Gérer la formation : Viser le transfert
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Gérer la formation : Viser le transfert
« Gérer la formation : Viser le transfert » Conférence donnée par M. Jean-François Roussel, Ph.D. et professeur en gestion de la formation à l’Université de Sherbrooke. Monsieur Roussel est titulaire d’une maîtrise en administration des affaires et d’un doctorat en éducation. Après une carrière de plus de 20 ans comme consultant en management et en ressources humaines pour le Groupe Conseil CFC, il est, depuis une dizaine d’années, professeur et responsable de la maîtrise en gestion de la formation à l’Université de Sherbrooke. Son expertise se situe dans les domaines du transfert des apprentissages, de l’analyse des besoins de formation et dans l’évaluation et la gestion stratégique de la formation. Ses connaissances sont mises à profit dans ses interventions à titre de consultant pour d’importantes organisations. La conférence que M. Roussel a donnée dans le cadre du souper-conférence du 30 novembre 2011 de la SQPTO visait à fournir des outils afin de favoriser le transfert des apprentissages dans le cadre d’une démarche de formation ou de développement des compétences. Le présent résumé fait état des idées principales qu’il a véhiculées lors de cet événement. Survol de la situation actuelle en matière de transfert Au Canada, les sommes allouées à la formation en entreprise auraient diminué de 40% depuis 10 ans, selon un rapport du Conference Board of Canada. Par ailleurs, cet organisme indique qu’environ 10% des formations ont un impact durable en milieu de travail. En effet, au lendemain d’une formation, moins de la moitié des participants estiment pouvoir appliquer les connaissances acquises à leur travail. Après un an, ce taux diminue à 9%. Il est donc impératif de s’intéresser aux façons d’augmenter les retombées des activités de formation, notamment grâce au transfert des apprentissages. Pourquoi le transfert est-il si peu durable? Bien que les motifs liés au faible taux de transfert des activités de formation soient nombreux, M. Roussel en met trois à l’avant-plan. À cet égard, il indique que le transfert est géré dans une perspective environnementale alors qu’il est systémique, qu’il est vu comme étant unique alors qu’il est multiple et qu’il est perçu dans une perspective de généralisation alors qu’il est adaptatif. Le transfert : une vision systémique Selon les recherches, le transfert est tributaire de plusieurs facteurs. Toutefois, les actions pour le favoriser se limitent souvent à l’environnement de travail des apprenants. Bien que cet élément soit une partie intégrante du transfert, il n’est pas suffisant. En effet, il faut aussi tenir compte des caractéristiques des participants et de l’approche pédagogique utilisée lors de la formation. Ainsi, une diversification des actions à mettre en œuvre pour favoriser le transfert est nécessaire. Le transfert : un concept multidimensionnel Selon M. Roussel, il existe au moins deux types de transfert : rapproché et éloigné. Essentiellement, le transfert est rapproché lorsqu’il existe peu de différence entre la formation et ce que la personne aura à réaliser dans son travail. À l’opposé, le transfert est éloigné lorsqu’il y a une grande différence entre la formation et ce qui aura à être exécuté par la suite dans son travail. www.sqpto.ca « Gérer la formation : Viser le transfert » Conférence donnée par M. Jean-François Roussel, Ph.D. et professeur en gestion de la formation à l’Université de Sherbrooke. Ces types de transfert font appel à des processus cognitifs différents, et impliquent donc des pratiques pédagogiques qui leur sont adaptées. À cet égard, il est impératif de se demander à quel type de transfert on aura affaire lorsqu’on va donner une formation, car la pratique pédagogique employée doit être en lien avec le type de transfert si on veut qu’il ait lieu. Le transfert : un processus de particularisation Contrairement à l’idée répandue que le transfert se produit sur la base de la généralisation, ce dernier serait plutôt un processus de particularisation. Par exemple, les experts d’un domaine ne généralisent pas leurs connaissances pour comprendre un nouveau phénomène. Plutôt, ils prennent leur bagage de connaissances et les adaptent à la nouvelle situation, ce qui est en fait de la résolution de problème. Ainsi, l’accompagnement à la résolution de problème est une partie de ce qui manque aux formations pour arriver au transfert des connaissances une fois dans le milieu de travail, particulièrement lorsque le transfert est éloigné. Dans ce cas, il faut enseigner des principes généraux et aider les apprenants à adapter ceux-ci à diverses situations spécifiques. Dans le cas de transfert rapproché, la pratique pédagogique de prédilection vise essentiellement la répétition afin que le nouvel apprentissage puisse être transféré directement au milieu de travail, de façon presque automatique. Bien que les deux types de transfert soient très différents, ils peuvent être utilisés de façon concomitante dans une même formation qui nécessite à la fois de l’automatisation et de la réflexion (p.ex., formation pour devenir pilote d’avion). Bref, on peut définir le transfert des apprentissages comme étant «l’utilisation réalisée par un individu des connaissances, savoirs et habiletés appris en formation dans le cadre de situation de travail comportant un certain degré de nouveauté, afin d’améliorer de façon prioritaire sa performance en lien avec les exigences de l’entreprise» (Roussel, 2011). Concrètement, que faut-il faire pour viser le transfert? M. Roussel propose des actions à prendre pour viser le transfert. D’abord, la recherche indique qu’une analyse des besoins serait faite avant seulement 6% des formations. Comment, alors, développer une valeur perçue pour les apprenants, élément crucial de la motivation de ces derniers à s’intéresser à ce qui leur sera appris? En effet, une corrélation positive a été établie entre la valeur perçue et le transfert. Ainsi, l’analyse des besoins doit être exécutée de façon : à maximiser la crédibilité de la formation envisagée (est-ce que les apprenants trouveront que les compétences visées sont celles qui les rendront plus performants?); à ce que les employés ressentent qu’ils ont besoin d’être formé par rapport aux compétences visées par la formation; à ce que les employés croient sincèrement que la formation permettra d’améliorer les compétences qu’elle vise; à ce que les employés aient l’impression qu’ils pourront effectivement appliquer les connaissances acquises en formation à leur travail. www.sqpto.ca « Gérer la formation : Viser le transfert » Conférence donnée par M. Jean-François Roussel, Ph.D. et professeur en gestion de la formation à l’Université de Sherbrooke. À la lumière de ces informations, il en ressort que l’analyse des besoins doit non seulement être rigoureuse, mais aussi participative afin que les employés accordent vraiment une valeur à la formation. Enfin, la valeur perçue est liée à trois contextes (la mise à jour de compétences, l’amélioration de compétences ou le développement de la relève). La formation doit donc viser l’un de ceux-ci, sans quoi sa pertinence devrait être questionnée. Ensuite, la conception de la formation doit être fondée sur le principe que le développement d’une compétence doit être liée à un contexte particulier, et que le transfert implique d’être en mesure d’appliquer cette compétence à un contexte différent une fois la formation terminée. Pour y arriver, la formation doit débuter par des mises en contexte concrètes plutôt que sur des modèles théoriques généraux. Ensuite, il s’agit de dégager des principes généraux à partir des situations particulières par lesquelles la formation a débuté. Enfin, il faut démontrer que ces principes généraux, tirés de situations particulières, sont applicables dans le milieu de travail des apprenants, qui sont différents des situations particulières desquelles les principes généraux ont été tirés. Bref, il s’agit de contextualiser le contenu de la formation (l’appliquer à une situation spécifique), de le décontextualiser (tirer des principes généraux), puis de le recontextualiser (l’appliquer au travail des apprenants). De façon plus générale, M. Roussel propose cinq pratiques pédagogiques plus larges afin de viser le transfert. Il s’agit d’abord de 1) préciser clairement ce que la personne devra être en mesure de développer comme compétences grâce à la formation. Entre d’autres termes, quels sont les objectifs de transfert liés à la formation? Ensuite, il est préférable de 2) favoriser des formations en alternance (p.ex. deux demijournées versus une journée complète). De plus, il est intéressant de 3) générer des apprentissages informels dans l’action, c'est-à-dire en prenant des problèmes réels du travail des apprenants et en les faisant réfléchir sur des solutions. Enfin, il est intéressant 4) d’inscrire la démarche dans le cadre d’un projet d’apprentissage et 5) d’intégrer la formation au plan de carrière. L’auto-régulation : un levier important du transfert Dans un contexte de travail, l’auto-régulation est définie comme étant « un processus cyclique qui fait appel à la rétroaction provenant des performances antérieures et qui sert à ajuster les efforts actuels » (Zimmerman, 2000). Cette définition démontre l’importance de l’apprentissage en alternance dont il a été question ci-haut, en ce sens que la rétroaction d’une première session de formation peut être utilisée lors de la session suivante afin d’ajuster les efforts actuels sur sa performance antérieure. M. Roussel propose donc un modèle en quatre étapes qui mènent à l’auto-régulation de l’apprenant. La première étape est le modelage, où le formateur donne des exemples et se donne en exemple. Ensuite vient la pratique guidée, où le formateur aide les participants à se fixer des objectifs personnels et à clarifier leurs façons de faire à travers les différentes situations d’apprentissage. Dans un troisième temps vient la pratique coopérative, où la rétroaction des pairs entre en jeu, ce qui favorise le partage non seulement des apprentissages, mais aussi des difficultés éprouvées et des moyens mis en places pour les surmonter. Enfin, la pratique autonome émerge des étapes précédentes. Le rôle du formateur est alors d’aider l’apprenant à identifier des pistes de développement dans le cadre de son travail, à voir comment ses apprentissages pourraient www.sqpto.ca « Gérer la formation : Viser le transfert » Conférence donnée par M. Jean-François Roussel, Ph.D. et professeur en gestion de la formation à l’Université de Sherbrooke. être utilisés dans un contexte de travail et à trouver un lien entre ses apprentissages et ses objectifs personnels. Conclusion M. Roussel a présenté différents leviers qui favorisent le transfert des apprentissages en milieu organisationnel. Ceux-ci ont le potentiel de changer les statistiques alarmantes qui démontrent que les sommes importantes investies en formation ne sont pas optimisées. Essentiellement, il faut retenir que pour maximiser le transfert des apprentissages à long terme, il est important de s’assurer du type de transfert auquel on aura affaire afin de choisir les bonnes techniques pédagogiques utilisées lors de la formation, de s’assurer de la valeur perçue de la formation par les apprenants, et d’amener ceux-ci vers l’auto-régulation. Rédigé par Éliane Bergeron Doctorante en psychologie I/O www.sqpto.ca