de l’ordre commercial international. 3.6- Les Théories et les analyses économiques des accords sur le commerce des services. Globalement, les analyses économiques de l’AGCS se basent sur les avantages économiques des marchés de services efficients et libéralisés, ou bien elles utilisent les théories concernant le commerce des marchandises pour étudier la logique de l’ouverture du commerce des services. Ces approches ont permis de mieux comprendre le rôle du commerce des services dans l’économie et de saisir le lien entre le commerce des marchandises et le commerce des services, mais aucune d’elles ne nous donnent une réponse convaincante sur la question de la coopération internationale dans le domaine des services. Selon le rapport de l’OMC sur le commerce international 2012, il existe deux approches qui nous permettent d’expliquer la coopération internationale dans le domaine des services3: 1 OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2007», Op.cit., p. 125-126. Ibid., p. 137. 3 OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2012», Op.cit., p. 164. 2 59 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC - La première fait valoir que les engagements en matière de services inscrits dans les accords commerciaux internationaux fournissent un instrument crédible pour ancrer les réformes unilatérales et limiter la substitution de mesures ; - La seconde voit l’ouverture du commerce des services comme une réaction des gouvernements à l’évolution de la nature de la production due aux chaînes d’approvisionnement internationales. La principale raison de l’application au commerce des services des théories de la coopération commerciale élaborées pour le commerce des marchandises est la reconnaissance du fait que les décideurs peuvent être exposés aux mêmes problèmes d’incitation dans les deux secteurs. En particulier, la théorie des termes de l’échange internationaux et la théorie de l’engagement interne peuvent s’appliquer aux mesures visant les services. Toutefois, compte tenu des caractéristiques distinctives des services, il se peut que les théories utilisées pour expliquer le GATT ne soient pas suffisantes pour expliquer la coopération dans le cadre de l’AGCS. Toujours selon le même rapport de l’OMC, il existe plusieurs études sur ce sujet, dont 1: Blanchard, montre que l’un des principaux modes de fourniture de services est l’établissement local ou l’investissement étranger direct. Cela limite l’incitation à manipuler les termes de l’échange, car l’intégration verticale permet aux entreprises internationales d’internaliser en partie les coûts étrangers de la politique commerciale. En outre, selon Marchetti et Mavroidis, l’AGCS est flexible au point qu’il est difficile d’expliquer l’existence de l’accord de manière convaincante par la théorie de l’engagement. L’application de la théorie des termes de l’échange et de la théorie de l’engagement aux accords sur le commerce des services se heurte à un autre problème. Les services jouent un rôle important dans l’économie en contribuant aux résultats d’autres secteurs. Par exemple, un secteur financier qui fonctionne bien transforme l’épargne en investissement et peut assurer une affectation plus rentable du capital. Les services de transport réduisent les frictions dans les échanges, facilitant ainsi le commerce intérieur et le commerce international. Enfin, les technologies des communications facilitent les transactions mais elles peuvent aussi permettre la diffusion des connaissances et la création de savoir. Ces gains d’efficience potentiels devraient inciter les gouvernements à opérer une ouverture unilatérale des marchés de services, sans qu’une coopération internationale ou un accord sur les services soit nécessaire. Outre les incitations unilatérales à ouvrir les marchés de services, les évolutions technologiques ont entraîné une expansion du commerce des services qui amène les gouvernements à rechercher des engagements multilatéraux. Selon Marchetti et Mavroidis, certains pays se sont inquiétés du fait que, malgré l’ouverture des marchés de services au cours des années 1980, des obstacles se prolifèrent à l’horizon. Ils craignaient en effet que, comme le commerce des services était favorisé par les progrès technologiques, les gouvernements soient tentés de remplacer les obstacles technologiques disparus par de nouveaux obstacles au commerce des services, pratiquant une substitution de mesures analogue à celle qui a été analysée dans le cas des marchandises. Le risque de substitution a amené ces pays à préconiser l’établissement d’un mécanisme, tel que l’AGCS pour ouvrir le commerce international des services. 1 OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2012», Op.cit., p. 164. 60 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Par ailleurs, du fait de la fragmentation de la production, les entreprises ont demandé un plus large accès à des services efficients, ce qui a encouragé les gouvernements à inscrire l’ouverture du commerce des services à l’ordre du jour. De même, comme les services jouent un rôle important dans la facilitation de la production internationale, l’ouverture du commerce des services augmente les retombées positives de l’ouverture du commerce des marchandises. Étant donné que les chaînes de production mondiales jouent un rôle important dans le commerce international, l’adoption de mesures protectionnistes en matière de services et d’investissement peut finir par restreindre le commerce des marchandises. Les travaux récents sur les effets de la production internationale peuvent donc apporter un éclairage utile1. Les théories économiques actuelles de l’AGCS ne donnent qu’une idée partielle du monde complexe des négociations sur les services, ce qui contraste quelque peu avec le cadre plus élaboré que les économistes utilisent pour analyser la coopération internationale dans le domaine du commerce des marchandises. La poursuite de la recherche économique dans ce domaine serait d’une grande utilité. Un accord commercial, comme tout autre accord de coopération internationale, doit être auto exécutoire. En l’absence d’autorité supranationale capable de sanctionner les gouvernements contrevenants, les pays membres doivent se rendre compte qu’il est dans leur propre intérêt de respecter les règles internationales. La théorie économique a formalisé le principe de l’auto exécution des accords commerciaux en introduisant le concept de jeux répétés. La coopération commerciale a lieu lorsque les pays mettent en balance les gains que procurerait une violation de l’accord et les pertes qui résulteraient de mesures de rétorsion (c’est-à-dire de sanctions commerciales). Pour cette raison, le système du GATT/OMC permet des mesures de rétorsion qui peuvent être appliquées lorsque des pays Membres ne respectent pas leurs engagements. 1 OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2012», Op.cit., p. 164. 61 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Section 3: Le cycle de Doha: évolution et statut des PED. 1- L’état des négociations du cycle de Doha. 1.1- Le processus de décision au sein de l'OMC. L’accord de Marrakech ratifié par les États membres du GATT qui a mis sur pieds l’OMC n’est pas seulement un relevé de conclusions entre les parties. C’est également un programme de négociations qui a été adopté sur certaines bases dans un calendrier de négociations qui a été déjà rempli au moment de la création de cette jeune organisation pour amener les États membres à consentir des concessions tarifaires dans un environnement de concurrence loyale 1. Dans ce sens, il faut observer que l’OMC, reflète de manière directe l’évolution du système international. Le cadre multilatéral de l’organisation ainsi que les règles conférant à chacun des 159 pays membres le même pouvoir formel de vote, n’introduisent en effet aucune stratification définitive des rapports de forces au sein de l’organisation et reflètent ainsi sans déphasage l’évolution du système commercial mondial, à l’inverse du BM ou du FMI2. L’article IX-1 de l'Accord instituant l'OMC, dispose que: «L'OMC conservera la pratique de prise de décisions par consensus suivie en vertu du GATT de 1947. Sauf disposition contraire, dans les cas où il ne sera pas possible d'arriver à une décision par consensus, la décision sur la question à l'examen sera prise aux voix. Aux réunions de la Conférence ministérielle et du Conseil général, chaque Membre de l'OMC disposera d'une voix». Selon cet article, on peut conclure l’existence de deux autres règles de base qui sont notamment importantes au niveau des négociations multilatérales3: – L’«engagement unique» («single undertaking - package deal») où tous les pays sont «d’accord sur tout, ou sur rien». – La règle du consensus qui permet à n’importe quel pays membre (sur 159 aujourd’hui) de s’opposer à l’acte final et d’empêcher son adoption. Selon Albane GESLIN, «Le système du single undertaking associé à la technique du consensus a conduit, au cours de la conférence de Seattle en 1999, plus nettement encore lors de celle de Cancún en 2003, à des blocages dans les négociations (dans le domaine des investissements ou de la concurrence notamment) et au quasi statu quo du cycle de Doha »4. 1 Lemoine M., P. Madiès et T. Madiès, Op.cit., p. 199. Enrique Ventura, «Le Brésil et l’OMC : bilan d’une diplomatie volontaire depuis 2003», in, Denis Rolland et Antônio Carlos Lessa (Dir.), Relations internationales du Brésil : Les chemins de la puissance, Volume 2 : Aspects régionaux et thématiques, Editions L’Harmattan, Paris, 2010, p. 365. 3 Siroën J.M., «Négociations commerciales multilatérales et cycle de Doha: les leçons d'un échec annoncé», Négociations, Volume 2. N° 16. 2011. pages 9-21. De Boeck Supérieur, p. 12-13. 4 Geslin Albane, «Les traités plurilatéraux : quelle(s) utilité(s) dans le système commercial multilatéral ? », in V. TOMKIEWICZ (Dir.), Les sources et les normes dans le droit de l’OMC, Pedone, 2012, p. 57-69. 2 62 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC 1.2- L’échec des trois premières conférences de l’OMC : les débuts difficiles de l’OMC. Les deux premières conférences de l’OMC, (Singapour, décembre 1996 et Genève, mai 1998) ont eu un impact limité sur le fonctionnement de l’OMC, mais elles ont permis de faire émerger des thèmes nouveaux relevant de préoccupations liées au développement: respect des normes du travail internationalement reconnues, respect des normes environnementales, mise en œuvre des dispositions spécifiques en faveur des PED, particulièrement ceux qui sont les plus endettés. La question du lancement d’un nouveau cycle de négociations y a également été évoquée, avec des divergences entre pays membres sur de nombreuses questions de fond, en premier lieu sur la nécessité même d’ouvrir un nouveau cycle, mais les sujets mis sur la table étaient considérés par les PED comme de nouveaux moyens de mettre en place des barrières aux échanges. Le débat a porté à la fois sur le contenu et sur les modalités de conclusion de ces négociations (accord global ou possibilités d’accords partiels sur des domaines spécifiques) 1 . Les PED menés par l’Inde considéraient que les négociations devaient d’abord porter sur les questions liées au commerce avant d’aborder les autres thèmes. Tableau I-04: Les conférences ministérielles de l’OMC avant le cycle de Doha Lieu Singapour Date 9-13 décembre 1996 Genève 18-20 mai 1998 Principaux thèmes abordés - Accord sur la libéralisation des échanges des produits de technologie de l’information. - Création de groupes de travail commerce et investissement, commerce et politique de concurrence, transparence des marchés publics, facilitation des échanges. - Déclaration sur la marginalisation des PMA. - Commémoration du cinquantième anniversaire du système commercial multilatéral. - Déclaration sur la mise en œuvre de dispositions spéciales en faveur des PED très endettés. - Programme de travail sur le e-commerce. - Forte mobilisation des mouvements de contestation de l’OMC. - Opposition États-Unis/PED sur la question de la clause sociale. - Échec du lancement du Cycle du millénaire. Source: Abbas M., «Du GATT à l’OMC: Un bilan de soixante ans de libéralisation des échanges», NOTE DE TRAVAIL N° 35/2007, Laboratoire d’économie de la production et de l’intégration internationale, 2007, p. 08. Seattle 30 novembre-3 décembre 1999 Suite à l'absence de compromis sur les thèmes évoqués dans les deux premiers conférence de l’OMC, la Conférence de Seattle (1999) devait commencer à partir de ce point. Une préparation insuffisante, une mauvaise compréhension des attentes des PED et le manque de recul par rapport au cycle précédent se sont conjugués. La troisième Conférence ministérielle (Seattle, 30 novembre3 décembre 1999) a été, par conséquent, marquée par la volonté de lancement d'un nouveau cycle de négociation « cycle du Millénaire ». Incapables de se mettre d'accord sur un texte commun, la Conférence ministérielle de Seattle a connu un échec et a induit un tournant dans la vie de l’OMC. Pour des raisons internes et externes en signerait l'arrêt de mort de cette jeune institution. Sur un plan externe, des manifestants ont accéléré leurs rythmes et sont venus du monde entier, représentant soit des groupes d’intérêts particuliers, des syndicats de salariés ou des intérêts sectoriels, soit des organisations non gouvernementales (ONG) réclamant des formes diverses de 1 Quenault Béatrice, «Le développement durable comme pierre d'achoppement des relations Nord/Sud au sein des négociations commerciales multilatérales à l'Organisation mondiale du commerce», Mondes en développement, 2004/3 no 127, p. 11-27. 63 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC régulation des échanges internationaux, ont fortement perturbé la tenue de la Conférence 1 . Les problèmes internes sont apparus dans trois domaines principaux qui renvoyaient à la question du développement durable : l’agriculture, les normes sociales et la place des PED dans le commerce mondial. Dès lors, dans un contexte de montée de la contestation anti-mondialisation libérale, le développement durable est devenu une véritable pierre d’achoppement des relations Nord/Sud, à défaut de devenir un enjeu de négociation de premier plan. 1.3- Le cycle de Doha. La quatrième conférence ministérielle de l'OMC s'est tenue du 09 au 11 novembre 2001 à Doha, capitale du Qatar. Le contexte institutionnel et géopolitique a conféré à cette réunion périodique de l’Organisation un caractère particulier et la nécessité d’obtenir un résultat. Il s'agissait de la première conférence ministérielle de l'OMC, non seulement après celle de Seattle, mais aussi après le Sommet du millénaire de l'ONU et la définition des objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Il s'agissait avant tout de la première conférence internationale d'envergure après les attentats du 11 septembre 2001 et il était marqué par l’entrée de la Chine puis de Taiwan au sein de l’Organisation, clôturant ainsi un dossier vieux de près de 15 ans. Ce contexte spécifique fait naitre des attentes particulières quant aux résultats de cette conférence. La conférence de Doha marque une étape décisive pour une autre raison encore : elle permettait de lancer un nouveau Cycle de négociations, l'actuel « Cycle de Doha ». Le lancement d'un nouveau cycle (le « cycle de millénaire ») avait déjà été envisagé pour Seattle mais les PED s'y étaient opposés. La levée de leur veto à Doha s'explique, au-delà de l'obtention d'un certain nombre d'engagements immédiats de la part des pays développés, par une meilleure prise en compte des intérêts des PED dans la définition des objectifs des prochaines négociations. Ce n'est dès lors, pas un hasard que le cycle de Doha ait été intitulé « Cycle pour le développement ». Il est intéressant de noter que l'idée du lancement d'un cycle du développement avait été intensément propagée par la CNUCED dès février 2000. LA CNUCED avait déclaré «son attachement à un système commercial multilatéral qui soit: juste, équitable et réglementé, qui fonctionne d'une manière non discriminatoire et transparente» et estimé : «pour qu'un tel système existe, il faudra en particulier2: - améliorer l'accès au marché pour les biens et les services présentant un intérêt particulier pour les PED ; - régler les questions relatives à la mise en œuvre des accords de l'organisation mondiale du commerce (OMC) ; - appliquer pleinement un traitement spécial et différencié ; - faciliter l'accession à l'OMC et fournir une assistance technique. 1 Écrivant en 1994, Lester Salamon estimait que «le nombre des ONG atteignait le chiffre élevé de 275 000 dans le seul Royaume-Uni et d'environ 20 000 dans les pays pauvres. Par ailleurs, les chiffres augmentaient rapidement: en France, 54 000 «associations privées» avaient été créées au cours d’une année 1987, contre 11 000 durant toutes les années 1960. Par la suite, cette croissance s'est maintenue, voire accélérée. Après les émeutes de Seattle, qui avaient perturbé les rencontres interministérielles de l’OMC en novembre et décembre 1999, le magazine The Economist avait estimé le nombre des OGN en Inde à 1 million et dans le monde entier à 2 millions: proportion que n'aurait jamais pu imaginer le profane en observant le quasi-monopole des ONG majoritairement occidentales dans les rues et dans les couloirs du sommet de Seattle», pour plus de détails voir Bhagwati J., «Plaidoyer pour la mondialisation», Ouvrage paru chez Oxford University Press sous le titre: In Defense of Globalization Oxford University press, New York, 2004, Traduit de l'anglais (États-Unis) par Michel Bessières et Agnès Botz, Edition Odile Jacob, 2010, p. 64. 2 Keiffer B., «L'Organisation Mondiale du Commerce et l'évolution du droit international public», Edition Larcier, Groupe de boeck, 1ere édition, 2008, p. 188-189. 64 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Le Programme de Doha se positionnait clairement en faveur de la prise en compte de la question des déséquilibres Nord/Sud dans le cadre de la régulation du commerce international 1. La conférence réaffirme que tous les pays et toutes les organisations internationales devraient faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que le système commercial multilatéral réalise son plein potentiel de promotion de l'intégration de tous les pays, spécialement les pays les moins avancés, dans l'économie mondiale. Tout cycle nouveau de négociations commerciales multilatérales devrait se dérouler dans l'optique du développement ». Derrière l'objectif affiché de faire de Doha « un cycle pour le développement », chaque grand pays comptait y promouvoir des intérêts bien précis: les États-Unis et l'Union européenne veulent ouvrir les marchés des services comme le finance, la distribution et l'audiovisuel, les PED demandent l'ouverture des marchés des pays développés dans les domaines agricole et mettre fin aux subventions agricoles. Or, l'ouverture aux produits agricoles ou aux services entraînerait d'importants changements pour les pays concernés. Alors même que toutes les études disponibles montrent que les gains de revenus engendrés par une libéralisation supplémentaire du commerce mondial seraient très faibles, sur la base des positions de négociations actuelles. Contrairement à une idée très fréquente, l’échange ne peut faire que des gagnants 2. Certains, évidemment, peuvent gagner moins que d’autres, selon les prix adoptés dans l’échange. Mais cela ne doit pas faire oublier que, s’il y a généralement un gagnant, il ne peut normalement pas y avoir de perdant, ce raisonnement constitue le fondement de l’action de l’OMC en faveur de la libéralisation des échanges3. Donc les Membres de l'OMC affirment dans l'introduction de la déclaration 4: - Nous sommes déterminés à maintenir...le processus de réforme et de libéralisation des politiques commerciales, garantissant ainsi que le système joue pleinement son rôle dans la promotion de la reprise, la croissance et le développement. - Le commerce international peut jouer un rôle majeur dans la promotion du développement économique et la réduction de la pauvreté. Nous reconnaissons la nécessité pour toutes nos populations de tirer parti des possibilités accrues et des gains de bien-être que le système commercial multilatéral génère. La majorité des membres de l'OMC sont des PED. Nous visons à mettre leurs besoins et leurs intérêts au centre du Programme de travail adopté dans la présente déclaration. Rappelant le Préambule de l'Accord de Marrakech, nous continuerons à faire des efforts positifs pour que les PED et en particulier les moins avancés d'entre eux, s'assurent une part de la croissance du commerce mondial qui corresponde aux besoins de leur développement économique. - Nous reconnaissons la vulnérabilité particulière des pays les moins avancés et les difficultés structurelles spéciales qu'ils rencontrent dans l'économie mondiale. Nous sommes déterminés à 1 Abélès M., «Le global-politique et ses scènes», in, Abélès M. (Dir.), Des anthropologues à l'OMC, scènes de la gouvernance mondiale, Edition CNRS, Paris, 2011, p. 117. 2 Chavagneux Christian, «L'OMC, en attendant Doha», Alternatives Économiques n° 261 - septembre 2007. 3 Boussard J.M, F.Gérard et M.G Piketty, «Libéraliser l’agriculture mondiale? Théories, modèles et réalités», Cirad, Centre de coopération en recherche agronomique pour le développement, 2005, p. 14. 4 Tancrède Voituriez, «Why Did ‘Development’ Entrap the Doha Round?», in, Paul Ekins and Tancrède Voituriez (Dir.), Trade, Globalization and Sustainability Impact Assessment: A Critical Look at Methods and Outcomes, 1st pub, Earthscan publishes, UK, 2009, p. 50. 65 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC remédier à la marginalisation des pays les moins avancés dans le commerce international et à améliorer leur participation effective au système commercial multilatéral. Les quatre jours de réunion ont débouché sur trois documents: i) une déclaration ministérielle comportant un programme de travail et des directives sur l’organisation des comités et groupes de travail de l’OMC; ii) une déclaration sur l’accord ADEPIC (la propriété intellectuelle) et la santé publique mettant l’accent sur la flexibilité de l’ADEPIC par rapport aux politiques de santé publique et; iii) une décision relative aux problèmes de la mise en application des résultats de l’Uruguay Round. Quels pourraient être les effets économiques d'un accord de Doha? Une étude calcule les conséquences économiques possibles d'une réduction de 50% des droits de douane à l'importation des produits agricoles et manufacturiers, les subventions à l'exportation, mesures à la frontière dans les services, le soutien interne à l'agriculture dans les pays de l'OCDE et des améliorations en matière de facilitation du commerce. Cette étude a révélé que les gains mondiaux s'élèveraient à 158 milliards de dollars (aux prix de 2001), soit une augmentation de 0,5% du revenu global. Environ 0,1% de points des gains proviennent de la libéralisation du commerce dans l'agriculture, la fabrication et les services chacune, 0,2% des gains proviennent de l'amélioration de la facilitation du commerce. Une grande partie des gains reviennent aux PED (environ 1 à 2 % pour certains pays, comme l'Afrique du Sud et Inde)1. Sur le même sujet, une étude de Peterson Institute for International Economics, avait conclu que, les gains potentiels du cycle de Doha étaient autour de 280 milliards de dollars par an, donc son échec sera-t-il une tragédie, selon la conclusion de cette étude2. 1.4- Les négociations agricoles dans le Cycle de Doha. Si les négociations sont entamées sur tous les domaines du commerce au sein de l’OMC, est bénéfique pour tous les pays. Mais, à plusieurs reprises les PED ont indiqué clairement que l’agriculture constitue à la fois la question centrale et le problème le plus urgent du cycle de Doha, qui déterminera si oui ou non qu’ils signent un accord, et ce, pour deux raisons principales: - De nombreux PED voient des opportunités potentielles une fois que les distorsions commerciales importantes sur les marchés agricoles mondiaux sont éliminées ou sensiblement réduits. - De nombreux PED et en particulier les moins avancés (PMA), sont profondément des pays vulnérables qui leur économies dépendent largement sur l'agriculture. Il est donc, important de prendre en considération leurs intérêts dans les négociations. Ces inquiétudes façonnent les intérêts offensifs et défensifs des PED dans ces négociations. L'Accord du Cycle d'Uruguay sur l'agriculture, a fait un pas en avant important en amenant le secteur agricole dans les négociations des règles du système multilatéral de l'OMC, mais le succès 1 2 Irwin D.A., « Free trade under fire », Op.cit., p. 233. The Economist, «Asias’s next revolution: reinventing the welfare state», September 8th 2012, p. 10. 66 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC de faire le secteur face à la concurrence mondiale a été limité. Aujourd'hui, l'agriculture demeure l'une des questions la plus controversée et des efforts particuliers de coalitions de négociation des PED ont été faites dans le but d'atteindre des résultats ambitieux en matière d'améliorer l'accès au marché des pays développés. Tableau I-05: Principales Statistiques du secteur agricole, 2003 (valeurs en pourcentage) Afrique Pays Monde PED sub-saharienne Développés 6.3 2.4 11.5 16.8 2.4 1.2 3.1 3.7 La population rurale par rapport à la population totale 51 27 57 64 Population économiquement active dans l'agriculture 43 6 53 60 Exportations agricoles par rapport au total des exportations 7.1 7.0 7.4 13.7 Exportations agricoles par rapport à la valeur ajoutée agricole 36.2 74.4 19.4 20.2 La valeur ajoutée de l'agricole par rapport au PIB La valeur ajoutée de l'agricole par rapport au PIB (taux de croissance annuel 1992-2003) Source: FAO (2005a) Le secteur agricole est toujours l'une des questions les plus controversées dans les négociations commerciales multilatérales qui ont eu lieu depuis 1999, lorsque la Conférence ministérielle de l'OMC s'est tenue à Seattle et malgré son échec, les négociations sur l’agriculture ont débuté en 2000, les discussions sur le secteur agricole ont causé le retard dans l'adoption du programme de Doha pour qu’un nouveau cycle de négociations qui cherche la libéralisation des échanges pourrait être ouvert à tous les membres de l'OMC. Pour cette raison, de nombreux PED prétendaient à une amélioration substantielle de l'accès aux marchés des pays développés dans le cycle de Doha et de déclarer que la plupart des efforts en matière de réduction tarifaire au cours du Cycle d'Uruguay ont été faites par les PED alors que les pays développés ont appliqué des taux de réduction inférieurs à leurs propres tarifs. Les PED demandent depuis plusieurs décennies la suppression des subventions agricoles accordées par les gouvernements des pays développés à leurs agriculteurs. Mais ni les États-Unis ni l’Union européenne n’ont accepté d’abandonner leurs larges subventions à l’agriculture, cet état est devenu une source de tant d’inquiétudes au sein des PED1. 1 Feldman E. J., «La paralysie des négociations de Doha: les subventions agricoles en Europe et aux États-Unis», Politique américaine, 2009/3 N° 15, p. 81-96. 67 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Tableau I-06: OCDE : Estimation du soutien aux producteurs par pays (Millions USD) Pays / Année 1986-88 1995-97 Australie 1 447 1 284 1 833 1 802 1 550 989 1 206 1 550 Canada 6 024 3 566 6 839 7 163 5 469 6 760 7 155 7 013 97 318 116 083 131 041 128 256 135 668 11 8990 102 400 103 181 119 923 Island 193 130 237 239 183 125 120 139 174 Japon 49 754 58 891 39 356 35 995 41 790 46 470 55 215 61 098 46 654 Corée du Sud 12 040 23 080 25 827 23 199 17 106 17 197 17 056 22 234 20 437 8 437 1 589 5 805 6 119 6 320 6 004 6 001 6 182 6 072 435 63 99 97 69 50 82 134 89 Norvège 2 801 2 910 3 053 3 087 3 650 3 408 3 664 3 871 3 456 Suisse 5 325 5 653 5 203 4 627 5 800 5 760 5 204 6 199 5 466 Turquie 3 952 7 428 10 592 18 511 25 874 17 025 20 746 15 602 18 058 36 411 26 614 31 199 33 203 27 043 33 016 27 591 30 579 30 439 239 401 253 189 258 185 255 720 262 049 249 521 241 264 252 424 253 194 Union européenne Mexique Nouvelle-Zélande Etats-Unis OCDE 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2006-11 1 488 6 733 Source: OCDE, Base de données des ESP et des ESC, 2012. Les PED ont également dû prendre des engagements coûteux contenus dans les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et les aspects commerciaux des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) et les accords du cycle de Doha. Ils envisageraient l'ouverture de leurs marchés que si les engagements des pays développés pour un meilleur accès au marché sont significatifs. L'une des principales demandes formulées par les PED est l'adoption de dispositions relatives au TSD fortes, compte tenu de trois domaines principaux: l'accès préférentiel aux marchés des pays développés, généralement sans engagements réciproques de la part des PED, des exemptions ou des reports de certaines règles de l'OMC et de l'assistance technique pour les aider à appliquer les règles de l'OMC. Il est convenu de dire que le dossier agricole bloquerait les négociations commerciales internationales à l’OMC. Égoïstes et indifférents aux distorsions qu’ils imposent au marché, les pays riches ne penseraient qu’à préserver les rentes indues que leurs agriculteurs ont réussi à capter au détriment des contribuables et des consommateurs. Soutenir les agriculteurs des pays développés freinerait la libéralisation des marchés agricoles et ferait obstacle au développement des PMA1. De même, il est important de souligner que les PED ont obtenu à Doha l’accord de produire des médicaments génériques à meilleur coût sans l'interdiction des pays industrialisés par le biais de la 1 Vindel Bruno, « La «crise agricole» et les organisations internationales » in, Edgard Pisani et Marc Lebiez (Dir.), Une politique mondiale pour Nourrir le monde, Springer-Verlag France, 2007, p. 19. 68 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC protection des brevets. La conférence de Doha s’achève sur un vent d’optimisme et annonce que les négociations seront achevées, au plus tard le 1er janvier 20051. 1.5- Les Progrès de cycle de Doha : le risque d'un échec! Des progrès ont bien été accomplis lors des 5eme et 6eme conférences ministérielles, à Cancún en 2003 et à Hong Kong en 2005, de même qu’à l’occasion de réunions du Conseil général et des travaux des autres organes concernés par les négociations. Mais les divergences n’ont jamais pu être complètement surmontées, notamment dans le domaine de l’agriculture. Tableau I-07: Les conférences ministérielles de l’OMC après le cycle de Doha Lieu Doha Date 10-14 novembre 2001 Principaux thèmes abordés - Accession de la Chine. - Accord entre les pays industrialisés (États-Unis, Suisse) et les pays du Sud (Brésil, Inde, Afrique du Sud) sur le droit de produire et de vendre des médicaments génériques antisida. - Lancement de l’Agenda de Doha pour le développement. 10-14 septembre - Opposition Nord-Sud sur les dossiers de Singapour. Cancùn 2003 - Opposition pays industrialisés/pays africains sur le dossier coton. - Opposition dans le dossier agricole entre le Groupe des Vingt, mené par le Brésil et les États-Unis et l’Union européenne. - Impossibilité d’avancer sur les thèmes du Cycle pour le développement. 13-18 décembre - Adoption du paquet développement à destination des PMA Hong 2005 - Accord de principe sur l’élimination des subventions aux exportations agricoles Kong (2013) - Accord sur la formule de réduction tarifaire dans l’accès au marché des produits industriels - Accord sur les modalités de libéralisation dans les services Source: Abbas M., «Du GATT à l’OMC: Un bilan de soixante ans de libéralisation des échanges», NOTE DE TRAVAIL N° 35/2007, Laboratoire d’économie de la production et de l’intégration internationale, 2007, p. 08. Malgré l’échec total de la conférence ministérielle en 2003 en raison d'affrontement Nord-Sud, en particulier entre la coalition États-Unis/Union européenne (qui avaient, juste avant la conférence, adopté une position commune sur l'agriculture) et le Groupe dit des 21, emmené par la Chine, le Brésil et l'Inde et ayant pour principal objectif le démantèlement des subventions agricoles imposées par les deux grands ensembles occidentaux. C’est le 31 juillet 2004 que les membres de l’OMC se sont mis sur un accord cadre qui porte essentiellement sur l’agriculture, l’accès au marché pour les produits non agricoles, les services de développement et la facilitation des échanges. L’accord final couvre aussi le commerce et l’environnement, le règlement des différends, les indications géographiques et les règles antidumping. De même à Hong-Kong 2005, lors de la 6eme conférence ministérielle de l'OMC, les membres de l'OMC se mettent d'accord pour supprimer toutes les subventions aux exportations agricoles à l'horizon 2013. En juillet 2006, les négociations ont été officiellement suspendues suite aux désaccords sur la question de baisse des subventions et des droits de douane agricoles. Une réunion de la dernière chance, entre les États-Unis, l'UE, le Brésil, l'Inde, l'Australie et le Japon est alors organisée sans aucun résultat et la baisse des droits de douane à l'importation sur les produits agricoles et la baisse 1 Nyahoho. E et P.P Proulx, Op.cit, p. 403. 69 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC des subventions agricoles sont gelées1. La Conférence ministérielle de l’OMC ne s’est pas réunie depuis. Les tensions avec les pays du Sud qui se sentent floués augmentent une nouvelle fois et la crainte d’un échec et de l’abandon du Programme de Doha pourrait expliquer ces décisions de l’Organisation2. Les négociations ont repris dans tous les domaines en février 2007, à la suite de la demande exprimée au Forum économique mondial, à Davos, par les représentants de près de 30 pays membres. Le printemps 2007 a ainsi été marqué par l’intensification des négociations et le ralliement de certains PED autour du Brésil et de l’Inde afin de réitérer leur volonté d’en arriver à un accord satisfaisant. Réunis en Allemagne, le 22 juin 2007, les responsables des négociations commerciales internationales des États-Unis, de l’Union européenne (UE), du Brésil et de l’Inde, qui s’étaient réunis à Postdam, n’ont pas trouvé de compromis sur l’agriculture et sur l’accès au marché non agricole des PED, compromis qui aurait permis la relance de cette négociation. Les conditions de cet échec, en lui-même peu surprenant, méritent d’être soulignées. D’une part, ces quatre puissances, regroupées dans ce qu’il est convenu d’appeler le G4, sont devenues l’instance clé de la négociation alors que, précédemment, la partie se jouait entre les États-Unis et l’UE, les pays du Sud étant relégués à la marge. D’autre part, le désaccord a opposé le Brésil et l’Inde d’un côté, les États-Unis et l’UE de l’autre, donc un schéma Sud contre Nord, alors que les précédents cycles de négociations avaient été dominés par l’opposition entre l’UE et les États-Unis3. En Juillet 2008 et dans l'espoir de sauver les négociations de l'enlisement et de boucler l'ensemble du Cycle de Doha avant la fin de l'année 2008, une réunion ministérielle des 153 pays membres de l'OMC a été évoquée à Genève pour proposer un projet de compromis sur les principaux points de la négociation suivante: - En matière de soutiens internes, les États-Unis réduiraient de 70%, à 14,5 milliards de dollars, leurs subventions agricoles et l'Union européenne diminuerait les siennes de 80%, à 24 milliards d'euros. En outre, les subventions agricoles seraient réduites, dans un délai de cinq ans, de 80 % pour l'Union européenne, de 70% pour les États-Unis et le Japon et de 50 % à 60% pour les autres pays développés; - En matière d'accès au marché, l'UE réduirait de 70% ses droits de douane agricoles les plus élevés, contre une baisse de 36% pour les PED. Les pays les moins avancés (PMA) n'auraient pas à diminuer les leurs; - Ce projet de compromis prévoyait des exceptions: pour atténuer les effets de la réduction de leurs droits de douane, les pays développés pourraient, sous certaines conditions, mettre 4% de leurs produits dits « sensibles » à l'abri d'une telle baisse; les PED 5,3%. En outre, ces derniers pourraient limiter la baisse des droits sur 12% de l'ensemble de leurs produits, parmi lesquels 5% seraient exemptés de toute diminution. Un mécanisme de protection dit « mécanisme spécial de 1 Hyeans A., «La douane au cœur de la stratégie internationale des entreprises: Du contrôle au partenariat», Edition l'harmattan, Paris, 2013. p. 17. 2 Sawadogo M. et G. Chevarie, «Suivi des négociations commerciales internationales menées dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC)», Rapport de la Commission de la coopération et du développement de l’Assemblée parlementaire de la francophonie, XXXV Session, Paris, 3 au 6 juillet 2009, p. 04-05. 3 Olivier Louis, «OMC: un nouvel équilibre Nord-Sud?», Politique étrangère, 2007/3 Automne, p. 577-588. 70 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC sauvegarde » permettrait aussi à ces pays de protéger certains produits en cas de forte augmentation des importations; - En ce qui concerne les produits industriels, les droits de douane s'établiraient entre 11% et 12% pour l'Inde et le Brésil contre 3% pour les pays développés. Les pays émergents pourraient protéger jusqu'à 14% de produits « sensibles ». Un mécanisme dit « anti-concentration » viserait toutefois à empêcher un pays de protéger tout un secteur d'activité. Les pays développés auraient cinq ans pour appliquer ces mesures, les pays émergents dix ans et la Chine treize à quatorze ans, en tant que nouveau membre de l'OMC. En raison du désaccord entre les États-Unis et l'Inde sur les importations agricoles, les négociations ont échoué. Le désaccord portait sur la clause de sauvegarde sur les importations agricoles, c'est-à-dire sur la fixation d'un seuil à partir duquel les pays importateurs seraient autorisés à augmenter les tarifs douaniers sur les marchandises pour faire face à une hausse soudaine des importations ou à une baisse excessive des prix. L'Inde souhaitait que le seuil de déclenchement du mécanisme de sauvegarde soit le plus bas possible afin de protéger son agriculture, tandis que les États-Unis estimaient qu'il s'agissait d'un système dangereux susceptible de devenir une arme protectionniste. Le cycle de Doha avait été initié sept ans auparavant, jusqu’alors il s’était révélé impossible de faire l’avancée décisive qui aurait permis de le boucler 1 . Les négociations du Cycle de Doha continuent à traîner en longueur alors même que le chômage, les déficits massifs et des exigences de droits de douane liés au climat menacent de crisper davantage encore les relations commerciales internationales. Les États-Unis insistent pour obtenir plus de concessions des économies émergentes tandis que le Brésil, l’Inde et la Chine accusent les États-Unis de tenter de revenir sur les progrès durement acquis en près de neuf ans de négociations dans le cadre du Cycle de Doha. Les récents progrès accomplis dans le domaine des bananes et des produits tropicaux restent loin de l’ambitieux «paquet du développement» que les pays pauvres escomptaient lors du lancement du Cycle de Doha en 2001. De plus, la probabilité de parvenir rapidement à un accord couvrant les principales préoccupations des PMA telles que les subventions au coton et un régime effectif d’accès aux marchés en franchise de droits et sans contingent demeure très incertaine. Depuis janvier 2010, le Cycle de Doha n’a cessé de patauger. Après avoir laissé passer par deux fois la date fixée pour la conclusion des négociations qui durent maintenant depuis plus de dix ans, les pourparlers sont dans l’impasse. A maintes reprises au cours de l’année, les États-Unis ont demandé aux pays émergents de s’engager à participer à une série d’initiatives visant à éliminer complètement les droits de douane sur certains secteurs. Cette demande de nouvelles concessions a été rejetée par le Brésil, la Chine et l’Inde. Ces pays ont en outre contesté la position états-unienne selon laquelle le projet d’accord de décembre 2008 affectait les États-Unis de manière 1 Abélès M. (Dir.), «Le global-politique et ses scènes», in Abélès Marc. (Dir.), Des anthropologues à l’OMC: scènes de la gouvernance mondiale, CNRS Editions, Paris, 2011 p. 129. 71 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC disproportionnée et ont demandé aux États-Unis de préciser quelles concessions ils étaient prêts à faire en échange d’un meilleur accès aux marchés1. Pendant ce temps, le G33, une coalition de PED, a soumis une série de propositions en faveur d’un «mécanisme de sauvegarde spéciale» grâce auquel ils pourraient défendre leurs producteurs agricoles en cas de brusque hausse des importations ou de chute des prix. En réponse, les États-Unis et d’autres pays exportateurs ont continué de souligner qu’un surcroît de flexibilité pour les PED ne devait pas compromettre la croissance des échanges commerciaux «normaux»2. Après une réunion, en mars 2010, devant tirer le bilan des négociations peu fructueuses, les membres ne se sont réunis pour le reste de l’année qu’au sein de groupes informels. Les négociations de Doha ont également été abordées lors de discussions menées en marge des rencontres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de la Coopération économique des pays d’Asie-Pacifique (APEC), et ont figuré à l’ordre du jour des sommets du G20 de Toronto et Séoul. Lors de ces réunions, pourtant, les décideurs politiques n’ont pu que constater que les intérêts des principales puissances commerciales restaient trop divergents pour parvenir à un accord. Début 2011, le Mexique et le Brésil ont déposé deux projets visant à sortir Doha de l’impasse et prévoyant de possibles compromis sur des domaines de négociation séparés tels que l’agriculture et les biens manufacturés, mais ils n’ont trouvé que peu de soutien au sein de l’OMC. Admettant que les fossés devenaient de plus en plus difficiles à combler, les négociateurs commerciaux ont alors commencé à discuter des possibilités de réaliser un «atterrissage en douceur». La publication de textes révisés en avril 2011 a confirmé les craintes d’absence de progrès. En effet, les présidents de certains groupes de négociation n’ont pu que faire des rapports sur la situation actuelle au lieu d’esquisser de nouveaux projets. Les membres ont alors entamé des débats discrets sur l’élaboration d’un «plan B» alternatif. Selon ce plan, annoncé officiellement en mai, les membres devaient finaliser un «mini paquet» concentré sur les préoccupations des pays les moins avancés (PMA) pour la Conférence ministérielle de décembre et établir un plan de travail pour la résolution d’autres questions en suspens. Devant l’insistance des États-Unis, le paquet a été élargi afin de comprendre également des questions non spécifiques aux PMA. Mais le paquet s’est très vite effondré lorsque les membres se sont révélés incapables de s’entendre sur les objets PMA et non PMA à y inclure. Le consensus s’est avéré hors d’atteinte sur les quatre principaux thèmes que les PMA souhaitaient traiter, à savoir: un accès aux marchés en franchise de droits et sans contingent pour leurs exportations, une dispense spéciale pour les PMA dans le domaine des services, un «pas en avant» sur le coton et une amélioration des règles d’origine. De même, les puissances commerciales ne sont pas parvenues à trouver un accord sur le nombre croissant de questions «non PMA» proposées, dont l’étendue allait des subventions au secteur de la pêche à la facilitation du commerce et à la concurrence à l’exportation3. 1 Bellmann C, J. Hepburn et M. Wilke, «Le système commercial multilatéral face aux défis des politiques publiques globales», International Development Policy | Revue internationale de politique de développement [En ligne], 3 | 2012, mis en ligne le 03 avril 2012, consulté le 16 juin 2012. URL: http//poldev.revues.org/964. 2 Mshomba Richard E., «Africa and the World Trade Organization», Cambridge University Press, USA, 2009, p. 13. 3 Bellmann C, J. Hepburn et M. Wilke, Op.cit. 72 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC En août, le plan destiné à la Conférence ministérielle de décembre 2011 s’était largement éloigné du paquet «PMA plus» prévu : les membres décidèrent alors de se concentrer sur des questions extérieures à Doha et sur un plan de travail ultérieur devant permettre de conclure Doha tout en menant des discussions parallèles sur d’éventuels progrès pour les PMA. Après l'échec de juillet 2008, l'ensemble des membres de l'OMC ont néanmoins continué de déclarer leur engagement en faveur de la poursuite des négociations. À la conférence ministérielle de l'OMC qui s'est tenue à Genève en décembre 2011, les ministres, tout en réitérant leur engagement à conclure les négociations, ont reconnu qu'il était peu probable que l'ensemble des éléments du cycle soient conclus simultanément en tant qu'engagement unique dans un avenir proche. Ils se sont engagés à faire progresser les négociations là où cela était possible, et notamment à se concentrer sur les éléments permettant de parvenir à des accords plus rapidement que par la conclusion complète de l'engagement unique1. L'échec des négociations du cycle de Doha traduit la difficulté à mettre en place un système commercial multilatéral fort fondé sur des règles. A ce stade, il est difficile de prévoir quand les négociations pourront aboutir. En attendant, cet échec favorise la multiplication des accords bilatéraux dont les pays les plus pauvres risquent de pâtir. La huitième conférence ministérielle de l'OMC qui s'est tenue à Genève du 15 au 17 décembre 2011 a approuvé les adhésions de la Russie, du Samoa et du Monténégro. Les ministres des 42 parties à l'accord plurilatéral sur les marchés publics (AMP), y compris l'UE, ont adopté le texte renégocié de l'AMP visant à garantir une meilleure discipline concernant l'adjudication des marchés publics. Pour mieux comprendre les raisons de la situation de blocage actuelle, il s’avère utile de revenir en arrière sur certains des débats ayant précédé le lancement du cycle de Doha2: * Entre la première conférence ministérielle de l’OMC à Singapour en 1996 et l’adoption de la déclaration ministérielle de Doha lançant le cycle en décembre 2001, de nombreux PED se sont opposés au lancement d’un tel cycle. Ils affirmaient que l’agenda dit «intégrer» de l’OMC (les négociations sur l’agriculture et les services à partir de 2000 et l’examen déjà prévu de plusieurs autres accords) était suffisant pour «occuper» tout le monde et faire avancer le programme de libéralisation. En outre, à la différence de son prédécesseur le GATT, qui était un arrangement temporaire nécessitant donc un mandat de la part de ses parties prenantes afin de lancer toute négociation, l’OMC est une institution permanente avec un mandat clair, y compris pour les négociations. Les principaux «demandeurs» étaient les pays centrés sur l’agriculture - d’une part l’UE, soutenue par d’autres pays européens et le Japon qui souhaitait l’ajout d’autres questions pour faire passer la pilule amère de l’agriculture dans l’agenda intégré, et d’autre part, les principaux pays exportateurs du groupe de Cairns, qui craignaient que, sans l’addition de ces dites questions, les améliorations au niveau de l’agriculture ne soient que marginales. 1 Armanovica Marika, «L'Union européenne et l'organisation mondiale du commerce (OMC)», Janvier 2012, (www.europarl.europa.eu/ftu/pdf/fr/FTU_6.2.2.pdf) 2 Kaukab Rashid. S, «Quel futur pour le cycle de Doha ? L’OMC à la croisée des chemins», Rapport - Éclairage sur les Négociations, N°9, Vol 10, Décembre 2011, ICTSD, International Environment, Châtelaine, Geneva, p. 03. 73 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC * Le rôle de base de l’OMC, était de fournir un environnement stable, prévisible et propice à la conduite du commerce international, d’où le rôle essentiel de ses comités et conseils périodiques, comme l’organe d’examen des politiques commerciales (OEPC), l’organe de règlement des différends (ORD), le conseil général (CG) et les conférences ministérielles bisannuelles (CMB). Les négociations en vue d’une libéralisation supplémentaire et de la mise à jour du livre des règles de l’OMC n’avaient pour but que de renforcer cette fonction de base. * Il existait également une certaine inquiétude quant au concept d’engagement unique (EU), son implication pratique étant d’obliger tous les membres, petits ou gros, à participer à l’ensemble des discussions et négociations de l’OMC et à prendre des engagements. Bien que valable au plan conceptuel, et constituant un rempart contre le parasitage par certains, il reste difficile à opérationnaliser sans que chacun n’accepte d’avancer à la vitesse du membre le plus lent, ou sans négociations longues et compliquées entre l’ensemble des membres. A son tour, Franck Petiteville, souligne que «la diplomatie commerciale multilatérale aurait due en être changée et canalisée par les organes permanents de l’OMC…Plus fondamentalement, chacun attendait de l’OMC une plus grande « fonctionnalité » par rapport au GATT… mais le bilan au cours de ses quinze années apparaît notoirement inconsistant par rapport à celui de GATT». Le plus étonnant dans cette évolution est le sujet de la capacité de l’OMC a occupée à ça titre une place centrale dans ce que l’on a désormais coutume d’appeler la gouvernance de la mondialisation, le même auteur n’a pas osé a posé la question suivante : « Faut-il en déduire pour autant que les organisations internationales ne sont pas toujours plus efficaces que les régimes internationaux, ou bien que l’intégration institutionnelle ne constitue pas nécessairement la voie d’un multilatéralisme plus fonctionnel ?»1. 1.6- L’OMC et la gouvernance globale du commerce : Quelle Future? Depuis la création du GATT en 1947 et de l’OMC en 1995, le système commercial multilatéral a été reconnu comme une partie essentielle de l’architecture de la bonne gouvernance dans le monde. Avec les autres institutions de Bretton Woods, l’OMC a relativement connu plus de succès que ses semblables dans le domaine de la mise en place d’un système de prise de décisions plus démocratique. Toutefois, ce succès a été le résultat d’un processus de croissance lent et pénible. En effet, réagissant à quelques échecs majeurs (Seattle et Cancun), l’OMC a continué à apprendre et à améliorer son système de prise de décisions2. Bien que le cycle de Doha ait été lancé afin de restaurer la légitimité de l’OMC, sérieusement mise à mal lors de la conférence catastrophique de Seattle (1999) 3 , la paralysie du cycle de négociations de Doha, engagé il y a 12 ans et non abouti, pose la question du futur de l’OMC et suscite des débats intenses entre les experts, les chercheurs et les diplomates. Toutefois, malgré que le déroulement des négociations du cycle de Doha semble lent marqué par des échecs successifs et il n'arrive toujours pas à se mettre d’accord sur de nouvelles règles commerciales au sein de l’OMC. 1 Petiteville Franck, «la Mondialisation prise au piège de l’OMC», in Laroche Josèpha (Dir.), Un monde en sursis, Edition L’Harmattan, Paris, 2009, p. 94. 2 Cameron H., D. Njinkeu, «L'aide pour le commerce et le développement», Edition l’Harmattan, Paris, 2009, p. 81. 3 Abbas M., «Le cycle de Doha n’aura pas lieu», La Chronique des Amériques, N°14, Septembre 2008, p. 8. Disponible sur (http//www.ieim.uqam.ca/spip.php?page=article-ceim&id_article=4438) 74 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Cette dernière continuera à fonctionner selon les règles adoptées lors des cycles précédents, qui s’imposent toujours aux 159 pays membres. Ces accords qui fixent les règles de jeux même entre les principaux acteurs, de même, l'OMC continuera à attirer de nouveaux membres, comme l’accession récente de la Russie et les efforts de l'Algérie pour entrer dans l’Organisation. L'OMC n’est pas en danger car à l'aide de son mécanisme de règlement des conflits elle apporte un avantage réel à tous les pays membres pour résoudre et régler leurs conflits commerciaux et les désaccords qui surviennent sous la réglementation actuelle1. Afin de faire s'adapter et se mettre en conformité avec les nouvelles règles commerciales et aux modifications qui découlent des accords antérieurs. Dans le cadre de GATT/OMC. La suppression progressive, du système de quotas qui réglementait le commerce de l’habillement et du textile par exemple, n'a commencé à être exécutée que récemment (en 2005) malgré son engagement durant l'Uruguay Round. La Chine vient juste de mettre en place la réforme complète de ses droits de douane et d’autres réglementations qu’elle s’était engagée à promulguer dans les cinq ans, condition à son admission à l’OMC en 2001. Ces exemples de changements montrent que des grands progrès dans l’économie mondiale sont en cours pour s’adapter aux règles de GATT/OMC. Le commerce mondial de marchandises augmente depuis 1950 à un rythme plus rapide que le PIB mondial. Ce constat général s’applique aussi à toutes les catégories de pays. Corrélativement, les diverses économies sont de plus en plus extraverties. Le commerce mondial a encore un vaste espace pour continuer à croître avec les règles actuelles, ce qui est confirmé dans les deux tableaux ci-dessous, qui montrent le développement du commerce depuis la conclusion du GATT et l'OMC2: Tableau I-08 : Évolution du commerce international et du PIB mondial 1967 – 2009 (à prix courants, taux de croissance annuel moyen, en %) en milliards de dollars taux de croissance annuel moyen, % 2009 1967-77 1977-97 1987-97 1997-09 1967-09 Commerce mondial 14 690 17,8 8,3 8,3 8,3 10,3 Primaires 1 914 19,4 3,2 5,4 11,3 9,4 Industrie 8 503 17,5 9,9 9,1 7,1 10,5 Services 2 926 17,8 9,4 8,2 8,9 10,7 58 125 12,2 8,6 6,1 6,7 8,2 PIB Mondial Source : CEPII, bases de données CHELEM-commerce international, CHELEM-PIB et CHELEM-balance des paiements. 1 2 Polaski Sandra, «L'OMC n'est pas en danger», L'Économie politique, 2007/3 n° 35, p. 18-26. Frédéric Teulon, «Les nouvelles tendances du commerce international», Op.cit., p. 36. 75 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC L’intégration des pays du Sud dans le commerce mondial se fait en ordre dispersé: dynamisme de l’Asie qui contraste avec le recul relatif de l’Amérique latine et de l’Afrique. La part de marché des pays du Moyen Orient dépend étroitement de l’évolution du prix du pétrole. Les problèmes d’insertion commerciale des pays africains et de nombreux pays d’Amérique latine renvoient à des spécialisations peu pertinentes et à la faiblesse des échanges intra-régionaux1. Tableau I-09: Les exportations de marchandises depuis 1948 (Mds de $ et %) Zone 1948 1973 1993 2007 48 580 3 600 11 700 Monde en valeur (Mds de $) PDEM (%) 62.7 70.7 71.9 62.4 27.2 16.9 19.6 10.6 Amérique du Nord Etats-Unis 21.6 12.1 12.2 8.1 Canada 5.5 4.5 3.8 3.0 31.4 45.3 43.9 44.2 Europe Royaume-Uni 11.3 5.0 4.8 3.2 France 3.5 6.3 5.8 4.0 Allemagne 1.35 11.6 10.0 9.4 Japon 0.4 6.3 9.5 5.0 PED et pays en transition (%) 37.3 29.3 28.1 37.6 Mexique 0.9 0.4 1.4 1.9 Brésil 2.0 1.1 1.0 1.2 Argentine 2.8 0.6 0.4 0.4 Chine 0.9 1.0 2.5 7.5 Inde 2.2 0.5 0.6 0.9 4.2 5.5 4.2 7.0 Zone MENA 7.3 4.8 2.5 2.8 Afrique Ex-URSS 1.3 6.8 1.6 2.5 Source: Secrétariat de l'OMC. et http://unctadstat.unctad.org/TableViewer/tableView.aspx (consulté le 27 janvier 2013). 2010 2012 14 855 57.9 13.22 8.3 2.5 37.87 2.7 3.4 8.2 5.0 42.1 1.9 1.44 0.4 10.3 1.5 7.4 3.36 2.6 17 850 55.4 13.29 8.4 2.4 35.70 2.6 3.0 7.6 4.3 44.6 2.0 1.36 0.4 11.2 1.6 8.9 3.5 2.9 Sur ce sujet, l’économiste Stiglitz J.E. et Laurent Éloi résument : «Que le cycle de Doha soit finalement couronné de succès ne changera pas grand-chose pour la plupart des PED. Quelle qu’en soit l’issue, il est en effet désormais acquis que les pays développés n’ont pas été à la hauteur de leurs propres engagements pris à Doha, de même qu’ils n’ont pas tenu la promesse d’un commerce international qui favorise le développement. Le risque est aujourd’hui que, si le cycle de Doha se conclut par un accord, il soit considéré comme "le cycle du développement", ce qu’il n’est pas»2. Donc, pour garantir sa légitimité et la durabilité de ses décisions, l’OMC doit s’inspirer de son expérience pour développer un système de prise de décisions plus ouvert et démocratique qui contribue à une meilleure gouvernance dans le monde3. 1 Frédéric Teulon, «Les nouvelles tendances du commerce international», Op.cit., p. 36. Stiglitz J. E. et Laurent Éloi, «Le « Shadow G8 » 2007», Revue de l'OFCE, 2007/3 n° 102, p. 139-154. 3 Cameron H, D. Njinkeu, Op.cit., p. 82. 2 76 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC 2- Les PED et les jeux d'alliances au sein de l’OMC. Au sein de l’OMC, et comme le souligne à son tour M. Abbas, « les différentes Alliances et coalitions, et autres réunions plus ou moins formelles peuvent être interprétées comme autant de tentatives d’établir un nouveau groupe hégémonique en mesure de donner une impulsion positive aux négociations »1. La formation de coalitions par les PED dans les négociations commerciales multilatérales est devenue très active. Mais il y a eu peu de recherches concernant la façon dont cela a été faite, et quels sont ces résultats, ou ce qui influe sur ces résultats ? En abordant ces questions, on va essayer d’identifier les choix stratégiques effectués par ces alliances et leurs influences sur le processus et les résultats des négociations commerciales multilatérales. 2.1- La faiblesse historique des PED au sein de l’OMC. Parmi les signataires du GATT en 1947, onze États étaient des PED. Leur nombre a progressivement augmenté. Au début du cycle d’Uruguay, en 1986, seuls 63 PED étaient membres du GATT, alors qu’au lancement du cycle de Doha, en 2001, près des deux tiers des 144 États Membres étaient des PED. Ces derniers atteignent maintenant une majorité significative dans l’OMC. Cette majorité des PED au sein de GATT/OMC, aurait pu représenter un avantage sérieux dans les processus de négociations, puisque dans l’OMC, chaque pays compte pour une voix. En réalité, ils n’ont jamais tiré profit de cette majorité, car les décisions étaient prises non pas à la majorité mais sur la base du consensus, qui implique qu’aucun État présent à une négociation ne peut s’opposer à une proposition. Selon Cornelia Woll, cette procédure a placé les PED dans une position de faiblesse pour plusieurs raisons2: - Certains d’entre eux parmi les moins avancés n’avaient pas les moyens d’entretenir une délégation permanente à Genève et ne pouvaient assurer une participation continue aux réunions de l’organisation ; - Les votes ne se faisant pas à bulletin secret, les PED pouvaient craindre qu’une opposition officielle de leur part n’entraîne des mesures officieuses de rétorsion à leur égard. La résistance passive, en revanche, ne pouvait mener à rien dans le système du GATT, car le silence y était interprété comme l’expression d’un consensus; - Enfin, les réunions préparatoires en petit comité, appelées «réunions de la chambre verte», se tenaient à la seule initiative du directeur général de l’organisation et, de ce fait, les PED se voyaient souvent maintenus à l’écart des débats importants. Pourtant, le nombre des PED au sein du GATT/OMC ne cesse d’augmenter car le rejet de faire partie des négociations commerciales multilatérales leur aurait coûté très chers. En dépit de la lacune entre l’égalité procédurale affichée par le système du GATT et l’équité dans les résultats réclamée par les PED, ceux-ci maintinrent donc leur adhésion dès les années 70 à ce qu’il peut être perçu comme un «club de riches», pas principalement de par sa composition mais surtout de par ses 1 Abbas M., «Du GATT à l’OMC: Un bilan de soixante ans de libéralisation des échanges», NOTE DE TRAVAIL N° 35/2007, Laboratoire d’économie de la production et de l’intégration internationale, 2007, p. 10. 2 Cornelia Woll, «Les stratégies des pays émergents au sein de l’Organisation mondiale du commerce», in, Christophe Jaffrelot (Dir.), L'enjeu mondial», Presses de Sciences Po « Annuels », Paris, 2008, p. 276. 77 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC préoccupations directement inspirées de la crise des années 1930 et de ses dérives protectionnistes 1. Faisant la distinction entre les forums et les enjeux, ils avancèrent toutefois sur le terrain du développement économique au sein d’autres enceintes internationales. En 1961, l’ONU lança la première «Décennie du développement des Nations unies» et, en 1964, créa la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) qui est chargée de recenser et d’évaluer les interactions entre commerce et développement économique. Au même moment, l’Algérie avec d’autres PED créèrent un groupe informel le G77, pour défendre des intérêts économiques communs et à présenter une alternative au forum intergouvernemental des pays démocratiques les plus industrialisés G7, qui est devenu depuis le G8. La CNUCED ne passe pas sans suite, progressivement, elle influence sur la scène internationale. Après de longues années passées par les PED dans l’ombre du GATT, il a été mis en place au sein du GATT, une Commission sur le commerce et le développement en faveur des PED et en 1965, une nouvelle partie sur le commerce et le développement (la partie IV) est ajoutée au GATT, qui autorise officiellement le traitement non-réciproque pour les PED. Dans les années 1970, le GATT consentit à l’abandon de la clause NPF au profit d’un Système de préférence généralisé (SPG) permettant aux États membres d’accorder des mesures commerciales préférentielles à des PED, à condition que celles-ci soient généralisées sans discriminatoires à tous les PED, bien que ces changements n’entraînent aucune modification des principes fondamentaux du GATT. Durant l’Uruguay Round (1986 - 1994), les négociations commerciales ont été dominées par les États-Unis, l'UE, le Japon, le Canada et l'Australie. Sans surprise, la plupart des études analysant le cycle de négociations commerciales multilatérales d’Uruguay se concentrent principalement sur les États-Unis et l'Union européenne 2 . Mais et selon Cornelia Woll, les PED pendant ce cycle ont entrepris à modifier leur stratégie et ce pour plusieurs raisons, dont3: - les PED ressentent la nécessité de la libéralisation économique et le besoin de négocier des accords commerciaux qui leur permettraient de faire face à la récession économique et à la crise agricole des années 1980 ; - les avantages du SPG ne sont pas suffisants pour compenser les défauts du système commercial ; - les barrières douanières non tarifaires sont particulièrement difficiles à dépasser ; - le multilatéralisme assuré par le système du GATT est censé devoir protéger les PED contre le «multilatéralisme sauvage» dont font preuve, par exemple, les États-Unis. 1 Deblock C. et H. Régnault, « Les enjeux théoriques des nouvelles relations Nord-Sud », in C. Deblock et H. Regnault (Dir.), Nord-Sud : la reconnexion périphérique, Athéna Éditions, Montréal, 2006, p. 11. 2 Eugénia da Conceição-Heldt, «Negotiating Trade Liberalization at the WTO: Domestic Politics and Bargaining Dynamics», First published, Palgrave Macmillan, UK, 2011, p. 09. 3 Cornelia Woll, Op.cit., p. 276. 78 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC 2.2- Les jeux d'alliances au sein de l’OMC. La position de L’OMC dans l’architecture de la gouvernance de l’économie mondiale est unique, puisque elle est la seule institution qui adopte le principe «un pays, une voix». Les négociations et les règles de cette jeune organisation fondées sur le consensus devraient en principe avantager premièrement les pays développés. La règle du consensus a longtemps marginalisé les PED, qui pouvaient craindre des mesures de rétorsion en cas d’opposition aux propositions des pays de la Quadrilatérale. Afin d’augmenter leur pouvoir de négociation et de diffuser les menaces de rétorsion, un autre système pour l'établissement d'un consensus, qui est formé des séries imbriquées des cercles non concentriques, est la pratique informelle de la formation de coalitions et d'alliances entre les pays membres de l'OMC pour les permettent de parler par une seule voix sur une question particulière et pour mieux se faire entendre dans les négociations au sein de l’OMC. Les enjeux spécifiques auxquels les PED font face et leur limite de pouvoir de négociation dans l’enceinte du GATT/OMC font des alliances et de coalitions des instruments particulièrement cruciaux pour avoir des diplomaties efficaces dans les négociations internationales face aux pays riches et puissants 1. Les mesures passées précédemment ne suffiront pas à faire participer pleinement les PED au fonctionnement quotidien de l'OMC, au-delà de ce qui est prévu dans les textes du GATT/OMC. Les PED devront donc davantage miser sur la coopération et la formation d'alliances. D'ailleurs, force est de constater que les conférences ministérielles de l'OMC sont d'ores et déjà soumises à une nouvelle logique d'alliances mouvantes, que l'on retrouve désormais dans l'ensemble des enceintes internationales. Deux types de coalitions ont existé au cours des négociations commerciales multilatérales précédentes. Les coalitions de blocage sont les plus anciennes qui regroupent des pays partageant des affinités économiques, politiques et idéologiques et qui réclament des concessions de la part des pays développés, dont l’archétype est le G77. Dans les années 1980, on voit apparaître des autres coalitions de type sectorielles, qui associent des pays développés avec des PED autour d’un objectif ponctuel et thématique, par exemple l’inclusion des services dans les négociations du cycle d’Uruguay pour la coalition Café au lait, ou la libéralisation agricole pour le groupe de Cairns2. Au sein de l’OMC, la pratique des alliances et coalitions sont nombreuses et hétérogènes qui découle initialement de l'ère du GATT3. Réellement, le processus d'établissement d'un consensus peut se concentrer autour d'un seul représentant ou d'une équipe commune de négociations, c'est-àdire, ces alliances et coalitions parlent le plus souvent d’une même voix par l’intermédiaire d’un porte-parole (fixe ou bien assigné par rotation) ou d’une équipe de négociation 4 . Ce qui est novateur, c'est le caractère mouvant de ces ententes, souvent désigné par un sigle "G-X" et qui se composent et se décomposent au gré des intérêts en jeu5. 1 Narlikar A., «International Trade and Developing Countries: Bargaining coalitions in the GATT & WTO», 1st published, Routledge, 2003, p. 10. 2 Enrique Ventura, OP.cit., p. 366. 3 Siaka KONÉ, Op.cit., p. 156. 4 Mary e. Footer, «The WTO as a ‘living instrument’: the contribution of consensus decision-making and informality to institutional norms and practices», in, Thomas Cottier and Manfred Elsig (Dir.), Governing the World Trade Organization: past, present and beyond Doha, First published, Cambridge University Press, 2011, p. 232. 5 Keiffer B., Op.cit, p: 82. 79 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Une coalition ou une alliance entre les membres de l'OMC qui s'engagent, est habituellement formé afin de «défendre une position commune dans une négociation par une coordination explicite». Ces coalitions et alliances peuvent également servir de la fonction de création d'un compromis ou d'une éventuelle impasse, elles renforcent le pouvoir politique et économique des pays les plus faibles face aux pays développés. Généralement, les enjeux spécifiques auxquels font face les pays de l’OMC déterminent la composition, la stratégie et les positions des différents groupes de négociations. Les PED, forts de leur puissance numérique et de leur poids économique croissant, n'hésitent plus à bloquer des négociations à l'OMC quand ils en estiment l'orientation contraire à leurs intérêts. Il s'agit d'un développement qui n'est pas sans rappeler celui enclenché, il y a plus de cinquante ans, à l'ONU. Aujourd'hui, alors que le consensus s'est imposé comme mécanisme de prise des décisions dans quasiment toutes les enceintes universelles, il faut se rendre à l'évidence que le droit international ne pourra plus être un droit européen ou américain simplement internationalisé. Lentement, la mondialisation commence à mériter son nom1. En l'absence de camps figés et de majorités automatiques, la recherche du consensus est bien plus qu'un exercice de pur style. Pour rassembler assez de poids de leur côté de la balance, les membres de l'OMC, désormais, n'hésitent plus à s'allier au-delà de leurs allégeances traditionnelles. Malgré l'apparition, au plus tard à la conférence de Cancun, d'un clivage Nord-sud, la structure des alliances est bien plus complexe. Le groupe de Cairns, entité que l'on pourrait qualifier à la fois de "transrégionales" et d'"intercatégorielle" en raison de sa composition par des pays aussi différents que le Canada et la Bolivie, en fournit une illustration probante2. 2.3- Evolutions des alliances et coalitions des PED dans le cycle de Doha. Historiquement, la divergence des intérêts des pays au sein du GATT à profondément divisés les PED, même quand il y’avait un intérêt commun fort, ceci n’a pas pu garantir suffisamment une représentation conjointe. Au début des années 1980, lorsque les pays industrialisés ont proposé un programme de négociations, de nouvelles alliances ou coalitions entre les PED ont vu le jour pour lui permettre de déstabiliser la domination des pays développés dans le vue d’arraché le maximum d’accords qui donnera un nouveau souffle au PED sur la scène de l'économie mondiale3. Si on examine les différents modèles de coalitions des PED qui ont évolué lors du lancement de l’Uruguay Round, en 1986, jusqu’ le Doha Round on constate que le but des PED de ces discussions commerciales multilatérales est de défendre leurs intérêts propres. Pour eux, la négociation collective est un jeu qu’ils peuvent utiliser peut réduire les obstacles et les contraintes auxquelles ils sont confrontés dans la négociation, accroître leur chance d'influencer l'ordre du jour et les résultats des négociations à plusieurs égards et enfin, pour influer sur les résultats des négociations commerciales multilatérales. 1 Keiffer B., Op.cit., p: 25. ibid., p. 90. 3 Narlikar A., «All’s fair in love and trade? Emerging powers in the Doha Development Agenda negotiations», in, Donna Lee and Rorden Wilkinson (Dir.), The WTO after Hong Kong- Progress in, and prospects for, the Doha Development Agenda», first published, Routledge, Abingdon, Royaume-Uni, 2007, p. 198. 2 80 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC Les groupes informels des PED ont émergé au sein de l'OMC, d’une manière spectaculaire dans l’objectif est de garantir de travailler ensemble pour leurs intérêts commun. C'est particulièrement pendant le cycle de Doha, ou plus de quarante coalitions ou d’alliances différentes ont présenté des propositions ou négociés avec une position commune d'une sorte ou d'une autre. Ces alliances continuent d’exercer des pressions pour faire avancer quatre grandes questions : les droits de douane agricoles, l’aide que les pays développés apportent à leurs agriculteurs, les subventions aux exportations agricoles et le assurer aux PED un traitement spécifique et différencié1. En vue de changer le comportement des PED dans le domaine commercial, ces coalitions ont participé à aider les PED pour renforcer, leur positions de négociation, leur propositions où leur compréhension des questions qui autrement pourrait être faible. En mettant en commun les ressources, ces pays peuvent avoir un meilleur accès à l'assistance technique, de partager des informations, et de recueillir plus d'intelligence politique et diplomatique. Au cours de l’Uruguay Round, en insistant sur la nécessité d’inclure dans les négociations du GATT l’agriculture et le textile et en contribuant aux discussions sur les services, les PED ont pour la première fois œuvrée au renforcement du cadre multilatéral, au lieu d’appeler à l’abrogation du GATT pour des raisons de développement économique. Figure I-02: Jeu des alliances entre les pays membres lors du cycle de Doha. Source: Fontagné L, S. Jean, «OMC: bas de cycle», La lettre du CEPII, n° 226, septembre 2003. L’émergence d’alliances et de coalitions entre les PED a instauré un contrepoids plus efficace à la puissance de l’UE et des Etats-Unis, ce qui représente des opportunités aux PED pour un partage de leadership2. Dans le cycle de Doha, un troisième type de coalition serait apparu, correspondant à 1 Trépant Inès, « Pays émergents et nouvel équilibre des forces », Courrier hebdomadaire du CRISP, 2008/6 n° 19911992, p. 6-54. 2 Cameron H., D. Njinkeu, Op.cit., p. 82. 81 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC un processus d’apprentissage social de la part des PED. Ce type mixte associerait cohésion idéologique et revendication sectorielle, permettant ainsi d’assurer l’unité et l’efficacité de la coalition. Il reposerait enfin sur des efforts importants de recherche, le partage d’information au sein de la coalition et le dialogue avec la société civil. L’évolution des coalitions de PED traduit ainsi un apprentissage des règles institutionnelles du GATT puis de l’OMC, et l’adoption de stratégie plus efficaces que les attitudes dénonciations des coalitions de blocage, visant à participer activement aux négociations afin de défendre ses intérêts. Ces stratégies offensives sont introduites notamment par les pays émergents qui commencent à développer des intérêts offensifs et souhaitent voir les règles du multilatéralisme commercial s’appliquer à l’agriculture et au textile. C’est dans ce contexte d’évolution et d’adaptation institutionnelle que doit être située la création du G201. En général, si le cycle de Doha est objectivement dans une impasse, les PED sont devenus l’un des acteurs centraux des négociations du cycle de Doha grâce à l’exploit de ces Alliances et coalitions, qui sont maintenues depuis 2003 et qui ont surpris la plupart des analystes, et ont permet avec l’apparition d’un ordre commercial multipolaire et la naissance des pays émergents (BRICS) comme des nouvelles puissance dans les flux de commerce mondiaux, de donnés à ces pays un poids supplémentaire dans la négociation du cycle de Doha2. Et d'après la Figure I-03, on voit de quelle façon la part des échanges Nord/Nord s’est réduite au cours des 20 dernières années, en même temps que la part des échanges Nord/Sud et des échanges Sud/Sud a augmentée. Si les tendances observées ces dernières années devaient persister, d’ici 2020, la part des échanges Sud/Sud devrait passer à 34%, contre 24% en 20113. Figure I-03: Parts du commerce nord/nord, nord/sud et sud/sud dans les exportations mondiales de marchandises, 1990‑2011 (% du commerce mondial) Source: Secrétariat de l’OMC. 1 Enrique Ventura, Op.cit. p. 366. ibid., p. 365. 3 OMC, «L’avenir du commerce: Les défis de la convergence», Rapport du Groupe de réflexion sur l’avenir du commerce convoqué par le Directeur général de l'OMC, 24 avril 2013, p. 22. 2 82 Chapitre I: Le système commercial multilatéral: Du GATT à l'OMC L’augmentation des parts des PED dans les échanges et les investissements internationaux est une caractéristique marquante de la croissance globale des mouvements internationaux de produits et de facteurs de ces dernières années. Sans le commerce et l’investissement étranger, il est difficile d’imaginer comment certaines économies émergentes auraient pu afficher une croissance aussi forte que celle que nous avons observée. D’après la Commission sur la croissance et le développement, 13 économies ont enregistré une croissance moyenne du PIB égale ou supérieure à 7% pendant ces 30 dernière années. Dix de ces économies étaient en Asie, une en Afrique, une en Europe et une en Amérique latine. Ces économies et d’autres du même type ont prospéré non seulement en tant que fournisseurs de produits, comme cela aurait été le cas par le passé, mais aussi en tant que producteurs de biens manufacturés et de services toujours plus pointus. En termes de parité de pouvoir d’achat, les économies des PED tous spécialement les pays émergents représentent aujourd’hui presque la moitié du PIB mondial. De même, elles sont devenues des destinations et des sources des IDE. Généralement, au sein du GATT puis l’OMC, et en termes de réductions tarifaires, on peut conclure que les pays développés ont fait bien un meilleur avancement que la plupart des économies en développement. Cependant, ils n'ont pas réussi à mettre en pratique ce qu'ils proclament dans deux autres aspects1: - Tout d'abord, tout en poussant les PED à réduire les barrières tarifaires, ils ont été l'érection de nouvelles formes de barrières commerciales. Le meilleur exemple est les mesures de recours commerciaux, qui ont été un instrument de la politique commerciale favori employée par les ÉtatsUnis et l'UE ; - Deuxièmement, les pays développés changent continuellement les règles du jeu pour les PED. Dans un premier temps, ils ont poussé les PED à réduire leurs droits de douane pour promouvoir l'industrialisation. Lorsque les PED sont devenus concurrentiels dans les activités manufacturières, les pays développés ont levé le jeu en essayant d'introduire dans l'équation les questions non commerciales, telles que les règles d'investissement, la politique de concurrence et les normes environnementales. Et lorsque les PED ont refusé d'accepter ces règles à l'OMC, ils se sont tournés vers les ALE. Actuellement, au sein du GATT puis l’OMC, les coalitions et les alliances réalisé entre les PED est un autre message a traité au pouvoir croissant de ces dernier au sein de l’OMC d’où la nécessité pour l’Europe et les Etats-Unis de s’adapter à cette situation nouvelle, et selon Abélès M, en reprenant la déclaration de ministre brésilien Amrim proclama : « dans le passé, l’OMC était l’affaire des Etats-Unis et de l’Europe ou au mieux du Quad ; maintenant c’est un système commerciale plus complexe. Vous devez maintenant considérer les PED comme une force ». Ces analyses n’ont pas été partagées par la représentante des Etats-Unis et elle minimisait l’impact de ces alliances et coalition2. 1 Gao Henry, «The shifting stars: the rise of China, emerging economies and the future of World Trade Governance», in, Ricardo Meléndez-Ortiz, Christophe Bellmann and Miguel Rodriguez Mendoza (Dir.), The Future and the WTO: Confronting the Challenges - A Collection of Short Essays, July 2012, ICTSD Programme on Global Economic Policy and Institutions, Geneva, Switzerland, (www.ictsd.org), p. 74-79. 2 Abélès M., Op.cit., p. 137. 83 Chapitre II : L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Chapitre II : L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Dans le chapitre précédent, on a vu les efforts mutuels des pays pour éliminer les obstacles aux échanges. Ces efforts ont été largement partagés (même si les PED et les pays précédemment planifiés n'y ont participé que récemment). Le principe essentiel à la base de ces efforts a toujours été d'éviter des restrictions commerciales discriminatoires. Jusqu'à présent, nous avons supposé que les restrictions applicables aux échanges internationaux sont non-discriminatoires, c’est-à-dire que tous les partenaires commerciaux sont traités de manière égale en matière d'accès au marché. Une telle rade non-discriminatoire est un objectif majeur du système du GATT/OMC, qu’est déjà examinée dans le chapitre précédent, mais il est loin d'être universel. Néanmoins, face à la lenteur des progrès des négociations commerciales multilatérales, beaucoup de pays insistent pour maintenir des relations commerciales privilégiées avec d’autres pays, soit par l’obtention d’une dérogation pour les zones de libre-échange et les unions douanières (article XXIV du GATT) – accords commerciaux régionaux (ACR) dans le langage OMC -, qui sera étendue aux services par les accords de Marrakech (article V du GATS), ces accords ont proliféré dans le monde entier. Soit par le traitement spécial et différencié (TSD) à l’aide de la clause d’habilitation qui constituera une autre exception à la clause NPF en autorisant l’octroi de préférences non-réciproques longtemps négligées aux PED. La cause immédiate du TSD est le système généralisé de préférences (SGP), qui a fourni une voie d'accès préférentiel aux PED éligibles, dans les marchés des pays développés signataires de ce régime. Avec la lenteur des progrès de l'OMC, l'analyse des accords commerciaux préférentiels (ACPr) a toujours été importante, son importance a augmenté plus vite encore quand plusieurs États membres de l'OMC ont décidé de libéraliser bilatéralement et négocier quelques ACPr. Ainsi, dans les deux dernières décennies, plus de 300 ACPr ont été négociés. Ce chapitre, propose une interprétation de l’évolution des ACPr. Notre objectif sera consacré donc à l'analyse générale, structurelle et fonctionnelle, des ACPr. Qui va nous permettre de rendre compte de l’ensemble des formes prises par les processus régionaux dans le cadre de la mondialisation contemporaine et nous allons mettre le point sur les termes du débat sur les ACPr ainsi qu'aux conséquences de ces accords sur le multilatéralisme. 85 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Section 1: Les Accords commerciaux préférentiels. 1- Définition et évolution des ACPr. 1.1- Définitions des ACPr. Le terme accord commercial bilatéral, accord commercial régional, accord de libre-échange, accord commercial réciproque, non réciproque et accord commercial préférentiel sont utilisés à différents moments et de différentes manières. Le terme «union douanière» est également utilisé pour décrire une forme particulière d'accord commercial. Alors que la plupart d'entre eux sont communément appelés accords de libre-échange (ALE), il est important de distinguer les effets de ces accords de «libre-échange». Le libre-échange exige la suppression de tous les droits de douane, quotas, subventions et autres mesures gouvernementales qui faussent les échanges commerciaux. Alors que, l'accord de libre-échange implique des arrangements préférentiels en vertu de laquelle les droits de douane et autres obstacles au commerce sont abaissés (mais pas toujours éliminés), mais seulement au profit des pays parti à l'accord. Les barrières pour les autres pays ne sont pas réduites par l'accord. En tant que tels, les accords de libre-échange peuvent potentiellement fausser les flux commerciaux entre membres et non-membres, ces accords sont appelés en général, des «accords commerciaux préférentiels» (ACPr). Compte tenu des différences terminologiques utilisées par les institutions et les chercheurs. Des précautions doivent être prises lors de la catégorisation des (ACPr)1, dans ce travail, nous utilisons le terme générique de l'ACR (accord commercial régional) pour désigner tous les accords préférentiels réciproques, et le terme ACPNR pour désigner tous les accords commerciaux préférentiels non-réciproques. Cependant, l'Organisation mondiale du commerce (OMC)2, utilise le terme accord commercial régional (ACR) pour tous les accords préférentiels réciproques et elle réserve le terme accord commercial préférentiel (ACPr) pour désigner les accords commerciaux préférentiels non réciproques tels que le système généralisé de préférence (SGP) et l'Africain Growth and opportunity Act (AGOA). Dans le Rapport sur le commerce mondial publié par l’OMC pour l’année 2011, le terme ACPr est utilisé pour tous les accords commerciaux préférentiels réciproques, pour notre travail, le terme ACPr désigné tous les accords commerciaux préférentiels réciproques et non réciproques. De même, pour voir la différence entre les accords commerciaux préférentiels et non préférentiels, la question ici est de nature quantitative plus que qualitative. Mais en général, tous les accords commerciaux (bilatéraux, régionaux ou multilatéraux…etc.) sont préférentiels dans la mesure où les avantages et les obligations qu’ils prévoient ne concernent que leurs membres, les non-membres en étant exclus; ceci vaut même pour l’OMC actuelle, dans la mesure où 24 pays, dont l’Algérie, demeurent en dehors du système. Ce paramètre qui a réellement défini les 1 Rohini Acharya, et All, «Landscape», in, Chauffour J.P., J.C. Maur (Dir.), Preferential trade agreement policies for development: a handbook of the World Bank, Washington, p. 38. 2 La Base de données sur les ACR les ACPr sont consultable sur: http//www.wto.org/french/tratop_f/region_f/rta_pta_f.htm (consulté le 25 octobre 2012). 86 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels différentes phases historiques du système commercial international, c’était l’objectif sous-jacent des pays de développer et ouvrir leurs relations commerciales ou, au contraire, de les limiter1. Un certain nombre de définitions sont possibles. Une définition très large serait de compter tous les échanges entre partenaires d'un accord commercial (AC) comme préférentiel. Par exemple, toutes les importations américaines en provenance du Mexique seraient considérées comme préférentielles, quel que soit le taux NPF appliqué à ces importations. Importations de l'UE en provenance de Chine seraient considérées comme préférentielles parce que la Chine est admissible à certaines préférences du SGP de l'UE. Toutefois, les importations chinoises en provenance de l'UE ne seraient pas considérées préférentielles. Le Rapport sur le commerce mondial publier par l’OMC pour l’année 2011, indique que la part des écoulements préférentiels en utilisant cette définition dont il est confirmé sur le tableau II-01 ci-dessous: que précisément 50% des importations couvertes par l’ensemble de données de l’OMC (hors commerce intra-UE) relèvent de cette catégorie. Lorsqu’ils incluent les échanges intra-UE, ce chiffre s'élève à 64%. Tableau II-01: Commerce préférentiel par importateur, marge préférentielle et taux NPF. Source: OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2011, L’OMC et les accords commerciaux préférentiels: de la coexistence à la cohérence», Genève, 2011, p. 226. 1 OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2011», Op.cit., p. 49. 87 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Une autre définition plus cohérente est de considérer comme préférentiel que les flux commerciaux pour lesquels le tarif applicable est inférieur au tarif NPF. C'est-à-dire tout commerce d'articles pour lesquels un tarif zéro NPF s'applique est exclu, ainsi que le commerce des articles qui ne sont pas couverts par un régime préférentiel. Par exemple, ALENA couvre presque tous les produits, mais une part importante des importations américaines en provenance du Mexique (30%) à zéro les droits de douane NPF. De nombreuses ALE et d'autres régimes préférentiels exclurent une large gamme de produits, comme le régime SGP de l'UE pour la Chine. Au niveau mondial (hors commerce intra-UE), alors que 50% des échanges entre partenaires de l'ALE, les préférences réelles n'existent que pour 16%. Les 34% restants sont soit nulles NPF (25%) ou exclus du traitement préférentiel (9%)1. On pourrait encore affiner la définition du commerce préférentiel en supposant qu'une marge préférentielle minimum est nécessaire pour gagner réellement d'un accès préférentiel. Souvent, les préférences ne peuvent être utilisées sous certaines conditions. En particulier, les règles d’origine doivent être respectées, ce qui peut être coûteux. Ces coûts peuvent être plus élevés que le potentiel d'économie sur les droits, sur lesquels les exportateurs préféreraient peut-être exporter dans le cadre NPF, ou pas du tout. Considérons le commerce comme préférentiel uniquement lorsque la marge de préférence est au-dessus de 3 points de pourcentage. Il existe une abondante littérature sur les coûts d’utilisation de règles d’origine, et avec les estimations de ces coûts étant généralement de l'ordre de 2-5%. Cependant, bien que cela puisse être vrai en moyenne, ce n'est certainement pas vrai pour tous les secteurs. Même de faibles marges préférentielles peuvent rendre la valeur de l'aide d'un régime préférentiel s'ils satisfont aux règles d’origine n'est pas trop coûteux et/ou le taux effectif de protection est élevé. D'autres parts, même les marges de 10-20% peuvent ne pas être suffisantes pour rendre l'utilisation des préférences intéressantes où les règles d'origine sont particulièrement lourdes. Au lieu de définir une marge minimale préférentielle, nous remarquent à quel point le commerce est éligible pour des préférences à différentes gammes de marges préférentielles. Idéalement, il faudrait compter que les flux commerciaux préférentiels comme si la préférence a été effectivement utilisée. Malheureusement, les données sur l'utilisation des préférences ne sont pas disponibles pour la plupart des pays. Une étude se penche sur l'utilisation des préférences aux États-Unis et de l'UE. Ses conclusions sont que, dans ces pays, les taux d'utilisation sont très élevés (bien au-dessus de 80%), et - peut-être surprenant - même pour les produits avec de très petites marges préférentielles (en particulier aux États-Unis, un peu moins dans l'UE)2. 1 Carpenter T., L. Andreas, «How Preferential is World Trade», CTEI Working Paper n° 2010-32, Institut de Hautes études internationales et du développement, Genève, 2010, p 02. 2 ibid., p. 03. 88 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels a. Que faut-il entendre par préférence à l'OMC? Les programmes d'échanges préférentiels se distinguent selon qu'ils sont réciproques ou non réciproques : a.1- Les accords commerciaux préférentiels réciproques. Il y a un accord commercial préférentiel réciproque lorsque deux pays ou plus, s'offrent mutuellement des concessions commerciales qu'ils ne proposent pas à d'autres. Généralement, on parle dans ce type des accords régionaux qui se définissent comme des relations préférentielles réciproques entre un ou plusieurs Etats. Ils se sont multipliés à partir des années 90, notamment en raison des difficultés à conclure les accords dans le Cycle de négociation de l’Uruguay round (1986-1994). L’étiologie de ces accords compte aussi la dislocation de l’URDD qui a conduit à de multiples partenariats avec des états désireux de s’intégrer dans l’économie mondiale1. Ce type est très pratiqué par l’UE, les Etats-Unis et le Japon. a.2- Les accords commerciaux préférentiels non réciproques. Il y a accord commercial préférentiel non réciproque lorsqu’un pays offre des concessions commerciales de façon unilatérale à un ou plusieurs autres pays. C’est-à-dire qu’il offre un accès à son marché à des conditions plus favorables que celles du tarif douanier en vigueur, sans exiger aux pays bénéficiaires un accès réciproque à son marché. Ce type d’accord s’écarte du système de la nation la plus favorisée telle qu’il est inscrit dans le GATT, aux termes duquel tout membre de l’OMC peut bénéficier du tarif appliqué par les autres Membres à la nation qu’ils favorisent le plus. Il diffère aussi des accords préférentiels réciproques, tels que les accords commerciaux régionaux, qui offrent à leurs signataires un accès aux marchés à titre réciproque2. 1.2- Évolution des ACPr: faits stylisés. Le régime commercial international est pluri-scalaire, se déclinant à plusieurs échelles à travers des accords multilatéraux (GATT, puis OMC) à vocation mondiale maintenant que l’OMC regroupe 159 membres, régionaux au sens géographique du terme, caractérisé par la proximité géographique des partenaires (Union européenne, NAFTA, Mercosur) ou encore bilatéraux avec les signatures de nombreuses accords entre deux partenaires seulement, souvent à des niveaux de développement très différents (accords de type Nord-Sud), parfois géographiquement très éloignés (exemples : UE/Afrique de sud ou États-Unis/Maroc). Ces accords préférentiels (et par conséquent discriminatoires) régionaux et bilatéraux forment aujourd’hui un entrelacs particulièrement complexe qui a suggéré à Bhagwati l’image du spaghetti bowl3. Ce caractère pluri-scalaire du régime commercial international n’est pas nouveau, même s’il s’est accru au fil des dernières décennies. En effet, dès sa mise en place en 1947 le GATT prévoyait une exception à la clause de la Nation la plus favorisée (clause NPF) en autorisant à l'aide de l'article XXIV la signature d’accords de libre-échange ou d’union douanière. On notera que les 1 Hyeans A., Op.cit., p. 19. OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2004, Analyse du lien entre le cadre général des politiques intérieures et le commerce international», Genève, 2004, p. 28. 3 Regnault Henri, «Multilatéralisme et accords préférentiels: la fin de l'exception asiatique», Mondes en développement, 2008/4 n° 144, p. 75-90. 2 89 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels accords préférentiels peuvent être mis en place non plus seulement en vertu de l’article XXIV du GATT (libre-échange des marchandises), mais aussi en vertu de l’article V du GATS (Accord général sur le commerce des services) de 1995 ou bien de la Clause d’Habilitation de 1979, adoptée à l’issue du Tokyo Round qui, outre la pérennisation des Systèmes Généralisés de Préférences, fournit un cadre pour des accords préférentiels entre PED1. De nombreux pays et régions ont tenté de conclure des ACPr. Pendant la période 1948-1994, le GATT a reçu 123 notifications concernant des accords commerciaux régionaux (dans le domaine du commerce des marchandises) et, depuis la création de l'OMC en 1995, plus de 300 accords additionnels couvrant le commerce des marchandises ou des services ont été notifiés 2. Au 15 janvier 2013, environ 546 ACR avaient été notifiés au GATT/à l'OMC (en comptant séparément les marchandises, les services et les accessions), dont 390 au titre de l'article XXIV du GATT de 1947 ou du GATT de 1994; 38 au titre de la Clause d'habilitation; et 118 au titre de l'article V de l'AGCS. Sur ces 546 ACR, 354 étaient en vigueur. C’est-à-dire le nombre d'accords commerciaux préférentiels a plus que doublé. Carte II-01: Les Participations aux ACPr en vigueur en 2010, notifiés et non notifiés, par pays. Source: OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2011, L’OMC et les accords commerciaux préférentiels: de la coexistence à la cohérence», Genève, 2011, p. 60. En pratique tous les pays, sauf la Mongolie, actuellement, sont engagés et font partie dans au moins à un accord commercial préférentiel, où en peut trouver l’UE à la tête des participants au plus grands d’accords (30), suivie par le Chili (26), le Mexique (21), les membres de l’AELE (entre 20 et 22), Singapour (19), l’Égypte (18) et la Turquie (17). Les autres économies émergentes comme le 1 Regnault Henri, Op.cit., p. 76-77. OMC, Accords Commerciaux Régionaux: Faits et chiffres, consulté le 09 octobre 2012, sur le site internet : http//www.wto.org/french/tratop_f/region_f/regfac_f.htm 2 90 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Brésil (13), l’Inde (12) et la Chine (10), Les États-Unis (09). Par ailleurs, pour des raisons historiques, la région euro-méditerranéenne représente plus de 50% de tous mes ACR en vigueur et correspondant à la région où la concentration de ces accords est la plus forte1. Il existe trois caractéristiques remarquables de ces dernières ACPr2: 1- L'utilisation des ACPr comme un instrument de politique commerciale viable n'est pas concentrée sur un petit groupe de pays. L'utilisation d'un délai beaucoup plus long (1950-2010), montre que la majorité des ACPr récemment mis en place sont des accords bilatéraux (Un ACPr négocié entre deux pays), les autres ACPr sont négociés entre plusieurs pays (plurilatéral) ou entre plusieurs ACPr qui existent déjà (graphique II-01). Graphique II-01: Nombre cumulé d’ACPr bilatéraux et autres types d’ACPr en vigueur, 1950-2010, notifiés et non notifiés. Source: OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2011, L’OMC et les accords commerciaux préférentiels: de la coexistence à la cohérence», Genève, 2011, p. 60. On observe actuellement deux tendances. D’une part, il y a de plus en plus de cas dans lesquels des accords bilatéraux sont regroupés en un accord plurilatéral ou dans lesquels un bloc régional négocie au nom de ses membres (l'Union européenne). 2- Le nombre total des ACR en vigueur est en augmentation constante et cette tendance devrait se renforcer vu les nombreux accords en cours de négociation. Dans la plupart des cas, les accords régionaux sont des ALE qui sont beaucoup plus répandues que les UD. Ils traitent globalement les aspects commerciaux et les aspects liés à l’investissement de l’activité économique internationale 1 Lemoine M., P. Madiès et T. Madièsn, Op.cit., p. 265. Ryoichi Nomura, Takao Ohkawa, Makoto Okamura, and Makoto Tawada, «Does a Bilateral FTA Pave the Way for Multilateral Free Trade?», Review of International Economics, 21(1), 2013, p. 164-176. 2 91 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels (ALE&AIE), où le commerce international et l’investissement international sont de plus en plus étroitement liés, ces accords qui ont une plus large portée sont souvent mieux adaptés à la réalité économique contemporaine1. Graphique II-02: Types d’ACPr en vigueur en 2010, notifiés et non notifiés. Source: OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2011, L’OMC et les accords commerciaux préférentiels: de la coexistence à la cohérence», Genève, 2011, p: 62. Les accords de libre-échange (ALE/ALE&AIE) et les accords de portée partielle (APP) représentent 90% de ces ACR, contre 10% pour les unions douanières, et 0.5% des accords d’intégration économique (AIE) sur le commerce des services dans lequel deux ou plusieurs parties offrent un accès préférentiel à leur marché. 3- les ALE entre les pays différents ont augmenté (par exemple, entre les pays développés et en développement), aujourd’hui. Mais, comme le montre le graphique II-03, un pays développé participe encore en moyenne à un plus grand nombre d’ACPr avec d’autres pays développés qu’avec des PED. L’écart s’amenuise depuis les années 1990, mais il y a eu une correction statistique en 2004 en raison de l’élargissement de l’UE à dix nouveaux membres. Alors que la plupart des ALE ont été formées entre des pays similaires dans le passé. Ceci est révélateur que la majorité des ALE qui se chevauchent comprennent un certain nombre d'ALE bilatéraux entre pays différents, la part des ALE entre les pays développés (accords Nord-Nord) sont généralement depuis les années 1960, a été de l’ordre de 30%, puis elle a diminué de façon continue à partir du milieu des années 1980, pour s’établir à 10% à peine2. 1 CNUCED, «Rapport sur l’investissement dans le monde 2012 : Vers une nouvelle génération de politiques de l’investissement», New York, juin 2012, p. 23-24. 2 OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2011», Op.cit, p. 56. 92 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Graphique II-03: Nombre moyen d’ACPr en vigueur par pays, 1950-2010, notifiés et non notifiés, par groupe de pays. Source: OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2011, L’OMC et les accords commerciaux préférentiels: de la coexistence à la cohérence», Genève, 2011, p. 55. Il y a une certaine explication à la croissance rapide du nombre d'ACPr1: - La croissance du nombre de membres de l'OMC, et dans le cadre de leurs intérêts économiques, il est devenu plus difficile d'identifier mutuellement des engagements multilatéraux agréables. En conséquence, les négociations multilatérales ont ralenti, ce qui a conduit tous les pays du monde a porté leur attention vers les ACPr. - Le commerce international de marchandises est de plus en plus complexes et nécessitent des décisions stratégiques et une approche plus globale pour répondre aux différents questions qu'ils ne le faisaient auparavant. - Les gouvernements utilisent de plus en plus les ACPr pour poursuivre des objectifs non économiques. - Dans les accords bilatéraux ou régionaux, le pragmatisme règne: entre la signature, la ratification et les réserves, on trouve une large gamme d’assouplissements et dérogations dans la mise en œuvre2. 1 Russell Hillberry, «Review of international experience: ex post studies of other PTAs and implications for PTA design», in Sisira Jayasuriya, Donald MacLaren and Gary Magee (Dir.), Negotiating a Preferential Trading Agreement, Issues, Constraints and Practical Options, edited by, Edward Elgar Publishing Limited, UK, 2009, p. 12. 2 IPEMED, «Régulations régionales de la mondialisation: Quelles recommandations pour la Méditerranée?», Op.cit., p. 21. 93 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels 2- Les exceptions juridiques du GAAT/OMC au profit des ACPr. Le système de l’OMC fixe des conditions juridiques de conformité pour les ACPr, en raison des effets potentiels négatifs de ces accords sur les pays qui restent en marge. Ces exigences sont nécessaires parce que chaque ACPr constitue une violation de la clause fondamentale de la nation la plus favorisée (NPF), qui interdit toute discrimination entre les différents fournisseurs étrangers. Des dispositions touchant aux ACPr se trouvent à l’article XXIV du GATT en ce qui concerne le commerce de marchandises, à l’article V du GATS en ce qui concerne le commerce de services et dans la clause d’habilitation de 1977, consacrée aux espaces des préférences unilatéraux accordés par certains pays développés au PED et PMA et aux intégrations régionales entre des PED. 2.1- Les préférences antérieures au GATT. Le Commerce préférentiel n'est pas un nouveau concept. Puisque les États se sont toujours efforcés de réduire, voire d’éliminer, sur une base mutuelle, les obstacles qui entravaient leurs échanges. Dans une perspective historique lointaine, les travaux de Fritz Machlup (1976) nous rappellent que les économies nationales se sont construites sur cette base (l’Allemagne avec le Zollverein, les États-Unis avant la signature de la Constitution), que de nombreuses unions douanières ont été signées entre pays européens au XIX e siècle et que les empires coloniaux se sont réalisés à partir d’accords commerciaux préférentiels1. Les empires coloniaux, tels que ceux qui existaient dans les XIXe et début du XXe siècle, peuvent être considérer comme blocs commerciaux discriminatoires, parce que la puissance coloniale fréquemment maintient une situation très favorable pour se vendre dans les colonies et pour que les colonies puissent faire des échanges sur ses marchés. Une des raisons de la création d'empires était de garantir ces marchés d'exportation et les sources d'importations qui ne pouvaient être produites à la maison (surtout les matières premières). Un certain nombre d'arrangements préférentiels existant entre deux ou plusieurs États avant la conclusion du GATT furent maintenus en vigueur. Ainsi, la libéralisation commerciale au XIX° siècle est souvent illustrée par l'accord Cobden-Chevalier de 1860 (traité de libre-échange entre l'Angleterre et la France) 2 , il s'agissait des préférences en vigueur au sein du Commonwealth (annexe A au GATT), de celles existant au sein de l'Union française (annexe B ) entre les colonies belges et néerlandaises et leurs métropoles (annexe C), entre les États-Unis et les Philippines (annexe D), entre le Chili et l'Argentine, la Bolivie et le Pérou (annexe E), entre l'union douanière libano-syrienne, la Palestine et la Transjordanie (annexe F), entre les États-Unis et Cuba (article 1er, paragraphe 2, c). Les préférences existant antérieurement au sein de l'Empire ottoman furent également maintenues en vigueur par le biais d'une dérogation adoptée sur base de l'article XXV du GATT (art, Ier, paragraphe 3). Maintenant, et suite à la disparition des empires coloniaux et à certaines modifications géopolitiques, toutes ces préférences ont été abandonnées ou bien elles ont été disparue. L'article 1, Paragraphe 2, du GATT n'est par conséquent plus jamais invoqué. 1 Echinard Y., Guilhot L., «Le Nouveau régionalisme, de quoi parlons-nous?», dans, Annuaire français de relations internationales 2007, volume VIII, Centre Thucydide, Analyse et Recherche en Relations Internationales, p. 775-792. 2 Siroën J.M. «La régionalisation est-elle une hérésie économique ?», CERESA, Université Paris-Dauphine, 2000. (www.dauphine.fr/ceresa/websiroën/afsp.pdf) (Consulté le 12 septembre 2012). 94 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Irwin (1993) a comptabilisé que, au début du XXe siècle, la Grande-Bretagne avait signé 46 accords commerciaux bilatéraux, l’Allemagne 30 et la France une vingtaine; ces accords ont fortement contribué à l’intégration économique européenne et ont participé à l’ouverture du système commercial international depuis le milieu du XIXe siècle. Cette période constitue la première vague de rapprochement régional1. 2.2- Article XXIV du GATT. L'article XXIV de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) prévoit cette importante exception à l'article I (clause de la nation la plus favorisée) en autorisant les pays à conclure des accords préférentiels de libre-échange (ALE). La raison de cette exception est que les pays devraient être autorisés à participer à des initiatives d'intégration de grande envergure du type qui peut finalement conduire à la création de nouvelles entités politiques dans le système commercial mondial, les accords commerciaux régionaux (ACR) sont devenus un outil central de la politique commerciale, et leur nombre et leur complexité ont rapidement crû. Dans ce contexte, les règles de l’OMC, et en particulier l’article XXIV du GATT 1994, jouent un rôle essentiel pour garantir la cohérence entre les politiques commerciales multilatérales et régionales. Conformément à l’article XXIV du GATT, les accords de libre-échange (ALE) et les unions douanières permettent une intégration économique plus étroite et pourraient faciliter les échanges entre les parties contractantes. En général, les règlements applicables à une nouvelle entité ALE ne devraient pas être restrictifs, et les obligations ne devraient pas être plus élevées que toutes celles existant avant sa création. En outre, les accords provisoires doivent être transformés en ALE (ou unions douanières) à part entière dans un délai raisonnable2. Même si elles n’ont pas été modifiées lors du cycle d’Uruguay, certaines dispositions importantes ont été précisées par le «Mémorandum» de 1994 étant donné que plusieurs points du texte de l’article XXIV avaient été soumis à des interprétations divergentes. Une autre exigence d’ALE couverte par l’article XXIV et cohérente avec celui-ci est que les obligations et les autres restrictions doivent être supprimées «pour l’essentiel des échanges» entre les parties de l’ALE. Dans l’affaire Turquie – textile, l’instance d’appel de l’OMC a noté que «ni les parties contractantes du GATT ni les membres de l’OMC ne se sont jamais entendus sur l’interprétation du terme «essentiel» qui figure dans cette disposition. Il est cependant évident que «l’essentiel des échanges commerciaux» n’est pas la même chose que la totalité des échanges commerciaux, et que «l’essentiel des échanges commerciaux» est quelque chose de beaucoup plus important que simplement une certaine partie des échanges». 1 De Melo J., J.M. Grether, «Commerce international: théories et applications», Edition de boeck, Paris, 1997, p.706. Mathis J.H., «The “Legalization” of GATT Article XXIV – Can Foes Become Friends?», in, Bagwell K.W. and P. C. Mavroidis (Dir.), Preferential Trade Agreements: A Law and Economics Analysis, Cambridge University Press, First published, USA, 2011, p. 35. 2 95 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Comme l’article XXIV et le mémorandum ne stipulent rien sur les moyens de quantifier «l’essentiel», Les efforts visant à définir «l'essentiel des échanges» ont suivi deux approches principales et alternatives qui sont théoriquement possibles1: - Une approche quantitative qui utiliserait une référence statistique faisant directement référence au volume des échanges libéralisés, comme un pourcentage du commerce entre les parties. Les pourcentages couramment proposés sont de 90, 85 et 80 pour cent. Une objection principale de cette approche est qu'elle n'empêcherait pas l'exclusion de secteurs entiers de la libéralisation ou; - Une approche qualitative, basée sur le pourcentage de lignes tarifaires (biens échangés) inclus dans l’ACR, où aucun secteur (ou du moins pas grand secteur) serait tenu de la libéralisation. Une des difficultés de cette approche est de définir «secteur», une autre question est de savoir si l'inclusion d'un petit segment d'un secteur majeur respecterait la définition. Quatre autres approches ont été proposées comme moyens possibles de résoudre les ambiguïtés ci-dessus: - Une définition de la couverture des produits «en fonction d'un certain pourcentage de lignes tarifaires». Par exemple, l'Australie a suggéré d'utiliser un seuil de lignes tarifaires de 95 pour cent de l'ensemble du système harmonisé (SH) au niveau de six chiffres. - Une définition basée sur le calcul du pourcentage des échanges entre les parties à l'ACR qui est mis en œuvre conformément aux règles d'origine préférentielles applicables à la RTA. - Une définition en précisant que tous les secteurs doivent être inclus. - Une définition dans le sens indiqué par la note 1 de l’article V du GATS, ce qui empêche a priori une exclusion de tous les secteurs d'un accord. Tous les membres de l’OMC n’ont pas interprété cette exigence de la même manière. Par le passé, les États-Unis avaient soutenu l’idée que tous les secteurs économiques devaient être couverts par un ACR et que les exclusions devaient être sous-sectorielles, tandis que l’UE a toujours estimé que l’exigence (de «l’essentiel») est respectée lorsqu’environ 90% des échanges de biens sont libéralisés. Dans cette lecture, les 10% restants peuvent également comprendre des secteurs économiques entiers comme l’agriculture. Le mémorandum précise également que si les ACR peuvent profiter d’une certaine flexibilité, cela implique également une réciprocité: aussi, toutes les parties qui négocient doivent faire des concessions commerciales réciproques avant de participer à un ACR. L’article XXIV reconnaît que les membres de l’OMC qui souhaitent participer à un ACR ne doivent pas être en mesure d’atteindre le niveau requis d’intégration économique immédiatement. Il accorde dès lors une «période raisonnable» pour transformer les accords provisoires en ACR à part entière, période qui est en général de dix ans. S’agissant des PED, des périodes plus longues peuvent être octroyées, à condition que les parties contractantes en expliquent les raisons en détail. 1 Estevadeordal A., M. Shearer and K. Suominen, «Market access provisions in regional trade agreements», in Estevadeordal A., Suominen K. (Dir.), Regional rules in the global trading system, Cambridge University Press, First published, USA, 2009, p. 99. 96 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels La formation d'un ACPr est soumise à des conditions. Ainsi1: 1. Barrières commerciales extérieures après l'intégration ne peuvent pas augmenter en moyenne (Art. XXIV: 5 du GATT). 2. Tous les droits de douane et autres réglementations commerciales doivent être éliminés substantiellement pour tous les échanges intra-régionaux de produits dans un laps de temps raisonnable (art. XXIV.8 GATT). 3. APE doivent être notifiés à l'OMC (art. XXIV.7 GATT). 2.3- L'article V de l'AGCS. L'article V de l'AGCS tente de transposer les règles de l'article XXIV du GATT au domaine des échanges de services. Une telle transposition ne se fait toutefois pas à l'identique. Elle se caractérise à la fois par l'existence de certaines règles communes et par la présence de différences importantes. En ce qui concerne les règles similaires, on retrouve l'obligation pour un accord régional portant sur les services de couvrir « un nombre substantiel de secteurs» (article V de l'AGCS), cette condition s'entendant à la fois du point de vue des secteurs des services, des modes de fourniture des services et du volume des échanges affectés. Il y a donc un certain parallélisme entre l'obligation pour une union douanière ou une zone de libre-échange de libérer «l'essentiel» de leurs échanges de marchandises (article XXIV GATT) et la règle précitée de l'article V de l'AGCS2. Toutefois, les spécificités introduites par l'article V de l'AGCS par rapport à l'article XXIV du GATT apparaissent importantes : l'absence de distinction entre les unions douanières et les zones de libre-échange (l'article V utilise les concepts d'«intégration économique-AIR»), l'existence d'un régime plus souple pour les PED, la faculté (et non l'obligation) pour le Conseil du commerce des services d'instituer un groupe de travail pour examiner la compatibilité de l'accord régional avec les dites dispositions de l'article V de l'AGCS. L'article V, n'empêchera aucun des Membres de l'OMC d'être partie ou de participer à un accord de libéralisation du commerce des services entre les parties ou à un accord pareil, à condition que cet accord doive3: - nombre substantiel de secteurs, et prévoie l'absence ou l'élimination de toute discrimination substantielle, (pour satisfaire à cette condition, les AIR ne devraient pas prévoir l’exclusion a priori d’un mode de fourniture quel qu’il soit); au sens de l'article XVII, entre ou parmi les parties, dans les secteurs visés à l'alinéa (a), à travers: i. l'élimination des mesures discriminatoires existantes, et / ou ii. l’interdiction de nouvelles mesures discriminatoires, que ce soit à l'entrée en vigueur dudit accord, ou sur la base d'un calendrier raisonnable, sauf pour les mesures autorisées en vertu des articles XI, XII, XIV et XIV bis. 1 Hoekman B.M., P.C. Mavroidis, «The World Trade Organization, Law, economics, and politics», Op.cit., p. 57. Carreau Dominique, Flory Thiébaut, Juillard Patrick. «Chronique de droit international économique». In: Annuaire français de droit international, volume 41, 1995, p. 581-611. (http//www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_1995_num_41_1_3345). 3 Peter Van den Bossche, «The Law and Policy of the World Trade Organization, Text, Cases and Materials», Cambridge university press, UK, 2005, p. 662-663. 2 97 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels - prévoir l’absence ou l’élimination pour l’essentiel de toute discrimination entre les Participants ; - prévoir, dans le cas d’un accord provisoire, une période transitoire sur la base d’un calendrier raisonnable. 2.4- La Clause d'habilitation (Enabling clause). Lorsque le GATT a été établi en 1947, la majorité des PED étaient encore sous le pouvoir colonial des puissances européennes. À cette époque, pratiquement la moitié des parties contractantes (11 sur 23) pouvaient être considérées comme des «PED». Toutefois, l’accord ne comprenait aucune disposition spéciale ou exception en leur faveur. Le processus de décolonisation et l’adhésion progressive des PED au GATT ont renforcé l’accent mis sur les questions de développement et ont eu pour résultat une révision limitée, mais importante des règles originales de 1947. En 1968, les PED ont réussi à créer un système tarifaire de préférences généralisées sous les bons offices de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED). Ils ont également profité de la réduction générale des droits tarifaires à la suite de l’application de la clause de la nation la plus favorisée. Le rôle croissant des PED, combiné à l’attention accrue accordée aux problèmes des PMA, a eu pour résultat des progrès significatifs dans les années 70. Le principal résultat des discussions lors des cycles de Kennedy et de Tokyo a été l’introduction de la clause d’habilitation en 1979. la Clause d’habilitation ne constitue pas une modification spécifique de l’article premier du GATT, puisqu’il s’agissait d’une décision prise par les Parties Contractantes au GATT, elle a donné une base juridique plus forte au traitement spécial et différencié des PED dans le cadre des règles du GATT, mais est restée une exception «discrétionnaire et permissive» aux règles générales plutôt qu’une disposition contraignante. Le paragraphe 2 de la Clause d’habilitation énonce quatre types de traitement qui échappent aux contestations juridiques: les schémas SGP, le traitement différencié et plus favorable concernant les dispositions du GATT relatives aux mesures non tarifaires, les arrangements réciproques entre PED, et le traitement spécial en faveur des moins avancés parmi les PED 1 . Autrement dit, la clause d’habilitation dont le titre officiel est “Traitement différencié et plus favorable, réciprocité, et participation plus complète des PED”, a fourni la base juridique des modifications suivantes des règles originales du GATT: * garantit un accès préférentiel plus fort aux PED par les pays développés sur une base non réciproque et non discriminatoire; * offre un traitement plus favorable aux PED dans le cadre d’autres règles du GATT relatives aux obstacles non tarifaires au commerce; * introduit des régimes commerciaux préférentiels entre les PED, et * permet un traitement spécial des pays les moins avancés (PMA). 1 OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2004, Analyse du lien entre le cadre général des politiques intérieures et le commerce international», Op.cit., p. 43. 98 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Plus concrètement, en vertu de la clause d’habilitation, les pays développés peuvent légalement fournir des préférences généralisées non réciproques à tous les PED ou à tous les pays les moins avancés (PMA). Et ils doivent s’appliquer à tous les PED qui remplissent certains critères1. La clause d’habilitation pourrait offrir une couverture juridique pour la création d’un système d’échanges préférentiels, protégeant ainsi ces membres qui sont adhérents à l’OMC de toute remise en cause au niveau de l’OMC, pourvu qu’ils remplissent les critères ou conditions prescrits par les parties contractantes. En plus, en vertu de la clause d’habilitation, les PED peuvent également librement et sans restriction s’accorder mutuellement un accès préférentiel au marché. La clause d’habilitation couvre alors les accords de libre-échange Sud-Sud et les unions douanières. De nombreuses unions douanières et de nombreux accords commerciaux, comme le Mercosur (en Amérique du Sud) ou la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont été élaborés en vertu de la clause d’habilitation. En 2009, il y avait 11 accords préférentiels qui avaient été notifiés au secrétariat de la CNUCED et qui s’inscrivaient dans le SGP (ces préférences ont été accordées par l’Australie, la Biélorussie, le Canada, les États-Unis, la Fédération de la Russie, le Japon, la Norvège, la Nouvelle Zélande, la Suisse, la Turquie et l’Union européenne). Bien que le SGP soit un système généralisé de préférences non-réciproques, il permet toutefois des mesures spéciales favorisant les pays moins avancés parmi les PED. Ainsi, les pays peuvent offrir des tarifs NPF aux Parties contractantes du GATT, des tarifs SGP à un groupe de PED et un tarif SGP spécial (SGPS) aux pays moins développés. En termes mathématiques, ces trois tarifs ont la relation suivante : tNPF > tSGP > tSGPS2. a. Le Système généralisé de préférences (SGP). La Clause d'habilitation est le fondement juridique, établi par l'OMC, du Système généralisé de préférences (SGP). Dans le cadre de ce système, les pays développés appliquent un traitement préférentiel non réciproque (par exemple, des droits nuls ou faibles à l'importation) aux produits originaires des PED. Ce sont les pays octroyant les préférences qui déterminent unilatéralement les pays et les produits bénéficiaires. b. Le Système global de préférences commerciales entre les PED (SGPC). La Clause d'habilitation sert aussi de fondement juridique aux ACPr conclus entre PED et au Système global de préférences commerciales entre les PED (SGPC) qui a été créé sous l’égide de la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Commerce et le Développement (CNUCED), dans le but de promouvoir exclusivement les échanges commerciaux entre les PED. Dans ce cadre, des négociations commerciales bilatérales ont été menées en vue d’obtenir des réductions des droits de douane ou des exonérations sur des produits particuliers, présentant un intérêt pour les pays participants. 1 http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/gatt47.pdf (consulté le 12 septembre 2012). Caribbean Trade Centre de référence, consultables sur le site: http//ctrc.sice.oas.org/GSP_f.ASP (consulté le 25 septembre 2012). 2 99 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Ces négociations comportent un échange de listes d’offres et de demandes concernant des produits déterminés assorties d’engagements différenciés. Les concessions obtenues sont étendues à tous les autres participants. La première série des négociations a été initiée à Brasilia en mai 1986. Un deuxième cycle de négociations a été officiellement lancé en juillet 1992 à Genève, autour de deux grandes questions: la facilitation de la procédure d’adhésion et l’élargissement des listes de produits issues du premier cycle commercial au titre du SGPC. 2.5- Le Comité des Accords Commerciaux Régionaux. Afin de faciliter la procédure d'examen des ACR, il a été décidé, sur proposition, entre autre, du Canada, de créer en 1996 un comité particulier, le comité des accords commerciaux régionaux ACR. Celui-ci a pour mandat d'examiner et d'évaluer dans un cadre unique les ACR et leurs effets sur le système commercial1. A la suite de la Décision du Conseil général du 14 décembre 2006 concernant un “Mécanisme pour la transparence des accords commerciaux régionaux” (WT/L/671), les travaux du Comité ont été considérablement révisés. Tous les ACR restent comme des accords provisoires qui doivent être notifiés à l'OMC avant leur entrée en vigueur. Si le conseil du commerce des marchandises (pour les accords notifiés au titre de l'article XXIV du GATT), le conseil du commerce et des services (pour les accords notifiés au titre de l'article V de GATS) ou le comité du commerce et du développement (pour les accords notifiés au titre de la clause d'habilitation) jugent un examen de l'accord nécessaire, celui-ci est confié au comité des ACR. Une fois que ce dernier a établi son rapport, il le renvoie pour adoption à l'organe qui l'avait demandé. En pratique, cette procédure est largement restée lettre morte: faute de consensus, à une exception prise, aucun rapport d'examen n'a pu être finalisé depuis 1995. Pourtant, selon les textes, aucun ACR ne doit entrer en vigueur s'il n'a été approuvé par l'OMC. Cette dernière qui maintient une surveillance permanente sur les ACR en vigueur. Leurs membres doivent régulièrement faire rapport de toute modification et/ou de toute novation qui les concerne pour permettre aux organes compétents de faire, le cas échéant, les recommandations qui s'imposent 2. 3- Les règles d'origine. 3.1- Définition des règles d'origine. Depuis que le régime préférentiel a été introduit dans le cadre des échanges commerciaux internationaux, les difficultés n’ont fait que se multiplier. Ces difficultés sont liées principalement aux applications des différents tarifs préférentiels accordés aux différents produits provenant des différents pays détenant de ces régimes. Toutefois, l’introduction de ce régime dans le circuit commercial international est devenue une donnée principale de l’opération d’importation et d'exportation. Par conséquent, les opérateurs économiques sont conduits souvent à se poser la question concernant l’obtention pour leurs 1 Deblock C., «Les accords régionaux et le régionalisme», in, Deblock C. (Dir.), L'Organisation mondiale du commerce: ou s'en va la mondialisation?, Edition fides, Québec, 2002, p. 89. 2 Bob Keiffer, Op.cit, p. 124. 100 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels marchandises d’un régime préférentiel par rapport au pays d’importation, ce qui leur permettrait de réduire la dette douanière et surtout de bénéficier d’un régime non tarifaire moins contraignant1. Les règles d'origine sont définies comme un ensemble complexe de critères et principes dynamiques selon lesquels un pays d'origine est désigné pour un produit échangé. Les règles d'origine sont des instruments secondaires de la politique commerciale 2, utilisés pour déterminer la «nationalité» d’un produit. Les matières premières ou les composantes peuvent venir d’un certain nombre de pays, mais les douaniers doivent déterminer l’origine du produit aux fins de traitement, parmi lesquelles le droit de douane a appliqué, à partir du moment où le produit entre dans sa juridiction. Par conséquent, l'origine d'un bien ou d'un produit est définie sur la base d'une règle en particulier ou parfois sur la base d'une combinaison de règles3. L'annexe II de l'accord de l'OMC sur les règles d'origine comprend une "Déclaration commune concernant les règles d'origine préférentielles”, selon laquelle les règles d'origine préférentielles ont été définies comme étant "les lois, réglementations et déterminations administratives d’application générale par tout membre, pour déterminer si les biens sont éligibles au traitement préférentiel dans le cadre de régimes commerciaux contractuels ou autonomes, qui donnent lieu à l’octroi de préférences tarifaires allant au-delà de l'application du paragraphe 1 de l'Article premier du GATT de 1994.” Selon cet accord, les règles d'origine non préférentielles sont définies comme étant "les lois, réglementations et déterminations administratives générales appliquées par les membres afin de déterminer le pays d'origine des biens, à condition que ces règles d'origine ne soient pas liées à des régimes commerciaux contractuels ou autonomes qui donnent lieu à l’octroi de préférences tarifaires allant au-delà de l'application du paragraphe 1 de l'Article premier du GATT de 1994". (Article 1.1 de l'accord sur les règles d'origine)4. Figure II-01: la Relation entre les règles d'origine non préférentielles et préférentielles. Source: Anne van de Heetkamp, Ruud Tusveld, «Origin Management: Rules of Origin in Free Trade Agreements», Library of Congress Control, Springer-Verlag Berlin Heidelberg, 2011, p. 72. 1 M. Ghenadie RADU, «L’origine des marchandises: un élément controversé des échanges commerciaux internationaux», THÈSE Présentée et soutenue publiquement le 22 juin 2007 en vue de l’obtention du grade de Docteur en Droit, Université Pierre Mendès France, p. 18. 2 Giordano P., A. Valladao, M. Francoise, «Vers un accord entre l'Europe et le Mercosur», Presses de sciences pro, 2001, p. 299. 3 OCDE, «Le régionalisme et le système commercial multilatéral», Éditions OCDE, Paris, 2003, p. 185. 4 ibidem. 101 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Il existe deux types de règles d'origine: les règles d'origine préférentielles et non préférentielles. La distinction entre les deux types de règles dépend de leur fonction. 3.2- Les règles d'origine non préférentielles. Sont utilisées à d'autres fins telles que les mesures antidumping, les quotas, et la mise en application d'autres restrictions sur les échanges telles que mentionnées ci-après1: - Application de mesures antidumping. En présence de circonstances où des biens sont déversés par un pays sur le marché d'un autre, les règles d'origine non préférentielles sont utilisées pour déterminer l'origine de ces produits rendant ainsi possibles des mesures antidumping bien ciblées ainsi que l'application de droits de compensation. Certains pays s'adonnent à des pratiques commerciales illégales et déloyales et font une mauvaise utilisation des règles d'origine pour inonder et déverser des biens à bas prix sur les marchés d'autres pays. - Promotion des échanges. Les règles d'origine non préférentielles sont également utilisées pour promouvoir l'exportation de biens provenant de pays bénéficiant de longues traditions d'excellence, de qualité, et de notoriété. Dans ces cas, ces pays deviennent très protectionnistes en matière de marques commerciales et marques déposées, luttant avec force contre les imitations ou utilisations opportunistes par d'autres pays cherchant à promouvoir leurs propres ventes. - Statistiques commerciales. Les règles d'origine non préférentielles sont généralement utilisées à des fins statistiques permettant aux exportateurs et importateurs de différencier leurs biens avec la marque d'origine afin d'informer les consommateurs et les fabricants sur l'origine des produits qu'ils achètent. La détermination de l'origine des biens échangés facilite la compilation de statistiques commerciales et les tendances tant pour un pays donné que pour une région. 3.3- Les règles d'origine préférentielles. Les règles d’origine préférentielles s’appliquent dans le cadre de chaque accord de libreéchange sont octroyées uniquement aux produits obtenus dans les parties contractantes de l’accord concerné et originaires de l’une ou l’autre de ces parties2. Elles permettent de déterminer si les biens échangés à l'intérieur d'une zone d'échanges préférentiels sont qualifiés ou non à recevoir un traitement préférentiel. Elles sont utilisées pour déterminer la valeur des droits imposés aux importations en provenance d'un pays bénéficiant d'un traitement préférentiel dans le ou les pays d'importation, en application d’un système unilatéral, tel que le système généralisé des préférences (SGP), ou d’accords négociés, tels que les accords de libre-échange, ou les Unions Douanières (UD). Les importations provenant d'un partenaire commercial et produites en utilisant du matériel ou des composants venant d'un pays tiers, ne seront qualifiées à bénéficier du traitement préférentiel que si elles sont en conformité avec les règles d'origine. Les pays traitent différemment les biens importés selon leur origine. Lorsqu'un produit est entièrement produit dans un seul pays, celui-ci se voit octroyé l'origine de ce pays. Cependant, lorsque le processus de production a lieu dans des 1 Anne van de Heetkamp, Ruud Tusveld, «Origin Management: Rules of Origin in Free Trade Agreements», Library of Congress Control, Springer-Verlag Berlin Heidelberg, 2011, p. 71. 2 Mauro Giffoni, «La réglementation douanière de l’Union Européenne», Edition Anthemis, Belgique, 2012, p. 72. 102 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels endroits différents ou utilise des intrants importés de différents pays, il devient difficile de déterminer l'origine du produit final1. Pour le second type de processus de production, il est nécessaire de définir les conditions, les types et les quantités de composants importés que ces produits peuvent contenir et toujours être considérés comme originaires de l'intérieur du pays ou de la région dans laquelle les préférences ont été accordées. L'approche générale adoptée dans la plupart des juridictions, c'est que l'origine d'un produit est déterminée par l'endroit où la dernière transformation substantielle a eu lieu c’est-à-dire, il doit être suffisamment transformé par rapport à ses inputs importés du reste du monde. Autrement dit, c'est le pays dans lequel la fabrication où la transformation la plus récente est «Importante» ou «importante» est définie comme étant suffisante pour conférer au produit son caractère essentiel2. La « transformation substantielle » peut, à son tour, être vérifiée de trois façons3: • Soit par un changement de position tarifaire du bien final exporté à l’intérieur du bloc par rapport à ses inputs importés du reste du monde ; • Soit par une valeur ajoutée locale suffisante, en pourcentage du prix départ usine (ou bien, de manière équivalente, par un maximum de contenu étranger) ; • Soit par le truchement d’un critère technique. Figure II-02: Les Tarifs préférentiels allant au-delà de traitements NPF Source : Etude sur les règles d’origine préférentielles, consultable sur le site internet de l’Organisation mondiale des douanes (OMD): http://www.wcoomd.org/fr.aspx, (consulté le 15 septembre 2012). 1 Antoni Estevadeordal, Jeremy Harris, and Kati Suominen, «Harmonizing preferential rules of origin regimes around the world», in, Richard Baldwin R., P. Low (Dir.), Multilateralizing regionalism: lessons from the EU experience in relaxing rules of origin, Cambridge University Press, UK, 2008, p. 269. 2 Garay S.L.J, R. Cornejo, « Rules of Origin and Trade Preferences», in, Hoekman B., A. Mattoo, and P. English (Dir.), Development, Trade, and the WTO : A handbook of the World Bank, n° 29799, Washington D.C, 2002, p. 114. 3 Cadot Olivieret al., « Préférences commerciales et règles d'origine : perspectives des Accords de Partenariat Économique pour l'Afrique de l'Ouest et centrale », Revue d'économie du développement, 2008/3 Vol. 22, p. 5-48. 103 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Les régimes tarifaires préférentiels reposent sur des règles d'origine, qui exigent que les produits exportés par les fournisseurs admissibles au bénéfice des préférences contiennent un niveau minimum d'éléments d'origine locale. Elles permettent de s'assurer que les produits importés dans le cadre de ces régimes préférentiels ne sont pas simplement acheminés de pays non admissibles vers des fournisseurs admissibles, puis réexpédiés avec peu ou pas d'apport de valeur ajoutée locale. En d'autres termes, l'importance des règles d'origine tient au fait qu'elles permettent de veiller à ce que les pays visés par les programmes préférentiels en soient bien les bénéficiaires. Quand les préférences stimulent effectivement les importations des pays développés qui en sont bénéficiaires, les règles d'origine peuvent contribuer à dynamiser la production locale. Néanmoins, la sous-utilisation des préférences a souvent pour principale raison la rigueur de ces règles1. Les règles d’origine ont été conçues afin d’éviter que les biens produits dans d'autres pays et exportés tout simplement ensuite dans le pays bénéficiaire de préférence, ou soumis à un traitement minimal dans le pays concerné, bénéficient de préférences commerciales. La détermination des règles d'est également primordial pour éviter les détournements résultant des importations vers des pays pratiquant des niveaux tarifaires élevés qui essaient de pénétrer à travers des pays partenaires pratiquant des niveaux tarifaires bas. La libéralisation des services selon l'accord général sur le commerce des Services (GATS) a révélé l'importance de l'utilisation des règles d’origine pour déterminer l'origine des services produits par différents pays. Les règles d’origine sont également utilisées pour déterminer la nationalité des sociétés produisant les biens échangés. Ceci est utile pour identifier les sociétés auxquelles certaines mesures incitatives ont été accordées 2. Les gouvernements des pays définissent les règles d’origine que leurs services des douanes appliquent, toutefois ces règles sont soumises à l’accord de l’OMC sur les règles d’origine. Cela nécessite que : • les règles d’origine des pays membres de l’OMC soient transparentes et établies sur la base d’un critère positif, énonçant ce à quoi cette origine fait réellement référence et non ce à quoi elle fait défaut ; • elles soient gérées dans la cohérence, l’uniformité, l’impartialité et de manière raisonnable ; • elles n’entraînent pas de restrictions de distorsions ni ne désorganisent le commerce international. 3.4- Les systèmes de cumul de l'origine. Pour augmenter le commerce intra-régional et de faciliter les schémas d'approvisionnement dans la région, la notion de cumul joue un rôle crucial dans les régimes de règles d'origine. Il donne la possibilité d'utiliser des sources à faible coût des intrants sans compromettre le caractère originaire d'un produit final, des systèmes de cumul de l'origine permettent à des partenaires commerciaux dont les relations sont le plus souvent antérieures à l'octroi des préférences, d'utiliser indifféremment les matériaux servant à la confection d'un produit. Ce serait alors une exception au critère strictement originaire régissant les règles d'origine. La solution résiderait ainsi dans le choix d'un cumul d'origine avec des formes mieux adaptées aux réalités économiques des pays 1 OCDE, «Dynamiser les échanges: Les enjeux du développement dans le système commercial multilatéral», Études de l'OCDE sur la politique commerciale, Éditions OCDE, 2006, p. 84. 2 Antoni Estevadeordal, Jeremy Harris, and Kati Suominen, «Harmonizing preferential rules of origin regimes around the world», Op.cit., p. 268. 104 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels bénéficiaires. Le cumul peut déterminer la mesure dans laquelle des pays peuvent utiliser des préférences commerciales mises à leur disposition dans le cadre d'un Accord de Libre-échange ou d'un régime de préférences unilatérales (SGP). Il existe principalement trois formes de cumuls: le cumul bilatéral, le cumul diagonal et le cumul total. a. Le cumul bilatéral. Le champ d'application de cumul bilatéral, est applicable aux échanges préférentiels entre le donneur de préférences et un seul pays partenaire. Dans le cadre du cumul bilatéral, les produits originaires de l'une des parties, qui font l'objet d'une transformation dans l'autre partie, sont assimilés aux produits originaires de l'autre partie. Le cumul bilatéral fonctionne entre ces deux pays partenaire et permet à leurs producteurs d'utiliser des matériaux et des composants originaires de l'autre pays comme si elles provenaient dans leur propre pays 1 . En d'autres termes, la transformation subie par les matières premières originaires du pays partenaire n'a pas besoin d'être suffisante au sens des règles d'origine. L’effet du cumul bilatéral est d'accroître l'intégration économique entre les deux partenaires. b. Le cumul diagonal. Le cumul diagonal fonctionne entre plus que deux pays et permet aux producteurs des tous les pays partenaires d'utiliser des matériaux et des composants originaires des autres pays qui fait partie de l'accord. Dans une forme de ceci est une extension du cumul bilatéral en l'étendant à plusieurs pays liés par des systèmes préférentiels identiques. Le cadre du cumul multilatéral diagonal (ou partiel) est particulièrement adapté à un processus de production, au sein duquel certains partenaires jouent le rôle de sous-traitants pour le compte d'un autre partenaire, assurant la fabrication du produit fini. Il a pour objectif d'accroître l'intégration économique au sein d'une même zone, en incitant le pays fabricant à diversifier ses sources d'approvisionnement auprès des différents partenaires de la zone2. c. Le cumul total (multilatéral). Il est reconnu quand la zone des pays participants au cumul constitue un seul et même territoire au plan de l'origine. La règle d'origine est satisfaite si toutes les ouvraisons cumulées, réalisées successivement dans plusieurs pays de la zone, constituent une transformation suffisante. Le cumul total permet une plus grande fragmentation des processus de production entre les membres du groupe régional et stimule donc l'augmentation des liens économiques et commerciaux dans la région. Il tient compte du fait que ces pays, considérés séparément, ne disposent généralement pas de moyens industriels diversifiés et suffisamment performants pour assurer complètement un processus de fabrication. L’objectif du cumul total est d'accroître la multilatéralisation des échanges en optimisant la complémentarité des spécialisations industrielles3. 1 Ram Upendra Das and Rajan Sudesh Ratna, «Perspectives on Rules of Origin: Analytical and Policy Insights from the Indian Experience», First published, Palgrave Macmillan, UK, 2011, p. 97. 2 El Hadj Abdourahmane Diouf, «L'Afrique et le droit à la différence dans les négociations commerciales: OMC, APE, intégration régionale», Edition l'Harmattan, Paris, 2009, p. 257. 3 ibid., p. 258. 105 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels En vertu de cumul Total il peut être plus facile pour les pays développés d'externaliser les étapes de production des produits low-tech intensifs en mains d'œuvres chez leurs partenaire dotées en main-d'œuvre à bas coût, tout en conservant le statut préférentiel du bien produit à faible coût1. 4- L'érosion de préférences et les nouvelles questions contenues dans les ACPr. 4.1- L'érosion de la préférence. L'un des principaux enjeux de l'interaction entre les ACPr et le système commercial multilatéral, et l'un des plus importants craintes pour les PED et les PMA, est la question de l'érosion des préférences. Lorsqu'un pays reçoit un traitement préférentiel en vertu d'un ACR ou ACPNR, la différence entre le tarif préférentiel appliqué à ce pays et le tarif NPF, est appelée marge préférentielle (ou marge de préférence). Si une libéralisation bilatérale ou multilatérale a lieu (par exemple, la signature d'un ALE avec les autres membres ou la conclusion hypothétique du cycle de Doha ou une autre forme de libéralisation multilatérale du commerce), la marge préférentielle devient plus petite. Cette externalité négative subie par les bénéficiaires de préférences d'origine est connu comme l'érosion des préférences. Ainsi, dans le cadre de la libéralisation du commerce mondial, à travers des accords tant multilatéraux (cycles successifs du GATT/OMC) que bilatéraux, les préférences sont soumises à une érosion lente mais continue et inéluctable. Elles ne sauraient donc, à elles seules, constituer une stratégie d’avenir2. La marge préférentielle dont bénéficient les membres d'un ACPr diminue au cours du temps sous l'effet de deux phénomènes : a. L'érosion sur le plan multilatéral au sein du GATT/OMC. Avant le GATT, la moyenne des droits douaniers des grands pays commerçants était de l’ordre de 20, 30 à 50%. Et comme les pays membres de GATT/OMC appliquent et réduisent leurs entraves douanières sur les importations provenant de leurs partenaires commerciaux selon la clause NPF, depuis 1948 jusqu’à nos jour, ces droits de douane appliqués sont fortement baissés grâce aux engagements pris de réduire les droits de douane et de consolider leurs taux de droits à des niveaux qu'il est difficile de relever à la suite de plusieurs séries de négociations commerciales multilatérales. En conséquence, se processus de démantèlement tarifaire entre les pays membre de l’OMC a conduit les pays qui bénéficient actuellement de préférences commerciales sous forme de tarifs douaniers très bas ou nuls sur leurs exportations destinées à des pays donateurs de préférences, de conclure que la valeur des préférences commerciales offertes par les pays développés a été érodée voire disparue, bien que cette réduction puisse être compensée en partie par l’expansion du marché et la hausse des prix mondiaux. Redoutant la perte de cet avantage 3. 1 Ram Upendra Das and Rajan Sudesh Ratna, «Perspectives on Rules of Origin: Analytical and Policy Insights from the Indian Experience», Op.cit, p. 98. 2 Jean-François Sempéré, «Les accords de partenariat économique : un chemin critique vers l'intégration régionale et la libéralisation des échanges», note ifri - Programme “Afrique subsaharienne”, Ifri-Bruxelles, Novembre 2008, p. 14. 3 FMI, «L'intégration des pays pauvres dans le système commercial mondial», Dossiers économiques N°37, Fonds monétaire international, Washington DC, 2006, p. 7-8. 106 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels En 2012, la moyenne des droits appliqués pour l’ensemble des produits et des pays était de 4% seulement. Et toute réduction du droit NPF entraîne inéluctablement une diminution de la marge préférentielle. b. L'érosion sur le plan des ACPr. En conséquence de l'écart réduit entre les tarifs douaniers appliqués aux pays membres d'un ACPr et ceux appliqués aux autres pays membres d'un autres ACPr (spaghetti bol). Par exemple, depuis 1963, l'UE a participé à plusieurs accords bilatéraux qui diminuent les tarifs douaniers appliqués à certains produits en provenance des pays associés. Aujourd'hui plusieurs pays et ensembles régionaux ont signé des accords bilatéraux avec l'UE. De plus en plus de pays bénéficient donc d'accords préférentiels, la marge préférentielle des pays diminue relativement. Enfin, les réformes successives de la Politique agricole commune (PAC) tendent à diminuer les prix du marché interne européen pour les aligner sur les prix mondiaux. Ceci se traduit par une diminution des prix dont bénéficient les producteurs ACP dans le cadre des protocoles. Plusieurs études ont analysé l'impact attendu de la libéralisation tarifaire multilatérale sur les marges préférentielles des PED. Amiti et Romalis, ont conclu que, si les pays se mettre d’accord dans le cycle de Doha à réduire leurs tarifs douaniers cela vas conduire à une augmentation nette de l'accès aux marchés pour les PED, et cette augmentation sera beaucoup plus si cette réduction touche les produits agricoles 1 . Cependant, la situation des PMA qui bénéficient de marges préférentielles plus élevés que le reste des PED n'est pas optimiste. Une autre étude à estimer les pertes importantes à un certain nombre de PMA en raison d'une érosion complète des préférences. Parmi les PMA d'Asie-Pacifique, les plus grands perdants seraient Bangladesh (environ 200 millions de dollars par an), suivi du Cambodge (26,37 millions de dollars par an) et le Myanmar (22,46 millions de dollars par an)2. Il apparaît que, ces résultats sont plus surprenant suite aux plusieurs éléments dont3: - l’évolution des négociations au sein du GATT puis l’OMC ont montré qu’il y a eu une énorme réduction des droits NPF depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, la moitié du commerce mondial est déjà soumis à zéro des taux NPF. - les ACPr ont tendance à exempter articles NPF tarifaires élevées d'un traitement préférentiel. Dans une étude récente portant sur quatre grands pays commerçants et leurs partenaires, montre qu'environ 7% des lignes tarifaires, des articles principalement agricoles ou alimentaires et des produits manufacturés à forte intensité de main-d'œuvre, sont exclus. - les règles d'origine ont contribués à ces faibles chiffres en rendant les coûts de conformité élevés que la valeur perçue des marges de préférence sous-jacents. 1 Amiti M. et J. Romalis, «Will the Doha round lead to preference erosion?», Working Paper 12971, NBER working paper series, Cambridge, March 2007, p. 17. 2 Pedro J. Martinez Edo, « Reciprocal liberalization: Bilateral, plurilateral or multilateral? », in, Mia Mikic and Pedro J. Martinez Edo, Trade beyond Doha: Prospects for Asia-Pacific Least Developed Countries, Studies in Trade and Investment n°76, ESCAP, 2011, p. 74. 3 Damuri Y. R., «How preferential are preferential trade agreements? Analysis of product exclusions in PTAs», Swiss National Centre of Competence in Research (NCCR), Working Paper N°2009/30, 2009. p. 6-8. 107 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels - les marges préférentielles sont petites. Le Rapport sur le commerce mondial 2011, montre que seulement 2% des importations mondiales sont admissibles à des tarifs préférentiels où les marges de préférence sont au-dessus de 10%. Pour la plupart des grands exportateurs, des tarifs préférentiels importent peu pour la majeure partie de leurs exportations. Ce n'est pas toujours vrai pour les différents secteurs, en particulier dans certaines petites économies qui exportent un ensemble étroit de matières premières (principalement le sucre, le riz, les bananes, les poissons et les vêtements) où les marges de préférence peuvent être plus substantielle. Il est possible cependant que ces préférences seront érodées au fil du temps quand les pays vers lesquels ils exportent entrerons dans d’autres ACPr. 4.2- Les nouvelles questions contenues dans les ACPr. Actuellement, les ACPr négociés récemment sont plus seulement motivés par le désir d’éviter les droits de douane de la nation la plus favorisée (NPF) relativement élevée, mais actuellement et après l’examen de certain ACP, il y a des exemples de dispositions des ACPr qui diffèrent de celles de l’OMC ou qui vont au-delà (l'introduisant de toutes nouvelles questions pour lesquelles il n’existe encore aucune règle multilatérale). Ce qui a été confirmé par l’OMC récemment dans le rapport annuel sur le commerce mondial pour l’année 2011, et après examen de nombreux ACPr, et elle y retrouve ces deux traits caractéristiques (OMC-plus et OMC-X), en particulier dans les ACPr entrés en vigueur plus récemment. Une autre publication plus détaillée sur le même sujet a été réalisé cette fois par la Banque Mondiale dans un manuel (Preferential Trade Agreement policies for development: A handbook) publié dans la même année avec le rapport sur le commerce mondial 2011 de l’OMC. Dans ce manuel-là BM se concentrent sur la question de savoir si un changement dans l’agenda et les motivations des derniers ACPr devraient donner lieu à une réévaluation par les multilatéralistes qui, comme l’a fait remarquer le directeur général de l’OMC Pascal Lamy dans son introduction, « mettent l’accent sur un clash des systèmes et sur les incohérences inhérentes entre les approches discriminatoires et non discriminatoires des relations commerciales» ou constatent « l’importance croissante des ACPr comme le reflet de la mort du multilatéralisme». Les deux publications sont arrivées à des résultats et des conclusions similaires. Où ces deux institutions internationales se demandent si la portée des ACPr, au-delà de la simple préoccupation relative aux droits de douane, est incompatible avec les préoccupations traditionnelles en matière de création d’opportunités commerciales et de détournement du commerce. Plusieurs accords comportent maintenant des engagements juridiques contraignant sur la politique de concurrence, les investissements et le mouvement des capitaux qui sont essentiels pour les réseaux de production. «Les ACPr créent des opportunités de compléter la libéralisation commerciale avec d’autres réformes hors frontières», affirme le Handbook de la Banque mondiale, de façons «qui ne peuvent être facilement, voire pas du tout, reproduites dans la configuration plus large et formelle des institutions multilatérales»1. 1 http://agritrade.cta.int/fr/layout/set/print/Agriculture/Sujets/Commerce-regional-ACP/Les-accords-commerciauxregionaux-et-le-multilateralisme (Consulté le 17 juin 2012). 108 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Il existe de très nombreux accords commerciaux préférentiels (ACPr) entre les pays: il peut s'agir d'accords bilatéraux, sous-régionaux, régionaux ou interrégionaux, d'accords de libreéchange, d'unions douanières ou d'accords d'intégration économique, entre autres exemples. Ces accords couvrent de très nombreux aspects, depuis le commerce traditionnel des biens jusqu'au commerce des services et au libre mouvement des personnes et des capitaux. Ces vingt dernières années, le nombre et la portée de ces accords ont augmenté de manière spectaculaire. Les accords d’intégration en surface sont plus nombreux. Leur objectif est d’interconnecter des économies souvent fortes différentes et de rendre leurs systèmes réglementaires interopérables, réduisant ainsi les frictions institutionnelles. Il ne s’agit plus seulement d’ouvrir les marchés, mais d’établir des normes communes. Les ALE bilatéraux ou plurilatéraux vont au-delà des accords de l’OMC (OMC+) et couvrent des domaines non touchés par l’OMC (OMC-X)1. Les ACPr soulèvent pourtant de nombreux problèmes, comme : • l'élaboration des règles relatives à des questions émergentes et l’adoption de mesures disciplinaires plus rigoureuses dans les domaines relevant de la compétence de l'OMC (accords "OMC-plus") sont susceptibles de créer des préoccupations qui ne seront pas nécessairement propices au développement (protection de la propriété intellectuelle, règlement des différends entre investisseurs et États, par exemple); • les ACP peuvent détourner l'attention et les ressources (y compris le capital de négociation) du système commercial multilatéral; • les ACP sont susceptibles d'entraîner la multiplication des règles commerciales redondantes et incohérentes; et • les petits PED risquent de se trouver marginalisés et exclus du processus d'élaboration et de mise en œuvre des règles commerciales. a. Les dispositions OMC-Plus (OMC +). Les dispositions OMC-plus peuvent être définies comme des ACPr qui relèvent à court terme sur les obligations et les règles de l'OMC, où les parties s'engagent à qui s'appuient sur ou approfondir les engagements qu'ils ont déjà pris au niveau multilatéral. L'exemple le plus marquant est une réduction des droits de douane sur les produits industriels et agricoles allant au-delà de ce qui est déjà engagé dans le cadre de l'OMC. Exemples d'autres dispositions qui peuvent être OMCplus inclure des obligations relatives à l'administration des douanes, les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS), les obstacles techniques au commerce (OTC), les recours commerciaux (droits compensateurs et antidumping), les services (obligations couvertes par l'accord général sur commerce des services ou AGCS), les marchés publics, les entreprises commerciales d'État, les aides publiques et les droits de propriété intellectuelle (DPI), qui relèvent des droits liés au commerce de propriété intellectuelle (ADPIC)2. 1 Deblock C., «Accords commerciaux: entre coopération et compétition», Politique étrangère, 2012/4 Hiver, p. 819-831. Henrik Horn, Petros C. Mavroidis, André Sapir, «Beyond the WTO?: An Anatomy of EU and US preferential trade agreements», Bruegel Blueprint Series VII, 2009, p. 14. 2 109 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Enfin, il est également inclus les taxes à l'exportation, même si l'OMC ne contient aucun engagement précis dans ce domaine. Néanmoins, les membres de l'OMC pourraient négocier des engagements sur les taxes à l'exportation conformément à l'article II du GATT, de sorte qu'il peut faire valoir qu'un instrument de l'OMC existe déjà dans ce domaine. Le tableau II-02: fournit une liste et une description de 14 de ces OMC-plus des dispositions qui ont été incorporées dans les accords commerciaux préférentiels des États-Unis et de l'UE. Tableau II-02: Description des dispositions OMC+ dans les ACPr. Disposition Contenu ACPr produits industriels La libéralisation tarifaire, l'élimination des mesures non Tarifaires. ACPr produits agricoles La libéralisation tarifaire, l'élimination des mesures non tarifaires. Administration des douanes Fourniture d'informations, la publication sur Internet de nouvelles lois et réglementations, la formation. Taxes à l'exportation Élimination des taxes à l'exportation. Mesures SPS L'affirmation des droits et obligations découlant de l'Accord SPS de l'OMC, l'harmonisation des mesures sanitaires et phytosanitaires. Entreprises commerciales d'État Création ou le maintien d'une autorité de concurrence indépendante, la non-discrimination en ce qui concerne la production et les conditions de commercialisation, la fourniture d'informations, l'affirmation des dispositions de l'Article XVII du GATT. Obstacles techniques au commerce L'affirmation des droits et obligations en vertu de l'Accord de l'OMC sur les obstacles techniques au commerce, la fourniture de l'information, l'harmonisation des règlements, des accords de reconnaissance mutuelle. Mesures compensatoires Antidumping Aide d'État Marchés publics Maintien des droits et obligations CVM vertu de l'Accord de l'OMC (article VI du GATT). Maintien des droits et obligations AD vertu de l'Accord de l'OMC (article VI du GATT). Évaluation du comportement anticoncurrentiel, les rapports annuels sur la valeur et la répartition des aides d'État accordées; fourniture d'informations. La libéralisation progressive; traitement national et / ou la non-discrimination principe, la publication des lois et règlements sur l'Internet; spécification du régime de passation des marchés publics. Mesures concernant les investissements MIC Dispositions concernant les prescriptions relatives au contenu local et résultats à l'exportation sur les investissements directs étrangers. AGCS La libéralisation du commerce des services. ADPIC L'harmonisation des normes, à l'application, le traitement national, traitement NPF Source: Horn H., P.C. Mavroidis and A. Sapir, «Beyond the WTO? An Anatomy of EU and US preferential trade agreements», Bruegel Blueprint Series VII, 2009, p. 15. b. Les dispositions OMC-extra (OMC-X). Une disposition de l'OMC-extra, telle que définie par l'étude Bruegel, se réfère à des engagements dans des domaines non couverts actuellement ou réglementés par l'OMC. Par exemple, il n'y a pas des entreprises actuelles de l'OMC en matière de protection de l'environnement, droit du travail, droits de l'homme, ou des mouvements de capitaux. 110 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Le tableau II-03 présente une liste partielle et une description de 15 dispositions de l'OMC-X1 qui ont été incorporées dans les ACPr des États-Unis et de l'UE. Tableau II-03: Description de quelques dispositions OMC-X dans les ACPr. Disposition Contenu Lutte contre la corruption Règlement concernant les mesures pénales relatives au commerce et aux investissements internationaux La politique de concurrence L'harmonisation des lois sur la concurrence, la création ou le maintien d'une autorité de concurrence indépendante protection des consommateurs L'harmonisation des lois de protection des consommateurs, l'échange d'informations et d'experts protection des données L'échange d'informations et d’experts ; projets communs Les lois environnementales Élaboration de normes environnementales, à l'application des lois nationales sur l'environnement, l'établissement de sanctions pour violation des lois sur l'environnement investissement L'harmonisation et la simplification des procédures ; élaboration de cadres juridiques en place de mécanismes de règlement des différends mouvement des capitaux La libéralisation des mouvements de capitaux, l'interdiction de nouvelles restrictions Conditions du marché du travail La régulation du marché du travail national, l'affirmation de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) engagements fondamentaux Droits de propriété intellectuelle (DPI) Adhésion aux traités internationaux n'est pas référencée dans l'Accord sur les ADPIC droits de l'homme Le respect des droits de l'homme Les drogues illicites Des projets conjoints en matière de réduction de l'offre et de la demande Le blanchiment d'argent L'harmonisation des normes, l'assistance technique et administrative Coordination des systèmes de sécurité sociale, la non-discrimination en matière de conditions de travail Les questions sociales terrorisme L'échange d'informations et d'expériences, la recherche et les études communes Visas et d'asile L'échange d'informations, rédaction de législation, la formation Source: Horn H., P.C. Mavroidis and A. Sapir, «Beyond the WTO? An Anatomy of EU and US preferential trade agreements», Bruegel Blueprint Series VII, 2009, p. 15. c. La force exécutoire des obligations énoncées dans les ACPr. Il se peut que, dans un domaine visé par l’accord, les dispositions ne soient pas exécutoires en raison d’un libellé juridique flou ou approximatif. Alors il y a donc, des dispositions exécutoires, quand ces derniers ont des libellés juridiques qui sont exprimés d’une manière claire, spécifique et impératifs2. 1 Les autres dispositions de l'OMC-X décrits dans l'étude de Bruegel couvre : l'agriculture, rapprochement de la législation, l'audiovisuel, la protection civile, les politiques d'innovation, la coopération culturelle, le dialogue de politique économique, l'éducation et de la formation, l'énergie, l'aide financière, la santé, l'immigration illégale, coopération industriels, société de l'information, exploitation minière, la sûreté nucléaire, le dialogue politique, l'administration publique, la coopération régionale, recherche et technologie, petites et moyennes entreprises, les statistiques et la fiscalité. 2 OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2011», Op.cit., p. 121. 111 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Le graphique II-04 montre que le nombre moyen de domaines OMC visés par les ACPr a augmenté au fil du temps. Entre 1958 et 2010, la proportion des dispositions exécutoires a été très proche du nombre total de secteurs visés. L’évolution observée indique que l’approfondissement des engagements dans ces domaines, c’est-à-dire le fait d’aller au-delà des engagements pris à l’OMC, reste un ressort essentiel des ACPr récents. Graphique II-04: Evolution des dispositions OMC+ visées et exécutoires (entre 1958 et 2010). Source : Secrétariat de l’OMC. Le graphique II-05 montre que l’évolution des dispositions OMC-X est moins claire. Il est vrai que les ACPr entrés en vigueur depuis 2000 visent plus de domaines OMC-X que les accords antérieurs et qu’un plus grand nombre d’entre eux ont forcé exécutoire. Mais l’écart entre les domaines visés par des dispositions exécutoires et ceux qui ne le sont pas est encore plus important pour les dispositions OMC-X que pour les dispositions OMC+. Horn et al. (2010) définissent les dispositions OMC-X comme largement réglementaires par nature. Sur la base de cette interprétation, et malgré la proportion plus faible de domaines faisant l’objet de dispositions exécutoires, l’augmentation du nombre moyen de dispositions OMC-X dans les ACPr récents témoigne de l’importance grandissante des mesures à l’intérieur des frontières dans les ACPr. Graphique II-05: Evolution des dispositions OMC-X visées et exécutoires (entre 1958 et 2010). Source : Secrétariat de l’OMC. 112 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Section 2. Les accords commerciaux régionaux dans le système du GATT/OMC. Depuis la création de l'OMC et de l'extension des accords commerciaux multilatéraux au commerce des services et les aspects commerciaux des droits de propriété intellectuelle, les nouveaux accords commerciaux préférentiels ont également tendance à couvrir ces deux sujets, qui tournent principalement autour des questions de réglementation. Par ailleurs, certains affirment que les nouveaux accords préférentiels signés essentiellement par l'UE ou les États-Unis vont encore plus loin dans la couverture des questions de réglementation, y compris par des dispositions dans des domaines qui ne sont pas actuellement couverts par les accords de l'OMC (OMC-X) tout comme la protection de l'investissement, les politiques de concurrence, normes du travail et de la protection de l'environnement. Cette affirmation pourrait avoir des répercussions systémiques autant que ces deux pays représentent conjointement plus de 40% du PIB mondial (PPA) et le commerce mondial, l'UE et les États-Unis sont parfois considérés comme des «régulateurs du monde». On estime en effet que, ensemble, ils représentent environ 80% des règles qui régissent le fonctionnement des marchés mondiaux. Le champ d'application relativement large des ACPr impliquant l'UE et les États-Unis se reflète dans le débat politique et, en moindre mesure dans la littérature académique. Les chercheurs économiques plaidants pour un certain temps, à propos de la relation entre les ACPr et le système commercial multilatéral, avec une répartition claire en deux camps. D'un côté, il y a ceux qui soutiennent que les accords commerciaux préférentiels, en particulier ceux de la «nouvelle génération», constituent une menace dangereuse pour le système. D'autre part, il y a ceux qui estiment que cette préoccupation est exagérée, et qu'il y a des solutions possibles pour concilier les deux, en fournissant la volonté politique existante. Il y a maintenant aussi une reconnaissance institutionnelle que les ACPr doivent être considérées comme une préoccupation majeure pour le système commercial multilatéral. Ainsi, dans l'ouverture de la conférence intitulée «Multilatéraliser le régionalisme», qui s'est tenue à Genève en Septembre 2007, le Directeur de l'OMC, Pascal Lamy, reflète «qu'il serait juste de dire que la prolifération des accords commerciaux préférentiels est l'élevage préoccupation, la crainte que l'incohérence, la confusion, augmentation exponentielle des coûts pour les entreprises injustice, l'imprévisibilité et même dans les relations commerciales». Pourtant, aucune mesure concrète n'a été prise jusqu'à présent par la communauté politique de résoudre ce problème à multiples facettes. Si on recule de plus de 60 ans sur l’articulation entre multilatéralisme et régionalisme, la remarque que l’on puisse tirer et que cette articulation s’est profondément modifiée, le multilatéralisme tout comme le régionalisme d’aujourd’hui est différent et ils n’ont plus grandchose à voir avec ceux des années 1950. De même, la place des PED et la nature de la relation Nord-Sud dans ces deux grands types d’accords ont été profondément bouleversées ; Au total, ces évolutions ont grandement participé au développement de l’intégration Nord-Sud. 113 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels 1- La typologie classique de l'intégration régionale. Parmi les différentes modalités de rapprochement économique régional entre les pays, il existe une typologie qui a été proposé par l’économiste hongrois B. Balassa au début des années 60, dans son ouvrage «the theory of economic integration » où on peut distinguer la présentation classique par ordre d’intégration croissante répartie en quatre (04) stades évolutives qui s'enchaînent et auxquels on peut différencier leurs effets sur les échanges, le bien-être et la dimension politique, pour les participants comme pour les pays tiers. Dans cette topologie on peut diviser les ACR entre deux : celles qui sont prévus formellement dans les instances du GATT puis l’OMC et celles qui ne sont pas prévus. 1.1- Les ACR formellement prévus par le GATT/OMC. Le GATT/OMC ne fait pas obstacle à la constitution d’une zone de libres échange ou d’une union douanière à la condition que1: - Les droits de douane appliqués aux pays tiers ne soient pas, dans leur ensemble, d’une incidence générale plus élevé que les droits qui étaient en vigueur dans les états constitutifs avant l’établissement de l’accord. - L’établissement de l’union douanière et même pour la zone de libre-échange, ait pour objet de faciliter le commerce entre les territoires constitutifs et non d’opposer des obstacles au commerce d’autres Etats avec ces territoires. a. La Zone de libre-échange (ZLE). On parle d’une Zone de libre-échange (ZLE) lorsque les Etats décident de supprimer les droits de douane et les obstacles non tarifaires sur le commerce à l’intérieur de la zone. En général, cette règle ne s’applique pas à l’agriculture, la pêche ou les services alors que dans la pratique les ententes précises varieront d’une zone de libre-échange à l’autre. Cette ZLE est une entente permanente qui peut être construite nécessairement par deux pays au minimum, ou plus. Les pays membres de cette dernière sont libres d’imposer leurs propres droits de douane extérieurs sur les marchandises ne provenant pas de la zone de libre-échange. Chaque pays membre conserve dès lors son autonomie commerciale avec des pays extérieurs. Des institutions et des politiques officielles ne sont utiles que pour garantir l’inexistence de droits de douane à l’intérieur de la zone 2. Cela signifie que si une marchandise est considérée comme n’étant pas originaire de la zone, elle ne peut circuler librement sans être subir aux droits de douane. Autrement dit, une marchandise d’un pays membre de la zone peut se rendre librement dans la zone, sans acquittement de droits et taxes. A l’inverse, si une marchandise d’un pays tierce à la zone veut passer, des droits et taxes doivent être payés. Toutefois, cela n’empêche pas de maintenir des formalités déclaratives aux frontières. Toutefois, la principale difficulté pour ces pays est que les marchandises provenant de l’extérieur chercheront le point d’entrée le plus faible c’est-à-dire le lieu où les droits de douane sont les plus bas pour ensuite traverser toute la zone de libre-échange sans risque de devoir subir à 1 Dilip K. Das, «Regionalism in Global Trade», Edward Elgar Publishing, Cheltenham, United Kingdom, 2004, p. 02. Harrison A., E. Dalkiran et E. Elsey, « Business international et mondialisation : vers une nouvelle Europe »,1ere Edition, Editions De Boeck Université ; Bruxelles, 2004, p. 202. 2 114 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels des taxes supplémentaires. Cette pratique risque de fausser les relations économiques entre les pays membres et ira dans le fond à l’encontre de la souveraineté douanière de ses membres en requérant des droits de douane élevés. Afin de surmonter ce problème, les membres de la zone de libre-échange ont souvent recours à des contrôles sur les marchandises en provenance du pays d’origine qui traversent les frontières nationales (imposition des certificats d’origine). Cela implique une intensification des contrôles aux frontières et de nombreuses autres procédures1. L’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) représente l’exemple le plus typique et le plus abouti qui a fait remplacer l’accord de libre-échange entre le Canada/USA et regroupe depuis 1994 le Mexique, les USA et le Canada, entrée en vigueur cinq (05) ans après, il fixe des différents objectifs de type OMC-plus et OMC-X, comme l’élimination des barrières tarifaires, facilitation des échanges, assurer les conditions d’une concurrence équitable et l’augmentation des investissements2. Il en existe d’autres exemples, comme l’Association européenne de libre-échange (AELE) et la zone de libre-échange de l’ANASE. Dans certains cas, une zone de libre-échange totale n’a pas encore été mise en place et dans d’autres certains aspects dépassent le cadre d’une zone de libreéchange. L’Union européenne a déjà dépassé ce type d’intégration. L’abolition des droits de douane est susceptible de procurer un gain net de bien-être aux pays impliqués bien qu’un long processus d’adaptation soit nécessaire à leurs entreprises et leurs industries. Les droits de douane constituent les barrières commerciales les plus évidentes entre deux pays mais ils sont également parmi les plus simples à retirer. C’est pour cette raison que la zone de libre-échange est souvent perçue à juste titre comme un degré d’intégration essentiel. Elle peut également être perçue comme le premier pas vers des formes d’intégration plus importantes. b. L’Union Douanière (UD). On a vu que, dans une ZLE, le principal problème est que des marchandises provenant de pays tiers (non-membres) peuvent affranchir les barrières douanières externes de certains membres puis circuler librement à l’intérieur de la zone. Dans une telle situation de difficultés, l’union douanière permet aux pays de la zone d’éviter ce problème dans la mesure où les membres peuvent s’accorder de mettre en place un outil de coopération plus poussé que la ZLE grâce à un niveau commun de droits de douane extérieurs pour chaque type de produit. Pour le producteur extérieur, la barrière demeure la même quel que soit le point d’entrée qu’il utilise. C’est-à-dire, grâce à une volonté de rapprochement politique et juridique entre les pays membres de cette UD, les procédures internes visant à déterminer le pays d’origine des marchandises ne sont donc plus nécessaires. Le nouvel enjeu désormais tient au bénéficiaire des revenus douaniers externes. La solution semble être de traiter ces revenus comme des biens communs à l’UD. Cela nécessite bien entendu un degré de coopération politique plus important que dans une ZLE. Une entente est nécessaire aussi bien au niveau des droits de douane extérieurs communs qu’au niveau de la gestion des revenus douaniers 3. 1 Harrison A., E. Dalkiran et E. Elsey, Op.cit., p. 202. Hyeans A., Op.cit., p. 20. 3 Harrison A., E. Dalkiran et E. Elsey, Op.cit., p. 203. 2 115 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Dans un temps où le niveau d’intégration est en développement continuel, il devient de plus en plus compliqué de choisir et de trouver de parfaits exemples qui correspondent et répondent à tous les modèles théoriques. Une union douanière fut établie au sein de l’UE parmi ces six membres initiaux entre les années 1960 et 1993. Cette union a depuis été élargie à tous les nouveaux membres à l’issue d’une période d’introduction progressive. L’UE a également accepté de former une union douanière avec la Turquie (même si les recettes encaissées par les turques n’alimentent pas le budget de l’UE)1. L’exemple typique d’une UD est le MERCOSUR, qui a été créé en 1991 avec la signature du traité d’Asunción. C’est le troisième plus grand marché au monde, après l’UE et l’ALENA, qui concerne 213 millions de personnes. Le MERCOSUR ne se limite pas aux objectifs de la ZLE. Il a pour volonté de développer la démocratie. Certain pays ont le statut de membres permanents tels que l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay et le Venezuela. D’autres sont associés comme la Bolivie, le Chili, le Pérou, la Colombie et l’Equateur. Au sommet de Rio, en juin 2007, la Bolivie et l’Equateur ont exprimé leur intérêt pour devenir membre à part entière. Le MERCOSUR est cependant une UD incomplète2. Elle est minée par la rivalité entre le Brésil et l’Argentine et par celle entre l’Uruguay et le Paraguay. Elle est aussi menacée par le projet de ZLE du continent américain qui viendrait remplacer l’ALENA, associant ainsi tout le continent, à l’exception de Cuba. Les résultats en termes d’échanges internes, sont souvent servis pour présenter le MERCOSUR comme une zone économique dynamique et intégrée. De 12.9% en 1991, le volume du commerce intra-Mercosur est passé à plus de 20% en 2000 (après avoir atteint 23.1% en 1998)3, et en 19 ans ces échanges sont passés de 4 à 30 milliards de dollars, même si les petits pays (Uruguay et Paraguay) ont moins profité de l’essor commercial (avec un volume d’échange en baisse) que les géants de la zone4. 1.2- Les autres formes d’ACR (non expressément prévues par le GATT/OMC). a. Le Marché commun. Le Marché commun est tout espace économique qui autorise à leur sein ; la libre circulation des facteurs de production (tels que le capital et le travail) à travers les frontières nationales des Etats membres, et dans lequel les producteurs de l’un des Etats considérés peuvent atteindre les consommateurs des autres (l’inverse est juste) dans les conditions des échanges internes d’un marché national. Autrement dit, les éléments constitutifs d’un marché commun sont5: * la Zone de libre-échange : - suppression des droits de douane et taxes d’effet équivalent ; - suppression des restrictions quantitatives et mesures d’effets équivalents ; * l’Union douanière : tarif extérieur commun et règles de politique commerciale commune ; * le Marché intérieur (ou unique) : libre circulation des marchandises, des personnes (salariés et indépendants), des services, des capitaux et libre concurrence ; 1 Harrison A., E. Dalkiran et E. Elsey, Op.cit., p. 203-204. Saludjian A., «Pour une autre intégration sud-américaine: Critiques du Mercosur néo-libéral», édition l’Harmattan, Paris, 2006, p. 46. 3 ibidem. 4 Hyeans A., Op. cit., p. 22. 5 Raepenbusch Sean V., «Droit institutionnel de l’Union européenne», Edition Larcier, Bruxelles, 2005, p. 55. 2 116 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels b. L’Union économique (et monétaire). L’union économique est la dernière phase de l’intégration au cours de laquelle les politiques nationales sont harmonisées. Il n’existe pas d’union économique en place pour le moment, mais l’intégration européenne tend vers cette modalité, à l’image de la mise en place de la monnaie unique. L’Union européenne est en quelque sorte une union économique imparfaite, en ce qu’elle ne comporte pas d’harmonisation des politiques économiques qui constitue la dernière étape avant l’intégration politique. Cette phase de l’intégration incite fortement à la réalisation d’une monnaie unique (optimum de premier rang) ou de la parité de change fixe (optimum de second rang inférieur à l’approche unilatérale) pour l’élimination de certains coûts liés à l’interaction régionale. 2- Les différentes vagues de l’intégration régionale. Selon la classification de l’OMC, les intégrations régionales dans ère moderne ont considérablement évolué au fil du temps. L'évolution est classé en termes des vagues des premières (la vague des années 60), deuxièmes (la vague des années 80), troisièmes (la vague des années 90). Tableau II-04: Les ACPr intra-régionaux et inter-régionaux en vigueur en 2010, notifiés et non notifiés, par région et par période. Source: OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2011, L’OMC et les accords commerciaux préférentiels: de la coexistence à la cohérence», Genève, 2011, p. 59. 117 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels 2.1- La Première vague (Première génération). Selon le rapport sur le commerce mondial 2011, la première vague de régionalisme a eu lieu entre les années 1950 et les années 1960. Elle a été marquée par la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, en 1951, qui a été suivie, en 1957, par la Communauté économique européenne (CEE) de plus vaste portée, puis s’est étendue à travers un ensemble complexe des ACPNR. L’évolution de la Communauté européenne a amené les pays qui avaient choisi de rester dehors, à créer, en 1957, une entité concurrente, l’Association européenne de libreéchange (AELE). La CEE a aussi été prise comme modèle par différents groupes de PED en Afrique, dans les Caraïbes, en Amérique centrale et en Amérique du Sud, qui se sont hâtés de former, pendant cette période, leurs propres unions régionales ou sous-régionales. Mais à la fin des années 1970, la plupart de ces accords, y compris les plus prometteurs d’entre eux, la Communauté de l’Afrique orientale et le Marché commun d’Amérique centrale avaient disparu ou cessé de fonctionner1. 2.2- La Seconde vague (deuxième génération). Selon le rapport sur le commerce mondial 2011, la deuxième vague de régionalisme a commencé à peu près au milieu des années 1980 et s’est prolongée pendant une bonne partie des années 1990. Là encore, l’impulsion a été donnée par la volonté de l’Europe d’élargir et d’approfondir son intégration économique. La CE voulait aussi conclure une nouvelle série d’ACPr bilatéraux avec les pays PECO après l’effondrement de l’Union soviétique et la dissolution du Conseil d’assistance économique mutuelle (COMECON). Au milieu des années 1990, l’UE a également conclu des accords bilatéraux avec certains pays Méditerranéens, en vue de constituer une zone de libre-échange comparable à l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA)2. L’Europe n’était pas seule dans cette démarche. Les États-Unis ont eux aussi donné une impulsion au régionalisme, en partie parce qu’ils étaient toujours préoccupés par l’expansion de la CE et en partie, en raison des retards pris dans le lancement et l’avancement des négociations du Cycle d’Uruguay. Après avoir privilégié le multilatéralisme pendant près de 40 ans, les États-Unis ont soudainement changé de stratégie et se sont lancés dans un vaste programme de négociations bilatérales comprenant d’abord un accord de libre-échange avec Israël en 1985, puis, de manière plus spectaculaire, l’accord de libre-échange avec le Canada signé en 1988, qui a été trilatéralisé au début des années 1990 avec l’inclusion du Mexique dans l’ALENA. Une bonne partie du «nouvel» agenda commercial recherché par les États-Unis dans le cadre multilatéral (incluant l’investissement, le commerce des services, les droits de propriété intellectuelle et les marchés publics) a été incorporé d’abord dans ces négociations bilatérales et régionales avant d’être repris dans les négociations du Cycle d’Uruguay. Toutefois, la deuxième vague ne se limite pas aux pays européens. MERCOSUR, l'ASEAN et la Communauté économique des États d'Afrique occidentale (CEDEAO) sont d'autres exemples de multidimensionnelle de l'intégration régionale. Bien que la deuxième vague soit encore limitée dans sa propagation, il existe des preuves d'une possibilité d'intégrer la politique extérieure, ce qui favorise l'inter-régionalisme. Ceci est connu comme étant la troisième vague. 1 2 OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2011», Op.cit., p. 52. Ibid, p. 53. 118 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels 2.3- La Troisième vague (nouveau régionalisme). La troisième vague de régionalisme a commencé au milieu des années 1990, après l’augmentation rapide du nombre d'accords commerciaux préférentiels sous l’impulsion des grandes puissances commerciales (UE, États-Unis, etc.) et pour la première fois, avec la participation de nombreux pays asiatiques jusque-là ardents défenseurs du multilatéralisme et de la nondiscrimination. La littérature de spécialité a alternativement employé les concepts de «régionalisme ouvert», «nouveau régionalisme», «régionalisme vers l’extérieur» pour identifier cette troisième vague de régionalisme. Le nouveau régionalisme, quant à lui, prescrit le besoin de combiner la libéralisation des biens, des services, du capital et du travail avec l’harmonisation des régimes commerciaux des pays membres1. Ce type de régionalisme permet aux régions de devenirs plus proactives à l'égard des accords et arrangements interrégionaux qui peuvent affecter le reste du monde. Ce changement de stratégie peut être attribué en partie à la réaction inadéquate de la communauté internationale à l’effondrement du commerce asiatique à la suite de la crise financière asiatique en 1997, à l’échec retentissant de la Conférence ministérielle de l’OMC à Seattle, en 1999, et au déclin des initiatives panpacifiques, en particulier du Forum de l’APEC. Plus important encore, la prolifération des accords régionaux en Asie semble refléter et renforcer un processus sous-jacent d’intégration économique profond, dû au fait que les pays sont de plus en plus étroitement liés entre eux par les flux d’échanges et d’investissements associés aux réseaux de production régionaux et sous-régionaux. Alors que l'UE est pionnier dans cela, d'autres organisations régionales, telles que le MERCOSUR et l'ASEAN, ont également emboîté le pas. Actuellement, il y a des négociations entre blocs commerciaux régionaux, comme l'UE - l'ASEAN et l'UE - SADC. Ainsi, les ACPr ne se sont pas seulement limités à deux ou trois pays, mais se sont également étendus à deux parties composées chacune de plusieurs pays, ce qui a rendu les négociations en vue de ce type d'accords de plus en plus complexes. Cette dernière «vague» de régionalisme englobe un ensemble beaucoup plus vaste de participants, incluant des initiatives bilatérales, plurilatérales et interrégionales. Elle concerne des pays dont les niveaux de développement économique sont différents, avec des alliances entre pays développés, entre les PED eux même et entre PED et pays développés. En plus des réductions tarifaires préférentielles, ces ACPr sont axés encore plus sur les questions «OMC-plus» et « OMCX » qui ont été cités précédemment dans ce chapitre. - La montée en puissance du «régionalisme bilatéral». La multiplication rapide des ACPr est devenue un élément dominant du système commercial multilatéral. Le nombre d’accords commerciaux bilatéraux et régionaux notifiés à l’OMC a augmenté modérément entre 1955 et 1995 pour atteindre 127 à la fin de cette période. Après 1995, il a littéralement explosé, jusqu’au fin de l’année 2012, on comptait 546. 1 German A. De La Reza, «Les nouveaux défis de l'intégration en Amérique latine», L’Harmattan Edition, paris, 2010, p. 64-65. 119 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Graphique II-06: Évolution des accords commerciaux régionaux dans le monde, 1948-2012 Source: Secrétariat OMC. Le bilatéralisme : Est le trait le plus frappant de cette montée en puissance des accords commerciaux préférentiels : 80% des accords notifiés à l’OMC, 94% de ceux signés et en cours de négociation et 100% de ceux proposés sont bilatéraux. Il s’agit donc d’un bilatéralisme conquérant au service du libre-échange dans la mesure où ces accords organisent la constitution de zones de libre-échange. Les accords plurilatéraux : Ils sont délaissés tout comme l’autre figure de l’intégration économique régionale évoquée par l’article XXIV du GATT, qu’est l’union douanière. La signification d’une telle tendance semble être que les États parties sont plus intéressés plus par l’ouverture des frontières et moins par la mise en place d’unions douanières plus sophistiquées, plus complexes à négocier et à administrer et qui demandent plus d’abandon de souveraineté sans parler des obstacles politiques toujours plus sensibles à mesurer que les projets de regroupement économiques sont plus ambitieux. Tableau II-05: Nombre cumulé d’ACPr bilatéraux et plurilatéraux en vigueur en 2010, notifiés et non notifiés, par groupe de pays et type d’accord régional Entre pays développés Entre pays développés et PED Entre PED Intrarégionaux Interrégionaux Bilatéraux Plurilatéraux 6 29 135 81 89 9 6 36 39 12 Plurilatéraux dont au moins une partie est un ACPr 8 41 18 26 41 Source: OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2011, L’OMC et les accords commerciaux préférentiels: de la coexistence à la cohérence», Genève, 2011, p. 61. 120 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels L’absence de proximité géographique caractérise fondamentalement ce nouveau régionalisme. Le régionalisme traditionnel reposait sur des relations de voisinage tant la proximité géographique favorise les échanges, qu’ils soient encadrés ou pas d’ailleurs (L’ALENA, UE, MERCOSUR, les intégrations économiques en Afrique…). Or, ici cette proximité tend à s’estomper et les partenaires appartiennent souvent à des zones géographiques éloignées l’une de l’autre. Ainsi les États-Unis ont-ils conclu des accords avec le Maroc, Bahreïn, la Jordanie,…etc. la Suisse cherche à se rapprocher des «BRIC», l’UE a des ALE avec le Mexique, l’Afrique du Sud, le Chili, et depuis peu avec certains pays ACP par le biais des accords de partenariat économique (APE). C’est la recherche du libre-échange qui semble à l’origine de ce phénomène. Le bilatéralisme récent a surtout pour objectif l’ouverture des frontières à travers l’établissement d’une ZLE dont on a vue qu’elle constituent la figure juridique préférée des négociateurs, très loin devant l’union douanière. Ce constat ressort avec plus de netteté des accords Nord-Sud que des accords Sud-Sud, bien qu’ils soient presque aussi nombreux que les premiers, les accords Sud-Sud sont moins ambitieux et présentent souvent même un caractère partiel. S’agissant des accords Nord-Sud, ils introduisent un changement certain dans le paysage juridique et économique des relations entre PED et pays développés. En effet, le schéma fréquemment suivi est celui du remplacement des préférences «unilatérales» par des préférences réciproques. La politique suivie par les États-Unis et l’UE illustre bien cette nouvelle tendance. Le libreéchange est en effet substitué aux préférences commerciales dont bénéficiaient jusque-là leurs partenaires. Premier exemple, celui de l’UE et des Accords de partenariat économique (APE) dont la raison d’être est de tourner définitivement la page des préférences non-réciproques ayant bénéficié au États ACP pendant près d’une quarantaine d’années (jusqu’à la fin 2007). Le but est en effet de remplacer ces dernières par des zone de libre-échange avec un programme d’abolition des tarifs douaniers, immédiats pour l’UE et échelonné dans le temps pour les États ACP signataires. Quant aux États-Unis, ils sont mus par les mêmes objectifs comme le montrent leurs accords avec le Maroc, la Jordanie, les pays andins ou encore les pays d’Amérique centrale, des pays éligibles au régime préférentiel. C’est là un profond bouleversement dont on n’a pas fini de mesurer les conséquences d’autant qu’il s’accompagne d’autres concessions de la part des PED. L’approfondissement du libre-échange distingue également cette nouvelle génération d’accords régionaux de l’ancienne. Il s’agit à l’évidence d’accords complexes abordant de nombreux sujets autres que les traditionnels tarifs douaniers. Ces accords réglementent non seulement des thèmes déjà couverts par des accords administrés par l’OMC mais ils y ajoutent d’autres thèmes pour l’instant hors du champ d’application du droit de l’OMC (OMC+ et OMC-X). 3- Régionalisation, Régionalisme ou Intégration Economique Régionale: quel terme, pour quelle définition ? Au-delà de la multiplicité des accords signés depuis le milieu des années 1990, qui se caractérise par la très grande variété des formes prises, cette nouvelle vague d’accords commerciaux régionaux a suscité des tentatives de comparaison entre les différents processus dans l’espace comme dans le temps. Afin de faciliter ces comparaisons, il apparaît utile de proposer des catégories permettant de positionner ces processus les uns par rapport aux autres. 121 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Et pour situer les différents termes du débat académico-sémantique livré par la littérature contemporaine, ce paragraphe va nous permettre de lever le flou sémantique qui se dégage de la littérature, aussi bien francophone qu’anglo-saxonne. Dans ce sillage, les termes anglophones sont plus riches et plus difficiles à traduire, si "regionalisation", "regionalism", ou "regional economic integration" ne posent pas de problème, au moins pour leur traduction littérale, il n’en va pas de même pour "regionhood" et autre "regioness". Selon Figuière Catherine et All, «Ces deux derniers sont proposés en tant que concepts par des auteurs qui abordent la régionalisation (au sens le plus large) mais pas forcément sous l’angle économique, et pas nécessairement avec une définition internationale de la région,… Ces deux concepts, s’ils ne sont pas indispensables pour rendre intelligibles les formes prises par les différents processus, peuvent néanmoins s’avérer fort utiles pour en appréhender les motivations, en particulier dans une grille d’économie politique internationale (EPI). Ils permettent de mobiliser des approches en termes de construction identitaire des espaces régionaux, par la prise en compte, notamment, des aspects liés à la sécurité»1. Il est à signaler qu’à l’heure actuelle, il y a une abondante littérature qui traite le sujet de prolifération des accords commerciaux régionaux (ACR) ; induit par la complexification, diversité des approches et des visions du monde. D’autres termes sont également utilisés pour ce phénomène de rapprochement entre les pays : Régionalisation, régionalisme, intégration régionale (IR), coopération régionale, zones régionales, blocs régionaux, etc, et la liste des termes ne cessent de s’enrichir2. Dans le cadre de l’OMC, les accords commerciaux régionaux ont une signification plus spécifique car sont qualifiés de régionaux tous les accords dérogeant à la règle du multilatéralisme qui est fondée sur le principe de non-discrimination (clause de la nation la plus favorisé, NPF). C’est ainsi que se trouvent qualifiés de "régionaux" des accords qui auraient jadis été qualifiés d’interrégionaux. La complexification de l’économie mondiale et la multiplication des initiatives et des accords de coopération, d’association et d’intégration ont mis en exergue la nécessité de clarification conceptuelle. 3.1- La notion de région. Le terme "région" vient du latin "regio" qui désigne, entre autre, une aire géographique ou même administrative habitée, de plusieurs peuples. En français, il est dérivé du verbe "regere" qui signifie diriger ou gouverner. De ce fait, s’ajoute à la dimension géographique, une dimension politique. La notion de "région" peut être comprise dans trois sens qui correspondent à des niveaux d’analyse et de perception différents : conception subnationale, supranationale et internationale3: - la conception subnationale situe la région avant la nation ; nous avons ainsi le local, le régional, le national et le mondial ; 1 Figuière C. et G. Laëtitia, «Caractériser les processus régionaux: les apports d'une approche en termes de coordination», Mondes en développement, 2006/3 no 135, p. 79-100. 2 Ninou Garabaghi, «Les espaces de la diversité culturelle: Du multilatéralisme au multiculturalisme régional», Editions Karthala, 2010, p. 11-14. 3 Ibid., 14-15 122 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels - dans sa conception supranationale1, la "région" peut être utilement définie comme constituée par un ensemble d’États-nations appartenant à une même zone géographique et liés par un certain degré d’interdépendance ; - dans sa conception internationale, le terme de région est utilisé pour qualifier les accords qui dérogent aux principes du multilatéralisme (dont le principe du traitement de la NPF). La notion de "coopération" comporte une dimension « pacifiste » annoncée tandis que la notion d’"intégration" est a priori neutre de ce point de vue. La coopération est un acte « volontaire » ; elle suppose une certaine indépendance des parties qui sont des entités distinctes au départ et qui le demeurent à la fin de l’acte de coopération. L’intégration en revanche, ne procède pas nécessairement d’une démarche volontaire, exemple l’intégration de facto. De jure ou de facto, l’intégration suppose l’émergence de liens d’interdépendance structurelle conduisant à une certaine perte d’autonomie. 3.2- La régionalisation. Le mot "régionalisation" a pour terminaison – tion, dérivé du latin – tio et se réfère donc à une action ou à un résultat de cette action. Il désigne le processus et la dynamique même de l’interaction régionale voire le processus de développement d’une région. Donc, la "régionalisation" est un processus régional qui se caractérise seulement par une concentration des flux économiques. Cette proposition se rapproche de l’une des précisions sémantiques faite par P. HUGON: «La régionalisation est un constat empirique de recentrage des relations sur une zone». 3.3- Le régionalisme. Le mot "régionalisme" contient le suffixe – isme, dérivé de la terminaison grecque – ismos, et fait ainsi référence à la dimension théorique du processus de développement d’une région 2. Le régionalisme est un processus de construction politique des règles communes qui sont instaurées par des États voisins et qui n’entretiennent pas de relations économiques plus intenses que la moyenne mondiale. Il recouvre ainsi les termes de « régionalisme de jure » comme celui de « régionalisation de facto ». C. Deblock écrit à son tour que, « le régionalisme désigne toute forme de coopération institutionnelle entre deux ou plusieurs pays ». Il met en présence une forme de pluralisme ordonné qui ne se distingue du multilatéralisme que par le nombre d’acteurs et par la portée des règles3. L’OMC se réfère au Dictionay of Trade Policy Terms pour définir le terme de «régionalisme» comme suit: «Les mesures prises par les gouvernements pour libéraliser ou faciliter le commerce à l’échelle régionale, parfois au moyen de zone de libre-échange ou d’union douanières»4. 1 Le qualificatif de plurinational est réservé pour les situations caractérisées par des structures fédérales. Mwayila Tshiyembe, «Régionalisme et problèmes d'intégration économique: Aléna, Mercosur, Union Européenne, Union Africane», L’Harmattan Edition, Paris, 2012, p 10. 3 Deblock C., «Régionalisme économique et mondialisation: que nous apprennent les théories?», cahiers de recherche CEI n° 05-07, Centre des Études Internationales et Mondialisation, Montréal, octobre 2005, p. 03. 4 http//www.wto.org/french/tratop_f/region_f/scope_rta_f.htm (consulté le 07 juillet 2012). 2 123 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Le concept de régionalisme a été pendant longtemps d’un usage limité en économie internationale. Il s’est généralisé à partir des années 1980, au point de supplanter progressivement celui de l’intégration régionale, pour désigner « toute forme d’arrangement institutionnel qui vise à libéraliser ou à faciliter le commerce à un niveau autre que multilatéral», tel est, du reste, la définition très restrictive que retient l’Organisation Mondiale du Commerce. Elle n’envisage que le cas de la libéralisation des échanges et laisse ouverte la question des raisons qui peuvent pousser deux ou plusieurs pays à rechercher un « intégration étroite » de leur économie. La régionalisation est une concentration des flux économique au sein d’une région géographique donnée, tandis que le régionalisme est une construction politique menée par les États et matérialisée par un accord, en vue d’organiser les relations entre les pays et favoriser la coopération de ces derniers dans divers domaines 1 . Autrement dit, la « régionalisation » rend compte des situations dans lesquelles l’intensification des flux ne s’accompagne pas de processus de construction de règles formelles, soit une « économie sans règles ». 3.4- L’intégration économique régionale. L’IER peut s’interpréter comme une composition de "régionalisation" et de "régionalisme", ainsi, un espace sera qualifié d’intégré régionalement, « seulement, s’il enregistre une concentration des flux entre les nations qui le constituent et s’il révèle une coordination institutionnelle instaurant durablement des règles communes». Les trois termes couramment utilisés s’avèrent donc recouvrir des notions plus complémentaires qu’opposables, dès lors qu’il s’agit d’interpréter les processus observables. En effet, le croisement des deux dimensions (économie, règles) montre que « l’intégration économique régionale» (IER) peut s’interpréter comme une combinaison de «régionalisation» et de «régionalisme». L’intégration peut être qualifiée « négative » ou « positive » : a. L’intégration négative. L’intégration négative est celle qui, formée sur la libéralisation des échanges, permet la levée des mesures discriminatoires et la suppression des obstacles à la circulation des marchandises et, par extension, des facteurs. b. L’intégration positive. L’intégration positive est celle qui, implique un mouvement institutionnel qui voit le remplacement de certains instruments ou des institutions existants et la création de nouveaux. Cette intégration « positive » a alors pour fonction de promouvoir des objectifs propres à l’Union2. 4- Les différents niveaux de coordination (la profondeur) dans l’intégration régionale. La notion d’intégration économique régionale ainsi définie va être affinée par la prise en compte des trois degrés de coordination préalablement établis. À savoir : intégration aux frontières 1 Mwayila Tshiyembe, Op.cit., p. 10. Siroën J. M., «L'intégration entre pays inégalement développés dans la régionalisation de l'économie mondiale. Une analyse comparative», Etude pour le Commissariat Général du plan, novembre, 1996, p. 5-6. 2 124 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels (coordination visant l’instauration et l’application de règles communes portant sur les relations entre les nations ou régulation des flux); intégration en profondeur (coordination visant l’harmonisation des pratiques au sein de chacune des nations partenaires ou instauration des règles communes); gouvernance régionale (coordination dotant une institution régionale de pouvoirs supranationaux). Figure II-03 : La gradation de l’intégration économique régionale Source : Figuière C. et G. Laëtitia, « Vers une typologie des « processus » régionaux : le cas de l'Asie orientale », Revue Tiers Monde, 2007/4 n° 192, p. 895-917. 4.1- L’intégration économique régionale aux frontières (ou à la "surface des nations", "shallow integration"). Selon le rapport mondial sur le commerce 2012, les intégrations en surface "superficielles" sont celles qui réglementent directement les droits de douane et les autres mesures à la frontière, sans agir sur les mesures intérieures, hormis l'obligation de non-discrimination à l'égard des produits et des services étrangers. L'objectif fondamental de ce type d’accords est d'empêcher les gouvernements de remplacer des mesures expressément consolidées dans une liste d'engagements, par des mesures non réglementées établissant une discrimination à l'encontre de leurs partenaires commerciaux1. Les accords d’intégration bilatéraux ou plurilatéraux de type «superficiels», sont plus nombreux et vont au-delà des accords de l’OMC de type OMC+. Ils couvrent aussi des domaines non touchés par l’OMC de type OMC-X2. 1 2 OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2012», Op.cit., p. 171. Deblock C., «Accords commerciaux: entre coopération et compétition», Op.cit., p. 819-831. 125 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels 4.2- L’intégration économique régionale en profondeur ("Deep integration"). L’objectif premier d’un accord commercial est de promouvoir la libéralisation commerciale en diminuant les barrières tarifaires et non tarifaires. Mais, au-delà de cet objectif strictement commercial, l’intégration est plus ou moins "approfondie" (deep integration). Cependant, au fil du temps, le traitement des mesures non tarifaires dans le système commercial multilatéral a évolué. Au début, l'accent était mis sur la nécessité de faire en sorte que les réductions tarifaires ne soient pas contrebalancées par des mesures non tarifaires. C'est précisément sur cette logique que repose le concept d'intégration superficielle inhérent à certaines règles, comme le traitement national et les plaintes en situation de non‑violation. Avec le temps, les relations commerciales ont évolué sous l'effet de nombreux facteurs, notamment l'importance croissante de la production internationale et la nécessité de réglementer davantage pour protéger les consommateurs et d'autres intérêts généraux de la société, comme la santé publique et l'environnement. Ce second niveau d’intégration régionale suppose, à la fois, une concentration des flux et des règles aux frontières, mais également une coordination visant à la production et à l’application de règles portant sur l’harmonisation des pratiques à l’intérieur des nations. Dans ce cadre, l’harmonisation des règles et normes et la coordination entre les pays se fait sans délégation de pouvoir à une institution supra-nationale, l’échelon national reste le lieu d’exercice de toutes les régulations1. Par exemple, l’ALENA stipule que les pays membres doivent respecter les droits des travailleurs ; les membres de la Coopération Economique de la Mer noire et de l’Accord de Libre Echange de l’Europe Centrale doivent respecter l’Etat de Droit et les Droits de l’Homme, le Pacte andin ou la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’ouest imposent à leurs membres le respect des droits des enfants et le Droit des femmes2. Il n'y a pas de définition généralement admise de l'intégration "profonde". Lawrence (1996), qui a été le premier à employer ce terme, qualifie d'accords "profonds" les accords commerciaux qui énoncent des règles relatives aux politiques adoptées à l'intérieur des frontières. Mais bien souvent, l'intégration profonde est simplement définie par opposition aux arrangements superficiels 3. Selon C. FIGUIÈRE et G. Laëtitia, «Cette première distinction rejoint celle qu’établissent certains auteurs dont Lawrence (1996) et Regnault (2003) entre intégration en surface et en profondeur: "là où l’intégration superficielle crée des espaces commerciaux sans remettre en cause la fragmentation productive, l’intégration en profondeur génère des espaces économiques multidimensionnels, commerciaux, productifs et financiers" »4. 1 Figuière C. et G. Laëtitia, «Vers une typologie des « processus » régionaux : le cas de l'Asie orientale », Revue Tiers Monde, 2007/4 n° 192, p. 895-917. 2 Duc C., C. Granger, E. Lavallée et J.M. Seroën, «Démocratie et Corruption dans le commerce : Le paradoxe Européen», in, Krifa-Schneider H. (Dir.), L'élargissement de l'Union européenne: Quels enjeux et défis majeurs?, Edition l’Harmattan, 2007, p. 215. 3 OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2012», Op.cit., p. 174. 4 Figuière C. et G. Laëtitia, « Caractériser les processus régionaux : les apports d'une approche en termes de coordination », Mondes en développement, 2006/3 no 135, p. 79-100. 126 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels 4.3- L’intégration économique régionale souveraine (ou la gouvernance régionale). Cette notion permet de qualifier un degré encore plus élevé d’intégration économique régionale en profondeur, lorsque celle-ci se caractérise par un degré de supra-nationalité, qui fait référence au déplacement des lieux d’exercice de la régulation. Exemple, de la spécificité de la zone de l’Union européenne qui s’est dotée d’une monnaie unique. La définition de la gouvernance régionale se focalise sur les acteurs participants à la coordination. Si ces acteurs sont de nature différente, alors il peut être question de gouvernance. Cette caractéristique paraît être l’un des seuls points consensuels des différentes approches en termes de gouvernance. Dès lors, la notion l’intégration économique régionale souveraine peut être mobilisée pour qualifier un processus qui met en place un mécanisme de production de règles visant à harmoniser les pratiques des acteurs à l’intérieur des frontières des États participants, sur la base d’une collaboration entre des institutions supranationales et des institutions nationales (ministères spécifiques ou conseil des ministres dans sa globalité, ou encore assemblées élues). 5- Les différentes conceptions de l’intégration régionale. Le phénomène de l’intégration régionale s’est clairement amplifié à partir des années 1990, avec notamment la création de l’ALENA, le MERCOSUR et l’ASEAN. L’intégration régionale a plusieurs dimensions d’ordre commercial, financier, monétaire, économique, toutes impulsées par les règles de convergence et la croissance sectorielle et institutionnelle. Par ailleurs, l’intégration régionale peut être libérale (par le marché), volontariste (par le plan), territoriale (par les firmes), institutionnaliste (par les règles) et diplomatique (par la gestion commune des souverainetés)1: 5.1- Selon la conception libérale. L’intégration régionale selon cette conception purement commerciale, est assimilée à la libéralisation des échanges et des facteurs de production. Elle est analysée au regard de l’intégration mondiale. 5.2- Selon la conception volontariste. L’intégration régionale est un processus de déconnexion visant à protéger les économies nationales de mondialisation. Elle suppose une protection industrielle, des politiques d’aménagement du territoire, une construction d’un système productif plus ou moins déconnectée du système des prix mondiaux. Le cadre d’analyse est celui de sociétés dépendantes, extraverties, désarticulées, qui ne peuvent construire leur industrie dans le cadre national. Cette intégration régionale vise à réduire l’extraversion, à accroitre les capacités de coalition, à créer un marché, à compenser les déséquilibres territoriaux. Les principaux instruments renvoient à une économie administrée, à la forte protection des industries régionales. 1 Tshiyembe Mwayila, « Régionalisme et problèmes d’intégration économique : Aléna, Mercosur, Union européenne, Union africaine », Edition l’Harmattan, Paris, 2012, p. 34-37. 127 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels 5.3- Selon la conception industrielle et territoriale. L’intégration productive est la résultante de relations d’internalisation au sein des firmes transnationales ou des réseaux. Elle est assurée par les conglomérats déployant leurs stratégies dans un espace régional. Elle conduit à une division régionale du travail. La coopération régionale s’appuie sur des projets mis en place par des acteurs ayant des intérêts convergents : exploitation de ressources en commun, lutte contre la désertification ou la protection de l’environnement, régulation aérienne, observatoire économique régional, corridors ou triangles de croissance. L’analyse de l’intégration privilégie les stratégies d’acteurs dans un univers de concurrence imparfaite et d’espace non-homogène. 5.4- Selon une conception géographique. L’intégration se caractérise par des effets d’agglomération et de polarisation. D’une part, il y a réduction des distances (la proximité géographique) à cause des révolutions technologiques et le poids des échanges matériels. D’autre part, on observe le rôle des territoires aient des échanges qui nécessitent des systèmes de production permettant une taille de marché et des produits diversifiés. Cette Diffusion peut se faire par le commerce extérieur (transfert international de droits de propriété des marchandises), par les IDE (transfert de droits de propriété des entreprises), par les coordinations non marchandes (internationalisation au sein des firmes et réseaux), les dynamiques de spécialisation territoriale l’emportent alors sur les effets d’agglomération. 5.5- Selon une conception institutionnaliste. L’intégration est la mise en place d’un système commun de règles de la part des pouvoirs publics en relation avec les acteurs privés. Les institutions sont des systèmes d’attente permettant la convergence des anticipations des agents. Elles stabilisent, sécurisent et créent la crédibilité de l’environnement. L’intégration institutionnelle repose sur une harmonisation des réglementations qui assure, au minimum, la viabilité de la libéralisation réciproque. Elle se définit par les caractéristiques suivantes1: * Elle crée, maintien ou renforce le caractère discriminatoire des politiques vis-à-vis des pays tiers, * Cette « zone de préférence » est fondée sur une exigence de réciprocité dans la levée des obstacles aux mouvements bilatéraux des biens, des services et des facteurs et, le cas échéant, de la monnaie. * Un certain nombre de règles communes nécessaires au bon fonctionnement des accords préférentiels réciproques doivent être définies. Ainsi, la définition de règles d’origine est le corollaire du caractère discriminatoire de l’accord d’intégration. Même si le contenu de ces accords, leurs systèmes et leurs objectifs sont profondément différents, l’intégration institutionnelle caractérise l’Union Européenne, l’ALENA et le Mercosur. 1 Siroën J. M., «L'intégration entre pays inégalement développés dans la régionalisation de l'économie mondiale. Une analyse comparative», Op.cit., p. 03. 128 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels 5.6- Selon la conception politique ou diplomatique. L’intégration régionale se traduit par des transferts de souveraineté et par des objectifs de prévention des conflits. Les convergences d’intérêts économiques sont une manière de dépasser les rivalités et les antagonismes politiques. La gestion commune des souverainetés et la production des biens publics régionaux, sont une réponse des Etats dans un contexte de mondialisation (création de l’Europe, par exemple). L’intégration économique régionale est un processus multidimensionnel, qui conduit aux interdépendances entre des espaces économiques nationaux. Ces interdépendances sont repérables au niveau des flux de marchandises, de capitaux, de relations d’information, des convergences entre les économies que l’on peut évaluer en termes d’indicateurs de convergences commerciaux et financiers, de projets conjoints (coopération fonctionnelle et thématique), des coordinations, des harmonisations, voire des unifications de politiques économiques se traduisant par la gestion commune des souverainetés. La régionalisation est aussi une construction politique caractérisée par des déterminants historiques, sociaux et culturels. Dans son sens le plus fort, l’intégration politique régionale est un processus qui conduit à un plus grand degré de concertation entre les acteurs, d’interconnexion entre les unités et de diversification des activités conduisant à une relative irréversibilité. Elle suppose la gestion commune des souverainetés et la mise en place des structures institutionnelles. Elle conduit à la construction d’identité. Ainsi, la question régionale est géopolitique, car elle renvoie aux interdépendances économiques, culturelles et politiques. 129 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Tableau N° II-06 : Les différentes conceptions de l’intégration régionale. Source : Hugon P., « Les théories de la régionalisation », in Hugon P. (Dir.), Les économies en développement à l’heure de la régionalisation, Editions Karthala, Paris, 2003, p. 35. 130 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels 6- Les flux commerciaux intra et extra-régionaux. Les ensembles régionaux (Amérique du Nord, Mexique compris, Asie orientale, Europe) sont plus intégrés commercialement aujourd’hui qu’il y a trente ans. Autrement dit, au cours des dernières décennies, le commerce international a progressé plus vite au sein d’ensembles régionaux, qu’entre les pays qui les composent et le reste du monde. Graphique II-07 : Part de l’intra-régional dans le commerce extérieur (marchandises) 19602003. Source: IPEMED, «Régulations régionales de la mondialisation : Quelles recommandations pour la Méditerranée? », rapport du groupe de travail composé de Charles A., H. Benabderrazik, C. de Boissieu et al., coordonné par Beckouche P., Institut de prospective économique du monde méditerranéen (IPEMED), France, 2011, p. 13. Selon le Rapport sur le commerce mondial de 2011, les ACPr entre pays et groupes de pays sont devenus à la fois plus nombreux et plus ambitieux. Dans le passé, les chercheurs et les décideurs utilisaient de façon plus ou moins interchangeable les expressions «accords commerciaux préférentiels» (ACPr) et «accords commerciaux régionaux» (ACR), car les ACPr avaient habituellement une forte orientation régionale. Cela pose la question de savoir si la prolifération des ACPr a rendu le commerce international plus ou moins régionalisé. Les ACPr négociés récemment sont de plus en plus transrégionaux dans la mesure où ils sont conclus entre des parties de différentes régions. Au milieu des années 1990, près des trois quarts d’entre eux étaient conclus au sein d’une même région (accords intrarégionaux); cette proportion qui était tombée à environ la moitié en 2010 selon le rapport sur le commerce mondial 2012 publié par l’OMC. Toutes choses égales par ailleurs, l’augmentation du nombre d’accords transrégionaux devrait rendre le commerce moins régionalisé. Mais d’autres facteurs peuvent agir en sens inverse, notamment l’extension des chaînes d’approvisionnement en Asie. 131 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Carte II-02:Exportations intra-régionales et extra-régionales de marchandises des régions de l’OMC, 1990-2011 (milliards de dollars et pourcentage) Source : Statistiques du commerce international 2012 de l’OMC, complétées par des estimations du Secrétariat avant 2000. Dans, OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2013: Facteurs déterminant l’avenir du commerce mondial», Genève, 2013, p. 79. La carte II-02 et II-03 affirment que le commerce intrarégional dans l’Amérique du Nord, en Europe et en Asie, reste vigoureux. C’est en Europe qu’il est le plus important, représentant 71 % des exportations de la région en 2011. En Asie, 53 % des exportations se font vers les pays de la région (2926 milliards USD) et en Amérique du Nord près de 48 % des exportations sont destinées aux membres de l’Accord de libre-échange nord-américain (1103 milliards USD). En 2011, la part des exportations intrarégionales a été de 27 % en Amérique du Sud et en Amérique centrale, de 13 % en Afrique et de 9 % au Moyen Orient. 132 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Carte II-03 : Les échanges de marchandises intra-régionaux augmentent plus que les échanges inter-régionaux, année 2011. Source : OMC, « Statistiques du commerce international 2012 », Genève, 2012, p. 12-13. Pour l’Afrique, c’est l’UE qui reste toujours le principal client, suivie de l’Asie et de l’Amérique du Nord. Un peu plus de la moitié des exportations de l’Afrique (205 milliards USD) sont destinées à l’Europe, l’Asie reste le principal marché d’exportation du Moyen-Orient (660 milliards USD). L’Amérique du Sud et l’Amérique centrale destinent moins du quart de leurs exportations à l’Amérique du Nord (140 milliards USD) et 22 % à l’Asie (169 milliards USD). 133 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Section 3: Le traitement spécial et différencié (TSD) en faveurs des PED et PMA. Sous une forme ou une autre, le traitement spécial et différencié (TSD) a été un élément déterminant du système commercial multilatéral pour la plupart de la période d'après-guerre. La bataille pour établir le principe selon lequel un ensemble de droits uniformes et obligations multilatérales parmi un ensemble diversifié de pays ne pouvait pas servir au mieux les intérêts de toutes les parties a été remportée il y a longtemps. L’idée selon laquelle les PED pouvaient légitimement bénéficier d’un traitement distinct, s’est traduite à partir des années 50 par la consécration du principe de Traitement spécial et différencié comprenant, outre un accès préférentiel aux marchés des pays développés1 : - le principe de non réciprocité, c'est-à-dire le droit pour les PED de bénéficier des accords multilatéraux sans être tenus d’offrir des concessions en échange ; - la flexibilité dans l’application des engagements pris afin de pouvoir protéger les « industries naissantes » ou éviter les déséquilibres des balances de paiement. Beaucoup de pays émergents, notamment en Asie, ont connu des trajectoires de croissance remarquable en n’ouvrant leurs marchés intérieurs qu’après que leurs exportations de produits manufacturés progressent. 1- L'évolution de Traitement spécial et différencié (TSD) dans le système du GATT/OMC. L'appréciation de l'évolution des dispositions conçues spécialement pour les PED dans le système commercial multilatéral offre une perspective utile pour examiner la question du TSD dans le système du GATT/OMC. Quatre phases peuvent être utilement distinguées, chaque phase comprend des événements importants et des tendances en ce qui concerne la participation des PED dans le système commercial multilatéral: 1.1- La première phase: entre la création du GATT (1948) et le début du Tokyo Round (1973). Un point de repère remarquable au cours de cette période, est que les PED en été les grands oubliés dans la construction de l’ordre économique d’après-guerre. Lors de la réunion 12ème session des Parties contractantes du GATT, qui s'est tenue au niveau ministériel en 1957, ou tous les membres présents ont fini par se rendre compte que la part des PED dans le commerce mondial allait rapidement déclinant. Le protectionnisme agricole, la fluctuation des prix des matières premières et l'échec de recettes d'exportation pour faire face à la demande d'importations dans les PED ont été identifiés comme caractéristiques indésirables de l'environnement commercial international. Un comité d'experts dirigé par G. Haberler sera mis sur pied en novembre 1957, avec le mandat d'examiner les raisons de l'incapacité des pays sous-développés à développer leur commerce aussi rapidement que celui des pays industriels, les causes des fluctuations excessives des prix des produits de base, ainsi que les raisons pour lesquelles les pays ont de plus en plus recours à des mesures de protection dans l'agriculture. Les conclusions du rapport, présenté en octobre 1958, étaient fort pessimistes, suffisamment pour inciter les Parties contractantes à adopter 1 Plancade J.P., D. Soulage, «les principaux enseignements des simulations de la libéralisation des échanges commerciaux», au nom de la délégation du Sénat pour la planification, Rapport D’information, N° 120, Annexe au procès-verbal de la séance du 7 décembre 2005, Sénat, p. 49. Disponible sur (http//www.senat.fr/rap/r05-120/r0512019.html), consulté le 09 décembre 2012. 134 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels immédiatement un programme d'action particulier en faveur des PED, puis, en mai 1963, les amener à reconnaître la «nécessité de mettre en place un cadre institutionnel et légal adéquat» qui favorise le développement des échanges entre les pays industrialisés et les PED. Mais il a également critiqué certaines barrières commerciales des PED. En réponse au rapport, les Parties contractantes du GATT a créé trois comités chargés d'élaborer un programme coordonné d'action orienté vers une expansion du commerce international. Commission III mis l'accent sur les obstacles aux exportations appliquées par les pays développés 1 . En 1963, il a élaboré un plan en huit points d'action, qui demande, entre autres, le gel de toutes les barrières commerciales des pays développés sur les produits présentant un intérêt pour les PED et l'élimination de tous les droits sur tropicaux et autres produits primaires. Le plan d'action fait partie du Kennedy Round (1964-67) et n'a jamais été mis en œuvre à un degré significatif. L'impression de similitude entre les répétitions ce qui se passait dans ce domaine il y a 40 ans et la discussion d'aujourd'hui est inévitable. Sur le plan institutionnel, le changement dans la réflexion sur le développement initié par la thèse de Prebisch-Singer a été consacré à la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), créé en 1964. Cette approche reposait sur l'argument selon lequel les PED devaient favoriser la capacité industrielle, à la fois pour réduire la dépendance aux importations et de diversifier ses produits traditionnels qui étaient soumises à long terme la baisse des termes de l'échange (et aussi souvent affectée par la volatilité des prix à court terme). Cette réflexion a donné lieu à la prescription politique de protection des industries naissantes, c'estimport-substitution industrialisation2. La naissance de la CNUCED, le nombre croissant d'États nouvellement indépendants ont suivi la décolonisation en Afrique, en Asie et dans les Caraïbes; la guerre froide et le succès des PED à placer leur centre de la scène les problèmes au sein du GATT ont tous contribué à la décision d'établir partie IV du GATT en 1965. Partie IV se compose de trois articles sur le commerce et le développement. Bien que conçu pour promouvoir le développement et les intérêts des PED dans le système commercial, la partie IV n'a jamais été plus qu'un ensemble de «meilleurs efforts» des entreprises qui n'ont pas force juridique, un fait qui a été la source de mécontentement parmi les nombreux PED à l'heure actuelle. Une caractéristique particulièrement importante de la partie IV, cependant, était l'affirmation du principe de non-réciprocité, Deux dérogations pourront ainsi être apportées à l’article I de l’Accord général. Tout d’abord, la Partie IV offre la possibilité aux «pays peu développés» de s'octroyer certaines préférences commerciales et, par la même occasion, de conclure entre eux des «arrangements commerciaux régionaux ou mondiaux», lesquels arrangements relèvent aujourd’hui d’un comité particulier, le Comité du commerce et du développement. La seconde dérogation viendra plus tard, le 25 juin 1971, avec l’introduction du SGP, un système qui offre la possibilité aux pays industrialisés d'accorder un accès préférentiel et sans réciprocité à leurs marchés aux produits en provenance des PED. 1 Deblock C., «Les accords commerciaux régionaux, le nouveau régionalisme et l’OMC», Cahiers de recherche du CEIM, No. 02-06, juin 2002, p. 12. 2 Hoekman B., W. Martin, C.A. Primo Braga, «Quantifying the Value of Preferences and Potential Erosion Losses», in Hoekman B., W. Martin, and C.A. Primo Braga (Dir.), Trade Preference Erosion Measurement and Policy Response, A copublication of The World Bank and Palgrave Macmillan, 2009, p. 2-3. 135 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels 1.2- La deuxième phase: est elle-même le Tokyo Round (1973-79). Au moment de la deuxième phase (le Tokyo Round, 1973-79), les négociations sur les politiques commerciales ont été s'éloigner de substitution des importations vers une plus grande orientation à l'exportation. Les limites inhérentes et les effets de distorsion des échanges d'un recours excessif à la substitution des importations ont été de mieux en mieux compris. Le mouvement vers une position plus neutre en ce qui concerne le commerce des incitations politiques implicites ouvrir davantage à la concurrence des importations ainsi que la suppression du biais politique contre les exportations. Du point de vue institutionnel, la partie IV présageait déjà ce deuxième aspect du commerce et de débat sur le développement au sein du GATT, qui a était concentrer de plus en plus sur les PED et leurs propres politiques commerciales ainsi que l'accès aux marchés pour leurs exportations. Cette tendance, combinée avec un fort accent sur les MNT au commerce dans le cadre du Tokyo Round, qui distingue la deuxième phase de la première. Une grande partie de l'implication de négociation des PED dans le Cycle de Tokyo visant à limiter la mesure dans laquelle les nouveaux accords du Tokyo Round sur les MNT pourrait imposer des politiques de restrictions indues ou des charges administratives ou financières aux PED. Cet objectif, en collaboration avec insistance continue sur l'importance de la non-réciprocité d'accès au marché dans les négociations, a conduit à trois résultats principaux pour les PED. Premièrement, les PED ont accepté les engagements limités en matière d'accès aux marchés et aux consolidations tarifaires relativement peu. Deuxièmement, l'approche «Code» a été adoptée en ce qui concerne les nouveaux accords de mesure non tarifaires, ce qui signifie que les accords appliquée aux seuls signataires. De nombreux PED sont abstenus de signer les différents codes, qui couvraient les obstacles techniques au commerce, l'évaluation en douane, licences d'importation, les subventions et les mesures compensatoires, antidumping et les marchés publics. 1.3- La troisième phase: de la fin du cycle de Tokyo à la fin de l'Uruguay Round (1979-95). Troisièmement, un nouveau cadre a été établi pour définir et codifier les principaux droits et obligations juridiques des PED dans le cadre du GATT. La Décision de 1979 sur le traitement différencié et plus favorable, réciprocité et participation plus complète des PED, aussi connu comme la Clause d'habilitation, cette dernière viendra pour clarifier le statut du traitement spécial et différencié (TSD)1. Destinée à favoriser le commerce des PED, elle autorise les pays développés à leur accorder un traitement différencié plus favorable et autorise aussi les PED à conclure entre eux des arrangements préférentiels. La clause d'habilitation est la condition permanente et la couverture juridique pour le SGP, pour certains aspects régionaux ou mondiaux des accords préférentiels entre PED et d'un traitement spécial pour les PMA. La Clause d'habilitation a également réaffirmé le principe de non-réciprocité, en tant que premier énoncées dans la partie IV et a déclaré que les PED devraient de leur capacité apporter des contributions ou négocier des engagements pour améliorer le développement progressif de leurs économies et afin d'améliorer leur situation commerciale. 1 Deblock C., «Accords commerciaux: entre coopération et compétition», Op.cit., p. 822. 136 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels 1.4- La quatrième phase: de la fin du Cycle d'Uruguay jusqu'à présent. Le Cycle d’Uruguay a abouti à un renforcement notable des obligations des PED, comme conséquence de l’expansion de leur nombre à mesure que de nouveaux pays y ont adhéré au GATT, de nouvelles questions ont été abordées et de nouveaux accords négociés. Lors du lancement du Cycle d’Uruguay en 1986, 61 PED étaient parties contractantes du GATT; ils étaient 95 lors de la création de l’OMC en 1995. Durant cette période, le régime commercial multilatéral, centré initialement sur les droits de douane, les contingentes et autres mesures douanières, a évolué pour couvrir un éventail beaucoup plus étendu de questions de réglementation intérieure. Enfin, avec le concept d’«engagement unique», dans le contexte du Cycle d’Uruguay, les engagements pris dans le cadre des accords sont devenus automatiquement un ensemble applicable par tous les membres. Cela signifie, en premier lieu, qu’un certain nombre de PED ont assumé des obligations additionnels, du fait en particulier de l’application généralisée des accords sur les MNT qui avaient été auparavant acceptés sur une base volontaire et aussi, en raison de l’adoption de nouveaux accords. En second lieu, les nouvelles formes de TSD prévoyaient souvent une modification des règles au lieu d’exemptions pures et simples, c’est-à-dire une modulation des engagements. Pour les PED, la mise en œuvre des accords du Cycle d’Uruguay a connue des difficultés. Certains ont relativisé le problème, estimant que les difficultés tenaient à l’ampleur des coûts de ces accords, au manque d’autorités et d’experts commerciaux qualifiés et à la longueur des délais nécessaires pour élaborer et promulguer de nouvelles lois et réglementations. Pour certains PED, ces problèmes pouvaient être traités en fixant des niveaux et des types appropriés d’assistance ou des périodes de transition. Pour d’autres, ces engagements pris lors du Cycle d’Uruguay étaient simplement trop onéreux, contraires au développement et à l’intérêt national, du moins au regard des avantages à court terme potentiels de la libéralisation des échanges. En conséquence, dans le cadre du Programme de Doha pour le développement en cours de négociations, certains PED de l’OMC cherchent toujours à obtenir une révision des obligations qu’ils avaient contractées dans le passé et une réforme du TSD afin de rendre leurs engagements plus gérables et leurs privilèges non réciproques plus efficaces. 2- Le TSD dans le Programme de Doha pour le développement. Depuis 2001, le cycle des négociations de Doha concentre son attention sur des sujets considères comme essentiels pour les PED, comme l’agriculture, l’accès aux marchés des produits non agricoles, les services et, dans une moindre mesure, la propriété intellectuelle. Les avancées concrètes se font toujours à l’arrêt, suite aux blocages des négociations et le non-respect des engagements souscrits en 2001. Si les résultats obtenus dans le cadre du Cycle du développement sont quasi nuls, le défi reste néanmoins intact. L’instauration d’un vrai « Cycle du développement » implique avant tout l’élaboration ou la redéfinition d’un cadre général approprié qui maintien un système commercial fondé sur des règles et traduise dans des actes, les différences existantes entre les pays développés, les PED et les PMA. Aussi, pour un certain nombre d’observateurs, la rénovation et le renforcement du traitement spécial et différencié pour les PED au sein du régime commercial multilatéral doit constituer la pierre 137 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels angulaire de toutes les réflexions relatives à l’adaptation des normes de l’OMC à l’effort de coopération internationale en faveur du développement1. Cette idée selon laquelle, les politique commerciales multilatérales qui profitent à la croissance économique et aux progrès sociaux et humains des pays industrialisés ne sont pas forcément celles qui garantissent la promotion du développement dans les pays pauvres, a déjà été validée par le système OMC qui, pour rendre compte des situations et des besoins particulier des PED, à procéder à la systématisation du «traitement spécial et différencié». Reste que dans la pratique, ce système du traitement spécial et différencié a été rapidement détourné pour devenir un instrument de politique économique utilisé par les pays développés afin d’obliger les pays pauvres « à marcher droit ». Selon le Consensus de Monterrey ; Une politique commerciale internationale qui s’inscrit dans le Programme de Doha pour le développement et de l’ensemble des objectifs internationaux de développement, doive répondre aux deux questions qui sont indispensables, à savoir2 : - améliorer l’accès aux marchés et les termes de l’échange pour les pays les plus pauvres; - améliorer la compétitivité du côté de l’offre des pays à faible revenu exportateurs en augmentant les investissements dans les infrastructures et en facilitant le commerce. La renforce ou le renforcement du traitement spécial et différencié peut faciliter la réalisation d’un tel projet en aidant la communauté internationale à concevoir un système commercial international qui d’une part, laisse la flexibilité nécessaire aux PED et aux PMA pour traiter leur problème de développement et d’autre part, permette de réduire les couts d’ajustement (économiques et sociaux) liés à la mise en œuvre des accords commerciaux multilatéraux, et ce, sans pour autant rendre marginal leur participation au système commercial international. Pour les partisans de la réforme, il est indispensable de renforcer le caractère contraignant des dispositions des accords OMC accordant aux pays pauvres le bénéfice d’un traitement spécial et différencié dans la mise en œuvre de ces réglementations commerciales. Il est tout aussi essentiel de procéder à une différenciation plus fine des États susceptibles de prétendre à l’ensemble de ces dispositifs. Si la cohérence du système commercial international implique que chaque disposition des accords de commerce soit évaluée à la lumière de son impact sur les politiques de développement économique et social des États justifiant si nécessaire des mesures relevant du traitement spécial et différencié, tous les accords commerciaux doivent faire l’objet d’une évaluation permettant de déterminer si, potentiellement, une juste part des bénéfices générés par la libéralisation des échanges dans tel ou tel domaine pourrait revenir aux PED3. L’expérience acquise tend en effet à démontrer que le principe de « l’engagement unique » des Membres de l’OMC à l’ensemble des accords commerciaux multilatéraux a finalement poussé les PED et les PMA à accepter les termes d’accords pour lesquels les gains à attendre étaient controversés et les coûts de mise en œuvre particulièrement élevés pour ces États. Aussi, tenir et 1 Breger T., «L'accès aux médicaments des PED: Enjeu d'une rénovation des politiques de développement», L’Harmattan Edition, Paris, 2011, p. 644. 2 ibidem. 3 Breger T., Op.cit, p. 645-646. 138 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels rendre compte des différences de développement entre les Membres de l’OMC doit ainsi guider l’Organisation multilatérale à opter pour une répartition des disciplines commerciales multilatérales en fonction du ratio «gains / coûts» qu’elles pourront potentiellement produire à la faveur ou à la défaveur des pays les plus vulnérables. En 2005, B. Hoekman préconisait une répartition des disciplines de l’OMC en «essentielles» et « non essentielles ». Les accords commerciaux internationaux «essentiels» devraient être acceptés inconditionnellement par tous les pays, tandis que pour les disciplines commerciales « non essentiels », les PED les plus vulnérables et les PMA pourraient être autorisés à ne pas s’y soumettre pour des raisons de développement1. 3- Les champs d'applications des SGP impliquant l'UE et les États-Unis. 3.1- Le SGP de l'Union européenne2. En 1971, la Communauté européenne (CE) a présenté son premier schéma SGP. Il a été modifié et amélioré à plusieurs reprises en termes de couverture des produits ou des marges préférentielles. Les préférences SGP sont disponibles jusqu'au milieu des années 1990 pour tous les PED, sous forme de contingents à droits nuls, des droits plafonnés lorsque toutes les restrictions quantitatives ont été supprimées, sous forme de réductions du tarif NPF appliqué et selon la sensibilité du produit. Depuis 1991, des Régimes spéciaux d'encouragement dans le cadre du SGP ont été mis en place. Pour encourager les pays qui luttent contre la production de drogue et le trafic. De même, les PMA ont bénéficié de préférences supérieures à celles de l'accord général de 1977. En Juillet 2008, l'UE a adopté une autre révision de son schéma SGP qui va du 1er Janvier 2009 jusqu'à la fin de 2011. Toutefois, en mai 2010, la Commission a proposé que la réglementation actuelle doive être prolongée jusqu'au 31 Décembre 2013 [comme un délai nécessaire pour préparer une réglementation qui va la remplacée, et ce par le biais de la procédure législative ordinaire (CE 2010)]. À la fin d’octobre 2012, la Commission européenne a émis un règlement applicable à compter du 20 novembre 2012 qui va modifie substantiellement le Système de préférences généralisées (SGP) à compter du 1er janvier 2014. Le nouveau règlement est largement conforme aux propositions de la Commission pour le SGP de 2011. Le dernier règlement réduit le nombre de pays bénéficiaires du SGP de l’UE et modifie les détail de la «graduation des produits» (par laquelle certains pays se voient retirer les bénéfices SGP de l’UE pour les exportations de produits qui dépassent un certain niveau), mais élargit également de manière modeste la portée du système (c’est-à-dire le nombre de marchandises sur lesquelles des préférences sont accordées), en incluant deux produits agricoles (œillets fraîchement coupés et tabac oriental séché au soleil), et la profondeur (c’est-à-dire l’ampleur de la réduction des tarifs préférentiels) des préférences SGP offertes. 1 Breger T., Op.cit, p. 645-646. Nilsson L., «European Union Preferential Trading Arrangements: Evolution, Content and Use», in De Benedictis L., L. Salvatici (eds.), The Trade Impact of European Union Preferential Policies, Springer-Verlag Berlin Heidelberg, 2011, p. 17-19. 2 139 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Carte II-04: Les pays bénéficiaires du SGP offert par l'UE. Source: Secrétariat de l'OMC, http://ptadb.wto.org/SearchByCountry.aspx (consulté le 15 novembre 2012). Les pays exclus, dont les pays du Maghreb, ont été choisi pour trois motifs qui seront appliqués continuellement par la Commission, en vertu des pouvoirs qui lui ont été délégués (conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement). Le nombre de pays ACP bénéficiant du SGP à partir de 2014 peut donc changer au fil du temps. - Le premier critère est une exclusion incontestable des pays ou territoires étrangers à l’UE qui ont un accès préférentiel au marché de l’UE en vertu d’autres politiques. - Le deuxième est l’exclusion potentiellement controversée de pays qui ont un accès au marché européen équivalent ou supérieur en vertu d’un accord commercial (par ex. tous les pays du CARIFORUM et d’autres pays ACP qui ont convenu des APE au moment où le SGP est entré en vigueur). - Enfin, l’exclusion controversée de pays ayant été classés comme pays à revenu intermédiaire par la Banque mondiale pendant 3 ans, ce qui pourrait affecter des membres ACP tels que la Namibie, le Gabon et le Botswana. Ceci signifie qu’à compter de 2014 le SGP de l’UE ne couvrira que les revenus intermédiaires de la tranche inférieure, les faibles revenus et les pays les moins avancés (PMA – qui bénéficient de l’initiative TSA, et qui font formellement partie du SGP global de l’UE). Le SGP actuel contient trois sous-régimes, le régime général ou standard, le SGP-Plus et l'initiative Tout sauf les armes (TSA), qui a été introduit pour la première fois en 2001. a. Le schéma standard du SGP. Il couvre 176 PED et environ 6.200 produits. Les produits non sensibles (un peu moins de la moitié des produits couverts) une franchise de droits d'accès, tandis que les produits sensibles (principalement des produits agricoles, mais aussi du textile, de l'habillement et des vêtements, tapis 140 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels et chaussures) bénéficient d'une réduction tarifaire de 3,5% points de droits ad valorem par rapport au tarif NPF appliqué et une réduction de 30% des droits spécifiques (à quelques exceptions). Pour les textiles et les vêtements, la réduction est de 20% du taux de droit ad valorem NPF. b. Le régime SGP-Plus. Est conçu pour les pays vulnérables ayant des besoins spécifiques de développement. Le régime couvre 15 pays et permet l'entrée en franchise sur le marché européen des produits couverts par le régime général SGP et pour certains autres produits. Pour être admissibles, les bénéficiaires doivent satisfaire à un certain nombre de critères, y compris la ratification et la mise en œuvre effective des principales conventions internationales sur les droits de l'homme et du travail, le développement durable et la bonne gouvernance, et démontrer que leurs économies sont dépendantes et vulnérables. La faible diversification et la dépendance sont définies en ce sens que les cinq principales sections des exportations couvertes par le SGP d'un bénéficiaire dans la Communauté doivent représenter plus de 75% du total de ses exportations couvertes par le SGP. Les exportations couvertes par le SGP en provenance de ce pays doivent également représenter moins de 1% des importations totales de l'UE au titre du SGP. Enfin, les PMA sont admissibles à un accès en franchise de droits au marché de l'UE sans restrictions pour tous les produits sauf les armes titre de l'initiative TSA (Tout Sauf les Armes), qui fait également partie de la SGP de l'UE. Les bénéficiaires du SGP sont soumis à des «graduation» qui se déclenchent quand un pays devient suffisamment concurrentiel dans un ou plusieurs groupes de produits et par conséquent ne sont plus considérées comme ayant besoin d'un accès préférentiel au marché de l'UE. Le mécanisme de graduation est constitué d'un seul critère, la part du marché communautaire, exprimée en part des importations préférentielles. La part est de 15% en général, mais de 12,5% pour les textiles et les vêtements, divisée en deux parties, ce qui, en pratique, limiter l'accès au SGP pour le Brésil, la Chine, l'Inde, l'Indonésie, la Malaisie, le Vietnam et la Thaïlande (Règlement du Conseil 2008, annexe I, colonne C). Près de 98% des exportations de la Chine ont obtenu leur degré de schéma SGP de l'UE en 2009. Tout arrangement SGP peut être retiré temporairement pour des violations graves et systématiques des conventions fondamentales de droits de l'homme et du travail et pour d'autres motifs potentiels liés, par exemple, le contrôle de douanes indiquées dans le règlement. C'est actuellement le cas pour le Bélarusse (préférences retiré en 2007) et le Myanmar (préférences retirée en 1997). De même, les avantages dans le SGP-Plus peuvent être retirés temporairement si la législation nationale n'intègre plus les conventions pertinentes ou si cette législation n'est pas effectivement mise en œuvre. À cette fin, les avantages du SGP-Plus ont été retirés pour le Sri Lanka en Août 2010. La clause de sauvegarde implique de restaurer les fonctions du tarif douanier commun et il est généralement mis en œuvre lorsque les importations d'un produit cause de sérieuses difficultés à un producteur communautaire de produits similaires ou directement concurrents. De graves difficultés sont évaluées selon les critères de mesure des parts de marché des producteurs communautaires, la production, les stocks, les capacités de production, les faillites, la rentabilité, l'utilisation des capacités, l'emploi, les importations et les prix. Des enquêtes sont ouvertes à la demande d'un État 141 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels membre ou de sa propre initiative de la Communauté, et doit en principe être achevé dans les six mois, à moins qu'une décision de prolongation est accordée. Les règles d'origine du SGP sont utilisés pour déterminer l'endroit où les marchandises sont originaires, c'est à dire, où elles sont réputées avoir été produites ou fabriquées dans le but d'accorder la préférence au vrai bénéficiaire. Toutefois, les règles d'origine ne font pas partie des règlements SGP. Au contraire, ils sont régis par des règlements distinct (Règlement (CEE) 2454/93 tel que modifié (le plus récemment par le règlement (CE) 214/2007)). Une réforme des règles d'origine du SGP a été mise sur son chemin depuis 2005, lorsque la Commission a adopté une communication sur l'avenir des règles d'origine dans les régimes commerciaux préférentiels (CE 2005). Les nouvelles règles d'origine du SGP s’appliquent à compter du 1er Janvier 2011 (en ce qui concerne les règles de détermination de l'origine) et le 1er Janvier 2017 avec une période transitoire jusqu'en 2020 1 janvier quant aux procédures applicables (Règlement (UE) n ° 1063/2010). La Commission est en train de réfléchir sur la politique commerciale de l'UE envers les PED. Lors d'une conférence organisée par la Commission en Mars 2010, des discussions ont eu lieu sur la façon dont la politique commerciale pourrait mieux prendre en compte, ou à être adaptées, les besoins des PED avec une attention particulière accordée au fait que les grandes économies émergentes ont des besoins différents de développement que les pays pauvres et vulnérables. L'objectif du processus est de contribuer à façonner la ligne politique dans ce domaine pour le mandat de la Commission à venir et au-delà. Un sujet de discussion lors de la conférence était le schéma SGP de l'UE et comment il peut conserver son efficacité comme outil de développement. La base de discussion de cette question a fait l'évaluation externe approfondie du régime SGP de l'UE qui a été réalisée par l'Université du Sussex. La conférence a également marqué le lancement d'une consultation publique sur la révision du régime SGP de l'UE. Pour que ces résultats de cette consultation seront intégrés dans la future proposition de la Commission au Parlement européen et au Conseil une mise à jour des règlements SGP, qui devrait être adoptée par la Commission en mai 2011. Et en 2011, l'UE a instauré des règles d’origine plus souples en faveur des produits importés dans le cadre du SGP. Si cet assouplissement couvre tous les produits, il est particulièrement notable pour les produits transformés dans les pays les moins développés. c. Le régime « Tout Sauf les Armes ». Le régime tarifaire établi par les accords de Lomé et de Cotonou a été appliqué à la totalité des pays ACP jusqu'en février 2001. A cette date, l'UE a décidé que tous les produits, excepté les armes et les munitions, provenant des pays moins avancés (PMA), qu'ils appartiennent ou non au groupe ACP, entreraient librement sur son marché. Il s'agit de l'initiative «Tout Sauf les Armes» (TSA) qui accorde l’accès sans aucune restriction quantitative à tous les produits des PMA. Trois produits la banane, le sucre et le riz – sont dans un premier temps soumis à des quotas hors taxes pour être libéralisés progressivement. La libéralisation totale de la banane s'est achevée le 1er janvier 2006 ; le sucre et le riz entrent en franchise de droits dans la limite d'un volume fixé (appelé contingent tarifaire). En 2009, l'accès au marché communautaire sera totalement libre pour le sucre et le riz des PMA. L'initiative TSA a introduit un nouveau régime commercial dans lequel les pays ACP ne 142 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels bénéficient plus tous des mêmes avantages pour accéder au marché de l'UE. Les PMA de la région ACP ont un accès totalement en franchise de droits alors que les produits agricoles provenant des pays ACP non PMA sont soumis à des restrictions. Tableau II-07: Les importations de l'UE en provenance des PED par régime tarifaire (milliards d'euros) et le taux d'utilisation des préférences, 2008. Importations (milliards Euros) Total MFN-0 Dutiable Pref.eligible Pref. Pref. util.rate SGP 811.5 525.7 285.9 140.0 101.7 72.6 ACP 51.9 42.1 9.7 9.7 9.0 92.4 LDC 24.2 15.4 8.8 8.7 7.3 83.6 Med. countries 59.3 33.9 25.3 25.2 21.3 84.6 Mexico 13.0 7.9 5.2 5.2 3.8 73.9 South Africa 20.5 12.6 7.9 7.5 6.6 87.6 Chile 10.2 7.3 2.9 2.9 2.5 85.4 Hors l’Afrique du Sud, tous les PED sont, en principe, bénéficiaire du régime SPG de l'UE Source: comext. 3.2- Le SGP des États-Unis. Le SGP a d'abord été mis en œuvre aux États-Unis en 1976 lorsque le gouvernement a précisé quelque 2.700 articles qui devaient recevoir en franchise s'ils sont importés à partir de 140 PED. Le régime a été prolongé depuis, avec certaines modifications et restrictions. La sélection des pays et des produits relevés du pouvoir discrétionnaire du Président. Le SGP des États-Unis actuelle, couvre environ 3400 produits et quelque 131 pays, pour un montant total d'importation de 28.6 millions de dollars en 2007, dont 30% en produits pétroliers. Ce programme, au demeurant modeste vu les montants concernées, est complété par des programme préférentiels régionaux. Les conditions d'éligibilité sont nombreuses, elles couvrent quatre domaines: l'environnement politique et économique, le degré d'engagement et d'avancement des réformes institutionnelles, les avantages économiques réciproques et le respect de la politique étrangère américaine 1. Les importations en provenance des pays éligibles font l'objet d'exonérations ou de réductions tarifaires si: 1. La marchandise est destinée aux États-Unis sans contingence pour détournement au moment de l'exportation, 2. Le coût ou la valeur des matières produites dans le pays bénéficiaire et / ou le coût direct du traitement effectué aucune valeur inférieure à 35% de la valeur estimative des biens, 1 Deblock C., «Le bilatéralisme commercial des États-Unis», in, Remiche B., H. Ruiz-Fabri (Dir.), Le commerce international entre bi - et multilatéralisme, Edition Larcier, Bruxelles, 2010, p. 157. 143 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels 3. l’exigence d’un certificat d'origine, établi et signé par l'exportateur et déposé auprès de l'entrée des marchandises. Il existe deux limites importantes à l'application de la SGP. Premièrement, le président est tenu de suspendre l'éligibilité d'un pays particulier au SGP sur les importations d’un article spécifique, lorsqu’il dépasse la quantité d’une valeur de 25 millions de dollars pendant l'année civile précédente ou lorsqu’il dépasse la part de 50% des importations américaines. La limitation de 25 millions de dollars a été basée sur le PIB de 1974, les ajustements appropriés sont apportés à la lumière du PIB pour l'année en cours. Ces limitations ne s'appliquent pas sur les PMA. Deuxièmement, la mise à disposition du SGP est limitée pour les PED plus avancés. Par exemple, de nombreux produits en provenance de pays comme Israël, la Corée, Singapour et Taiwan ont été diplômé du SGP traitement en franchise. Carte II-05: Les pays bénéficiaires du SGP offert par les États-Unis Source: Secrétariat de l'OMC, http://ptadb.wto.org/SearchByCountry.aspx (consulté le 15 novembre 2012) a. L'Initiative en faveur des pays des Caraïbe (Caribbean basin Initiative,CBI). Le premier et le plus ancien SGP s'adresse aux pays de la Caraïbe. Un TIFA lié également les Etats-Unis, depuis 1991, au marché commun de la Communauté de Caraïbe (CARBCOM) et, depuis 2006, Haïti bénéficie d'un programme spécifique, HOPE (Haitian Hemispheric Opportunity Throught Partnership Encouragement Act). Les importations en provenance des pays CBERA représentent un peu plus de 15 milliards de dollars en 2007, et les exportations 14,6 milliards. Le commerce de ces pays avec les États-Unis varie entre 27% pour Panama et 88% pour les Bahamas pour les importations totales; entre 4,5% (Dominque) et 89% (St. Kitts et Nevis) pour les exportations. 144 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels b. L’initiative en faveur les pays d'Afrique subsahrienne (African Growth and Opporunity Act, AGOA). Le second programme a été mis en place en 2000, il a été régulièrement renouvelé, et depuis décembre 2006, il comporte une nouvelle initiative destiné à favoriser les investissements et la production textile dans les pays les plus pauvres (Africa Investment Incentive Act, AIIA). Les importations en provenance de l'Afrique subsaharienne représentent un peu plus de 3% des importations totales des États-Unis, pétrole inclus. 80% de ce commerce est couvert soit par l'AGOA soit par le SGP. c. L’initiative en faveur des pays andins (Andean Trade Preference Act, ATPA). Quatre pays sont concernés par ce régime: la Bolivie, la Colombie, l'Équateur et le Pérou. Avec pour objectifs d'offrir une alternative au commerce des narcotiques, de promouvoir le développement économique et de consolider les institutions démocratiques. Il a été renouvelé et amendé en 2002 (Trade Promotion and Drug Eradication Act, ATPDEA). Le commerce avec les pays APTA représente un peu plus de 1% du commerce total des États-Unis. 90% des importations en provenance de ces pays entrent en franchise aux États-Unis, dont 60% au titre de ce programme. 4- L’incidence de TSD sur le système commercial multilatéral. Malgré le fait incontestable qu’ils dérogent à la nation la plus favorisée, les régimes non réciproques constituent toujours un élément essentiel de ce système, comme en atteste le cadre juridique qui a été établi pour les protéger. Au début, la protection juridique était garantie au moyen de dérogations temporaires spéciales, comme le prévoyait l’article XXV du GATT de 1947. Cette protection a ensuite été rendue permanente au moyen de la Clause d’habilitation1. Mais cette clause ne constitue pas une modification spécifique de l’article premier du GATT, puisqu’il s’agissait d’une décision prise par les Parties Contractantes au GATT, elle avait un effet similaire. Qui permettent les parties contractantes d’accorder un traitement différencié et plus favorable aux PED sans l’accorder aux autres parties contractantes. Les dispositions de la Clause d’habilitation étaient spécialement destinées à encourager les PED à prendre des initiatives en faveur de l’accès à leurs marchés des produits exportés par les PED. En raison peut-être de l’abaissement des droits de douane et de l’accroissement général de la compétitivité des marchés mondiaux, les PED sont de plus en plus préoccupés par les effets néfastes des régimes non réciproques lorsqu’ils n’en sont pas bénéficiaires. Cette préoccupation s’est manifestée récemment dans deux circonstances2: Dans la première, l’Inde a eu gain de cause dans un différend relatif aux dispositions des accords non réciproques de l’UE qui accordent des préférences commerciales supplémentaires aux PED qui luttent contre la production de drogue illicite. Le Groupe spécial s’est déclaré d’accord avec l’Inde sur le fait que les préférences tarifaires spéciales étaient incompatibles avec l’obligation NPF découlant de l’article I:1 du GATT. L’UE a fait appel du rapport, et l’Organe d’appel a 1 OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2004, Analyse du lien entre le cadre général des politiques intérieures et le commerce international», Op.cit., p. 43. 2 Ibid., p. 43-44. 145 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels confirmé la constatation établie par le Groupe spécial, mais pour des motifs différents. Il a déclaré que le principe NPF n’était pas applicable à la Clause d’habilitation et que les pays donneurs de préférences avaient le droit de faire des distinctions entre les bénéficiaires en fonction de critères objectifs qui traitent de façon semblable des pays se trouvant dans une situation semblable. Il a constaté que les dispositions de l’UE ne comportaient pas de critères objectifs permettant de déterminer le droit d’un pays à des préférences commerciales supplémentaires. Le second cas s’est produit lorsque les Philippines et la Thaïlande ont décidé de contester une dérogation relative aux préférences de Lomé. Finalement, elles ont donné leur accord, mais seulement après avoir obtenu de l’UE, qui accordait la préférence, une concession pour leurs exportations de thon en boîte, qui étaient pénalisées par l’absence d’accès préférentiel au marché. Les préférences non réciproques sont aussi discutées dans le cadre de l’actuel cycle de négociations et ont une incidence sur le type d’accord qui conclura éventuellement le cycle, les marges de préférence peuvent être élevées pour certains produits dont l’exportation intéresse les PED. Il s’ensuit que les pays bénéficiaires de préférences ont intérêt à protéger ces préférences contre toute érosion. Des propositions officielles ont d’ailleurs été faites dans ce sens au Groupe de négociation sur l’accès aux marchés, qui s’occupent des questions d’accès aux marchés pour les produits non agricoles, et à la Session extraordinaire du Comité de l’agriculture, qui s’occupe de l’accès aux marchés pour les produits agricoles. Trois propositions ont été faites pour remédier à l’érosion des préférences: conserver les marges de préférence, retarder l’érosion au-delà de la réduction convenue des droits NPF et offrir une compensation aux pays bénéficiaires de préférences. Au stade actuel des négociations, l’issue est difficile à prévoir. D’une part, les régimes de préférences non réciproques exigent une dérogation légale pour pouvoir coexister avec les règles commerciales multilatérales. L’une des conditions de cette coexistence est qu’ils n’«empêchent» pas la réduction des droits NPF. Par conséquent, même s’il existe une bienveillance générale à l’égard des pays bénéficiaires de préférences en raison des difficultés d’adaptation qu’ils peuvent rencontrer, il n’est pas certain que leurs propositions trouvent un large soutien. 146 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Section 4: Les contextes théoriques des accords commerciaux préférentiels. Avec l'importance politique et aussi scientifique des ACPr se sont développé récemment plusieurs théories et études empiriques, ces dernières existent pour accompagner le processus de la montée en puissance de formations des ACPr. Evaluer les gains et les pertes qui en résultent sont difficiles car aux gains à l’échange, qualifiés de statiques, viennent s’ajouter des gains dynamiques potentiellement plus puissants, portant sur la trajectoire de croissance à long terme des économies. La plupart de ces études sont basées sur le modèle théorique de Viner (1950). 1- Les effets statiques des accords commerciaux préférentiels. 1.1- La théorie de Viner: un nouveau paradigme. Les analyses des incidences économiques des ACPr ont commencé avec les travaux pionniers de Jacob Viner dans les années 1950 (Viner, 1950). Viner s’est demandé est ce que un ACPr augmente le bien-être d'un pays membre ou non ? Il a conclu que ce n’était pas nécessairement le cas. Bien que son approche ne tienne pas compte de certains effets examinés précédemment - à titre d’exemple les effets d'une intégration régionale profonde sont au-delà de son analyse - la théorie de Viner a eu un impact important et durable sur le débat académique et politique relatif aux accords préférentiels. Il est donc utile d’examiner pour pouvoir comprendre le débat sur les ACPr1. Il est bien connu que Jacob Viner était motivé par les préoccupations politiques des ACPr, le traçage de la Charte de la Havane pour l'Organisation internationale du commerce abandonnée, la formation de la Communauté européenne en 1957 et de l'Accord de libre-échange européen, a donné une dimension politique plus directe de cette théorie, et a conduit à une perspective analytique très importante, plus particulièrement les travaux des années 1950 de James Meade, Harry Johnson, Richard Lipsey et Kelvin Lancaster2. Dans cette théorie, Le message essentiel de l'approche Viner, comme il est expliqué dans son étude, c'est que dans les ACPr, la libéralisation préférentielle a deux principaux effets: la création et le détournement d’échanges, le solde net entre les deux détermine l’effet d’un ACPr sur le bien-être de ses membres. Dans un ACPr, on élimine les obstacles aux échanges entre les pays membres (partenaires), mais non pas sur le commerce avec les pays exclus (tiers). En conséquence, les échanges augmentent presque toujours entre les membres. Pour Viner, l’ACPr est un "second best" par rapport au libre-échange généralisé. Son caractère avantageux dépend de ce que la création de commerce va emporter plus que le détournement de commerce, c’est-à-dire la question ici, est de savoir si elle crée le commerce en permettant à des produits moins chers provenant des autres membres du bloc, de substituer à la production nationale jugé plus cher, ou le détourner en substituant les importations intra-bloc par celles provenant de l'extérieur. 1 OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2011», Op.cit., p. 100. Bhagwati, J.N, «Termites in the Trading System: How Preferential Agreements Undermine Free Trade», Oxford University Press, New York, 2008, p. 102. 2 147 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels 1.2- La théorie de Viner: Création et détournement de commerce. a. Création de commerces. C'est l'effet bénéfique d'un accord commercial discriminatoire. Dans le cas des coûts constants de la production dans les deux pays, on l'observe quand un pays n'a pas été déjà membre, un bien qui était fourni auparavant par des producteurs locaux est maintenant offert par un pays membre de l’accord et donc échangé internationalement, parce que les producteurs de ce dernier pays sont plus efficaces dans sa production. Il y a donc une meilleure allocation des ressources productives due aux nouvelles opportunités commerciales créées par le mouvement de la demande du pays à coûts élevés vers le pays à bas coûts. La qualité de production locale Inefficace est déplacée par la production plus efficace dans un autre pays membre. Puisque le produit n'a pas été importé à partir d'un pays non-membre avant le début de l'arrangement, les pays non membres ne perdent pas leurs exportations et ne sont pas affectés. b. Détournement de commerces. Ceci est l'effet indésirable qui pourrait réduire l’'efficacité d'un tel bloc. La construction de zones régionales d’échanges (y compris les zones de libre-échange) induit un effet de détournement de commerce (« trade diverting »). Il se produit quand des importations plus coûteuses en provenance des pays membres qui remplacent l’ancienne importation moins coûteuse en prévenances des pays tiers (non membres) 1 . Lorsque la réduction tarifaire discriminatoire se produit, dans le cas où les prix des partenaires ne sont pas plus compétitifs que ceux sur le marché international. Il y a dans ce cas détournement de commerce, c'est-à-dire remplacement d'importations à faible coût de l'extérieur par des importations plus coûteuses de, et par suite il y aura une diminution du bien-être pour l'ensemble du monde puisque la croissance des pays victimes du détournement de commerce est freinée ; en retour donc leurs importations et le commerce mondial ralentissent. Le risque de conflits commerciaux majeurs est en outre accru : les pays hors zone peuvent en effet, multiplier les mesures de protection à titre de représailles2. c. Interprétation graphique des effets de création et de détournement de commerces. Le graphique II-08 ci-dessous, montre la situation du Pays A (Home), avant et après la conclusion d’un ACPr, par apport à ces partenaires B (Partenaire) et C (tiers). c.1- l’état avant l’ACPr. Le pays A fait la production du bien x d’une façon insuffisante à leur demande interne. A à une économie fermée où toute importation est taxée. L’équilibre du marché de bien x de A est défini par un prix P1, correspondant à un niveau de production nationale de Q2 complétée par une importation de Q3 – Q2. 1 Wladimir Andreff, «Economie de la transition: La transformation des économies planifiées en économies de marché», Editions Bréal, Paris, 2007, p. 98. 2 Serge d' Agostino, «Libre-échange et protectionnisme», Collection Thèmes & Débats sociologie, Bréal Edition, Paris, 2003, p. 53-54. 148 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Graphique II-08 : Interprétation graphique des effets de création et de détournement de commerce. On suppose en effet que pour un niveau de prix intérieur de P1, la demande intérieure s’élève à Q3 alors que la capacité productive de A ne peut fournir que Q2. Donc, pour satisfaire le niveau de la consommation nationale, A importé la différence. Si l’on suppose que, sur le marché international, C est le meilleur fournisseur du bien x au prix de P3 et que les droits d’entrée sur le marché de A sont identiques pour B et C, alors A importera davantage chez le pays C. Pour protéger sa production contre la concurrence internationale, A peut ériger des droits de douane équivalant à P1 – P3. En fonction des quantités importées de l’extérieur, les gains que l’Etat du pays A tiré des droits de douane correspondent à (P1-P3)*(Q3 – Q2), soit la surface représentée par les zones 3 et 5. Par rapport au marché international, les producteurs nationaux ont une rente bénéficiaire de P1Q2– c(q) (avec c(q) les coûts de production), alors que les consommateurs paient un surcoût total de (P1-P3)*Q3 dû à l’existence des droits de douane. c.2- l’état après l’ACPr. S’il advient maintenant que, pour des raisons géographiques ou autres, A et B forment une union régionale basée sur la préférence communautaire, toute importation du pays B ne sera plus taxée par A et vice versa. Sans barrières tarifaires, le prix sur le marché de A du bien x importé de B est fixé à P2 inférieur à P1 qui correspond au prix local augmenté du tarif douanier imposé à C. La suppression des tarifs douaniers entre A et B rendent la production du bien B compétitive sur le marché de A. Étant donné que l’élasticité-prix est supposée parfaite chez C et B (ce qui explique que les deux ont une courbe d’offre horizontale), le pays A va substituer des importations en provenance de B aux importations du bien x en provenance de C. Autrement dit, A et B créent du commerce à partir de la quantité de commerce détournée de C. L’ouverture économique entre A et B conduit à faire baisser les prix intérieurs pratiqués de P1 à P2 même si ce niveau de prix est toujours supérieur à celui pratiqué sur marché international P3. Ce changement des prix intérieurs du pays A va, non seulement modifier le comportement des consommateurs, mais aussi celui des producteurs. Selon la loi de l’offre et de la demande, une baisse de prix a pour effet d’accroitre le niveau de la consommation. Face à un niveau de prix attractif, la demande de consommation va augmenter de Q3 à Q4. Pour répondre à cette hausse de 149 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels la demande, l’importation va passer de Q3 – Q2 à Q4 – Q1. Comparé au marché international, le surcoût total payé par les consommateurs nationaux baisse de [(P1-P3)*Q3]-[(P2-P3)*Q4]. L’union douanière améliore leur utilité par rapport à l’utilité qu’ils avaient avant l’unification. Ainsi, le surplus des consommateurs s’accroît et correspond à l’aire délimité par 1, 2, 3 et 4. D’une manière analytique, on peut la quantifier à ½ (P1-P2)*(Q4+Q3). D’un autre côté, la variation des prix incite les producteurs nationaux à modifier leur structure de production. La compétitivité par des prix de x dissuade une partie de la production dans A dans la mesure où, les producteurs nationaux sont inefficients. Cette dissuasion (zone 2) se matérialise par la substitution de la production du partenaire à la production nationale. Le pays A délaisse une production pour laquelle il n’est pas performant, au profit du pays B, ce qui naturellement conduit à une meilleure allocation des ressources. Dès lors, la préférence communautaire, rendue possible grâce à la discrimination vis-à-vis d’un pays tiers, permets aux firmes de B d’accroître leur offre sur le marché de l’union et également leur profit. La zone 1 représente les pertes des firmes du pays A lorsque les tarifs douaniers sont supprimés et qu’une partie de la demande nationale est satisfaite par les importations en provenance de B. Ces pertes peuvent être compensées par l’accroissement du surplus des consommateurs ou par des mesures d’accompagnement à l’ouverture économique. Avec la nouvelle configuration des échanges, les revenus du gouvernement de A vont être réduits ou effacés. Les zones 3 et 5 représentent graphiquement les pertes de recettes douanières. Cependant, cette interprétation reste discutable, compte tenu de l’hypothèse posée. En effet, les recettes étatiques disparaissent complètement pour le bien x si et seulement si, A s’approvisionne uniquement chez B pour satisfaire la hausse de la demande intérieure pour ce bien. En revanche, si malgré l’union qu’il forme avec B, A continué à importer une quantité du bien x chez C, qui est le meilleur fournisseur sur le marché international, alors les recettes étatiques seront partiellement maintenues dans la zone 5 et correspondront à (P2-P3)*Q*(C) avec la quantité de bien x importée de C. L’exemple précédent illustre bien les problèmes centraux mis en évidence dans la littérature académique sur les conséquences de bien-être suite à la libéralisation préférentielle : - Les ACPr qui créent des échanges augmentent le bien-être; - Les ACPr qui détournent des échanges peuvent réduire le bien-être. Dans des contextes plus généraux, avec plus d'un produit importé, cette idée peut être étendue et modifiée : réduction tarifaire préférentielle sur un ensemble des importations en provenance d'un pays partenaire particulier donnera lieu à une création de commerce et de certains détournements de commerce. En grosso modo, suite à la libéralisation préférentielle le bien-être du pays est abaissé si la création de commerce est dominée par le détournement des échanges. Le résultat de réductions tarifaires préférentielles à l'égard du bien-être de la libéralisation du pays est incertain1. On a tendance à surestimer les effets de création d’échanges d’un accord commercial préférentiel. Dans le cas des accords de libre-échange, par exemple, où les tarifs extérieurs peuvent être différents, des règles d’origine sont souvent établies pour faire en sorte que les importations en provenance de pays tiers ne passent pas par le pays membre de l’ACR qui a le tarif extérieur le plus 1 Krishna P., «Trade Blocs: Economics and Politics», Cambridge University Press, New York, 2005, p. 18. 150 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels bas. Seules les marchandises qui à satisfaisaient une prescription particulière concernant la teneur peuvent bénéficier d’un traitement tarifaire préférentiel. Cette règle d’origine augmente le coût encouru par les producteurs d’un pays membre de l’ACR pour se prévaloir des tarifs préférentiels. Outre le fait qu’elle limite l’éventuel effet de création d’échanges de l’ACR, cette règle crée des distorsions dans l’ensemble de l’économie en détournant les producteurs de l’option la moins coûteuse. Les préférences tarifaires incitent les producteurs à utiliser les intrants produits dans les pays membres de l’ACR plutôt que ceux de pays tiers. Krueger (1997) et Krishna et Kruger (1995) ont appelé l’attention sur le fait que les règles d’origine pouvaient être utilisées comme moyen de protection. Même si les droits appliqués entre les pays partis à un ACR sont réduits, la prescription relative à la teneur peut être configurée de manière à assurer à une branche de production une protection effective plus élevée qu’avant la conclusion de l’accord. Parmi les facteurs susceptibles d’influer sur l’importance des effets de création et de détournement d’échanges on peut citer 1: - plus le niveau initial des droits NPF des pays qui concluent l’ACR est bas, plus que le risque de perte de bien-être résultant d’un détournement des échanges est faible. - plus le commerce entre les membres est important par rapport au commerce avec le reste du monde, plus l’accord de libre-échange a des chances d’accroître le bien-être (partenaires commerciaux naturels – Krugman). Dans le même esprit, Summers (1991) a accordé une importance capitale à la question de savoir si les membres d’un bloc commercial sont des partenaires commerciaux naturels. Toutefois, dans ce qui est peut-être la seule vérification empirique de cette hypothèse effectuée à ce jour, Krishna (2003) n’a pu trouver aucun élément qui l’étaye dans le cas des États-Unis et des ACR auxquels ils sont partis. - la conclusion d’un ACR se fait au détriment des pays tiers qui souffrent à la fois du détournement des échanges et de la détérioration des termes de l’échange. - L’expansion du commerce intrarégional peut entraîner une diminution de la demande des produits exportés par les pays non membre qui fera baisser les prix de ces produits sur les marchés mondiaux. Chang et Winters (2001) fournissent quelques éléments démontrant l’effet de cette expansion sur les pays non membres. Toutefois, les pays qui concluent un accord commercial régional peuvent prendre des mesures pour éviter que les pays tiers soient lésés. Dans le cas particulier des unions douanières, dont les membres adoptent un tarif extérieur commun, il est possible d’éviter la détérioration du bien-être des pays non membres en fixant les tarifs extérieurs de manière à laisser inchangés les échanges entre ces pays et les membres de l’union douanière (théorème de KempWan, 1976, 1986). Mais cela n’est qu’une possibilité; ceci démontre que l’existence d’un tarif extérieur commun peut ne pas nuire au bien-être des pays non membres de l’union douanière. Mais cela ne garantit pas que les membres de l’union douanière aillent effectivement agir en ce sens. 1 Crochet A., «Le concept de globalisation: Mythes et réalités», in, Le modèle économique anglo-saxon à l'épreuve de la globalisation, actes du colloque international organisé les 7 et 8 avril 1995 à l'Université de la Sorbonne Nouvelle Paris III», Textes réunis et présentés par Martine AZUELOS, Presses de la Sorbonne Nouvelle, Paris, 1996, p. 39. 151 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels 2- Les effets dynamiques des Accords commerciaux préférentiels. Les effets dynamiques sont plus difficiles à quantifier. Cette appellation décrit la pression continue en faveur du changement qui est une des caractéristiques d’un environnement intégré et compétitif. Les forces du marché sont une incitation à accroître l’efficacité, les investissements et l’innovation continuelle. Un produit ou un processus nouveau peut constituer un avantage compétitif pour un temps jusqu’à ce qu’un concurrent propose rapidement mieux. La recherche du sucées est continuelle. La nécessité d’innover favorise les investissements dans les nouvelles technologies, les nouvelles méthodes de production, de distribution et la conception de nouveaux produits. Ces investissements ont un effet multiplicateur sur les activités économiques en général, et engendrent de nouvelles augmentations de productions, de revenus et de demandes. La concurrence accroît également la nécessité d’efficacité. Les entreprises compétitives n’essaient pas seulement de diminuer leurs coûts de production, elles cherchent également, à maximiser l’efficacité ou la productivité de leurs ressources en réduisant le coefficient d’inefficacité-X, c’est-à-dire l’incapacité d’utiliser le potentiel maximum d’une ressource, en particulier du travail 1. D’une manière générale, l’effet dynamique de l’intégration est qu’elle entraîne une affectation efficace des ressources à travers la zone commerciale en assurant la promotion de certains business et le déclin d’autres, le développement de nouvelles technologies et de nouveaux produits et l’élimination des anciens. Ce processus entraîne une restructuration à grande échelle des industries et des entreprises ainsi que la relocalisation de l’industrie et la création de fusions et d’alliances transfrontalières. Il est certain que ce processus peut être pénible mais il augmente de manière générale la compétitivité des entreprises ainsi que la diversité des produits, la nouveauté des produits et la baisse des prix pour le consommateur. 2.1- Les ACPr sont-ils des Blocs de construction ou pierres d’achoppement. Même si les ACPr sont des faits admis par l’OMC dans l’article XXIV du GATT, l’Article V du GATS et par la Clause d’habilitation. Il n’en demeure pas moins que ces ACPr semblent également contribuer à affaiblir l’OMC. Les débats sont également concentrés sur les implications de ces blocs pour le système commercial mondial, afin d’essayer de faire savoir en termes de la phrase mémorable de Bhagwati (2001) 2 : si ces accords constituent des blocs de construction «building blocks» ou des pierres d’achoppement «stumbling blocks», en ce qui concerne l’ouverture des marchés à l’échelle multilatérale, les débats restent à leur tour ouverts. Sur le même sujet, Bhagwati dénoncent l'effet de détournement de commerce en faveur des pays membres induit par la construction des zones régionales d'échanges. Il en résulte une spécialisation sous-optimale en regard de celle qui prévaudrait dans un contexte de libre-échange généralisé. En outre, les pays tiers, victimes du détournement de commerce subiraient un freinage de leur croissance qui, en retour, ralentirait leurs importations et donc le commerce mondial. Le risque de conflits commerciaux majeurs serait en outre accru: les pays hors zone pourraient en effet, multiplier les mesures de protection à titre de représailles. 1 Harrison A., E. Dalkiran et E. Elsey, Op.cit., p. 211. Panagariya A., «Preferential Trade Liberalization: The Traditional Theory and New Developments», Journal of Economic Literature, Vol. 38, No. 2, Jun, 2000, p. 287-331. 2 152 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Cet état de fait dynamique, et même pour les effets statiques, les différents travaux d’économistes et chercheurs prennent conscience des analyses statique de Viner et mettent l'accent sur les effets dynamiques sur la croissance des pays impliqués dans un accord préférentiel, les résultats de ces travaux peuvent être séparés entre effets positifs et effets négatifs. a. Les arguments en faveur des ACPr. Pour les effets positifs liés à la conclusion d’un accord préférentiel, il serait possible de citer : - Une plus grande diversité des biens disponibles, à la fois en termes de biens finis, mais aussi de biens intermédiaires et de services. Selon la théorie microéconomique du consommateur, nous savons que les individus aiment la diversité et qu’ils préfèrent toujours consommer plus que moins (principe de non-satiété), les amenant sur une courbe d’utilité supérieure et donc un bien-être plus important. - L’intégration économique permet l’exploitation d’économies d’échelle. En effet, ce type d’économies est rendu possible par l’accès à un marché plus grand que le marché national. Du fait que les entreprises de l’union desservent un marché plus vaste qu’auparavant, ce qui abaisse leurs coûts de production, donc les prix ; ceci permet aux consommateurs de la zone elle-même, voire du reste du monde, d’accéder à des produits moins chers; - L’apparition des économies de gamme : l’accroissement de la dimension du marché au sein de la région favorise la multiplication des variétés de biens offerts dans une même gamme et cela augmente le bien-être collectif de tous les pays, les consommateurs ayant à leur disposition des variétés plus nombreuses de biens, ce qui répond aux désirs de différenciation; - L’apparition d’une concurrence plus forte, permettant la promotion de la technologie. En effet, les entreprises nationales se trouvent désormais en concurrence avec les entreprises des pays participants à l’accord, les obligeant à rester concurrentielles et ce, en augmentant leur productivité. Un transfert de connaissances et de technologies se met alors aussi en place, permettant des gains de productivité substantiels. En plus de ces effets en termes de bien-être, les ACPr peuvent avoir des effets plus larges sur la politique macroéconomique des pays participants. Ainsi ils permettent de confirmer la crédibilité des politiques mises en place par le pays. En effet, par un système de sanctions de la part des pays partenaires, un pays sera contraint de respecter la libéralisation des échanges promis. Les liens étant plus étroits entre les pays partenaires d’un ACPr qu’au sein d’une institution comme l’OMC. Suite à la création d’un ACPr, la présence d’un plus grand marché du fait de la suppression des barrières entre membres de la zone attire les IDE qui apportent des financements et des nouvelles technologies, soit entre pays de niveaux de développement comparable (on observe bien une intensification des IDE croisés entre l’Europe et les États-Unis) soit entre des niveaux de développement différents (investissement des pays développés vers le MERCOSUR ou l’ASEAN). Les afflux des IDE dans la zone peuvent être interprétés comme un signal de confiance de la part des investisseurs qui vont permettre une modernisation de l’économie des pays membres les moins développés. 153 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels b. Les arguments en défaveurs des ACPr. En invoquant le sujet des effets discriminatoires des ACPr, les écrits de Bhagwati ont toujours démontrés combiens l'équité du système OMC était préférable. Son analyse de l'ensemble de ces questions fondamentales, renforce l'importance du multilatéralisme et du système OMC. Pour Bhagwati, ces accords mettent le système multilatéral sous tension, placent les petits pays en situation de concurrence asymétrique et font de nouveaux craintes pour la menace d'un monde divisé en blocs économiques 1 . Dans une étude axée sur ce sujet, Aghion, Antràs et Helpman arrivent à deux équilibres: celui dans lequel le libre-échange mondial est atteint seulement quand les ACPr autorisent à former des blocs de construction, et d'une autre dans laquelle le libre-échange mondial est atteint seulement lorsque les ACPr sont interdits quand ces derniers forment des pierres d'achoppement2. Selon les analyses de Viner, un ACPr peut conduire un pays à transférer ses achats d’un fournisseur plus efficace vers un fournisseur moins efficace 3 . De même, l’arrivé sur le marché national de biens concurrents, les entreprises les moins efficientes sont vouées à disparaître, entraînant avec elles les emplois. Pour la population des petits pays cela vas représenter une diminution de bien-être. À l’inverse, dans le cas ou cet accords est conclu entre pays de niveaux de développement différents, il risque de s’opérer une délocalisation en direction des pays à bas salaires, préjudiciable aux travailleurs du pays à revenu plus élevé, pouvant ainsi conduire à une dégradation des conditions sociales. De plus, un pays moins développé peut perdre sa souveraineté, à la fois économique et politique, au profit du pays développé qui aura tendance à imposer ses règles et à mettre en place une libéralisation cachant un certain protectionnisme, comme la critique peut être faite à l’UE dans le secteur agricole dans le cadre des accords euro-méditerranéens. 2.2- Les explications théoriques des effets dynamiques. Dans les années 1960, alors que la Communauté économique européenne connait une forte croissance qui profite aux exportations des autres régions du monde, les économistes prennent conscience du caractère trop statique de l’analyse de Viner et mettent l’accent sur les effets dynamiques d’une intégration réussie. L’incertitude dans ce débat fait place à un certain optimisme. Dans les années 1970 et 1980, de nouveaux pays entrent dans la CE, des accords entre cette Communauté et les pays d’Afrique sont signés et des négociations s’ouvrent en vue de la création de nouvelles zones comme le MERCOSUR, ou l’ALENA. Les ACPr sont alors perçus comme une étape vers le multilatéralisme et non comme une entrave. La conviction que le régionalisme est plutôt avantageux pour tout renvoie aux effets dynamiques d’un accord cités précédemment dont l’effet principal est, d’augmenter la taille du marché desservi par les producteurs4. 1 Deblock C., «du mercantilisme au compétitivisme: le retour du refoulé», in CROMPHAUT M.V. (Dir.), L'État-nation à l'ère de la mondialisation, Edition l'harmattan, Paris, 2003, p. 93. 2 Estevadeordal A. et Al, «Bridging regional trade agreements in the Americas», Special Report on Integration and Trade Produced by the IDB (Inter-American Development Bank), Office of External Relations, 2009, p. 37. 3 Richard E.C., J. A. Frankel et R.W. Jones, « Commerce et paiement internationaux », édition De Boeck, 1ere éd, Paris, 2003, p. 321. 4 Guillochon B., «L’approche économique du bilatéralisme et du multilatéralisme», in, Remiche B., H. Ruiz-Fabri (Dir.), Le commerce international entre bi - et multilatéralisme, Op.cit., p. 34-44. 154 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels a. L'effet de "spaghetti bowl" des ACPr - Bhagwati. Le problème systémique de la libéralisation discriminatoire des échanges en vertu d'un ACPr se pose en deux façons. Tout d'abord, quand un pays adhère dans plusieurs ACPr, il est évident que le même produit va être soumis à des tarifs douaniers différents, c’est-à-dire, les trajectoires de réduction des tarifs douaniers varient selon ses différents ACPr. Deuxièmement, et c'est beaucoup plus important, est que, avec les ACPr, les droits de douane sur des produits doivent dépendre de l'endroit où ce produit est censé provenir (la nécessité de l'arbitrage par les règles d'origine)1. La justification théorique des accords créés dans les années 1990 fait appel au régionalisme ouvert, mais le bilatéralisme n’est prévu par aucune des définitions de cette doctrine et il s’oppose même à sa recommandation formelle d’aller au-delà des alliances bilatérales. La théorie économique n’offre pas non plus de base au bilatéralisme, car elle considère qu’il représente un encouragement au détournement de commerce et d’investissements bien plus important que dans le cas des accords régionaux. Quant à l’accroissement et l'enchevêtrement de ces accords, elles donnent l’image d’un bol de spaghetti (spaghetti bowl)2, terme qui désigne ces réseaux d’accords d’intégration de libre-échange et leur entrecroisement désordonné (Bhagwati 2002) 3 , ce qu’entraînent des coûts additionnels par le jeu des règles d'origine en cas d'appartenance multiple.4 Figure II-04: Schémas du bol de spaghetti des ACPr dans le monde. Source: UNCTAD. Un impact négatif de l'assiette de spaghettis (bol de spaghetti) est que lorsque les pays sont obligés de passé beaucoup de temps et de ressources sur la négociation et le maintien des accords au niveau régional, ils ont tendance à ignorer leur responsabilité au niveau multilatéral. Lorsque les 1 Bhagwati, J.N, «Termites in the Trading System: How Preferential Agreements Undermine Free Trade», Op.cit, p. 61. Bhagwati J., D. Greenaway, A. Panagariya, «Trading preferentially: Theory and Policy», the economic Journal, vol. 108, n° 449, 1998, p. 1128-1148. 3 Germán A. de la Reza, «Les nouveaux défis de l'intégration en Amérique latine», Op.cit., p. 122. 4 Trotignon J., «L'intégration régionale favorise-t-elle la multilatéralisation des échanges?». In: Revue française d'économie. Volume 23 N°3, 2009. p. 213-246. 2 155 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels économies se sentent accablés par l'appartenance aux différents ACPr plurilatéraux, ce qui arrive souvent, elle conduit à une consolidation de ces ACPr. Les pays rationalisent constitutivement leur participation en s'alignant avec un groupement des ACPr et en abandon des autres1. La multiplication des ACPr qui est la cause immédiate de phénomène de l'assiette de spaghettis est trop connue pour qu’on prenne en considération les risques d’enchevêtrement qui résultent de ce phénomène puisqu’un seul pays peut être partie de plusieurs ACPr, ce qui ne va pas sans créer de véritables complications de gestion et ils impliquent un certain nombre de risques dont2: - La prolifération des accords commerciaux régionaux peuvent "balkaniser" les systèmes commerciaux régionaux et mondiaux, - Si les divers accords portent des caractéristiques largement distinctes, ils peuvent imposer des coûts de transaction excessifs pour les commerçants, en particulier pour les PME qui n'ont qu'une capacité limitée à absorber3; - Les investisseurs et les gouvernements qui vont opérer simultanément sur les marchés de plusieurs ACR. Le Professeur Bhagwati a fait évaluer trois mesures possibles pour inverser le phénomène de la «pandémie» des ACPr4: - La mise en arrêt de la formation de nouveaux ACPr grâce à l'élimination des préférences inclus dans les dites accords déjà présente à travers la réduction des écarts entre les droits de douane appliqués sur les non-membres et les tarifs préférentiels appliqués entre les membres; - Réduire le chaos du «l'assiette de spaghettis» grâce à l'harmonisation, et, - On poursuivra les réductions tarifaires à l'aide du système de négociations commerciales multilatérales, telle que le cycle de Doha. b. L'effet Domino ou la dynamique de l'élargissement. La libéralisation du commerce préférentiel a été un élément clé dans la libéralisation des échanges d'après-guerre, donc un cadre d'économie politique pour comprendre une telle libéralisation préférentielle est nécessaire. Ici, la théorie de l’effet domino du régionalisme est employée5. Grâce à la théorie de l’effet domino, Baldwin apporte une réponse à la question qui est de savoir pourquoi un pays peut être incité à rejoindre un ACPr, même si celle-ci vise à expliquer le processus d’élargissement des ACR aux pays voisins. La théorie des dominos commence avec un modèle positif de l'appartenance à un ACPr et se déroule en deux étapes : l'impact immédiat d'un 1 Dilip K. D., «Regionalism in Global Trade», Op.cit., p. 18. Guillochon B., «L’approche économique du bilatéralisme et du multilatéralisme», in, Remiche B., H. Ruiz-Fabri (Dir.), Le commerce international entre bi - et multilatéralisme, Op.cit., p. 35. 3 Dowling M., G. Wignaraja, «Central Asia after fifteen years of transition: growth, regional cooperation, and policy choices», Asia-Pacific Development Journal Vol. 13, No. 2, December 2006, p. 135. 4 Sullivan H., S. Shroff, M. Du, A. Bloomsbury, «Preferential trade agreements and the WTO: impetus or impediment?», the association of the bar of the city of New York , 2010, p. 20. 5 Baldwin R. E., «Multilateralising regionalism: Spaghetti bowls as building blocks on the path to global free trade », The World Economy, Vol. 29, Issue 11, 2006, p. 1451-1518. 2 156 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels approfondissement de l'intégration idiosyncratique dans l’ACPr, et l'impact d'entraînement sur sousentendus par bloc-élargissement. Le principe est simple : au fur et à mesure qu’un ACPr s’agrandit et permet de faire bénéficier ses membres de coûts plus faibles et des avantages d’un marché plus grand, cela a pour effet de créer des incitations pour les non-membres à rejoindre cet accord en vertu d’un effet domino. Les gouvernements dans chaque pays sont opposés à maximiser une fonction de soutien politique (et le choix de participer à un ACPr ou au contraire de rester en retrait se fait en fonction de cet objectif). Cette fonction de soutien politique est une fonction croissante, suite aux: - des « dons » des groupes de pression au gouvernement (ces contributions financières sont évidemment versées si le gouvernement adopte la politique défendue par les groupes de pressions), - du niveau de bien-être social net de ces même contributions, - d’un terme représentant la perte de bien-être des groupes d’individus opposés à une telle ouverture pour des raisons qui peuvent être d’ordre économique (perte d’une rente) ou politique (sentiments nationalistes, par exemple). L’équilibre politique est le fruit de la tension entre ces deux forces : volonté d’ouverture pour les secteurs et résistance de la part d’autres groupes. La dynamique de l’élargissement est géographiquement fondamentale, comme l’explique la théorie des dominos de Baldwin. L’intégration régionale conduit à un manque à gagner pour les pays non membres d’autant plus important que les pays se trouve à proximité de la zone. Si chaque pays connait ce qu’il perd à court terme du fait de sa non-appartenance, il doit aussi prévoir les forts avantages à long terme de ce processus. Or, l’expérience montre que ce qui est souvent vrai pour les pays les moins développés reste discutable pour les autres, d’autant plus qu’il existe des couts importants liés à l’adhésion, notamment dus à une politique commerciale globale pas spécialement adaptée à chacun des pays membres. Les négociations des pays non adhérents dans le cadre d’accords régionaux s’avèrent souvent moins coûteuses et moins risquées. En outre, les petits pays reçoivent plus de l’élargissement que les grand, selon la fameuse théorie des alliances. Cependant, il existe une certaine asymétrie des pays dans la formation de ces zones et les risques de guerre commerciale ne sont pas nuls à plus long terme1. L’effet domino invoqué par Baldwin vient du fait que les exportateurs issus de pays non membres peuvent augmenter leur niveau de profit en rejoignant l’ACPr et ces bénéfices sont d’autant plus élevés que l’ACPr est de grand taille. Plus un ACPr est de grande taille et plus cela signifié pour les exportateurs des pays non membres, un désavantage important (notamment en terme de coûts unitaires de production) car ils doivent faire face à des restrictions à l’accès d’un nombre de plus en plus important de marchés. Baldwin soutient en outre que les groupes d’intérêt économiques sont plus enclins à se mobiliser et à lutter quand ils doivent défendre des positions que pour accroitre leur part de marchés. Ces pressions sont de surcroît d’autant plus fortes que l’on se trouve sur des marchés de biens différenciés présentant des coûts fixes élevés (en terme de publicité, par exemple) ; coûts d’entrée qui seront plus facilement répartis sur des marchés de grande taille. L’argument est que ces 1 Fontanel J., «La globalisation en « analyse » : géo-économie et stratégie des acteurs », Edition l’Hrmattan, Paris, 2005, p. 218-219. 157 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels coûts irrécupérables créent des quasi-rentes. Dans ces conditions, faire du lobby pour accroître ses parts de marchés et son niveau de profit va attirer de nouvelles entreprises et par là même dans un cas extrême conduire à une dissipation des rentes. En conséquence, l’incitation à faire du lobby peut se révéler faible. En revanche, l’incitation à faire du lobbying pour défendre une position sur des marchés de ce type peut se révéler plus forte. Il suffit d’étudier pour s’en persuader la réaction d’une firme suite à un changement soudain de son environnement – la création d’un nouvel accord commercial régional – qui contribue à diminuer ses quasi-rentes de moitié. Cette firme va être encline à consacrer la moitié de ses quasi-rentes pour faire de lobbying en faveur de l’adhésion auprès de son gouvernement. Les exportateurs non membres sont alors incités à faire basculer l’équilibre politique en faveur d’une intégration dans l’ACPr en augmentant leurs activités de lobbying. - L’interprétation graphique de de l’effet domino du régionalisme. L'effet de domino peut être illustré dans le graphique II-09. Graphique II-09 : La théorie de l'effet de domino du régionalisme. Source: Baldwin R. E., «Multilateralising regionalism: Spaghetti bowls as building blocks on the path to global free trade», The World Economy, Vol. 29, Issue 11, 2006, p. 1462. La courbe EE montre comment les pressions pour devenir membre à un bloc se développent (la pression est mesurée en dollars puisque c'est le changement dans la fonction objectif des gouvernements avec et sans adhésion). La courbe RR montre la résistance intrinsèque des pays à rejoindre le bloc, faire en sorte que ses pays sont arrangés par ceux qui ont la plus faible résistance à ceux qui ont la plus forte. Dans des conditions de régularité facile, EE et RR se croisent au E° et ceci détermine l’équilibre d’adhésion au bloc. Cependant, Un approfondissement de l'intégration dans le bloc tournera EE vers le haut EE', et il en résulte un nouvel équilibre de l'économie politique à E'. 158 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Les flèches en rouge indiquent une simple histoire dynamique des demandes des pays pour adhérer au bloc, ses décisions de rejoindre le bloc soulèvent des demandes d’adhésions des pays qui sont auparavant ont jugé politiquement optimales à rester en dehors. L’effet de domino se réfère au phénomène « boule de neige », selon lequel une union qui existe est attractive et suscite l’entrée d’autre pays, ce qui renforce les autres effets (économies d’échelle, différenciation, attractivité des capitaux)1. Selon C. Deblock2: « L’argument du jeu de dominos de Richard Baldwin n’est pas corroboré par les faits. Dans les Amériques comme sur le pourtour méditerranéen, la crainte de perdre des marchés, de l’isolement, a joué en faveur d’un régionalisme Nord-Sud, mais l’effet domino a fini par buter sur des pays récalcitrants.» c. Les effets « Hub and spokes » (moyeu-rayon) des ACPr. Certains économistes soulignent la présence d’effets « Hub and spokes » (moyeu-rayon) selon lesquels un ACPr souvent de type bilatéral peut conduire à une relation de type hub and spokes s’il existe un pays développé (le hub ou centre) en avance par rapport aux autre pays de la zone souvent moins développés (le spoke ou rayon), dans une telle situation, les échanges commerciaux vont se polariser sur ce centre et cela va bénéficier à la périphérie. Cette approche des réseaux d’accords trouve son origine dans la stratégie aéronautique de maximisation du trafic aérien autour d’un aéroport central, connue sous le terme de hub-and-spokes system. Il a été utilisé pour la première fois dans la littérature économique par Lipsey et Smith en 1989, et développée dans la lignée des travaux de la nouvelle économie géographique, par Krugman et par Kowalezk et Wonnacott (1992), Afin de modéliser les effets économiques du bilatéralisme américain sur l’économie canadienne : - La première conclusion qu’ils ont tiré dans leurs études est de type classique : les schémas stellaires sont moins efficaces comparés aux groupes multilatéraux. L’argument est dans une bonne mesure une extension de la conjecture selon laquelle un schéma d’intégration est d’autant plus bénéfique que le nombre et l’importance économique de ses membres sont élèves. En ce sens, la zone de libre-échange la plus favorable au bien-être englobe le monde entier, puisqu’elle exclut toute source de détournement de commerce. - La deuxième conclusion émet une réserve : les pays centraux concentrent une série d’avantages au détriment des pays périphériques, résultat de leur position centrale dans la gestion des préférences. En d’autres termes, bien que le système implique de moindres bénéfices à sa périphérie, il peut s’avérer attrayant pour le pays central 3. 1 Guillochon B., «L’approche économique du bilatéralisme et du multilatéralisme», in, Remiche B., H. Ruiz-Fabri (Dir.), Le commerce international entre bi - et multilatéralisme, Op.cit., p. 35. 2 Deblock C., «Accords commerciaux: entre coopération et compétition», Op.cit., p. 819-831. 3 Germán A. de la Reza, «Les nouveaux défis de l'intégration en Amérique latine», Op.cit., p. 122-123. 159 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels Un examen de la liste des ACPr dans le monde, montre que la prolifération de ce type d’accords commerciaux est regroupée autour des grandes constellations. Une grande partie de cette expansion implique des accords où l’Union Européenne (UE) ou aux États-Unis est un partenaire. En conséquence, l’UE et les États-Unis sont devenus les deux principaux «Hubs» dans le modèle des ACPr avec les «rayons» représentés par des accords avec les différents pays partenaires, mais il y a d'autres joueurs actifs parmi les ACPr, dont le Mexique, avec 9 ALE, Singapour (6), l'Australie (5), le Chili (5), et le Canada (4)1. Figure II-05: Arrangement hub-and-spokes et les arrangements inter-régional des ACPr. Source: Prusa T.J., «Trade Remedy Provisions», in, Chauffour J.P., J.C. Maur, (Dir.), Preferential trade agreement policies for development: a handbook of The World Bank, Washington, 2011, p. 188. Par la suite de la propagation de l'ACPr, une augmentation des risques de systèmes hub-andspokes seront centré sur quelques pays moyeu dont les économies potentielles de cumul de la production entre les rayons demeurent inexploitées. C’est-à-dire selon l’effet hub-and-spokes les 1 Thomas J. Prusa, «Trade Remedy Provisions», in, Chauffour J. P., J. C. Maur (Dir.), preferential trade agreement policies for development: a handbook, The World Bank, Washington, 2011, p. 187. 160 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels pays qui ce figurent aux centre vont orienter les investissements et la localisation des activités dans leurs pays où se trouve le plus grand marché1. Venables à identifier deux éléments qui expliquent ces divergences2: - il y a le risque de détournement de trafic pour les pays dont ces avantages comparatifs diffèrent le plus de la moyenne mondiale (cas des PMA). Les effets d’agglomération risquent de conduire à des concentrations d’activités dans les pays à haut revenu. - Les effets liés aux accords de libre-échange entre pays centraux et périphériques doivent être interprétés dans ce cadre. Selon les prédictions du modèle Puga et Venables, les effets d'agglomération se produisent principalement dans les pays du centre alors que les pays périphériques se spécialisent dans des activités manufacturières ou non manufacturières à rendement constant. Inversement, les ACPr avec les pays industrialisés permettent aux PED de bénéficier d'une baisse des prix des biens d'équipement, des biens intermédiaires et d'un accès au marché3. d. L’effet d’allocation et l’effet d’accumulation. L’intégration régionale est justifiée par deux avantages théoriques qui sont identifiés par Baldwin : l’effet d’allocation et l’effet d’accumulation. d.1- L’effet d’allocation: se réfère à l’allocation des ressources plus efficiente due à l’élimination des entraves au commerce dans le contexte de l’intégration régionale. La théorie économique souligne que dans une économie compétitive, les producteurs concentrent leurs ressources productives vers la production d’un produit s’ils enregistrent une augmentation de la demande des consommateurs sur le dudit produit. Cette demande est donc un important signal entre consommateurs et producteurs. Cependant, l’imposition des barrières tarifaires et non tarifaires entre les pays brouille ce signal. L’intégration régionale qui conduit à l’élimination des obstacles à la circulation des personnes et des biens génère donc une allocation efficiente des ressources. Dans ce cas, et toujours selon Baldwin qui note aussi un corollaire de l’effet d’allocation : les effets d’échelle et de variété. d.1.1- Les effets d’échelle: La pratique des politiques de substitution des importations par les PED qui vise à la protection des industries inefficientes a amené à protéger des entreprises qui opéraient souvent à une échelle insuffisante. L’intégration régionale, réduit cette protection et peut aider par une réallocation des ressources, à rationaliser des industries entières. C’est-à-dire la création de vastes marchés pourrait permettre à des petites entreprises d’atteindre leur taille optimale qui va engendrer une baisse des coûts moyens et aussi des prix pour les consommateurs. 1 Senik-Leygonie C., «L’élargissement à l’Est: risque, coûts et bénéfices», in, Farvaque E. et G. Lagadec (Dir.), Intégration économique européenne: problèmes et analyses, 1re édition, Editions De Boeck Université, Bruxelles, 2002, p. 290. 2 Hugon P., V. geronimi et A. Mayeyenda, « Les théories de la régionalisation », in, Hugon p. (Dir.), Les économies en développement à l’heure de la régionalisation, Editions Karathala, 2003, p. 63. 3 Hugon P., «Libre-échange UE-ACP, UE-PSEM et nouveau régionalisme», Séminaire EMMA-RINOS, Analyse comparatiste des processus d’intégration régionale Nord-Sud, Paris 26-27 Mai 2003, p. 07. 161 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels d.1.2- L’effet de variété: est simplement le choix de produits variés dont bénéficie le consommateur grâce à un vaste marché issu de l’intégration régionale. Le choix élargi et la concurrence qui s’ensuit peuvent faire baisser les prix à la consommation. En ce qui concerne l’entreprise, la possibilité et la disponibilité éventuelles d’un plus grand choix de facteurs de production peuvent l’aider à utiliser des intrants plus appropriés qui pourraient avoir un effet significatif et positif sur sa productivité. d.2- L’effet d’accumulation: Ceci s’observe dans les circuits de l’investissement et du commerce. Le développement des marchés régionaux attire davantage les fournisseurs et permet aux entreprises de se spécialiser. Le résultat de ce processus est la réduction des coûts de production moyens à l’intérieur du groupement et l’accroissement du rendement des facteurs de production et par conséquent, l’accumulation des facteurs matériels et non matériels. Les économistes s’entendent sur le fait que la mondialisation et l’intégration régionale accroissent la mobilité des ressources humaines et financières, et ont des retombées technologiques qui conduisent à des gains de productivité et à une réduction des coûts de production et ainsi à attirer d’autres investissements et favorisent l’accumulation des facteurs. Les effets cumulés de l’intégration régionale en ce qui concerne l’efficience et l’accumulation, peut contribuer à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté. Pour les PED, il y a d’autres raisons qui militent en faveur d’un intérêt pour les marchés régionaux en comparaison des marchés mondiaux : - les voisins régionaux tendent à être au même stade de développement et donc évitent le syndrome de David contre Goliath. - la valeur créée dans la production et le commerce reste dans la région et n’est pas exportée à l’extérieur de la région. - ce type de commerce permet aux pays d’économiser sur les réserves des devises étrangères. e. Les firmes hétérogènes et le commerce international. L'analyse traditionnelle de la création et de détournement du commerce est basée sur une vision du monde où le commerce international est entièrement dû à des différences dans la productivité et la dotation en facteurs. En fait, et dans la « nouvelle nouvelle » théorie du commerce international, Melitz montre que la libéralisation du commerce pourrait être un puissant moteur de croissance du fait que l’exposition accrue au commerce international, résultant soit du passage de l’autosuffisance à l’ouverture au commerce soit d’une réduction des coûts commerciaux, ce qui obligera les entreprises les moins productives à sortir du marché et redistribuera leurs parts de marché entre les entreprises plus productives 1 . Il montre en outre que l’exposition accrue au commerce entraîne toujours des gains de bien-être, le commerce peut également résulter de la différenciation des produits et des économies d'échelle, qui réduisent les coûts lorsque la production augmentera. Le commerce international offre un moyen important d'accroître la concurrence en permettant de nouveaux fournisseurs d'entrer dans les marchés. L’ACPr peut générer ces avantages en favorisant 1 Melitz M.J., «The Impact of Trade on Intra-Industry Reallocations and aggregate Industry Productivity», Econometrica, Vol. 71, November 2003, p. 1695-1725. 162 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels les échanges entre les membres, en combinant la taille des entreprises plus grandes ce qui augmente les économies d'échelle d'une concurrence entre un plus grand nombre d'entreprises qui accroît la concurrence. Ceci est possible car en combinant plusieurs marchés nationaux (intégration régionale), le nombre de producteurs dans chaque pays pourrait tomber tandis que le nombre de vendeurs raisonnables qui peuvent accéder à chaque marché augmente (parce que les producteurs des pays partenaires ont désormais accès)1. Dans la «nouvelle nouvelle» théorie, les entreprises diffèrent généralement les unes des autres en termes de productivité et elles paient des coûts d’entrée fixes pour accéder aux marchés national et étranger. Certaines trouvent rentable de vendre uniquement sur le marché intérieur, tandis que les plus productives exportent. La réduction des obstacles au commerce qui résulte à travers la création d’une ZLE ou d’un UD, donne une impulsion aux exportateurs existants et encourage d’autres entreprises à exporter. De par son incidence sur les prix des facteurs, l’expansion des entreprises les plus productives amène certaines des entreprises peu productives qui n’exportent pas à sortir du marché2. Ce mécanisme de sélection permet une augmentation de la productivité industrielle moyenne qui constitue un gain additionnel lié au commerce. Le libre-échange peut aussi encourager les entreprises, à la fois celles qui concurrencent les importations et celles qui exportent, à moderniser leur technologie, ce qui est un facteur essentiel pour la croissance économique particulièrement sur le long terme via son impact supposé sur la productivité. En plus des différents types de coûts commerciaux, on pourrait constater que la régionalisation des échanges est une forme de protectionnisme puisque les firmes des pays tiers sont confrontées à des barrières douanières dès lors qu’elles souhaitent exporter leurs produits vers le bloc régional alors que les firmes qui y sont installées ne rencontrent pas les mêmes obstacles lorsqu’elles exportent leurs produits hors et au sein de la zone 3 . Alors on constate que les différences de productivité entre les entreprises déterminent leur manière d’accéder aux marchés étrangers, soit directement par l’investissement, soit par le biais des exportations. Ces différences jouent aussi un rôle dans la décision des entreprises de délocaliser une partie de leur processus de production et de le faire au moyen d’investissements étrangers directs (IED) ou par des échanges dans des conditions de pleine concurrence. Cet éclairage permet certaines prévisions sur la manière dont les changements de politique, tels que les réductions tarifaires ou les améliorations institutionnelles, peuvent influer sur le volume des échanges. Si l’on considère conjointement les différentes sources de gains liés au libre-échange, on constate que les politiques protectionnistes peuvent avoir un coût économique considérable. Cependant, les avantages tirés du libre-échange peuvent être répartis inégalement entre les pays. Une étude portant sur plusieurs effets positifs escomptés du libre-échange a estimé que si les états membres de l’Union Européenne étaient autarciques, la productivité moyenne y serait 1 Crozet M., I. Méjean, S. Zignago, «Plus grandes, plus fortes, plus loin…Performances relatives des firmes exportatrices françaises», documents de travail, CEPII, N° 2008 – 26, p. 18. 2 Ledezma I., «Market Structure and Productivity: Theory and Evidence From Manufacturing», Thèse de Doctorat en Sciences Économiques, l’Université Paris I-Panthéon Sorbonne, soutenue publiquement le 30 juin 2008, p. 29. 3 Serge d' Agostino, Op.cit., p. 53-54. 163 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels inférieure de 13%, les marges et les prix seraient supérieurs de 16% et les bénéfices seraient inférieurs de 23%. D’autres études indiquent cependant que, comme les pays ont des tailles différentes et se trouvent à des niveaux de développement différents, certains peuvent tirer plus d’avantages du commerce que d’autres1. Ces effets dits favorables à la concurrence sont soupçonnés d'avoir été forts au cours de l'intégration économique européenne, mais la certitude empirique que les PED seront en mesure de les récolter en grande quantité n'est pas disponible et n’est pas complète. Cela reflète en grand partie à la structure de production de ce dernier, avec moins de biens pour lesquels la différenciation et les économies d'échelle sont importantes, et que des augmentations significatives de concurrence dépendra en définitive bien plus que la simple suppression des tarifs et des quotas d'importation. Aussi, bien sûr, si le but est d’avoir l’accès à des grands marchés et des achats auprès d'entreprises qui approvisionnent les marchés de grande taille, il n y a pas un marchés qui est plus grand que le monde dans son ensemble. C'est, effets pro-concurrentiels seront plus grands dans la libéralisation non discriminatoire des échanges que dans la libéralisation discriminatoire ou restreint 2. f. D’autres effets dynamiques. Il existe d'autres études des économistes dans le but de comprendre la motivation derrière les ACPr Nord-Sud, qui sont concentré sur les deux différentes forces qui tendent à influencer la politique économique étrangère des États individuels: les réactions aux politiques des autres pays et les revendications politiques nationales (jeu politique, concurrence entre groupes de pressions), (Grossman et Helpman, 1994) montre que la politique du gouvernement reflète souvent les intérêts de forte et bien organisés des groupes de la société, bien que (Mansfield et Busch 1995; Nelson, 1988) ont mis le point sur la médiation par les institutions nationales qui offrent ou restreignent l'accès aux gouvernements. Cette question est importante puisque tout processus de libéralisation a pour effet de redistribuer les cartes entre consommateurs et producteurs et entre les producteurs eux-mêmes, les consommateurs sont censés gagner à la libéralisation du fait de la baisse des prix suite à l’élargissement de la gamme de produits offerts. Les producteurs et les salariés des secteurs protégés sont généralement perdants alors que ceux des secteurs à l’exportation sont gagnants, car ils peuvent vendre sur un marché plus large. Ces intérêts contradictoires conduisent les différents agents à se constituer en groupes de pression pour défendre leurs intérêts respectifs face à l’ouverture commerciale avec des pouvoirs de négociations (ou de pression) différents. En effet, la théorie des groupes de pression à la suite des travaux d’Olson (1965), nous apprend que plus les groupes d’intérêts sont petits et plus les bénéfices qu’ils peuvent attendre de l’action collective sont élevés, et plus ils sont susceptibles de s’organiser et d’investir dans le lobbying (la petite taille permettant de contrôler les comportements de free-riding inhérents au fonctionnement de tout groupe)3. Néanmoins, suite à une suggestion initiale par Wonnacott et Lutz (1989), mais plaidoyer beaucoup plus fort par Krugman (1991) et Summers (1991), de nombreux analystes acceptent sans 1 OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2008, L’OMC et les accords commerciaux préférentiels: de la coexistence à la cohérence», Genève, 2008, p. xviii. 2 Winters A., «Preferential Trading Agreements: Friend or Foe?», in «Preferential Trade Agreements: A Law and Economics Analysis», Bagwell K.W., P.C. Mavroidis (Eds), 1st ed, Cambridge University Press, USA, 2011, p. 10. 3 Lemoine M., P. Madiès et T. Madiès, Op.cit., p. 268-169. 164 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels broncher l'hypothèse des «partenaires commerciaux naturels» selon laquelle les effets de création d'échanges sont susceptibles de dominer les effets de détournement des échanges si les membres potentiels d'un ACPr sont des partenaires commerciaux naturels dans le sens où en raison de leur proximité géographique ou du faible coût du transport entre eux, vont inévitablement privilégier leurs échanges mutuels de manière intensive l'un avec l'autre. Bhagwati (1993) n'a pas tardé à remettre en question le fondement analytique de cette idée tandis que Bhagwati et Panagariya (1996) ont ensuite fourni sa critique systématique. Cela a porté en retour, la littérature sur la théorie du bien-être statique des ACPr à la case de départ: manquaient-ils encore des résultats solides sur les effets sociaux des ACPr1? Toujours selon Krugman, ces réseaux ont deux effets sur l’économie mondiale: ils augmentent le bien-être parce que qu’ils approchent la situation optimale de libre-échange général, et ils sont source de préjudice quand le droit de douane optimal augmente, droit qui est d’autant plus élevé que les blocs économiques sont importants. Selon cette présomption, le lien entre l’augmentation du bien-être mondial et le nombre des accords commerciaux prend la forme d’une courbe « U », ou l’état optimal correspond à une zone de libre-échange unique ; le second best se produit quand les accords se multiplient jusqu’à atteindre le nombre de vingt ; la situation la plus négative est provoquée quand il n’existe que trois blocs. D'abord, parce que chacun des blocs serait tenté d'user de son pouvoir de monopole pour augmenter les droit de douane dans des proportions plus importantes qu'il ne le ferait s'il était plus petit, ensuite, parce que la suppression des barrières tarifaires à l'intérieur des blocs engendrerait davantage de distorsions qu'elle n'en éliminerait 2 . L’argument n’est pas tout à fait convaincant du fait de sa dépendance analytique face au droit de douane optimal, qui laisse de côté pratiquement toutes les variables importantes pour la mesure de l’effet du régionalisme : coûts décroissants, augmentation de la consommation, investissement plus importants, réduction des coûts de transport, moindre degré de protection suite à la création de l’accord3. Dans une autre étude en 1993, Krugman soutient que la libéralisation du commerce, permet aux pays de se spécialiser en prenant en compte leur avantage comparatif et probablement aussi une divergence dans les cycles commerciaux dans les pays de l’Union. Et sur le même sujet Frankel et Rose (1998) trouvent que les relations commerciaux et l’intégration monétaire diminuent l’asymétrie des chocs entre pays. Ainsi, une forte intégration économique est accompagnée par une forte corrélation des cycles économiques4. Levy (1997) soutient que les ACPr bilatéraux, peut faire la libéralisation multilatérale politiquement non viable, tandis que McLaren (2002) signale que les ACPr peuvent inciter les pays membres à faire rapport des investissements spécifiques qui entravent la future libéralisation multilatérale. Une grande partie de la critique dépend de combien le commerce est effectivement 1 Panagariya A., «Preferential trading and welfare The small-union case revisited», in Dinopoulos E., P. Krishna, A. Panagariya, and K.Y. Wong (Dir.), Trade, Globalization and Poverty,, 1st ed, by Routledge, London, 2008, p. 190. 2 OECD, «Les politiques commerciales de l'Union européenne et leurs effets économiques», Éditions OCDE, Paris, 2000, p. 90. 3 Germán A. de la Reza, «Les nouveaux défis de l'intégration en Amérique latine», Op.cit., p. 122-123. 4 Ayuk E.T. et S.T. Kabore, (Dir.) «Chapitre 1 - Introduction: pourquoi s’intégrer? », in Ayuk E.T. et S.T. Kabore, (Dir.), S’intégrer pour s’enrichir : L’intégration régionale et les stratégies de réduction de la pauvreté en Afrique de l’ouest, Centre de recherches pour le développement international Canada, p. 05. 165 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels créée par les ACPr, des études récentes suggérant un effet beaucoup plus fort positif. Ces avantages permettent également d'expliquer la motivation que c’est «naturel», que géographiquement "proches - partenaires" pour former les ACPr. Pourtant, il semblerait douteux que ces résultats sont pertinents pour les accords actuels entre partenaires éloignés. (Baier et Bergstrand 2004) en fait l'étude la plus importante de la formation de l’ACPr motivés par des gains de bien-être, s'appuie sur un ensemble de données dyadique qui s'étend seulement jusqu'à 1996, avec près de 60% des résultats de formation d’ACPr conduits par deux entités politiques, l'UE et de l'AELE. Selon (Burfisher et al 2003), les accords commerciaux régionaux sont supposés conduire à un large éventail d'effets autres que la création d'échanges, le détournement des échanges et les changements des termes de l’échange, les ACPr sont censés conduire à1: - des meilleures possibilités d'exploitation des économies d'échelle dans un marché plus vaste ; - une concurrence accrue se traduisant par une grande efficacité d'innovation (Learning by doing) ; - l'expansion du commerce, les transferts d'informations, de technologies et de connaissances, (en particulier des pays développés vers les PED) ; - l’augmentation de la productivité et les opportunités d'investissement dans un environnement commercial plus large et peut-être plus stable, - porté avec, des technologies avancées et augmente donc la productivité et l'exploitation des proportions de facteurs différents pour les parties du processus de production ; - Les gains liés à la spécialisation à savoir une plus grande variété de produits et ainsi intensifier le commerce intra-branche. Dans les enquêtes à la fois théorique et empirique, il y a un intérêt croissant sur le lien entre le commerce international et la productivité des facteurs, ce qui semble être une source importante de croissance supplémentaire et les gains de bien-être. Des tests empiriques effectués récemment sur les déterminants de l’IDE, dont en particulier ceux du W.J. Ethier qui donne une explication possible pour un lien entre commerce et la productivité, il l’appelle "la création d'investissement"2. Le nouveau régionalisme peut être considéré comme une partie intégrante d'une stratégie de développement pour les PED qui espère que les réformes internes et les régimes commerciaux plus ouverts attirent les IDE en provenance des pays développés. Le "détournement d'investissement" peut également se produire, cependant, si les flux d'IDE sont détournés à d'autres PED qui sont des destinations possibles pour ce financement. Par ailleurs, les effets de croissance liés au commerce par l'IDE ou l'augmentation de la productivité peuvent encourager les réformes internes (la réforme de la création), ce qui améliore les prestations sociales des accords commerciaux régionaux. (À l'inverse, les pays ne bénéficiant pas d'une augmentation des flux d'IED ou redirigés peuvent avoir un intérêt réduit pour la réforme, la «réforme de destruction»). 1 Chantal Pohl Nielsen, «Regional and Preferential Trade Agreements: A Literature Review and Identification of Future Steps», Report no. 155, Fødevareøkonomisk Institut, Copenhagen, 2003, p. 31-32. 2 Ethier W.J., « Regionalism in a Multilateral World», Journal of Political Economy, 1998, vol. 106, no. 6, p. 1235. 166 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels 2.3- Les Méthodes d’évaluation empirique des ACPr : les analyses économétriques. Les modèles économétriques sont classés en trois catégories générales: modèles de gravité et autres études à posteriori, modèles d'équilibre partiel et modèles d'équilibre général calculable. Une analyse de l'OCDE (2003) a évalué plus de 40 études empiriques sur l'impact des ACPr. a. Les modèles de gravité. Les modèles de gravité tendent à déterminer si la participation à des ACPr a eu ou non un impact sur les courants d'échanges observés. Selon la représentation la plus simple, les échanges entre deux pays sont expliqués en fonction de leur PIB, de leurs populations et de la distance qui les sépare. L'un des inconvénients des modèles simples de gravité est qu'ils ne peuvent pas refléter les raisons qui motivent la participation à un accord commercial préférentiel ni les autres liens historiques qui peuvent expliquer pourquoi un pays peut exporter des volumes différents de marchandises vers deux pays dont le PIB, la population et l'éloignement sont semblables. Cette impossibilité de refléter les raisons de la participation à un accord commercial préférentiel a conduit à procéder à une estimation de coefficients qui tendent à être faussés. Le modèle de gravité a été largement utilisé dans l’analyse empirique du commerce international. Il démontre que le volume des échanges entre deux pays est corrélé positivement avec la taille globale de ces économies (PIB) et leur niveau global de développement économique (revenus par habitant) et négativement avec les coûts de transport (mesurés approximativement par la distance entre les deux pays partenaires, leurs superficies et l’existence de frontières terrestres communes). Généralement, ces modèles concluent principalement que, dans la plupart des ACR, la création d’échanges est plus importante que le détournement de commerce. Une autre approche empirique met l’accent sur les effets des ACR sur la croissance économique. À l’aide de régressions linéaires, cette approche réalise des estimations des modèles de croissance, comprenant des variables muettes ou des approximations de l’intégration régionale. Les études existantes indiquent que certains ACR ont une incidence positive sur la croissance. C’est dans cette perspective que la régionalisation est dite « naturelle » ou est qualifiée d’« intégration naturelle»1. b. Les modèles d'équilibre partiel (EP). Dans le passé, l’un des moyens les plus courants pour évaluer la valeur de l’accès préférentiel consistait à appliquer l’analyse en équilibre partiel. Toutefois, depuis quelque temps, cette méthode est délaissée au profit des modèles d’équilibre général, en particulier GTAP, qui connaissent un succès croissant. Le modèle EP présente l’avantage de fournir souvent une analyse sectorielle, plus détaillée, de l’expansion et de la réorientation des flux commerciaux par comparaison avec l’analyse plus globale des modèles d’équilibre général. Par contre, son incapacité à rendre compte des effets de la libéralisation du commerce ou de la redistribution entre les industries sur l’ensemble de l’économie et leur point faible. A l’instar des techniques de modélisation d’équilibre général, ils 1 Laëtitia GUILHOT, «L’Intégration Économique Régionale de l’ASEAN+3, La crise de 1997 à l’origine d’un régime régional», Thèse pour le Doctorat en Sciences Économiques Soutenue le 28 novembre 2008, Université Pierre Mendes, Grenoble - France, p. 36. 167 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels sont tout aussi sensibles aux hypothèses relatives à l’élasticité de la demande pour les importations, à l’offre en matière d’exportation et à la substitution (élasticités d’Armington)1. Les modèles EP, prennent en compte que des marchés caractérisés par des changements de politiques, de sorte que les effets indirects sur tous les autres marchés, sur lesquels les quantités et les prix peuvent changer. Habituellement, ces modèles tendent à déterminer si les bénéficiaires peuvent accroître leurs exportations en profitant des possibilités offertes par l'arrangement préférentiel. Toutefois, ils ne tiennent pas compte des coûts d'ajustement que supposent les changements du régime commercial. L'approche des modèles EP est souvent défendue pour le motif qu'elle permet une analyse beaucoup plus détaillée. Plusieurs études examinées entrent dans un degré de détail considérable. Par exemple, l'étude de Wainio et Gibson (2003) est fondée sur les données à 8 chiffres du SH. Il y a néanmoins un compromis à faire entre le niveau de l'analyse et la disponibilité des estimations utilisées comme paramètres pour construire le modèle, des estimations de l'élasticité, par exemple, n'étant pas disponibles à ce degré de détail. De même, ces modèles ne tiennent pas compte des MNT, pas plus qu'ils ne reflètent les distorsions de l'offre intérieure. c. Les modèles d'équilibre général calculable (EGC). D’autres travaux empiriques utilisant des modèles d’équilibre général calculable et des techniques de calibrage analysent les effets des ACR en termes d’échanges et de bien-être. Les estimations relatives à l’ALENA montrent que l’appartenance à ce dispositif devrait être bénéfique à tous les pays concernés. Les estimations empiriques concernant le Marché unique européen indiquent que les pays membres devraient tirer profit de la suppression des barrières internes faisant obstacle à la libre circulation des biens, des services, du travail et des capitaux (Balassa, 1961 ; Cox et Harris, 1985 ; Harrison, Rutherford et Tarr, 1994 ; Lewis et Robinson, 1996)2. Les modèles EGC portent sur l'ensemble de l'économie et tendent à refléter les liens entre tous les secteurs d'activité. Les modèles déterminent les prix, les salaires et les taux de change réels qui équilibrent les marchés des produits, les marchés des facteurs et les échanges entre les pays. Les modèles EGC sont donc potentiellement utiles en ce sens qu'ils peuvent évaluer les effets de détournement des échanges et de création d'échanges au niveau sectoriel en déterminant l'effet global et en établissant un lien entre les changements de bien-être et les diverses branches d'activité. Généralement, l'effet de bien-être est considéré comme positif si le coût pour le consommateur d'un ensemble de produits diminue du fait des changements politiques, en l'occurrence l'adhésion à un accord commercial préférentiel. Toutefois, des questions ont été posées quant à l'adéquation de la structure adoptée. La plupart des analystes qui utilisent le modèle du Projet mondial d'analyse des échanges (GTAP), par exemple, l'appliquent sans en modifier la structure et, habituellement, prennent comme postulat une concurrence parfaite dans tous les secteurs. Lorsque le modèle est ajusté, les modifications portent principalement sur les règles de clôture. Plusieurs applications du modèle GTAP ont également utilisé la base de données connexe, qui ne reflète pas tous les ACPr. Plusieurs études, par exemple celles d'Ianchovichina, Mattoo et M. Olarreaga (2001) et de Kerkela, Niemi et Vaittinen (2000), ont modifié la base de données pour refléter les marges 1 Andrew Mold, « L’Afrique et les préférences commerciales – Etat des lieux et enjeux », Novembre 2005, p. Sopanha S.A., P. Bonzom, M.O. Strauss-Kahn, «Interaction entre dimensions économique et institutionnelle de l’intégration régionale: l’expérience européenne», Bulletin de la Banque de France N° 142, Octobre 2005, p. 41-59. 2 168 Chapitre II: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels préférentielles appropriées. Toutefois, ces changements sont généralement représentés par le biais des droits de douane, il n'est pas tenu compte des barrières commerciales quantitatives. De plus, la plupart des études ne prennent pas en considération les ACPr, autres que ceux qui sont directement visés. Le tableau II-08 est un résumé de certains résultats obtenus concernant l'impact général de ces ACPr, il contient des indications sur les résultats des régimes de préférences aussi bien réciproques que non réciproques. Tableau II-08 : Les résultats de quelques études économétriques sur les effets des ACPr. Étude – méthode Aitken (1973) Ogueldo et MacPhee (1994) – gravité (a posteriori) Rutherford et Rutstrom (1997)– équilibre général (a priori) Wolf (2000) - EGC Lewis, Robinson et Thierfelder (2001)– EGC - (a priori) Hoekman, Ng et Olarreaga (2002) – équilibre partiel (a priori) Accord Principal résultat Modèle de gravité analysant les flux commerciaux bilatéraux de 12 pays pendant la période 1951 1967. L'étude est centrée sur l'AELE et la CEE Effets positifs des ACPr sur le commerce bilatéral SGP-États-Unis Augmentation des courants d'échanges entre les États-Unis et les pays bénéficiaires. ALE UE-Maroc Avantages pour le Maroc représentant de 1,5 à 2,5 pourcent du PIB ALE UE-UEMAO Avantages pour les deux côtés, mais plus pour l'UE. UE et Afrique du Sud Augmentation du bien-être de 1,7 pourcent pour l'Afrique du Sud et de 0,03 pourcent pour l'UE. Élimination des crêtes tarifaires pour les pays bénéficiaires de l'Initiative TSA McDonald et Walmsley (2003) - EGC ALE UE-Afrique du Sud Wainio et Gibson (2003) – équilibre partiel (a priori) ALE États-Unis Baier et Bergstrand (2007) Modèle de gravité analysant les flux commerciaux bilatéraux de 96 pays entre 1960 et 2000 Romalis (2007) Approche basée sur un modèle EGC examinant les flux commerciaux entre les États Unis, le Canada, le Mexique et le reste du monde pendant la période 1989 1999. Magee (2008) Modèle de gravité analysant les flux commerciaux bilatéraux de 133 pays entre 1980 et 1998 Les exportations de pays bénéficiaires ne devraient augmenter que dans des proportions minimums. Les avantages devraient être substantiels pour l'UE. L'Afrique du Sud tirera également des avantages si le commerce agricole de l'UE est libéralisé. Les importations américaines en provenance des bénéficiaires d'arrangements non réciproques augmentent de 3,1 pourcent. L'ACPr accroît le commerce entre deux pays membres d'environ 100% en moyenne au bout de 10 ans - Les données indiquent des effets de création d'échanges uniquement pour le commerce du Mexique. - Les données indiquent des effets de détournement d'échanges dans le cas de l'ALE États Unis/Canada et de l'ALENA - On estime qu'à long terme, un ACPr entraîne une augmentation de 89% des flux commerciaux - Aucune indication d'un détournement d'échanges - Les effets des ACPr entre les membres sont positifs pour 17 des 22 ACPr analysés. Les ACPr augmentent aussi leur évhanges avec de pays non membres de Modèle de gravité analysant les flux 20% et 21,5% en moyenne. Acharya et al. (2010) commerciaux bilatéraux de 179 pays - Un effet de détournement d'échanges intra-ACPr a pendant la période 1970 2008 été constaté pour 3 des 22 ACPr analysés; 5 des ACPr réduisent les exportations des pays membres à destination des pays non membres. Source: OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2011: L’OMC et les accords commerciaux préférentiels: de la coexistence à la cohérence», Genève, 2011, p. 120-121. 169 Chapitre III : Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Chapitre III : Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE En raison de leur situation géographique stratégique, les trois pays du Maghreb (l'Algérie, le Maroc et la Tunisie), occupent une place importante dans les préoccupations actuelles des relations internationales. C’est pourquoi ils sont théoriquement, bénéficiaires d'un climat catalyseur à la pratique des activités économiques et commerciales. Avec 5.8 millions km2 de superficie et une façade maritime de 3000 Km en bordure de Méditerranée et de l'océan Atlantique, le Maghreb représente 4,3% de la superficie mondiale, il dépasse de 80% la superficie de l'UE. Il possède un potentiel de développement très riche. Situé entre l'Afrique subsaharienne et l'Union européenne, d'une part, et l'Est du bassin méditerranéen, d'autre part, il présente l'avantage d'un accès aux côtés de l'Atlantique et de la Méditerranée ainsi qu'aux voies de transport terrestre en développement. Sa disposition de carrefour entre deux mers et deux continents en fait un acteur stratégique de l'interface Nord-Sud que constitue la mer Méditerranée. Il dispose également de ressources naturelles et humaines très importantes avec des liens historiques, culturels et linguistiques communs. Toutefois, et en réalité le Maghreb reste l'une des régions les moins intégrées du monde, ce qui explique que son potentiel de développement soit généralement resté bloqué. Sur le plan économique mondial, sa participation a été à plusieurs reprises estimée entre 1 et 2% du PIB mondial. À la lumière de ce qui précède, et suite à la montée en puissance du nombre d'adhérents au GATT puis à l'OMC et au mouvement de prolifération des accords commerciaux régionaux et des arrangements commerciaux préférentiels observés dans le monde entier dès les années quatre-vingt, les pays du Maghreb ont bien reçu le message. Pour leurs intérêts, ils ne doivent pas rester isolés. Ils ont compris que leur avenir dépendait, d’une part, de la coopération multilatérale et régionale qui est indispensable pour leur permettre d'acquérir plus de poids dans les affaires mondiales, tant en termes commerciaux que politiques, et d’autre part, de leurs efforts pour mettre en œuvre des plans économiques appropriés de manière à faciliter leur intégration dans l’économie mondiale. À l’heure actuelle, les pays du Maghreb sont largement engagés dans le processus commercial multilatéral de l’OMC (sauf l’Algérie qui a un simple statut d’observateur), et aussi dans le processus régional euro-méditerranéen, voire dans d’autres accords préférentiels, tout particulièrement le Maroc et la Tunisie. L’articulation de l’ordre multilatéral mondial de l’OMC et de l’ordre préférentiel régional euroméditerranéen est donc de la première importance pour les pays maghrébins. Ce chapitre, consiste en premier lieu, à présenter un panorama de l’évolution de l'intégration économique des pays du Maghreb dans le monde, à travers les différents accords multilatéraux, régionaux et bilatéraux signés par les pays du Maghreb. Le principal axe de ce chapitre s’articule autour des accords d’association (AA) des pays du Maghreb avec l’UE, à travers l’analyse de leur évolution historique, leurs motivations, objectifs et leurs contenants. On trouvera également un examen de son bilan, puis nous mettrons en évidence les principaux facteurs qui ont contribué à la réalisation de ce bilan. Et enfin nous analyserons les nouveaux instruments de réforme structurelle mise en place qui semblent en cours de développer une convergence institutionnelle et une intégration plus profonde (Deep integration) entre les deux parties. 171 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Section 1: Le Maghreb dans le système commercial international. 1- Les Plans d’Ajustement Structurel (PAS) aux pays du Maghreb. La demande d’adoption des PAS 1 dans les pays du Maghreb a été effectuée à la suite de l’accumulation et de l’aggravation de la dette extérieure de ces pays. Toutefois, la cause de cette dette n’a pas été la même pour ces trois nations. Au Maroc (dès 1983) et en Tunisie (dès 1986) c’est l’ouverture de leurs marchés avec l’extérieur, sans y être suffisamment préparés, qui les a conduits à l’incapacité de faire face à leurs engagements. Par contre, en Algérie (à partir de 1994), cette dette est due au choc pétrolier, l’ouverture de son marché s’est effectuée après les accords et les PAS. Les dettes qui se sont accumulées dans la majorité des PED et sous-développés, après les grands financements reçus au cours des années 1970, sont la principale origine de la mise en place des PAS. Cependant, la crise internationale, le choc pétrolier et leur faible compétitivité ont aggravé la situation des pays du Maghreb pendant cette période. Les Plans d’ajustement structurel, ont permis d’amorcer un processus de restauration économique dans les pays du Maghreb pour préparer leur retour à la stabilité. Ces plans ont été établis en deux phases : - La première correspond au rétablissement de l’équilibre entre l’offre et la demande, par la réduction de la demande dans ces pays, mais surtout le maintien de cet équilibre. Les PAS ont obligé les pays du Maghreb à opérer des réductions extrêmement sévères dans l’investissement public2. - La seconde phase vise à libéraliser et transformer ces économies afin de passer d’économies très réglementées à des économies plus orientées vers le marché. Les PAS ont obligé les pays du Maghreb à substituer aux règles de régulation de l’économie planifiée celles de l’économie de marché afin de renforcer leur intégration dans la nouvelle division internationale du travail via la libéralisation des échanges3. En général, les pays du Maghreb semblent avoir eu le même parcours dans l’adoption des PAS avec quelques différences chronologiques, mais, les résultats des PAS dans ces pays ont été mitigés. Il y a eu certes un rétablissement des équilibres macroéconomiques sans qu’il y ait eu pour autant un impact significatif sur leur croissance économique ou encore sur leur niveau de développement en termes de PIB par habitant. Durant cette période, nous ne pouvons pas juger que les PAS n’ont 1 Les PAS ont été proposés par la Banque Mondiale et le FMI, deux institutions internationales nées des accords de Bretton Woods à la fin de la seconde guerre mondiale. Elles avaient initialement pour missions de veiller à la stabilité du système monétaire international (FMI) et d’encourager les investissements internationaux (Banque Mondiale). Cependant, à la fin des années 1970 et avec les crises qu’ont connues les pays du tiers monde, ces institutions ont changé de fonction pour réformer ces économies et les « ajuster » aux exigences de l’économie mondiale. 2 Ghouati A, «Processus de Bologne et enseignement supérieur au Maghreb » Editions l’Harmattan, paris, 2011, p. 28. 3 Nadia Dhahri Sellami, «Convergence entre les institutions de gouvernance publique et privée : rôle des Systèmes Nationaux de Gouvernance Cas des pays du Maghreb : Tunisie – Algérie – Maroc», Doctorat ès sciences économiques, Université Montesquieu - Bordeaux IV, 14 septembre 2012, p. 189. 172 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE pas eu d’effets sur les économies maghrébines, parce que grâce à leur application, la stabilité macro-économique s’est fortement améliorée dans ces pays1. La dominance du secteur public est aussi un trait essentiel de ces économies. La production intérieure est dominée par le secteur public dans les pays du Maghreb. En effet, le secteur public emploie 30% à 60% de la force de travail dans ces pays. Le secteur public dépend largement des transferts des gouvernements et des subventions. Entre les années 70 et 79 et après une période marquée par la mise en place des conditions préalables à un possible décollage économique autonome, moins dépendant de l’ancienne puissance coloniale, les pays du Maghreb ont enregistré des taux de croissance moyens. Ces taux ont fortement baissé, comme partout ailleurs dans le monde, à partir des années 1980. L’Algérie se distinguant par un plus fort ralentissement, le Maroc par une forte volatilité, la Tunisie par un dynamisme indéniable2. Le tableau III-01, qui suit, nous montre bien l’évolution de la croissance du PIB dans la région, avant, pendant et après la mise en place des PAS. Tableau III-01 : Taux de croissance annuel moyen et volatilité de la croissance de 1970 à 1999 1970-79 Pays Algérie Maroc Tunisie Croissance du PIB 6.9 5.7 7.4 1980-89 Croissance du PIB 3.0 4.4 3.6 Volatilité (écart-type de la croissance 3.1 5.0 3.1 1990-99 Croissance du PIB 1.5 2.7 4.9 Volatilité (écart-type de la croissance 2.4 6.4 2.0 Source : FMI, IFI In, Zouiri H., «Le partenariat euro-méditerranéen: Contribution au développement du Maghreb», édition l’Harmattan, Paris, 2011, p. 249. Après les réformes entreprises par les pays du Maghreb, qui visent à réduire d’une façon drastique les budgets gouvernementaux, diminuant les efforts d’investissement dans le secteur public productif et surtout dans les services publics, privatisant une bonne partie d’entre eux, et bloquant en conséquence les embauches dans l’administration. Cette libéralisation intérieure de l’économie s’est accompagnée d’une libéralisation du commerce extérieur du Maghreb3, soutenue principalement par des exportations vigoureuses vers l’UE et une expansion de la demande intérieure, ce qui a permis d’enregistrer des taux d’ouverture plus élevés que pendant la période précédente. Le taux moyen d’ouverture des pays du Maghreb oscille autour de 60% en 2005 contre 35 % en 1995. Naturellement, ce n’est qu’une moyenne car la présence du pétrole et du gaz fausse les calcule tandis que les services ne sont pas pris en compte. Si on prenait la moyenne des exportations des biens et des services par rapport au PIB, on arriverait à un taux d’ouverture de 35 à 40 % en 1 Alaya M., D. Nicet-Chenaf et E. Rougier, «une lecture macro-économique de l’attractivité », in, Mezouaghi M. (dir.), Les localisations industrielles au Maghreb : Attractivité, agglomération et territoires, Editions Karthala et IRMC, Paris, 2009, p. 64. 2 Zouiri H., «Le partenariat euro-méditerranéen: Contribution au développement du Maghreb», édition l’Harmattan, Paris, 2011, p. 249. 3 Aita S., «Les travailleurs Arabes hors-la-loi : Emploi et droit du travail dans les pays arabes de la Méditerranée, Vision des enjeux et implications du partenariat européen», Edition l’Harmattan, Paris, 2011, p. 23. 173 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE 2004. Ce correctif souligné, une chose demeure claire : l’accroissement des échanges de marchandises des pays du Maghreb a été de l’ordre de 60 % entre 1995 et 2005 contre 46 % pour le commerce mondial1. L’élément moteur de l’évolution économique et sociale des pays du Maghreb pendant cette période s’explique par leur orientation vers l’ouverture sur l’extérieur, même si le démantèlement douanier a été différencié selon les pays : accéléré dans le cas du Maroc et progressif dans le cas de la Tunisie et de l’Algérie. - le développement de nombreux ALE régionaux, bilatéraux ou internationaux ; - le renforcement des accords de partenariat qui vont permettre une meilleure circulation des biens et services, des capitaux et des personnes avec l’UE ; - l’accélération de l’engagement dans les accords commerciaux multilatéraux au sein du GATT/OMC. 2- L'ouverture commerciale multilatérale des pays du Maghreb. 2.1- Participation du Maroc et la Tunisie au GATT puis OMC. Lors de l’accession des pays du Maghreb à la souveraineté, et après avoir perdu beaucoup de temps pour réitéré leur attachement au système commercial multilatéral, les puissances coloniales (comme la France), ont accepté sans remettre en cause la demande de ces pays à adhérer au GATT. Le tableau III-02 ci-dessous montre que tous les pays du Maghreb avaient des situations dérogatoires par rapport à la procédure régulière de succession d’Etats au GATT2. Tableau III-02 : Participation des pays du Maghreb au GATT. Date de demande d’admission Date d’admission Algérie 14 juin 1987 Maroc Tunisie 04 novembre 1959 Procédures suives - AF 17 juin 1987 AA 29 aout 1990 AP AA AA : Accession autonome sur base de l’article XXXIII. AF : Application de facto et demande d’accession sur la base de l’article XXXIII. AP : Accession provisoire avant l’adhésion formelle. Source: Djossou J.M., «L’Afrique, le GATT et l’OMC: entre territoires douaniers et régions commerciales », Edition l’Harmattan, Paris, 2000, p. 88-89. L’intention de la Tunisie d’adhérer au GATT semblait avoir, au lendemain de l’Indépendance, parmi ses objectifs de réduire les privilèges dont disposaient les produits français sur le territoire tunisien et de diminuer tant soit peu la dépendance vis-à-vis de la France. Le 04 novembre 1959, la Tunisie a présenté une requête en vue d’adhérer au GATT sur la base de l’article XXXIII 3. Avant l’accession définitive, la Tunisie avait demandé une accession provisoire au GATT. Sur 1 Zouiri H., Op.cit. p. 250-251. Djossou J.M., «L’Afrique, le GATT et l’OMC: entre territoires douaniers et régions commerciales», Edition l’Harmattan, Paris, 2000, p. 88-89. 3 Ibid., p. 90-91. 2 174 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE recommandation du groupe de travail institué à cet effet, le 12 novembre 1959 les Parties contractantes avaient adopté à la majorité des deux tiers, la demande d’accession provisoire du gouvernement tunisien en attendant que ce dernier tienne des négociations tarifaires avec les autres membres. Cette déclaration ne conférait pas à la Tunisie le droit de bénéficier des concessions annexées à l’Accord général. Le traitement NPF perdait donc son caractère automatique et inconditionnel dans l’admission provisoire. Aux termes du rapport du Groupe de travail sur l’accession provisoire de la Tunisie, ce pays n’était plus lié par les engagements pris en son nom par la France en 1947 du fait de sa décision d’accéder à l’accord général sur la base de l’article XXXIII. Il faut préciser qu’avant son accession provisoire la Tunisie avait appliqué de facto l’Accord général sur la base de la recommandation du 12 novembre 1957. Et sur demande du gouvernement tunisien, la validité de la déclaration d’accession provisoire a été régulièrement prorogée jusqu’à l’accession définitive intervenue le 19 aout 1990. A partir de cette date, la Tunisie était devenue partie contractante à l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce. Durant la période de son accession provisoire, la Tunisie a suivi le déroulement des différents cycles de négociations commerciales multilatérales; puis après son adhésion au GATT, elle a participé au cycle de l'Uruguay Round et a signé, à ce titre, l'Acte final à Marrakech, devenant, ainsi, le 29 mars 1995, membre de l'OMC. Le Maroc qui avait été déjà ouvert au commerce international pendant plus d’un siècle puisqu’il a choisi dès son indépendance une politique commerciale libérale, pour adhérer au GATT, ce pays avait suivi la même procédure que la Tunisie1. Et dès 1987, le Maroc a adhéré au GATT et par la suite il est devenu membre de l'OMC. Membres originel de l'OMC, le Maroc et la Tunisie s'attachent au système commercial multilatéral et à l'établissement d'un ordre économique mondial équilibré, inclusif, apte à favoriser la croissance et le développement durable. Et comme tous les pays qui font partie de cette organisation, le Maroc et la Tunisie accordent le traitement NPF à tous leurs partenaires commerciaux et participent activement aux différents forums et cycles de négociations de l'OMC. De même, la libéralisation des services se poursuit conformément à l’Accord général du commerce des services de l’OMC (GATS)2. 2.2- L’Algérie: un pays observateur dans l’OMC il y a 26 ans. L’Algérie est l'un des plus anciens candidats à l'adhésion au sein de GATT/OMC, le groupe de travail a été créé en 17 juin 19873, bien peu après celui de la Chine (1986) et bien avant la Russie (1993). Le passage du GATT à l’OMC a sans doute rendu la négociation plus complexe dans la mesure où les exigences de l’OMC en matière d’ouverture portent sur un nombre plus important d’activités productives que celles du GATT, et notamment sur les services et les ADPIC. 1 Djossou J.M., Op.cit., p. 91-92. Selon les Rapports d’examen des politiques commerciales du Maroc (WT/TPR/G/217 du 20 mai 2009) et de la Tunisie (WT/TPR/G/152 du 7 septembre 2005), Organe d'examen des politiques commerciales, OMC. 3 http//www.wto.org/french/thewto_f/acc_f/a1_algerie_f.htm, (consulté le 07 juin 2012). 2 175 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE L’Algérie ayant opté pour la continuité de l’application territoriale en attendant de négocier les termes de sa participation pleine et entière; comme l’avaient fait le Maroc et la Tunisie avant elle, le 14 juin 1987, elle manifesta devant le Conseil des représentants sa volonté d’accéder au GATT sur la base de l’article XXXIII, rejetant ainsi la procédure prévue par l’article XXVI, paragraphe 5c1. Lorsque l’Algérie a décidé de libéraliser son économie à la fin des années 1980, elle prit par la suite le choix de s’ouvrir à la concurrence internationale. Depuis lors, la participation active à la mondialisation et la recherche d’une insertion dynamique dans les flux des échanges internationaux a toujours constitué une priorité. Le projet d’adhésion de l’Algérie au GATT en juin 1987 puis à l’OMC à partir de 1996 est la démarche concrète de ce choix prioritaire. Mais cette dernière est confrontée à une problématique contradictoire : celle d’un PED et celle d’une économie pétrolière qui n’arrive pas à diversifier son économie. Après la ratification des accords de Marrakech le 15 avril 1994 par les États membres du GATT, il a été décidé que l’année suivante (1995) serait une année de transition du GATT vers l’OMC et il a été donné aux pays observateurs ou en accession au GATT la possibilité de devenir membres de plein droit de l’OMC. C’est-à-dire que tout pays souhaitant adhérer à l’OMC devait seulement le faire au titre de l’article XII régissant l’accession. Mais suite à une mauvaise vision des responsables algériens cette accession n’a pas constitué une priorité pour le gouvernement. L’Algérie n’a pas ratifié l'Accord instituant l'OMC, et cette opportunité est ratée. M. Abbas écrit sur ce sujet qu’« Il est plus probable que les autorités algériennes aient estimé que l’adaptation et la mise aux normes à deux accords internationaux (OMC et partenariat à l’UE), s’ajoutant à la mise en œuvre du PAS, excédaient leurs capacités et pouvaient fortement déstabiliser l’économie politique du pays. Elles ont dès lors fait un arbitrage dicté par la contrainte financière et macroéconomique dans laquelle se trouvait le pays. Ce choix résulte en partie d’une mauvaise appréciation de la contrainte dont est porteur le régime de l’OMC et des délais d’ajustement dont pouvait se prévaloir l’économie algérienne en 1995»2. Depuis lors, l’accession à l’OMC est devenue pour l’Algérie une procédure complexe et sans limite de durée. Et la procédure n'a pas pu progresser en raison de la crise qu'a connue l'Algérie durant les années 1990. Le groupe de travail s'est réuni pour la première fois en 1998. Jusque-là, l'Algérie avait le statut d'observateur. Pour faire évoluer son statut, l'Algérie a dû présenter un aidemémoire qui porte sur le régime de son commerce extérieur3. Il est bien important de souligner que l’Algérie sous la pression de l’UE et du FMI, a dû revoir plusieurs fois son tarif à la baisse sans qu’il s’agisse de consolidation à l’intérieur des négociations pour son adhésion à l’OMC. Il en découle que l’Algérie a perdu les privilèges d’une position maximaliste. La négociation avec l’OMC va se traduire par une baisse du tarif qui est déjà relativement bas. La consolidation signifie qu’une fois les taux fixés par les négociations, il est possible de pratiquer des taux plus bas, mais pas des taux plus hauts. Voulant faire son adhésion à l’OMC après 1995 seulement, l’Algérie a perdu le bénéfice de la marge de manœuvre qui consiste à 1 Djossou J.M., Op.cit., p. 88-89. Abbas M., «L’accession à l’OMC: Quelles stratégies pour quelle intégration à la mondialisation?», in, Mezouaghi M., et F. Talahite (Dir.), Souveraineté économique et réformes en Algérie, Confluences Méditerranée N° 71 Automne 2009, Edition l’Harmattan, p. 106. 3 ibidem. 2 176 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE consolider une partie seulement des positions tarifaires. La Tunisie qui a adhéré à l’OMC dès 1995 n’a consolidé que 46% de ses positions tarifaires. Cela réagit sur le niveau de son tarif douanier. Malgré la signature de l’accord d’association dès 1995, ce pays sauvegarde 98% de ses lignes tarifaires au-dessus de 15% tandis que l’Algérie était en dessous de ce niveau alors qu’elle n’a pas encore adhéré à l’OMC et que l’accord d’association avec l’Union européenne vient seulement d’entrer en vigueur1. En juin 1996, l’OMC ouvre ainsi la voie à des négociations multilatérales avec les membres de l’organisation. Et c’est à la faveur de cette nouvelle donne que l'Algérie a adressé un mémorandum qui expose l'organisation du système du commerce extérieur et le système institutionnel et juridique. L’année 1998 a été particulièrement marquée par l'achèvement de la première période des négociations multilatérales, une étape pour laquelle l'Algérie devait répondre à une série de 500 questions posées par les pays membres et touchant à différents domaines. En 1999, il était prévu que l’Algérie débute sa seconde phase de négociation, mais l’échec de la conférence de Seattle en a décidé autrement. Le 9 avril 2001, l'Algérie tente de revitaliser, voire booster les négociations. Et c’est, finalement, en juillet 2001 qu'elle a décidé de reformuler son dossier d'accession par rapport aux conditions émises préalablement par l'organisation. Le 13 décembre 2001, l'Algérie a reformulé, le mémorandum de l'adhésion. Pour que ce dernier comporte des données spécifiques sur le système commercial algérien et le calendrier récapitulatif probable au niveau du système fiscal, tarif douanier et sa compatibilité avec les règles de l'État. Le 15 janvier 2002, l'Algérie dépose le dossier baptisé « exposé des services ». Le 7 février 2002, la dernière étape des négociations, concernant notamment l'adhésion de l'Algérie à l'OMC fut ratifiée à Genève. Pour la circonstance, Alger avait réitéré sa volonté d'adhérer à l'OMC et sa disposition à suivre les principes du commerce international. Entre le 12 et le 15 novembre 2002, la quatrième session des négociations entre l'Algérie et l'OMC est organisée à Genève. La première partie de cette nouvelle rencontre a été consacrée à l'examen de la balance des affaires. En revanche, la seconde partie des négociations bilatérales a tourné autour du secteur des services. La cinquième session des négociations a eu lieu à Genève en mai 2003, cette session fut consacrée à l'analyse du régime du commerce extérieur algérien, à l'évolution du calendrier des mutations législatives et au développement des négociations bilatérales. En novembre 2003, fut organisée la sixième session des négociations, complémentaire de la précédente, mais, cependant, consacrée au tarif douanier. De 2004 à 2012, quatre autres rounds de négociations entre le gouvernement algérien et l’OMC ont eu lieu, avec, toutefois, un arrêt « facultatif » observé depuis 2008. Lors de la Conférence ministérielle de l’OMC, qui s’était tenue à Genève en novembre et décembre 2009, le représentant de l’Algérie a fait état des difficultés que son pays rencontre dans son processus d’adhésion à l’OMC. Il s’est notamment plaint des conditions rigoureuses imposées par l’article XII de l’Accord de Marrakech instituant l’OMC. L’Algérie estime que le processus d’accession à l’OMC nécessite l’élaboration de règles visant à le rendre souple, transparent, rapide et comportant un traitement 1 Benabdallah Y., «L’économie algérienne entre réforme et ouverture: quelle issue vers le développement?», in, Abdelmalki L., K. Bounemra Ben Soltane et M. Sadni-jallab (Dir.), Le Maghreb face aux défis de l’ouverture en Méditerranée, éditions l’Harmattan, Paris, 2009, p. 323. 177 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE différencié pour les pays accédant à l’OMC en fonction de leur niveau de développement »1. La dernière rencontre remonte au 30 mars 2012. Aujourd’hui, la priorité est la préparation des négociations sur son offre tarifaire et son offre en matière de services; ces offres ont déjà été formulées, mais elles ne satisfont pas, pour l'instant, les partenaires de l'Algérie qui cherchent à obtenir l'entrée au moindre coût, du moins sur les tarifs industriels. Les principaux obstacles à l'accès au marché algérien ne sont plus d'ordre législatif ou règlementaire à proprement parler. Depuis le milieu des années 1990, l'Algérie donne les preuves d'un pays ouvert tant sur le plan commercial (un tarif douanier récemment réformé qui a mis fin aux valeurs administrées, pas de restrictions quantitatives, pas de licences d'importation, des exigences en matière phytosanitaire globalement conformes aux recommandations des organismes internationaux) que sur le plan de l'accueil de l'investissement étranger. Vingt-six ans (26) plus tard, l’Algérie n’est toujours pas entrée à l’OMC. La longueur de la négociation est exceptionnelle et peut s’expliquer d’une part par des contraintes internes et d’autre part par la difficulté des négociateurs à reconnaître le caractère mutuellement bénéfique de l’adhésion. En effet, le processus d’adhésion oblige le pays candidat à mettre en conformité un certain nombre de règles et de comportements avec ceux des pays membres de l’OMC, il est donc d’autant plus long et difficile que l’écart est important2. En 2009, le négociateur en chef de l’Algérie a fait une déclaration surprenante sur les difficultés que pose le processus d’adhésion de l’Algérie à l’OMC, dont il affirme que des membres de l’OMC essayent d’imposer des choses à l’Algérie. Sans indiquer de quoi il s’agit, il affirme que l’Algérie prendra tout le temps pour bien négocier. Toujours selon le négociateur en chef, l’Algérie n’a aucun problème sur la question de conformité avec les accords de l’OMC, mais tout ce qui est au-delà de l’accord est inadmissible, surtout quand-il s’agit des questions touchant à l’intérêt national3. 3- Les accords commerciaux préférentiels. Les trois pays du Maghreb (l'Algérie, le Maroc et la Tunisie) ont compris que la coopération régionale est indispensable afin de leur permettre d'acquérir plus de poids dans les affaires mondiales, tant en termes commerciaux que politiques. 3.1- Les Accords régionaux et bilatéraux (article 24 du GATT). Les pays du Maghreb, ont conclu des ALE avec des partenaires privilégiés, visant le développement des exportations et la diversification des débouchés tout en bénéficiant des meilleures conditions d’approvisionnement en intrants importés et d’accompagnement des grands programmes d’investissement. En plus du partenariat avec l’UE, les pays du Maghreb se sont vu ces dernières années engagés dans divers accords de libre-échange régionaux et bilatéraux qui sont signés actuellement avec le 1 Abouddahab Z., «Le couple Algéro-marocain et les perspectives d’intégration économique régionale en Afrique du Nord: une dynamique bridée» in, Centre d’études internationales (Dir.), Maroc-Algérie: analyses croisées d’un voisinage hostile, Edition Karthala, 2011, p. 215. 2 Barbet P., S. Souam et F. Talahite, «Enjeux et impacts du processus d’adhésion de l’Algérie à l’OMC», Document de travail du Centre d’économie de l’Université Paris nord CEPN N° 2009-05, p 02. 3 Déclaration à la presse algérienne faite par le négociateur en chef de l’Algérie, M. Saïd Djellab en date du lundi 06 avril 2009, (pour plus de détails voir les journaux de la presse algérienne du 07 avril 2009. 178 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE reste du monde, donnant ainsi une impression de «bol de spaghettis» selon l’expression de Bhagwati qui est montré dans la Figure III-01. La plupart de ces accords sont basé à priori sur la proximité géographique (l’UMA, la GAFTA, et l’accord Agadir) afin de renforcer l’intégration entre les pays arabes et d’autres accords avec des pays (USA, Turquie) ou des groupes de pays plus éloignés géographiquement (UE, EFTA) pour assurer un accès à de plus grands marchés1. Figure III-01: L'image de bol de spaghetti des accords commerciaux conclus par les pays du Maghreb. Source: Brunel C., «Maghreb Regional Integration», in Hufbauer G.H., and C. Brunel (Dirs.), Maghreb regional and global integration: a dream to be Fulfilled, Peterson institute for international economics, Washington, DC, N° 86, September 2008, p. 09. Ainsi l’accord de libre-échange entre les pays du Maghreb et l’Union Européenne (Euromed) représente un exemple de l’intégration nord-sud (intégration vertical) le plus performant parmi tous les accords conclus par les pays du Maghreb: Le partenariat euro-méditerranéen vise en outre à promouvoir l’intégration régionale Sud-Sud (intégration horizontale). Cela s’est traduit par différents accords 2 . En effet depuis l’entrée en vigueur de tous les accords d’association des pays du Maghreb avec l’Union européenne, le Maroc et la Tunisie ont signé des ACPr avec leurs partenaires méditerranéens. D’autres sont relativement exclus de ce processus, tel est le cas de l’Algérie, qui n’a pas encore signé beaucoup d’accords de libre-échange, sa priorité restant son accession à l’OMC. Néanmoins, la mise en place de ces 1 Brunel C., «Maghreb Regional Integration», in Hufbauer G.H., and C. Brunel (Dirs.), Maghreb regional and global integration: a dream to be Fulfilled, Peterson institute for international economics, Washington, DC, N° 86, September 2008, p. 09. 2 Avallone N., «Faiblesse des IDE à destination des pays méditerranéens et élargissement : quelques pistes de réflexion pour accroître l’attractivité», In, Berramdane A. (Dir.), Le partenariat euro-méditerranéen: À l'heure du cinquième élargissement de l’Union européenne, Édition Karthala, Paris, 2005, p. 224. 179 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE accords n’a pas permis d’accentuer les échanges commerciaux entre les pays du Maghreb et elurs partenaires méditerranéens1. Tableau III-03 : Les accords commerciaux bilatéraux signés par les pays du Maghreb Nom de l'accord Couverture de l'accord Type d'accord Date de notification Notification Date d'entrée en vigueur Statut AELE - Maroc Marchandises ALE 20/01/2000 Article XXIV du GATT 01/12/1999 En vigueur Turquie - Tunisie Marchandises ALE 01/09/2005 Article XXIV du GATT 01/07/2005 En vigueur AELE - Tunisie Marchandises ALE 03/06/2005 Article XXIV du GATT 01/06/2005 En vigueur Turquie - Maroc Marchandises ALE 10/02/2006 Article XXIV du GATT 01/01/2006 En vigueur UE - Maroc Marchandises ALE 13/10/2000 Article XXIV du GATT 01/03/2000 En vigueur UE - Tunisie Marchandises ALE 15/01/1999 Article XXIV du GATT 01/03/1998 En vigueur UE - Algérie Marchandises ALE 24/07/2006 Article XXIV du GATT 01/09/2005 En vigueur Etats-Unis - Maroc Marchandises et ALE & AIE 30/12/2005 Article XXIV du GATT & AGCS, Article V 01/01/2006 En vigueur Services Source : http://www.wto.org/french/tratop_f/region_f/region_f.htm - L'Algérie, le Maroc et la Tunisie, sont des membres de l'Union du Maghreb arabe, qui comprend également la Libye, et la Mauritanie, et sont des membres de la Ligue des États arabes. - La Tunisie et le Maroc sont des membres fondateurs de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ils sont également signataires de l'accord arabo-méditerranéen de libre-échange avec, l'Égypte et la Jordanie (l'Accord d'Agadir) en date du 25 février 2004. - La Tunisie a également signé un accord de libre-échange avec la Turquie en date du 25 novembre 2004 et en vigueur depuis juillet 2005, et un accord de libre-échange avec l'Association européenne de libre-échange (AELE) en date du 17 décembre 2004. - Le Maroc a conclu des accords de libre-échange (ALE) avec l’Union européenne (1996), la Zone arabe de libre-échange (1998), l’AELE (2000), l’Accord d’Agadir (2001), la Turquie (2004) et les États-Unis (2005). D’autres accords avec des pays arabes et africains ont également vu le jour et s’inscrivent dans le cadre du renforcement de la coopération avec les pays du Sud. a. La Grande Zone arabe de Libre-échange, la GZALE. La Zone Arabe de Libre-échange, la GZALE a été créée en 2005 par l’Union Économique arabe (institution elle-même créée par la Ligue arabe à la fin des années 50) et vise à éliminer toutes les restrictions douanières existantes entre les pays membres. Très similaire au modèle de l’ASEAN, et composée de 18 membres (l’Algérie a rejoint la zone en 2009), la ZALE a pour objectif de créer, à terme, un marché commun arabe. 1 Darbot-Trupiano S., «Le Partenariat euro-méditerranéen : une tentative d’intégration maladroite», L'Espace politique [En ligne], 2 | 2007-2, mis en ligne le 03 août 2007, Consulté le 24 octobre 2012. URL : http//espacepolitique.revues.org/index844.html 180 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Elle ambitionne de créer un marché régional homogène, stabiliser la zone et renforcer le pouvoir de négociation des pays membres dans les institutions internationales. La ZALE peut proposer un cadre intéressant dans la région pour ses membres d’autant qu’un relai d’information y est assuré par le secteur privé et les Chambres de commerce arabes consultées sur les rapports entre les administrations douanières et les entreprises privées. Néanmoins, ce qui est reproché à la ZALE réside surtout dans le fait que les produits importés des autres pays arabes pourraient être produits localement. Le « nationalisme » économique est encore très fort et les marchés et les productions des pays arabes ne sont pas forcément complémentaires. Les détracteurs de cette zone considèrent que l’accord n’a profité principalement qu’aux exportateurs arabes « confirmés » et non pas aux économies nationales où les producteurs locaux sont inexpérimentés. De plus, l’origine des produits est parfois inconnue et il devient nécessaire d’établir des certificats d’origine uniformisés dans tous les pays membres afin d’éviter d’avoir des produits fabriqués ailleurs que dans la zone. La GZALE impose 40% de valeur ajoutée locale et permet le cumul entre les pays membres. Elle comporte également de nombreux points de faiblesse, donnant aux pays membres le droit d’exclure certains produits industriels, ainsi que des produits agricoles. Elle ne comprend pas non plus de dispositions pour l’harmonisation ou la reconnaissance mutuelle des standards, des normes, des tests, des procédures de certification et des normes environnementales1. Certains pays en ont tiré profit notamment les pays du Machrek, car la GZALE a permis d’accroître significativement leurs exportations vers les pays du Golf, également membres. Enfin le protectionnisme est encore fort et bon nombre de membres de cette zone ont établi des listes de produits interdits à l’importation dans le but de «protéger leur production». C’est d’ailleurs le cas du Maroc (804 produits), de l’Algérie (1500 produits) ou de l’Égypte (709 produits). Néanmoins, les échanges commerciaux entre l’Algérie et les pays arabes en 2008 se sont considérablement développés comme nous l’indiquent les chiffres des Agences du commerce extérieur. Ces chiffres sont toutefois à relativiser puisqu’ils ne représentent, en 2008, qu’une part extrêmement faible dans le total des échanges algériens avec le reste du monde (2,9%). b. L’accord d’Agadir. L’Accord d’Agadir est une initiative de l’UE, qui vise à promouvoir l’intégration économique sud-sud et le partenariat euro-méditerranéen, à travers la création d’une zone de libre-échange au niveau régional, afin d’améliorer l’intégration Sud-Sud. Cette initiative a été avancée en 2001 après la Déclaration de la quatrième Conférence euroméditerranéenne des Ministres des Affaires Étrangères dont l’objectif est de favoriser et accélérer les échanges intra-régionaux entre les quatre pays concernés (le Maroc, la Tunisie, l’Égypte et la Jordanie). Après d’âpres discussions, et malgré les limites enregistrées en matière d’intégration Sud-Sud c'est à dire entre les pays sud de la méditerranée, la première étape importante étant la signature de l’accord d’Agadir en mai 2004. Il devait entrer en vigueur le 1er janvier 2005, mais cela n’a pas été 1 Aita S., «Les Travailleurs Arabes hors-la-loi: Emploi et droit du travail dans les pays arabes de la Méditerranée, Vision des enjeux et implications du partenariat européen», Edition l’Harmattan, Paris, 2011, p. 188. 181 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE le cas, car il n’avait pas été ratifié par les pays membres 1. Enfin il est entré en vigueur en 2007, et regroupe quatre pays qui n’ont pas de continuité territoriale (la Jordanie, l’Égypte, la Tunisie et Maroc). Il vise à harmoniser les réglementations des pays membres notamment dans les secteurs du commerce extérieur, mais aussi de l’agriculture, de l’industrie ou des douanes en supprimant les droits de douane et les MNT. Cet accord, conforme aux préceptes de l’OMC et en harmonie avec les règles de la ZALE, cherche aussi à enclencher une dynamique positive de complémentarité et à promouvoir les Investissements Directs Etrangers (IDE). Certains produits, notamment les produits agricoles ne sont pas concernés par l’Accord d’Agadir. L’enjeu de préservation des intérêts de la masse des petits agriculteurs non exportateurs est fortement politique. L’accord d’Agadir introduit le «cumul d’origine» (instrument selon lequel des produits peuvent être produits ou finalisés dans plusieurs pays membres de la zone et bénéficier, en tant que produit finis, de tarifs préférentiels à l’entrée dans l’UE). Il est donc la forme la plus aboutie vers la mise en place d’une grande zone de libre-échange entre l’Union Européenne et ses 16 partenaires commerciaux que sont l’Algérie, la Cisjordanie et la Bande de Gaza, l’Égypte, les Iles Féroé, l’Islande, Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Norvège, la Suisse, la Syrie, la Tunisie et la Turquie. Et si l’Algérie, qui préfère lui privilégier une intégration «horizontale» via l’UMA pour le moment, peut signer ces accords, alors un marché intégré de près de 90 millions de personnes verrait le jour au Maghreb. Pour l‘heure actuelle, l’effet de l’Accord d’Agadir est faible, voire limité tant que l’intégration économique dans la région arabe présente des évolutions et des perspectives contrastées. Même on peut constater que l’effet multiplicateur de l’Accord d’Agadir est donc entravé par des obstacles territoriaux majeurs puisque les quatre pays membres de l’Accord sont isolés l’un de l’autre2. c. Les pays du Maghreb et l'Initiative des États-Unis: Le projet US-MEFTA. La «Middle East Trade Initiative» est une série d’accords, annoncée par les États-Unis en mai 2003. L’ambition affichée est de lancer une approche régionale globale. Cette initiative a pour but de favoriser le libre-échange entre les pays du Moyen-Orient et les États-Unis, à travers plusieurs types d’accords qui varient selon les pays. Les accords de libre-échange avec les Etats-Unis ont tous été traités en bilatéral, sans aucun aspect régional. En particulier, ils ne prévoient même pas de règles de cumul d’origine avec les autres pays signataires. A l’heure actuelle, le premier accord de libre-échange signé par les États-Unis et les pays du Maghreb est celui avec le Maroc. Cet accord a été signé le 15 juin 2004, notifié à l'OMC le 30 décembre 2005 et entré en vigueur le 1er janvier 2006, Il s'agit d'un accord très complet et juridiquement exécutoire 3 . Il présente de nombreux avantages par rapport à celui avec l’UE, notamment pour les secteurs clefs de l’économie marocaine4. 1 Nhidi M, « Stratégies de libéralisation et politique européenne de voisinage : quel rôle pour les pays du Maghreb ?», in, Abdelmalki L., K. Bounemra Ben Soltane et M. Sadni-jallab (Dirs.), Le Maghreb face aux défis de l’ouverture en Méditerranée, éditions l’Harmattan, Paris, 2009, p. 48. 2 Abouddahab Z., «Le couple algéro-marocain et les perspectives d’intégration économique régionale en Afrique du Nord : une dynamique bridée» in, Centre d’études internationales (Dir.), Maroc-Algérie : analyses croisées d’un voisinage hostile, Edition Karthala, 2011, p. 220. 3 Antoine Madignier, Déterminants du choix des partenaires commerciaux dans les échanges de blé et de produits dérivés du blé des pays du Maghreb, Thèse de Docteur de l’Université Montpellier I, 28 Novembre 2011, p. 36. 4 Aita S., Op.cit., p. 189. 182 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Ce dernier qui prévoit un accès libre aux produits non-agricoles marocains, et exclut les produits textile et de la pêche sur le marché américain, soit au total 6 966 positions du tarif américain sur 7 052 lignes tarifaires à 8 chiffres, dès l’entrée en vigueur de l’accord, c'est-à-dire 98,8% des positions du tarif américain correspondant à 99,7% des exportations marocaines en valeur en 2006. Pour le reste des produits, Leurs tarifs seront démantelés selon les produits sur 9 à 10 ans. Un traitement spécial sera accordé aux exportations de textiles; le contingent immédiat du Maroc est 25 fois plus élevé que celui qui frappait ses exportations de textiles à destination des États-Unis avant l'Accord. L'accord couvre également le commerce des produits agricoles et des services (dont les services financiers et de télécommunications), ainsi que les marchés publics, l'investissement, la transparence, et les aspects liés à la protection de la propriété intellectuelle, de l’environnement et du travail. En principe, tous les produits agricoles devraient être libéralisés le plus tard en 2023. Actuellement, l’accès libre au marché marocain est accordé aux produits agricoles sur un millier de lignes tarifaires. Un certain nombre de produits agricoles bénéficient des préférences tarifaires dans la limite d'un contingent annuel. Cet accord comporte également une clause relative au droit du travail. Suite à la signature de cet accord et son entrée en vigueur, les échanges commerciaux bilatéraux ont enregistré une progression significative. La part des États-Unis dans le total des échanges extérieurs du Maroc a aussi augmenté. Les exportations marocaines ont essentiellement porté sur la machinerie électrique, l’habillement, les conserves alimentaires, les chaussures et les fruits et noix comestibles. Les importations marocaines en provenance des États-Unis ont progressé plus rapidement, et ont surtout concerné les avions, les céréales, la machinerie, le plastique et les produits chimiques. Par ailleurs, en 2006, les investissements et prêts privés américains reçus par le Maroc ont fortement augmenté, et ont concerné plusieurs secteurs, dont la finance, l'électriqueélectronique, l'ingénierie, le tourisme et le textile. Enfin, pour l’Algérie, les États-Unis proposent leur aide active à l’entrée dans l’OMC. Pour la Tunisie et l’Algérie, des accords-cadres d’investissement et de commerce ont été signés afin de promouvoir le commerce. d. L’Union du Maghreb Arabe. L’Union du Maghreb Arabe (UMA) est restée politiquement et économiquement lettre morte. Les flux commerciaux entre les trois pays concernés ne dépassent pas 2% de leur commerce extérieur (dont la moitié environ de pétrole algérien). Les arguments évoqués pour expliquer cette intégration réduite concernent la faible complémentarité de leurs systèmes productifs et la grande dépendance des trois économies vis-à-vis de l’Europe ; mais en réalité la faiblesse des échanges, même en termes de produits pétroliers, renvoie plutôt à la faible motivation politique des parties. Le commerce illicite entre les frontières tend à confirmer l’existence d’un potentiel de complémentarité1. Les échanges commerciaux entre le Maroc et la Tunisie se sont s’amélioré puisque les deux pays ont rejoint la Grande zone arabe de libre-échange et font partie de l’accord d’Agadir. 1 Aita S., Op.cit., p. 188. 183 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE 3.2- Les offres unilatérales des pays développés (SGP) au pays du Maghreb (clause d’habilitation). On a vu dans le deuxième chapitre que les PED et les pays les moins avancés (PMA) peuvent bénéficier d’un régime plus favorable sur une base non-réciproque au sein de l’OMC, Les trois pays du Maghreb n’ont pas dérogé à la mode. Ils bénéficient également du régime SGP, ce mécanisme qui octroi aux pays du Maghreb une réduction ou suppression des droits de douane pour certains produits finis ou semi-finis. Actuellement, Le SGP comprend 15 schémas de préférences, appliqués au profit des pays du Maghreb et procurés par les pays suivants: Australie, Bélarussie, Bulgarie, Canada, États-Unis d´Amérique, Fédération de Russie, Hongrie, Japon, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pologne, République Tchèque et Slovaquie, Suisse et l´Union Européenne. Les trois pays du Maghreb sont bénéficiaires de tous les schémas de préférences. A ce titre, les exportations Maghrébine de produits couverts par le SGP bénéficient d'une exonération totale ou partielle des droits de douane de la part de ces pays. Généralement, les produits couverts sont les produits manufacturés, les produits semi-finis, certains produits agricoles et de pêche ainsi que les produits de l´artisanat. Carte III-01: Les schémas des SGP accordés au pays du Maghreb. Source: http://ptadb.wto.org/SearchByCountry.aspx (consulté le 15 novembre 2012). Ainsi, L’UE a publié le 31 octobre 2012 un schéma révisé de préférences à l’importation en faveur des PED, qui prendra effet le 1er janvier 2014. Cette publication comprend les préférences tarifaires spécifiques accordées au titre du SPG sous la forme de taux de droit réduits ou nuls ainsi que les critères finaux au regard desquels les PED seront bénéficiaires. 184 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE En 2011, la valeur des importations bénéficiant de préférences au titre du SPG s’élevait à 87 milliards d’euros, soit environ 5 % de l’ensemble des importations de l’UE et 11 % de l’ensemble des importations de l’UE en provenance des PED. Le nouveau schéma devrait concerner 89 bénéficiaires: les 49 pays les moins avancés dans le cadre du schéma «Tout sauf les armes», ainsi que 40 autres partenaires à revenu faible ou moyen inférieur. Les pays du Maghreb, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc ont été exclus du nouveau schéma, suite à leur classement parmi les 34 pays jouissant d’un autre régime commercial avec l’UE, qui fournit une couverture substantiellement équivalente à celle du SPG. Il s'agit pour les pays du Maghreb des accords d’association euro-méditerranéenne. En général, l’utilisation des SGP offerts par l’UE aux pays du Maghreb qui sont déjà éligibles à un autre régime préférentiel concurrent (les accords d’association avec l’UE), se ferait en raison de niveaux de préférences et de conditions plus favorables. Pour cette raison les pays du Maghreb sont très peu concernés par le SPG, qui n'aura (même sans révision) en général aucune incidence sur eux. Les pays maghrébins demeurent «admissibles», mais ne sont plus «bénéficiaires» du schéma. Ainsi, si leur situation change (si leur régime commercial expire), ils peuvent à nouveau devenir bénéficiaires du schéma. Si les pays du Maghreb ne bénéficient plus à partir de 2014 de ces préférences, cela ne devrait pas être perçu comme une exclusion. « Il s’agit d’une reconnaissance importante du fait que les principales économies en développement sont devenues compétitives sur le plan mondial. 185 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Section 2 : Les relations des pays du Maghreb avec l'UE. Les trois pays du Maghreb et ceux de l’Union européenne conservent depuis très longtemps des relations de partenariat. Ces relations qui ont été tout d’abord couvertes par des liens historiques (colonisation), et après l'indépendance, avec la mise en place et le renouvellement de plusieurs accords de coopération, les relations entre les deux parties se fondent plus en plus sur le principe de la solidarité et du développement. L’évolution des relations euro-méditerranéennes a été soumise à des contraintes interdépendantes d’ordre économique, politique et sécuritaire. Trois périodes fondamentales sont distinguées1: La première phase celle qualifiée de première génération: a débuté en 1963 avec la mise en place d’une coopération euro-méditerranéenne qui durant les années 1945-1970 semblait avantageuse pour les deux rives en particulier pour les pays du Maghreb. Mais celle-ci a révélé dans les faits des échanges inégaux en faveur des pays européens. La deuxième phase celle de la deuxième génération: a correspondu au début des années soixante-dix. La crise économique qu’ont connue les pays industrialisés s’est propagée à l’ensemble des pays du Maghreb. Durant cette période, la Communauté européenne s’est engagée sur le maintien des exportations traditionnelles des pays maghrébins avec la mise en place d’une discrimination positive pour les produits industriels. Les produits agricoles ont relevé de la PAC (Politique agricole commune) et la situation a eu tendance à se dégrader pour les pays du Maghreb. La troisième phase celle de la nouvelle génération: a débuté en 1995 avec la conférence de Barcelone. L’objectif était de relancer à la fois la construction européenne et le processus de coopération sur de nouvelles bases dont le but annoncé était la mise en place d’une zone de libreéchange euro-méditerranéenne (ZLE) à l’horizon 2010. Cette intégration régionale s’est révélée très insuffisante compte tenu de l’émergence de nouvelle puissance commerciales, telles que la Chine, l’Inde et le Brésil, et du retard pris par l’Europe dans les domaines de la formation et de la recherche et développement par rapport aux Etats-Unis. Dans cette configuration, les pays méditerranéens ont eu de plus en plus de difficultés à se positionner dans ce nouvel ordre économique mondial. 1- Les accords commerciaux non réciproques: la coopération de la 1ere et 2eme génération. Les pays du Maghreb et l’UE ont vécu des moments exceptionnels et ils traversent encore actuellement une période décisive pour l’évolution future de leurs relations et pour mettre en œuvre et réussir le changement espéré par les deux parties. Il est indispensable alors se référer au passé pour prendre conscience du chemin qui a été parcouru depuis la signature des premiers accords commerciaux entre la Communauté européenne, d’une part, et l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, d’autre part. 1 Grou P., R. Guillon, D. Mertens-Santamaria et K. Messamah, «Vers une très grande Europe: Quelle taille minimale pour l'Europe dans la mondialisation du XXIe siècle ?», Edition l’Hramattan, Paris, 2008, p. 76. 186 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE 1.1- Les accords de la première génération. La coopération de la Communauté Économique européenne (CEE) avec les pays de la Méditerranée remonte, pour certains de ces pays, à une cinquantaine d’années. C’est sur l’héritage de relations coloniales ou de domination politique qui ont lié, à des moments plus ou moins longs de leur histoire, plusieurs puissances européennes à la plupart des pays des rives Sud et Est de la Méditerranée que se sont construits les rapports de la Communauté européenne (CE) avec ses voisins méditerranéens1. En effet, au moment de la création de l’Europe communautaire, les pays du Maghreb étaient, du fait de leurs rapports avec la France, parmi les pays méditerranéens les plus proches de la Communauté tant sur le plan politique que sur le plan économique. Après l’accession du Maroc et la Tunisie à leurs indépendances en mars 1956, ils se sont vu offrir le statut d’associés réservé aux États indépendants. La France a reçu une autorisation pour garder avec ces deux pays un régime d’échanges préférentiels, par un protocole annexé au traité de Rome en dérogation aux règles de l’UE mis en place entre les six. Et à l’indépendance de l’Algérie, en 1962, des exceptions sont entamées pour définir le cadre des futures relations qui devaient lier le Maghreb et la CEE. À ce titre, le Maroc et la Tunisie demandaient, dès 1963, de conclure des accords de durée illimitée qui dépassent le régime des échanges, pour qu’ils comportent la coopération financière et technique et les problèmes de main-d’œuvre2. L’Union européenne s’intéresse aux préoccupations et aux demandes des pays du Maghreb et s'est traduite par des accords bilatéraux qui ont tout d’abord été signés en juillet 1969 pour une période de cinq ans, liant le Maroc, l’Algérie et la Tunisie à la CEE 3. Ces accords de coopération étaient essentiellement commerciaux. En effet, la France était pratiquement la seule source d’aide ou d’autres formes de coopération étant donné qu’elle avait conservé des intérêts économiques et politiques considérables à ses anciennes colonies du Maghreb. Mais ces accords avaient une portée limitée quant au contenu des préférences parce que les produits agricoles en étaient presque exclus. Ces accords, d’essence commerciale, portaient seulement sur les exportations agricoles (primeurs, agrumes, huile d’olive, conserves de poissons) qui entraient dans le marché communautaire en franchise de douane à condition toutefois de respecter les normes et les instruments protectionnistes définis par la PAC : prix de référence, contingents et calendrier. Ces accords avaient, par ailleurs, un caractère fondamentalement bilatéral : ils rattachaient chaque pays maghrébin pris isolément à la CEE, sans prendre en considération une quelconque dimension régionale. Leur exécution a rencontré plusieurs obstacles dont notamment la mise en œuvre de la PAC à partir de 1962, d’une part, et la détérioration des termes de l’échange au détriment des pays du Sud qui interdisait l’émergence de tout projet de développement volontariste, d’autre part4. 1 Zouiri H., Op.cit. p. 38. ibid., p. 40. 3 CEE (qui deviendra l'Union Européenne) était une organisation supranationale créée en 1957 pour mener une intégration économique (dont le marché commun entre la RFA, la Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg, et les Pays-Bas). 4 Zouiri H., Op.cit. p. 40-41. 2 187 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE 1.2- Les accords de la deuxième génération. a. La politique Méditerranéenne globale (PMG). Le premier élargissement de la CEE en 1972 (Grande-Bretagne, Danemark, Irlande) et l’absence de coordination de la série d’accords bilatéraux réalisés auparavant, contraint cet organisme à réviser, lors du Sommet de Paris en 1972, les accords existants avec les pays du Maghreb. la CE a déclaré attacher «une importance essentielle à la mise en œuvre de ses engagements avec les pays du bassin méditerranéen pour s’adapter à la réalité nouvelle qui se traduit par l’élargissement des débouchés pour les exportation agricoles maghrébines, la CE a tenté d'adopter une approche globale cohérente et équilibrée pour les relations avec les pays du bassin méditerranéen1. Entre 1975 et 1977 la CE a conclu des accords de coopération avec les pays du sud de la Méditerranée qui comportent une structure identique. [Des accords de coopération globale avec la Tunisie (25 avril 1976), avec l’Algérie (26 avril 1976), avec le Maroc (27 avril 1976)]. Ceux-ci sont les fruits de l'approche globale méditerranéenne. Cette approche, qui a établi les premières bases fondamentales de la politique méditerranéenne de la CE, définit de façon claire et cohérente le type de relations préférentielles à développer avec les pays méditerranéens. Avant cela, la CE avait déjà été impliquée dans un réseau de relations conventionnelles avec la plupart de ces pays, mais sans avoir une conception large. Depuis les accords conclus dans les années 1960 ont été confinés aux liens commerciaux et ignoraient une coopération plus large. La CE a continué à signer toute une série d’ACPr avec d’autres pays méditerranéens. La politique commerciale européenne envers la Méditerranée est restée non coordonnée; de plus, la teneur de ces accords n’a pas été harmonisée2. Cette dernière série d’accords de coopération présentait certaines similitudes: leur durée était illimitée, comportaient principalement des dispositions en matière de commerce 3 , où des concessions commerciales étaient accordées pour les exportations des pays du Maghreb susmentionnés vers le marché de la CE avec un accès en franchise de droits pour la majeure partie de leurs produits industriels ainsi que des préférences pour les produits agricoles et aucun traitement réciproque des exportations de la CE vers les pays du Maghreb n’était requis. En outre, en marge des accords de coopération, la CE apporte une assistance aux pays du Maghreb par le biais d’un volet financier fixant les modalités de financement d’actions de coopération. Des protocoles additionnels visant à limiter les répercussions négatives de l’adhésion de l’Espagne et du Portugal sur les exportations agricoles des pays du Maghreb ont été signés bilatéralement avec chaque pays. 1 Ravenel Bernard, «Méditerranée : Le Nord contre le Sud ? », Editions L’Harmattan, Paris, 2009, p. 221. Begga C. and K. Abid, «The Euro-algerian relationship a review of its development», in, Aghrout A. and R.M. Bougherira (edis), «Algeria in transition reforms and development prospects», first published, by Routledge Curzon, London, 2004, p. 77-78. 3 Dieter Frisch, «La politique de développement de l’Union européenne-Un regard personnel sur 50 ans de coopération internationale», (Rapport ECDPM 15). Maastricht: ECDPM, mars 2008, p. 16. (www.ecdpm.org/pmr15fr). 2 188 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Les accords de coopération entre la CE et les pays du Maghreb étaient, dans bien des cas, le fruit de liens historiques à l’instar de ceux entre la France et le Maroc ou l’Algérie, voire d’une volonté d’intégrer les pays du Maghreb dans la sphère d’influence de la CE tout en gérant dans le même temps leurs échanges commerciaux et en contrôlant la pression résultant d’une forte immigration vers la CE. Les accords ont également permis d’apaiser les critiques sur l’accès aux marchés en particulier dans le cas des importations agricoles ayant fait l’objet de concessions de la part de la CE. Quoi qu’il en soit, les accords sont restés hétérogènes et n’ont pas satisfait aux principaux objectifs visés: ils ne sont ni parvenus à contrôler les mouvements d’immigration illégaux, ni à améliorer les résultats économiques des pays du Maghreb. Ils n’ont pas non plus favorisé le développement attendu des exportations à partir de ces pays vers la CE1. En raison de la crise des années soixante-dix, les produits manufacturés étaient exempts par ces accords de taxes, mais étaient soumis à des quotas révisés en fonction de la situation économique européenne qui réagissent par une poussée protectionniste sur le plan industriel 2 . Et pour bien exploiter cet avantage, le Maroc et la Tunisie ont massivement investi dans l’industrie du cuir et du textile, bien qu'ils aient été plus tard inattendue diluée par l'imposition de quotas (accords multifibres qui réduisent les entrées de produits textiles du Sud)3. Concernant l’agriculture, la CEE a imposé des restrictions substantives pour prévenir l’entrée de ces produits dans son marché. Des tarifs préférentiels ont été accordés pour certains produits agricoles comme les agrumes, exonérés de 80%, ou l’huile d’olive exonérée de 30%. Les termes de l’accord n’étaient applicables réciproquement que pour les produits importés de la CEE qui n’entraient pas en compétition avec la production locale. De 1977 à 1987, les exportations industrielles et agricoles des trois pays du Maghreb vers l'Europe ont augmenté, mais pas autant que prévu, du fait de la récession mondiale, les réductions de quotas imposées sur les produits de textiles en raison d'une crise du textile européen, et le manque de développement de nouveaux produits dans le Maghreb. Même pendant cette période, les exportations agricoles ont également été touchées par l'élargissement de la CE à l'Espagne et au Portugal malgré le fait que les conditions d’accès des produits de ces derniers pays au marché communautaire fussent moins avantageuses que celles accordées aux pays du Maghreb. De plus, un mouvement qui a rendu l'Union presque autosuffisante (tableau III-04) en produits agricoles et plus particulièrement ceux dont le Maghreb est le plus compétitif, cependant, la décennie a connu une érosion du traitement préférentiel pour le Maghreb par rapport à d'autres pays hors de l'Union4. 1 Ghoneim A. F., «La zone de libre-échange, catalyseur de l’intégration méditerranéenne: analyse des accords d’association des pays d’Agadir avec l’Union européenne», in, Rapport Ipmed 2010, Les politiques d’intégration euroméditerranéennes : la zone de libre-échange 2010,, 2010, p. 86. 2 Zouiri H., Op.cit. p. 41. 3 Dawson C., «EU Integration with North Africa: trade negotiations and democracy deficits in Morocco», Library of European Studies Volume 8, London, 2009, p. 24. 4 ibid, p. 25. 189 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Tableau III-04: Degré d’auto-approvisionnement de la CEE entre 1975 et 1984. Produits CEE à 9 78 CEE à 12 95 Agrumes 44 77 - Oranges - Clémentines, citrons 47 39 86 96 Légumes frais et transformés 92 100 - Pommes de terre 98 100 - Tomates 93 99 Vin 108 112 Huile d’Olive 88 109 Fruits frais et transformés Source: Ravenel Bernard, «Méditerranée: Le Nord contre le Sud ?», Editions L’Harmattan, Paris, 2009, p. 223. À la fin des années quatre-vingt ces accords font l’objet d’une appréciation mitigée: - les performances commerciales des pays concernés ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées, leurs déficits commerciaux sont importants ; - l’ampleur des préférences accordées est discutée à cause notamment de l’existence de produits sensibles (agriculture, textile, habillement) dont les marchés européens sont encore protégés ; - l’aide financière est considérée par les pays bénéficiaires comme trop modeste (11,5 % de l’aide de la Communauté) notamment au regard de l’aide accordée aux pays ACP (67 % de l’aide). b. La politique méditerranéenne rénovée (PMR). Entre 1988 et 1990, la CEE entreprend de rénover sa politique méditerranéenne. La politique méditerranéenne rénovée (1992-1996) visait à corriger les insuffisances et le bilan assez mitigé des anciens accords. Dans ce but, et en vue de renforcer les liens avec les pays du Maghreb, les aides ont été augmentées au titre du quatre protocole financier et en améliorant les conditions d’accès au marché européen1. A cette époque, La nécessité de relancer la politique méditerranéenne de l’Europe, dans une perspective plus ambitieuse et plus complète est devenue importante, à cause, notamment, de la nécessité devant laquelle s’est trouvée placée l’Union européenne après l’effondrement du mur de Berlin de soutenir activement le processus de transition des pays d’Europe Centrale et Orientale. Mais la guerre du Golfe, les crises algérienne et yougoslave et le processus de paix au ProcheOrient, ont à leur tour fait leur marque sur ce changement de politique de l’UE. Dans la politique méditerranéenne rénovée, il existe quatre principes directeurs : - des avantages commerciaux maintenus ; - une aide mieux adaptée et légèrement accrue ; - de nouvelles tentatives de coopération régionale ou multilatérale ; - et enfin, des structures d’un dialogue moins formel. 1 Bichara Khader, «Le partenariat euro-méditerranéen vu du Sud», Edition l’harmattan, Paris, 2001, p. 17. 190 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE L’utilisation plus rationnelle de l’aide passe par trois objectifs prioritaires 1: - un soutien aux stratégies alimentaires afin de réduire la dépendance alimentaire et de permettre un soutien au développement et à la diversification de la production et des exportations agricoles, en privilégiant l’octroi de crédits agricoles ; - un renforcement des liens économiques par le développement de coopération dans les domaines de l’industrie, par la création de PME, par la formation, la recherche, la technologie, le commerce et autres services ; - un soutien à la coopération régionale et multilatérale dans le Bassin Méditerranéen. Quatre protocoles financiers quinquennaux ont été signés durant la période 1976 à 1996 pour accompagner les deux derniers accords (PMG, PMR), complétés par des prêts de la Banque européenne d’investissement (BEI). Au-delà de la participation financière de la Communauté au développement de l’infrastructure économique du pays, un vaste champ d’action fut ouvert à la coopération économique et technique. Les protocoles laissent les Etats libres de déterminer eux-mêmes les domaines où une telle coopération leur semble la plus appropriée (exploitation de ressources naturelles, amélioration des transports et communications). Tableau III-05: L’aide financière totale affectée aux pays du Maghreb par les quatre protocoles financiers de 1978-96 (en millions d’Ecus) Fonds budgétaires de la CEE Prêts de la BEI 1978 1981 1982 1986 1987 1991 1992 1996 1978 1981 1982 1986 1987 1991 1992 1996 Total Algérie 70 107 183 70 44 44 56 280 854 Maroc 56 90 151 218 74 109 173 220 1 091 Tunisie 41 78 131 116 54 61 93 168 742 Total 167 275 465 404 172 214 322 668 2 687 Source: Eurostat Ces liens entre la CE et les pays du Maghreb se sont pratiquement situés dans une perspective régionaliste de préférences et de non réciprocité prenant en compte les asymétries internationales. Cette situation qui a été changée dans un nouveau contexte international post-bipolaire et la nouvelle donne stratégique qui émerge à l’issue de la première guerre du Golfe, dans un climat qui se dessine qualifié de mondialisation, de globalisation financière et de multilatéralisme au sein de l'OMC, mais également de montée du régionalisme, et elle a conduit en novembre 1995 et à travers la déclaration de Barcelone à mettre en œuvre un partenariat Euro-méditerranéen (PEM) afin de 1 Moustier E, «La Politique européenne en Méditerranée: avant et après la conférence de Barcelone», in Raphael BarEl, Gilbert Benhayoun, Ehud Menipaz (Dir.), La coopération régionale dans le bassin Méditerranéen : Enjeux et perspectives économiques, Édition l’Harmattan, Paris, 2001, p. 39. 191 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE créer une zone de libre-échange entre l'Union européenne et 11 pays du sud de la Méditerranée dont l’Algérie, le Maroc et la Tunisie1. Philippe Hugon, décrit, cinq principaux facteurs qui ont conduit à cet important changement des relations entre l'Union européenne et les pays de Maghreb (et les autres PSEM)2: - les pays du Maghreb ont bénéficié du libre accès sur le marché communautaire pour leurs produits manufacturés avec peu de progrès significatifs, suite à son bilan mitigé et la faible diversification de leurs produits. - Les PSEM sous ajustement structurel ont certes réalisé dans l’ensemble des stabilisations macroéconomiques et financières réussies. En revanche, les réformes structurelles ont été limitées, bien entendu à des degrés divers selon les pays. Les alliances entre le pouvoir politique, les bourgeoisies locales et les syndicats ont conduit à des transformations structurelles limitées voire à des mesures en trompe l’œil, et à un maintien d’économies de rente surtout dans les pays disposant de rentes naturelles comme l'Algérie. Il en a résulté à la fois une faible croissance économique et une attractivité limitée des capitaux. - L’Europe redéfinit ses espaces de proximité depuis la chute du mur de Berlin et l’élargissement de l’Europe. L’essentiel du redéploiement de l’UE s’est fait vers les PECO et les pays méditerranéens. On observe des intérêts divergents entre l’Europe du Sud, orientée vers la Méditerranée, et les pays de l’Europe du Nord et du Centre orienté vers les PECO. Les pays du Sud de l’Europe sont également les plus concernés et les plus concurrencés par les PSEM notamment pour les produits agricoles. Il existe une "trade off" tant sur le plan commercial que financier entre les PECO et les PSEM. De nombreux pays européens voudraient normaliser leurs relations avec les anciennes colonies et, au nom de cette normalisation, s’orienter vers les nouveaux marchés porteurs ou privilégier les seuls pays les plus pauvres éventuellement. - Les principes de non réciprocité et de discrimination entre l’Europe et les PSEM sont en relative contradiction avec les règles de l’OMC et le nouveau cadre multilatéral de régulation des échanges. - On observe enfin une montée du régionalisme sous ses différentes formes aussi bien en Asie de l’Est (AFTA) qu’en Amérique (ALENA, MERCOSUR) ou en Afrique (UEMOA, SADC...). Ce nouveau régionalisme s’inscrit dans un contexte de mondialisation et est en phase avec celui-ci. 1 Abis S., « Pour le futur de la Méditerranée : l'Agriculture», Edition L’harmattan, Paris, 2012, p. 42. Hugon P., «Les accords de libre-échange avec les pays du sud et de l’est de la méditerranée entre la régionalisation et la mondialisation», Revue Région et Développement n° 9-1999, p. 6-7. 2 192 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE 2- Les accords commerciaux réciproques: les accords de 3eme génération. Le processus de Barcelone, qui ouvre une nouvelle phase dans les relations euroméditerranéennes, est un processus de constitution qui à chercher de construire les nouvelles politiques et les nouvelles institutions susceptibles de dépasser les insuffisances dans les accords antérieurs entre les pays du Maghreb et l’UE. L’introduire de nouvelles relations basées sur la réciprocité à constituer un tournant essentielle de cet initiative, afin de mettre en conformité le rapprochement entre les deux rives de la Méditerranée avec les règles de l’OMC, cet événement a marqué le point de départ des relations euro-méditerranéennes de la 3eme génération. 2.1- Le processus de Barcelone. Dans le cadre des accords commerciaux multilatéraux, l'OMC ne reconnaît les accords préférentiels non réciproques au profit des PED que sur une base mondiale (SGP), et pas sur une base régionale, donc l'UE comme les États-Unis ont fait des démarches afin de se mettre en conformité avec les règles de l'OMC, le plus souvent ils ont remplacé les anciens accords non réciproques par des accords de libre-échanges, réciproques par définition (article XXIV du GATT). Pour l'UE, sont concernés1: - les accords euro-méditerranéens de la génération de la Politique Méditerranéenne Globale (PMG) des années 70 ; - les accords ACP qui doivent eux aussi être rendus réciproques à partir de 2008. A cette contrainte au regard des exigences de l’OMC en vigueur, se sont ajoutés, dans le cas des relations précédentes, les faibles résultats économiques dans les pays du Maghreb. Le 10 octobre 1990, une première réunion consacrée à la coopération en Méditerranée occidentale, s’est tenue à Rome et regroupe les ministres des Affaires étrangères de l’Algérie, de l’Espagne, de l’Italie, de la Libye, du Maroc, de la Mauritanie, du Portugal, de la Tunisie ainsi que de Malt, en sa qualité de pays associé. Lors de cette réunion, les ministres ont décidé de se rencontrer au moins une fois par an pour procéder à un échange de vues sur les questions d’intérêt commun, ils ont décidé de valoriser les anciens accords commerciaux pour en faire une aire de paix, de coopération et de stabilité qui met en considération les spécificités de cette région. Et suite aux orientations déjà définies par les Conseils européens de Lisbonne (juin 1992), Corfou (juin 1994) et Essen (décembre 1994) et aux propositions de la Commission, l'UE a décidé d'établir un nouveau cadre de ses relations avec les pays du bassin méditerranéen dans la perspective d'un projet de partenariat. La Conférence de Barcelone, réunissant les 15 États membres de l’UE et 10 États du Sud et de l’Est de la Méditerranée (Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte, Israël, Autorité palestinienne, Jordanie, Liban, Syrie et Turquie), adopte les 27‑28 novembre 1995 la Déclaration fondatrice du partenariat euro-méditerranéen (Euromed) dit aussi « processus de Barcelone ». La Déclaration de Barcelone adoptée à l'issue des travaux, peut être considérée comme l'acte fondateur de la Méditerranée du XXI siècle car elle consacre la fin d'un cycle (PMG et PMR) et amorce une dynamique inspirée par 1 Catin M, H. Regnault, «Les quatre défis du libre-échange euro-méditerranéen», in Catin M, H. Regnault, Le sud de la Méditerranée face aux défis du libre-échange, Edition l’Harmattan, 2006, p. 10. 193 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE une nouvelle philosophie impliquant une "coopération globale et solidaire" dans un cadre multilatéral, complémentaire de la coopération bilatérale qui était jusqu'alors la règle, en l'absence d'une organisation régionale permanente dotée d'un exécutif qui reste toujours à instituer. Il comporte trois volets : politique ; économique et financier et enfin, culturel, social et humain. Le point de départ du Processus de Barcelone est la situation particulièrement favorable issue des Accords d’Oslo. L’Europe décide alors d’accompagner avec ses outils: aide au développement, facilité commerciale, accords d’association, la relance du processus de paix au Proche-Orient. Ce nouveau partenariat global euro-méditerranéen s'articule autour: - Le volet politique et sécurité qui a pour objectif la définition d'un espace commun de paix et de stabilité ; - Le volet économique et financier qui doit permettre la construction d'une zone de prospérité partagée ; - Le volet social, culturel et humain qui vise à développer les ressources humaines, favoriser la compréhension entre les cultures et les échanges entre les sociétés civiles. 2.2- Les trois principaux piliers du Partenariat euro-méditerranéen (PEM). a. Un partenariat politique et de sécurité. La déclaration de Barcelone fixe un certain nombre d'objectifs communs en matière de stabilité interne et externe1: - le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales (y compris les libertés d'expression, d'association, de pensée, de conscience et de religion). La Déclaration précise qu'il faut considérer favorablement à travers le dialogue entre les parties, les échanges d'informations sur les questions relatives aux droits de l'homme, aux libertés fondamentales, au racisme et la xénophobie ; - le développement de l'Etat de droit et de la démocratie dans les systèmes politiques des PMP ; - le respect de l'intégrité territoriale, les principes de non-intervention dans les affaires intérieures d'un autre partenaire et le règlement pacifique des différends ; - la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. En outre, la Déclaration définit quelques objectifs communs en matière de stabilité interne et externe. Les parties s'engagent à agir conformément à la charte des Nations Unies et à la Déclaration universelle des droits de l'homme ainsi qu'aux autres obligations résultant du droit international, notamment celles qui découlent des instruments régionaux et multilatéraux. 1 La Commission Européenne, «Evaluation du règlement du conseil N° 2698/2000 (MEDA II) et de sa mise en œuvre», Rapport final Volume I, DRN-ADE-PARTICIP-DIE-ODI-EIAS-ICE, Evaluation pour la Commission Européenne, Juin 2009, p. 11-12. 194 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE b. Un partenariat économique et financier. Celui-ci se fonde sur une double approche : 1- le processus vise à l'instauration progressive d'une ZLE entre l'UE et chaque pays méditerranéen à l'horizon 2010. La ZLE devra être réalisée au moyen d'accords d'association (AA) et d'accords de libre-échange conclus entre les autres États méditerranéens eux-mêmes. Cette zone devra couvrir "l'essentiel des échanges" dans le respect des obligations de l’OMC. Ainsi, les barrières tarifaires et non tarifaires aux échanges de produits manufacturés seront progressivement éliminées selon des calendriers à négocier entre les partenaires. Une libéralisation progressive du commerce des produits agricoles et des services est également envisagée. Pour faciliter la mise en place de la ZLE, quatre domaines prioritaires ont été définis1: - l'adoption de dispositions adéquates en matière de règles d'origine (introduction des règles de cumul d’origine), de certification, de protection des droits de propriété intellectuelle, industrielle et de concurrence ; - la poursuite et le développement des politiques fondées sur les principes de l'économie de marché et de l'intégration de leurs économies en tenant compte de leurs besoins et niveaux de développement respectifs ; - l'ajustement et la modernisation des structures économiques et sociales, la priorité étant accordée à la promotion et au développement du secteur privé, à la mise à niveau du secteur productif et à la mise en place d'un cadre institutionnel et réglementaire approprié pour une économie de marché ; - la promotion des mécanismes visant à développer les transferts de technologie. 2- L'intensification de la coopération et de la concertation économiques entre l'UE et les PSEM porte prioritairement sur un certain nombre de domaines importants : - L'investissement et l'épargne privée: Il s'agit pour les PSEM d'éliminer progressivement les obstacles aux investissements étrangers directs et de stimuler l'épargne interne afin de soutenir le développement économique. L'instauration d'un environnement favorable aux investissements pourra, selon la Déclaration, conduire aux transferts des technologies et augmenter la production et les exportations. Le programme de travail prévoit une réflexion sur l'identification de ces obstacles à l'investissement et des moyens, y compris dans le secteur bancaire, pour favoriser ces investissements; - La coopération régionale en tant que facteur clé pour faciliter la création d'une ZLE ; - La coopération industrielle et l'aide aux petites et moyennes entreprises (PME) ; - Le renforcement de la coopération environnementale ; - La promotion du rôle des femmes dans le développement ; - La création d'instruments communs en matière de conservation et de gestion rationnelle des ressources halieutiques ; - Le développement du dialogue et de la coopération en matière énergétique ; 1 La Commission Européenne, «Evaluation du règlement du conseil N° 2698/2000 (MEDA II) et de sa mise en œuvre», Rapport final Volume I, DRN-ADE-PARTICIP-DIE-ODI-EIAS-ICE, Evaluation pour la Commission Européenne, Juin 2009, p. 11-12. 195 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE - Le développement de la coopération concernant la gestion des ressources en eau ; - La modernisation et la restructuration de l'agriculture. Le libre-échange euro-méditerranéen maintien des restrictions commerciales dans le domaine agricole ce qui est paradoxale dans le sens ou le libre-échange euro-méditerranéen est basé sur l’intensification des échanges. Quant aux services, il est prévu leur libéralisation, mais de façon progressive et lente. c. Le partenariat social, culturel et humain. Ce partenariat est fondé d'une part sur l'existence, la reconnaissance et le respect mutuel des traditions, cultures et civilisations diverses de part et d'autre de la Méditerranée, et d'autre part, sur la mise en valeur de racines communes. A cet égard, la déclaration de Barcelone et son programme de travail mettent l'accent sur1: - l'importance du dialogue interculturel et interreligieux ; - l'importance du rôle des médias pour la reconnaissance et la compréhension réciproque des cultures ; - le développement des ressources humaines dans le domaine culturel : échanges culturels, apprentissage des langues, mise en œuvre de programmes éducatifs et culturels respectueux des identités culturelles ; - l'importance du domaine de la santé et du développement social ainsi que du respect des droits sociaux fondamentaux ; - la nécessité de la participation de la société civile au partenariat euro-méditerranéen et le renforcement des instruments de la coopération décentralisée afin de favoriser les échanges entre les différents acteurs du développement ; - la coopération dans le domaine de l'immigration clandestine, de la lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue, la criminalité internationale et la corruption. Autrement dit, l'accord euro-méditerranéen instaure 2: - Un dialogue politique régulier qui vise à consolider la paix, la sécurité dans la région ainsi que la consolidation de l’État de droit et la bonne gouvernance ; -Un appui à la politique de libéralisation et de développement des économies des pays de la région Sud de la méditerranée, en apportant un soutien à la transition économique et au développement du secteur privé. - Une mise en place, d’une zone de libre-échange en conformité avec les règles de l’OMC ce qui permettra la libre circulation des marchandises et services. Ces accords prévoient des suppressions progressive des taxes entre les pays de la région Sud de la méditerranée et l’UE pour arriver à une 1 La Commission Européenne, «Evaluation du règlement du conseil N° 2698/2000 (MEDA II) et de sa mise en œuvre», Op.cit., p. 13-14. 2 Maurizio Carbone, «The European Union and International Development: The politics of foreign aid», UACES contemporary European studies series, First published, Routledge and Taylor & Francis Group, London, 2007, p 154. 196 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE zone de libre-échange prévue à partir de 2010. L’instauration de la zone avait été reportée à 2020 sur demande de l’Algérie. - Une coopération culturelle qui veut développer une meilleure connaissance et compréhension des cultures et civilisations grâce à un dialogue interculturel ; - Une coopération régionale et sous-régionale qui favorise les échanges et les contacts Nord-Sud et Sud-Nord (intégration verticale) mais également Sud-Sud (intégration horizontale), notamment en encourageant l’intégration maghrébine et en favorisant les échanges et la coopération au sein de l’ensemble maghrébin et entre celui-ci et l’Union européenne et ses États membres. Ce qu'on peut remarquer dans les accords de 3eme génération conclus entre les pays de la région Sud de la méditerranée et l'UE est que le Processus de Barcelone va au-delà des relations simplement économiques et commerciales pour englober et intégrer la dimension politique, sociale et culturelle ainsi qu’une véritable coopération régionale et multilatérale. L’objectif est de faire de la Méditerranée une zone de paix, de stabilité et de prospérité partagée, ainsi que de développer les échanges culturels et humains entre les peuples. Pour mettre en place cette nouvelle politique, des Accords d’association ont été ainsi signés entre l’Union européenne et la majorité des pays de la région Sud et Est de la méditerranée. À ce stade-là, un pays du Maghreb s’attend visiblement, en souscrivant à un accord euroméditerranéen, à bénéficier d’avantages économiques. Ceux-ci découleront à priori de l’abaissement ou de la suppression des obstacles nationaux aux échanges et de la garantie d’un accès permanent et sans entraves au marché de l’UE. De plus, ce pays peut tabler sur un accroissement de l’investissement intérieur et des flux d’IDE, notamment en provenance de ses grands partenaires commerciaux européens, puisqu’il offrira un cadre plus favorable aux investisseurs via l’ancrage de ses réformes. Si tout se passe bien, il pourra entrer dans un cercle de croissance vertueux, dans lequel la formation de capital et la productivité augmenteront grâce aux retombées, en termes de savoir, de ses relations commerciales et financières avec ses partenaires de l’UE, économiquement plus avancés. Les transferts de revenu et d’aide technique opérés par l’UE peuvent en outre contribuer à ce processus. 2.3- La nature multilatérale et bilatérale du Partenariat euro-méditerranéen. a. Le cadre multilatéral: renforcement du dialogue sur les politiques macroéconomiques. Dans le processus de Barcelone un cadre de négociation multilatéral intergouvernemental et interparlementaire a été établi entre les pays de la région méditerranéenne. Les rencontres ont lieu à plusieurs niveaux1 : - des réunions ministérielles sectorielles qui lancent, dans chaque domaine (affaires étrangères, commerce, industrie, agriculture, finances, énergie…), des coopérations concrètes et préparent des initiatives communes. On compte une vingtaine de réunions depuis l’origine du processus euroméditerranéen ; 1 Magnan-Marionnet F., P. Contamine et P. Bonzom, «Le partenariat économique et financier euro-méditerranéen», Bulletin de la Banque de France, N° 168, Décembre 2007, p. 37. 197 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE - le comité Euromed, réunissant, environ tous les deux mois, les hauts fonctionnaires de l’ensemble des pays partenaires et de la Commission européenne ; il est chargé d’assurer la coordination du partenariat et la cohérence des activités dans tous les volets de coopération. Par ailleurs, le processus de Barcelone a abouti à la création, en 2004, de l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne. Elle s’est réunie trois fois en session plénière. Elle regroupe 240 parlementaires (120 parlementaires méditerranéens, 75 membres des parlements nationaux et 45 représentants du Parlement européen). L’Assemblée a un pouvoir consultatif et de recommandation. Le dialogue Nord-Sud amorcé depuis 1995 demeure balbutiant. En particulier, la fréquence des réunions ministérielles sectorielles, des réunions du comité Euromed ou de l’Assemblée euroméditerranéenne demeure faible au regard du champ du partenariat. Enfin, la gestion pratique du partenariat incombe essentiellement à la seule Commission européenne (préparation de rapports sur les PPM, programmation pluriannuelle, élaboration de plans d’action, financement et contrôle). b. Le cadre Bilatéral: Les AA signés entre les pays du Maghreb et l’UE. b.1- Des accords avec structure et contenu semblables. Les AA constituent l’élément central du Partenariat euro-méditerranéen. Ces AA remplacent les accords de coopération conclus dans les années 70 et les accords d’adaptation, signés à partir de 1988, afin d’atténuer pour les pays maghrébins l’érosion de préférence due au processus d’élargissement de la CEE (l’entrée de l’Espagne et du Portugal dans la CEE). Le régionalisme bilatéral est la voie adoptée pour la mise en œuvre des accords euroméditerranéens. En effet, ces Accords d’Association engagent, d’une part, chaque État méditerranéen du Sud et de l’autre, les Communautés européennes et leurs États membres. Une voie alternative aurait consisté à signer un accord global instituant une même zone économique entre tous les pays membres. Le choix bilatéral permet une approche pragmatique, en adaptant le contenu de chaque accord au pays partenaire et en progressant au rythme de chaque pays. Il entraîne aussi un effet dynamique de domino: le risque de marginalisation augmente pour un pays non-membre au fur et à mesure que progresse l’intégration régionale, et il est lui-même d’autant plus incité à signer un accord1. Les AA euro-méditerranéens entre l’Union européenne et les pays tiers méditerranéens ont été conçus pour être quasiment semblables d’un pays à l’autre. Leur structure comme leur contenu est similaire, même si l’on trouve quelques variations en raison des spécificités des différents pays associés et de leur relation avec la Communauté. Le contenu de l’accord avec Israël diffère des autres, en raison de son niveau de développement. Autre cas particulier, l’Autorité palestinienne a signé un accord intérimaire, en raison de son statut singulier dans le processus de paix. 1 OCDE, « Intégration régionale et réformes intérieures en Méditerranée», Sébastien Dessus et Akiko Suwa (Dirs.), Études du Centre de Développement, Éditions OCDE, Paris, 2000, p. 19-20. 198 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Ces accords sont définis par l’ex-article 3101 TCE (l’actuel article 217 de TFUE) de l'UE2, qui autorise ce dernier à développer des accords non seulement par l’utilisation de mécanismes de coopération multilatérale, mais également par la voie bilatérale comme la conclusion des accords d’association entre l'Union européenne et les pays du bassin méditerranéen. Ainsi, les anciens accords de coopération signés à la fin des années 1970 n’ont pas été abolis, mais remplacés par des nouveaux accords adaptés à la nouvelle politique méditerranéenne. De nouveaux AA dits «euro-méditerranéens» ont, jusqu’à présent, été conclus avec la Tunisie (1995), Israël (1995), le Maroc (1996), la Jordanie (1997), l’Égypte (1999), l’Algérie (2001) et le Liban (2002). Pour l’essentiel, les accords euro-méditerranéens s’efforcent non seulement d’établir une zone de libre-échange mais aussi de créer un cadre approprié pour une coopération politique dans différents domaines. Des coopérations sectorielles devraient faciliter et accompagner la réalisation de ces deux objectifs. Pour entrer en vigueur, les AA doivent être ratifiés par le Parlement européen, par le Parlement du pays partenaire et par les Parlements des vingt-cinq États membres de l’UE. Ces accords d'association ont subi plusieurs obstacles dès le début de leur existence dont, le retard pris dans la signature, la ratification et la notification par l'OMC de ces accords d’association avec tous les pays du Maghreb; un retard tel que deux (02) ans et huit (08) mois séparent la signature du premier accord avec la Tunisie et il a pris sept (07) mois pour qu'il soit notifié par l'OMC; en outre, Deux à cinq année peuvent séparer la signature d'un accord à un autre accord (l'accords signé avec la Tunisie en 1998 après deux ans avec le Maroc et après cinq ans avec l'Algérie). Tableau III-06 : Les accords d’association euro-maghrébins en vigueur. Pays début des négociations Conclusion de l’accord Signature de l’accord entrée en vigueur Couverture de l’accord Type d’accord Notification Date de notification Tunisie décembre 1994 juin 1995 17/07/1995 01/03/1998 Marchandises ALE Article XXIV 05/01/1999 Maroc décembre 1993 novembre 1995 février 1996 01/03/2000 Marchandises ALE Article XXIV 13/10/2000 Algérie juin 1997 décembre 2001 avril 2002 01/09/2005 Marchandises ALE Article XXIV 24/07/2006 Source: Eurostat, OMC. Les engagements pris au titre des accords d'association sont appliqués dans le cadre de deux instances créées pour chaque AA. Un Conseil d'association organisé au niveau ministériel prend les décisions et formule des recommandations afin de réaliser les objectifs fixés, tandis qu'un Comité d'association, qui regroupe des hauts fonctionnaires, gère l'accord et règle les différends en ce qui concerne son application et son interprétation. 1 «Art 310. La Communauté peut conclure avec un ou plusieurs Etats ou organisations internationales des accords créant une association caractérisée par des droits et obligations réciproques, des actions en commun et des procédures particulières». 2 Lendita Memeti-Kamberi, «L'Etat candidat à l'Union européenne», édition l’Harmattan, paris, 2012, p. 332. 199 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Des sous-comités par secteur, qui impliquent la plupart des DG techniques de la Commission, assurent le suivi de la mise en œuvre de l'AA. Cet ensemble de réunions officielles périodiques à différents niveaux encadre et complète la coopération financière. Figure III-02: Cadre institutionnel de la coopération régionale et bilatérale dans le processus de Barcelone. Source: La Commission Européenne, «Evaluation du règlement du conseil N° 2698/2000 (MEDA II) et de sa mise en œuvre», Rapport final Volume I, DRN-ADE-PARTICIP-DIE-ODI-EIAS-ICE, Evaluation pour la Commission Européenne, Juin 2009, p. 14. b.2- L’AA entre la Tunisie et l’Union européenne. Le 17 juillet 1995, L’AA euro-méditerranéen entre la Tunisie et l’UE et ses États membres a été signé. Cet accord s’inscrit d’abord dans le processus politique de la Conférence de Barcelone ainsi que dans le processus de libéralisation du commerce extérieur tunisien entamé depuis la fin des années 1980 avec le programme d‘ajustement structurel (à partir de 1986) et l’adhésion de la Tunisie au GATT (depuis juillet 1990). Parmi les pays sud-méditerranéens engagés dans le processus de Barcelone, elle fut la première à le faire et il a commencé à être appliqué en 1996 dans son composant démantèlement tarifaire et est officiellement entré en vigueur le 1er mars 1998. Il est entendu que ce projet va se réaliser progressivement selon un calendrier étalé sur douze ans pour l’élimination des droits de douane sur les importations de produits industriels en provenance de l’Europe, le démantèlement tarifaire sera achevé en 2008. Les produits industriels d’origine tunisienne étant déjà admis dans l’UE en franchise de droits de douane en vertu de l’accord de coopération de 1976, la véritable implication du nouvel accord concerne le rythme du 200 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE démantèlement tarifaire retenu par la partie tunisienne varie suivant le type de biens industriels, basées sur des listes de produits bien définies et annexées à l’AA. Les barrières douanières sur les produits industriels, notamment sous forme de matières premières ou d’équipements, qui ne figurent sur aucune liste ont été supprimées dès le début, ces types de produits étant divisés en quatre listes (voir l’Annexe 5): - liste 1: matières premières et équipements non fabriqués localement, pour lesquels le démantèlement est immédiat; - liste 2: produits finis non fabriqués localement, pour lesquels le démantèlement se fait graduellement sur quatre ans; - liste 3: produits finis fabriqués localement susceptibles de supporter la concurrence étrangère, pour lesquels le démantèlement se fait graduellement sur douze ans; - liste 4: produits fabriqués localement qui ne sont pas à même de supporter la concurrence extérieure, pour lesquels le démantèlement se fait graduellement sur huit ans après une période de grâce de quatre ans. Actuellement, les produits de la liste 1 et 2 importés des pays de l’UE ne sont plus soumis à un quelconque droit de douane alors que ceux des listes 3 et 4 sont admis avec un taux de droits représentant respectivement 28% et 44% des taux en vigueur en 1995. Quant aux produits agricoles et aux services, l’accord confirme qu’ils fassent l’objet de négociations ultérieures à partir de 2001. A l’heure actuelle, les négociations relatives à l’extension de la ZLE aux produits agricoles et aux services en sont encore à un stade plutôt préliminaire 1. Par conséquent, la Tunisie profite désormais, d’un meilleur accès au marché de l’UE pour de nombreux produits, grâce à une augmentation de son quota annuel destiné au marché européen pour de nombreux produits agricoles (tels que l’huile d’olive, les fleurs coupées, le concentré de tomates et les oranges). De l’autre côté, l’UE a obtenu un meilleur accès pour les huiles végétales et de blé dans le cadre des quotas préférentiels fixés par la Tunisie dans le cadre de ses engagements dans l’accord du GATT. La poursuite de la libéralisation des échanges agricoles est en cours de négociation dans le contexte des tables rondes de l’OMC de Doha2. L’accord couvre également le droit d’établissement, la libéralisation des services et la mise en œuvre des moyens efficaces de protection des droits de la propriété intellectuelle et commerciale. Concernant les échanges dans le domaine des services, les engagements en vertu de l’accord de libre-échange avec l’Union européenne vont de pair avec les engagements multilatéraux en vertu de l’accord du GATS. b.3- L’AA entre le Maroc et l’Union européenne. L’AA entre le Maroc et l’UE a été signé à Bruxelles le 26 février 1996 et, à la suite de sa ratification par les Parlements des 15 pays membres de l’UE, est entré en vigueur le 1 er mars 2000. Cet accord prévoit l’élimination progressive sur une période de douze ans des droits de douane sur les importations de produits industriels en provenance de l’Europe, le démantèlement sera achevé 1 Mongi Boughzala, «La zone de libre-échange Tunisie-Union européenne quatorze ans après», rapport Med.2010, 2010, p. 249. 2 Rahmouni Oubeid, «Investissement direct et sous-traitance internationale dans les pays du Sud: Le cas de la Tunisie», thèse de doctorat en Sciences Economiques, Universite Paris-Est-Creteil, soutnue le 20-07-2011, p. 183-184. 201 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE en 2012. Le rythme du démantèlement tarifaire retenu par la partie marocaine varie suivant le type de biens industriels, ces derniers étant divisés en trois catégories (voir l’Annexe 5) : - catégorie 1: biens d'équipements et matières premières, où le démantèlement est immédiat ; - catégorie 2: produits intermédiaires et produits finis non fabriqués localement, pour lesquels le démantèlement se fait graduellement sur quatre ans ; - catégorie 3: produits fabriqués localement, pour lesquels le démantèlement se fait graduellement sur neuf ans après une période de grâce de trois ans. A la veille de la mise en place du démantèlement tarifaire, les produits de la catégorie 1 importés de l’UE correspondaient à 9% des importations marocaines totales de produits industriels, ceux de la catégorie 2 en représentaient 16% et ceux de la catégorie 3 34%, les 40% restant étant des importations en provenance de pays non-membres de l’Union européenne. Le démantèlement est à présent complètement achevé sur les catégories, 1 et 2 alors que les produits de la catégorie 3 sont admis avec un taux de droits de douane équivalent à 80% de celui en vigueur à la mise en place de l’accord d’association (voir l’ANNEXE 5). L’accord d’association prévoyait une clause de rendez-vous pour poursuivre les négociations sur les produits agricoles. Ces dernières ont repris en 2002 et abouti fin 2003. L’accord sur la libéralisation des produits agricoles est entré en vigueur le 1er janvier 2004. Il prévoit également une libéralisation du commerce agricole réciproque qui comprend des fruits, des légumes, de la viande et des fleurs, avec l’ouverture de nouvelles possibilités pour les exportations marocaines de tomates vers l’UE. Mais les exportations du Maroc vers l’UE demeurent régies par un système de contingents tarifaires préférentiels : des quantités limitées de produits à certaines saisons sont exonérées de droits de douane et bénéficient en outre de prix d’entrée préférentiels pour le calcul des équivalents tarifaires qui s’appliquent en vertu du régime commun résultant de la consolidation des positions européennes au GATT. Symétriquement, les produits agricoles originaires de l’UE bénéficient sur le marché marocain d’un accès privilégié, même si le marché marocain demeure très protégé. Pour les produits agro-industriels, le démantèlement tarifaire s’applique sur l’élément industriel du produit fini, alors que le droit de douane sur l’élément agricole demeure inchangé. b.4- L’AA entre l’Algérie et l’Union européenne. Bien qu’intervenu plus tard que les deux précédents, l’AA entre l’Algérie et l’UE est aussi une étape importante vers l’ouverture de l’Europe au Maghreb. Les relations de l’UE avec l’Algérie ont été ralenties du fait de la situation interne de l’Algérie (mobilisation de tout le pays contre la menace terroriste) qui a sévi dans ce pays maghrébin pendant toute la décennie 1990. Aussi la signature de l’AA a-t-elle été bien tardive. La coopération avec l’UE ne reprendra véritablement qu’à partir de la fin 1998 avec le retour à une plus grande sécurité et à la reprise des activités de la Délégation de la Commission européenne à Alger. Mais l’Algérie a été présente et active dans toutes les conférences et rencontres au sommet du processus de Barcelone. Les négociations de l’AA, entamées en mars 1997, reprennent effectivement en avril 2000. Cet accord a été paraphé le 19 décembre 2001 et sa signature intervient le 22 avril 2002, lors de la 5ème 202 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Conférence ministérielle euro-méditerranéenne de Valence (Espagne). Il est entré en vigueur en 1er septembre 20051. Il vient donc remplacer l’accord de coopération entre l’Algérie et les communautés européennes signé en avril 1976. Dans son volet commercial, il prévoit la réalisation d’une ZLE entre l’Algérie et la CE. Il insuffle un nouvel esprit et soutient cette nouvelle approche, il ne s’agit plus d’aide au développement mais de partenariat, c’est-à-dire des rapports basés sur des relations d’égal à égal. Pour les produits industriels, le démantèlement tarifaire s’effectuera en trois étapes 2: - La première étape concerne le démantèlement immédiat d’une liste de produits, dès l’entrée en vigueur de l’Accord et concerne les produits bruts et les demi-produits (assujettis aux droits de douane de 5 et de 15%), soit 2075 lignes; - La deuxième étape concerne le démantèlement d’une liste de produits sur une période de cinq années à partir de la 3ème année de l’entrée en vigueur de l’Accord et porte sur les biens d’équipements agricoles et industriels, ainsi que sur les produits du groupe d’utilisation « énergie et lubrifiants » (assujettis aux droits de douane de 5 et 15 %), soit 1100 lignes tarifaires ; - La troisième étape concerne le démantèlement du reste des produits inscrits au tarif douanier (produits finis), soit 1964 lignes tarifaires, sur une période de dix années à partir de la 3ème année de l’entrée en vigueur de l’Accord. L’Accord d’association Algérie-UE prévoit initialement, en effet, un calendrier pour un démantèlement tarifaire progressif s’étalant sur une période transitoire de 12 ans jusqu’à l’année 2017 (voir l’Annexe 5). Mais afin de préparer les entreprises algériennes pour la concurrence des produits européenne, et sur la demande de l’Algérie le démantèlement tarifaire dans le cadre de l'AA a été reporté à 2020 au lieu de 2017 pour accorder des périodes supplémentaires pour le gel ou le rétablissement total ou partiels des droits de douane pour les produits industriels jugés sensibles. «Cette protection supplémentaire de la production nationale algérienne donne une marge de préférence aux entreprises Algérienne et constitue un instrument intégré dans les politiques de développement industrielle avec l’objectif de rendre les entreprises algériennes compétitives à terme et favoriser le partenariat industriel avec l’UE»3. 2.4- Les règles d'origine dans les AA euro-maghrébins. On a vu dans le chapitre précédent que les règles d’origine sont une partie intégrante et importante des accords de commerce et l’un des principaux instruments de politique commerciale encore disponibles après les efforts déployés par l’OMC pour abolir progressivement les barrières tarifaires et non tarifaires. Dans le Partenariat Euromed, la notion de « produits originaires » est commune dans tous les AA euro-méditerranéens prévoit en effet qu’un accès préférentiel au marché sera garanti uniquement aux marchandises provenant des territoires respectifs. Le statut « originaire » s’étend à des produits entièrement obtenus (c’est-à-dire entièrement fabriqués avec des matières premières 1 Site web de la Ministère du commerce de l’Algérie. http//www.mincommerce.gov.dz/?mincom=sommaireEU1, (consulté le 25 novembre 2012). 2 Données collectées à partir de site de ministère du commerce algérien : http://www.mincommerce.gov.dz/Guide/presentation/index.htm (consulté le 08 décembre 2012). 3 Ibidem. 203 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE produites ou cultivées localement) et à des produits dont la composante « non originaire » a subi « une fabrication ou une ouvraison suffisante». Par exemple, les règles d’origine permettent d’éviter que les exportateurs des trois pays du Maghreb achètent des produits dans un troisième pays qui ne bénéficie pas de préférences commerciales avec l’UE, puis réexportent ce produit directement vers le marché européen en bénéficiant des réductions tarifaires. Ceci revient donc à dire que les préférences tarifaires ne sont accordées qu’aux produits qui ont la nationalité économique (sont originaires) de l’un ou l’autre des pays signataires, et non pas aux produits issus de pays tiers. Les règles d’origine spécifient les quantités de matière et les procédés de transformation nécessaires pour conférer une origine aux produits Algérien. Ainsi, un nombre plus restreint de produits sont soumis au principe du changement de position tarifaire, et quelques-uns au principe de la valeur ajoutée. De tous les AA euro-méditerranéens, seul l’accord UE-Tunisie contient de manière spécifique l’option générale consistant à utiliser le critère de changement de position tarifaire (Protocole 4, article 7.1), mais cet accord précise cependant (dans l’article 7.2) que cette option ne s’applique pas aux marchandises mentionnées dans l’annexe II. La plupart des marchandises sont répertoriées dans cette annexe. Pour éviter les pratiques spéculatives, il faut prouver l’origine des marchandises auxquelles s’appliquent les concessions tarifaires de chaque pays maghrébins, c’est le principe de la règle d’origine qui est à la base de la formation des ensembles économiques. Une marchandise donnée est considérée d’origine de l’un des pays du Maghreb dans les cas suivants : • Si elle a été produite en totalité sur son territoire (l’Algérie, le Maroc et la Tunisie). Cette clause s’applique à une longue liste de produits dont les produits minéraux, les produits du règne animal, les animaux vivants, produits provenant d’animaux vivants. • Si elle n’y a pas été produite, mais y a subi une ouvraison suffisante, situation qui se réalise lorsque le produit obtenu est classé dans une position (à 4 chiffres) différente de celle de la matière première utilisée. Tableau III-07: Modalités de cumul dans les AA euro-méditerranéens. Pays Euromed Type de cumul Cumul bilatéral : oui Cumul diagonal: oui Cumul régional: non Cumul total : / Modalités Cumul diagonal avec: Suisse, Liechtenstein, Islande, Norvège, Andorre, Saint Martin, Turquie. Cumul diagonal avec pays Euromed (Algérie, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Syrie, Tunisie, Cisjordanie, bande de Gaza). Cumul total seulement entre Algérie, Maroc et Tunisie. Source: Libre-échange de l’UE et sécurité alimentaire des pays du Sud: contenu et flexibilité des accords de l’UE - CCFD-Terre Solidaire - mai 2010, p. 36. a. Le cumul bilatéral et diagonal de l’origine. Le processus de Barcelone était basé initialement sur le cumul bilatéral. Toutefois, selon Femise, ce type de cumul offre des avantages limités, principalement parce qu’il impose l’UE comme fournisseur des intrants et que l’Europe n’est pas le fournisseur le moins cher. D’où, le cumul diagonal semble être plus pertinent pour la zone Euromed. Dans ce cas, la qualification 204 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE d’intrants de n’importe quel point de la région Euromed pourrait être utilisée dans la production d’un produit final qui pourrait alors être exporté hors taxe vers l’UE. Actuellement, les règles d’origine ne sont pas toujours perçues comme un obstacle majeur aux exportations des pays du Maghreb vers l’UE. Cela dépend du pays et de l’industrie1. Certains AA euro-méditerranéens prévoient que jusqu’à 10 % de la valeur du prix départ usine du produit fini soit constituée de matières premières non originaires (dans le cadre de la règle de tolérance ou règle de minimis). Ceci ne s’applique pas aux chapitres 50 à 63 du système harmonisé (SH) qui couvrent le textile et les articles vestimentaires, bien que cette exception ne soit pas incluse dans les accords avec le Maroc, la Tunisie et l’Algérie. Cependant, là où des règles de valeur ajoutée spécifiques pour un produit donné exigent l’application d’un pourcentage différent, ces règles spécifiques priment sur la règle générale des 10 %. b. Le cumul total d’origine entre les pays du Maghreb. Les AA entre les pays du Maghreb et l’UE, sont également entendus sur un cumul supplémentaire. Chacun de ces accords prévoit une possibilité de cumul diagonal limité, dans le cadre duquel la Tunisie peut cumuler avec le Maroc et l’Algérie et vice versa. Cependant, ces marchandises doivent avoir subi une fabrication ou une ouvraison allant au-delà de ce qui est stipulé à l’article 8.1 des accords respectifs. L’article 8.1 du Protocole 4 répertorie les opérations considérées comme étant insuffisantes pour conférer aux produits le statut « originaire », qu’il y ait ou non changement de position tarifaire. Une série de mesures visant à faciliter le commerce, y compris la convergence de la législation sur les normes et l'évaluation de la conformité. Les AA des pays du Maghreb avec l’UE reconnaît, en outre, «l’origine maghrébine» puisqu’ils permettent, sous certaines conditions, de considérer comme d’origine un bien dont une partie de l’ouvraison a été réalisée en Algérie au Maroc ou en en Tunisie. C’est-à-dire, pour les règles d'origine, l'Algérie, le Maroc, la Tunisie peuvent appliquer le cumul global entre eux et le cumul diagonal avec les autres pays pan-européens2. Malheureusement, les pays du Maghreb n’ont tiré aucun bénéfice pratique de cette disposition. c. Le cumul pan-euro-méditerranéen d’origine. Dans le contexte des règles d’origine paneuropéennes, le cumul intégral ne s’exerce qu’entre les partenaires de l’Espace économique européen (EEE). C’est-à-dire à tous les pays méditerranéens ayant signé des accords ou des arrangements commerciaux préférentiels avec l’UE. Ce principe a été avalisé par les ministres du commerce de l’UE et des pays méditerranéens dans le courant de 2003, prévoit le remplacement des protocoles actuels sur les règles d’origine par un protocole «paneuro-méditerranéen ». Celui-ci devrait s’appliquer à la fois aux accords bilatéraux avec l’UE et aux accords entre les pays partenaires (l’existence de règles d’origine similaires entre les pays bénéficiaires étant une condition nécessaire à un cumul diagonal). Il est aussi applicable à la Tunisie, le Maroc et l’Algérie en vertu de certains protocoles. 1 Femise, «Rapport du Femise sur le partenariat Euro-méditerranéen 2010: Le Partenariat Euro-méditerranéen à la croisée des chemins», Femise, Novembre 2010, Marseille, 2010, p. 15. 2 Karray B., «Les Règles d'Origine dans l'espace économique Euro-Méditerranéen, The Rules of Origin in the EuroMediterranean economic space», In Euro-med integration and the 'ring of friends': the mediterranean's european challenge, VOL IV. European Documentation and Research Centre, 2003, p. 331-332. 205 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Les protocoles entre la CE et la Tunisie, le Maroc et l’Algérie prévoient aussi le cumul de l’ouvraison ou de la transformation. Tout comme dans l’EEE, il convient que toutes les ouvraisons ou transformations nécessaires pour conférer l’origine soient effectuées sur le produit non pas sur le territoire douanier d’un seul pays mais dans la zone formée par les territoires douaniers d’un groupe de pays, à savoir la CE, la Tunisie, le Maroc et l’Algérie1. Le Tableau III-08, ci-dessous, nous montre une petite comparaison entre les règles d’origine énoncées dans les AA euro-méditerranéens et celles contenues dans les divers ALE de l’UE. Tableau III-08 : Principaux caractéristiques des règles d’origine entre tous les ALE de l’UE. Source: Naumann, E., Trade Law Centre for Southern Africa (tralac) . 2005. Comparer les accords de libreéchange de l'UE - Règles d’origine. (ECDPM EnBref 6I). Maastricht : ECDPM. Document disponible sur le lien suivant : http://www.ecdpm.org/inbrief6ifr. 1 Commission européenne, «Manuel de l’utilisateur des règles d’origine préférentielle appliquées dans le commerce entre la Communauté européenne, d’autres pays européens et les pays participant au partenariat euroméditerranéen », document disponible sur le lien : http://ec.europa.eu/taxation_customs/resources/documents/customs/ customs_duties/rules_origin/preferential/handbook_fr.pdf (consulté le 16 décembre 2012). 206 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Le tableau III-08 montre que dans l’ensemble, il existe une grande similarité dans les dispositions des règles d’origine entre tous les ALE de l’UE et les régimes commerciaux préférentiels. Dans la plupart des cas, il y a peu de différences entre ces accords. Bien que, il y ait peu de différences entre les accords non réciproques et les accords réciproques, tous ces accords exigent par exemple l’utilisation de certificats de circulation EUR.1, ainsi que de déclarations d’origine sur facture pour les expéditions vers l’UE, afin de prouver le statut «originaire» des produits expédiés. Les certificats de circulation EUR1 sont délivrés par les autorités douanières du pays exportateur, lesquelles vérifient l’exactitude des informations qu’ils contiennent. Ces documents prouvent l’origine des matières premières utilisées et leur statut « originaire » doit en général être conservé pendant trois ans. Les principales différences entre les diverses règles d’origine concernent le cumul, les règles de tolérance et les dispositions anti-drawback, points sur lesquels les AA UE-pays du Maghreb sont les accords qui offrent dans l’ensemble un peu de degré de flexibilité. 2.5- La coopération financière et les programmes d’aides de l’UE en faveur des pays du Maghreb. Depuis l’expiration des protocoles de la quatrième génération, l’aide accordée aux pays du Maghreb n’est plus fixée par des accords bilatéraux. La Communauté et à travers le Règlement (CE) n° 1488/96 du Conseil du 23 juillet 1996 1 , procède à la mise en œuvre des mesures de coopération destinées à aider les pays du Maghreb à réformer leurs structures économiques et sociales et à atténuer les effets du développement économique sur le plan social et environnemental2. L’UE soutient financièrement le processus de Barcelone par deux canaux différents: le programme MEDA et les financements de la Banque Européenne d’Investissement (BEI). A ceuxci s’ajoutent les financements bilatéraux des Etats membres, notamment l’Allemagne et la France. D’autres bailleurs de fonds s’associent au financement de la modernisation des économies des PPM, principalement la Banque mondiale et la Banque Africaine de Développement (BAD)3. a. le programme MEDA I et II. Le programme MEDA (acronyme de «MEsures D’Ajustement») est donc le principal instrument financier du Partenariat Euro-Méditerranéen instauré lors de la Conférence de Barcelone de novembre 1995. MEDA fut initialement mis en place en 1996, modifié et renommé MEDA II en 2000 par décision (CE, n°2698/2000) du conseil du 27 novembre 2000, avant d’être finalement abrogé en 20064. 1 Règlement (CE) n° 1488/96 du Conseil du 23 juillet 1996 relatif à des mesures d'accompagnement financières et techniques (MEDA) à la réforme des structures économiques et sociales dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen JO L 189 du 30.7.1996. 2 http://europa.eu/legislation_summaries/external_relations/relations_with_third_countries/mediterranean_partner_ countries /r15006_fr.htm (consulté le 06 février 2013). 3 Levratto N., et Ramadan M., «Quelles Politiques d’investissement dans l’espace méditerranéen?», in, Paranque B., C. Grenier et N. Levratto, L’Euro-méditerranée: De l’espace géographique aux modes de coordination socioéconomiques, Editions l’Harmattan, Paris, 2007, p. 91. 4 http://www.medea.be/fr/themes/cooperation-euro-mediterraneenne/programme-meda/ (consulté le 06/02/2013). 207 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Le programme MEDA a deux vocations distinctes et complémentaires1 : - appuyer les activités et les projets inscrits dans les Programmes Indicatifs Nationaux (PIN) qui concernent 9 des 12 partenaires dont les pays du Maghreb et représentent 90% du programme MEDA. En effet, Chypre et Malte, en tant que candidats en pré-adhésion à l’UE, sont financées hors MEDA tandis qu’Israël n’est pas éligible à un PIN en raison de son niveau de développement élevé. - appuyer les activités et les projets engagés par les PSEM au plan régional. Dans le cadre du Programme Indicatif Régional MEDA, les 12 PTM sont éligibles dont les pays du Maghreb. Le programme MEDA apporte une aide financière aux pays méditerranéens afin de soutenir les réformes économiques et sociales entreprises par les pays du Sud de la Méditerranée dans le cadre de processus de Barcelone. de soutenir les programmes d’ajustement structurel ; de renforcer l’équilibre socio-économique; de promouvoir la coopération régionale Nord-Sud et Sud-Sud dans les domaines suivants: l’environnement, le développement des entreprises méditerranéennes, les transports, l’énergie et les télécommunications; d’encourager la coopération décentralisée entre les autorités locales dans le cadre de divers programmes (entre les villes avec MED-URBS, entre les universités avec MED-CAMPUS, entre les médias avec MED-MEDIA, entre les PME avec MEDInvest, avec MED-Migrations); de promouvoir la démocratie et le respect des Droits de l’homme 2. Les financements de MEDA prennent notamment la forme de dons, sur une période de quatre ans. Elle a principalement porté sur cinq domaines 3: - d'aides non remboursables gérées par la Commission européenne et utilisées pour financer ou cofinancer des activités, projet ou programmes contribuant aux objectifs du programme MEDA; - de capitaux à risque accordés et gérés par la Banque européenne d'investissement (BEI) pour renforcer le secteur privé notamment le secteur financier; - de bonifications d'intérêt pour les prêts de la BEI dans le cadre de la coopération dans le domaine de l'environnement, le taux de bonification ne dépassant pas les 3%. Pour la période 1995-99, l’enveloppe financière du règlement MEDA a été fixée par le Sommet européen de Cannes en juin 1995. Et en juillet 1996 le programme MEDA I a été finalement adopté par le Conseil des Ministres. Ce règlement financier représentait 75% de la dotation financière totale du Partenariat euro-méditerranéen destiné à couvrir la période 1996-1999 (3 425,5 millions d’euros sur les 4 685 millions d’euros prévus)4. 1 Costesec C., F. Lerin, «Les relations institutionnelles entre l’Union européenne et la zone méditerranéenne», in Jacquet F, F. Lerin (Dir.), Libre-échange, agriculture et environnement: L'Euro-Méditerranée et le développement rural durable: état des lieux et perspectives, CIHEAM, Options Méditerranéennes: Série A. Séminaires Méditerranéens; n° 52, 2003, Montpellier, p. 211-235. 2 Edina Soldo et Emmanuelle Moustier, «La coopération décentralisée : un élan pour le développement culturel durable dans l’espace euro-méditerranéen», Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 1, n° 1 | Mai 2010, mis en ligne le 07 mai 2010, consulté le 20 novembre 2012. URL: http//developpementdurable.revues.org/8389, p. 05. 3 http://europa.eu/legislation_summaries/external_relations/relations_with_third_countries/mediterranean_partner _countries/r15006_fr.htm (consulté le 06 février 2013). 4 Institut de la Méditerranée, «MEDA & Le Fonctionnement du Partenariat Euro-méditerranéen», Ateliers Méditerranéens Interrégionaux, Institut de la Méditerranée, Marseille, juin 2000, p. 11. 208 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE A l’échéance du programme MEDA 1995-99, une année s’est avérée nécessaire pour permettre à l’UE de s’accorder sur un nouveau programme MEDA II, prévu pour une durée de 7 ans. Les discussions, difficiles, ont porté, d’une part, sur les conditions de la mise en œuvre de l’instrument financier et, d’autre part, sur l’effort financier qui serait consenti par les Quinze. Le premier point avait pour enjeu l’efficacité -très discutée- des procédures, le second, la priorité politique reconnue à la Méditerranée. Le programme MEDA a été remplacé en 2007, avec l’implémentation de l’IVEP (Instrument de Voisinage Européen et de Partenariat), dont le budget pour la période 2007-2013 atteindra les 12 milliards d’euros. b. les financements de la Banque Européenne d’Investissement (BEI). A la suite du processus de Barcelone, La Banque européenne d'investissement (BEI) a significativement accru son intervention dans la région, portant ses engagements vers les huit pays concernés d’une moyenne annuelle de 500 millions d’euros sur la période 1992-94 à une moyenne de 1032 millions d’euros sur 2000-2012. La BEI a par ailleurs lancé en octobre 2002 la Facilité euro-méditerranéenne pour l’investissement et le partenariat (FEMIP). Celle-ci a pour objet d’aider les PSEM à relever les défis de leur modernisation économique et sociale et à une meilleure intégration régionale. La FEMIP finance en priorité des projets réalisés par le secteur privé, qu’il s’agisse d’initiatives locales ou d’investissements étrangers directs. Plus récemment, la BEI a ouvert deux bureaux locaux en Tunisie et au Maroc1. Tableau III-09: Répartition de l’intervention de la BEI dans les pays méditerranéens par secteur et par pays (octobre 2002-décembre 2012) en millions d'euros. Energie Environnement Lignes de crédit Capital humain Industrie Transports Capitalaménagement investissement urbain Total Algérie 500 - - - 72 - 18 46 636 Maroc 990 166 - 300 604 1 389 57 85 3 591 Tunisie 882 81 656 110 420 923 4 56 3 132 2 288 70 100 - 511 490 58 45 3 562 45 - - - - - 15 - 60 111 592 89 - - - - - 792 90 166 40 81 63 9 - 449 - 175 423 - - 135 7 - 740 475 150 107 130 105 90 2 - 1 059 - - - - - - 193 - 193 5 381 1 400 1 375 580 1 793 3 090 362 232 14 213 Egypte GazaCisjordanie Israël Jordanie Liban Syrie Projet régionaux Total Source: BEI, "Rapport annuel 2010 de la FEMIP", Banque européenne d'investissement (BEI), mai 2011, p. 09. De 2002 à 2012, ce sont environ 14.2 milliards d’euros qui auront été dédiés par la BEI à des financements de projets au sud de la Méditerranée. Elle prévoit une enveloppe globale de 8.7 milliards d’euros. Pour la période 2007-2013, la FEMIP dispose de 9,7 milliards d’EUR pour soutenir des projets dans les neuf pays partenaires méditerranéens. S’y ajoutent 2 milliards d’euros 1 Conseil de l’Europ, «Documents de séance: Session ordinaire de 2007 (troisième partie) », Assemblée parlementaire, Volume VI (documents 11300-11339), 25-29 juin 2007, Editions du Conseil de l’Europ, Strasbourg Cedx, 2007, p. 31. 209 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE au titre du Mécanisme de partenariat euro-méditerranéen. Des autres ressources provenant du budget de l’UE pour les activités d’assistance technique et de capital-investissement. Deux milliards d’euros supplémentaires seront disponibles pour des activités visant à combattre les changements climatiques en dehors de l’UE. Tableau III-10: Apports financiers de la BEI sur la période 1979-2012 dans les pays du Maghreb. Pays Montant fournis Secteurs visés Algérie Maroc 2,1 milliards euros 5,6 milliards euros Tunisie 4,6 milliards euros l’appui des secteurs de l’énergie, de l’eau, du transport routier et de l’industrie. l’appui des secteurs d’Eau et environnement, Énergie, Industrie, Développement urbain, Capital humain, Transports et télécommunications, Lignes de crédit pour les PME, Capital-investissement. l’action de la BEI en Tunisie se répartit entre les secteurs suivants : les PME, Industrie, Transports, Énergie, Eau et environnement, Santé, Capitalinvestissement et l’Assistance technique. Début de financement 1980 1979 1978 Source: BEI - données disponible sur http://www.eib.europa.eu/infocentre/publications/all/index.htm. c. Le bilan des programmes MEDA I et II. Le bilan du Programme MEDA I et II doit être évalué à partir de données concernant les pays du Maghreb et du Mashrek. Ces derniers, à la différence de la Turquie et Israël, sont en effet pleinement éligibles aux aides bilatérales et régionales de MEDA 1. Le bilan du premier programme MEDA I, a suscité de nombreuses critiques suite aux faiblesses de son fonctionnement observés par l'ensemble des partenaires. Sur 3 425,5 millions d’euros, 26 % seulement de ces crédits ont fait l’objet de déboursements effectifs, et qui ont provoqué des retards d’engagements. De son côté, la Commission a proposé de modifier les modalités de fonctionnement de ce fond pour sa seconde période de mise en œuvre, MEDA II. Tableau III-11:Engagements et paiements MEDA pour la période 1995-1999 aux niveaux bilatéral et régional (en millions d'euros) Engagements 164 Algérie 656 Maroc 428 Tunisie 686 Egypte 254 Jordanie 182 Liban 99 Syrie 375 Turquie 111 Autorité palestinienne 480 Programmes régionaux* 3 435 Total Source: Commission européenne, nos calculs. Part (%) 4,77 19,09 12,45 19,97 7,39 5,29 0 10,91 3,23 13,97 100 Paiements 30 127 168 157 108 1 0 15 54 230 890 Part (%) 3,77 14,26 18,87 17,64 12,13 0,11 0 1,68 6,06 25,84 100 Paiements/Engagements 18,29 19,35 39,25 22,88 42,51 0,54 0 4 48,64 47,91 * : assistance technique comprise. Dans, Costesec C., F. Lerin, «Les relations institutionnelles entre l’Union européenne et la zone méditerranéenne», in Jacquet F, F. Lerin (Dir.), Libre-échange, agriculture et environnement: L'Euro-Méditerranée et le développement rural durable: état des lieux et perspectives, CIHEAM, Options Méditerranéennes: Série A. Séminaires Méditerranéens; n° 52, 2003, Montpellier, p. 211-235. 1 BEI, « Les financements de la FEMIP en Algérie », document disponible sur le lien : http://www.eib.org/attachments/ country/algeria_2013_fr.pdf. 210 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Ces statistiques peu valorisantes peuvent s’expliquer par l’existence de trois grands handicaps dans la programmation de MEDA: - un différentiel considérable entre l’aide engagée et les fonds payés ; Figure III-03: L’aide engagée et les fonds payés dans le programme MEDA I (1995 – 1999). Source: Commission européenne, « The Commission Communication on the 10th Anniversary of the Euromed Partnership », avril 2005. - le taux de décaissement pour la période 1995-1999 atteint à peine 53 %. - une marginalisation de la coopération régionale dans les subventions allouées (en moyenne 23 %), forcément nuisible au développement de la coopération Sud-Sud. Enfin, des lourdeurs technocratiques préjudiciables pour appliquer et mettre en œuvre rapidement les projets. La Tunisie est le premier pays lié à la CE par l’AA qui a bénéficié du programme MEDA. Percevant 428 millions d’euros au titre de MEDA1, ce dernier a connu une augmentation sensible par rapport aux anciens instruments financiers. La Tunisie et le Maroc ont été les principaux pays récepteurs des aides MEDA avec respectivement 40 %, et 20 % des fonds réglés pour la période 1995-99 en coopération bilatérale. A l’inverse, l’Algérie, avec 18 %, est peu affecté par le programme MEDA I. Pour la période 2000-2006, 5,1 milliards d’euros ont été mis à la disposition des pays partenaires après la mise en place de programme MEDA II. Dans les pays du Maghreb, le Maroc reste le principal bénéficiaire du programme MEDA II (19% - 982 m €), suivi, par ordre décroissant, par la Tunisie (10% - 517 M€) et l'Algérie (7% 339M€). Les programmes régionaux ont représenté 18% de la totalité de l'enveloppe MEDAII. 211 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Carte III-02: Répartition géographique des fonds MEDA II (2000-2006) part en % dans le total des engagements MEDA II Source: La Commission Européenne, «Evaluation du règlement du conseil N° 2698/2000 (MEDA II) et de sa mise en œuvre», Rapport final Volume I, DRN-ADE-PARTICIP-DIE-ODI-EIAS-ICE, Evaluation pour la Commission Européenne, Juin 2009, p. 03. Le tableau III-12, représente l'inventaire des interventions MEDA sur la période d'évaluation 2000-2006 couverte par le programme MEDA II, et indique les montants engagés par pays et secteur d'intervention : Tableau III-12: Engagements MEDA II par secteur d'intervention et par pays 2000-2006 (en millions d'euros) Réformes économiques Infrastructures Secteurs sociaux Autres Multi secteurs Gouvernance Dialogue politique Ressources naturelles Humanitaire Agriculture Algérie Maroc Tunisie Egypte Jordanie Liban Syrie Cisjordanie et bande de Gaza 50.0 282.8 279.1 180.0 205.0 46.0 65.0 87.0 422.4 46.3 181.7 7.0 23.0 34.0 127.0 100.5 148.0 141.0 72.0 5.0 75.0 0.6 0.8 0.7 11.8 5.8 0.7 3.8 48.2 102.7 23.5 25.0 7.0 8.0 2.0 10.0 20.0 20.0 25.0 35.0 12.0 0.0 5.0 52.8 0.0 10.0 0.0 0.0 0.0 0.0 0.0 0.0 0.0 0.0 28.0 0.0 11.0 0.0 0.0 18.0 0.0 10.0 0.0 338.8 982.0 517.5 592.5 331.8 132.7 179.8 420.1 3.7 80.0 11.1 0.0 7.5 0.0 0.0 0.0 179.8 Turquie (< 2002) Total aide bilatérale 150.0 1 678.1 305.5 1 983.6 106.6 116.0 151.9 0.0 0.0 0.0 27.0 0.0 551.7 911.6 864.5 187.2 216.4 129.5 67.8 55.0 39.0 4 149.1 169.8 118.7 173.8 21.2 44.8 45.0 24.0 1.5 904.4 1 081.5 983.2 360.9 237.6 174.3 112.8 79.0 40.5 5 053.5 Aide régionale Total Total Source : La Commission Européenne, «Evaluation du règlement du conseil N° 2698/2000 (MEDA II) et de sa mise en œuvre», Rapport final Volume I, DRN-ADE-PARTICIP-DIE-ODI-EIAS-ICE, Evaluation pour la Commission Européenne, Juin 2009, p. 22. 212 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE L’appui aux réformes économiques, y compris le développement du secteur privé et le commerce, a représenté 39% des engagements pour la période 2000-2006. Les secteurs des infrastructures et sociaux ont également bénéficié d'une part substantielle du total des fonds alloués (respectivement 21% et 19%). Suivent la gouvernance et la société civile ainsi que le dialogue politique avec respectivement 5% et 3% des engagements totaux. Les secteurs restants n'ont reçu qu'une aide minime. La distribution des engagements par secteur d'intervention est quasi similaire aux niveaux bilatéral et régional, sauf que les secteurs sociaux au niveau régional ont bénéficié d'une aide moins importante au profit d'autres secteurs d'intervention comme l'énergie, les télécommunications, l'environnement, la culture et l'information. Au Maroc, le secteur de l’Infrastructure a bénéficié de 422.4 M€ . En Tunisie, c’est L’appui aux réformes économiques qui a bénéficié plus de montants engagés 279.1 M€. Quan t à l’Algérie ce sont les Secteurs sociaux qui ont été le plus bénéficiaires avec 127.0 M€. Le règlement MEDA II qui vise surtout à simplifier la gestion des fonds MEDA et à accélérer les décaissements dont le taux reste encore faible, s’inscrit dans la continuité stratégique des objectifs définis à Barcelone. Toutefois, à la différence de MEDA I, il marque un progrès fondamental dans la mise en œuvre de la coopération euro-méditerranéenne: «Si l’on considère l’ensemble des PSEM et en tenant compte des activités de coopération régionale, le rapport entre le montant des paiements et le montant des engagements a plus que doublé en l’espace de 3 ans, passant de 29% pour MEDA I (1995-1999) à 77% pour MEDA II (2000-2005). Cette amélioration a été constante sous MEDA II avec un ratio paiements/engagements qui est passé de 56% en 2000 à 115% à la fin de 2004». Figure III-04: L’aide engagée et les fonds payés dans le programme MEDA I et II (1995-2004). Source: Commission européenne, « The Commission Communication on the 10th Anniversary of the Euromed Partnership », avril 2005. 213 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE 2.6- Les AA sont-ils conforment avec les règles de l’OMC ? L’objectif de l’accord de partenariat euro-méditerranéen est de mettre en place de nouveaux régimes commerciaux conforme avec les règles et les obligations juridiques du système multilatéral de l'OMC. Pour les AA des pays du Maghreb avec l’UE, cette condition de compatibilité avec les règles de l’OMC et l’article XXIV du GATT figure dans l’article 61 de chaque accord2. Les AA conclu entre l’UE et les pays du Maghreb à partir de 1995, c’est à dire quelques mois après la création de l’OMC, sont tous en vigueur et sont notifié par l’OMC (voir l’ANNEXE 4), ils reprennent un certain nombre de dispositions directement tirées des accords GATT/OMC. L’UE qui a été un acteur essentiel dans les négociations de l’Uruguay Round qu’elle a profondément influencé veille, ainsi, dans le cadre, et par le biais, de ses relations conventionnelles bilatérales avec les pays du Maghreb, à ce que ceux-ci appliquent les engagements auxquels elle a précédemment souscrit dans le cadre du GATT/OMC3. Les pays du Maghreb se trouvent ainsi tenues en vertu des engagements pris dans le cadre de l’OMC à respecter les obligations juridiques du système multilatéral, dans laquelle la Tunisie et le Maroc sont des pays membres et que l’Algérie se trouve dans l’obligation de respecter et de se conformer à leurs tour sans d’être même pas membre dans cette organisation (le statut observateur), puisque l’UE a introduit ces obligations dans le cadre de relations avec leurs principal partenaire commercial; l’UE assurant, de cette manière, une fonction de médiation entre l’OMC et ses partenaires. C’est pour cela que nous trouvons plusieurs dispositions qui ne font que confirmer les engagements déjà souscrits dans le cadre du GATT/OMC, relatif, par exemple, au dumping, à la libéralisation des services ou à la protection des droits de propriété intellectuelle, industrielle et commerciale. Néanmoins, l’’ensemble des dispositions inclus dans les AA entre les pays de Maghreb et l'UE est important: même si elles sont rédigées de façon moins précise que les dispositions sur le démantèlement tarifaire, elles enclenchent un processus d’intégration juridique et économique entre les pays du Maghreb et l’UE. Afin de réaliser l’ultime objectif des AA euro-méditerranéenne qui est la création, à l’horizon 2010 d’une vaste ZLE comprenant l'UE et l’ensemble des pays associés. Les différents AA euroméditerranéens visent pour cette entreprise ambitieuse, dans un premier temps, à libéraliser les échanges entre l'UE et les différents États associés4. 1 Article 6: La Communauté et l'Algérie/le Maroc/la Tunisie, établissent progressivement une zone de libre-échange pendant une période de transition de douze années au maximum à compter de la date d'entrée en vigueur du présent accord selon les modalités indiquées ci-après et en conformité avec les dispositions de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 et des autres accords multilatéraux sur le commerce de marchandises annexés à l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce (OMC), dénommés ci-après GATT. 2 Majza B., «Les accords de partenariat et l’OMC», In, Berramdane A. (Dir.), Le partenariat euro-méditerranéen: À l'heure du cinquième élargissement de l’Union européenne, Édition Karthala, Paris, 2005, p. 272. 3 Mahbouli Abderraouf, « L’adhésion de la Tunisie à l’OMC», article télécharger à partir de lien suivant : http://www.cedroma.usj.edu.lb/pdf/omc/Mahbouli.pdf (consulté le 27 janvier 2013). 4 Mekaoui A., «Partenariat économique euro-marocain: Une intégration régionale stratégique », Editions L'Harmattan, Paris, 2000, p. 29. 214 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE La mise en place de cette ZLE constitue la pierre angulaire économique de ce projet de partenariat. Cette ZLE porte prioritairement sur les biens manufacturés, mais mentionne la possibilité d’y intégrer les biens agricoles et les services 1. Si l'UE avait, dans le domaine des marchandises, déjà ouvert son marché aux produits industriels en provenance des pays associés lors de la conclusion des accords de coopération dans les accords de deuxième générations (années 1970), il n’en allait pas de même dans le sens inverse (sauf en ce qui concerne Israël). Les nouveaux AA euro-méditerranéens visent à établir un équilibre en éliminant les droits de douane et les taxes d’effet équivalent grevant les exportations communautaires vers ses partenaires méditerranéens. Toutefois, le démantèlement tarifaire se fera d’une manière progressive au cours d’une période de transition (en règle générale, de douze ans) afin de tenir compte de la situation économique de certains des partenaires. L’ouverture des marchés en ce qui concerne les produits agricoles et les produits de la pêche reste néanmoins limitée, les échanges étant subordonnés à l’octroi de concessions réciproques sur des produits concrets variant d’un pays partenaire à l’autre. La réalisation de la libre circulation de ces produits est donc pour l’essentiel renvoyée à un stade ultérieur de l’association. Une série de dispositions communes, applicables aux produits industriels, agricoles et de la pêche, interdit les taxes internes discriminatoires ainsi que toute restriction quantitative et mesure d’effet équivalent dans le commerce entre les parties. Toutefois, certaines restrictions peuvent être maintenues ou introduites pour des raisons d'ordre et de santé publique ainsi que sur la base de clauses de sauvegarde économiques et en cas de dumping2. - La réciprocité: Les AA des pays du Maghreb marquent un profond changement dans les relations commerciales entre l’UE et les pays du sud de la Méditerranée. En effet, les accords de coopération de 1976 étaient des accords préférentiels sans réciprocité, où la Communauté européenne supprimait immédiatement toute restriction à l’importation et droit de douane à l’égard des produits industriels originaires des pays du sud de la Méditerranée, ceux-ci pouvaient maintenir à l’égard de la Communauté les droits de douane et restrictions existants; leur seule obligation était d’appliquer à celle-ci la clause de la nation la plus favorisée. Le régime prévu par les accords euro-méditerranéens est radicalement différent, puisqu’il introduit le principe de réciprocité dans les concessions commerciales et prévoit l’établissement entre les deux parties d’une ZLE au terme d’une période de transition. Au terme de cette période les marchés sud-méditerranéens seront totalement ouverts aux exportations communautaires. Cette réciprocité est conforme avec l’article XXIV du GATT/OMC et correspond au choix des pays partenaires quant à l’ouverture de leur économie, ouverture que le libre-échange ne fait que traduire. - Une mise en place très progressive des AA (délai raisonnable): Le processus de signature des AA avec les trois pays du Maghreb, première étape du nouveau partenariat euro-méditerranéen qui est l’établissement de la ZLE entre les deux parties, n’a pas achevé rapidement après Barcelone. Car, leur établissement (la ZLE) s’effectuera au terme d’un processus relativement long: le libreéchange s’effectuera à travers une transition, évolution vers un objectif. La période de transition 1 Caupin V., « Libre-échange euro-méditerranéen: premier bilan au Maroc et en Tunisie», Agence Française de développement, Edition Magellan & Cie 2005, Paris, p. 11. 2 Hanf D. et P. Dengler, «Accords d’association», Research papers in law, Études Européennes Juridiques, 2004, p. 34. 215 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE prévue dans les AA euro-méditerranéens est de douze ans (voir ANNEXE 05 pour les pays du Maghreb). Ceci est dans la ligne de l’OMC (Article XXIV) qui prévoit que l’établissement de la ZLE peut s’accommoder d’un «délai raisonnable» et s’effectuer à l’issue d’une période de transition. Ce délai raisonnable ne doit dépasser 10 ans que dans des cas exceptionnels. (Nécessité de justifier ce délai à l’OMC). Si la période est trop longue l’objectif cesse d’être visible. - La flexibilité (compte tenu de la spécificité de chaque pays): La prise en compte de cette spécificité se heurte à des limites1: - Les cadres possibles pour des accords internationaux ne sont pas infinis. - L’OMC impose des contraintes en prohibant les accords préférentiels non réciproques. - En outre, la Déclaration de Barcelone fixe déjà elle-même un cadre bien précis pour les accords euro méditerranéens : celui du libre-échange. Difficile de faire du « sur-mesure». Cependant à l’intérieur de ces limites, une flexibilité est possible en ce qui concerne l’établissement pour les pays du Maghreb de la ZLE. Le calendrier de démantèlement est sensiblement différent. Flexibilité selon les rythmes, les calendriers, la répartition des produits dans les listes : a) La règle de principe est l’abolition des restrictions quantitatives équivalentes et des droits de douane et ainsi que des mesures d’effet équivalent dès l’entrée en vigueur de l’accord. Pour une liste de produits figurant en annexe de l’accord la libéralisation est différée à la fin de la période de transition. Il y a donc déjà une flexibilité entre la liste des produits libérés dès l’entrée en vigueur de l’accord et ceux pour lesquels cette libération est différée. b) Pour les produits pour lesquels le démantèlement tarifaire est différé, le rythme et la période de démantèlement peuvent être modulés : * Produits sensibles : trois ou cinq ans ou sept ans. * Produits très sensibles : 12 ans (voir 15 ans). - La différenciation: Le cadre prévu par les accords prévoit une modulation du libre-échange pour certains secteurs, notamment les produits agricoles transformés et les produits agricoles. a) Les produits agricoles transformés : Compte tenu de la spécificité du régime de protection douanière de ces produits (laquelle comporte dans la Communauté européenne un élément industriel et un élément agricole découlant de la PAC), les AA entre les pays du Maghreb et l’UE prévoient des dispositions particulières : * En ce qui concerne l’importation de produits agricoles transformés à partir des pays du Maghreb dans la Communauté, il est prévu que celle-ci peut maintenir l’élément agricole de protection. * En ce qui concerne l’importation de produits communautaires dans les pays du Maghreb, il leur est possible d’instaurer un régime analogue au régime communautaire et de séparer un élément agricole dans les droits qu’il applique à la Communauté. Cet élément peut, comme dans la Communauté, prendre la forme d’un montant fixe ou d’un droit ad valorem. 1 Armand Imbert, «Les Accords d’association Euro-méditerranéens: Etat de la situation», 13th Euro-Mediterranean Information & Training Seminar for Diplomats 15th - 18th November 2002, p. 02. 216 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE - pour les produits industriels : les droits de douane sont éliminés, selon la périodicité et les rythmes prévus par l’accord pour les produits industriels « stricto sensu ». - pour les produits agricoles, sa fixation fait l’objet de négociations entre les parties. b) Les produits agricoles et de la pêche : c'est une faute de penser que la ZLE concerne l’ensemble des produits, y compris les produits agricoles. Mais la libéralisation des échanges agricoles est progressive et une clause de rendez-vous pour une libéralisation ultérieure est fixée. Dès 1995, des concessions spécifiques réciproques ont été échangé entre les pays du Sud de la Méditerranée et la Communauté européenne pour : - L’amélioration du régime des accords de coopération de 1975 afin d'éliminer ou réduire les droits de douane à l’importation pour un certain nombre de produits. Pour certains de ces produits, les droits sont réduits dans la limite de contingents tarifaires, de quantités de référence ou de prix d’entrée. - La conformité avec le principe de réciprocité, exigé par l’OMC qui prévoit que des concessions sous forme de réduction de droits soient accordées aux produits agricoles originaires. - Adaptation: Les AA des pays du Maghreb comportent une série de dispositions destinées à faire face à des situations particulières1: a) Le calendrier de réduction tarifaire peut être modifié en cas de difficultés graves ou pour protéger des industries naissantes, sans que toutefois cette modification n’ait pour effet que la période de transition dépasse 12 ans. b) Des mesures de sauvegarde sont possibles au cas où l’augmentation des importations se ferait dans des quantités ou à des conditions telles qu’elle provoque ou risque de provoquer un préjudice grave aux producteurs nationaux ou des perturbations dans un secteur économique ou dans une région (article XIX GATT). c) Des mesures anti-dumping peuvent être prises conformément au Code anti-dumping du GATT. d) Les accords ne s’opposent pas à l’établissement ou au maintien d’unions douanières, de zones de libre-échange ou de régimes de trafic frontalier. Une condition est cependant posée: ils ne doivent pas modifier le régime des échanges entre les parties. e) Les AA introduisent de nouvelles dispositions relatives à la liberté d’établissement et à la libéralisation de services. Dans une première étape, les parties s’en tiennent aux obligations respectives du traitement de la nation la plus favorisée. Les parties, sur recommandation du Conseil d’association, s’efforceront d’élargir l’accord pour atteindre l’objectif d’inclure dans celui-ci le droit d’établissement des sociétés et la libéralisation de la fourniture de services. 1 Armand Imbert, OP.cit., p. 03-04. 217 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Pour l’Algérie pays non membres de l’OMC, des dispositions spécifiques ont été prévues dans la mesure où son adhésion à l’OMC interviendra après la signature de l’accord d’association avec l’Union européenne. - Les Paiements et les Flux de Capitaux: Les parties s’engagent à autoriser, dans une monnaie librement convertible, tous les paiements courants relatifs aux transactions courantes (ceci figurait déjà dans les accords de coopération). - Concurrence: Les accords prévoient la transposition dans les relations entre les partenaires des règles communautaires de concurrence. En matière d’entreprises publiques et de monopoles d’État, le Conseil d’association veille à ce que celles-ci n’aient pas pour effet de perturber les échanges et soient adaptées dans un délai de 5 ans. - Autres dispositions économiques: Les principaux domaines visés par les dispositions couvertes dans les AA de l'UE et les pays du Maghreb sont la protection des droits de propriété intellectuelle, industrielle et commerciale. De même, les accords prévoient une libéralisation progressive des marchés publics. Alors que l’accord sur les ADPIC de l’OMC établit une protection minimum des droits de propriété intellectuelle, il est clair que certains ACR visent à aller plus loin. Les accords d’association euro-méditerranéens en sont l’un des meilleurs exemples. Ces accords comprennent des dispositions, telles que celles des Accords d’association entre l’Union européenne et la Tunisie, l’Union européenne et le Maroc, qui stipulent que « les parties assureront une protection adéquate et effective des droits de propriété intellectuelle, industrielle et commerciale en conformité avec les plus hautes normes internationales, y compris les moyens effectifs de faire valoir de tels droits. Cette référence aux plus hautes normes internationales renvoie à des dispositions en matière de droits de propriété intellectuelle plus complètes que celles figurant dans l’Accord sur les ADPIC. 1 1 OCDE, «Le régionalisme et le système commercial multilatéral», Op.cit., p. 133. 218 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Section 3: Un bilan très controversé des AA entre l'UE et le Maghreb. 1- États d’avancement de la mise en place des ZLE entre les pays du Maghreb et l'UE. Un objectif stratégique du processus de Barcelone est la création d'une ZLE euroméditerranéennes à partir de 2010. Cela s'est traduit dès 1995 par la signature des AA avec l'essentiel des pays partenaires méditerranéens. Ces accords prévoient une libéralisation significative (compatible OMC), mais graduelle (12 ans) et asymétrique des échanges: quasi complète pour les marchandises, significative pour les produits agricoles agroalimentaires et de la pêche et éventuelle pour les services (clause de rendez-vous). Au titre des AA bilatéraux conclus entre l’UE et les pays du Maghreb, tous les produits manufacturés en provenance des pays du Maghreb (comme les autres pays méditerranéens) ont désormais accès au marché de l’UE en franchise de droits de douane dès les années soixante-dix1. Réciproquement, la mise en place progressive, sur une période de transition de 12 ans, des zones euro-méditerranéennes de libre-échange (ZLE) pour les produits industriels circulant entre l’UE et chacun des pays du Maghreb s’est déroulée comme prévue, et ce conformément au calendrier établi dans les AA. La Tunisie a achevé son processus de démantèlement tarifaire en janvier 2008, le Maroc à finaliser la zone de libre-échange en 2012 et l’Algérie le fera progressivement d’ici à 2020. Le démantèlement des droits de douane de la Tunisie avec l'UE a débuté en 1996, soit avant l'entrée en vigueur de l'accord d'association UE-Tunisie en 1998. À l'exception des produits agroalimentaires, l'échéancier convenu a été rigoureusement suivi et les droits sur les importations de l'UE sont passés d'environ 100% en 1996 à 4% en 2007, trois ans avant 2010. De plus, toujours dans le cas de la Tunisie, la libéralisation des échanges et le démantèlement tarifaire associé aux AA n'ont globalement pas eu d'impact fiscal négatif grâce à une compensation des différents gisements fiscaux. Certes les recettes douanières ont sensiblement chuté, passant de 19,6% des recettes fiscales en 1996 à 5,7% en 2008, mais elles ont été compensées dans un premier temps par une augmentation sensible des recettes de TVA (de 26,7% en 1996 à 33% en 2001), puis dans un second temps par une forte augmentation de la fiscalité directe (de 23,6% en 1996 à 33,6% en 2002, puis à 44,2% en 2008), alimentée par la forte croissance du secteur exportateur. Par ailleurs et conformément aux engagements marocains pris dans l'AA avec l’UE, des avancements substantiels ont été réalisés avec la mise en place définitive de la zone de libreéchange entre le Maroc et l’UE le 1er mars 2012 et l’entrée en vigueur de l’accord commercial pour les produits agricoles, les produits agricoles transformés et les produits de la pêche le 1 er octobre 2012. Les négociations en matière de libéralisation du commerce dans le secteur des services et du droit à l’établissement ont continué. Depuis le 1er mars 2012, tous les produits industriels européens entrent au Maroc en franchise de droits. Deux points demeurent en suspens: le démantèlement des produits usagés et la mise en œuvre de la nomenclature combinée. L’accord sur la libéralisation des échanges commerciaux de produits agricoles, des produits agricoles transformés, des poissons et des produits de la pêche entre le Maroc et l'UE est entré en 1 IEMED, «Rapport sur les progrès du Partenariat euro-méditerranéen», Enquête adressée aux experts et aux acteurs du Partenariat euro-méditerranéen, Erwan Lannon et Iván Martín, L'Institut européen de la Méditerranée (IEMed), p. 18. 219 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE vigueur le 1er octobre 2012. Les négociations pour un nouveau protocole à l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche ont été ouvertes en novembre 2012. L'Algérie avait demandé de décaler de trois ans (vers 2020) le calendrier de démantèlement tarifaire des produits importés de l'UE, et ce, afin de permettre, selon les arguments justificatifs des responsables, aux entreprises algériennes de se préparer à la concurrence accrue qui sera imposée avec la création de la ZLE algéro-européenne, en raison d’un déséquilibre dans les échanges commerciaux hors hydrocarbures à l’avantage de la partie européenne (voir l’Annexe 5). 2- Des performances économiques inégales entre les deux parties. Au milieu des années 90, c'est-à-dire au moment de la déclaration de Barcelone, les pays du Maghreb se situaient légèrement au-dessus de la tranche inférieure des pays à revenu intermédiaire1. Dix-huit ans après le lancement du Processus de Barcelone, l'écart entre les pays européens et les pays du Maghreb est aussi grand que jamais. Cela appelle à une nouvelle impulsion à la coopération entre les rives nord et sud de la Méditerranée. Un des plus grands défis auxquels fait face la création d'un partenariat euro-méditerranéen sera de modifier fondamentalement la perception européenne des pays du Maghreb comme de simples fournisseurs de matières premières ou des opportunités de marché. En matière économique, il n’est pas nécessaire de citer les différentes problématiques internes que connaissent les pays du Maghreb, mais il est néanmoins important de souligner dans le cadre de l’analyse de ces AA avec l’UE à quel point la fracture de richesses s’est creusée entre le Nord (UE) et le Sud de la Méditerranée (Maghreb) au cours des dernières décennies. Selon le tableau III-13, on peut conclure que, les pays du Maghreb ont pour la plupart enregistrés des croissances économiques intéressantes et menées des politiques de réformes considérables, notamment sous l’injection des institutions internationales qui leur avaient conseillé de mettre en œuvre des PAS à partir de la décennie 19802. Tableau III-13: Taux de croissance annuel moyen des pays du Maghreb, 1960-2012 (en %) Algérie Maroc Tunisie Source: 1960-1985 5,3 4,8 6,0 1985-1990 - 0,35 3,56 2,75 1990-1995 1,7 3,5 4,1 1995-2000 2,54 3,21 4,66 2000-2005 4,07 4,07 3,7 2009 2,4 4,8 3,0 2010 3,6 3,6 3,7 2011 2,4 5,0 - 2,0 2012 2,5 2,7 3,6 Données IMF World Economic Outlook Octobre 2012, Banque mondiale (http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.MKTP.KD.ZG/countries?display=graph) consulté le 01 mars 2013) Dans le domaine du développement qui enregistre des écarts considérables entre la rive sud et la rive nord, et si on prend comme référence le PIB par habitant dans le graphique III-01, On voit clairement que l’écart dans les niveaux de PIB par habitant est accru durant les dix dernières années, le rapport est de 10 entre le Maroc (2902,3 dollars en 2012), pays le plus pauvre du Sud, et l’Espagne (29195,4 dollars en 2012) et de 13 avec la France (39771,8 dollars en 2012), pays les 1 Nhidi M, «Stratégies de libéralisation et politique européenne de voisinage: quel rôle pour les pays du Maghreb?», Op.cit., p. 44. 2 Abis S., « Pour le futur de la Méditerranée : l'Agriculture», Edition L’harmattan, Paris, 2012, p. 22-24. 220 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE plus riches du Nord. Il reste entre 5 et 7 en ce qui concerne l’Algérie (5404,0 dollars en 2012), et entre 7 et 9 avec la Tunisie (4236,8 dollars en 2012). Graphique III-01: Le PIB par habitant des pays du Maghreb en comparaison avec la France et l’Espagne (2003-2012) (en dollars USD). Source : Données sur les comptes nationaux de la Banque mondiale et fichiers de données sur les comptes nationaux de l'OCDE (http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.PCAP.CD /countries/FR-ESDZ-MA-TN?display=graph), consulté le 01 mars 2013. Antérieurement, dans ce travail, on a expliqué que l’objectif ambitieux de la déclaration de Barcelone est parvenir à consolider une zone de paix et de prospérité partagée entre les pays membres de l’UE hautement industrialisés et dix pays méditerranéens qui, à l'exception d'Israël, de Chypre et de Malte, étaient dans une situation qualifiée de pays à revenu intermédiaire, c'est-à-dire de pays dont le revenu par tête varie aujourd'hui entre 1 240 $ courants / 5 000 $ PPA (tranche inférieure) et 4460 $ courants /8730 $ PPA (tranche supérieure). La convergence réelle avec les niveaux de revenu de l’UE est, avec la création d’emploi, l’autre grand challenge des pays du Maghreb, et d’une certaine manière, le résumé de tous les autres. Les niveaux de revenu par habitant en parité de pouvoir d’achat ont maintenu un différentiel constant au cours des 15 dernières années, avec le revenu par habitant des pays du Maghreb au-dessous de 20 % de la moyenne de l’UE. Pour ce qui concerne les salaires, l’écart s’est creusé en termes réels (le cas extrême est l’Algérie, où les salaires réels en parité de pouvoir d’achat ont chuté à un rythme annuel de -1,7% entre 1996 et 2006, tandis que dans l’UE-15, ils augmentaient à un rythme de 3% par an). Ainsi, y compris la Tunisie, le pays à avoir atteint le plus haut niveau de convergence entre 1995 et 2007 (passant de 17,77% de la moyenne communautaire UE-15 à 22,97 %) aurait besoin, à ce 221 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE rythme, de 51 ans pour atteindre 50 % du revenu par habitant moyen communautaire. Au Maroc, ce chiffre serait de 228 ans et en Algérie, de plus de 3001. Le RNB a été multiplié par 62 en Espagne et par 40 en Grèce entre 1962 et 2011. Même si l’effet d’entraînement provoqué par l’intégration de ces pays à l’UE joua un rôle prépondérant, il est tout à fait saisissant d’observer le creusement des écarts de niveau de vie en Méditerranée. Quand le RNB en Italie se situe à 35330 USD par tête en 2011, il n’est que de 4070 en Tunisie. L’ensemble régional Afrique du Nord et Moyen-Orient (ANMO) se situe même en dessous de la moyenne mondiale du RNB depuis le milieu des années 1980, alors que le rapport est tout simplement de 1 à 5 avec l’UE, en 2010 comme lors de la décennie 1990. Des travaux récents ont même calculé qu’en prenant le rythme de convergence enregistré de 1995 à 2010, il faudrait encore près de 170 ans en moyenne aux Pays du Maghreb pour atteindre 50% du PIB/hab. de la zone Euro. Même si depuis peu les conditions de vie se dégradent en Europe du Sud. Graphique III-02: Comparaison du revenu national brut par habitant des pays du Maghreb avec d’autre pays méditerranéens de 1962 à 2011, (en millions de dollars). Source: World Bank indicators, 2012, in, Abis S., « Pour le futur de la Méditerranée : l'Agriculture», Edition L’harmattan, Paris, 2012, p. 23. 1 Iván M., «Afrique du nord: en attendant la révolution économique», Afkar/Idées nº 30, Été 2011, p. 74-77. 222 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE L’autre élément fondamental du déséquilibre réside dans la structure propre aux pays du Sud, faiblement industrialisés, où le secteur agricole reste encore prépondérant, et celui des services toujours hypertrophié. Selon le tableau III-14, cette faiblesse est toutefois partiellement compensée par des ressources en matières premières, principalement hydrocarbures qui, dans une certaine mesure, créent des rapports de complémentarité entre le Nord et le Sud. Ainsi, pour l’Algérie qui figure parmi les principaux producteurs de gaz et de pétrole dans le monde, ce secteur représente près de 61 % du PIB et la quasi-totalité des exportations 98%. Dans le même temps, leurs voisins se sont employés à pallier l’absence de cette manne en développant leur secteur exportateur, agriculture et services pour la Tunisie, industrie manufacturière pour le Maroc. Certes, leur part dans le commerce mondial reste faible, mais il est vital pour eux de la développer pour financer des importations non moins indispensables à une relative stabilité. À la fois pour des raisons de proximité et de familiarité historique, leurs débouchés naturels se trouvent d’abord chez leurs voisins du Nord, demandeurs d’hydrocarbures, et qui sont leurs premiers clients en même temps que leurs principaux fournisseurs1. Tableau III-14: La Production et la structure économique dans les pays du Maghreb 2000-2007 Participation au PIB par secteur indice des prix Croissance annuelle moyenne du PIB agriculture industrie services à la consommation millions $ % % % % PIB 2007 2000-07 2007 2007 2007 % croissance moyenne annuelle 2000/07 Algérie 135 285 4,5 8 61 31 2,6 Maroc 75 119 5,0 14 27 59 1,8 Tunisie 35 020 4,8 10 30 60 3,0 Source : IEMED, «Annuaire IEMed de la Méditerranée 2010», , IEMed, Barcelone, 2010, p. 411. 3- Le démantèlement tarifaire dans les AA. La cause de l’examen des barrières tarifaires réside dans le fait qu’elles constituent la partie la plus visible des instruments de politique commerciale. Au cours de ces vingt dernières années, l’ensemble des pays méditerranéens ont fortement baissé leurs droits de douane sur les produits industriels. Selon le FEMISE, les baisses les plus importantes ont été enregistrées entre les pays MENA (Middle East and North Africa). Ils sont passés de 33% en 1993 à 1% en 2009, alors qu’ils étaient encore en moyenne à presque 8% en 2008. Les tarifs appliqués aux biens industriels en provenance de l’UE sont passés de 28% en 1992 à 6,5% en 2009. Ceux appliqués sur les biens en provenance des Etats-Unis et des pays à revenu faible et moyen ont suivi globalement la même évolution et se situent, en 2009, seulement à 2 points au-dessus des tarifs appliqués sur les biens européens, c’est à dire à environ 8,5%2. 1 Nigoul Claude, « La Méditerranée : mythes et réalités », L'Europe en Formation, 2010/2 n° 356, p. 11-34. Femise, «Rapport du Femise sur le partenariat euro-méditerranéen 2012: La saison des choix », Femise, Novembre 2012, Marseille, 2012, p. 55-56. 2 223 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Graphique III-03: Evolution des droits de douane des PSEM sur les produits industriels entre 1992 et 2009 selon la provenance des importations (Taux effectivement appliqués, moyenne simple). Source : CNUCED – Base de données TRAINS. Dans : Femise, «Rapport du Femise sur le partenariat euro-méditerranéen 2012: La saison des choix », Femise, Novembre 2012, Marseille, 2012, p. 55. Les droits de douane moyens de l’ensemble des neuf (09) pays méditerranéens sur les produits industriels sont passés de 28% en 1992 à 7% en 2009. Ils se situent au même niveau que les pays d’Asie de l’Est et du Pacifique. Le seul groupe de pays ayant des taux moyens inférieurs aux pays méditerranéens est constitué des pays du continent européen, avec une moyenne de 5% en 2009. Les autres groupes de pays se situent tous au-dessus des pays méditerranéens, avec une moyenne de 8% pour les pays d’Amérique Latine et de 12% pour les pays d’Asie de l’Est. Graphique III-04: Comparaison de l’évolution des droits de douane appliqués sur les produits industriels entre 1992 et 2009 (Taux effectivement appliqués, moyenne simple). Source : CNUCED – Base de données TRAINS. Dans : Femise, «Rapport du Femise sur le partenariat euro-méditerranéen 2012: La saison des choix », Femise, Novembre 2012, Marseille, 2012, p. 56. 224 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Sur les produits agricoles, en revanche, les droits de douane appliqués par les pays méditerranéens demeurent encore très élevés. Le graphique III-05, montre qu’ils ont, avec les pays d’Asie du Sud, les plus hauts taux moyens (presque 25% en 2009). Graphique III-05: Comparaison de l’évolution des droits de douane appliqués sur les produits agricoles entre 1995 et 2009 (Taux effectivement appliqués, moyenne simple). Source : CNUCED – Base de données TRAINS. Dans : Femise, «Rapport du Femise sur le partenariat euro-méditerranéen 2012: La saison des choix », Femise, Novembre 2012, Marseille, 2012, p. 56. Le tableau III-15, indiquant le niveau des variations des tarifs (en points de pourcentage et en taux de variation) au Maghreb, Plusieurs remarques peuvent être formulées: - La première est que les droits de douane ont baissé dans tous les pays du Maghreb, quelle que soit la provenance des importations, même si les rythmes de démantèlement diffèrent. Le pays qui a le plus fortement réduit ses tarifs est le Maroc, puisqu’ils sont passés, en moyenne, de 64% en 1993 (l’année de référence pour le Maroc) à 8% en 2009 (l’année la plus récente pour ce pays). Précisons que le Maroc avait, au début des années 90, les droits de douane les plus élevés. La Tunisie a démantelé ses tarifs à un rythme à peu près similaire. Ses droits de douane ont baissé entre 14 et 18 points de pourcentage, ce qui a représenté des taux de variation d’environ 60%. Enfin, l’Algérie a plus faiblement réduit ses droits de douane. Ils sont passés, en moyenne, de 21% en 93 (année de référence pour ce pays) à 14% en 2009 (l’année la plus récente). - La deuxième remarque est que l’écart des droits de douane moyens entre le niveau le plus bas et le niveau le plus haut s’est considérablement réduit. - La troisième remarque est que les droits de douane sur les biens industriels entre les pays MENA ont presque été éliminés (ils sont compris, en moyenne, entre 0% et 1%). Cette réduction est récente, elle résulte de la mise en application des accords régionaux, signés parfois depuis longtemps (L’Union du Maghreb Arabe, la zone Panarabe de Libre-échange, le Processus d’Agadir, 225 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE qui présente l’ensemble des accords régionaux impliquant les pays méditerranéens). En vertu de l'Espace accord de libre-échange arabe (GAFTA), les droits de douane sur les échanges intra-PSEM ont été largement abolis1. Tableau III-15: Evolution des droits de douane appliqués sur produits industriels par pays du Maghreb (Taux effectivement appliqués, moy. simple) Marché Algérie Maroc Tunisie Origine Monde UE25 PVD MENA USA Monde UE25 PVD MENA USA Monde UE25 PVD MENA USA Année de référence (1993) 21 % 20 % 25 % 24 % 21 % 64 % 63 % 66 % 70 % 62 % 29 % 29 % 31 % 31 % 28 % Année la plus récente (2009) 14 % 13 % 15 % 1% 17 % 8% 4% 14 % 1% 9% 12 % 5% 22 % 1% 20 % Variation (points de %) -7 -7 -10 -23 -4 -56 -59 -52 -69 -53 -18 -24 -9 -30 -9 Taux de var. -35 % -36 % -40 % -94 % -21 % -87 % -94 % -79 % -98 % -85 % -59 % -83 % -28 % -98 % -30 % Source: UNCTAD –TRAINS database. Dans : Femise, «Rapport du Femise sur le partenariat euro-méditerranéen 2012: La saison des choix », Femise, Novembre 2012, Marseille, 2012, p, 58. - La quatrième remarque est que les droits de douane appliqués par les pays du Maghreb sur les biens industriels en provenance de l’UE sont plus bas que ceux appliqués sur les importations américaines. Les exportations de produits manufacturés en provenance des pays du Maghreb vers l'UE et aux pays signataires des accords d'association ne rencontrent pas de droits de douane. Les tarifs douaniers sur les produits agricoles sont plus élevés que ceux des produits manufacturés. - Enfin, la cinquième remarque et que malgré les implications de réductions tarifaires dans les négociations commerciales multilatérales sous l'égide de l'OMC et la mise en œuvre progressive des accords d'association euro-méditerranéens, les droits de douane à l'importation dans les pays du Maghreb constituent toujours un obstacle important aux importations émanant des PED et le reste du monde, notamment sur les produits agricoles. En Algérie, en Tunisie et au Maroc, leur niveau moyen dépasse encore 10% (en 2009) 2. 1 Marek Dabrowski and Luc De Wulf, “Economic Development, Trade and Investment in Southern and Eastern Mediterranean Countries: An Agenda towards a Sustainable Transition”, MEDPRO Policy Paper No. 4 / February 2013, MEDPRO, p. 3-4. 2 Ibidem. 226 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Graphique III-06: Evolution des droits de douane par catégorie de biens (Taux effectivement appliquée, moyenne simple) Source : CNUCED – Base de données TRAINS. Dans : Femise, «Rapport du Femise sur le partenariat euro-méditerranéen 2012: La saison des choix », Femise, Novembre 2012, Marseille, 2012, p, 60. Cependant, plusieurs études ont été réalisées par Femise et qui ont montré que les pays méditerranéens ont tiré des bénéfices directs limités du démantèlement tarifaire 1. L’ouverture n’a pas contribué à augmenter les exportations des pays méditerranéens. Ce résultat n’est pas surprenant puisque par exemple, dans le cadre des AA entre les pays du Maghreb et l’UE, l’ouverture s’est déroulée de façon asymétrique: seuls, les pays maghrébins ont réduit leurs droits de douane sur les biens industriels en provenance de l’UE. Les accords de coopération, déjà signés dans les années 76, prévoyaient déjà un accès exonéré de droits de douane aux produits industriels en provenance des pays méditerranéens sur le marché européen. De plus, les données sur les échanges euro-maghrébins montrent que les AA ont essentiellement accru les importations Maghrébines en provenance de l’UE. De plus, les données disponibles sur les échanges intra-zone (entre les pays du Maghreb) montrent à leur tour que les pays du Maghreb n’ont pas encore pu utiliser le cumul diagonal, voire complet (ce dernier étant prévu dans le texte de l’accord entre l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, sans n’avoir jamais été appliqué). Comme conséquence, les AA n’ont pas, non plus, eu pour effet d’accroître les échanges entre les pays partenaires. 1 Femise, «Rapport du Femise sur le partenariat euro-méditerranéen 2012: La saison des choix », Femise, Novembre 2012, Marseille, 2012, p. 66. 227 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Toujours, dans les études entamées par FEMISE, des chercheurs de cette dernière ont mis en évidence, à partir des données d’entreprises marocaines 1, trois (03) principaux résultats qui ne vont pas dans le sens des effets attendus (dicté dans le Chapitre 2 de ce travail) 2: - Premièrement, la réduction des tarifs n’a eu qu’un effet très faible sur la productivité des firmes. Dans le cas des entreprises marocaines, une baisse de 10 points de pourcentage des droits de douane a permis une augmentation de la productivité comprise entre seulement 0,5% et 1%. On trouve, en outre, que l’augmentation du taux de pénétration des importations n’a pas eu d’impact sur la productivité des firmes. - Deuxièmement, la littérature empirique a montré que les entreprises ne réagissaient pas de façon homogène à l’ouverture de l’économie, ce qui se vérifie aussi dans le cas des entreprises marocaines. Mais contrairement aux résultats obtenus par Aghion et al., la baisse des droits de douane a eu un effet positif plus important sur les entreprises les plus éloignées de la frontière d’efficience. Autrement dit, ce sont les entreprises les moins productives au début du processus de libéralisation, qui ont vu leur productivité s’accroître le plus à la suite du démantèlement tarifaire. - Troisièmement, contrairement aux prédictions théoriques des modèles à la Melitz, l’effet réallocation (c’est à dire le changement des parts de marché et les entrées/sorties des entreprises) a contribué négativement à la croissance de la productivité agrégée du Maroc, laquelle n’a été que de 5% entre 1993 et 2002. 4- Les échanges entre les pays du Maghreb et l'UE. La stimulation du commerce international est un objectif sous-jacent des AA des pays du Maghreb. Il s’agit d’augmenter et développer les échanges, de tirer parti des avantages comparatifs et de gagner en efficience à l’aide d’une meilleure spécialisation. Les gains à l’exportation et l’économie de facteurs de production sont les soubassements théoriques du choix du libre-échange. Dans ce cadre, le processus de Barcelone a-t-il permis d’augmenter l’ouverture des pays de Maghreb? Le partenariat euro-méditerranéen a naturellement pour objectif de développer les échanges. L’efficience de l’intégration économique des pays du Maghreb passe en priorité par une intensification des échanges entre les deux parties. Dix-huit ans sont passés maintenant après le lancement du Processus de Barcelone. Pour évaluer l’impact du processus de Barcelone sur ce point nous comparons les échanges annuels des pays du Maghreb avec l'UE en les distinguant avant et après Barcelone, à savoir sur les années 1990, 1995, 2000 et la période de 2005-2012. La durée nous semble suffisante pour éliminer les variations annuelles qui peuvent être importantes. 1 Selon Femise, ces résultats n’ont pas pu être infirmés ou confirmés pour d’autres pays de la région par manque de disponibilité des données d’entreprises. 2 Femise, «Rapport du Femise sur le partenariat euro-méditerranéen 2012: La saison des choix », Femise, Novembre 2012, Marseille, 2012, p. 66-67. 228 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE 4.1- Les échanges commerciaux des pays du Maghreb avec l’UE. L’évolution des intensités d’exportations et d’importations des pays du Maghreb entre 1995 et 2012 montre une réelle stabilité avec les principaux clients et les principaux fournisseurs. Il n’y pas eu de bouleversement majeur dans l’orientation de ces exportations. Sauf un petit renforcement des affinités avec les USA, la Turquie et le Brésil. Tableau III-16: Les principaux clients des pays du Maghreb 1995-2012 (en millions dollars) Année Algérie 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 États-Unis 1 563,2 3 424,8 10 597,6 14 856,8 18 090,6 18 952,5 10 365,2 13 827,3 15 127,3 10 778,2 Canada 220,5 779,7 2 262,6 3 579,1 4 666,2 5 423,6 2 438,9 2 970,8 4 458,6 5 082,1 Brésil 225,2 1 502,7 2 922,3 1 892,3 1 824,3 2 638,5 1 465,9 2 415,4 3 233,9 3 395,5 Turquie Inde 8,0 11,0 273,2 13,8 1 106,3 503,3 874,4 1 173,4 2 173,8 2 596,7 314,4 1 332,1 1 725,2 1 864,4 2 043,2 2 919,7 2 002,3 2 703,6 2 524,9 2 624,6 2,9 46,1 136,8 651,1 1 550,5 1 166,2 506,9 1 565,1 2 236,8 1 067,1 106,2 85,7 859,1 451,0 536,3 650,3 1 018,7 Tunisie 108,3 74,4 99,8 UE (27) 4 766,0 5 356,4 8 050,6 349,2 309,4 395,0 488,7 462,6 1 089,9 724,4 945,7 1 435,0 1 245,8 Inde 8 644,4 10 060,7 11 968,5 9 045,7 10 498,7 12 369,3 12 808,6 56,4 74,3 256,6 296,0 481,7 1 059,6 305,1 654,1 1 158,8 1 236,8 237,4 344,5 335,5 375,3 470,1 820,1 466,2 694,8 1 006,6 944,6 Chine 44,7 44,4 155,3 220,3 246,4 284,9 254,0 346,5 357,7 408,6 Turquie 56,9 59,3 102,6 138,3 150,8 316,1 201,5 352,2 376,0 367,2 Algérie 61,4 5,4 44,2 49,2 60,6 96,3 123,6 136,6 229,7 222,0 1,9 79,9 126,1 140,8 154,0 200,6 173,4 247,2 285,6 213,8 4 359,5 4 695,2 8 406,2 192,4 211,2 472,7 620,7 697,5 871,2 831,8 732,3 784,7 1 295,6 69,1 42,1 95,5 262,7 167,2 323,1 196,8 388,5 276,6 730,2 Algérie 185,5 61,6 182,9 188,1 287,0 408,1 451,2 474,7 466,6 472,2 Égypte 24,5 34,6 48,0 49,9 87,1 128,9 81,9 92,3 73,0 294,3 Maroc 26,8 25,4 109,4 108,7 172,9 234,2 209,4 232,0 239,5 220,2 Inde 98,3 108,9 97,7 131,1 141,0 595,2 238,3 307,2 134,0 214,4 Turquie 33,7 54,9 106,7 121,3 180,8 309,4 170,8 214,2 164,5 188,1 Brésil États-Unis Singapour UE (27) Libye États-Unis Tunisie 2000 6 220,2 13 911,6 25 590,1 28 686,0 26 205,4 41 245,4 23 185,5 28 009,4 37 279,2 39 767,1 Chine Maroc 1995 UE (27) 9 031,1 12 024,9 13 920,2 10 661,4 12 024,4 13 633,8 13 541,9 Source : UnctadStat mise à jour 02/2012, Eurostat mise à jour 07/2013 Selon le tableau III-16, l’examen des marchés de destination de l’économie de l’Algérie, le Maroc et la Tunisie montre que plus de la moitié des exportations de ces trois pays du Maghreb sont réalisées à destination de l’Union européenne. Et selon le tableau III-17, l’analyse des importations des pays du Maghreb indiquent clairement qu’au niveau mondial, l’Union Européenne reste la principale source d’approvisionnement de ces pays bien avant la Chine et les Etats-Unis. Et la situation a peu évolué durant ces dernières décennies. Cela tient essentiellement à la nature des produits importés. Le processus de mondialisation qui a conduit plusieurs de ces pays à renforcer leurs liens avec les grands pays 229 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE émergents, et notamment la Chine, ne paraît pas, à ce jour, s’être traduit par des détournements de flux significatifs1. Tableau III-17: Les principaux fournisseurs des pays du Maghreb 1995-2012 (en millions dollars) Année UE (27) Algérie 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 6 582,10 5 407,65 10 821,64 11 761,89 14 345,64 20 867,29 20 569,66 20 609,94 24 600,73 26 332,27 252,77 212,72 1 333,05 1 707,75 2 389,40 4 066,95 4 750,58 4 605,10 4 737,29 5 964,82 Turquie 305,01 286,16 605,86 710,85 921,36 1 345,75 1 746,34 1 522,26 1 398,42 1 798,33 1 417,90 1 045,08 1 367,35 1 425,74 2 134,76 2 197,57 2 013,73 2 125,53 2 176,83 1 769,70 135,98 56,28 529,44 523,93 603,62 736,10 883,70 902,43 1 758,80 1 343,77 16,20 28,23 294,89 422,89 444,35 749,38 805,38 777,53 1 092,58 1 107,59 Canada 452,63 349,88 227,16 272,50 497,62 968,90 418,84 329,74 258,21 523,56 Tunisie 142,79 42,67 144,04 171,58 212,90 294,28 354,45 392,17 440,44 434,31 UE (27) 5 088,99 6 813,85 11 063,83 12 193,94 16 428,15 21 914,29 17 217,52 17 411,82 21 054,92 21 220,80 Chine 166,32 267,96 1 060,62 1 259,79 1 855,52 2 406,75 2 567,73 2 968,06 2 884,59 2 967,81 États-Unis 559,10 643,52 690,33 1 040,82 1 929,90 2 162,73 2 282,50 2 494,77 3 591,27 2 858,98 Turquie 82,28 99,75 401,49 618,47 848,15 1 079,00 717,15 762,98 1 168,59 1 136,43 Algérie 111,29 190,53 357,57 445,73 790,76 981,31 719,09 837,78 1 074,86 1 127,52 Brésil États-Unis Inde 241,54 171,39 452,94 458,79 555,49 715,41 753,29 765,13 1 040,86 1 013,23 Inde 25,43 53,65 151,30 183,97 314,31 353,41 398,43 579,05 588,94 507,75 Égypte 37,24 42,62 161,58 209,15 342,18 408,91 381,26 417,13 492,49 467,62 UE (27) Tunisie 2000 Chine Brésil Maroc 1995 5 786,72 6 143,67 9 180,63 9 859,11 12 399,89 14 112,01 11 932,94 13 590,51 13 769,47 14 906,37 Chine 54,66 100,88 381,13 492,32 653,96 919,56 956,64 1 344,08 1 456,13 1 499,67 Libye 203,88 319,48 510,02 726,41 646,25 1 073,69 560,58 283,75 22,38 995,27 Turquie 105,92 156,84 297,55 313,06 496,12 732,32 576,65 631,73 850,17 857,86 Algérie 179,84 87,50 135,37 194,83 299,83 724,34 501,15 621,47 637,25 765,67 États-Unis 399,99 395,13 329,55 431,41 647,23 748,77 764,84 905,25 881,78 639,25 Brésil 43,88 43,59 152,67 210,81 222,22 303,31 197,73 259,03 456,90 378,38 Inde 13,10 39,60 103,02 110,79 162,57 218,37 223,92 279,72 350,88 319,67 Source : UnctadStat mise à jour 02/2012, Eurostat mise à jour 07/2013 Selon le tableau III-18, les exportations des pays du Maghreb vers l’UE ont augmenté au total de 216% entre 1995 et 2011, passant de 15,345 milliards de dollars à 65,117 milliards de dollars. Le plus fort taux de croissance a été enregistré par l’Algérie (avec 238,8% sur la même période). L’augmentation du prix du pétrole explique en partie cet accroissement. Hors produits pétroliers, ce taux de croissance tombe à 200,7%, ce qui place les exportations méditerranéennes vers l’UE à un niveau d’environ 40 milliards de dollars en 2011. Tous les pays ont augmenté leurs exportations vers l’UE, avec des taux de croissance, entre 1995 et 2011, particulièrement élevés pour la Tunisie (186%), le Maroc (56%). Notons que dans le cas du Maroc, les exportations avaient plus fortement augmenté avant la crise, puisque les taux de croissance entre 1995 et 2008 étaient respectivement de 145% et 163%. Pour l’Algérie, la forte augmentation de leurs exportations vers l’UE (+238,8% entre 1995 et 2011) est liée à l’accroissement du prix du pétrole. Lorsque l’on ne 1 Serge Rey, «La Macroéconomie des PSEM: État des lieux et relations avec l’Union Européenne », Working papers CATT WP No. 3, Centre d’Analyse Théorique et de Traitement des données économiques, septembre 2011, p .12. 230 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE prend pas en compte les produits pétroliers, l’Algérie est le seul pays à avoir enregistré un taux de croissance négatif des exportations (avec -66% entre 1995 et 2011)1. Tableau III-18: Taux de croissance des exportations des pays du Maghreb vers l’UE entre 1996-2011 comparé à 1995 commerce total, incl. pétrole commerce total, excl. Pétrole Algérie Maroc Tunisie PM Algérie Maroc Tunisie PM 10,8 3,2 6,9 8,7 13,9 3,3 3,5 5,6 1996 20,3 2,3 6,8 11,9 27,2 2,9 4,6 11,8 1997 -3,4 7,3 13,2 11,7 23,5 7,1 16,4 21,3 1998 -18,6 7,9 17,8 14,3 -84,7 7,4 18,6 19,9 1999 43,2 5,8 16,8 32,2 -82,7 2,5 14,6 22,3 2000 29,8 9,1 27,5 34,9 -82,8 7,5 26,4 29,9 2001 30,1 18,2 33,9 44,90 -81,3 17,8 32,1 41,9 2002 56,9 40,1 61,7 75,20 -72,9 38,8 58,2 76 2003 81,8 61,3 90,9 114,7 -71 59 86,7 120,4 2004 151,1 68,9 94,7 145,0 -51,3 63,2 85 136,7 2005 183,8 78,7 120,4 182,8 -50,3 74,9 113,1 167,9 2006 170,9 119,2 184,4 224,6 -60,9 117,3 156,4 226,5 2007 285,3 145,5 220,9 272,3 -43,5 144,4 189,9 251 2008 203,2 86,4 154,7 184,8 -71,7 83,3 134,4 170,9 2009 251,2 110,7 191,6 225,7 -46,1 107,2 165,8 207,7 2010 238,8 56,1 185,7 216,3 -66,9 57,3 172,7 200,7 2011 Source: COMTRADE. Dans : Femise, «Rapport du Femise sur le partenariat euro-méditerranéen 2012: La saison des choix », Femise, Novembre 2012, Marseille, 2012, p, 74. Ainsi, les tableaux III-19 et III-20 montrent qu’une dégradation s’observe également en ce qui concerne la part de l’UE dans les exportations et les importations des pays du Maghreb. L’érosion de la part de l’UE est très nette dans les exportations de l’Algérie et dans les importations du Maroc. Et malgré cette érosion, l’UE est demeurée la principale région exportatrice des pays du Maghreb, mais avec une tendance à la baisse comme on l’a montré plus haut. Tableau III-19: La part de l'UE dans les exportations totales des pays du Maghreb 1990-2012 (en %) 1990 1995 2000 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Maroc 62 59,9 72,4 69 73,4 73,5 60,5 64,8 59,1 56 50,1 Tunisie 77,1 80,4 78,5 83,2 77,3 81,2 65,1 65,9 64,7 64,2 58,1 Algérie 70,2 66,5 67,5 55,6 52,6 44,4 52,2 51,9 49,5 50,8 49,1 Source: Eurostat. 1 Femise, «Rapport du Femise sur le partenariat euro-méditerranéen 2012: La saison des choix », Femise, Novembre 2012, Marseille, 2012, p, 73-74. 231 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Tableau III-20: La part de l'UE dans les importations total des pays du Maghreb 1990-2012 (en %) 1990 1995 2000 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Maroc 51,4 53 57,1 50,8 53,1 53 51,7 52,6 50,2 47,3 41,4 Tunisie 66,8 71,9 71,4 68,9 65,6 65,3 57,4 63,3 66,9 63,6 54,4 Algérie 66,3 61 59,6 54,6 54,7 52,7 53,1 50,6 50,6 52,2 51,3 Source: Eurostat. Le graphique III-07, présente l’évolution des exportations totales des pays du Maghreb vers l’UE en comparaison avec d’autres régions, en millions de dollars, entre les années 2000 et 2011. Dans l’ensemble, les pays du Maghreb connaissent une augmentation significative de leurs exportations. Mais elles sont loin d’être comparables avec celle des exportations intra-zone de l’Union européenne ou avec celle de l’ALENA et de l’ASEAN. En ce qui concerne le commerce intra-zone, on remarque que l’UE est très avancée dans la croissance du commerce intrarégional. Leur formation s’est accompagnée d’une augmentation très sensible du commerce interne sauf pendant les crises où le processus semble s’être inversé et une part du commerce extérieur intrarégional des Etats de l’UE est cédée aux d’autres régions comme l’ALENA, l’ASEAN et MERCOSUR. Graphique III-07 : Les exportations des marchandises vers l’UE par région (2000-2011) (en Millions $). Source : calculé à partir de la Base de données statistiques de l’OMC. 232 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Toutefois, à la différence du commerce intrarégional de l’UE, c’est davantage une relation commerciale dissymétrique qui s’instaure avec les pays du Maghreb. Pour ces derniers, le tableau III-21 montre que ces pays représentent encore une part limitée des exportations mondiales vers l’UE (2,7 % en 2012). La part des importations en provenance des pays du Maghreb a connu une stagnation au fil de temps, puisque celle-ci n’était que de 2.7% en moyenne depuis 1995. Cela signifie que malgré l’existence du Partenariat euro-méditerranéenne, l’Union est un partenaire commercial vital, qui absorbe une grande partie de leurs exportations. Mais l’inverse n’est pas vrai: pour l’UE, les pays du Maghreb sont des partenaires très secondaires voir marginaux. Cela signifie que dans la zone euro-méditerranéenne, les exportations des pays du Maghreb vers l’UE restent limitées par rapport aux exportations totales de l’UE, avant et après la mise en vigueur de ces AA. Tableau III-21: La part des pays du Maghreb dans les exportations total vers l'UE 1990-2012 (en %) 1990 1995 2000 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 1990-2012 Maroc 0,7 0,8 0,6 0,8 0,5 0,6 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0.6 Tunisie 0,5 0,7 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,7 0,6 0,6 0,5 0.6 Algérie 1,7 1 1,7 1,8 1,8 1,4 1,8 1,4 1,4 1,6 1,8 1.5 Maghreb 2,9 2,5 2,9 3,2 2,9 2,6 2,9 2,6 2,5 2,7 2,8 2.7 Source : Eurostat. Et si on prend l’exemple de l’année 2012. Le tableau III-22 nous montre que la part des pays du Maghreb est marginale par rapport aux autres régions. Tableau III-22: Les échanges commerciaux de l’UE par région, année 2012. Les partenaires par région World ACP Andean Community ASEAN BRIC CACM Candidate Countries CIS EFTA Latin American Cour MEDA (exlu EU ans turky Mercosur NAFTA Maghreb Source: Eurostat. Importations de l’UE Part en Millions Part (%) d'Euros 1 791 727 100 99 196 5,5 17 728 1 100 035 5,6 577 513 32,2 9 546 0,5 55 386 3,1 273 505 15,3 208 739 11,3 109 978 6,1 73 341 4,1 49 196 2,7 255 657 14,3 51 246 2,8 Exportations de l’UE Part en Millions Part (%) d'Euros 1 686 774 100 86 652 5,1 11 738 0,7 81 324 4,8 345 198 20,5 5 354 0,3 89 654 5,3 172 641 10,2 186 222 11,0 110 297 6,5 92 812 5,5 50 266 3,0 351 090 20,8 49 029 2,7 233 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Ce qui vient d’être analyser sur les relations économiques et commerciales entre les pays du Maghreb et l’UE et après la description du graphique III-07 et l’analyse attentive des deux derniers tableaux. Où il est à remarquer, que la part du Maghreb dans les exportations globale de l’UE est minime par rapport aux d’autres régions, et sur ce point P. Beckouche ajoute comme suit: «la tendance générale est au recul du poids des voisinages depuis dix ans, notamment du fait de la montée en puissance de la Chine qui est devenue un des tout premiers partenaires commerciaux de la plupart des pays du monde et parce que, selon l’OMC, les échanges intra-régionaux constituent la majorité des échanges commerciaux de marchandises dans le monde en 2011 comme dix ans plus tôt. Ensuite surtout parce qu’il faut se rappeler d’où l’on vient: en 1960 les pays de l’Europe occidentale ne faisaient qu’un tiers de leur commerce extérieur entre eux, et l’intégration commerciale était encore plus faible pour l’Amérique du Nord. On parle beaucoup de globalisation depuis les années 1980; mais il ne faudrait pas oublier que la principale transformation de la géographie commerciale depuis la deuxième guerre mondiale est la régionalisation»1. 4.2- L’évolution du solde commercial des pays du Maghreb vis à vis de l’UE. Comme on peut le voir sur le graphique III-08, l’augmentation des exportations des pays du Maghreb vers l’UE n’a pas été suffisante pour réduire le déficit commercial de ces pays vis à vis de l’UE. L’excédent commercial européen ne cesse d’augmenter alors que le déficit du Maroc et de la Tunisie continue de s’accroître. La seule balance commerciale excédentaire parmi l’ensemble des pays du Maghreb est la balance algérienne en grande partie grâce aux exportations d’hydrocarbures. Sans l’Hydrocarbure, l’Algérie et toutes les autres sont déficitaires. Les pays méditerranéens qui ont un faible déficit sont ceux qui ont diversifié leurs partenaires commerciaux, essentiellement les pays de la rive Est. En effet l’UE est certes le premier partenaire commercial de tous les pays du Maghreb néanmoins elle n’a pas partout le même monopole. Les échanges des pays du Maghreb ressortent donc nettement par leur caractéristique asymétrique en faveur de l’UE. Ces relations commerciales sont également marquées par le manque d’échanges entre les partenaires méditerranéens. Cette caractéristique ne fait que renforcer l’asymétrie des échanges Nord-Sud dans le bassin méditerranéen2. 1 Beckouche P., «Atlas des intégrations régionales : Euro-Méditerranée, Asie orientale, Amérique du Nord», Institut de perspective économique du monde méditerranéen - Ipemed, Paris, septembre 2013, p. 13. 2 Stéphanie Darbot-Trupiano, «Le Partenariat euro-méditerranéen: une tentative d’intégration maladroite», L'Espace Politique [En ligne], 2 | 2007-2, mis en ligne le 03 août 2007, Consulté le 24 octobre 2012. URL: http://espacepolitique.revues.org/index844.html 234 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Graphique III-08: Evolution des soldes commerciaux des pays du Maghreb vis à vis de l’UE (Total des échanges 1990-2012), en Milliards d’Euros 15 10 5 0 1990 1995 2000 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 -5 -10 Maroc Tunisie Algérie Source: Eurostat. Le graphique III-09 qui suit fait apparaître les soldes commerciaux par pays pour trois années: 1995, 2008 et 2011. Le graphique de gauche englobe l’ensemble des échanges, celui de droite, ne prend en compte que les exportations méditerranéennes hors pétrole. Dans le cas de l’Algérie, d’excédentaire, le solde commercial hors pétrole devient fortement déficitaire. De plus, on observe bien une forte dégradation en faveur de l’UE des soldes commerciaux en 2008 et 2011 par rapport à leur niveau en 1995. Graphique III-09 : Soldes commerciaux des pays méditerranéens vis à vis de l’UE. (En millions de dollars) Source: COMTRADE Dans : Femise, «Rapport du Femise sur le partenariat euro-méditerranéen 2012: La saison des choix », Femise, Novembre 2012, Marseille, 2012, p. 75. 235 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Cette analyse de l’évolution des échanges entre les pays du Maghreb et l’UE au cours de ces 17 dernières années met en évidence plusieurs constats. Premièrement, le commerce extérieur des pays du Maghreb est très dépendant de l’UE. Dépendance géographique d'abord, à l'égard de l'Union européenne, et économique avec des exportations constituées pour la plupart de matières premières et d'importations difficilement compressibles. Il convient de souligner, cependant, que malgré ces similitudes, on peut classer les pays du Maghreb en deux catégories1: - Producteur d'hydrocarbure (Algérie) qui est mono-exportateur de ces produits presque 97,5% des exportations algériennes et ; - Les producteurs de produits manufacturés, essentiellement textiles (Maroc, Tunisie), qui constituent la moitié des exportations marocaines et les deux tiers de celles de la Tunisie. Deuxièmement, bien que les échanges avec l’UE, à l’import, comme à l’export, demeurent prédominants, la tendance observée est un accroissement des échanges entre eux ou entre les autres pays méditerranéens et de même avec le reste du monde (Etats-Unis). Ce mouvement vers une plus grande diversification de provenance et de destination des produits échangés est positif. Là encore, on peut conclure que nous sommes dans une configuration Nord-Sud, à l’avantage de l’UE. Ainsi, les échanges économiques entre les pays du Maghreb et l’UE restent marginaux à ce que l’on pourrait attendre entre un pôle présenté comme une puissance commerciale mondiale et des pays Maghrébins identifiés comme des voisins stratégiques. Cette différence d’importance relative de chaque zone, l’une par rapport à l’autre, s’explique notamment par le poids économique de l’UE, et donc par sa plus grande attractivité, ainsi que par un écart sensible en termes de développement2. 4.3- Fragmentation et régionalisation dans le cadre euro-méditerranéen. Les accords Euro-méditerranéens et les processus d’adhésion à l’UE soutiennent la mise en place de réseaux de production privilégiés alors que des comportements absolument différents visà-vis des pays du reste du monde sont observés. L’UE est le partenaire favorisé des processus de fragmentation et ce phénomène s’accentue au cours de la dernière décennie. Trois types de dynamiques se dégagent des spécialisations3: - deux premières liées à la valorisation des avantages comparatifs traditionnels du textilehabillement (spécialisation 1) et à l’exploitation des ressources naturelles (spécialisation 3) - et une qui développe les avantages comparatifs de secteurs porteurs, généralement intensifs en technologie, tels que les ordinateurs, les équipements de transport, les composants électroniques ou encore les machines non électriques (spécialisation 2). 1 Mebtoul A., «Le Maghreb dans son environnement régional et international» La coopération Europe/Maghreb face aux mutations géostratégiques mondiales, Note de l’Ifri, France, avril 2011, p. 13. 2 Magnan-Marionnet F., P. Contamine et P. Bonzom, Op.cit., p. 41. 3 Palmero S. et N. Roux, «Les spécialisations des Pays Partenaires Méditerranéens: quel ancrage à l’Union européenne?», in, Abdelmalki L., K. Bounemra Ben Soltane et M. Sadni-jallab (Dir.), Le Maghreb face aux défis de l’ouverture en Méditerranée, éditions l’Harmattan, Paris, 2009, p. 121. 236 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE - La spécialisation 1: renforce les avantages comparatifs traditionnels fondés sur le travail non qualifié - La spécialisation 2: permet une réallocation des ressources qui s’effectue sur des secteurs porteurs. - La spécialisation 3: repose sur un avantage comparatif qui porte essentiellement sur l’exploitation des ressources naturelles. Tableau III-23 : Les grandes tendances des spécialisations régionales dans la méditerranée. Avec l’UE Textile-Habillement Ordinateurs et télécommunication Composants électroniques Équipements de transport Machines non électriques Avec les deux partenaires Spécialisation 1 Maroc, Tunisie, Turquie (Roumanie, Bulgarie) Spécialisation 2 Jordanie, Turquie (Tchéquie, Hongrie) Tunisie, Liban Turquie (Hongrie) Jordanie (Hongrie) Jordanie (Roumanie, Pologne, Tchéquie) Turquie (Pologne, Tchéquie) Turquie (Hongrie) Avec le reste du monde Jordanie, Égypte (Roumanie) Maroc Tunisie (Tchéquie) Spécialisation 3 Exploitation des ressources naturelles Algérie, Jordanie Maroc, Tunisie Source: Palmero S. et N. Roux, «Les spécialisations des Pays Partenaires Méditerranéens : quel ancrage à l’Union européenne ?», in, Abdelmalki L., K. Bounemra Ben Soltane et M. Sadni-jallab (Dir.), Le Maghreb face aux défis de l’ouverture en Méditerranée, éditions l’Harmattan, Paris, 2009, p. 122. Les avantages comparatifs dynamisés par les spécialisations n’ont pas les mêmes impacts sur la qualité des produits et la montée en gamme sur la chaîne de production. Chaque pays se positionne ainsi sur l’une de ces spécialisations en fonction du partenaire commercial et peut ainsi diversifier ses stratégies commerciales. Majoritairement les Pays du Maghreb, se portent sur des biens plus traditionnels qui ne favorisent pas la montée en gamme, contrairement à la plupart des nouveaux adhérents, qui se spécialisent avec l’UE sur des secteurs dynamiques, leur permettant ainsi une intégration internationale plus facile. Dans ce cadre, ce sont plutôt les partenaires non-européens qui stimulent la transformation du système productif méditerranéen vers des produits à plus forte valeur ajoutée. Dans ce sillage, les tableaux III-24 et III-25 présentent des classifications sectorielles (secteur par groupe) simplifiées de l’ensemble des exportations et des importations des pays de la région. Le tableau III-24 montre que l’économie de l’Algérie est très peu diversifiée avec des exportations très fortement dominées par le pétrole et le gaz (spécialisation 3), qui interviennent pour plus de 95% des ventes sur les marchés extérieurs. Ainsi, le FEMISE classe l’Algérie comme le seul pays dont les avantages restent bloqués dans les hydrocarbures. Les exportations hors 237 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE hydrocarbures restent marginales et sont dominées à hauteur de 50% par des produits issus de la chimie directement liée aux hydrocarbures 1 . L’économie algérienne est affectée par un effet d’éviction des activités de production manufacturière qui se traduisent par un processus continu de désindustrialisation2. Le Maroc et la Tunisie ont des exportations relativement plus diversifiées (spécialisation 1, 2 et 3). Les parts respectives des exportations manufacturières dans les deux pays sont de l’ordre de 67% et 78%. Toutefois, les produits exportés des deux pays sont assurés par un nombre très restreint de branches (habillement, textile, cuir et chimie) et dépendent souvent d’intrants importés. Tableau III-24: Structure du commerce des pays du Maghreb par groupes de principaux produits Exportés (en %) 1995-2010. Pays Algérie Maroc Tunisie Combustibles Minerais, métaux, pierres précieuses et or (non monétaire) Articles manufacturés 0.1 95.2 0.5 3.0 1.2 Machines et matériel de transport 0.4 0.2 0 98.4 0.5 1.0 0.7 0.1 0.2 0.6 0 98.3 0.3 0.8 0.5 0 0.2 6 881 27.1 2.9 1.8 9.6 58.4 16.5 7.0 34.9 2005 11185 20.8 1.7 5.9 8.1 62.7 11.2 17.9 33.7 2010 17765 20.3 1.6 3.9 12.0 61.8 17.7 17.6 26.5 Année Valeur totale (millions de dollars) Produits alimentaires Matières premières agricoles 1995 9 357 1.2 2005 46002 2010 57051 1995 dont : Produits chimiques Articles manufacturés divers 1.4 1995 5475 9.8 0.6 8.5 1.8 79.3 11.9 9.4 57.9 2005 10494 10.4 0.6 12.9 1.2 74.9 9.4 19.2 46.3 2010 16422 9.8 0.6 15.2 2.0 72.4 11.1 22.3 39.0 Source: Statistiques de la CNUCED, 2011. Si l’on compare les gammes de produits exportés par les pays du Maghreb par rapport à d’autres régions de monde on constate que les économies non pétrolières (Maroc et Tunisie) affichent une faible diversification économique. Dans ces dernières, la structure productive et exportatrice se caractérise par une forte concentration sectorielle, autour du textile, de l’agroalimentaire et des fournitures électriques, qui représentent près des trois-quarts des exportations de biens (le secteur exportateur a longtemps été dominé par le seul secteur de l’habillement)3. 1 Y. Benabdallah, «L’économie algérienne entre réformes et ouverture: quelle priorité?», Colloque international Enjeux économiques, sociaux et environnementaux de la libéralisation commerciale des pays du Maghreb et du Proche-Orient 19 – 20 octobre 2007 Rabat (Maroc), p 05. 2 Mihoub Mezouaghi, «L’impératif de reconnexion économique de la Méditerranée à l’Europe», dans La Méditerranée sans l’Europe, Dossier dirigé par Sébastien Abis, Confluences Méditerranée N74, Edition l'Harmattan, Paris, Été 2010, p. 160. 3 Ibidem. 238 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Tableau III-25: Structure du commerce des pays du Maghreb par groupes de principaux produits Importés (1995-2010). Pays Algérie Maroc Tunisie Combustibles Minerais, métaux, pierres précieuses et or (non monétaire) Articles manufacturés 3.2 1.1 1.6 64.7 11.3 Machines et matériel de transport 30.5 19.3 1.7 1.0 1.5 76.5 12.0 43.0 21.5 41000 16.3 1.6 2.1 1.5 78.4 10.9 40.8 26.8 10023 16.6 5.4 11.7 3.4 48.0 10.2 19.8 18.1 2005 20803 10.6 2.8 21.4 3.4 61.8 9.3 26.6 26.0 2010 35379 11.5 2.2 23.0 3.3 59.9 9.9 27.9 22.1 1995 7903 12.5 4.2 7.2 3.3 72.8 9.1 25.9 37.8 2005 13174 8.5 2.6 13.7 3.2 72.0 10.5 28.8 32.7 2010 22051 8.5 2.1 10.9 4.4 74.2 9.9 31.0 33.3 Valeur totale (millions de dollars) Produits alimentaires Matières premières agricoles 1995 10782 29.5 2005 20357 2010 1995 Année dont : Produits chimiques Articles manufacturés divers 22.9 Source: Statistiques de la CNUCED, 2011. La progression relativement modeste de la part des pays du Maghreb sur le marché de l’UE peut s’expliquer par la composition sectorielle de leurs exportations. Celles-ci sont en effet peu adaptées aux mutations que connaissent le monde, et particulièrement la demande européenne Nous remarquons que depuis 1995 à ce jour, l’accès préférentiel des produits manufacturés des pays Maghrébins aux marchés de l’UE n’a pas été d’une grande utilité pour l’accroissement de la part de marché et l’adaptation des structures d’exportation à la demande européenne. La progression relativement modeste de la part des pays Maghrébins sur les marchés de l’UE peut s’expliquer par la composition sectorielle de leurs exportations. Celles-ci sont en effet peu adaptées aux mutations que connaissent le monde, et particulièrement la demande européenne. Parce que les secteurs manufacturiers très développés, très présents dans les exportations des concurrents plus dynamiques, sont peu développés dans les pays du Maghreb. Les accords d’association entre les pays du Maghreb et l’UE n’ont pas pu arriver à orienter l’activité de production des pays Maghrébins vers des domaines à plus forte valeur ajoutée. 239 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Tableau III-26: Les exportations des pays du Maghreb vers l’UE par la composition sectorielle en 2012 SITC Codes Algérie SITC Sections SITC 0 SITC 1 Produits alimentaires et animaux vivants. Boissons et tabacs. SITC 7 Matières brutes non comestibles, sauf carburants. Combustibles minéraux, lubrifiants et produits connexes. Huiles, graisses et cires d'origine animale ou végétale. Produits chimiques et produits connexes, n.d.a. Articles manufacturés classés principalement d'après la matière première. Machines et matériel de transport. SITC 8 Articles manufacturés divers. SITC 9 Articles et transactions, non classés ailleurs dans la CTCI. SITC 2 SITC 3 SITC 4 SITC 5 SITC 6 Maroc Tunisie Value (Millions of euro) Share of Total (%) Value (Millions of euro) Share of Total (%) Value (Millions of euro) Share of Total (%) 67 0.2 1,855 20.3 267 2.8 2 0 7 0.1 4 0 110 0.3 680 7.4 175 1.8 31,864 97.8 166 1.8 1,546 16.2 0 0 66 0.7 193 2.0 420 1.3 624 6.8 370 3.9 56 0.2 430 4.7 619 6.5 61 7 0.2 0 2,571 2,519 28.1 27.6 3,187 3,128 33.5 32.9 9 0 31 0.3 17 0.2 Source: Eurostat. En 2012, Le Maroc apparaît principalement comme un exportateur des Machines et matériel de transport représentant 28.1% des exportations vers l’UE27, et les produits manufacturés divers représentant 27.6%, ainsi que de produits alimentaires et animaux vivants (20.3%). Les minéraux et la chimie représentent également une part significative, bien que mineure, des exportations, notamment grâce à l’industrie des phosphates, principale richesse minière du pays. Le cas de la Tunisie est similaire à celui du Maroc, bien que la spécialisation dans la production des Machines et matériel de transport soit encore plus marquée : pour l’année 2012, 33.5%, des produits manufacturés divers ont représenté 32.9% des exportations vers l’UE27, suivies des Combustibles minéraux, lubrifiants et produits connexes. (16.2%), soit un total supérieur à 61% pour le secteur manufacturier dans son ensemble. Le troisième principal secteur exportateur est celui des hydrocarbures, atteignant 16% des exportations vers l’UE27. La situation est radicalement différente pour l’Algérie, dont les exportations dépendent quasi exclusivement du secteur des hydrocarbures, lesquelles représentent 97.8% des exportations vers l’UE27. Les hydrocarbures représentent une manne financière colossale pour l’Algérie, en particulier lors des périodes de forte demande internationale, mais cette dépendance rend le pays extrêmement vulnérable en cas de retournement de conjoncture, (qui s’accompagne généralement d’une baisse des prix comme des volumes exportés). 240 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE 5- L’afflux des IDE dans les pays du Maghreb. On a présenté dans le deuxième chapitre de ce travail, la relation qui existe entre les accords de libre-échange et les Investissements Directs Etrangers, ainsi que ses déterminants. L’intégration économique ne repose pas seulement sur l’augmentation des échanges de biens. Elle s’appuie aussi sur les échanges croisés d’investissements directs. Malgré la persistance des difficultés économiques et financières qui touchent l’Europe principalement dû à la crise de la dette, et malgré l’augmentation des flux des IDE à 1.524 milliards de dollars, dans le monde en 2011. Les IDE mondiaux ont chuté de 18 % en 2012 selon le rapport de la CNUCED «Rapport sur les flux d'investissement étranger en 2013», pour atteindre 1350 milliards de dollars, du fait principalement de la fragilité économique et des politiques incertaines au niveau mondial1. Durant cette année, les PED qui sont à l’origine de plus d’un tiers des sorties d’IDE mondiale et pour la première fois, ils ont absorbé davantage d’IDE que les pays développés, représentant 52 % des flux d’IED mondiaux. La répartition géographique des IDE montre que l’Afrique a vu ses apports d’IDE augmenter de 5 % pour atteindre 50 milliards de dollars. L’IDE dans les industries extractives explique en partie cet accroissement, mais l’investissement dans la production de biens de consommation et le secteur des services progresse également. En contrepartie, dans d’autres pays comme l’Algérie, le Maroc et la Tunisie les entrées d’IDE ont augmenté pour atteindre respectivement 1 484, 2 836 et 1 918 milliards de dollars. Au total, les pays du Maghreb restent également des pays marginaux dans l’attraction des IDE mondiaux. Les trois pays (l’Algérie, le Maroc et la Tunisie) attirent toujours moins de 0,6% des flux totaux2, Selon Bichara Khader, « le sous-développement économique, réglementaire, scientifique et juridique, couplé à une fragmentation régionale, une conflictualité récurrente et un régionalisme superficiel (shallow integration), constitue-t-il la première entrave aux investissements étrangers »3. Les pays du Maghreb présentent un grand potentiel de croissance économique et de rentabilité des investissements grâce à une évolution exponentielle et un rajeunissement de leurs populations. Ils bénéficient également de matières premières abondantes et d’une stabilité politique par rapport à d’autres pays de la région. Mais ils sont aussi confrontés aux problèmes du chômage et du développement. Et selon la déclaration de Monsieur, Jonathan Walters, Directeur régional pour les Programmes and Partenariats à la Banque mondiale, dans un communiqué de presse que : « Tous les pays du Maghreb se trouvent confrontés aux défis d’une démographie galopante et d’un chômage élevé, 1 CNUCED, «Rapport sur les flux d'investissement étranger en 2013: Les chaînes de valeur mondiales, L’Investissement et le commerce au service du développement», p. 01-02. 2 Beckouche P., «Atlas des intégrations régionales : Euro-Méditerranée, Asie orientale, Amérique du Nord», Institut de perspective économique du monde méditerranéen - Ipemed, Paris, septembre 2013, p. 19-22. 3 Bichara Khader, « L'Europe pour la Méditerranée: De Barcelone à Barcelone, 1995-2008 », Editions l’Harmattan, Paris, 2009, p. 61. 241 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE surtout parmi les jeunes, en même temps qu’à des taux de croissance et d’investissements directs étrangers assez bas »1. L’analyse des flux des investissements et de leur évolution est intéressante pour étudier si les pays du Maghreb, depuis leur adhésion au partenariat Euro-méditerranéen et la signature bilatérale des AA avec l’UE, sont plus attractifs. Dans la lignée du partenariat qui veut amener un développement socio-économique de la région maghrébine, théoriquement, les investissements en général et les IDE en particulier doivent connaître une augmentation pour constituer la base du développement après la signature d’un ALE. De par un transfert de savoir-faire, les IDE fournissent une transition vers des structures économiques plus développées, amenant un développement des échanges intra-branche. Ainsi les pays du Maghreb sont encouragés à instaurer des réformes significatives dans leurs politiques macroéconomiques afin de rendre réels les avantages des IDE. Afin d’attirer les IDE nécessaires à la modernisation de leurs économies, les pays du Maghreb doivent rendre compte de leur crédibilité. Dès lors, les trois pays du Maghreb ont commencé à lever les restrictions visant les mouvements internationaux de capitaux, dès les années 1992. En particulier les entrées des IDE. Dans ce contexte, et après la signature des AA, les pays du Maghreb ont cherché à mettre en place un cadre juridique et réglementaire approprié pour attirer les investissements, mais malgré cela, les IDE en direction des pays du Maghreb sont restés relativement faibles, Le montant des flux d'IDE est resté presque le même dans la région, avant et après les accords, en d'autres termes, entre la période 1990-1995 et 1996-2001 (tableau III-27). En revanche, l'Algérie a réussi à partir de 1996 à attirer d'importants flux d'IDE, grâce notamment au pétrole et au gaz qui attirent la plupart de ces flux, en dépassant même la Tunisie et le Maroc dont les IDE évoluent timidement2. Tableau III-27: Évolution des IDE dans les trois pays du Maghreb, entre 1990-2002 (en millions dollars) Pays 1990-1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 Algérie 25 270 260 501 507 438 1196 1065 Maroc 428 357 1079 333 580 201 2658 42 Tunisie 408 351 365 668 368 779 486 795 Total 898 842 1622 1352 1607 1276 4239 2288 Source: CNUCED, «Wolrd Investisment Report», Annexe, 2002, p. 303-318. Malgré la mise en œuvre de réformes et les initiatives d’intégration régionale, ces pays restent dans l’ensemble peu attractifs aux entrées d’IDE, la part qu’ils représentent dans l’accueil des IDE 1 « Les échanges commerciaux, un gage de croissance et d’intégration: Les pays du Maghreb s’engagent à augmenter les échanges régionaux », consultable sur le site de la banque mondiale, http://www.banquemondiale.org/fr/news/pressrelease/2012/06/14/trade-offers-path-to-growth-and-integration (consulté le 05 décembre 2012). 2 Ghelam A. et A. silem, «commerce international et convergence des revenus par tête au sein des pays du Maghreb», in, Abdelmalki L., K. Bounemra Ben Soltane et M. Sadni-jallab (Dir.), Le Maghreb face aux défis de l’ouverture en Méditerranée, éditions l’Harmattan, Paris, 2009, p. 250. 242 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE vers les PED a baissé entre 1989 et 2002. Les montants, bien qu’en augmentation depuis 2001, en particulier au Maroc, sont restés relativement modestes dans tous les pays de la région. À partir de 2003, on remarque un changement substantiel des flux des IDE vers ces pays. En effet, selon le CNUCED, les IDE sont passés d’une dizaine de milliards d’US$ en 2000 à une trentaine de milliards d’US$ en 2005. La réalité c’est que jusqu'à maintenant, ces chiffres cachent derrière eux que les pays Maghrébins connaissent encore une croissance faible et n’arrivent pas pour la plupart à attirer les investissements étrangers. Leur typologie actuelle implique toutefois qu’ils pourraient baisser de façon importante du fait de la crise en Europe: les flux d’IDE sont en effet principalement originaires de l’Europe et des pays du Golfe, ce qui rend le volume de l’investissement en Méditerranée directement lié d’une part aux variations du cours du pétrole et d’autre part aux anticipations des investisseurs Européens, ce qui pourrait contribuer à l’arrêt provisoire ou définitif de grands projets d’investissements régionaux1. Figure III-05: Les flux cumulés d’IDE à destination des PSEM entre 2003 et 2007 par région d’origine. Source : d’après les données Anima 2008. Les IDE en direction de la région maghrébine ne se sont pas intensifiés. Cette région n’a jusqu’ici pas réussi à prendre part à l’expansion mondiale de ces flux. Des facteurs internes sont certainement responsables de cet échec et expliquent pourquoi les espoirs placés dans les accords euro-méditerranéens ne se sont pas matérialisés. 1 ANIMA-MIPO, «Gérer la transition en Méditerranée: bilan 2011 et impact des crises sur les investissements étrangers», Étude N°62, octobre 2012, p. 13-15. 243 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Tableau III-28: Évolution des IDE dans les trois pays du Maghreb, entre 2003-2010 (en millions d’euros) 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2003-2011 Algérie 2 838 2 428 3 868 2 241 2 430 1 322 2 909 849 1667 20 552 Maroc 3 281 3 710 1 665 4 220 2 452 2 271 2 772 2 152 1084 23 606 Tunisie 207 183 976 2 172 2 165 985 827 1 995 1 192 10 703 Total Maghreb 6 326 6 321 6 509 8 633 7 047 4 578 6 508 4 996 3 943 54 861 MED-11 9 271 11 283 36 871 64 470 53 278 36 942 27 441 38 519 26 516 304 591 Source: ANIMA-MIPO, «Gérer la transition en Méditerranée: bilan 2011 et impact des crises sur les investissements étrangers», Étude N°62, octobre 2012, p. 14. Selon ANIMO-MIPO, le tableau III-28, montre que, la destination des IDE a favorisé essentiellement d'autres régions que les trois pays du Maghreb, le Maroc, brillant pour les partenariats, n'a pas réalisé un très bon score, et moins encore l'Algérie marquée par un certain antilibéralisme comme le contrôle des IDE et les restrictions sur les importations. Seule au Maghreb, la Tunisie a enregistré une forte hausse des IDE surtout durant 2006 et 2007. En dehors des secteurs gazier et pétrolier, les pays du Maghreb souffrent d’un déficit d’attractivité pour les investisseurs étrangers. Les incitations financières, les mesures libérales (nouveau codes d’investissement), les stabilisations macro-économiques réussies et les premiers balbutiements de bonne gouvernance ont certes amélioré les fondamentaux des économies maghrébines et accru quelque peu l’attractivité de la région pour les investissements directes étrangers. Mais globalement les investisseurs demeurent réticents à s’engager dans la zone, découragés souvent par une bureaucratie lourde, des marchés exigus et fragmentés, une faiblesse des dispositions juridiques garantissant le respect des contrats, une adaptation lente des législations aux standards internationaux, des qualifications insuffisantes. Certes la proximité géographique des marchés européens constitue un avantage comparatif indéniable mais la diminution du coût du transport annule partiellement cet avantage. Tandis que le coût salarial n'est plus, comme avant, un facteur déterminant dans la captation des investissements étrangers puisque le salaire moyen dans les économies émergentes d'Asie est généralement quatre à six fois moins élevé que dans les pays du Maghreb1. Comme l'on pouvait s'y attendre, l'UE demeure la principale source des investissements étrangers (IDE) avec grosso modo 75% des IDE au Maroc, 65% en Tunisie, et 55% en Algérie. Le plus gros de ces investissements se dirige vers le secteur énergétique, le secteur des télécommunications. Mais, depuis peu, on assiste à une nouvelle orientation vers l'automobile, l'agro-alimentaire, la chimie, la pharmacie et les prestations informatique. La France et l'Espagne sont très impliquées au Maroc, L'Italie, la Belgique et la France, en Tunisie, l'Espagne s'implique dans le secteur gazier de l'Algérie2. 1 Bichara Khader, «Le monde arabe expliqué à l’Europe : Histoire, imaginaire, culture, politique, Économie, Géopolitique», Editions l’Harmattan, Paris, 2009, p. 366. 2 Ibid., p : 367. 244 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Malgré l’attractivité du Maghreb, les flux d’IDE entrants restent loin des attentes et des objectifs prévus par les États de cette région. Ils ne présentent que 0,6% des flux mondiaux et sont soumis à une forte variabilité dans le temps. Ainsi, après un accroissement rapide des flux au début des années 1990, l’évolution des IDE a été irrégulière depuis 1995. De fait, la croissance des IDE entrants a été importante au cours des années où il y a eu des opérations de privatisation d’envergure (vente des installations de production comme les cimenteries et surtout cession de licence de téléphonie mobile). De plus, le Maghreb fait face à la concurrence des pays Sud Asiatiques et de l’Europe de l’Est au regard des coûts salariaux et de l’abondance de la main d’œuvre (surtout celle non qualifiée). 245 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Section 4 : Quels facteurs expliquent ce bilan mitigé? 1- L'érosion des préférences européennes. Compte tenu des progrès dans le processus de désarmements tarifaires intervenues dans un cadre multilatéral au seins de l’OMC (voir chapitre II), et de la multiplication des accords de libreéchange entre l’UE et de nombreux partenaires dans le monde, la marge préférentielle des pays du Maghreb dans les AA avec l'UE est en train de s’éroder. Cette érosion va s’accentuant; les conditions d’accès au marché européen vont ainsi s’égaliser, annulant les avantages particuliers dont pouvait jouir tel ou tel partenaire. Les avantages tarifaires dont bénéficient jusqu’alors les pays du Maghreb dans le cadre de leur accords avec l’UE vont devenir de plus en plus insuffisants, d’où la nécessité pour eux d’en passer à un mode plus fort d’intégration (Deep integration) avec l’UE1. L'UE a également mis en place de nombreux accords de libre-échange et accorde un accès préférentiel à de nombreux PED: Bassin méditerranéen, pays ACP...etc. Cette situation, qui se traduit par une forte complexité des relations commerciales bilatérales de l'UE (Figure III-06), devrait abaisser sensiblement et éroder les tarifs préférentiels accordés au pays du Maghreb, dès lors que les droits de douane sont calculés au niveau bilatéral (on parlera de droits préférentiels appliqués). À l'opposé, les droits appliqués à l'ensemble des autres membres de l'OMC (on parlera de droits NPF), ne concernent finalement que 11 partenaires commerciaux de l'UE, sur un total de 208 exportateurs potentiels vers l'UE (contre 25 pays se voyant opposer le NPF par les États-Unis, qui de ce point de vue sont donc plus « multilatéraux » que ne l'est l'UE)2. Figure III-06 : le bol de spaghetti européen. Source: Hedi Bchir M., Y. Decreux et M. Fouquin, «L’élargissement: vers un renforcement des relations entre l’Europe et les pays méditerranéens ? Économie et statistique N° 363-364-365, 2003, p. 270. 1 Mahjoub Azzam, «La politique européenne de voisinage : un dépassement du partenariat euro-méditerranéen», Politique étrangère, 2005/3 Automne, p. 535-544. 2 Plancade J.P., D. Soulage, Op.cit., p. 19. 246 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Les régimes de préférences commerciales de l'UE forment un ensemble diversifié et complexe de concessions commerciales enchevêtrées (un bol de spaghettis selon Bhagwati), avec des préférences des degrés différents - tant en termes de la profondeur des marges préférentielles et la largeur de la couverture des produits - accordée soit sur une base unilatérale ou réciproque1. Cette situation qui mettre la politique commerciale de l’UE profondément discriminatoire, à cause de sa nature qui est composée de nombreux accords bilatéraux préférentiels et actuellement ils offrent plusieurs. L’application simultanée de différents outils de protection et d’accords spécifiques, combinée à des structures de spécialisation différentes de ses partenaires, crée de facto une hiérarchie dans les préférences européennes 2 . De ce fait, les pays du Maghreb ont une forte spécialisation dans l’agriculture et les produits de textile et habillement où les tarifs spécifiques abondent en Europe, et ils sont partis d’un accord d'association avec l’UE autre que le système des préférences généralisées (SGP). Aussi, leurs positions dans la pyramide des préférences européennes est mauvaise, et il est de l’intérêt du pays du Maghreb d’inclure l’agriculture dans les négociations. Selon le rapport sur le commerce mondial 2011, si on calcule le taux d’utilisation des préférences (en divisant les importations effectuées dans le cadre d’un régime préférentiel par les importations pouvant bénéficier de ce régime), au Maroc comme en Tunisie, le taux d’utilisation des préférences accordés par l’UE est étonnamment élevé. Cela tient principalement aux importations de vêtements et de chaussures. Les taux d’utilisation sont relativement bas pour les importations en provenance d’Algérie, ce qui peut s’expliquer principalement par le fait que l'importation de l'UE à partir de l'Algérie est concentrée sur les produits pétroliers. Graphique III-10: Taux d’utilisation des préférences (TUP) dans le cadre des régimes préférentiels de l’UE (classés par exportations admissibles), 2008. Source: OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2011, L’OMC et les accords commerciaux préférentiels: de la coexistence à la cohérence», Genève, 2011, p. 81. 1 Luca De Benedictis, Luca Salvatici, "The Trade Impact of European Union Preferential Policies, An Analysis Through Gravity Models", Springer-Verlag Berlin Heidelberg, 2011, p. 80. 2 Bchir Mohamed Hedi et al. «Accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur: une étude avec le modèle MIRAGE», Économie internationale, 2003/2 n° 94-95, p. 78-79. 247 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Par ailleurs, dans une étude centrée sur les pays à faible revenu, c’est-à-dire ceux dont le revenu national brut par habitant se situe entre 766 et 9385 dollars (selon la définition de la Banque mondiale), Katerina Alexandraki était parvenue à des résultats comparables. Alexandraki a entrepris de quantifier la valeur des préférences et d’estimer les conséquences de leur érosion pour les pays à revenu intermédiaire, à partir d’une simple analyse d’équilibre partiel. Selon l’auteur, seul un petit nombre de pays fortement dépendants de quelques produits (notamment textiles, produits de la pêche et cacao) allaient être durement touchés par l’érosion des préférences 1. Alexandraki a constaté que, globalement, l’impact serait relativement moindre pour le Maroc et la Tunisie qui sont fortement dépendants des produits de textiles, suite aux conséquences de l’expiration des contingents de l’Accord Multifibre sur les textiles et les vêtements à la fin de 2004, et en tenant compte des rentes issues des tarifs plus faibles applicables aux exportateurs de textiles bénéficiant d’un traitement préférentiel. Le concept de «marge préférentielle» a permis de dresser un classement des pays en fonction de leur degré de vulnérabilité à l’érosion des préférences dont il vigueur le Maroc et la Tunisie. Alexandraki a estimé l’impact d’une érosion des préférences en retenant l’hypothèse d’une réduction de 40% des marges préférentielles du fait d’une libéralisation par les pays de la Quadrilatérale sur la base du traitement NPF. D’après ses résultats, les exportations de plusieurs pays pourraient diminuer fortement, même si l’offre n’était pas très sensible aux variations de prix (Figure III-07). Si, en fonction de l’issue des négociations, la réduction était inférieure à 40%, les résultats pourraient être différents. En tout état de cause, tout ajustement des tarifs NPF et, partant, toute érosion des préférences s’étalera vraisemblablement sur plusieurs années et, par conséquent, l’impact que subiront les pays bénéficiaires durant une année donnée sera plutôt modéré. Figure III-07: Les Etats les plus touchés à l’érosion des préférences, dont figure le Maroc et la Tunisie (Baisse en pourcentage des recettes d’exportation suite à une hypothèse de réduction de 40% de la marge préférentielle) Source: Alexandraki K., «Érosion des préférences, Faut-il s’en alarmer? », Finances & Développement, Mars 2005, p. 26-29. 1 Alexandraki K., «Érosion des préférences, Faut-il s’en alarmer? », Finances & Développement, Mars 2005, p. 26-29. 248 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE 2- L’absence et /ou faible intégration horizontale (intégration Sud-Sud). Plusieurs auteurs ont souligné que les pays du Maghreb (notamment les autres pays de sud de la méditerranée) pourraient être en position de bénéficier de plus d’intégration verticale (avec l’UE) sous réserve que l’intégration horizontale (avec d’autres PM) soit également atteinte. Ceci s’explique par le fait que l’intégration entre les PM devrait améliorer l’efficacité des processus de production dans cette zone (par la désegmentation des marchés, les économies d’échelle, la localisation industrielle appropriée et autres gains d’efficience) ce qui devrait ensuite augmenter les gains dans toute la zone Euromed, par le biais d’effets d’entraînement en amont/aval. Cet aspect est important puisque ces pays sont déjà très dépendants de l’UE dans leurs échanges commerciaux. De plus, la libéralisation commerciale va permettre aux produits de l’UE de pénétrer avec une plus grande compétitivité les marchés des pays maghrébins et devrait générer des détournements de trafic au profit de l’UE et au détriment des pays tiers, en renforçant le commerce Nord-Sud. Les accords Sud-Sud devraient donc permettre de dynamiser les échanges intra-zone. Toutefois, et malgré le fait que le partenariat euro-méditerranéen vise en outre à promouvoir l’intégration régionale Sud-sud. Cela s’est traduit par des accords peut nombreux1, en effet depuis l’entrée en vigueur de tous les accords d’association des pays du Maghreb avec l’Union européenne, le Maroc et la Tunisie ont signés des ACPr avec ses partenaires méditerranéens. En 2004, les deux pays ont signé l’accord d’Agadir qui est le plus avancé dans l’intégration sud-sud. D’autres sont relativement exclus de ce processus, tel est le cas avec l’Algérie, qui n’a pas encore signé beaucoup d’accords de libre-échange, sa priorité reste son accession à l’OMC. Néanmoins, la mise en place de ces accords n’a pas permis d’accentuer les échanges commerciaux entre les pays du Maghreb et ses partenaires méditerranéens2. L'Accord d'Agadir est une initiative de l'UE, dont l'objectif est de favoriser les échanges intrarégionaux parmi les quatre pays mentionnés afin d'améliorer l'intégration Sud-Sud. Cet accord peut conduire à une plus forte intégration régionale des quatre pays en raison de la présence de dispositions plus claires que celles stipulées dans la "Grande zone arabe de libre échange" 3. En réalité, il est peu probable que la forte concentration géographique du commerce marocain et tunisien avec l'Union européenne soit facilement réorientée vers l'Égypte et la Jordanie. De plus, l'adhésion des quatre pays à d'autres accords commerciaux régionaux devrait diluer l'effet de l'Accord d'Agadir (l’effet de Bol de Spaghetti) devrait certainement minimiser l'effet positif de l'Accord d'Agadir en termes d'amélioration du commerce entre les pays membres. De plus, cet accord est mis en œuvre dans un ensemble de pays relativement similaires en termes de diversification des exportations et de la base industrielle. De plus, les différences de taux tarifaires ne sont pas notables, si on les compare au cas des pays du Golf, par exemple, et cela devrait faciliter l'adhésion à des accords dans le future, particulièrement depuis que les quatre pays 1 Avallone N., Op.cit., p. 224. Stéphanie Darbot-Trupiano, «Le Partenariat euro-méditerranéen : une tentative d’intégration maladroite», L'Espace Politique [En ligne], 2 | 2007-2, mis en ligne le 03 août 2007, Consulté le 24 octobre 2012. URL : http://espacepolitique.revues.org/index844.html. 3 Nhidi M, «Stratégies de libéralisation et politique européenne de voisinage: quel rôle pour les pays du Maghreb?», Op.cit., p. 48. 2 249 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE se sont engagés dans des réformes majeures et qu'ils adoptent une politique orientée vers l'exportation. Figure III-08: Les Accords commerciaux préférentiels dans l’espace euro-méditerranéen. Source: OMC, accords commerciaux régionaux notifiés. In, Martín I., «Intégration économique en Méditerranée: au-delà de la zone de libre-échange 2010» in, Les politiques d’intégration euro-méditerranéennes: la zone de libre-échange 2010, Dossier Med2010, 2011, p.82. Tableau III-29: La part des échanges commerciaux entre les pays du Maghreb et leurs partenaires méditerranéens en 2012. Les Exportations Algérie Algérie Maroc 0.8% Tunisie 2.5% Maroc Tunisie Egypte Jordanie Liban Turquie TerritPalest MEDA (Exl UE+turkey) 1.5% 1.2% 1.2% 0% ~ 0% 1.4% ~ 0% 3.9% 0.6% 0.6% 0.2% ~ 0% 1.3% ~ 0% 2.6% 0.4% 0.1 0.2 1.0% ~ 0% 4.5% 0.9% 0.9% 0.3% 0.1% 3.6% ~ 0% 2.7% 0.5% 0.9% ~ 0% 0.1% 2.2% ~ 0% 3.4% 0.8% 0.1% ~ 0% 3.1% ~ 0% 4.2% 1.1% Les Importations 0.4% Algérie Maroc 1.9% Tunisie 2.7% 0.5% Source: EUROSTAT, mise à jour de 05 juillet 2013. Concernant ces échanges intra zones, il existe le risque que se créent des effets «moyeu-rayon» pouvant être dommageables à ces économies. Les investisseurs peuvent avoir intérêt, en termes de localisation, à rester sur le « moyeu » (dans le cas présent l’Europe ou une région jugée dynamique dans la zone) ou près de celui-ci pour avoir accès, depuis ce lieu, à tous les « rayons » (les PSEM). Dans cette logique, les « rayons » sont alors délaissés car ils ne donnent accès qu’au lieu de 250 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE localisation et au « moyeu ». Il existe donc une forte agglomération d’activités dans un nombre réduit de lieux. Dans cette optique, le décloisonnement des marchés étroits apparaît comme une stratégie qui peut limiter l’agglomération d’activités et réduire les inégalités. L’unification des marchés permet également de proposer un espace de débouchés élargis qui autorise la réalisation d’économies d’échelle dans les activités productives. S’il passe par les accords de Barcelone de 1995, le décloisonnement des marchés dans la zone passe également par ces accords1. Plusieurs études ont examiné les raisons sous-jacentes à la faible intégration commerciale entre les pays arabes. Ces études ont identifié les raisons économiques, politiques, et institutionnelles expliquant cette insuffisante intégration2. - Parmi les raisons économiques, il est constaté que les pays arabes présentent un faible indice commercial intra industriel (Intra-Industry Trade Index - IIT), ce qui implique une base industrielle modeste où on trouve une forte similitude des structures de production et d'exportation des pays arabes. - Parmi les raisons politiques, on trouve l'absence de volonté politique sincère d'intégration, le manque de crédibilité et de faisabilité entre certains pays arabes pour entreprendre le processus d'intégration, ce qui crée une atmosphère de méfiance au sein des pays arabes concernant les accords commerciaux régionaux. - En ce qui concerne les raisons institutionnelles, l'imprécision des règles qui régissent le commerce aux frontières constitue le facteur explicatif principal de l'échec de plusieurs tentatives d'intégration régionale, en plus des déficiences infrastructurelles, particulièrement l'absence de réseaux routiers pour les transports de marchandises. 2.1- Le commerce intra-maghrébin. En 2012, Les échanges commerciaux des pays du Maghreb dans le commerce mondial se situent à 0,6% des exportations ou des importations mondiales et ils sont classés parmi les pays qui ont une part très marginale dans le classement international des pays participant à l’échange. Lorsqu’on compare le Maghreb à d’autres aires géographiques où tous les Etats se regroupent dans des ensembles dynamiques (l’UE, l’ASEAN, MERCOSUR ou l’ALENA). Les échanges intrarégionaux représentent 64,4% dans les pays de l’UE, 48,7%, dans ceux de l’ALENA, 15% dans les pays du marché commun du Sud, 7% dans la communauté andine 3 . Ils s’élèvent à 3% des échanges totaux dans les pays maghrébins. Les Etats du Maghreb s’accrochent à des stratégies solitaires, affrontant, de façon isolée, les nombreux défis que leur impose une mondialisation impitoyable, qui ne fait pas de place à de tels comportements solitaires. Selon Bichara Khader, «il est affligeant et même pathétique de voir les pays du Maghreb se disputer entre eux pour grappiller quelques parts du marché européen, tout en se tournant le dos»4. 1 Alaya M., D. Nicet-Chenaf et E. Rougier, Op.cit., p. 67. Nhidi M, «Stratégies de libéralisation et politique européenne de voisinage: quel rôle pour les pays du Maghreb?», Op.cit., p. 47. 3 Labaronne D., «Les difficultés de l'intégration économique régionale des pays maghrébins», Mondes en développement, 2013/3 n° 163, p. 99-113. 4 Bichara Khader, «Le monde arabe expliqué à l'Europe: Histoire, imaginaire, culture, politique, Economie, Géopolitique», Op.cit., p. 509. 2 251 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Il suffit pour s’en rendre compte de compter les multiples accords économiques bilatéraux signés avec des pays extra-maghrébins : Maroc/Etats-Unis en 2004 (signé le 15 juin 2004 et entré en vigueur le 1er janvier 2006), Maroc/Turquie (signé le 7 avril 2004 et entré en vigueur le 1er janvier 2006), Maroc/Jordanie (signé le 16 juin 1998 et entré en vigueur le 21 octobre 1999), Maroc/Egypte (signé le 27 mai et entré en vigueur le 29 avril 1999). Les autres pays du Maghreb ont fait de même. Ainsi un accord de libre-échange est signé entre la Tunisie et la Turquie en 2005, sans compter les divers accords bilatéraux signés entre des pays maghrébins et l’Association européenne de libre-échange, tel l’accord Maroc/AELE signé le 19 juin 1997 et entré en vigueur le 1er mars 2000, ou les accords signés dans le cadre du Partenariat euroméditerranéen »1. L’Union européenne est un partenaire commercial majeur au niveau mondial. C’est ainsi le premier importateur et le premier exportateur à l’échelle mondiale avec respectivement 18,3 % des importations et 15,8 % des exportations mondiales hors commerce intra-UE. Mais la comparaison des échanges Maghreb/UE avec les échanges intra-maghrébins ou avec les échanges de type Sud/Sud, souligne l’extrême verticalité des relations Maghreb/UE et la faible intégration horizontale maghrébine ou entre les autres pays partenaires des accords-euroméditerranéens. A ce sujet, les pays de la région maghrébine sont déjà conscients des avantages que procurerait une plus grande ouverture intra-maghrébine. Plusieurs études ont montré que le non-Maghreb coûte 2 à 3 points du PIB à chaque pays maghrébin 2 . Dans ce sens, Ils ont conclu des accords commerciaux entre eux. Mais la première remarque désolante c’est que ces accords ne sont à l’heure actuelle, pas pleinement exploités. Les échanges bilatéraux entre les trois pays (Algérie, Maroc et Tunisie) ne représentent qu’une fraction minime, moins de 2% selon CNUCED, des échanges totaux de chacun et restent bien en deçà de leur potentiel ; c’est le taux le plus faible qu’enregistre un groupement régional dans le monde 3 . Les pays du Maghreb représentent des marchés relativement petits et fragmentés dus, en plus des facteurs déjà cités, à la nature des productions nationales des pays en question surtout le Maroc et la Tunisie qui se caractérisent en grande partie par une certain similarité entre eux, surtout le Maroc et la Tunisie, dont la meilleure chance de développement se situe dans l’ouverture et l’intégration4. Selon Labaronne, «La faiblesse des échanges intra-maghrébins, la nature de la structure sectorielle de leurs échanges et de leur spécialisation, la forte dépendance asymétrique de leur commerce avec l’UE décrivent une situation de type « hub and spokes ». Le moyeu (hub) est représenté par l’UE et les rayons (spokes) par les pays maghrébins. Ces pays développent d’intenses relations commerciales avec leur partenaire principal qui est l’UE; toutefois, ils négligent les 1 Bichara Khader, «Le monde arabe expliqué à l'Europe: Histoire, imaginaire, culture, politique, Economie, Géopolitique», Op.cit., p. 509. 2 Kerdoudi J., «Maghreb-UE: Un bilan très mitigé », Finances News Hebdo, le 12 décembre 2012. Disponible sur http://www.maghress.com/fr/financesnews/19052 consulté le 10 février 2013. 3 Estelle Brack, «Systèmes bancaires et financiers des pays arabes: Vers un modèle commun ?», Editions l’Harmattan, Paris, 2012, p. 139. 4 Zouiri H., «Le partenariat euro-méditerranéen: Contribution au développement du Maghreb», Op.cit., p. 169. 252 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE échanges avec les partenaires de leur zone de proximité » 1. Ce type d’effet a été mis en évidence dans le chapitre II de ce travail. Dans ce cadre théorique, Baldwin (1997) explique que certains exportateurs préféreront intensifier leurs échanges avec le hub régional (l’UE) plutôt que de favoriser l’ouverture intrarégionale (pays du Maghreb). Le hub leur ouvre de nouvelles perspectives en termes d’accessibilité du marché, alors que l’étroitesse du marché intrarégional ne les incite pas à investir et à échanger. Dans une telle situation, c’est primordial pour les pays du Maghreb de développer de fortes relations économiques intramaghrébines et avec les pays de sud de la méditerranée, en même temps, d’instaurer des relations interétatiques entre eux et avec leurs partenaires régionaux. Malgré le fait que l’UE a consacré 10% de son instrument financier MEDA, aux questions relatives à l’intégration intra-régionale, mais le volume du commerce intra-régional reste extrêmement faible, puisqu’il ne représente que 6% des échanges dans la rive sud de la zone Euroméditerranéen2. Le développement économique ne peut s'accomplir dans les pays du Maghreb sans une aide financière accrue de l'UE, une assistance technique tous azimuts, et le développement des investissements productifs. Pour ce qui est du développement social, une aide accrue de l'UE est indispensable dans les domaines de l'éducation, de la santé…etc3. Si la tendance générale est à l’amélioration des parts d’échanges intra-branches (excepté pour l’Algérie, dont le niveau est le plus faible), c’est essentiellement avec les partenaires du reste du monde que les niveaux de commerce intra-branches sont les plus significatifs. On remarque toutefois que les deux pays les plus proches de l’UE, la Tunisie et le Maroc, développent ce type d’échanges plus fortement avec leurs partenaires européens4. 3- L’impact des élargissements de l’UE. L’Union européenne est une collaboration sans précédent entre 27 pays actuellement, qui ont décidé de mettre en commun certaines compétences étatiques, afin d’améliorer la coopération et la cohérence entre les politiques des différents pays. Aucune organisation supranationale n’a encore atteint un tel niveau d’intégration. En effet, à l’heure où d’autres organisations régionales se limitent à une coopération purement économique, les pays de l’UE collaborent dans des domaines très variés: coopération en matière pénale, sécurité commune, etc. En 1985, l’Union européenne a mis en place «l’espace Schengen» dans le but de supprimer les frontières intérieures. Cet accord a donc permis de créer un espace libre de circulation et d’y appliquer «les quatre libertés»: libertés de circulation des capitaux, des services, des biens et des personnes, et de mettre en place un marché commun de libre concurrence. Par définition, cette organisation est une union d’États membres, voulant coopérer et profiter pleinement des avantages d’une mise en commun de certaines politiques5. 1 Labaronne Daniel, « Les difficultés de l'intégration économique régionale des pays maghrébins », Mondes en développement, 2013/3 n° 163, p. 99-113. 2 Abdmouleh M., «Partenariat euro-méditerranéen: Promotion ou instrumentalisation des Droits de l’Homme», Edition l’Harmattan, Paris, 2010, p. 133. 3 Kerdoudi J., Op.cit. 4 FEMISE, «Crise et voies de sortie de crise dans les pays partenaires méditerranéens de la FEMIP», Rapport de synthèse coordoné par Ahmed Galal et Jean-Louis Reiffers, BEI, novembre 2010, p. 33. 5 Gladys Crognaletti, «Le nationalisme régional et l’Union européenne : le cas de la Catalogne», Le Think tank européen pour la Solidarité (asbl), Avril 2013, Bruxelles, p. 04. 253 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE 3.1- Les Élargissements de l’UE. Le concept d’élargissement désigne les six vagues successives de nouvelles adhésions qu’a connues la Communauté européenne et par lesquelles vingt-et-un pays se sont jusqu’à présent ajoutés aux pays fondateurs. L’Union européenne s’est constituée à partir d’un noyau initial de six pays, lors de la signature du traité de Rome (25 mars 1957). La CEE regroupe (l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, Luxembourg et le Pays-Bas) compte millions d’habitants, trois pays (République fédérale d’Allemagne, France et Italie) représentant à eux seuls près de 90% de la population concernée par cet accord. C’est une Communauté économique, c'est-à-dire un espace au sein duquel les pays signataires s’engageaient, aux termes du Traité de Rome à éliminer les obstacles à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux. A ce noyau fondateur les élargissements successifs ont été les suivants1 : - en 1973, le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark, ce qui fait passer la population de la CEE à 257 millions; - en 1981, la Grèce ; - en 1986, l’Espagne (38.5 millions) et le Portugal ; - en 1995, l’Autriche, la Finlande et la Suède ; - en 2004, Chypre, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Slovénie (Pays de PECO). - et enfin, en 2007, la Bulgarie et la Roumanie. À cet égard, les avantages économiques potentiels de l'élargissement peuvent être regroupés en trois grandes combinaisons suivantes2: 1. Les opportunités liées à l’intégration commerciale entre les anciens et les nouveaux membres de l'UE suite à la libéralisation et les processus de transformation du marché des PECO, 2. Les gains d'efficacité découlant d'une concurrence accrue, de plus grandes économies d'échelle, et les différenciations de production liés à la taille agrandie du marché unique européen, 3. L'approfondissement des spécialisations productives et l'intensification / technologique des processus de restructuration / délocalisation après la poussée vers l'intégration productive entre l'Europe orientale et occidentale (effets de Baldwin – voir chapitre II). Alors que la réallocation des flux commerciaux entre les pays européens, conséquente au premier ordre des effets, est capable de provoquer des effets positifs mais limités et en grande partie ces avantages ont déjà été principalement réalisés au cours des années 1990, le second ordre des effets liés à l'approfondissement du marché unique européen est beaucoup plus importante, et sont donc les effets qui pourraient découler du processus de restructuration / reconversion avec leur 1 Masuy-Stroobant G., «L'élargissement de l'Union européenne. Enjeux et implications socio-démographiques», Presses universitaires de Louvain, Belgique, 2003, p. 30. 2 Guerrieri P., «The Economic Goals of the Enlargement and the Challenges to the 27 EU Countries», in, Alberto Quadrio Curzio and Marco Fortis (Dir.), The EU and the Economies of the Eastern European Enlargement, PhysicaVerlag edition, Germany, 2008 , p. 31. 254 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE moyen / impact à long terme sur l'accumulation et la croissance de l'ensemble de la zone européenne. Ainsi, l'élargissement est une occasion de mettre à niveau les spécialisations de production en Europe1. 3.2- Les élargissements de l’UE sont un défi pour les pays du Maghreb. Selon l’effet de domino anticipé par R. Baldwin, lequel tout élargissement de l’UE provoquerait naturellement d’autres élargissements de la part des Etats voisins (voir le chapitre II). Son modèle affirme qu’un élargissement de l’UE nuit aux exportations de non-membres, ce qui les conduit à chercher à la rejoindre. Le 20 juillet 1987, le Maroc avait fait une demande officielle d’adhésion à l’UE, mais sa candidature avait été rejetée dès le mois d’octobre de la même année parce que ce pays ne fait pas partie à la même identité européenne2. A cette fin, l’Union européenne a proposé en 2003 une nouvelle politique de voisinage de l’Europe élargie avec les pays de l’Est et du Sud de la Méditerranée. Cette nouvelle politique vise principalement à faire progresser le cadre des relations avec les pays voisins qui n’ont actuellement aucune perspective d’adhésion « tout, sauf les institutions »3. L'entrée de la Grèce, l'Espagne et le Portugal a suscité des inquiétudes pour plusieurs raisons. Le risque de l’érosion de préférences s’est encore accentué, puisqu’il a impliqué la remise en cause de ces préférences commerciales envers le Maghreb. Bien que les accords d'adaptation aient tenté par la suite de remédier à ce problème, leurs propres clauses (c'est-à-dire les contingents tarifaires et les quantités de références) et l'application des règles de la Politique agricole commune (PAC), en particulier les prix de références et les prix minimum, ont rendu le changement inévitable. En outre, l'Espagne et le Portugal, à la différence du Maghreb, n'avaient plus à faire face aux MNT de la CEE. Enfin, parce que les deux groupes de pays présentaient des structures d'exportation similaires, les pays du Maghreb craignaient un détournement d'échanges4. Malgré le fait que les élargissements de l’UE, et surtout le deuxième et le troisième aient fait craindre aux pays du Maghreb une disparition de leurs privilèges traditionnels en matière d’accès au marché,5 les deux derniers élargissements de l’UE (2004 et 2007) vers les pays du l’Est ne sont pas à leurs tours, sans poser de problèmes aux pays du Maghreb à la veille de la formation d’une zone de libre-échange euro-méditerranéenne. Compte tenu des circuits d’échanges des PECO et des pays du Maghreb, l’élargissement risque, par contre, d’avoir des conséquences relativement importantes sur les échanges commerciaux des pays du Maghreb. Ils s’inquiètent de la perspective de détournements d’échanges et d’investissements associés à l’élargissement de l’UE. En ce qui 1 Guerrieri P., Op.cit., p. 31. La Commission européenne a estimé en 1992 que : «Le terme «européen» n'a pas reçu de définition officielle. Cette notion associe des éléments géographiques, historiques et culturels qui, tous, contribuent à forger l'identité européenne. L'expérience commune liée à la proximité, le fond commun d'idées et de valeurs et l'interdépendance historique ne peuvent pas se résumer en une formule simple, et leur contenu est susceptible de changer au gré des générations successives. La Commission estime qu'il n'est ni possible ni pertinent de fixer à l'heure actuelle les frontières de l'Union européenne, dont les limites seront tracées au cours d'une période à venir de plusieurs années». In, Commission européenne, « Le défi de l’élargissement », rapport de la Commission européenne présenté au Conseil Européen de Lisbonne de juin 1992, Bulletin CE S. 3/92. p. 11. 3 Ant Kiymet, «L’adhésion de la Turquie à l’Union européenne: Une conditionnalité hors du commun», L’Harmattan, Paris, 2010, p. 356. 4 OCDE, «L'Union européenne et le Maghreb», par Lionel Fontagné et Nicolas Péridy, OCDE, 1997, Paris, p. 23. 5 Ibid., p. 40. 2 255 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE concerne les PECO, les flux de commerce témoignent que les structures productives de ces pays convergent rapidement vers celle de l’UE. Le développement de leur spécialisation intra-branches soutient des échanges actifs avec l’UE 15. Les performances des nouveaux pays membres ont également recueilli vraiment des résultats encourageants sur le front des exportations. L'élimination par l'UE et PECO de la plupart des obstacles au commerce, au cours des années 1990, et le renforcement des programmes de coopération et d’association avec l’UE qui prévoient un accès préférentiel de leurs productions au marché européen (par des réductions tarifaires allant, selon les produits, de 20% à 80%, sauf pour les produits agricoles) a favorisé un boom des exportations pour les pays d'Europe orientale qui ont fortement contribué à la reprise de l'ensemble de la région. Ainsi, dans le période 2000-2011, les exportations de la Hongrie ont augmenté de plus de cinq fois, ceux de la République slovaque, la Pologne et la République tchèque quatre fois en moyenne, et la Slovénie a plus que doublé1. Graphique III-11: L’évolution des exportations des PECO vers l’UE (2000-2011). 600 000,00 Bulgarie Croatie Millions de dollars EU 500 000,00 Estonie Hongrie 400 000,00 Lettonie Lituanie 300 000,00 Pologne 200 000,00 Roumanie Slovénie 100 000,00 ,00 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 République slovaque République tchèque PECO Source : calculé à partir de la Base de données statistiques de l’OMC. Cette augmentation significative des exportations a été accompagnée par un grand afflux d'investissements directs étrangers (IDE) en Europe de l'Est en provenance de la zone développée et en particulier les 15 pays de l'UE. Cet afflux dans cette dernière décennie très supérieur aux valeurs attendues liées aux niveaux efficaces de revenu, la taille des marchés, et la proximité relative des différents pays concernés. Les flux d'IDE ont été fortement concentrés en termes géographiques et sectoriels dans les PECO, qui ont également contribué à l'augmentation de la capacité de production de ces dernier dans les secteurs manufacturiers divers (tels que mécanique, l'électronique et les produits pharmaceutiques) plutôt que dans de nombreux services. Environ 580 milliards de dollars ont coulé 1 Guerrieri P., Op.cit., p. 31. 256 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE dans les PECO depuis le milieu des années 1990, notamment en récompensant certains pays comme la République tchèque et la Hongrie, devenant ainsi des sources primaires d'épargne et de devises1. Tableau III-30: Les afflux des IDE vers les PECO (1995-2012). 1995 République Pologne tchèque 5 103,49 2 561,83 3 659,00 1996 3 299,58 1 428,44 1997 4 167,32 1 301,37 1998 3 334,86 1999 3 311,94 2000 2001 ANNEE Hongrie Slovénie Slovaquie Estonie Lettonie Lituanie Bulgarie Roumanie 151,67 2 587,15 201,73 178,29 72,56 90,40 4 498,00 173,06 369,74 150,72 382,36 152,43 4 908,00 333,15 230,60 266,11 522,33 354,49 3 716,36 6 398,40 217,84 706,83 573,47 355,83 6 329,67 7 270,78 105,67 428,50 303,05 346,45 2 764,06 4 985,21 9 445,31 133,23 2 720,38 391,58 3 936,05 5 641,74 5 701,17 368,97 2 274,84 539,51 2002 2 993,57 8 482,05 4 122,76 1 621,22 5 864,88 2003 2 137,40 2 102,74 4 587,72 305,23 2 975,67 2004 4 265,73 4 974,50 12 874,42 825,91 2005 7 708,96 11 653,25 10 293,37 2006 6 817,54 5 462,63 19 603,24 2007 3 950,84 10 443,82 2008 6 325,44 6 451,00 2009 1 994,61 2 926,81 12 932,11 2010 2 162,79 6 140,58 13 875,57 PECO 419,00 15 025,12 109,00 263,00 10 826,33 490,12 1 215,00 13 788,50 925,50 535,44 2 031,00 18 795,53 486,46 825,36 1 027,03 20 434,91 412,97 378,87 1 016,49 1 056,75 23 304,85 131,57 445,81 808,43 1 157,93 21 006,01 288,96 253,34 724,97 922,29 1 140,65 26 414,69 928,47 304,45 180,41 2 088,58 2 196,30 17 806,97 4 028,99 957,55 636,53 773,70 3 397,12 6 435,59 39 170,04 587,57 3 109,64 2 869,35 706,72 1 028,09 3 919,97 6 482,86 48 359,77 643,93 5 803,09 1 796,29 1 663,35 1 816,78 7 804,89 11 366,87 62 778,61 23 560,76 1 514,29 4 017,25 2 716,80 2 322,32 2 015,01 12 388,86 9 921,47 72 851,41 14 838,70 1 947,49 4 868,02 1 731,14 1 261,39 1 964,52 9 855,11 13 908,52 63 151,34 -652,50 -6,08 1 839,95 93,94 -13,72 3 385,35 4 844,11 27 344,59 358,89 1 769,76 1 598,92 379,53 799,60 1 524,70 2 940,22 31 550,57 2011 5 757,14 2 317,55 18 910,51 999,23 2 142,89 257,14 1 465,75 1 447,99 1 827,46 2 523,09 37 648,76 2012 13 468,96 10 592,49 3 355,71 144,79 2 825,92 1 470,40 987,61 835,14 1 899,39 2 242,08 37 822,49 Source : http://unctadstat.unctad.org/TableViewer/tableView.aspx, (consulté le 20 février 2013) En revanche, les pays du Maghreb accusent un retard dans leur diversification industrielle réduisant leur commerce à des échanges majoritairement intra-branches relativement moins dynamiques et porteurs de croissance. Ce commerce interbranche peut mettre les pays du Maghreb à l’abri d’une réduction des échanges, mais leur confère un faible avantage comparatif pour l’avenir. La question essentielle est de savoir si la perspective d’une zone de libre-échange euroméditerranéenne ne risque pas de perpétuer simplement des échanges de type « centre-périphérie » en continuant de marginaliser les pays du Maghreb. La constitution préalable d’un espace régional sud-sud de libre-échange semble pour beaucoup une étape indispensable. Malheureusement l’Union du Maghreb Arabe (UMA) a réalisé peu de progrès depuis sa création. La question de savoir si le nouvel élargissement de l’UE risque d’entrainer des effets de détournement d’échanges au détriment des pays du Maghreb peut sembler pareille à la précédente. En effet, il ne s’agit pas tellement d’un problème de détournement de commerce accentué par l’érosion des préférences accordées aux pays du Maghreb: les échanges des PICO avec l’UE se sont développés depuis 1990 déjà, et ceux-ci sont de moins en moins semblables à ceux des pays du Maghreb. Le problème est celui de la dynamique des échanges liée aux transformations des 1 Guerrieri P., Op.cit., p. 31-32. 257 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE systèmes productifs des pays. Dans l’analyse de Chauprade A (2004) des conséquences de l’élargissement de 2004 cité par Nhidi Manel, A. Chauprade (2004) fait un diagnostic encore plus alarmant. Il estime que «la constitution, au sein de l’UE, d’une majorité qualifiée atlantiste amènerait l’Europe à donner le pouvoir à la vision transatlantique au détriment d’une Europe indépendante tournée vers la Méditerranée»1. Dans une autre étude, les simulations ont montré que les résultats étaient très sensibles aux gains de productivité et aux externalités liés aux accords. En l’absence de politiques d’accompagnement ou de réformes institutionnelles ou fiscales, d’investissements directs à l’étranger (IDE) ou de transferts de technologie, les échanges des pays du Maghreb avec l’UE risquent de stagner par rapport à ceux des PICO2. Graphique III-12: Comparaison des afflux des IDE au Maghreb et PECO (1993-2012). 80 000,00 70 000,00 60 000,00 l'impact de la crise financière et économique Mondiale et la crise de la dette sur les afflux des IDE 2007, l’adhésion à l’UE de 02 nouveaux États (PECO).Il s’agit de La Roumanie et la Bulgarie 2004, l’adhésion à l’UE de 08 nouveaux États (PECO) est signé à Athènes. Il s’agit de l’Estonie, de la Hongrie, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Pologne, de la République tchèque, de la Slovaquie, de la Slovénie 50 000,00 40 000,00 30 000,00 PECO Maghreb 20 000,00 10 000,00 2012 2011 2010 2009 2008 2007 2006 2005 2004 2003 2002 2001 2000 1999 1998 1997 1996 1995 1994 1993 0,00 Source : http://unctadstat.unctad.org/TableViewer/tableView.aspx (consulté le 20 février 2013). Si l’on revient en arrière, c’est-à-dire avant l’élargissement de l’UE aux PECO. La comparaison de la situation des pays du Maghreb avec celle des PECO, montre que3: - le moteur de la transition de ces derniers c’était leur perspective d’adhésion à l’UE. Cette perspective n’est pas envisageable pour les pays du Maghreb. Indépendamment, les aides européennes pour les PECO étaient conséquentes et, en contrepartie, l’UE avait exigé des réformes institutionnelles profondes de la part de ces pays et qui étaient des conditions nécessaires et obligatoires pour l’adhésion à l’UE, ce qui a, en grande partie, contribué à leur réalisation. 1 Nhidi M, Op.cit., p. 55. Abdelkhaleq Berramdane, «Le partenariat euro-méditerranéen: À l'heure du cinquième élargissement de l’Union européenne», Op.cit., p. 219. 3 Dhahri Sellami, «Convergence entre les institutions de gouvernance publique et privée - rôle des Systèmes Nationaux de Gouvernance Cas des pays du Maghreb : Tunisie – Algérie – Maroc », doctorat ès sciences économiques, Université MONTESQUIEU - BORDEAUX IV et Université DE TUNIS-INSTITUT SUPÉRIEUR DE GESTION DE TUNIS, présentée et soutenue publiquement le 14 septembre 2012, p. 304-305. 2 258 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE - les aides internationales offertes aux pays du Maghreb, ne suffisent pas pour faire évoluer ces pays vers la formalisation des règles et notamment celles fournies par l’UE, qui sont négligeables par rapport à celles accordées aux PECO pour la mise en place d’institutions formelles et qui ont également permis à ces pays d’amorcer leur croissance économique et ainsi leurs richesses pour atteindre les niveaux de PIB par habitant similaire à ceux des pays développés. Pour conclure, il nous suffit de rappeler les analyses faites par un économiste en 2001 sur les difficultés économiques rencontrées par les pays du Maghreb, décrites comme suit : «ils ont des difficultés à sortir d’un développement insuffisant. L’économie montre chez eux, des faiblesses importantes dans de nombreux domaines : l’investissement direct étranger stagne ou régresse ; le commerce extérieur, tourné à 60% vers l’UE, connaît le déficit ; le degré de spécialisation de la plupart des produits est insuffisant ; la compétitivité des secteurs est faible ; la dépendance alimentaire extérieure est forte ; la croissance démographique est très élevée… »1. En 2013, ces argumentations semblent encore vraies à ce jour. 4- l’impact de la fin des accords multifibres et de l'accession de la Chine à l'OMC. A partir du 1er janvier 2005, la date qui a marqué la fin de l’accord multifibres, les biens issus des secteurs textiles et habillements ne donnent plus l’objet de quotas et réintègrent en conséquence le droit commun du commerce mondial2. Couplée à l’accession de la Chine dans l’OMC et à la concurrence des nouveaux producteurs asiatiques, cette évolution menace l’accès préférentiel sur le marché européen du textile sudméditerranéen. L’enjeu est considérable car le secteur textile du pourtour méditerranéen totalise en 2004, 82,4 milliards de dollars et représente 200 000 emplois au Maroc, 300 000 en Tunisie et près de 2,5 millions en Turquie3. Les craintes d’une totale domination de l’industrie chinoise concernent surtout l’industrie du vêtement. Puisque l’effet positif du démantèlement des quotas a surtout joué en faveur de la chine qui a été touchée par les restrictions de l’AMF. En 2005, la part de la Chine dans les exportations mondiales était de 27%, cinq ans plus tôt selon l’OMC, cette part était de 24%. La Chine possède plusieurs avantages: - la maitrise de la chaine de valeurs de bout en bout (du tissu au produit fini) dans le cadre de relations de co-traitance ; - les faibles coûts du travail ; - une monnaie sous-évaluée ; - une pression à la baisse des prix dans le marché mondial, en raison d’une concurrence intense. - avec son accession à l’OMC en 2001, la Chine avait anticipé le démantèlement tarifaire, ce qui a augmenté ses capacités de production. 1 Doucet D., « L’élargissement de l’Europe : Un risque pour le Sud ? », Editions l’Harmattan, Paris, 2001, p. 24. Autissier D., F. Bensebaa et F. Boudier, « L’Atlas du Mangement : Les meilleures pratiques et tendances pour actualiser vos compétences », Editions d’Organisation Groupe Eyrolles, Paris, 2007, p. 458-459. 3 Bichara Khader, «L'Europe pour la méditerranée: De Barcelone à Barcelone (1995-2008)», Op.cit, p. 59. 2 259 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Les effets de l’extinction des quotas textiles pourraient s’avérer catastrophiques pour des pays, comme la Tunisie ou le Maroc, qui ont construit leurs avantages comparatifs sur la sous-traitance, la proximité géographique et les bas salaires. Plus généralement, la fin de quotas a fragilisé les pays où le secteur de la confection est la principale source de devises. Tel est le cas de la Tunisie et le Maroc respectivement avec 32% et 26% des exportations de biens en 20051. En 2011, les échanges mondiaux de textile ont enregistré une hausse de 17 % et ont totalisé 294 milliards de dollars selon l’OMC. Toutefois, la Chine est le premier exportateur de textile, ce pays détient une part de 32,2 % dans les exportations mondiales en 2011, contre 8,1 % pour l’UE à 27. Les exportations de textile asiatique vers la zone Euromed ont totalisé 59 milliards de dollars. La Chine est le premier fournisseur de l’UE (les importations de textile en provenance de Chine se sont élevées à 10 milliards de dollars), suivie par la Turquie avec 5,2 milliards de dollars. Par ailleurs, en ce qui concerne les articles d’habillement, en 2011, les échanges mondiaux d’articles d’habillement ont totalisés 412 milliards de dollars, soit une hausse de 17 % par rapport à 2010. Les importations d’habillement de l’UE en provenance de Chine se sont élevées à 44,4 milliards de dollars. Ce dernier figure le premier fournisseur de l’Union européenne suivie de la Turquie (11,6 milliards de dollars) et du Bangladesh (10,5 milliards de dollars). Enfin, le graphique III-13, montre que les craintes énoncées auparavant, d’une totale domination de l’industrie chinoise au détriment de celle de la Tunisie et du Maroc, concernant surtout l’industrie de textile et habillement sur le marché européen a été confirmé entre les années 2001 et 2012. Graphique III-13: Evolution des importations des produits liés aux textiles et habillements en provenance de Chine, Tunisie et Maroc (1995-2012), en millier de dollars. 70 000 000,00 en millier de dollars 60 000 000,00 50 000 000,00 40 000 000,00 30 000 000,00 20 000 000,00 10 000 000,00 0,00 Maroc 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 1 808 1 1 776 8 1 704 9 2 385 6 2 441 0 2 334 9 2 351 2 2 506 6 2 875 2 2 968 7 2 959 3 3 214 8 3 588 6 3 785 9 3 243 3 3 340 9 3 615 3 3 364 7 Tunisie 2 471 0 2 560 5 2 445 0 2 664 9 2 583 6 2 431 8 2 870 1 2 950 1 3 405 4 3 680 8 3 530 6 3 465 2 4 123 9 4 369 3 3 598 0 3 591 0 3 837 1 3 399 0 Chine 4 701 8 4 847 9 5 520 9 5 822 4 5 926 9 6 985 0 7 328 4 8 807 4 11 478 12 894 19 755 29 180 28 875 39 308 37 055 46 460 57 194 51 756 Source: UNCTADStat, Matrice du Commerce de Marchandises - produits détaillées, exportations en millier de dollars, annuel, 1995-2012, http://unctadstat.unctad.org/TableViewer/tableView.aspx (consulté le 07 mars 2013). 1 Autissier D., F. Bensebaa et F. Boudier, Op.cit., p. 459. 260 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Section 5 : Des tentatives d’amélioration: vers une intégration plus profonde entre les pays du Maghreb et l’UE. 1- La Politique Européenne de Voisinage (PEV). L’Union européenne a proposé en 2003, une nouvelle politique dite de voisinage de l’Europe élargie avec les pays de l’Est et du Sud de la Méditerranée. Cette nouvelle politique vise principalement à faire progresser le cadre des relations avec les pays voisins qui n’ont actuellement aucune perspective d’adhésion « tout, sauf les institutions ». L’Union devrait s’employer à créer, en partenariat, un espace de prospérité et de valeurs partagées, fondé sur le libre-échange, une intégration économique accrue, des relations politiques et culturelles plus intenses, une coopération transfrontalière renforcée et un partage des responsabilités en matière de prévention et de résolution des conflits. En réponse à l’initiative américaine du « Grand Moyen-Orient » présentée au G8 en janvier 2004, l’UE a proposé un cadre global aux pays de la Méditerranée, aux pays du Conseil de coopération du Golfe, à l’Iran, au Yémen et à l’Irak1. A cette fin, l’UE a proposé à ses voisins de l’Est et à ceux du PSEM, via des plans d’action, une perspective de participation au marché intérieur européen, en contrepartie de leurs progrès concrets dans les domaines du respect des valeurs communes et de la mise en œuvre des réformes politiques, économiques et institutionnelles. Cette approche différenciée et progressive implique que chaque partenaire détermine jusqu'où il entend approfondir ses liens économiques et politiques avec l’UE. Elle présente ainsi l’avantage de moduler le partenariat en fonction des progrès réalisés par les pays tiers en matière de réformes et d’éviter le nivellement par le bas. Les relations bilatérales entre l’UE et les pays du Maghreb ont été marquées par la mise en place du Processus de Barcelone, et ont été renforcées avec l’entrée en vigueur en 2005 d’une nouvelle initiative. La PEV, qui couvre les trois piliers de l’Union, cette nouvelle initiative a été créée dans le but de compléter et renforcer les partenariats issus de processus de Barcelone et non s’y substituer. Sa mise en œuvre s’inscrit en continuité dans le cadre des accords existants. Elle n’offre aucune possibilité d’adhésion. Sa finalité est de « permettre aux pays voisins de cueillir eux aussi les dividendes de l’élargissement en termes de stabilité, de sécurité et de prospérité ». Trois traits la caractérisent : son fondement juridique constitutionnalisé, son champ d’application étendu et ses priorités ambitieuses2. La Commission européenne a adopté une nouvelle approche différente aux anciennes. Elle est clairement fondée sur le modèle de l’accession européenne (bien qu’excluant explicitement toute perspective pour une adhésion complète; le premier infortuné slogan politique utilisé comme référence à ses débuts fut «tout sauf les institutions»): c'est-à-dire centré sur l’achèvement de résultats prédéfinis (dans le cas du processus d’adhésion des pays candidats, l’accomplissement des critères de convergence de Copenhague de 1993 et l’adoption pleine de «l’acquis communautaire») et non pas sur le processus en tant que tel. En effet, le processus d’adhésion et les Plans d’Action adoptés dans le cadre de la PEV sont des processus géré/administrativement dans lequel la 1 Nhidi M., Op.cit., p. 50. Abdelkhaleq Berramdane, «Le partenariat euro-méditerranéen: À l'heure du cinquième élargissement de l’Union européenne», Op.cit., p. 28. 2 261 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Commission européenne joue un rôle central en tant qu’instance «technique» soutenant et supervisant la mise en œuvre des réformes légales, institutionnelles, politiques et économiques requises et évaluant les progrès (à travers la fameuse screening ou ratissage). Dans le cas des Plans d’action de voisinage, ces réformes sont conjointement approuvées par les pays membres, mais en pratique elles reflètent une approche normative et sont définies par la Commission européenne, avec une certaine marge pour les pays partenaires pour négocier la séquence et les priorités des réformes1. Donc la PEV cherche à consolider la stabilité et la sécurité dans le voisinage Sud et Est de l’UE. Le Maroc et la Tunisie ont exprimé un grand intérêt pour cette nouvelle initiative euroméditerranéenne. Il est utile de noter que la politique de voisinage initiée avec le Maroc a récemment donné lieu à un statut avancé dans ses relations avec l’UE. Néanmoins, la Commission Européenne a souligné l’attitude « réservée » de l’Algérie vis-à-vis la politique de voisinage, qui a refusé, dans l’immédiat, de se joindre à la nouvelle initiative. En effet, L’Algérie est le seul pays du Maghreb à ne pas être engagé dans un plan d’action, et a clairement indiqué sa volonté de s’en tenir, à ce stade, à la mise en œuvre de l’accord d’association malgré le fait que les effets attendus de processus de Barcelone ne s’étaient pas enclenchés et leur bilan est plus que mitigé. Pour l’Algérie, la PEV, de par son ambition politique et économique, soulève des inquiétudes. En fait, pour ce pays, elle institutionnalise «une logique d’hégémonie» dans le cadre d’une relation bilatérale qui ne peut être que défavorable tant elle est susceptible de les déposséder du contrôle de l’agenda des réformes économiques et politiques à mettre en œuvre. En 2002, l’Algérie avait signé à contrecœur l’accord d’association avec l’UE ; en 2009, elle dénonce le manque de soutien de l’UE à l’intégration de l’Algérie dans l’OMC et l’absence d’investissement hors hydrocarbures. Par ces critiques, elle exprime sa déception vis-à-vis de l’UE et donc son refus de se précipiter dans un plan d’action. En fait, « la résistance » à la PEV est le produit de la richesse pétrolière 2. La PEV est organisée en Plans d’Action bilatéraux UE-Maroc et UE-Tunisie, adoptés en juillet 2008, soulignant un ensemble d’objectifs et de priorités communs à l’UE et son voisinage. Les Plans d’Action ont pour stratégie la sécurité et la stabilité régionale à travers la consolidation d’une coopération politique, économique, sociale et culturelle entre l’UE et certains pays voisins, et devaient définir des priorités et des points focaux pour la mise en œuvre des accords existants. Les Plans d’action couvrent deux grands domaines: - premièrement, les engagements dans des actions spécifiques qui confirment ou renforcent l’adhésion à des valeurs communes et à certains objectifs dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité - deuxièmement, les engagements dans des actions qui rapprocheront les pays partenaires à l’UE en un certain nombre de domaines prioritaires. 1 Iván M., «Du Partenariat euroméditerranéen à la Politique européenne de voisinage: Des modèles économiques à la recherche du développement de la rive Sud », version française du chapitre In Search of Development Along the Southern Border: The Economic Models Underliying the Euro-Mediterranean Partnership and the European Neighbourhood Policy, dans Ferragina A.M. (Dir.), Bridging the Gap: the Role of Trade and FDI in the Mediterranean, Consiglio Nazionale delle Ricerche-Istituto di Studi sulle Società del Mediterraneo, Naples, 2007, p. 115-141. 2 Martinez L., «La position de l’Algérie devant l’intégration méditerranéenne », in, Annuaire IEMed de la Méditerranée 2010», , IEMed, Barcelone, 2010, p. 193-196. 262 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Ces plans d’action devaient définir des actions -clés dans un nombre limité de domaines qui doivent être traités comme une priorité particulièrement élevé ainsi que des actions dans un large éventail de domaines, correspondant à la portée des accords bilatéraux en vigueur. Ces priorités d’action seront aussi précises que possible, compte tenu du thème abordé et constitueront dès lors des critères de référence qui peuvent être surveillés et évalués. L’UE espère, en effet, promouvoir la stabilité et la sécurité régionale, tout en évitant l’apparition de clivages entre l’UE et son voisinage. De plus, cette initiative a pour objectif de rapprocher les pays voisins de l’UE, dont les relations avec l’UE sont une priorité de politique extérieure, en ligne avec les objectifs communs définis dans le Document d’Orientation de la PEV. Les principales perspectives de coopération offertes par la PEV peuvent être définies de la façon suivante: * L’obtention d’un niveau significatif d’intégration des relations bilatérales entre l’UE et les pays maghrébins partenaires, à travers l’approfondissement de contributions politiques de ces derniers, ainsi que leur accès avancé au marché intérieur européen ; * Le renforcement du dialogue politique initialement avancé par le Processus de Barcelone ; * L’approfondissement de l’intégration économique Nord-Sud par la réduction progressive de barrières commerciales ; * Promouvoir également les relations économiques Sud-Sud entre pays voisins au niveau régional ; * L’apport d’un soutien financier européen pour toute réforme, projet et action en ligne avec l’accord d’association, et reconnu dans le Plan d’action du pays en question – La BEI a offert son soutien financier à travers la FEMIP (Facilité euro-méditerranéenne d’investissement et de partenariat) avec 8,7 milliards d’euros de financements prévus pour la période 2007-2013, ayant déjà contribué à raison de 7,3 milliards d’euros entre 2002 et 2007. L’implémentation de l’IVEP a également contribué au financement des pays Méditerranéens avec un budget global de 12 milliards d’euros pour la période 2007-2013; * Une assistance ciblée dans le but de préparer à un rapprochement législatif entre l’UE et le pays concerné. La PEV est un instrument qui ne doit en aucun cas se substituer au processus de Barcelone et qui doit, au contraire, permettre son renforcement et contribuer à maintenir son identité. Si ces conditions sont remplies, ce qui nécessite parallèlement un renforcement institutionnel du partenariat Euro-méditerranéen qui n'est aujourd'hui matérialisé que par des conseils et des comités dédiés, une direction à la Commission, des accords d'association bilatéraux et une ébauche de banque (filiale de la BEI) qui devrait être concrétisée en 2006, la PEV peut apporter des améliorations sensibles dans la mise en œuvre des réformes et la transformation des institutions1. 1 Nhidi M., Op.cit., p. 58. 263 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE - L’instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP). L’instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP) qui a remplacé, depuis 2007, plusieurs instruments dont MEDA, en vue d’une simplification de la programmation et de la cohérence de la gestion de l’assistance. Il s’agit alors, avec chaque Etat, de définir un programme de réformes économiques et politiques, concernant les valeurs démocratiques, les réformes institutionnelles, le dialogue politique, la recherche et l’innovation et toutes les fonctions économiques et sociales1. Les plans d’action s’appuient sur des principes mettant en évidence les intérêts communs des Parties, l’UE fournit une assistance financière en vue de favoriser l’émergence d’une zone de stabilité, de sécurité et d’intégration favorable au développement économique de tous. En ce qui concerne, l’enveloppe financière dans le cadre de l’Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP) de l’UE, elle est d’un peu plus de 12 milliards d’euros pour la période 2007-2013. La Banque européenne d’investissement dispose toutefois de la possibilité de lever des capitaux sur les marchés internationaux et dispose donc de ressources propres distinctes du budget UE, il faut tout d’abord préciser que la marge de manœuvre de l’UE au niveau des ressources budgétaires est très limitée Selon Nadia Dhahri et Daniel Labaronne, «la PEV à l’égard des pays du Maghreb a fait l’objet de nombreuses critiques en raison de son manque d’ambition. Les plans d’actions proposés dans le cadre de la PEV ne fixaient aucune priorité, leurs rédacteurs mettant sur le même pied d’égalité les réformes dans le champ des libertés économiques et politiques comme dans celui du transport ou des contacts entre les peuples. Ces plans n’ont pas été vraiment budgétés et leur application ne s’est accompagnée d’aucune conditionnalité, laissant penser qu’ils étaient avant tout un catalogue de bonnes intentions sans engagement de mise en œuvre ni contrainte en cas de non-réalisation»2. 2- Le Processus de Barcelone: Union pour la Méditerranée (UPM). L'idée d'un projet d'Union Méditerranéenne n'était pas nouvelle. Son origine remonte au traité de Marrakech du 17 février 1989 qui devait aboutir après que les discussions aient commencé en 1983 à l'initiative de la France, baptisé "Dialogue 5+5", 3 À Tanger au Maroc, Le 23 octobre 2007, le président français a prononcé un discours où il a annoncé la fondation d’un Projet nommé: l’Union Méditerranéenne 4 . Ce dernier est devenu L’Union pour la Méditerranée (UpM), un projet européen créé par le Conseil européen le 13 juillet 2008 à Paris. 44 pays s’inscrivent dans cette perspective, dont 27 pays de l’UE et 17 pays riverains 1 Corvaisier-Drouard B., J. Fontanel, «L’importance des relations économiques, politiques et sociales de l’Azerbaidjan avec l’Union européenne », in Zeynalov F. et J. Fontanel (Dir.), Azerbaïdjan: Un pays aux ambitions européennes, L’Harmattan, Paris, 2011, p. 156. 2 Dhahri N. et D. Labaronnel, «Profils et évolutions (2001-2009) des systèmes nationaux de gouvernance dans les pays arabes de la Méditerranée (PAM) et dans les pays d'Europe Centrale et Orientale (PECO)», Revue Tiers Monde, 2012/4 n°212, p. 37-56. 3 Remouit J.L., «l’histoire contemporaine du partenariat entre le Nord et le Sud de la Méditerranée : Enjeux et défis de l’union» in, Djamshid Assadi (Dir.), La Méditerranée à l'épreuve de la mondialisation: Marché, sociétés civiles et culture, l'Harmattan, Paris, 2008, p. 16. 4 Besson Éric, «L'Union pour la Méditerranée», Outre-Terre, 2009/3 n° 23, p. 17-18. 264 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE de la méditerranée sauf la Lybie. Ce projet est animé d’une ambition centrale: remettre la Méditerranée au cœur des priorités extérieures de l’Union européenne (UE)1. Ce projet va être, selon la vision franco-allemande reposé sur les acquis du Processus de Barcelone. Cette nouvelle initiative avec les institutions qui en découlent vient compléter et renforcer les cadres et les instruments existants. Dresser un bilan exact du processus de Barcelone est utile pour poursuivre les évolutions positives dont il est à l’origine et tenter d’éviter les difficultés rencontrées. L’Union pour la Méditerranée (UpM) ou plus précisément «Processus de Barcelone: Union pour la Méditerranée », avait pour objectif de donner une nouvelle vitalité et visibilité à la coopération euro-méditerranéenne et un meilleur «équilibre de gouvernance» («co-ownership») entre les partenaires du Nord et du Sud. Il s’agissait aussi de donner plus d’autonomie aux pays riverains, voire à la région méditerranéenne en tant que telle. Six projets clés ont été conclus comme des priorités 2: - Dépollution de la mer Méditerranée ; - Construction d'autoroutes maritimes et terrestres pour améliorer la fluidité du commerce entre les deux rives ; - Le lancement d'initiatives de protection civile destinées à lutter contre les catastrophes d'origine naturelle (dues au réchauffement climatiques) et humaine ; - création d'un plan solaire méditerranéen ; - L'inauguration d'une université euro-méditerranéenne ; - L'initiative méditerranéenne de développement des entreprises axée sur les micro-entreprises et les PME. La PEV et L’UPM sont trop récentes pour qu’un bilan sérieux puisse être esquissé3. Cependant, de nombreuses questions restent en suspens, notamment le financement de projets de l’UPM. Alors que durant les dix premières années du Processus de Barcelone, l’UE a grandement contribué à certains projets, à travers MEDA 1 et MEDA II, puis avec L’instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP) qui a remplacé, depuis 2007, plusieurs instruments dont MEDA. L’UPM, n’a pas encore réussi à d’assurer les financements nécessaires pour concrétiser les projets qu’elle veut développer4. 1 Telle Serge, «L'Union pour la Méditerranée: un héritage contrasté, mais une continuité indispensable», Outre-Terre, 2009/3 n° 23, p. 19-29. 2 Paranque B. et Y.H. Zoubir, « Economie de la connaissance et union de la Méditerranée », in, Joyal A., M. Sadeg et O. Torrès (Dir.), La PME algérienne et le défi de l’internationalisation : Expériences étrangères, Editions L’Harmattan, Paris, 2010, p. 329. 3 Bardot C., G. Crouzet, F. Perrier, «Moyen-Orient et Maghreb », Edition Pearson Education, France, 2010, p. 142. 4 Paranque B. et Y.H. Zoubir, « Economie de la connaissance et union de la Méditerranée », Op.cit, p. 329. 265 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE 3- Le rapprochement institutionnel entre les pays du Maghreb et l’UE. Dans le chapitre II de ce travail, on a conclu que l’intégration économique va de plus en plus au-delà de la libéralisation commerciale classique et peut inclure, d’une part, des sujets tels que les services et la propriété intellectuelle et, d’autre part, l’harmonisation des réglementations et la coordination des politiques domestiques. Toutefois, il n'est pas surprenant que le démantèlement tarifaire correspond à ce que l’on appelle l’intégration légère (superficielle - shallow integration) où la libéralisation réglementaire ne soit pas la force motrice du Partenariat Euro-Maghrébin. La Déclaration de Barcelone a dit peu de choses sur l'harmonisation ou la libéralisation des obstacles réglementaires au commerce, bien que la création d'une ZLE euro-méditerranéenne soit la pièce maîtresse du pilier économique et financier du partenariat euro-méditerranéen. La Déclaration de Barcelone prévoit l'adoption de mesures adéquates en matière de règles d'origine, de certification, de protection des droits de propriété intellectuelle et industrielle et la concurrence afin de faciliter l'établissement progressif de cette zone de libre-échange. Les accords d’intégration suscitent ou accélèrent un processus d’harmonisation institutionnelle qui vise à réduire les écarts entre les principes et les pratiques. Cette convergence apparaît d’ailleurs comme un préalable à l’intégration. En effet, l’échange est un transfert de droit de propriété. Il est donc nécessaire que des règles générales les définissent et les protègent. Ces règles vont régir le fonctionnement des marchés. Quand les partenaires ont des niveaux inégaux de développement, il s’agit en général, pour le partenaire le plus faible d’adopter les normes « haut standard » de l’autre 1. La convergence institutionnelle qui accompagne les accords d’intégration porte notamment sur le droit de la propriété intellectuelle, le droit des affaires et de la concurrence, la liberté des investissements, les normes sociales et, parfois, le caractère démocratique du système politique 2. Certains économistes utilisent le terme d’intégration profonde (deep integration) pour caractériser la mise en commun du système réglementaire, mais ce terme manque de précision. L’harmonisation constitue souvent un préalable aux accords préférentiels et non un aboutissement. Les accords a priori les moins ambitieux, comme l’ALENA, incluent des dispositions qui relèvent de l’harmonisation institutionnelle. Ce qui caractérise plutôt l’intégration profonde, c’est la mise en œuvre d’une réglementation commune associée, comme dans l’Union européenne, à une administration centralisée. Les accords d’intégration suscitent des craintes de la part de l’opinion publique. Celle-ci redoute, en effet, que les pays qui s’intègrent à la zone utilisent de manière abusive certains de leurs avantages comparatifs. Une telle attitude conduirait à un alignement vers le bas des réglementations nationales: assouplissement des règles d’environnement et de sécurité, de la réglementation du travail, des normes sanitaires… De même, la concurrence fiscale peut inciter certains pays à abaisser leurs prélèvements sur les facteurs mobiles (comme le capital) et, en compensation, surtaxer les facteurs peu mobiles (comme le travail). 1 2 Azzam M., «La politique européenne de voisinage: un dépassement du partenariat euro-méditerranéen», Op.cit, p.539. Siroën J.M., «La régionalisation de l’économie mondiale», éditions La Découverte, «Repères», Paris, 2004, p. 18. 266 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Ces accords d’intégration visent alors à substituer un jeu coopératif à ce jeu non coopératif en harmonisant les réglementations sensibles ou, à défaut, en imposant des règles minimales. Dans l’ALENA, par exemple, la clause sociale est fondée sur le principe de la reconnaissance mutuelle des législations. Elle est accompagnée d’une procédure de règlement des différends. Néanmoins, même dans une zone très intégrée, comme l’Europe, le processus d’harmonisation est loin d’être achevé, notamment en matière fiscale où les objectifs fixés par le Marché unique n’ont pas été atteints. Au cours de ce travail nous avons vu que les pays du Maghreb ne sont pas parvenus à moderniser leur système productif, politique et réglementaire en profondeur; ni parvenus à substituer des activités à haute valeur ajoutée au textile ou aux produits primaires dans leurs exportations; ni parvenus à un accord stratégique entre eux ou à l’échelle régionale euroméditerranéenne pour faire face à la montée en puissance des très grandes séries à bas coût venues de Chine et des autres pays émergents1. Même si on fait une petite comparaison entre le poids et l’influence des échanges commerciaux de l’UE sur les pays du Maghreb et même l’inverse, on constate que le marché de l’UE est très important pour les échanges des pays maghrébins, en revanche, les pays maghrébins ne sont pas importants pour les échanges de l’UE, ce que explique le caractère asymétrique de l’intégration régionale entre l’UE et les pays du Maghreb 2. L’UE offre l’opportunité aux pays méditerranéens de faire évoluer cette intégration vers une forme plus approfondie (deep integration) entre chaque pays Magrébin (voir Méditerranéens) et l’UE. Ce processus conduisant à une intégration plus poussée s’opère en faisant converger le cadre législatif, institutionnel et réglementaire de chaque pays méditerranéen vers celui de l’UE 3 , autrement dit, l’UE réaffirme sa volonté, depuis le processus de Barcelone en 1995, de développer l’institutionnalisation des relations interétatiques avec les pays maghrébins, l’UE souligne à plusieurs reprises la nécessité de mettre en place un cadre institutionnel et réglementaire approprié pour une économie de marché. La coopération UE-Maghreb dans l'amélioration de l'infrastructure institutionnelle en adoptant certaines composantes de l’acquis communautaire est considérée comme un moyen important de renforcer la position concurrentielle et d'améliorer ainsi les performances médiocres de la région par l’attraction des IDE. De cette façon, un accord d’association pourrait donner une réforme à la réglementation nationale et grande stabilité dans les pays du Maghreb ce qui va améliorer ainsi leur attractivité pour les IDE4. Outre la faiblesse des contraintes induites par le partenariat européen avec les pays du Maghreb, d’autres aspects viennent expliquer la laborieuse transition de ces pays par rapport à celle des PECO, à savoir le financement de la formalisation des institutions. L’argument de l’aide financière en tant que facteur explicatif du retard des PSEM tient essentiellement à l’idée suivante : le processus de transformation des systèmes de gouvernance d’un modèle institutionnel informel à un 1 IPEMED, «Régulations régionales de la mondialisation : Quelles recommandations pour la Méditerranée? », rapport du groupe de travail composé de Charles A., H. Benabderrazik, C. de Boissieu et al., coordonné par Beckouche P., Institut de prospective économique du monde méditerranéen (IPEMED), France, 2011, p. 23. 2 Daniel L., Op.cit., p. 106. 3 Femise, «Rapport sur le partenariat euro-méditerranéen : la saison des choix», dirigé par le Professeur Jean-Louis Reiffer, Novembre 2012, Marseille, 2012, p. 70. 4 Baert T., «Euro-Mediterranean Agreements», in Sampson G.P., and S. Woolcock (Eds), Regionalism, Multilateralism and Economic Integration- The recent experience, United Nations University Press, 2003, USA, p. 106. 267 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE modèle davantage formalisé et dépersonnalisé implique des coûts fixes très élevés pour la collectivité. La construction d’un environnement institutionnel de type formel requiert d’importants investissements en infrastructures légales et judiciaires, et en organismes de surveillance et de régulation, pour définir et faire appliquer les codes, les normes, les standards, les garanties, le droit de propriété, le droit commercial, le droit des sociétés, la réglementation relative à la faillite, etc. Comme la plupart des pays en voie de développement, les PSEM ne disposent pas des moyens nécessaires à un tel investissement et doivent faire face à des contraintes, aussi bien en termes de ressources financières qu’humaines. L’existence d’une large disparité dans la politique européenne en matière d’aides financières au développement entre celles accordées aux pays du Maghreb et celles versées aux PECO. Durant la période 1995-2010, l’UE a adopté deux stratégies d’aides totalement distinctes selon qu’il s’agit d’une intégration ou d’un partenariat. La politique européenne d’aide au développement s’est soldée, à la fin de cette période, par un écart marquant en faveur des PECO qui ont bénéficié d’une aide de 38,9 milliards d’euros, quatre fois supérieure à celle accordée aux pays du Maghreb 9,35 milliards d’euros. Cette asymétrie est encore plus marquante si l’on tient compte des montants de l’aide rapportés au nombre d’habitants : le rapport est de l’ordre de 1 à 9 avec une aide par habitant de 57 euros pour les pays du Maghreb contre 518 euros pour les PECO, aide reçue depuis 19951. Partant du constat d’une faible régionalisation de l’espace économique maghrébin, actuellement, l’UE propose une intégration économique progressive des pays du Maghreb dans le marché unique de l’Union. Les ZLEAC (zones de libre-échange approfondies et complètes) sont une nouvelle génération d’accords de libre-échange. À la différence des relations commerciales actuelles entre l’UE et les pays du Maghreb (les accords de la 3eme génération), les ZLEAC iront audelà de la simple suppression des droits de douane. La mise en œuvre de ces accords supposera un alignement progressif du dispositif juridique des PM sur la législation, les règlements, les normes et les pratiques de l’UE. Cette harmonisation des pratiques et cette convergence réglementaire et institutionnelle s’apparentent pour ces pays au processus de l’acquis communautaire des pays d’Europe centrale et orientale (PECO) qui avait favorisé leur transition institutionnelle»2. Si les AA entre les pays du Maghreb et l'UE sont utiles à court terme, ils ne sont qu'un élément du nécessaire exercice de convergence vers une gouvernance globale à moyen et long terme. Or pour que celle-ci soit réellement efficace, elle doit être acceptée. Pour être acceptée, elle doit être fondée sur des instruments multilatéraux, faute de quoi l'UE (et même les États-Unis) apparaitraient comme ayant le monopole sur la régulation de la concurrence3. A ces fins, le Conseil des affaires étrangères de l’UE a mandaté en décembre 2011, la Commission européenne pour engager des négociations visant à établir des ZLEAC avec le Maroc et la Tunisie. La mise en œuvre des ZLEAC, exigent que les pays du Maghreb donnent beaucoup de preuves et déploient beaucoup d’efforts afin de réviser leur législation et se doter des moyens 1 Daniel L., Op.cit., P. 108-109. Ibidem. 3 Guersent O., «Politique de concurrence et compétitivité, modèle de marché intérieur et dimension externe», in Herzog P., (Dir.) À la recherche de l'intérêt européen, Collection "L’Europe après l’Europe", Éditions Le Manuscrit, 2008, France, p. 162. 2 268 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE nécessaires à leur mise en œuvre et au contrôle de leur application à travers la convergence réglementaire entre les deux parties. - Des dispositions OMC+ et OMC-X dans les AA Euro-maghrébins. Si on reprend l’analyse initiale de Horn et Al, déjà citée dans le chapitre précédent qui ont examiné les ACPr conclus par les États-Unis et l’UE avec des pays tiers, pour identifier les principaux domaines visés par les ACPr, analyser la force exécutoire des obligations énoncées dans l’ACPr et enfin pour examiner la «profondeur» d’une obligation pour certains domaines de politique,1 on trouve que dans le cas des accords conclus par l’UE, La plupart de ces ACPr ont été conclus avec des pays voisins et portent souvent sur des questions commerciales dites "OMC-plus", "OMC-extra". Et selon le rapport de l’OMC 2011, «Les accords Euromed, conclus avec huit pays méditerranéens sont toujours la base sur laquelle les CE s’appuient pour intensifier la coopération bilatérale et régionale à l’appui de la création d’une aire de paix, de stabilité et de prospérité partagée»2. La mise en place d'une ZLE est censée créer une dynamique qui favorise l’ouverture des pays du Maghreb vers l’extérieur, les soumettant à davantage de pressions et les engageant à avancer dans le processus de transition institutionnelle. Nadia Dhahri et Daniel Labaronne ont fait des recherche sur ce sujet et ils en résultent que relatifs à l’avancement de cette initiative que : «semblent démontrer que les pays du Maghreb n’ont enregistré qu’une faible avancée en matière de respect des libertés publiques et de formalisation des institutions de gouvernance. Ainsi, la mise en place de cette ZLE (cas de la Tunisie) ou sa mise en application en cours (cas du Maroc et de l’Algérie) ne semblent pas avoir produit les pressions suffisantes, de nature à contraindre les dirigeants des pays du Maghreb à s’engager dans la voie des réformes institutionnelles». Les deux tableaux qui suivent, montrent les questions OMC+ et OMC-X concernant principalement les AA du Maroc et la Tunisie avec l’UE. Ces deux Tableaux montrent que les proportions des dispositions exécutoires ont été très proches du nombre total de secteurs visés. Comme on l’a dit précédemment dans le chapitre II, les domaines OMC+ sont ceux qui sont visés par les Accords de l’OMC existants et les OMC-X faisant l’objet d’une intégration plus profonde sont ceux qui ne sont pas visés par les Accords de l’OMC. L’analyse confirme que dans les accords conclus entre l’UE et les deux pays maghrébins (Maroc et Tunisie) comme de nombreux autres ACPr vont au-delà du cadre de l’OMC et que ces dispositions d’intégration profonde ont souvent force exécutoire. 1 L’étude de HMS ne porte que sur les ACPr conclus par des Membres de l’OMC, signés par les parties et notifiés, pour la plupart, à l’OMC jusqu’en octobre 2008. 2 OMC, « Rapport sur le commerce mondial 2011», Op.cit., p. 99. 269 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Tableau III-31: Classification de l'OMC+ dans les accords de l'Union européenne selon l'analyse initial HMS. Source: Horn H., M. Petros C & A. Sapir, «Beyond the WTO? An Anatomy of EU and US Preferential Trade Agreements», CEPR Discussion Papers 7317, C.E.P.R. Discussion Papers, 2009, p. 21. 270 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE Tableau III-32: Classification de l'OMC-X dans les accords de l'Union européenne selon l'analyse initiale HMS. Source: Horn H., M. Petros C & A. Sapir, «Beyond the WTO? An Anatomy of EU and US Preferential Trade Agreements», CEPR Discussion Papers 7317, C.E.P.R. Discussion Papers, 2009, p. 26. 271 Chapitre III: Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE L’échantillon examiné dans le rapport de l’OMC sur commerce mondial 2011 comprend des accords entre des pays qui ne sont pas tous Membres de l’OMC, comme l’Algérie dans notre cas. Tableau III-33: Nombres des dispositions OMC+ et OMC-X dans les AA Euro maghrébins selon l'analyse de l'OMC. Accord commercial préférentiel Date d'entrée en vigueur Membres Nombre de dispositions OMC + OMC X OMC + Force exécutoire OMC X Force exécutoire UE-Algérie Septembre 2005 Pays développés- PED 9 27 8 5 UE-Maroc UE-Tunisie Mars 2000 Mars 1998 Pays développés- PED Pays développés- PED 10 11 18 20 9 9 4 4 Source: OMC, «Le Rapport sur le commerce mondial 2011, L’OMC et les accords commerciaux préférentiels: de la coexistence à la cohérence», Genève, 2011, p. 158-159. De ce qui précède, nous remarquons que les AA des pays du Maghreb avec l'UE conservent une relative flexibilité dans plusieurs domaines tels que l'investissement et la propriété intellectuelle, mais commencent à incorporer des éléments de plus en plus restrictifs. Les dispositions de ces accords préférentiels sont beaucoup plus restrictives que celles adoptées au niveau multilatéral. À noter que même les accords signés entre l’UE et des pays non-membres de l’OMC font référence aux textes et procédures de l’OMC. Par exemple dans le cas de l’Algérie, les procédures de mise en place des mesures antidumping au niveau bilatéral sont similaires à celles requises pour les mesures de sauvegarde1. À ce stade très évocateur, cela nous amène à nous poser la question suivante: Etant à l'heure actuelle intégrée dans un accord plus strict comme l'accord euroméditerranéen, pourquoi l'Algérie n'a pas pu adhérer, jusqu'à présent, à l'OMC? C’est logiquement contradictoire. 1 CCFD, «Libre-échange de l’UE et sécurité alimentaire des pays du Sud : contenu et flexibilité des accords de l’UE CCFD-Terre Solidaire - Mai 2010», p. 42. 272 Conclusion Générale Conclusion Générale Conclusion Générale Dans ce travail, on a essayé de faire la lumière sur un sujet très important, l'OMC et les accords commerciaux préférentiels, compte tenu des différents efforts mutuels des pays du monde entier pour la construction d'un système commercial mondial fonctionnant harmonieusement. Dans le premier chapitre, on a essayé de retracer le système commercial multilatéral : Du GATT à l'OMC. On a trouvé que ce système, et pendant presque trois quarts de siècle, mené initialement sous l'auspice du GATT a joué un rôle prépondérant dans la réintégration rapide des pays vaincus, dans le jeu des échanges internationaux et a puissamment contribué à travers les négociations commerciales multilatérales à relancer le commerce international. Cependant, au cours du Cycle d'Uruguay, plusieurs pays ont jugé qu'une révision approfondie de ce système est devenue nécessaire. Et depuis le cycle d'Uruguay, la confrontation entre les intérêts des pays développés et les PED ont transformé les négociations commerciales multilatérales du GATT d'une façon remarquable. Finalement, le résultat le plus substantiel du cycle d’Uruguay est constitué par les 500 pages de règles et les 22 500 pages qui reprennent les engagements contractés par les différents pays pour des catégories spécifiques de marchandises et de services. Aussi, elle a donné lieu à compter du 1er janvier 1995, à la création de l’OMC comme une organisation ouverte à vocation universelle. Cette dernière qui a pris en charge en tant qu'institution permanente de négociations sur la production et de l’échange, la définition des règles de jeux du commerce international. C’est-à-dire, l'OMC est l'ensemble des règles prises par consensus, ce dernier qui prévoit que, au moment où une décision doit être prise, aucun des membres ne formule d’objection, reposant sur une puissance hégémonique. Son attraction réside précisément dans la force et la cohérence de ses droits et obligations, qui continuent à être élargi et approfondi avec l'expansion et l'intégration de l'économie mondiale. Si on recule plus de cinquante ans en arrière, l'accent du GATT a été mis uniquement sur les tarifs douaniers et autres mesures à la frontière (other border). Les règles d'aujourd'hui de l'OMC vont bien à l'intérieur de la frontière (inside the border), pour englober les normes techniques, les services, la propriété intellectuelle, les investissements liés au commerce, et d'autres politiques économiques qui étaient autrefois considérées comme domestiques. Les plus importantes concernent la redéfinition des fonctions régulatrices des pouvoirs publics et de leur sphère d’intervention à la fois interne et externe. Par ailleurs, ce qui est remarquable dans la chronologie du GATT /OMC est que dès le début des années 1990 quand les négociations d’Uruguay étaient enlisées et que, contrairement aux cycles de négociations précédents, pour la première fois, les PED à l’aide des alliances et coalitions formées entre eux, en commençant à s’imposer comme des acteurs majeurs dans les négociations en critiquant vivement la façon dont se déroulent les négociations. Et même, pendant les négociations récentes de l’OMC ont montré qu’il y avait des divergences profondes entre la plupart des pays. 274 Conclusion Générale Jusqu’aux années 1970, presque tous les membres du GATT étaient des pays industrialisés donnant l’image d’un club de riches, aujourd'hui parmi les 159 membres de l'OMC, 80% sont des PED (PED) ou des pays moins avancés (PMA). Par la suite, et face aux mésaventures de Seattle (1999) et le récent blocage dans le système de négociations multilatérales, l’avenir du cycle de Doha pour le développement semble incertain. En plusieurs années de négociations, il y a eu plusieurs rendez-vous manqués pour la conclusion du cycle de Doha. L’évolution des négociations au sein de l’OMC est lente voire bloquée, elle est actuellement confrontée à des défis passionnants particulièrement entre les pays développés et les PED mais aussi entre quelques grandes zones géographiques, à l’évidence par le manque d’avancée réelle et de convergence entre les positions des différents États membres. Ce qui est remarquable dans les négociations commerciales multilatérales du GATT puis l’OMC et après les meilleurs avancements en matière de réductions tarifaires, actuellement sont à l’ordre moyen de 4%. Les pays développés ont refusé d’améliorer l'accès des produits agricoles des PED à leurs marchés et d’abandonner leurs larges subventions à leurs agriculteurs. Et lorsque les PED sont devenus concurrentiels dans certaines activités commerciales, les pays développés ont levé le jeu en essayant d'introduire les questions non commerciales, telles que les règles d'investissement, la politique de concurrence, les normes environnementales dans l'équation. Et lorsque les PED ont refusé d'accepter ces règles à l'OMC, les pays développés se sont tournés vers les accords de libre-échange (ALE). Alors que dans le deuxième chapitre de ce mémoire, on a vu que face à un état surgelé voire paralysé dans les évolutions des négociations au sein de l’OMC, cette situation a montré que les solutions régionales à un accord multilatéral surgissent. À l’heure actuelle, leur nombre est assez nombreux, très disparate aussi bien en matière de produits couverts qu’en matière de pays concernés et ne sont pas vraiment régionaux au sens où ces accords regroupent des membres qui ne sont pas limitrophes, très développés par ses dispositions et ses domaines de couverture dans ces accords (OMC+ et OMC-X). Selon les termes de Bhagwati ces accords ressemblent aux «termites» du libre-échange qui affaiblissent le système commercial multilatéral et l'économie mondiale, mais pour certains économistes, Ils ne sont pas tous mauvais, mais les ententes régionales ont tendance à profiter aux insiders au détriment des outsiders, de sorte que les gains globaux ne seront atteints que si elles peuvent être assemblées et ils varient d'une région à l'autre. La formule ici semble touchée par un bug et de grandes recherches sont à faire sur ce sujet. Dans le troisième chapitre de ce travail, on a étudié un exemple de ces régions qui constituent un des cas les plus extrêmement faible en matière du commerce extra et intra-zone et qui enregistre toujours un déficit d’intégration. Une situation qui ne s’est pas améliorée au cours des quinze dernières années. Le commerce international de cette zone se situe actuellement à niveau marginal environ de 2,7 %, un niveau d’intégration commerciale très en deçà des performances réalisées par les autres communautés régionales y compris sur le continent africain et de celle de l'Asie ou bien de l'Amérique du sud. Les trois pays du Maghreb (l'Algérie, le Maroc et la Tunisie) sont faiblement ouverts au commerce international. Leur commerce se caractérise par sa forte concentration géographique et sa faible diversification de produits. 275 Conclusion Générale Les expériences modernes des trois pays du Maghreb (l'Algérie, le Maroc et la Tunisie) en matière d’ouverture aux échanges de biens et services, ont bien montré que les rapports entre le commerce et la croissance ne sont pas simples et linéaires surtout quand il y a des contraintes macroéconomiques sévères. Ces pays ont déployé des efforts pour diversifier et améliorer leurs systèmes de production. Ainsi et afin de trouver les moyens d'accès de leurs produits aux différents marchés internationaux ils ont négocié des accords à différents niveaux: bilatéral, régional, et multilatéral. Mais malgré cela, ces trois pays du Maghreb n'arrivent toujours pas à enregistrer un accroissement substantiel de leur part dans le commerce mondial, et on voit plus un poids de leur participation aux différentes démarches d'intégration internationale. Plus de quinze ans après le lancement des accords d’association euro-méditerranéen. Le débat sur les gains des accords de libre-échange des pays du Maghreb avec l’Union européenne bat son plein. Depuis le lancement de ces accords, ceux-ci sont jugés par de nombreux spécialistes, économistes et maintenant acteurs économiques des pays de Maghreb très en deçà des attentes. Notre étude confirme ces résultats également. Par ailleurs, et malgré ces résultats médiocres, de nombreux spécialistes, économistes et maintenant acteurs économiques, confirment que l’intégration économique régionale, reste un besoin constant dans la région. Notre étude a montré que le Maghreb continue toujours à constituer un marché stratégique pour l’économie européenne. L’insertion de ces trois pays dans l’espace Euro-méditerranéen se confirme mais malheureusement couplée à une intégration très faible, où la position commerciale vis-à-vis de l’Europe est largement à l’avantage de l’UE. Le commerce extérieur est déséquilibré de manière structurelle en faveur de l’Union européen, seule l’Algérie enregistre un solde positif. Les exportations ne cessent de croitre dans le PIB mais elles demeurent peu diversifiées surtout pour l’Algérie. Quant aux importations, elles sont largement incompressibles (produits miniers, équipements, énergie ou produits alimentaires). Un autre facteur de l'échec apparait dans l’attractivité de ces trois pays aux investissements directs étrangers (IDE). En dépit de cette faiblesse, ces investissements sont souvent originaires de pays qui ne sont pas traditionnellement des partenaires économiques des pays du Maghreb: il s’agit de pays émergents comme la Chine ou encore l’Inde, mais aussi des pays du Golfe. Et d’autre part, contrairement au secteur commercial où l’on ne voit pas apparaître de changements majeurs, on observe au niveau des investissements des éléments nouveaux susceptibles d’introduire des dynamiques importantes sur le moyen terme puisque les pays du Maghreb possèdent bien un potentiel d’investissement très important dans des secteurs encore jugés vierges (tourisme, internet….) qui n’ont pas vu de grands projets d’investissements. Cela par le fait que, jusqu'à aujourd’hui, l’économie algérienne reste très dépendante de ses hydrocarbures et la Tunisie et le Maroc à des secteurs de spécialisation qui sont confrontés à la concurrence des pays d’Europe de l’Est et d’Asie, notamment les domaines du textile et de la mécanique. Bien que, la réussite de l’intégration euro‐méditerranéenne soit une condition décisive dans la capacité de l’Europe à exister dans le monde du 21ème siècle, l’Union européenne devra faire face à ses anciens concurrents; les autres puissances dans ce monde surtout les États-Unis et de nouveaux arrivants (notamment la Chine) sur le marché maghrébin. Ces concurrents que semblaient renforcer leurs emprises sur la région maghrébine, l’UE doit s’efforcer de rendre aussi équitables 276 Conclusion Générale que possibles les accords de libre-échange (Deep intégration) qu’elle négocie; et les pays partenaires doivent engager les réformes nécessaires pour assurer l’efficacité de ces accords. Selon une étude publiée par l’Institut de Prospective Économique du monde Méditerranéen (IPEMED) en 2012, suite à l’existence de quatre dispositifs qui sont actuellement actifs entre l’UE et les pays du Sud de la Méditerranée: • le processus de Barcelone, avec notamment les accords commerciaux bilatéraux signés avec 9 des 11 Psem, catégorie dans laquelle on peut ajouter l’union douanière avec la Turquie ; • la politique européenne de voisinage (PEV), lancée en 2004, incluant dix pays du Sud de la Méditerranée ; • l’Union pour la Méditerranée, créée en 2008, comprenant l’UE27 et seize pays méditerranéens et arabes ; • le programme régional de l’UE pour la démocratie et une prospérité partagée avec le Sud de la Méditerranée lancé en mars 2011 par le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) de la Commission européenne. L’IPEMED avait conclu qu’il est aujourd’hui très difficile de faire collecter et connaitre des informations précises sur les intentions de l’UE pour faire une perspective institutionnelle claire. L’IPEMED voit que la première décision politique capable de faire avancer une géopolitique euroméditerranéenne serait de reconnaître une spécificité et une priorité à la région méditerranéenne, tout comme l’UE l’a fait pour les PECO après l’effondrement du mur de Berlin. Puisque l’historique des relations euro-méditerranéennes, depuis les années 1960, est une succession de programmes, plus ou moins étoffés et au bilan décevant, ou aboutit à une situation complexe en raison des tensions politiques intra-européennes et intra-Psem, et des cloisonnements administratifs des institutions européennes. Par ailleurs, pour les pays du Maghreb, cette dépendance à l'UE constitue un facteur à prendre en compte dans la mesure où les relations UE-Méditerranée semblent être un sujet passé largement au second plan. Elles sont, de fait, très peu évoquées par les Européens qui font face aux conséquences d’une crise économique si forte qu’elle a profondément changé leurs préoccupations, et la zone euro est appelée à entrer dans une période de croissance molle suite à la crise, et le fait que jusqu’à l’heure actuelle, les pays maghrébins n’ont pas pu quant à eux et malgré plusieurs tentatives, d’achever les processus d’intégration qu’ils ont essayé de mettre en place et toutes les expériences d’intégration du type Sud-Sud ou même de coopération régionale ou sous-régionale entre les pays arabes ont connu plus ou moins l’échec. D'où, et pour faire face, la nécessité fondamentale pour les pays maghrébins de dessiner une nouvelle géographie économique et mondiale. Tout en essayant de modifier l’offre, diversifier leurs partenariats économiques en préservant les relations vitales avec l’UE, les pays développés ont créé des liens solides entre les pays du Sud, qui sont restés isolés les uns des autres. Alors qu'à l’heure actuelle, l’Union européenne propose encore d’autres initiative aux pays du Maghreb, comme le statut avancé offert au Maroc, ce dernier que la Tunisie apparaît qu’elle va suivre le même chemin dans son partenariat avec l’UE et que l’Algérie pourrait vouloir et devrait renégocier son accord avec le géant de la rive nord de la Méditerranée, il est utile de s’interroger sur 277 Conclusion Générale la diversification des types de partenariat que propose l’UE, et pour faire face, les pays du Maghreb ont deux types de vision: - Pour pouvoir prétendre devenir un acteur économique majeur dans la région et dans le monde ils doivent s’unir; - Pour se rapprocher du marché commun européen et profiter des avantages déjà acquis par l’UE ils doivent s’unir. De ce fait, il semble maintenant nécessaire que l'intégration euro-Maghrébine soit renforcer pour: - élargir la vision de la croissance, en tirant profit des multiples complémentarités existantes; - accélérer la convergence et la transition des pays maghrébins sur le plan politique, économique, démocratique et institutionnel. Et pour permettre à la région de faire face aux pressions concurrentielles, générées par un contexte international en mutation rapide et caractérisée par la forte croissance des BRIC et d’autres régions, pour cela, un nouveau paradigme de partenariat, axé sur des approches rénovées s'avère nécessaire: - En vue de préparer l'intégration euro-méditerranéenne, il est nécessaire de passer du libre-échange au développement d'avantages compétitifs; - Transition vers un modèle de développement davantage inclusif avec, comme priorité, l'amélioration du contenu en emplois de la croissance économique en vue de l'inscrire sur un sentier de progrès auto-entretenu (développement des branches d'activités à forte valeur ajoutée, promotion de l'innovation, renforcement des capacités institutionnelles...). - valorisation du capital humain, en veillant à ce que le système d'éducation et d'enseignement soit indexé sur les besoins actuels et futurs du tissu productif. L’intégration régionale et la libéralisation des échanges sont des conditions nécessaires mais insuffisantes pour stimuler la croissance dans les pays du Maghreb et faciliter le processus de convergence. Plusieurs plans d’action ambitieux et autres conditions doivent être remplis grâce à des mesures politiques adéquates : - Attirer les IDE grâce à des incitations et des politiques fiscales, économiques et industrielles appropriées. - Accélérer les réformes macroéconomiques et de gouvernance. - Développer l’économie de la connaissance, c’est-à-dire le capital humain, l’innovation et la R&D. - Lutter efficacement contre la corruption, les détournements, l’évasion fiscale et la thésaurisation, et encourager l’investissement dans les pays du Maghreb. Comment expliquer ces résultats mitigés ? Les résultats qu’on a obtenus dans ce travail, ne semblent ni renforcer ni saper l’argument des partisans du régionalisme ou du multilatéralisme, dans la littérature économique, on n’a pas pu montrer de façon indiscutable, ni sur le plan théorique, ni sur le plan empirique, les arguments selon 278 Conclusion Générale lesquels les accords préférentiels réduisent les gains potentiellement élevés qui auraient pu être obtenus par d’autres formes de coopération non discriminatoires comme le GATT/OMC, puisque dans l'échantillon sélectionné dans notre étude il y a deux pays (Maroc, Tunisie) qui sont déjà membres du GATT/OMC depuis 1987, et l'autre pays (Algérie) qui n'arrive toujours pas à y adhérer. La situation économique de ces trois pays n'a pas connu un grand changement. Il est bien évident, que la régionalisation est devenue une stratégie importante pour faire face aux défis auxquels sont confrontés les différents pays. La régionalisation améliore les avantages comparatifs et les transforme en avantages compétitifs, ainsi elle participe à assurer la durabilité du développement. C'est ce qui explique l'empressement à établir des partenariats avec d'autres régions dans le monde, ou la proximité géographique n’est pas importante. Ce dernier (partenariat), qui peut être un facteur important pour l’intérêt majeur et commun des pays et qui a conduit à l'interaction entre les régions bien distinctes qui bénéficient des divers niveaux de développement économique et social. Une fois que les pays européens ont commencé à interagir les uns avec les autres sur une base individuelle, bilatérale ou tripartite, ils ont construit divers partenariats européens, euroméditerranéens et autres. Dans le contexte actuel de l’étude, si le processus de Barcelone a initié un projet d’intégration régionale en Méditerranée, ce processus d’intégration n’est encore qu’à ses débuts, où les accords d’association ne sont encore qu’au stade de mise en œuvre. Donc, il est encore trop tôt pour parler de véritable intégration entre les pays du Maghreb et l’Union européenne. Plusieurs études s’accordent sur des effets positifs quoique modestes, en partie limités par le fait que les accords ne sont pas encore complètement implantés dans l’ensemble des pays méditerranéen. Il existe donc un potentiel à mobiliser par l’extension de la ZLE à l’ensemble de la région, alors il semble plus prudent de conclure qu’à court terme la stratégie régionale est une condition nécessaire mais pas suffisante au développement. Toutefois, les effets que nous avons mis en évidence sont des effets statiques et dynamiques et l’on peut s’attendre à des gains plus importants dès que d’autres effets dynamiques se feront ressentir au moyen et long terme surtout après la mise en place d’une vraie zone de libre-échange euro-méditerranéen initialement programmée en 2010 et après l’examen futur de bilan des deux autres initiatives de l’UE : la politique européenne de voisinage et l’union pour la Méditerranée. Toutefois, les résultats ne signifient pas qu’il faut remettre en cause le processus de libéralisation régionale (les accords d'association), ni approuver les craintes des partisans du multilatéralisme. En effet, la période d’étude reste insuffisante et transitoire pour conclure quant aux effets de la mise en place d’une zone régionale de libre-échange et les effets attendus restent à venir. L’intégration économique régionale reste un besoin constant dans la région. Néanmoins, même si les acteurs économiques souhaitent aujourd’hui prendre en main le devenir de cette intégration, il reste intéressant à comprendre l’ambigüité des positions européennes formulées pour ses partenaires maghrébins. Le discours que tient l’Union Européenne n’est, de fait, pas tout à fait clair. Il reste que trouver une solution mutuellement bénéfique des deux côtés du Méditerranée est la meilleure des solutions envisageables pour les Européens et les Maghrébins. Pour cela, des stratégies d’intégration beaucoup plus volontaristes devront être favorisés. 279 Conclusion Générale L’UE n’a eu de cesse de dévoiler des propositions et des initiatives ou de suggérer des méthodes de coopération régionale. Force est de reconnaître que devant l’absence de propositions européennes ambitieuses qui vont vraiment aider les pays du Maghreb dans des domaines clés capables de stimuler l’intégration Nord-Sud et Sud-Sud avec une volonté politique suffisante et des moyens adaptés pour ce faire, l’intégration euro-méditerranéenne sera plus laborieuse et difficile Notre travail n’a pas abordé ces aspects et il est évident qu’ils doivent être pris en compte dans l’optique d’une future évaluation globale de l’intégration régionale et son impact sur le bien-être global et le développement des nations. Il serait très important de poursuivre des recherches sur ce sujet afin d’évaluer l’effet final d’une intégration régionale sur la croissance socio-économique d’un pays. Il est donc nécessaire de mettre en regard ces types d’effets, notamment les effets dynamiques qui donnent une vision à moyen et à longs termes, et de voir si les effets positifs sont supérieurs aux effets négatifs, auquel cas une intégration régionale plus approfondie aura un effet positif sur la croissance. Il serait intéressant donc de prolonger l’analyse à ces aspects pour mieux évaluer l’impact des accords d’association sur le développement du Maghreb. 280 Références bibliographique Bibliographie Références bibliographique A Aaditya Mattoo, Robert M.Stern, Gianni Zanini (Dir.), A Handbook of International Trade in Services, Oxford University Press, USA, 2007. Abbas M., «Du GATT à l’OMC: Un bilan de soixante ans de libéralisation des échanges», NOTE DE TRAVAIL N° 35/2007, Laboratoire d’économie de la production et de l’intégration internationale, 2007. 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Les ACPr intra-régionaux et inter-régionaux en vigueur en 2010, notifiés et non notifiés, par région et par période Nombre cumulé d’ACPr bilatéraux et plurilatéraux en vigueur en 2010, notifiés et non notifiés, par groupe de pays et type d’accord régional Les différentes conceptions de l’intégration régionale Les importations de l'UE en provenance des PED par régime tarifaire (milliards d'euros) et le taux d'utilisation des préférences, 2008. Les résultats de quelques études sur les effets des ACPr Taux de croissance annuel moyen et volatilité de la croissance de 1970 à 1999 Participation des pays du Maghreb au GATT Les accords commerciaux bilatéraux signés par les pays du Maghreb Degré d’auto-approvisionnement de la CEE L’aide financière totale affectée aux pays du Maghreb par les protocoles financiers de 1978-96 (en millions d’Ecus) Les accords d’association euro-maghrébins en vigueur Modalités de cumul dans les AA euro-méditerranéens Principaux caractéristiques des règles d’origine entre tous les ALE de l’UE Répartition de l’intervention de la BEI dans les pays méditerranéens par secteur et par pays (octobre 2002-décembre 2012) en millions d'euros Apports financiers de la BEI sur la période 1979-2012 dans les pays du Maghreb Engagements et paiements MEDA pour la période 1995-1999 aux niveaux bilatéral et régional (en millions d'euros) Engagements MEDA II par secteur d'intervention et par pays 2000-2006 (en millions d'euros) Pages 24 25 39 63 67 68 69 75 76 87 110 111 117 120 130 143 169 173 174 180 190 191 199 204 206 209 210 210 212 298 Tableau III-13: Tableau III-14: Tableau III-15: Tableau III-16: Tableau III-17: Tableau III-18: Tableau III-19: Tableau III-20: Tableau III-21: Tableau III-22: Tableau III-23: Tableau III-24: Tableau III-25: Tableau III-26: Tableau III-27: Tableau III-28: Tableau III-29: Tableau III-30: Tableau III-31: Tableau III-32: Tableau III-33: Taux de croissance annuel moyen des pays du Maghreb 1960-2012 (en %) La Production et la structure économique dans les pays du Maghreb 2000-2007 Evolution des droits de douane appliqués sur produits industriels par pays du Maghreb (Taux effectivement appliqués, moy. simple) Les principaux clients des pays du Maghreb 1995-2012 (en millions dollars) Les principaux fournisseurs des pays du Maghreb 1995-2012 (en millions dollars) Taux de croissance des exportations des pays du Maghreb vers l’UE entre 1996-2011 comparé à 1995 La part de l'UE dans les exportations totales des pays du Maghreb 1990-2012 (en %) La part de l'UE dans les importations total des pays du Maghreb 1990-2012 (en %) La part des pays du Maghreb dans les exportations total vers l'UE 1990-2012 (en %) Les échanges commerciaux de l’UE par région année 2012. Les grandes tendances des spécialisations régionales dans la méditerranée. Structure du commerce des pays du Maghreb par groupes de principaux produits Exportés (en %) 1995-2010. Structure du commerce des pays du Maghreb par groupes de principaux produits Importés (1995-2010). Les exportations des pays du Maghreb vers l’UE par la composition sectorielle en 2012 Évolution des IDE dans les trois pays du Maghreb, entre 1990-2002 (en millions dollars) Évolution des IDE dans les trois pays du Maghreb, entre 2003-2010 (en millions d’euros) La part des échanges commerciaux entre les pays du Maghreb et leurs partenaires méditerranéens en 2012 Les afflux des IDE vers les PECO (1995-2012) Classification de l'OMC+ dans les accords de l'Union européenne selon l'analyse initial HMS Classification de l'OMC-X dans les accords de l'Union européenne selon l'analyse initiale HMS Nombres des dispositions OMC+ et OMC-X dans les AA Euro maghrébine selon l'analyse de l'OMC 220 223 226 229 230 231 231 232 233 233 237 238 239 240 242 244 250 257 270 271 272 Liste des Cartes: N° Carte I-01: Carte II-01: Carte II-02: Carte II-03: Carte II-04: Carte II-05: Carte III-01: Carte III-02: Les pays membres de l'OMC en 2013 Participation aux ACPr en vigueur en 2010, notifiés et non notifiés, par pays Exportations intrarégionales et extrarégionales de marchandises des régions de l’OMC, 1990-2011 (milliards de dollars et pourcentage) Les échanges de marchandises intra-régionaux augmentent plus que les échanges interrégionaux Les pays bénéficiaires du SGP offert par l'UE Les pays bénéficiaires du SGP offert par les États-Unis Les schémas des SGP accordés au pays du Maghreb Répartition géographique des fonds MEDA II (2000-2006) part en % dans le total des engagements MEDA II Pages 33 90 132 133 140 144 184 212 299 Liste des graphiques: N° Graphique I-01: Graphique I-02: Graphique II-01: Graphique II-02: Graphique II-03: Graphique II-04: Graphique II-05: Graphique II-06: Graphique II-07: Graphique II-08: Graphique II-09: Graphique III-01: Graphique III-02: Graphique III-03: Graphique III-04: Graphique III-05: Graphique III-06: Graphique III-07: Graphique III-08: Graphique III-09: Graphique III-10: Graphique III-11: Graphique III-12: Graphique III-13: Pages Le volume du commerce mondial et de la production, 1900-1938 La durée écoulée entre le début et la fin du processus d'accession à l'OMC (Par mois / pays) Nombre cumulé d’ACPr bilatéraux et autres types d’ACPr en vigueur, 19502010, notifiés et non notifiés Types d’ACPr en vigueur en 2010, notifiés et non notifiés Nombre moyen d’ACPr en vigueur par pays, 1950-2010, notifiés et non notifiés, par groupe de pays Evolution des dispositions OMC+ visées et exécutoires dans le temps Evolution des dispositions OMC-X visées et exécutoires dans le temps Évolution des accords commerciaux régionaux dans le monde, 1948-2012 Part de l’intra-régional dans le commerce extérieur (marchandises) 1960-2003 Interprétation graphique des effets de création et de détournement de commerce La théorie de l'effet de domino du régionalisme Le PIB par habitant des pays du Maghreb en comparaison avec la France et l’Espagne (2003-2012) (en dollars USD) Comparaison du revenu national brut par habitant des pays du Maghreb avec d’autre pays méditerranéens de 1962 à 2011, (en millions de dollars). Evolution des droits de douane des PSEM sur les produits industriels entre 1992 et 2009 selon la provenance des importations (Taux effectivement appliqués, moyenne simple) Comparaison de l’évolution des droits de douane appliqués sur les produits industriels entre 1992 et 2009 (Taux effectivement appliqués, moyenne simple) Comparaison de l’évolution des droits de douane appliqués sur les produits agricoles entre 1995 et 2009 (Taux effectivement appliqués, moyenne simple) Evolution des droits de douane par catégorie de biens (Taux effectivement appliquée, moyenne simple) Les exportations des marchandises vers l’UE par région (2000-2011) (en Millions $) Evolution des soldes commerciaux des pays du Maghreb vis à vis de l’UE (Total des échanges 1990-2012), en Milliards d’Euros. Soldes commerciaux des pays méditerranéens vis à vis de l’UE. En millions de dollars) Taux d’utilisation des préférences (TUP) dans le cadre des régimes préférentiels de l’UE (classés par exportations admissibles), 2008. L’évolution des exportations des PECO vers l’UE (2000-2011) Comparaison des afflux des IDE au Maghreb et PECO (1993-2012) Evolution des importations des produits liés aux textiles et habillements en provenance de Chine, Tunisie et Maroc (1995-2012), en millier de dollars 12 41 91 92 93 112 112 120 131 149 158 221 222 224 224 225 227 232 235 235 247 256 258 260 300 Liste des Figures: Figure I-01: Figure I-02: Figure I-03: N° Pages Structure de l'OMC 37 Jeu des alliances entre les pays membres lors du cycle de Doha 81 Parts du commerce nord/nord, nord/sud et sud/sud dans les exportations mondiales 82 Figure II-01: Figure II-02: Figure II-03: de marchandises, 1990‑2011 (% du commerce mondial) La Relation entre les règles d'origine non préférentielles et préférentielles Les Tarifs préférentiels allant au-delà de traitements NPF La gradation de l’intégration économique régionale Figure II-04: Figure II-05: Figure III-01: Figure III-02: Figure III-03: Figure III-04: Figure III-05: Figure III-06: Figure III-07: Figure III-08: schémas du bol de spaghetti des ACPr dans le monde Arrangement hub-and-spokes et les arrangements inter-régional des ACPr L'image de bol de spaghetti des accords commerciaux conclus par les pays du Maghreb Cadre institutionnel de la coopération régionale et bilatérale dans le processus de Barcelone L’aide engagée et les fonds payés dans le programme MEDA I L’aide engagée et les fonds payés dans le programme MEDA I et II (1995-2004) Les flux cumulés d’IDE à destination des PSEM entre 2003 et 2007 par région d’origine Le bol de spaghetti européen Les Etats les plus touchés à l’érosion des préférences, dont figure le Maroc et la Tunisie Accords commerciaux préférentiels dans l’espace euro-méditerranéen 101 103 125 155 160 179 200 211 213 243 246 248 250 301 ANNEXES ANNEXE N° 01 : Les Résultats du Cycle d'Uruguay Domaines de négociation Accès aux marchés Droits de Douane Mesures non tarifaires Secteurs Produits dérivés Produits tropicaux Textiles et habillement Agriculture Résultats - Réduction de 38% des droits moyens sur les produits industriels - Suppression des droits dans onze secteurs - Augmentation proportionnelle des droits consolidés dans les pays développés à économie de marché et les PED - Interdiction des mesures de la zone grise - Tarification des obstacles non tarifaires dans l'agriculture - Diminution des tarifs douaniers des ressources naturelles - Diminution des tarifs douaniers - Élimination progressive en quatre étapes de l'Accord multifibres - Sauvegardes transitoires - Limitation et possibilités de contournement - tarification des obstacles non tarifaires puis réduction progressive. - Limitation des mesures de soutien interne non découplées. - Diminution en valeur et en volume des produits soumis à des subventions à l'exportation. - Affirmation des droits et des obligations en ce qui concerne les mesures sanitaires et phytosanitaires. Concessions aux PED et aux pays les moins avancés. Système du GATT-OMC Sauvegardes Subventions et droits compensateurs - Prohibition des mesures de la zone grise. - Critères d'application plus stricts - Accord d'«extinction» explicite. - Peu de possibilités de discrimination. - Introduction du principe dit «des feux de circulation». - Disciplines sur l'utilisation des droits compensateurs. - Exemptions pour les pays les moins avancés. Articles du GATT - Obligation que les interventions au titre des articles XVIII bis et XII soient fondée sur les prix. - Éclaircissement et renforcement des critères de l'article XXIV. - Renforcement des procédures de calcul de la marge de dumping dans le cadre de l'article XII; détermination plus rigoureuse de l'existence d'un dommage et amélioration du mode de règlement des différends. - Renforcement des dispositions sur les règles d'origine et l'inspection avant expédition. Négociations commerciales - Nouvelles procédures de négociation aux fins multilatérales d'indemnisation lorsque les consolidations sont modifiées de manière à aider les PED dans les négociations. Fonctionnement du système Nouveaux domaines - Engagement à maintenir le Mécanisme d'examen des politiques commerciales. - Création de l'OMC et réunion ministérielle tous les deux ans. Mesures concernant les investissements et liées au commerce (MIC) - Interdiction des MIC incompatibles avec les articles III et XI. - Élimination progressive des MIC existantes. - Concessions pour les PED. - Engagement général à appliquer le traitement de la nation la plus favorisée si possible. Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) Services - Disposition spécifiques sur le droits d'auteur, les marques de fabrique ou de commerce, les indications géographiques, les dessins et les modèles industriels, les brevets, les schémas de configuration des circuits intégrés, les secteurs commerciaux. - Transition progressive pour les PED. - Engagement général à appliquer le traitement de la nation la plus favorisée si possible. - Accords pour une libéralisation progressive. - Dispositions institutionnelles spécifiques pour les transports aériens, les services financiers et les télécommunications. Source: Greenway D., et Milner C., «Les incidences sur l'emploi du Cycle d'Uruguay», dans, Thwaites J.D., «La mondialisation: Origines, développements et effets», 2eme édition, Les Presses de l'Université Laval, Canada, 2004, p. 163-164. 303 ANNEXE N° 02 : GROUPES À L'OMC Un certain nombre de pays ont formé des coalitions à l'OMC. Les pays faisant partie d'un groupe parlent souvent d'une seule voix par l'intermédiaire d'un porte-parole ou d'une équipe de négociation unique. On trouvera ci-après, la composition de quelques-uns des groupements les plus actifs à l'OMC1. GROUPES REGIONAUX Groupes ACP Description Pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique Forum de coopération économique Asie-Pacifique APEC Dix-neuf Membres de l'OMC et deux gouvernements négociant leur accession 1 Groupe africain Tous les pays d'Afrique Membres de l'OMC MERCOSUR Union douanière UE Union européenne, officiellement appelée Communautés européennes à l'OMC Pays Afrique du Sud; Angola; Antigua-et-Barbuda; Barbade; Belize; Bénin; Botswana; Burkina Faso; Burundi; Cameroun; Congo; Côte d'Ivoire; Cuba; Djibouti; Dominique; Fidji; Gabon; Gambie; Ghana; Grenade; Guinée; Guinée-Bissau; Guyana; Haïti; Îles Salomon; Jamaïque; Kenya; Lesotho; Madagascar; Malawi; Mali; Maurice; Mauritanie; Mozambique; Namibie; Niger; Nigéria; Ouganda; Papouasie-Nouvelle-Guinée; République centrafricaine; République démocratique du Congo; République dominicaine; Rwanda; Saint-Kitts-et-Nevis; Saint-Vincent-et-les- Grenadines; Sainte-Lucie; Sénégal; Sierra Leone; Suriname; Swaziland; Tanzanie; Tchad; Togo; Trinité-et-Tobago; Zambie et Zimbabwe Australie; Brunéi Darussalam; Canada; Chili; États-Unis; Hong Kong, Chine; Indonésie; Japon; Malaisie; Mexique; NouvelleZélande; Papouasie-Nouvelle-Guinée; Pérou; Philippines; République de Corée; République populaire de Chine; Russie; Singapour; Taipei chinois; Thaïlande et Viet Nam Afrique du Sud; Angola; Bénin; Botswana; Burkina Faso; Burundi; Cameroun; Congo; Congo (République démocratique); Côte d'Ivoire; Djibouti; Égypte; Gabon; Gambie; Ghana; Guinée; Guinée-Bissau; Kenya; Lesotho; Madagascar; Malawi; Mali; Maroc; Maurice; Mauritanie; Mozambique; Namibie; Niger; Nigéria; Ouganda; République centrafricaine; Rwanda; Sénégal; Sierra Leone; Swaziland; Tanzanie; Tchad; Togo; Tunisie; Zambie et Zimbabwe Argentine; Brésil; Paraguay et Uruguay Allemagne; Autriche; Belgique; Bulgarie; Chypre; Danemark; Espagne; Estonie; Finlande; France; Grèce; Hongrie; Irlande; Italie; Lettonie; Lituanie; Luxembourg; Malte; Pays-Bas; Pologne; Portugal; République slovaque; République tchèque; Roumanie; Royaume-Uni; Slovénie et Suède http://www.wto.org/french/tratop_f/dda_f/meet08_brief08_f.doc 304 GROUPES DE PAYS AYANT DES INTERETS COMMUNS Groupes Description Pays Groupe de Cairns Composé de pays exportateurs de produits agricoles qui militent en faveur de la libéralisation des échanges dans ce secteur Afrique du Sud; Argentine; Australie; Bolivie; Brésil; Canada; Chili; Colombie; Costa Rica; Guatemala; Indonésie; Malaisie; Nouvelle-Zélande; Pakistan; Paraguay; Pérou; Philippines; Thaïlande et Uruguay G-10 Coalition des pays qui militent pour faire reconnaître la diversité et le caractère particulier de l'agriculture compte tenu de considérations autres que d'ordre commercial Islande; Israël; Japon; Liechtenstein; Maurice; Norvège; République de Corée; Suisse et Taipei chinois G-20 Coalition de PED qui souhaitent des réformes ambitieuses de l'agriculture dans les pays développés et une certaine flexibilité pour les PED Afrique du Sud; Argentine; Bolivie; Brésil; Chili; Chine; Cuba; Équateur, Égypte; Guatemala; Inde; Indonésie; Mexique; Nigéria; Pakistan; Paraguay; Pérou; Philippines; Tanzanie; Thaïlande; Uruguay; Venezuela et Zimbabwe G-33 Aussi dénommé "Amis des produits spéciaux" dans le secteur agricole Antigua-et-Barbuda; Barbade; Belize; Bénin; Bolivie; Botswana; Chine; Congo; Corée; Côte d'Ivoire; Cuba; Dominique; El Salvador; Grenade; Guatemala; Guyana; Haïti; Honduras; Inde; Indonésie; Jamaïque; Kenya; Madagascar; Maurice; Mongolie; Mozambique; Nicaragua; Nigéria; Ouganda; Pakistan; Panama; Pérou; Philippines; République dominicaine; Saint-Kitts-Et-Nevis; Saint-Vincent-et-les Grenadines; Sainte-Lucie; Sénégal; Sri Lanka; Suriname; Tanzanie; Trinité-et-Tobago; Turquie; Venezuela; Zambie et Zimbabwe Coalition de PED souhaitant qu'une certaine flexibilité soit ménagée aux PED pour leur permettre d'ouvrir leurs marchés de façon limitée dans le secteur agricole À ne pas confondre avec le Groupe des Dix gouverneurs des banques centrales G-90 Coalition de pays d'Afrique, de pays ACP et de pays les moins avancés Afrique du Sud; Angola; Antigua-et-Barbuda; Bangladesh; Barbade; Belize; Bénin; Botswana; Burkina Faso; Burundi; Cambodge; Cameroun; Congo; Côte d'Ivoire; Cuba; Djibouti; Dominique; Égypte; Fidji; Gabon; Gambie; Ghana; Grenade; Guinée (Conakry); Guinée-Bissau; Guyana; Haïti; Îles Salomon; Jamaïque; Kenya; Lesotho; Madagascar; Malawi; Maldives; Mali; Maroc; Maurice; Mauritanie; Mozambique; Myanmar; Namibie; Népal; Niger; Nigéria; Ouganda; Papouasie-NouvelleGuinée; République centrafricaine; République démocratique du Congo; République dominicaine; Rwanda; Saint-Kitts-Et-Nevis; Saint-Vincent-et-les Grenadines; Sainte-Lucie; Sénégal; Sierra Leone; Suriname; Swaziland; Tanzanie; Tchad; Togo; Trinitéet-Tobago; Tunisie; Zambie et Zimbabwe Groupe coton-4 Principaux producteurs africains de coton Bénin; Burkina Faso; Mali et Tchad PEV Petites économies vulnérables Barbade; Bolivie; Cuba; El Salvador; Fidji; Guatemala; Honduras; Maurice; Mongolie; Nicaragua; Papouasie-NouvelleGuinée; Paraguay; République dominicaine et Trinité-et-Tobago 305 MAR Membres ayant accédé récemment. Ils veulent pouvoir souscrire des engagements moindres dans les négociations en raison des mesures de libéralisation qu'ils ont prises dans le cadre de leur accord d'accession Albanie; Arabie saoudite; Arménie; Bulgarie; Chine; Croatie; Équateur; ex-République yougoslave de Macédoine; Géorgie; Jordanie; Moldova; Mongolie; Oman; Panama; République kirghize; Taipei chinois et Ukraine Groupe des PMA Pays les moins avancés: pays les plus pauvres du monde Angola; Bangladesh; Bénin; Burkina Faso; Burundi; Cambodge; Congo (République démocratique du); Djibouti; Gambie; Guinée; Guinée-Bissau; Haïti; Îles Salomon; Lesotho; Madagascar; Malawi; Maldives; Mali; Mauritanie; Mozambique; Myanmar; Népal; Niger; Ouganda; République centrafricaine; Rwanda; Sénégal; Sierra Leone; Tanzanie; Tchad; Togo et Zambie AMNA-11 Groupe de PED qui veulent obtenir des flexibilités pour limiter l'ouverture des marchés dans le secteur des produits industriels Afrique du Sud; Argentine; Brésil; Égypte; Inde; Indonésie; Namibie; Philippines; République bolivarienne du Venezuela et Tunisie Pays visés au paragraphe 6 (AMNA – en référence au paragraphe 6 de la première version du texte sur l'AMNA) Ces pays préconisent de réduire le nombre de nouvelles consolidations qu'ils devraient opérer et d'accroître la moyenne cible au-delà de 27,5% (sauf Macao, Chine) Cameroun; Congo; Côte d'Ivoire; Cuba; Ghana; Kenya; Macao, Chine; Maurice; Nigéria; Sri Lanka; Suriname; Zimbabwe Économies en transition à faible revenu Pays qui veulent obtenir le même traitement que les PMA Arménie; Moldova et République kirghize. La Géorgie s'est officiellement retirée. Amis de l'ambition Pays qui veulent maximiser les réductions tarifaires et obtenir un accès réel aux marchés Australie; Canada; CE; Chili; Corée; Costa Rica; États-Unis; Japon; Hong Kong, Chine; Nouvelle-Zélande; Norvège; Singapour et Suisse Groupe des produits tropicaux Pays qui veulent un meilleur accès aux marchés pour les produits tropicaux Bolivie; Colombie; Costa Rica; Équateur; El Salvador; Honduras; Guatemala; Nicaragua; Panama; Pérou et République bolivarienne du Venezuela 306 ANNEXE N° 03 : Article XXIV, Article V et la Clause d’Habilitation GATT: Article XXIV. Application territoriale — Trafic frontalier — Unions douanières et zones de libre-échange 1. Les dispositions du présent Accord s'appliqueront au territoire douanier métropolitain des parties contractantes ainsi qu'à tout autre territoire douanier à l'égard duquel le présent Accord a été accepté aux termes de l'article XXVI ou est appliqué en vertu de l'article XXXIII ou conformément au Protocole d'application provisoire. Chacun de ces territoires douaniers sera considéré comme s'il était partie contractante, exclusivement aux fins de l'application territoriale du présent Accord, sous réserve que les stipulations du présent paragraphe ne seront pas interprétées comme créant des droits ou obligations entre deux ou plusieurs territoires douaniers à l'égard desquels le présent Accord a été accepté aux termes de l'article XXVI ou est appliqué en vertu de l'article XXXIII ou conformément au Protocole d'application provisoire par une seule partie contractante. 2. Aux fins d'application du présent Accord, on entend par territoire douanier tout territoire pour lequel un tarif douanier distinct ou d'autres réglementations commerciales distinctes sont appliqués pour une part substantielle de son commerce avec les autres territoires. 3. Les dispositions du présent Accord ne devront pas être interprétées comme faisant obstacle: a) aux avantages accordés par une partie contractante à des pays limitrophes pour faciliter le trafic frontalier; b) ou aux avantages accordés au commerce avec le Territoire libre de Trieste par des pays limitrophes de ce territoire, à la condition que ces avantages ne soient pas incompatibles avec les dispositions des traités de paix résultant de la Seconde Guerre mondiale. 4. Les parties contractantes reconnaissent qu'il est souhaitable d'augmenter la liberté du commerce en développant, par le moyen d'accords librement conclus, une intégration plus étroite des économies des pays participant à de tels accords. Elles reconnaissent également que l'établissement d'une union douanière ou d'une zone de libre-échange doit avoir pour objet de faciliter le commerce entre les territoires constitutifs et non d'opposer des obstacles au commerce d'autres parties contractantes avec ces territoires. 5. En conséquence, les dispositions du présent Accord ne feront pas obstacle, entre les territoires des parties contractantes, à l'établissement d'une union douanière ou d'une zone de libre-échange ou à l'adoption d'un accord provisoire nécessaire pour l'établissement d'une union douanière ou d'une zone de libre-échange, sous réserve: a) que, dans le cas d'une union douanière ou d'un accord provisoire conclu en vue de l'établissement d'une union douanière, les droits de douane appliqués lors de l'établissement de cette union ou de la conclusion de cet accord provisoire ne seront pas, dans leur ensemble, en ce qui concerne le commerce avec les parties contractantes qui ne sont pas parties à de tels unions ou accords, d'une incidence générale plus élevée, ni les autres réglementations commerciales plus rigoureuses que ne l'étaient les droits et les réglementations commerciales en vigueur dans les territoires constitutifs de cette union avant l'établissement de l'union ou la conclusion de l'accord, selon le cas; b) que, dans le cas d'une zone de libre-échange ou d'un accord provisoire conclu en vue de l'établissement d'une zone de libre-échange, les droits de douane maintenus dans chaque territoire constitutif et applicables au commerce des parties contractantes qui ne font pas partie d'un tel territoire ou qui ne participent pas à un tel accord, lors de l'établissement de la zone ou de la conclusion de l'accord provisoire, ne seront pas plus élevés, ni les autres réglementations commerciales plus 307 rigoureuses que ne l'étaient les droits et réglementations correspondants en vigueur dans les mêmes territoires avant l'établissement de la zone ou la conclusion de l'accord provisoire, selon le cas; c) et que tout accord provisoire visé aux alinéas a) et b) comprenne un plan et un programme pour l'établissement, dans un délai raisonnable, de l'union douanière ou de la zone de libre-échange. 6. Si, en remplissant les conditions énoncées à l'alinéa a) du paragraphe 5, une partie contractante se propose de relever un droit d'une manière incompatible avec les dispositions de l'article II, la procédure prévue à l'article XXVIII sera applicable. Dans la détermination des compensations, il sera dûment tenu compte de la compensation qui résulterait déjà des réductions apportées au droit correspondant des autres territoires constitutifs de l'union. 7. a) Toute partie contractante qui décide d'entrer dans une union douanière ou de faire partie d'une zone de libre-échange ou de participer à un accord provisoire conclu en vue de l'établissement d'une telle union ou d'une telle zone avisera sans retard les PARTIES CONTRACTANTES et leur fournira, en ce qui concerne cette union ou cette zone, tous les renseignements qui leur permettront d'adresser aux parties contractantes les rapports et les recommandations qu'elles jugeront appropriés. b) Si, après avoir étudié le plan et le programme compris dans un accord provisoire visé au paragraphe 5, en consultation avec les parties à cet accord et après avoir dûment tenu compte des renseignements fournis conformément à l'alinéa a), les PARTIES CONTRACTANTES arrivent à la conclusion que l'accord n'est pas de nature à conduire à l'établissement d'une union douanière ou d'une zone de libre-échange dans les délais envisagés par les parties à l'accord ou que ces délais ne sont pas raisonnables, elles adresseront des recommandations aux parties à l'accord. Les parties ne maintiendront pas l'accord ou ne le mettront pas en vigueur, selon le cas, si elles ne sont pas disposées à le modifier conformément à ces recommandations. c) Toute modification substantielle du plan ou du programme visés à l'alinéa c) du paragraphe 5 devra être communiquée aux PARTIES CONTRACTANTES qui pourront demander aux parties contractantes en cause d'entrer en consultations avec elles, si la modification semble devoir compromettre ou retarder indûment l'établissement de l'union douanière ou de la zone de libreéchange. 8. Aux fins d'application du présent Accord, a) on entend par union douanière la substitution d'un seul territoire douanier à deux ou plusieurs territoires douaniers, lorsque cette substitution a pour conséquence i) que les droits de douane et les autres réglementations commerciales restrictives (à l'exception, dans la mesure où cela serait nécessaire, des restrictions autorisées aux termes des articles XI, XII, XIII, XIV, XV et XX) sont éliminés pour l'essentiel des échanges commerciaux entre les territoires constitutifs de l'union, ou tout au moins pour l'essentiel des échanges commerciaux portant sur les produits originaires de ces territoires; ii) et que, sous réserve des dispositions du paragraphe 9, les droits de douane et les autres réglementations appliqués par chacun des membres de l'union au commerce avec les territoires qui ne sont pas compris dans celle-ci sont identiques en substance; b) on entend par zone de libre-échange un groupe de deux ou plusieurs territoires douaniers entre lesquels les droits de douane et les autres réglementations commerciales restrictives (à l'exception, dans la mesure où cela serait nécessaire, des restrictions autorisées aux termes des articles XI, XII, XIII, XIV, XV et XX) sont éliminés pour l'essentiel des échanges commerciaux portant sur les produits originaires des territoires constitutifs de la zone de libre-échange. 308 9. Les préférences visées au paragraphe 2 de l'article premier ne seront pas affectées par l'établissement d'une union douanière ou d'une zone de libre-échange; elles pourront toutefois être éliminées ou aménagées par voie de négociation avec les parties contractantes intéressées.* Cette procédure de négociation avec les parties contractantes intéressées s'appliquera notamment à l'élimination des préférences qui serait nécessaire pour que les dispositions des alinéas a) i) et b) du paragraphe 8 soient observées. 10. Les PARTIES CONTRACTANTES pourront, par une décision prise à la majorité des deux tiers, approuver des propositions qui ne seraient pas entièrement conformes aux dispositions des paragraphes 5 à 9 inclus à la condition qu'elles conduisent à l'établissement d'une union douanière ou d'une zone de libreéchange au sens du présent article. 11. Tenant compte des circonstances exceptionnelles qui résultent de la constitution de l'Inde et du Pakistan en Etats indépendants et reconnaissant que ces deux États ont formé pendant longtemps une unité économique, les parties contractantes sont convenues que les dispositions du présent Accord n'empêcheront pas ces deux pays de conclure des accords spéciaux concernant leur commerce mutuel, en attendant que leurs relations commerciales réciproques soient établies définitivement.* 12. Chaque partie contractante prendra toutes mesures raisonnables en son pouvoir pour que, sur son territoire, les gouvernements et administrations régionaux et locaux observent les dispositions du présent Accord. Ad Article XXIV : Paragraphe 9 Il est entendu que, vu les dispositions de l'article premier, lorsqu'un produit qui a été importé sur le territoire d'un membre d'une union douanière ou d'une zone de libre-échange à un taux préférentiel est réexporté vers le territoire d'un autre membre de cette union ou de cette zone, ce dernier membre doit percevoir un droit égal à la différence entre le droit déjà acquitté et le taux plus élevé qui serait perçu si le produit était importé directement sur son territoire. Paragraphe 11 Lorsque des accords commerciaux définitifs auront été conclus entre l'Inde et le Pakistan, les mesures adoptées par ces pays en vue d'appliquer ces accords pourront déroger à certaines dispositions du présent Accord, sans s'écarter toutefois de ses objectifs. B. L'interprétation de l'article XXIV de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994. Les Membres, Eu égard aux dispositions de l'article XXIV du GATT de 1994, Reconnaissant que les unions douanières et les zones de libre-échange se sont grandement accrues en nombre et en importance depuis la mise en place du GATT de 1947 et représentent aujourd'hui une proportion significative du commerce mondial, Reconnaissant la contribution qu'une intégration plus étroite des économies des parties à de tels accords peut apporter à l'expansion du commerce mondial, Reconnaissant aussi que cette contribution est plus grande si l'élimination des droits de douane et des autres réglementations commerciales restrictives entre les territoires, constitutifs s'étend à tout le commerce, et plus petite si un secteur majeur du commerce est exclu, Réaffirmant que de tels accords devraient avoir pour objet de faciliter le commerce entre les territoires constitutifs et non d'opposer des obstacles au commerce d'autres Membres avec ces territoires, et que les parties qui concluent de tels accords ou en élargissent la portée doivent dans toute la mesure du possible éviter que des effets défavorables n'en résultent pour le commerce d'autres Membres, 309 Convaincus aussi de la nécessité de renforcer l'efficacité de l'examen par le Conseil du commerce des marchandises des accords notifiés au titre de l'article XXIV, en clarifiant les critères et procédures d'évaluation des accords nouveaux ou élargis et en améliorant la transparence de tous les accords conclus au titre de l'article XXIV, Reconnaissant la nécessité d'une communauté de vues concernant les obligations des Membres au titre du paragraphe 12 de l'article XXIV, Conviennent de ce qui suit: 1. Pour être conformes à l'article XXIV, les unions douanières, zones de libre-échange et accords provisoires conclus en vue de l'établissement d'une union douanière ou d'une zone de libre-échange, doivent satisfaire, entre autres, aux dispositions des paragraphes 5, 6, 7 et 8 de cet article. Article XXIV:5 2. L'évaluation au titre du paragraphe 5 a) de l'article XXIV de l'incidence générale des droits de douane et autres réglementations commerciales applicables avant et après l'établissement d'une union douanière se fera en ce qui concerne les droits de douane et impositions sur la base d'une évaluation globale des taux de droits moyens pondérés et des droits de douane perçus. Seront utilisées pour cette évaluation les statistiques des importations faites pendant une période représentative antérieure qui seront communiquées par l'union douanière, par ligne tarifaire, en valeur et en volume, ventilées par pays d'origine membre de l'OMC. Le Secrétariat calculera les taux de droits moyens pondérés et les droits de douane perçus selon la méthodologie utilisée dans l'évaluation des offres tarifaires faites au cours des Négociations commerciales multilatérales du Cycle d'Uruguay. A cette fin, les droits de douane et impositions à prendre en considération seront les taux de droits appliqués. Il est reconnu qu'aux fins de l'évaluation globale de l'incidence des autres réglementations commerciales qu'il est difficile de quantifier et d'agréger, l'examen de chaque mesure, réglementation, produit visé et flux commercial affecté pourra être nécessaire. 3. Le “délai raisonnable” mentionné au paragraphe 5 c) de l'article XXIV ne devrait dépasser 10 ans que dans des cas exceptionnels. Dans les cas où des Membres parties à un accord provisoire estimeront que 10 ans seraient insuffisants, ils expliqueront en détail au Conseil du commerce des marchandises pourquoi un délai plus long est nécessaire. Article XXIV:6 4. Le paragraphe 6 de l'article XXIV fixe la procédure à suivre lorsqu'un Membre établissant une union douanière se propose de relever un droit consolidé. A cet égard, les Membres réaffirment que la procédure de l'article XXVIII, précisée dans les lignes directrices adoptées le 10 novembre 1980 (IBDD, S27/27-29) et dans le Mémorandum d'accord sur l'interprétation de l'article XXVIII du GATT de 1994, doit être engagée avant que des concessions tarifaires ne soient modifiées ou retirées lors de l'établissement d'une union douanière ou de la conclusion d'un accord provisoire en vue de l'établissement d'une union douanière. 5. Ces négociations seront engagées de bonne foi en vue d'arriver à des compensations mutuellement satisfaisantes. Au cours de ces négociations, comme l'exige le paragraphe 6 de l'article XXIV, il sera dûment tenu compte des réductions de droits de douane sur la même ligne tarifaire faites par d'autres entités constitutives de l'union douanière lors de l'établissement de cette union. Au cas où ces réductions ne seraient pas suffisantes pour constituer les compensations nécessaires, l'union douanière offrirait des compensations, qui pourront prendre la forme de réductions de droits de douane sur d'autres lignes tarifaires. Une telle offre sera prise en considération par les Membres ayant des droits de négociateur dans la consolidation modifiée ou retirée. Au cas où les compensations demeureraient inacceptables, les négociations devraient se poursuivre. Lorsque, malgré ces efforts, un accord dans les négociations sur les compensations à prévoir au titre de l'article XXVIII, tel qu'il est précisé par le Mémorandum d'accord sur l'interprétation de l'article XXVIII du GATT de 1994, ne pourra pas intervenir dans un délai raisonnable à compter de l'ouverture des négociations, l'union douanière sera néanmoins libre de modifier ou de retirer les 310 concessions; les Membres affectés seront alors libres de retirer des concessions substantiellement équivalentes conformément à l'article XXVIII. 6. Le GATT de 1994 n'impose pas aux Membres bénéficiant d'une réduction des droits de douane à la suite de l'établissement d'une union douanière, ou d'un accord provisoire conclu en vue de l'établissement d'une union douanière, l'obligation de fournir à ses entités constitutives des compensations. Examen des unions douanières et zones de libre-échange 7. Toutes les notifications faites au titre du paragraphe 7 a) de l'article XXIV seront examinées par un groupe de travail à la lumière des dispositions pertinentes du GATT de 1994 et du paragraphe 1 du présent mémorandum d'accord. Le groupe de travail présentera un rapport au Conseil du commerce des marchandises sur ses constatations en la matière. Le Conseil du commerce des marchandises pourra adresser aux Membres les recommandations qu'il jugera appropriées. 8. En ce qui concerne les accords provisoires, le groupe de travail pourra dans son rapport formuler des recommandations appropriées quant au calendrier proposé et aux mesures nécessaires à la mise en place définitive de l'union douanière ou de la zone de libre-échange. Il pourra, si nécessaire, prévoir un nouvel examen de l'accord. 9. Les Membres parties à un accord provisoire notifieront les modifications substantielles du plan et du programme compris dans cet accord au Conseil du commerce des marchandises qui, si demande-lui en est faite, examinera ces modifications. 10. Au cas où, contrairement à ce qui est prévu au paragraphe 5 c) de l'article XXIV, un accord provisoire notifié conformément au paragraphe 7 a) de l'article XXIV ne comprendrait pas un plan et un programme, le groupe de travail recommandera dans son rapport un tel plan et un tel programme. Les parties ne maintiendront pas, ou s'abstiendront de mettre en vigueur, selon le cas, un tel accord si elles ne sont pas prêtes à le modifier dans le sens de ces recommandations. Il sera prévu un examen ultérieur de la mise en œuvre desdites recommandations. 11. Les unions douanières et les entités constitutives des zones de libre-échange feront rapport périodiquement au Conseil du commerce des marchandises, ainsi que les PARTIES CONTRACTANTES du GATT de 1947 l'ont envisagé dans l'instruction donnée au Conseil du GATT de 1947 au sujet des rapports sur les accords régionaux (IBDD, S18/42), sur le fonctionnement de l'accord considéré. Toutes modifications et/ou tous faits nouveaux notables concernant un accord devraient être notifiés dès qu'ils interviendront. Règlement des différends 12. Les dispositions des articles XXII et XXIII du GATT de 1994, telles qu'elles sont précisées et mises en application par le Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, pourront être invoquées pour ce qui est de toutes questions découlant de l'application des dispositions de l'article XXIV relatives aux unions douanières, aux zones de libre-échange ou aux accords provisoires conclus en vue de l'établissement d'une union douanière ou d'une zone de libre-échange. Article XXIV:12 13. Chaque Membre est pleinement responsable au titre du GATT de 1994 de l'observation de toutes les dispositions du GATT de 1994 et prendra toutes mesures raisonnables en son pouvoir pour que, sur son territoire, les gouvernements et administrations régionaux et locaux observent lesdites dispositions. 14. Les dispositions des articles XXII et XXIII du GATT de 1994, telles qu'elles sont précisées et mises en application par le Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, pourront être invoquées pour ce qui est des mesures affectant l'observation du GATT de 1994 prises par des gouvernements ou administrations régionaux ou locaux sur le territoire d'un Membre. Lorsque l'Organe de règlement des différends aura déterminé qu'une disposition du GATT de 1994 n'a pas été observée, le Membre responsable prendra toutes mesures raisonnables en son pouvoir pour que ladite disposition soit observée. Les 311 dispositions relatives à la compensation et à la suspension de concessions ou autres obligations s'appliquent dans les cas où il n'a pas été possible de faire observer une disposition. 15. Chaque Membre s'engage à examiner avec compréhension toutes représentations que pourra lui adresser un autre Membre au sujet de mesures affectant le fonctionnement du GATT de 1994 prises sur son territoire et à ménager des possibilités adéquates de consultation sur ces représentations. ***** GATS : Article V - Intégration économique. 1. Le présent accord n'empêchera aucun des Membres d'être partie ou de participer à un accord libéralisant le commerce des services entre deux parties audit accord ou plus, à condition que cet accord: a) couvre un nombre substantiel de secteurs1, et b) prévoie l'absence ou l'élimination pour l'essentiel de toute discrimination, au sens de l'article XVII, entre deux parties ou plus, dans les secteurs visés à l'alinéa a), par: i) l'élimination des mesures discriminatoires existantes, et/ou ii) l'interdiction de nouvelles mesures discriminatoires ou de mesures plus discriminatoires, soit à l'entrée en vigueur dudit accord, soit sur la base d'un calendrier raisonnable, sauf pour les mesures autorisées au titre des articles XI, XII, XIV et XIVbis. 2. Pour évaluer s'il est satisfait aux conditions énoncées au paragraphe 1 b), il pourra être tenu compte du rapport entre l'accord et un processus plus large d'intégration économique ou de libéralisation des échanges entre les pays concernés. 3. a) Dans les cas où des PED sont parties à un accord du type visé au paragraphe 1, une certaine flexibilité leur sera ménagée pour ce qui est des conditions énoncées audit paragraphe, en particulier en ce qui concerne l'alinéa b) dudit paragraphe, en fonction de leur niveau de développement tant global que par secteur et sous-secteur. b) Nonobstant les dispositions du paragraphe 6, dans le cas d'un accord du type visé au paragraphe 1 auquel ne participent que des PED, un traitement plus favorable pourra être accordé aux personnes morales détenues ou contrôlées par des personnes physiques des parties audit accord. 4. Tout accord visé au paragraphe 1 sera destiné à faciliter les échanges entre les parties et ne relèvera pas, à l'égard de tout Membre en dehors de l'accord, le niveau général des obstacles au commerce des services dans les secteurs ou sous-secteurs respectifs par rapport au niveau applicable avant un tel accord. 5. Si, lors de la conclusion, de l'élargissement ou d'une modification notable de tout accord visé au paragraphe 1, un Membre a l'intention de retirer ou de modifier un engagement spécifique d'une manière incompatible avec les conditions et modalités énoncées dans sa Liste, il annoncera cette modification ou ce retrait 90 jours au moins à l'avance et les procédures énoncées aux paragraphes 2, 3 et 4 de l'article XXI seront d'application. 6. Un fournisseur de services de tout autre Membre qui est une personne morale constituée conformément à la législation d'une partie à un accord visé au paragraphe 1 aura droit au traitement accordé en vertu dudit accord, à condition qu'il effectue des opérations commerciales substantielles sur le territoire des parties audit accord. 1 Cette condition s'entend du point de vue du nombre de secteurs, du volume des échanges affectés et des modes de fourniture. Pour y satisfaire, les accords ne devraient pas prévoir l'exclusion a priori d'un mode de fourniture quel qu'il soit. 312 7. a) Les Membres qui sont parties à tout accord visé au paragraphe 1 notifieront dans les moindres délais au Conseil du commerce des services tout accord de ce genre et tout élargissement ou toute modification notable d'un tel accord. En outre, ils mettront à la disposition du Conseil les renseignements pertinents que celui-ci pourra leur demander. Le Conseil pourra établir un groupe de travail chargé d'examiner un tel accord ou l'élargissement ou la modification d'un tel accord et de lui présenter un rapport sur la compatibilité dudit accord avec le présent article. b) Les Membres qui sont parties à tout accord visé au paragraphe 1 qui est mis en œuvre sur la base d'un calendrier adresseront périodiquement au Conseil du commerce des services un rapport sur sa mise en œuvre. Le Conseil pourra établir un groupe de travail chargé d'examiner ces rapports s'il juge un tel groupe nécessaire. c) Sur la base des rapports des groupes de travail visés aux alinéas a) et b), le Conseil pourra adresser aux parties les recommandations qu'il jugera appropriées. 8. Un Membre qui est partie à un accord visé au paragraphe 1 ne pourra pas demander de compensation pour les avantages commerciaux qu'un autre Membre pourrait tirer dudit accord. GATS : Article V bis - Accords d'intégration des marchés du travail. Le présent accord n'empêchera aucun des Membres d'être partie à un accord établissant une intégration totale1 des marchés du travail entre deux parties audit accord ou plus, à condition que cet accord: a) exempte les citoyens des parties à l'accord des prescriptions concernant les permis de résidence et de travail; b) soit notifié au Conseil du commerce des services. ***** La Clause d’habilitation (Enabling clause) : Traitement Différencié et Plus Favorable, Réciprocité et Participation Plus Complète des pays en Voie de Développement : Cette décision prise en 1979 par les signataires de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (“PARTIES CONTRACTANTES” du GATT) permet de déroger au traitement de la nation la plus favorisée (non-discrimination) en faveur des PED. Elle reste applicable à l'OMC dans le cadre du GATT de 1994. Décision du 28 novembre 1979 (L/4903) : A la suite des négociations qui ont eu lieu dans le cadre général des Négociations commerciales multilatérales, les PARTIES CONTRACTANTES décident ce qui suit: 1. Nonobstant les dispositions de l'article premier de l'Accord général, les parties contractantes peuvent accorder un traitement différencié et plus favorable aux pays en voie de développement1, sans l'accorder à d'autres parties contractantes. 2. Les dispositions du paragraphe 1 s'appliquent aux éléments ci-après2: 1 Une telle intégration se caractérise par le fait qu'elle donne aux citoyens des parties concernées un droit de libre admission sur les marchés de l'emploi des parties et inclut des mesures concernant les conditions de salaire, les autres conditions d'emploi et les prestations sociales. 1 L'expression “pays en voie de développement”, telle qu'elle est utilisée dans le présent texte, doit s'entendre comme désignant également les territoires en voie de développement. 2 Il restera loisible aux PARTIES CONTRACTANTES d'examiner selon l'espèce, au titre des dispositions de l'Accord général concernant l'action collective, toutes propositions de traitement différencié et plus favorable qui ne relèveraient pas des dispositions du présent paragraphe. 313 a) traitement tarifaire préférentiel accordé par des parties contractantes développées pour des produits originaires de pays en voie de développement, conformément au Système généralisé de préférences3, b) traitement différencié et plus favorable en ce qui concerne les dispositions de l'Accord général relatives aux mesures non tarifaires régies par les dispositions d'instruments négociés multilatéralement sous les auspices du GATT; c) arrangements régionaux ou mondiaux conclus entre parties contractantes peu développées en vue de la réduction ou de l'élimination de droits de douane sur une base mutuelle et, conformément aux critères ou aux conditions qui pourraient être prescrits par les PARTIES CONTRACTANTES, en vue de la réduction ou de l'élimination, sur une base mutuelle, de mesures non tarifaires, frappant des produits que ces parties contractantes importent en provenance les unes des autres; d) traitement spécial accordé aux pays en voie de développement les moins avancés dans le contexte de toute mesure générale ou spécifique en faveur des pays en voie de développement. 3. Tout traitement différencié et plus favorable accordé au titre de la présente clause: a) sera conçu pour faciliter et promouvoir le commerce des pays en voie de développement et non pour élever des obstacles ou créer des difficultés indues au commerce de toutes autres parties contractantes; b) ne constituera pas une entrave à la réduction ou à l'élimination de droits de douane ou d'autres restrictions au commerce sur la base du traitement de la nation la plus favorisée; c) sera, s'il s'agit d'un traitement accordé aux pays en voie de développement par des parties contractantes développées, conçu et, si cela est nécessaire, modifié pour répondre de manière positive aux besoins du développement, des finances et du commerce des pays en voie de développement. 4. Toute partie contractante qui prendra des mesures pour instituer un arrangement conformément aux paragraphes 1, 2 et 3 ci-dessus, ou, ultérieurement, pour modifier ou cesser d'accorder un traitement différencié et plus favorable1: a) en donnera notification aux PARTIES CONTRACTANTES et leur fournira tous les renseignements qu'elles pourront juger appropriés au sujet de ces mesures; b) se prêtera dans les moindres délais à des consultations à la demande de toute partie contractante intéressée, au sujet de toute difficulté ou question qui pourrait se poser. Les PARTIES CONTRACTANTES, si ladite partie contractante leur en fait la demande, procéderont à des consultations sur la question avec toutes les parties contractantes concernées en vue d'arriver à des solutions satisfaisantes pour toutes ces parties contractantes. 5. Les pays développés n'attendent pas de réciprocité pour les engagements, pris par eux au cours de négociations commerciales, de réduire ou d'éliminer les droits de douane et autres obstacles au commerce des pays en voie de développement, c'est-à-dire que les pays développés n'attendent pas des pays en voie de développement qu'ils apportent, au cours de négociations commerciales, des contributions incompatibles avec les besoins du développement, des finances et du commerce de chacun de ces pays. Les parties contractantes développées ne chercheront donc pas à obtenir, et les parties contractantes peu développées ne seront pas tenues d'accorder, des concessions incompatibles avec les besoins du développement, des finances et du commerce de ces dernières. 3 Tel qu'il est défini dans la décision des PARTIES CONTRACTANTES en date du 25 juin 1971 concernant l'instauration d'un système généralisé de préférences, “sans réciprocité ni discrimination, qui serait avantageux pour les pays en voie de développement” (IBDD, Suppl. n° 18, p. 27). 1 Rien dans ces dispositions n'affectera les droits que les parties contractantes tiennent de l'Accord général. 314 6. Eu égard aux difficultés économiques spéciales et aux besoins particuliers du développement, des finances et du commerce des pays les moins avancés, les pays développés feront preuve de la plus grande modération en cherchant à obtenir des concessions ou des contributions en contrepartie des engagements pris par eux à l'effet de réduire ou d'éliminer les droits de douane et autres obstacles au commerce de ces pays, et l'on n'attendra pas des pays les moins avancés qu'ils accordent des concessions ou apportent des contributions incompatibles avec la reconnaissance de leur situation et de leurs problèmes particuliers. 7. Les concessions accordées et les contributions apportées ainsi que les obligations assumées dans le cadre des dispositions de l'Accord général par les parties contractantes développées et les parties contractantes peu développées devraient promouvoir les objectifs fondamentaux dudit Accord, y compris ceux qui sont inscrits dans le Préambule et dans l'article XXXVI. Les parties contractantes peu développées s'attendent que leur capacité d'apporter des contributions ou d'accorder des concessions négociées ou d'entreprendre toute autre action mutuellement convenue dans le cadre des dispositions et des procédures de l'Accord général s'améliore avec le développement progressif de leurs économies et l'amélioration de leur situation commerciale, et elles s'attendraient, en conséquence, à prendre plus pleinement leur part dans l'ensemble des droits et obligations découlant de l'Accord général. 8. Il sera tenu particulièrement compte de la sérieuse difficulté que les pays les moins avancés éprouvent à accorder des concessions et apporter des contributions étant donné leur situation économique spéciale et les besoins de leur développement, de leurs finances et de leur commerce. 9. Les parties contractantes collaboreront aux arrangements en vue de l'examen de l'application de ces dispositions, sans perdre de vue qu'il est nécessaire que les parties contractantes s'efforcent, individuellement et collectivement, de répondre aux besoins du développement des pays en voie de développement et aux objectifs de l'Accord général. 315 ANNEXE N° 04 : Les documents de notification des AA des pays du Maghreb avec l'UE dans l’OMC Le document de notification de l’AA Tunisie-UE dans l’OMC : 316 Le document de notification de l’AA Maroc-UE dans l’OMC : 317 Le document de notification de l’AA Algérie-UE dans l’OMC : 318 ANNEXE N° 05 : Les Calendriers de Démantèlement tarifaire sur les biens industriels tels que spécifié dans les AA entre l’UE et la Tunisie, le Maroc et l’Algérie Calendrier des rythmes de désarmement tarifaire pour la mise en place d’une ZLE entre la Tunisie et l’UE. Année de démantèlement Matières premières et biens d’équipements non fabriqués localement (liste 1) Intrants et produits semi finis non fabriqués localement (liste 2) Produits finis fabriqués localement susceptibles de supporter la concurrence (Matières premières, fils de coton, filaments et fibres synthétiques artificielles, ouvrages en foute, fers, aciers et appareils électriques) (liste 3) Produits fabriqués localement qui ne sont pas à même de supporter la concurrence extérieure (Vêtements et accessoires, chausseurs, meubles, etc. (liste 4) 1995 100 % 100 % 100 % 100 % 1996 0 85% 92% 1997 0 70% 84% Délai de grâce 1998 0 55% 76% 1999 0 40% 68% 2000 0 25% 60% 88% 2001 0 0 52% 77% 2002 0 0 44% 66% 2003 0 0 36% 55% 2004 0 0 28% 44% 2005 0 0 20% 33% 2006 0 0 12% 22% 2007 0 0 4% 11% 2008 0 0 0 0 2009 0 0 0 0 2010 0 0 0 0 2011 0 0 0 0 2012 0 0 0 0 Source: Caupin V., Libre-échange euro-méditerranéen: premier bilan au Maroc et en Tunisie», Agence Française de développement, Edition Magellan & Cie 2005, Paris, p. 41. NB : La Tunisie a en fait débuté le démantèlement tarifaire prévu dans le cadre de l’accord d’association dès janvier 1996, même si l’accord n’est entré en vigueur qu’en mars 1998, une fois ratifié par tous les Parlements. 319 Calendrier des rythmes de désarmement tarifaire pour la mise en place d’une ZLE entre le Maroc et l’UE. Année de Biens d’équipements Produits intermédiaires et Produits fabriqués démantèle et matières premières produits finis non fabriqués localement ment (liste 1) localement (liste 2) (liste 3) 1999 100% 100% 100% 2000 0 75% 2001 0 50% Délai de grâce 2002 0 25% 2003 0 0 90% 2004 0 0 80% 2005 0 0 70% 2006 0 0 60% 2007 0 0 50% 2008 0 0 40% 2009 0 0 30% 2010 0 0 20% 2011 0 0 10% 2012 0 0 0 Source: Caupin V., Libre-échange euro-méditerranéen: premier bilan au Maroc et en Tunisie», Agence Française de développement, Edition Magellan & Cie 2005, Paris, p. 41. Schéma général du démantèlement tarifaire des produits industriels et des concessions tarifaires des produits agricoles dans le cadre de l’accord d’association entre l’Algérie et l’union européenne, entre en vigueur le 1er septembre 2005 (Intégrant les décisions relatives à la révision du démantèlement et des concessions tarifaires). 320 Calendrier des rythmes de désarmement tarifaire pour la mise en place d’une ZLE entre l’Algérie et l’UE. Source : http://www.douane.gov.dz/pdf/listes%204%20aout%202013/Tableau%20synoptique%202013.pdf (consulté le 16/09/2013). 321 Table des matières Table des matières REMERCIEMENTS2 DEDICACE4 RESUME5 Liste des abréviations9 Introduction Générale ......................................................................................................................................................... 1 1.1- La problématique de recherche ............................................................................................................................... 6 1.2- Les hypothèses de recherche ................................................................................................................................... 7 1.3- Le plan de travail..................................................................................................................................................... 8 Chapitre I : Le Système commercial multilatéral: Du GATT à l’OMC............................................................................ 11 Section 1: L'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) ............................................................. 12 1- La genèse du GATT............................................................................................................................................. 12 1.1- Contexte historique. ..................................................................................................................................... 12 1.2- L’Organisation Internationale du Commerce (OIC): un projet mort-né....................................................... 14 1.3- Le système du GATT: en alternative provisoire........................................................................................... 16 2- Les cycles de négociations commerciales du GATT ........................................................................................... 18 2.1- de Genève au Tokyo Round ......................................................................................................................... 19 2.2- L’Uruguay Round. ....................................................................................................................................... 23 2.3- Extension des accords au commerce des services et les ADPIC .................................................................. 26 a. l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) ............................................................................. 26 b. l'Accord sur les aspects commerciaux des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). ......................................................................................................................................................... 28 Section 2: L'Organisation Mondiale du Commerce (OMC)......................................................................................... 31 1- La doctrine multilatérale de l’OMC en pratique .................................................................................................. 31 1.1- L'entité de l'OMC ......................................................................................................................................... 31 1.2- Structure de l'OMC....................................................................................................................................... 34 a. La Conférence ministérielle......................................................................................................................... 34 b. Conseil général............................................................................................................................................ 35 c. Trois autres organes principaux................................................................................................................... 36 d. Des Comités. ............................................................................................................................................... 36 1.3- L'OMC tout-puissant que le GATT.............................................................................................................. 38 1.4- Le processus d'accession à l'OMC et la surveillance des politiques commerciales des États membres. ...... 39 a. Le processus d'accession à l'OMC............................................................................................................... 39 b. L'OMC et la surveillance des politiques commerciales des États membres................................................ 42 2- Les principales règles fondamentales du GATT et de l'OMC ............................................................................. 43 2.1- La non-discrimination entre Membres ou le Traitement de la nation la plus favorisée................................ 43 2.2- Le principe du Traitement national: ou la non-discrimination entre produits nationaux et importés. .......... 45 323 2.3- Les principes de transparence et de réciprocité ............................................................................................ 47 a. La conception absolue ou relative ............................................................................................................... 49 a.1- La conception absolue ......................................................................................................................... 49 a.2- La conception relative.......................................................................................................................... 49 b. La conception globale ou sectorielle ........................................................................................................... 49 b.1- La conception globale.......................................................................................................................... 49 b.2- La conception sectorielle ..................................................................................................................... 49 2.4- L'exclusivité de la protection douanière et son élimination progressive ...................................................... 51 3- Le système GATT/OMC: théorie et pratique. ..................................................................................................... 53 3.1- Quel est le but d'un accord international de commerce? .............................................................................. 53 3.2- Les effets commerciaux de l'OMC selon l'approche de la théorie des termes de l'échange. ........................ 54 3.3- Effet de relocalisation de la production........................................................................................................ 56 3.4- Les effets commerciaux de l'OMC selon L'approche de l'engagement. ....................................................... 57 3.5- la justification institutionnelle de l’OMC ..................................................................................................... 58 3.6- Les Théories et les analyses économiques des accords sur le commerce des services................................. 59 Section 3: Le cycle de Doha: évolution et statut des PED............................................................................................ 62 1- L’état des négociations du cycle de Doha............................................................................................................ 62 1.1- Le processus de décision au sein de l'OMC ................................................................................................. 62 1.2- L’échec des trois premières conférences de l’OMC : les débuts difficiles de l’OMC.................................. 63 1.3- Le cycle de Doha.......................................................................................................................................... 64 1.4- Les négociations agricoles dans le Cycle de Doha ....................................................................................... 66 1.5- Les Progrès de cycle de Doha : le risque d'un échec!................................................................................... 69 1.6- L’OMC et la gouvernance globale du commerce: Quelle Future? ............................................................... 74 2- Les PED et les jeux d'alliances au sein de l’OMC. .............................................................................................. 77 2.1- La faiblesse historique des PED au sein de l’OMC...................................................................................... 77 2.2- Les jeux d'alliances au sein de l’OMC ......................................................................................................... 79 2.3- Evolutions des alliances et coalitions des PED dans le cycle de Doha ........................................................ 80 Chapitre II : L’OMC et les accords commerciaux préférentiels ....................................................................................... 85 Section 1: Les Accords commerciaux préférentiels. .................................................................................................... 86 1- Définition et évolution des ACPr......................................................................................................................... 86 1.1- Définitions des ACPr.................................................................................................................................... 86 a. Que faut-il entendre par préférence à l'OMC?............................................................................................. 89 a.1- Les accords commerciaux préférentiels réciproques ........................................................................... 89 a.2- Les accords commerciaux préférentiels non réciproques .................................................................... 89 1.2- Évolution des ACPr: faits stylisés ................................................................................................................ 89 2- Les exceptions juridiques du GAAT/OMC au profit des ACPr........................................................................... 94 2.1- Les préférences antérieures au GATT .......................................................................................................... 94 2.2- Article XXIV du GATT ............................................................................................................................... 95 324 2.3- L'article V de l'AGCS................................................................................................................................... 97 2.4- La Clause d'habilitation (Enabling clause). .................................................................................................. 98 a. Le Système généralisé de préférences (SGP) .............................................................................................. 99 b. Le Système global de préférences commerciales entre les PED (SGPC).................................................... 99 2.5- Le Comité des Accords Commerciaux Régionaux..................................................................................... 100 3- Les règles d'origine ............................................................................................................................................ 100 3.1- Définition des règles d'origine.................................................................................................................... 100 3.2- Les règles d'origine non préférentielles ...................................................................................................... 102 3.3- Les règles d'origine préférentielles. ............................................................................................................ 102 3.4- Les systèmes de cumul de l'origine ............................................................................................................ 104 a. Le cumul bilatéral...................................................................................................................................... 105 b. Le cumul diagonal..................................................................................................................................... 105 c. Le cumul total (multilatéral)...................................................................................................................... 105 4- L'érosion de préférences et les nouvelles questions contenues dans les ACPr .................................................. 106 4.1- L'érosion de la préférence........................................................................................................................... 106 a. L'érosion sur le plan multilatéral au sein du GATT/OMC ........................................................................ 106 b. L'érosion sur le plan des ACPr .................................................................................................................. 107 4.2- Les nouvelles questions contenues dans les ACPr. .................................................................................... 108 a. Les dispositions OMC-Plus (OMC +) ....................................................................................................... 109 b. Les dispositions OMC-extra (OMC-X)..................................................................................................... 110 c. La force exécutoire des obligations énoncées dans les ACPr.................................................................... 111 Section 2. Les accords commerciaux régionaux dans le système du GATT/OMC. ................................................... 113 1- La typologie classique de l'intégration régionale............................................................................................... 114 1.1- Les ACR formellement prévus par le GATT/OMC ................................................................................... 114 a. La Zone de libre-échange (ZLE) ............................................................................................................... 114 b. L’Union Douanière (UD) .......................................................................................................................... 115 1.2- Les autres formes d’ACR (non expressément prévues par le GATT/OMC) .............................................. 116 a. Le Marché commun................................................................................................................................... 116 b. L’Union économique (et monétaire) ......................................................................................................... 117 2- Les différentes vagues de l’intégration régionale. ............................................................................................. 117 2.1- La Première vague (Première génération). ................................................................................................. 118 2.2- La Seconde vague (deuxième génération).................................................................................................. 118 2.3- La Troisième vague (nouveau régionalisme) ............................................................................................. 119 3- Régionalisation, Régionalisme ou Intégration Economique Régionale: quel terme, pour quelle définition?.... 121 3.1- La notion de région .................................................................................................................................... 122 3.2- La régionalisation ....................................................................................................................................... 123 3.3- Le régionalisme .......................................................................................................................................... 123 3.4- L’intégration économique régionale........................................................................................................... 124 325 a. L’intégration négative ............................................................................................................................... 124 b. L’intégration positive ................................................................................................................................ 124 4- Les différents niveaux de coordination (la profondeur) dans l’intégration régionale ........................................ 124 4.1- L’intégration économique régionale aux frontières "shallow integration". ................................................ 125 4.2- L’intégration économique régionale en profondeur "Deep integration". ................................................... 126 4.3- L’intégration économique régionale souveraine (ou la gouvernance régionale) ........................................ 127 5- Les différentes conceptions de l’intégration régionale. ..................................................................................... 127 5.1- Selon la conception libérale ....................................................................................................................... 127 5.2- Selon la conception volontariste................................................................................................................. 127 5.3- Selon la conception industrielle et territoriale. ........................................................................................... 128 5.4- Selon une conception géographique. .......................................................................................................... 128 5.5- Selon une conception institutionnaliste ...................................................................................................... 128 5.6- Selon la conception politique ou diplomatique .......................................................................................... 129 6- Les flux commerciaux intra et extra-régionaux. ................................................................................................ 131 Section 3: Le traitement spécial et différencié (TSD) en faveurs des PED et PMA .............................................. 134 1- L'évolution de Traitement spécial et différencié (TSD) dans le système du GATT/OMC............................ 134 1.1- La première phase: entre la création du GATT (1948) et le début du Tokyo Round (1973) ................. 134 1.2- La deuxième phase: est elle-même le Tokyo Round (1973-79)............................................................. 136 1.3- La troisième phase: de la fin du cycle de Tokyo à la fin de l'Uruguay Round (1979-95)...................... 136 1.4- La quatrième phase: de la fin du Cycle d'Uruguay jusqu'à présent........................................................ 137 2- Le TSD dans le Programme de Doha pour le développement....................................................................... 137 3- Les champs d'applications des SGP impliquant l'UE et les États-Unis ......................................................... 139 3.1- Le SGP de l'Union européenne .............................................................................................................. 139 a. Le schéma standard du SGP.................................................................................................................. 140 b. Le régime SGP-Plus.............................................................................................................................. 141 c. Le régime « Tout Sauf les Armes »....................................................................................................... 142 3.2- Le SGP des États-Unis........................................................................................................................... 143 a. L'Initiative en faveur des pays des Caraïbe (Caribbean basin Initiative,CBI)....................................... 144 b. L’initiative en faveur les pays d'Afrique subsahrienne (African Growth and Opporunity Act, AGOA) .... 145 c. L’initiative en faveur des pays andins (Andean Trade Preference Act, ATPA).................................... 145 4- L’incidence de TSD sur le système commercial multilatéral ........................................................................ 145 Section 4: Les contextes théoriques des accords commerciaux préférentiels............................................................. 147 1- Les effets statiques des accords commerciaux préférentiels. ........................................................................ 147 1.1- La théorie de Viner: un nouveau paradigme .......................................................................................... 147 1.2- La théorie de Viner: Création et détournement de commerce................................................................ 148 a. Création de commerces. ........................................................................................................................ 148 b. Détournement de commerces................................................................................................................ 148 c. Interprétation graphique des effets de création et de détournement de commerces .............................. 148 326 2- Les effets dynamiques des Accords commerciaux préférentiels. ...................................................................... 152 2.1- Les ACPr sont-ils des Blocs de construction ou pierres d’achoppement ................................................... 152 a. Les arguments en faveur des ACPr ........................................................................................................... 153 b. Les arguments en défaveurs des ACPr...................................................................................................... 154 2.2- Les explications théoriques des effets dynamiques. ................................................................................... 154 a. L'effet de "spaghetti bowl" des ACPr - Bhagwati. .................................................................................... 155 b. L'effet Domino ou la dynamique de l'élargissement. ................................................................................ 156 c. Les effets « Hub and spokes » (moyeu-rayon) des ACPr.......................................................................... 159 d. L’effet d’allocation et l’effet d’accumulation. .......................................................................................... 161 e. Les firmes hétérogènes et le commerce international................................................................................ 162 f. D’autres effets dynamiques........................................................................................................................ 164 2.3- Les Méthodes d’évaluation empirique des ACPr : les analyses économétriques. ...................................... 167 a. Les modèles de gravité. ............................................................................................................................. 167 b. Les modèles d'équilibre partiel (EP). ........................................................................................................ 167 c. Les modèles d'équilibre général calculable (EGC).................................................................................... 168 Chapitre III : Les Accords d'association des pays du Maghreb avec l'UE ...................................................................... 171 Section 1: Le Maghreb dans le système commercial international............................................................................. 172 1- Les Plans d’Ajustement Structurel (PAS) aux pays du Maghreb. ..................................................................... 172 2- L'ouverture commerciale multilatérale des pays du Maghreb ........................................................................... 174 2.1- Participation du Maroc et la Tunisie au GATT puis OMC......................................................................... 174 2.2- L’Algérie: un pays observateur dans l’OMC il y a 26 ans. ........................................................................ 175 3- Les accords commerciaux préférentiels............................................................................................................. 178 3.1- Les Accords régionaux et bilatéraux (article 24 du GATT)............................................................................ 178 a. La Grande Zone arabe de Libre-échange, la GZALE................................................................................ 180 b. L’accord d’Agadir ..................................................................................................................................... 181 c. Les pays du Maghreb et l'Initiative des États-Unis: Le projet US-MEFTA .............................................. 182 d. L’Union du Maghreb Arabe ...................................................................................................................... 183 3.2- Les offres unilatérales des pays développés (SGP) au pays du Maghreb (clause d’habilitation) ................... 184 Section 2 : Les relations des pays du Maghreb avec l'UE .......................................................................................... 186 1- Les accords commerciaux non réciproques : la coopération de la 1ere et 2eme génération. ................................. 186 1.1- Les accords de la première génération. ...................................................................................................... 187 1.2- Les accords de la deuxième génération ...................................................................................................... 188 a. La politique Méditerranéenne globale (PMG)........................................................................................... 188 b. La politique méditerranéenne rénovée (PMR) .......................................................................................... 190 2- Les accords commerciaux réciproques: les accords de 3eme génération............................................................. 193 2.1- Le processus de Barcelone ......................................................................................................................... 193 2.2- Les trois principaux piliers du Partenariat euro-méditerranéen (PEM). ..................................................... 194 a. Un partenariat politique et de sécurité ....................................................................................................... 194 327 b. Un partenariat économique et financier. ................................................................................................... 195 c. Le partenariat social, culturel et humain.................................................................................................... 196 2.3- La nature multilatérale et bilatérale du Partenariat euro-méditerranéen..................................................... 197 a. Le cadre multilatéral: renforcement du dialogue sur les politiques macroéconomiques. .......................... 197 b. Le cadre Bilatéral: Les AA signés entre les pays du Maghreb et l’UE. .................................................... 198 b.1- Des accords avec structure et contenu semblables ............................................................................ 198 b.2- L’AA entre la Tunisie et l’Union européenne ................................................................................... 200 b.3- L’AA entre le Maroc et l’Union européenne ..................................................................................... 201 b.4- L’AA entre l’Algérie et l’Union européenne..................................................................................... 202 2.4- Les règles d'origine dans les AA euro-maghrébins. ................................................................................... 203 a. Le cumul bilatéral et diagonal de l’origine ................................................................................................ 204 b. Le cumul total d’origine entre les pays du Maghreb ................................................................................. 205 c. Le cumul pan-euro-méditerranéen d’origine ............................................................................................. 205 2.5- La coopération financière et les programmes d’aides de l’UE en faveur des pays du Maghreb ................ 207 a. le programme MEDA I et II ...................................................................................................................... 207 b. les financements de la Banque Européenne d’Investissement (BEI)......................................................... 209 c. Le bilan des programmes MEDA I et II .................................................................................................... 210 2.6- Les AA sont-ils conforment avec les règles de l’OMC? ............................................................................ 214 Section 3: Un bilan très controversé des AA entre l'UE et le Maghreb...................................................................... 219 1- États d’avancement de la mise en place des ZLE entre les pays du Maghreb et l'UE. ...................................... 219 2- Des performances économiques inégales entre les deux parties........................................................................ 220 3- Le démantèlement tarifaire dans les AA............................................................................................................ 223 4- Les échanges entre les pays du Maghreb et l'UE. .............................................................................................. 228 4.1- Les échanges commerciaux des pays du Maghreb avec l’UE. ................................................................... 229 4.2- L’évolution du solde commercial des pays du Maghreb vis à vis de l’UE................................................. 234 4.3- Fragmentation et régionalisation dans le cadre euro-méditerranéen. ......................................................... 236 5- L’afflux des IDE dans les pays du Maghreb...................................................................................................... 241 Section 4 : Quels facteurs expliquent ce bilan mitigé?............................................................................................... 246 1- L'érosion des préférences européennes.............................................................................................................. 246 2- L’absence et /ou faible intégration horizontale (intégration Sud-Sud) .............................................................. 249 3- L’impact des élargissements de l’UE. ............................................................................................................... 253 3.1- Les Élargissements de l’UE. ...................................................................................................................... 254 3.2- Les élargissements de l’UE sont un défi pour les pays du Maghreb .......................................................... 255 4- l’impact de la fin des accords multifibres et de l'accession de la Chine à l'OMC .............................................. 259 Section 5 : Des tentatives d’amélioration: vers une intégration plus profonde entre les pays du Maghreb et l’UE. .. 261 1- La Politique Européenne de Voisinage (PEV)................................................................................................... 261 2- Le Processus de Barcelone: Union pour la Méditerranée (UPM)...................................................................... 264 3- Le rapprochement institutionnel entre les pays du Maghreb et l’UE................................................................. 266 328 Conclusion Générale....................................................................................................................................................... 274 Références bibliographique ............................................................................................................................................ 282 Liste des Tableaux, Cartes, graphiques et Figures.......................................................................................................... 298 ANNEXE N° 01 : Les Résultats du Cycle d'Uruguay................................................................................................ 303 ANNEXE N° 02 : GROUPES À L'OMC................................................................................................................... 304 ANNEXE N° 03 : Article XXIV, Article V et la Clause d’Habilitation .................................................................... 307 ANNEXE N° 04 : Les documents de notification des AA des pays du Maghreb avec l'UE dans l’OMC ................. 316 ANNEXE N° 05 : Les Calendriers de Démantèlement tarifaire sur les biens industriels tels que spécifié dans les AA entre l’UE et la Tunisie, le Maroc et l’Algérie ........................................................................................................... 319 Table des matières .......................................................................................................................................................... 323 329