Syndrome dysexécutif et dépression tardive Depression in elderly

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Syndrome dysexécutif et dépression tardive Depression in elderly
Annales Médico Psychologiques 163 (2005) 569–576
Communication
Syndrome dysexécutif et dépression tardive
Depression in elderly and dysexecutive syndrome
C. Hazif-Thomas a, G. Reber a, T. Bonvalot a, P. Thomas b
a
CHG de Quimperlé, UF Psychiatrie du sujet âgé, 29300 Quimperlé, France ;
SHU de Limoges, Pôle de Psychiatrie du sujet âgé, 87000 Limoges, France
b
Disponible sur internet le 19 août 2005
Résumé
Le syndrome dysexécutif est associé à des troubles cognitifs et à certaines formes de dépression chez la personne âgée. Nous avons
recherché dans ce travail à mettre en évidence l’influence des facteurs thymiques et cognitifs sur les troubles frontaux.
Méthode. – Deux cent soixante-sept sujets âgés vivant jusque là à domicile ont été inclus après leur accord écrit. Ils étaient évalués pour
l’autonomie, la cognition, la dépression et le fonctionnement cérébral cliniquement, et par des échelles adaptées.
Résultats. – Cent huit hommes (âge moyen : 77,5 ± 8,1 ans) et 159 femmes (âge moyen : 80,3 ± 6,5 ans) ont été recrutés. La majorité
présentait une démence d’Alzheimer (n = 108), 44 d’entre eux avaient de plus une dépression. Vingt et un malades présentaient une maladie
à corps de Lewy, 27 une démence vasculaire, 18 une démence frontotemporale, 18 une psychose, 24 un trouble cognitif léger. Un groupe
témoin de 29 personnes âgées présumées sans pathologies psychogériatriques a été constitué. La dépression est corrélée au syndrome
dysexécutif, en particulier lorsqu’il existe des troubles cognitifs. La dépression aggrave la perte d’autonomie, quel que soit le stade du déclin
cognitif.
Conclusion. – La dépression favorise les troubles exécutifs et les désordres frontaux des personnes âgées.
Abstract
Dysexecutive syndromes are related to cognitive impairment and have been shown to be associated with certain thymic disorder in
elderly. We aimed in this study to point out dysexecutive syndromes in a psychogeriatric population with dementia or depression to assess
the importance of effects of these pathologies on frontal function.
Methods. – The study was carried out in Limoges and Quimperlé (France), during 2004. Two hundred sixty seven psychogeriatric outpatients were included after their written agreement. They were assessed using different scales for autonomy, cognition, depression, frontal
impairment.
Results. – One hundred and eight males (77.5 ± 8.1 year old) and 159 females (80.3 ± 6.5 year old) have been recruited. Mainly patients
presented an Alzheimer’s disease (N = 108) and 44 presented an associated depression, 21 presented a vascular dementia, 27 a Lewy bodies
dementia, 18 a fronto-temporal dementia. Eighteen presented psychosis and 24 a Mild Cognitive Impairment. A group control comported
29 persons presumed without psychogeriatric pathologies. Depression and frontal performance were significantly correlated in dementia.
Depression increased loss of autonomy at any stage of cognitive impairment.
Conclusion. – Depression triggers frontal impairment and dysexecutive function.
Mots clés : Démence ; Dépression ; Dysfonctionnement frontal ; Syndrome dysexécutif ; Trouble cognitif léger
Keywords: Dementia; Depression; Dysexecutive syndrome; Frontal impairment; Mild cognitive impairment
doi:10.1016/j.amp.2005.07.005
570
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L'étude a été menée dans le cours de l'année 2004, dans
le centre de psychogériatrie de Limoges et dans le service
de psychiatrie de Quimperlé. Elle a porté sur des malades
souffrant d’une démence ou non-hospitalisés dans l’un des
services. Le protocole a été approuvé au plan scientifique
et éthique par le Conseil Scientifique du CHU de Limoges
le 8 juillet 2003. Un accord écrit a été sollicité avant
l'inclusion des malades et de l'aidant. L'ensemble des saisies, y compris de nature informatique, était anonyme. Le
but de l’étude était de mieux cerner les contours du trouble
exécutif pour observer l’évolution de la maladie dépressive
tardive.
Les critères d'inclusion des malades dépressifs et/ou
déments sont ceux de la 4e édition du DSM-IV, ou des maladies associées [3,19]. Les malades étaient classés selon les
catégories suivantes : démence sénile de type Alzheimer
(DSTA), démence à corps de Lewy, démence vasculaire ou
mixte, DSTA et dépression, démence frontotemporale,
dépression, psychose chronique, Mild Cognitive Impairment
(MCI) [22]. Le groupe témoin concernait des accompagnants de malades hospitalisés qui acceptaient de rejoindre
l’étude. Il n’y avait pas de critères d’exclusion.
L'ensemble du protocole réalisé par le médecin comportait
pour le malade l'examen clinique, le relevé de ses antécédents
et des pathologies en cours, les thérapeutiques reçues, et pour
les malades comme pour les sujets témoins, un bilan cognitif :
mini mental test de Folstein (MMSE) pour l'évaluation cognitive [10]. Les autres instruments neuropsychométriques
employés ont été l’échelle de Cornell pour l'évaluation de la
dépression dans la démence [1,2] – le seuil choisi pour la
dépression était au-delà de 9 –, la batterie rapide d'évaluation
frontale (BREF) qui comptabilise 18 points et comporte un
seuil de 12 pour le repérage des difficultés exécutives dans les
pathologies frontales [7], et la classification ADL en Groupe
Iso Ressource (GIR) des malades pour l'autonomie [8]. La
classification GIR regroupe les malades en catégories de ressources à mettre en place pour lutter contre la perte d'autonomie. Le groupe 6 correspond à un malade autonome, le
groupe 1 à un malade grabataire.
L’échelle NOSGER (Nurse’s Observation Scale for
Geriatric Patients) [26,29] est un outil d’évaluation développé en Suisse et traduit dans plusieurs langues. Il ne s’agit
pas d’un outil uniquement médical, mais aussi soignant validé
par et pour les infirmières travaillant au lit des personnes
âgées. Il s’agit d’une grille d’évaluation indirecte remplie par
interrogatoire de la personne prenant en charge le malade. Six
rubriques sont parcourues par cinq questions (Tableau 2), et
permettent de coter six dimensions à partir de l’observation
quotidienne du malade : comportement social, mémoire, activités de la vie quotidienne, activités instrumentales de la vie
Tableau 1
Caractéristiques de la dépression à début tardif
Frame 1
Characteristics of late onset depression
Tableau 2
Caractéristiques de la population. NOSGER AVQ : actes de la vie quotidienne et NOSGER AIVQ activités instrumentales de la vie quotidienne du NOSGER (n = 267)
Âge > 65 ans (55–60 ans dans certaines séries américaines…).
Âge
79,2 ± 6,9 [61–98]
Moins d’histoire familiale de troubles de l’humeur
GIR
3,5 ± 1,3 [2–6]
Plus forte prévalence de troubles démentiels
NOSGER ADL
18,8 ± 5,1 [4–25]
Déficits plus importants aux tests neuropsychologiques
NOSGER IADL
16,5 ± 4,5 [3–25]
Risques élevés d’évolution démentielle
MMSE
18,5 ± 7,7 [0–30]
Possibilité élargissement ventriculaire ou de développement de
leucoaraïose sous corticale en imagerie
Cornell
8,8 ± 4,5 [2–22]
BREF
8,4 ± 4,4 [0–18]
Le vieillissement cérébral se caractérise par une baisse
des performances cognitives aux tests psychométriques.
On observe une baisse des capacités d'attention ainsi
qu’une altération de la mémoire de travail qui concerne
toutefois surtout les tâches exigeant une attention soutenue
ou divisée. Au maximum, c'est le syndrome dysexécutif
qui complique le plus l'hypofrontalité et que l’on peut
appréhender au travers de tests de fluences verbales, de
sous-tests de l’échelle de Mattis. Il associe des déficits de
planification, des difficultés d'abstraction et d'exécution.
La question des liens démence et dépression a été renouvelée par l’individualisation du trouble des fonctions exécutives en tant que critère diagnostique, aussi important que
l’aphasie, l’apraxie ou l’agnosie. On sait que les présentations cliniques sont diverses, voire polymorphes dans le
domaine : dépression inaugurant un état démentiel, dépression évoluant secondairement vers une démence, démence
comprenant dans sa course évolutive un état dépressif,
dépression avec troubles exécutifs posant la question de
formes de passage vers une démence type Alzheimer ou de
nature plus exécutive type démence frontotemporale. La
maladie d'Alzheimer présente fréquemment un tableau
associé de dépression et de démotivation, en particulier
dans les stades évolués de la maladie où leur diagnostic est
particulièrement difficile. Un syndrome dysexécutif est
alors fréquemment associé lorsqu’il existe de tels symptômes négatifs [13] et fait d’ailleurs partie des critères de
démence selon le DSM-IV. De récents travaux (Cummings) ont pointé l’importance du syndrome dysexécutif
dans certaines formes de dépression, qui s’accompagnent à
terme de troubles cognitifs. Nous avons voulu, dans cet
article, regarder l’influence des troubles thymiques sur le
syndrome dysexécutif de personnes âgées ou très âgées.
1. Matériel et Méthodes
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Tableau 3
Caractéristiques de la population selon la pathologie. NOSGER AVQ : actes de la vie quotidienne et NOSGER AIVQ : activités instrumentales de la vie quotidienne du NOSGER (MANOVA par rapport aux témoins ; cases grisées p < 0,05)
Témoins
DSTA
Corps de
Lewy
Démence
vasculaire
DSTA et
dépression
Démence
frontotemporale
Dépression Psychoses
MCI
(n = 29)
(n = 64)
(n = 27)
(n = 21)
(n = 44)
(n = 18)
(n = 22)
(n = 18)
(n = 24)
Âge
79,8 ± 5,2
80,2 ± 5,3
81,9 ± 7,4
73,2 ± 3,2
83,2 ± 5,6
69,1 ± 4,9
79,0 ± 6,4
79,5 ± 7,4
78,2 ± 7,2
Hommes/Femmes
12/17
24/40
17/10
10/11
13/31
15/3
6/16
3/15
8/16
GIR
5,7 ± 0,6
2,9 ± 1,0
3,1 ± 1,1
2,5 ± 0,8
2,8 ± 0,9
3,0 ± 1,2
4,7 ± 0,6
4,2 ± 0,06
4,4 ± 0,5
NOSGER AVQ
5,8 ± 2,4
12,5 ± 5,2
13,9 ± 5,3
12,7 ± 3,3
12,2 ± 5,3
11,3 ± 4.2
7,4 ± 2,8
9,6 ± 4,0
9,0 ± 4,3
NOSGER AIVQ
6,2 ± 2,8
17,7 ± 5,6
20,1 ± 4,0
18,1 ± 3,1
18,8 ± 5,0
18,5 ± 5.1
14,3 ± 3,2
15,1 ± 4,6
16,6 ±3,7
MMSE
28,9 ± 1,3
13.8 ± 6,5
16,1 ± 5,4
13,1 ± 5,7
12,8 ± 6,1
21,0 ± 4.4
260 ± 26
22,8 ± 3,8
25,0 ±1,1
Cornell
3,1 ± 1,3
6,9 ± 1,9
7,5 ± 2,3
10,1 ± 3,8
14,2 ± 3,3
13,1 ± 3.7
12,8 ± 2,1
8,0 ± 4,3
5,3 ± 1,3
BREF
15,7 ± 2,7
6,3 ± 3,2
6,3 ± 2,3
7,2 ± 2,1
5,8 ± 2,9
5,4 ± 2,0
12,1 ± 3,1
10,2 ± 3,3
10,9 ±3,1
quotidienne, humeur, troubles du comportement. Chaque
question est cotée de 1 à 5, selon la fréquence d’observation
du trouble par l’aidant. Dans cette étude ont été utilisés les
sous-scores dévolus aux actes de la vie quotidienne et activités
instrumentales de la vie quotidienne.
L'étude statistique a été réalisée grâce au logiciel Systat 10.
Les tests suivants ont été utilisés : test de Student, coefficient
de corrélation de Pearson, test de MANOVA, prenant une
variable indépendante et l’ajustant sur les trois autres parmi la
valeur de la BREF, l’âge du malade, le niveau de MMS, les
valeurs des sous-scores dévolus aux actes de la vie quotidienne et activités instrumentales de la vie quotidienne du
NOSGER, et les valeurs à l’échelle de Cornell. La méthode de
régression utilisée était la méthode de régression linéaire multiple, ainsi qu’une analyse pas à pas descendante [4,27]. Dans
le modèle de régression initial, la variable dépendante était la
valeur à la BREF. Les variables indépendantes choisies sont
en relation avec le profil du malade : l’âge du malade, le score
global au GIR, le MMSE, le score à l’échelle de Cornell. Le
degré de significativité était de 0,05 pour l’ensemble des tests.
2. Résultats
Deux cent soixante-sept malades ou témoins ont été
inclus dans cette étude. Le Tableau 2 présente les caractéristiques de la population. Cent huit hommes
(77,5 ans ± 8,1) et 159 femmes (80,3 ans ± 6,5) ont ainsi
été inclus (p = 0,01). Le Tableau 3 présente les caractéristiques des malades selon la pathologie démentielle. La
majorité des malades (n = 108) présentaient une démence
sénile de type Alzheimer (DSTA) dont 44 étaient dépressifs, 21 une démence vasculaire ou mixte, 27 une démence
à corps de Lewy et 18 une démence frontotemporale. Dixhuit malades avaient une psychose chronique et 24 un trouble cognitif léger (Mild Cognitive Impairment : MCI).
Trente-deux malades présentant une DSTA ou une maladie
à corps de Lewy recevaient un traitement anticholinestérasique ou antiglutamatergique au moment de l’inclusion.
Quarante-cinq recevaient un traitement antidépresseur
depuis plusieurs semaines à ce moment. Cent-trois malades
avaient un score à l’échelle de Cornell au-delà de 9. Les
valeurs de la BREF diffèrent significativement de celles
des témoins dans toutes les situations cliniques en dehors
de la dépression, de la psychose ou du MCI, même si ses
valeurs sont plus faibles que pour les sujets témoins. Les
valeurs des NOSGER AIV sont significativement plus faibles dans toutes les situations pathologiques, notamment
chez les dépressifs et dans le groupe MCI.
Le Tableau 4 présente les corrélations entre la valeur de
la BREF et les valeurs du score global au MMS, à l’échelle
de Cornell, et au GIR. Les valeurs de la BREF sont négativement corrélées avec le niveau de MMS et positivement
corrélées avec l’importance de la dépression dans les
DSTA (repérées cliniquement avec ou sans dépression
associée), et aussi dans la démence frontotemporale. Dans
les démences vasculaires, elles sont significativement corrélées aux valeurs à l’échelle de Cornell. Au test de
MANOVA, ajusté sur l’âge du malade, le niveau de MMS,
les valeurs de la sous-section actes de la vie quotidienne et
activités instrumentales de la vie quotidienne du NOSGER,
et les valeurs à l’échelle de Cornell, les valeurs de la BREF
sont plus dégradées si l’on compare les populations
atteintes de DSTA avec ou sans dépression (F = 19,2,
p = 0,001) (Fig. 1).
Tableau 4
Corrélation entre la valeur de la BREF et les valeurs du score global au MMS,
à l’échelle de Cornell, aux AIVQ (activités instrumentales de la vie quotidienne du NOSGER) et au GIR. Cases grisée : p < 0,05
MMS
Cornell
IADL
Témoins
0,277
–0,358
–0,310
GIR
0,250
DSTA
0,621
–0,733
–0,541
0,444
Lewy
0,632
–0,199
–0,288
0,338
Démences vasculaires
0,290
–0,783
–0,063
0,563
DSTA et dépression
0,802
–0,657
–0,620
0,758
Démence frontotemporale
0,628
–0,776
–0,488
0,753
Dépression
0,358
–0,139
–0,177
0,423
Psychose
0,525
–0,037
0,108
–0,132
MCI
0,357
–0,067
0,078
0,314
572
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20
BREF
15
10
DIAGNOSTIC
DSTA
DSTA et
dépression
5
0
30
20
10
0
Fig. 1. Valeurs de la BREF en fonction du MMS selon que le malade est
dépressif ou non.
Tableau 5
Régression pas à pas entre la BREF du malade et le Cornell *
Effet
Coefficient
Erreur standard
P
DSTA
–0,991
0,150
0,001
Démence vasculaire
–0,380
0,101
0,002
DSTA et dépression
–0,177
0,091
0,05
Démence frontotemporale
–0,287
0,083
0,004
Le Tableau 5 est un tableau de régression en analyse pas
à pas entre la valeur de la BREF et les valeurs aux différentes
évaluations des malades. La valeur de la BREF est liée à
l’intensité de la dépression, évaluée par l’échelle de Cornell,
indépendamment des autres facteurs dans la DSTA avec ou
sans dépression, dans la démence vasculaire et dans la
démence frontotemporale. Elle est indépendante de la
dépression chez le dépressif non dément, chez les sujets
témoins, dans le MCI, chez le psychotique, et dans la
démence à corps de Lewy. Chez les malades déments
dépressifs, la valeur de la BREF est aussi significativement
reliée au MMS et au GIR à l’analyse pas à pas, indépendamment des autres valeurs.
Si l’on considère les malades dépressifs ayant un score
à l’échelle de Cornell supérieur à 9 (n = 103), ils peuvent
être séparés en deux groupes selon qu’il existe une altération à la BREF avec un score supérieur ou égal à 12 ou non.
Le groupe avec syndrome dysexécutif (n = 86) a de façon
significative (p < 0,001) un MMS plus bas – 15,8 ± 7,3 –,
un score au NOSGER AIVQ plus fort – 18,9 ± 4,6 – que
l’autre groupe, où les scores sont en moyenne respectivement de 25,3 ± 3,7 et 14,8 ± 3,5. Les scores sont un peu
plus élevés dans le premier cas à l’échelle de Cornell, mais
de façon non significative.
3. Discussion
La dépression affecte les fonctions cognitives telles que
la mémoire, l’attention, les processus de prise de décision et
les capacités de résolution de problèmes.
Les liens entre la sévérité de la dépression et le score exécutif sont complexes. Il existe des études qui montrent un
lien entre les scores à l’échelle de Beck ou de Hamilton, et le
Wisconsin card sorting test et d’autres qui ne le trouvent pas.
La présence d’un syndrome dysexécutif, en cas de dépression tardive (avec ou sans démence associée), impacte très
clairement le statut cognitif en terme de sévérité de la perte
d’autonomie cognitive. L’atteinte des actes instrumentaux
de la vie quotidienne est également plus marquée, posant la
question des interrelations entre atteinte cognitive et conative dans les dépressions avec retentissement cognitif, et
associées à une pathologie démentielle plus structurée.
Les données rapportées ici montrent le poids du syndrome dysexécutif dans la dépression, surtout lorsqu’il
existe des troubles cognitifs. La dépression est corrélée au
syndrome dysexécutif, en particulier lorsqu’il existe des
troubles cognitifs. La dépression aggrave la perte d’autonomie, quel que soit le stade du déclin cognitif. L’un des biais
principaux de l’étude réside dans le fait qu’elle n’est pas longitudinale. L’autre biais est dans la non-prise en compte de
l’influence des traitements neuroleptiques et psychotropes
sur l’efficience exécutive. L’absence de critères diagnostics
clairs du syndrome dysexécutif, contrairement à la plupart
des syndromes neuropsychologiques, amène enfin à nuancer
les conclusions et à ne pas inférer ce diagnostic s’il est
observé un échec à une tache exécutive isolée. En ce sens,
l’utilisation de la batterie d’évaluation frontale était une
façon de relativiser l’imprécision et le flou interprétatif
autour du diagnostic.
Prendre au sérieux les troubles exécutifs, dans la dépression, revient à considérer la diminution générale de prise
d’initiative, les difficultés à s’organiser, la tendance à se
décourager qui se cristallise en démotivation et une certaine
distractibilité, à se concentrer, mais aussi le ralentissement
de la pensée et les difficultés de mobilisation de la pensée
abstraite.
L’intérêt d’étudier l’efficience frontale est réel chez
l’âgé, d’une part parce qu’il a été rapporté une diminution de
la perfusion cérébrale frontale avec le vieillissement, et
d’autre part parce que la dysfonction frontale liée à l’âge a
été rapportée comme pouvant expliquer non seulement les
désordres cognitifs (troubles attentionnels, réduction de la
flexibilité mentale, diminution de l’intelligence fluide), mais
aussi les changements de comportement (notamment l’apathie et l’indifférence) associés à l’avancée en âge [8]. Dépendant de l’intégrité des lobes frontaux et des structures souscorticales qui y sont liées, les fonctions exécutives constituent une donnée incontournable des processus adaptatifs et
de la qualité de l’autonomie cognitive du sujet âgé. Leur
intégrité ou non dans la dépression tardive est actuellement
au cœur de la réflexion sur l’avenir cognitif des troubles
affectifs cognitifs. Il semble aussi que nombre de travaux
anciens, quand aux liens entre dépressions et troubles neuropsychologiques, aient insuffisamment mis en lumière la
place des troubles exécutifs, en grande partie du fait de la
référence quasi exclusive au MMS [10], bon outil de dépis-
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tage des syndromes démentiels, mais de portée limitée en ce
qu’il manque de sensibilité aux lésions hémisphériques droites ainsi qu’aux atteintes du système exécutif [25]. Néanmoins, des travaux récents ont souligné l’importance des
troubles exécutifs dans la dépression en général, et dans sa
forme tardive en particulier [5,17].
La question soulevée d’un continuum entre dépression et
démence a fait l’objet d’interrogations appuyées en psychogériatrie. On sait aussi que la distinction « début précoce/
début tardif » pour la dépression (Tableau 1), si elle repose
sur des facteurs plutôt fonctionnels pour le premier et plutôt
structurels pour le second, n’en est pas moins traversée par
des différences neuropsychologiques inconstantes. Dans ce
contexte de relations complexes, mais aussi de liaisons dangereuses entre troubles affectifs et cognitifs, les états dépressifs de survenue tardive (après 60 ans) s’accompagnent plus
souvent que chez le sujet jeune de déficits cognitifs marqués
tant sur un plan mnésique que sur un plan attentionnel. Les
fonctions exécutives sont elles aussi touchées, et accompagnent le classique ralentissement psychomoteur. Il est
important de prendre en compte l’atteinte exécutive car elle
est également mise en cause par d’autres auteurs comme un
élément favorisant le suicide, notamment lorsque la dépression accompagne la maladie d’Alzheimer [23]. Chez le sujet
déprimé, on voit clairement qu’il existe une diminution des
ressources cognitives. On peut ainsi supposer que le sujet
nécessite de plus de temps pour appliquer les processus
d’inhibition. Il aurait ainsi plus de difficultés à allouer les
ressources attentionnelles à des opérations d’inhibition
comme dans le test du Stroop. Les problèmes de la gestion
exécutive de l’inhibition seraient associés aux anomalies du
fonctionnement préfrontal, et pourraient se traduire par une
incapacité à inhiber l’augmentation d’idées noires intrusives
et la production d’affects négatifs.
Un syndrome dysexécutif est peut-être plus important
qu’on ne l’a supposé jusque-là, dans la mesure où le dysfonctionnement exécutif leste à l’évidence la maladie
d’Alzheimer d’un poids d’hypofrontalité, d’autant plus marqué que la pathologie démentielle s’accompagne d’une souffrance dépressive (Fig. 1). En ce sens, rien n’interdit de penser la dépression tardive avec troubles exécutifs comme
relevant du syndrome dépression–démence, en tant que
stade précoce, prodrome de la pathologie démentielle. Ces
réflexions sont également confortées par l’existence de travaux neuropsychologiques, montrant que la survenue des
troubles des fonctions exécutives au stade précoce de la
maladie d’Alzheimer survient sans que des déficits mnésiques soient particulièrement impliqués. En effet, ceux-ci
peuvent se voir sans que surviennent – ou alors de façon peu
prononcée – des troubles praxiques, du langage, du contrôle
mental et de l’attention dirigée et partagée [16].
Nous avions souligné précédemment l’importance du risque de perte d’activités chez la personne âgée déprimée et
démotivée. De même, la composante « motivation » dans le
vieillissement cérébral a été abordée dans une récente contribution à l’étude des liens entre neurodégénérescence et
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vieillissement cérébral [20] : nous notions, au vu d’une
étude réalisée au CHU de Poitiers, qu’il existait un lien entre
l’importance de la leucoaraïose à la tomodensitométrie et
l’âge. Les patients présentant une leucoaraïose étaient plus
âgés, plus altérés intellectuellement, et plus démotivés. Les
fonctions exécutives étaient alors plus altérées. Il existait en
particulier une corrélation significative entre l’importance
de la leucoaraïose et les résultats à la BREF. Il est donc
important de ne pas dissocier démotivation et syndrome
dysexécutif, si l’on veut mieux comprendre les conditions
d’un vieillissement réussi ou dépister, chez les patients avec
hypofrontalité, ceux qui risquent malheureusement d’évoluer vers un syndrome démentiel [15].
Prolongeant ces observations, les travaux d’Alexopoulos
[2] permettent d’avancer que le syndrome dépressif-dysexécutif de la personne âgée (SDD) se rencontrait dans le grand
âge. Cette affirmation est fondée sur des considérations cliniques, neuropathologiques et de neuro-imagerie, suggérant
que les dysfonctions striatofrontales participent toutes à la
fois à la dépression et au syndrome dysexécutif, et influencent le cours de la dépression. Elle doit être évoquée quand
les patients présentent des épisodes dépressifs majeurs, des
troubles cognitifs fins, de la dépendance, et certaines caractéristiques de personnalité pathologique.
Les malades avec un SDD ont parfois des traits paranoïaques et souffrent cliniquement de démotivation, d’une perte
d’intérêt dans les activités et d’un ralentissement idéomoteur
– ou plutôt d’une lenteur d’initiation psychomotrice.
Soit par exemple le cas de Mme T, âgée de 69 ans, qui
présente une maladie de Parkinson très modérée, sans aucun
retentissement moteur au vu du bilan fonctionnel, et bien stabilisée par un traitement très léger. Elle entre dans le service
pour tentative de suicide par ingestion d’eau de javel et une
« dépression réactionnelle à la solitude » (notée comme tel
aux urgences) ; on observe une clinophilie, une démotivation – elle n’a « plus de goût à rien », ne fait plus rien – des
troubles du sommeil, de l’anxiété, un refus des aides. Trois
semaines après son entrée, elle se montre moins triste, est
beaucoup moins anxieuse, discute un peu plus mais « c’est
toujours un peu pareil », et si elle accepte les animations, elle
est ressentie comme réticente et taciturne, et connue pour ses
accès de colère (contre sa belle-sœur notamment) et ses antécédents de « sensitivité ». Par le passé, nombre de menaces
de « passage à l’acte suicidaire » ont eu lieu – par exemple
allume le gaz, dit en avoir marre – et des traits paranoïaques
modérés sont relevés à maintes reprises (éléments interprétatifs, tendance hostiles) dans son dossier. Parfois quelques
conduites addictives (alcool) sont aussi présentes, qui rendent compte alors d’attitudes caractérielles. Le traitement
antiparkinsonien (Modopar) est poursuivi, et le traitement
antidépresseur (moclobémide), mis en route dès l’arrivée,
est non seulement bien toléré mais efficient au plan thérapeutique. Ce dernier traitement est un RIMA (Reversible
Inhibitor of Monoamine Oxydase A) qui possède un effet
éveillant, d’où son intérêt certain dans la dépression conative
et les états de démotivation [14], mais aussi probablement
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dans le syndrome dysexécutif. À l’entrée dans le service,
l’observation infirmière (NOSGER) atteste de la perte
d’activités, et à l’examen neuropsychologique, les troubles
exécutifs sont probables car la séquence de Luria est
échouée, ainsi que le test de résolution du problème de
parenté, mais la métamémoire est correcte. La patiente est
dispersée dans ses idées. Le bilan psychométrique objective
une batterie rapide d’évaluation frontale globalement mal
réalisée (BREF = 9/18, dont similitudes 2/3, Fluence 1/3,
Consignes conflictuelles 0/3) ; et le Hayling Test est échoué
(détail Hayling Test : partie A = 32, 42 s pour un contrôle :
14,8 - et B = score d’erreur : 17 pour une norme à : 4,7) tandis que les sub-scores à l’échelle DRS de Mattis sont diversement affectés (ici bonne fluence, graphisme OK, répétition
OK, mais mouvements conflictuels et tapping alterné
échoués). Last but not least, l’efficience cognitive globale
est dans la moyenne pour cette patiente détentrice du certificat d’études (MMS = 25/30) et il n’y a pas d’apraxie visuoconstructive, juste un petit tremblement de repos, et elle est
bien orientée dans le temps et l’espace.
La symptomatologie dépressive, et tout particulièrement
le retard à la mise en route au plan psychomoteur et la perte
de l’intérêt dans les activités, participent à la constitution du
handicap des SDD. Dans la présente étude, il est intéressant
de remarquer que la classique restriction du champ des activités, commune à la dépression et à la maladie d’Alzheimer,
réfère aussi à un désinvestissement de l’état de santé dans le
cas de la maladie d’Alzheimer (score NOSGER AVQ
12,5 ± 5,2) mais pas chez le déprimé (7,4 ± 2,8). Inversement, on retrouve l’absence d’intérêt pour sa santé en cas de
maladie d’Alzheimer avec dépression (12,2 ± 5,3).
Le fait que les valeurs du sous-score des actes instrumentaux de la vie quotidienne au NOSGER sont significativement plus faibles dans toutes les situations pathologiques,
notamment chez les dépressifs et dans le groupe MCI,
indique que l’intérêt et l’aptitude à gérer le quotidien sont un
excellent point d’équilibre pour le sujet âgé et un repère pour
le clinicien désireux de ne pas en rester à la seule individualisation de la perte d’autonomie, mais aussi préoccupé de
regarder l’atteinte des activités. Lorsque des troubles exécutifs sont impliqués, sans doute faudrait-il alors parler de
« perte d’activités ajoutée », pour dire le poids de la variable
cognitive : ainsi on remarque que dans la maladie à corps de
Lewy, connue pour l’importance de ses troubles exécutifs, le
score NOSGER AIVQ est le plus prononcé. On sait d’une
part que les troubles des fonctions exécutives sont nettement
plus sévères que dans la maladie d’Alzheimer, mais on sait
peut-être moins que la fréquence des épisodes de dépression
majeure serait supérieure à celle rencontrée dans les maladies d’Alzheimer [11].
Ainsi y a-t-il la place pour un meilleur repérage du syndrome dépressif dysexécutif, car on tient certainement là une
composante essentielle du risque démentiel et d’évolutivité
vers une affection handicapante.
La dépression avec syndrome dysexécutif est un peu plus,
dans la définition qu’en donne Alexopoulos, qu’une dépres-
sion avec quelques difficultés dans le domaine exécutif. On
sait en effet que l’étude au travers de tests comme le Stroop,
le Wisconsin, ou l’évaluation de la fluidité verbale, chez des
patients déprimés (état dépressif majeur) comparativement à
des témoins, montre un certain ralentissement, ainsi qu’une
moindre souplesse adaptative, mais pas pour autant de persévérations anormales ni d’atteinte de la faculté de filtrer les
informations non pertinentes [6]. Or, pour Alexopoulos, les
malades sélectionnés comme souffrant de SDD le sont sur la
base d’un score global comprenant aussi bien la fluence verbale qu’un test d’initiation/persévération issu de la DRS
(dementia rating score de l’échelle de Mattis).
Il y a donc ici l’idée d’une entité existant non en fonction
de l’intensité de la dépression ou de problèmes de personnalité, mais bien en rapport avec un mécanisme de
« coagulation », si l’on peut dire, d’un état dépressif et d’un
syndrome dysexécutif, prenant à contre-pied le dogme antérieur de l’interdépendance des troubles mnésiques et exécutifs.
Ces points peuvent aider les praticiens à identifier les
malades nécessitant une surveillance particulière, lorsque
dépression et syndrome dysexécutif s’associent à une perte
d’autonomie, une résistance au traitement antidépresseur,
une propension aux rechutes ou à la récurrence.
Le Tableau 4 montre également, en ce qui concerne la
question de la démence vasculaire, que l’on ne retrouve pas
en ce cas de corrélation entre la valeur de la BREF et les
valeurs du score global au MMS, aux AIVQ (activités instrumentales de la vie quotidienne du NOSGER) et au GIR.
Seule est constatée une corrélation entre la BREF et l’échelle
de Cornell, ce qui montre que des symptômes dépressifs
accompagnent bien l’atteinte vasculaire, mais qu’il n’y a
alors que des déficits ponctuels en terme de troubles exécutifs, ce qui étaye bien ce diagnostic.
Les résultats du Tableau 5 sont intéressants à plus d’un
titre car ils montrent que la dépression du patient dément est
très partie prenante de l’intensité des troubles exécutifs qui
perturbent les actes de la vie quotidienne. En ce sens, la
BREF pourrait être conçue comme un outil fiable pour repérer la dépression chez le malade dément, lorsqu’on l’associe
à un outil de dépistage de la dépression peu sensible à la
détérioration cognitive comme l’est l’échelle de Cornell. On
remarque que l’efficience frontale n’est corrélée aux IADL
qu’en cas de DSTA, DSTA et dépression, et démence frontotemporale, mais pas en présence d’une maladie à corps de
Lewy, de démence vasculaire ou de dépression isolée, de
psychose ou de MCI : sans doute cela vient-il, pour la maladie à corps de Lewy, du fait que les signes neurologiques, les
troubles neuropsychologiques et les manifestations psychiatriques n’évoluent parallèlement que dans un tiers des cas
[9], et pour la démence vasculaire du fait que c’est une entité
très hétérogène.
C’est en quoi il serait particulièrement important de considérer la question des SDD en terme d’évolution conjointe
du trouble psychiatrique et neuropsychologique car il s’agit
de repérer les difficultés sous-corticofrontales et les patholo-
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gies psychogériatriques, comme la dépression tardive, à risque d’évolution démentielle le plutôt possible. Il existe sans
doute peu de troubles de mémoire dans cette entité clinique,
mais la personne trouve moins d'intérêt dans les activités de
sa vie quotidienne et ses engagements dans la vie sociale, et
ce moindre intérêt n’est pas sans intérêt en termes d’avenir
cognitif. Les activités instrumentales de la vie quotidienne,
comprenant l’habileté à utiliser le téléphone, à faire les courses, à préparer les repas, à s’occuper des taches domestiques,
à faire du bricolage, à s’occuper du linge, à gérer son argent
et à prendre ses traitements, sont altérées, d'autant plus que
la dépression évolue dans le travail d’Alexopoulos. Selon
lui, ce syndrome s'apparente au syndrome médiofrontal rapporté par Masterman et Cummings [18]. Il serait lié à une
atteinte des ganglions de la base, et à leurs projections préfrontales. Les neurotransmetteurs modulant ses afférences
concernent les enképhalines, l'acétylcholine et la dopamine.
Le SDD est souvent résistant aux traitements antidépresseurs habituels et récidive fréquemment. Il n'est pas ou peu
sensible aux antidépresseurs sérotoninergiques. En plus de
la mauvaise réponse aux antidépresseurs, les dysfonctions
exécutives ont été associées à un taux plus précoce de rechutes et de récurrences de la dépression tardive chez les
patients âgés traités par nortriptyline [24]. À la différence du
trouble dysexécutif, ni les déficits mnésiques, ni le niveau de
handicap, ni le fardeau médical, ni la qualité du support
social, ni le nombre d’épisodes dépressifs antérieurs
n’influencent la course de la dépression gériatrique [24].
Dans ce contexte, Alexopoulos accorde une place particulière dans la thérapeutique de cette dépression avec déficits exécutifs aux anticholinestérasiques, aux agents dopaminergiques, notamment actifs sur le récepteur D3 et enfin
au Modafinil.
d’autres symptomatologies dépressives seraient exacerbées
par le même traitement [12] (comme on peut le voir chez
certains malades Alzheimer débutant leur traitement antidémentiel). Ou, pour le dire autrement : tous les anticholinestérasiques sont-ils égaux quant à leur capacité à contribuer
au rétablissement du niveau des neurotransmetteurs qui sont
altérés dans la dépression avec troubles dysexécutifs ?
Références
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4. Conclusion
Les relations dépression et démence ont largement été
commentées ces dernières années, et récemment, ont profité
de l’avancée du concept nouveau de MCI pour dire que le
déclin cognitif léger et la dépression faisaient mauvais
ménage. Cette association ferait en effet plus que doubler le
risque de démence de type Alzheimer [21], et une mauvaise
réponse aux antidépresseurs serait également une note péjorative. Dans ce contexte de dépression associée à des troubles cognitifs, le caractère exécutif de ces derniers mériterait
sans doute d’être précisé plus sensiblement dans la mesure
où ils s’associent à l’évidence à une atteinte clinique des
actes instrumentaux de la vie quotidienne, chose déjà visible
avec le MCI, mais aussi à d’autres troubles plus inquiétants,
à savoir une rigidité mentale (les traits paranoïaques décrits
par Alexopoulos), l’importance de l’anergie et des troubles
motivationnels, et une propension à déprimer sur un mode
sévère et de façon répétée. Des recherches à venir seraient
certainement à tenter afin de déterminer en quoi certaines
dépressions peuvent répondre de façon positive aux anticholinestérasiques (comme il est avancé pour les SDD), là ou
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Discussion
Dr Luauté – Je voudrais vous féliciter pour votre communication et vous dire que je partage tout à fait vos conclusions quant à
la réalité d’un tel syndrome dépressif-dyséxecutif chez le sujet âgé.
Nous avions pour notre part publié une série de dix cas analogues
apparus chez des malades sans antécédent dépressif et qui avaient
évolué vers un état démentiel de type frontal ou frontotemporal,
J’aimerais savoir à ce sujet ce que votre malade est devenue ?
Réponse du Rapporteur – Il est évidemment pertinent de se questionner quant à l'avenir cognitif d'une telle patiente dont on peut se
demander si le profil exécutif des dysfonctionnements ne va pas
orienter vers une démence plutôt « exécutive » ; pour autant, la
bonne réponse au traitement antidépresseur IMAO de 2e génération,
l'imagerie et l'évaluation actuelle ne laissent pas d'arguments actuellement significatifs pour poser un tel diagnostic ou rejeter une possible maladie d'Alzheimer, toujours à craindre lorsque la réponse à
l'indiçage tarde à se montrer probante. De plus, il a été montré ailleurs
que les troubles exécutifs pouvaient être autant importants lorsque
des patients Alzheimer « frontaux » par exemple sont comparés aux
patients « non-frontaux », ce qui fait que l'incertitude diagnostique
reste grande encore aujourd'hui dans certains cas, a fortiori chez des
patients aux antécédents psychiatriques. L'important est ici de retenir
la spécificité du traitement et la forme à risque de récidive ainsi que
sa potentialité suicidaire.

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