Erin Mouré, avec Elisa Sampedrín, avec Steve

Transcription

Erin Mouré, avec Elisa Sampedrín, avec Steve
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Gilles Amalvi … Samuel Rochery … Guillaume Fayard … … … … … … … … … … … … … … … … …
Erin Mouré, avec Elisa Sampedrín, avec Steve Savage
…
Sylvain Courtoux
Louis-Philippe Hébert Patrick Poulin F.P. Meny Ariane Bart
…
…
…
…
… … … … … … … … …
Daniel Canty … Mylène Lauzon … Philippe Charron … Christian Zorka … … … … … … …
Anne Malaprade
Steve Savage
…
…
Xavier Person
Xandère Sélène
François Gonin
…
…
…
Loge Cobalt
…
Lionel Destremau
Jean-François Chassay
…
… … … … …
Christian Larouche …
Daniel Canty Ludovic Bablon Daniel Laforest … … … … … … … …
…
…
Lisa Robertson … Judith Goldman … Jon Paul Fiorentino … Julius Nil … … … … … … … …
Nick Lambrianou … Xandère Sélène …
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Revue Le Quartanier 3/4–2005
poésie, fiction, écritures
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Gilles Amalvi, POÉSIE (d’amour) ................................................ 5
Samuel Rochery, Les reduplications (extraits) ................................ 17
Guillaume Fayard, prefab ....................................................... 28
Erin Mouré, avec Elisa Sampedrín : Les petits théâtres
Sylvain Courtoux, Nihil Inc.
.....................
39
....................................................
71
Louis-Philippe Hébert, Correspondance de guerre (extraits) ................ 81
Patrick Poulin, Applaudissements ............................................. 88
F.P. Meny, Praxis Lopus & Damien ............................................ 94
Ariane Bart, Ma vie mon œuvre : prétention littéraire no 1
Daniel Canty, Explication de l’ombre
..............
105
........................................
119
Mylène Lauzon, Je vis l’explosée Ariane Bart ................................ 132
Philippe Charron, Concernant le stock de basting du patio ............... 143
Christian Zorka, Trois poèmes ................................................. 151
CAHIER CRITIQUE, poésie & fiction
Lisa Robertson, Salutation
...........................................
161
....................................................
201
Judith Goldman, Vocoder (extraits) ........................................... 206
Jon Paul Fiorentino, Allô Sérotonine (extraits)
..............................
216
Julius Nil, Mouvement : premier ............................................. 224
Nick Lambrianou, Mouvement : septième
Xandère Sélène, La Sémiopolèse
..................................
229
..............................................
235
Notices biobibliographiques .................................................... 241
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Gilles Amalvi
POÉSIE (d’amour)
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Début 1
Votre âme
est un…
une armoire
une…
un écran ultraplat haute définition
…
[rires pré-enregistrés]
Un vieil homme barbu cherche ses mots dans l’obscurité. On l’entend
marmonner.
L’histoire
Un parc solitaire et glacé.
Deux ombres s’approchent,
elles te proposent un marché :
« Écrire un poème d’amour. Le nombre de signes sera laissé à
l’appréciation de chacun. Le thème traité sera : la disparition
de l’être aimé. »
Revue Le Quartanier 3/4–2005
5
Début 2
Tu voudrais composer une balade pour eux (rien n’est écrit
encore ; vous œuvrez pour vous dédire. Un banc de promesses
vous sépare. Un renoncement de circonstance : à l’amour, à ses
bancs de sable, au repos des adjectifs.)
Les voix
Elles disent :
Pour une fois, disent-elle, pour une fois,
acceptez.
Elles disent :
Trouve-toi d’autres formules, tu as déjà dévoré ce qui restait
dans l’urne :
des yeux, des regards, des visages, de la cendre.
Les ondes de la radio sont déréglées,
les nouvelles marchent par quatre.
On n’entend plus qu’une seule voix.
Ou encore :
Recule encore un peu
encore un peu,
rapproche toi d’elle
que nous puissions prendre la photo-souvenir.
La balade
Le passé circule entre deux eaux, cette fois
l’épuisette est vide
6
Revue Le Quartanier 3/4–2005
La nuit résonne de mille pas Elle est là
pour que tu n’oublies pas
Un marché est un marché
Un marché est un marché
les poèmes sont des pactes, conclus avec un nom figurant à la
page cent trente d’un annuaire périmé
Tu te laisses guider
L’inconnu l’a prise par la main, elle s’est laissée emmener sans méfiance.
Tu entres dans le chemin profond et sauvage
Précautions d’usage
Il reste à trier entre les images, celles qui te seront présentées
là-bas, dans la chambre noire. Avant de commencer, tous les
visages auront trouvé le repos, dans les noms, privés d’adjectifs, privés d’ombres et de reflets. Un refrain sur un disque qui
craque.
Il reste des lettres à envoyer. Elles sont posées là, sur ton
bureau. Elles ne te sont pas adressées, elles ne sont adressées à
personne. Tu voudrais
– une image / une exclamation / ton bureau
(les déchirer)
– un refrain / la migraine / jouer plus douce
(les déchirer Trier)
– du poison dans les timbres / le monde entier / d’ombres et de
reflets
(la mort Trier Commencer)
– l’usage / le papier à lettre bleu
(prendre des précautions Déchirer)
Revue Le Quartanier 3/4–2005
7
À quoi tu penses?
À quoi tu penses ? (coupure de courant : contour des fesses,
jusqu’aux cuisses, et plus haut le début de la taille. La lune
et le nombril se regardent sans un mot. Poils des aisselles.)
Images
« Je ne te montre qu’un extrait du film. C’est le passage que je
préfère.
– Je préfèrerais le voir en entier
– Tu me fais chier. Regarde !
– OK, OK, je regarde »
J’allume une cigarette
Lui aussi,
il allume une cigarette
Il lui demande d’agiter ses cheveux : « agite tes cheveux,
comme ça »
puis il donne cinquante dollars à son ami.
Il fouille dans son pardessus, sort son portefeuille et sort du
portefeuille quelques billets qu’il tend à son ami : cinquante
dollars. Ça y est : il est amoureux.
(« Je vais te présenter une fille. Tu auras envie de la baiser. – Je
ne baise pas, je tombe amoureux. – Alors je te parie 50 dollars
que tu tombes amoureux d’elle. – OK »)
Quelques images en trop qu’il convient d’oublier
ou
de ne pas regarder en face
8
Revue Le Quartanier 3/4–2005
OK
La parole comme
résultat de vos conversations passagères
au-delà des aveux tu cherches quelque chose
La femme 1
Bonsoir monsieur Bond
Ricanement.
surpris de me revoir ?
Voix dure.
Apportez la femme !
Entracte
Inséminations artificielles : Orphée dansant sur plusieurs
rives. Autour de lui, de fausses bacchantes en chaussettes
maniant des couteaux en plastique.
Eurydice survient en pyjama et chante une ode à la gloire du
dentifrice : « Une haleine pour marquer des points ».
Sourire d’un Orphée tel qu’en lui-même : sale, en guenille, traînant pour l’éternité son armée de morpions.
Eurydice : « Orphée, test-sourire numéro 1 : charmer ma mère.
Are you ready ? »
Eurydice disparaît dans un grand nuage de fumée.
La femme 2
Vous la connaissez ?
Un temps
Monsieur Bond ?
Ricanement sinistre. Piscine pleine de piranhas aÅamés.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
9
La poésie d’amour conserve l’amour
Pourtant retrouver (l’amour : « pour l’explorer, pour la
construire elle / elle et sa fuite / pour la construire blanche d’un
édifice écroulé / pour lever le sable dans l’accord / et le voyage
dans le bulbe des mains »)
une parole ancienne
enfermée entre parenthèses.
Lecture des poèmes le matin.
(« sel des seins, des lèvres, sel de la taille lorsqu’elle s’attache
aux hanches »)
Ensuite
tu as lu et relu ce poème d’amour, tu l’as trouvé très beau, tu
l’as même lu à Sarah
Il: récit
Il est avec une femme
avec elle sur un lit
Plus tard, aux toilettes
Il se passe de l’eau sur le visage ;
au dessus de la glace, il y a la lettre que son frère lui a écrite
pour son anniversaire :
« Il convient d’adopter la règle syntaxique de l’enfant, lui
explique-t-il en revenant dans la chambre, particulièrement
pour parler d’amour »
Je suis content de faire ton anniversaire.
Tu es grande
10
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Elle ne comprend pas
(Ton regard est beau.
Tu es nue)
Sappho 1
Un vieil homme barbu remue dans l’obscurité. Il ne parle plus.
Répondre à cette promesse,
laissant saigner les points
déposés par le temps
« … de l’amour
… espérer »
la réponse
« Tu comblais le désir… »
aux lettres conservées dans un carton,
une chaque jour
(les déchirer prendre
des précautions)
« draps :
rien n’eÅace la torpeur »
(rien maintenant rien)
le lit demain
Revue Le Quartanier 3/4–2005
11
« Las, te plains-tu ? »
plus douce la mort
Mais tu comprends tu comprends…
Sappho 2 (la jalousie)
Sappho, putain grecque
Un copiste s’avance. Il déchire un livre, se gratte le menton,
gêné ramasse les morceaux et les jette dans la corbeille à papier.
La suture, Putain
Fut si longue.
(les poings laissés par le temps
sur l’argile sèche
s’eÅritent
Calcaire d’un mur d’ombre ouvert entre nous)
Est-ce que tu veux répondre ?
Salope
(Page d’os sur page de peau
page d’os sur bordure d’écume
la mer est grecque
et tes filles sont noyées)
Putain, salope,
Réponds, catin
12
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Sappho,
Retour arrière
Il vaut peut-être mieux que l’on se quitte
mais tout n’est pas fini, ce n’est pas possible
(tant de mots,
nœuds qui rampent
de toi
jusqu’à moi
sur la table jaune couverte de miettes)
mais tu comprends tu comprends !
(à frapper le plâtre des murs
à retenir le coin du lit
à manger l’obscurité seul à saccager
l’assiette le silence)
rien maintenant rien
tu comprends tu comprends !
pensée : joie maintenant joie tranquillité du lit demain
le lit demain
lit-demain
(rien de plus facile)
le téléphone
Revue Le Quartanier 3/4–2005
13
la réponse
combien de lettres ?
pourquoi
tout ça
ici ?
tout se cabre et se raidit
répète après moi : rigole !
: dors
chuchotement : alors qu’il sufirait d’un mot glissé à l’oreille
celui-là, oui,
que tu refuses d’entendre
(c’est entre nous, personne n’en saura rien
rien maintenant rien
vas-y)
: dors
Ce n’est pas une question.
Non, je ne te demande pas de répondre
qui
a parlé de répondre
qui ?
Est-ce que tu veux répondre ?
14
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Exode
Il n’y a qu’un seul poème
(dans l’obscurité qui dort : un couloir sombre, très long, éclairé
de néons LE MONDE entier Tu es seul entre les murs
à imaginer la rue le vent les arbres
tu pourrais marcher tout droit sans être arrêté par rien
Mais tu n’avanceras pas
tu préfères rester debout
à attendre ou à imaginer
dehors debout te rencontrer dans la rue sous les arbres)
un seul DO NOT l’amour poème entre les murs
C’est ça :
(aimer) quelques noms oubliés auxquels s’adresser
L’amour DO NOT
DISTURB Une bouche épinglée
on ne se méfie jamais Assez
OK maintenant rien
enseigne morte MON AMOUR sous la pluie de néons mastiquer
plus souvent Le lit pensée joie maintenant
amour maladie des lèvres gercées
Craquent les mots rouges le sang froid dans les nerfs
cisailles les dents Plus profond le trou Tais-toi encore
la langue je ne veux plus douce Putain plus douce t’entendre
tu dors ce palais gercées contrat des poignards
notre rencontre promesse des néons incrustés dans une image
une ombre CIRCONSTANCES les dents motifs du cœur contre
l’usage Deux plaies vives d’habitude la rage
Des lettres à déchirer la saveur plus douce vas-y la chair
Revue Le Quartanier 3/4–2005
15
ouverte les corrections d’autres voix tu dors ? t’entendre
pourquoi le téléphone encore notre mensonge dis notre
mensonge
Dors ! promesse incisive les corrections vas-y mon amour
do not dire Le reste
16
Revue Le Quartanier 3/4–2005
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Samuel Rochery
Les reduplications (extraits)
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Animaux froissés
L’aimer elle comme dingue douché, et une ligne, l’aimer
être exact en serrant le poing
plus fort sur les idées : sinon je ne sais pas quoi
lui apporter, ni à elle qui fabrique du désir en permanence,
ni à la phrase 100 % publique. Le sexe et le stylo
engagent la même histoire de peau déviée.
Peau ou le timbre vraiment
et non l’ornement bêta de la chaise
possessive la plupart du temps, d’un tambour
avec ses plis de tambour (ou c’est
le son de l’aller-retour
comme pour les jambes Chercherie,
même si tu mastiques un bruit général
de mer,
de Tête Marquante)
et je vois le recours à toutes sortes d’animaux
chez Weininger, dont
le cheval, le crocodile et le chien,
qui sont des sexes au 2e étage.
Comment a-t-il raison de se méfier (W.)
des intensités de Sexe Pur
en dépit du refus,
ou de son ignorance d’une tendresse,
de l’oubli du morceau de sucre à lui donner
pour quand même : « Je me souviens de
Batterie et d’Artichaut
sous les doigts »
Revue Le Quartanier 3/4–2005
17
(cf. la friandise violente de Keats).
Stop.
Ah, tendresse impossible
si je ne coupe pas le direct d’une paire de gants.
Oignon de glace.
Et un Traité du Baiser ne vous touche pas
avec la bouche.
Qui dans l’affaire de Phrase
peut encore dire un affectueux, direct et tunisien Ma gazelle
pour Ma petite femme, à l’Occupée de tant de sentiments forts –
mais elle est seulement la Noyée sérieuse
du Dans le vague du cerveau
de son Bartleby qui planche sans délaissement notoire.
18
Revue Le Quartanier 3/4–2005
La femme de Lébédev
Quelle reine des Toutes Accrochées
aux signes-signes et aux cartes, quand même.
Et quel discours de régisseuse en béton apparemment
peut faire oublier une langue
que veut Lébédev (que beaucoup veulent en principe),
plus des comptes et des métronomes mineurs, une langue
sortie des doigts qui ne brillent pas en société,
des mains de sa balançoire rentrée à lui,
l’homme d’à côté du salon.
Mais il ne parle pas.
L’ami bruxellois me fait remarquer :
la dame du Contrôle, elle qui parle, pense
sur 10 vagues dans un bocal de sensations
et de sensations claires ou non et elle devrait mieux
combiner les quelques paires entrevues de gants sensitifs,
les morceaux essentiels de la tête sportive – on parle de Tête
dans l’idée de la rive à mouvements (soit un vœu
de naïveté érudite). Et nous ajoutons
tous les deux : évidemment elle est
fausse enfant dans l’expression, pas du tout
un enfant du Synthétiseur Verlaine-Tiouttchev.
Le problème : la bouche de coton
est une influence. C’est dramatique.
Comme le vert pur bloque le cœur mal équipé.
L’Hyperémotive contrôle l’esprit du mari féminin
toute sa tête atlantique (idéalement génialité limitrophe)
et alors monsieur l’enfant
fait jerk,
jerk en société
sans le vouloir.
(L’enfant + les nerfs de l’enfant – l’addition que Lébédev ne fait pas seul.)
Revue Le Quartanier 3/4–2005
19
Moyolnonotzani, tlayolteuiani
Des savants de la région
dite
du Petit Poucet
écrivaient des livres à eux
comme le beau Chant de Chatouilles
sur de l’écorce
battue
ou du papier tissé
en fibre d’agave.
Oui déjà.
Des livres précis
chez les premiers mexicains.
Longue feuille pliée,
fermée
par deux planches
très décorées.
Voilà de l’encre noire + de l’encre rouge.
Du pays des deux encres,
disaient les savants,
sont venus ensemble le Musicien,
le Bâtisseur de cités,
le Dessinateur de codex
et Ceux qui pensent
avec du geste,
du geste
dans la tête amoureuse,
ou dialoguent avec leur coeur.
MOYOLNONOTZANI mais déjà on se demandait :
« quand devient-on
TLAYOLTEUIANI. »
Quand,
un homme
20
Revue Le Quartanier 3/4–2005
qui divise bien
les choses avec son cœur ?
La question a du sens, ceci
dès les orniérages mythiques.
Est-ce qu’on peut dire :
tous les enfants,
peuples en enfance
sont à l’époque du poème
ou de la division
sans savoir ?
C’est possible.
Un baby et un sauvage
sont des maquilleurs instinctifs.
Ils ont, très fort en eux, le besoin de découper
de déformer
du monde où ils habitent
parce que Steppe en boule les ennuie
à mourir, à mourir.
Noblesse sans le savoir.
La chose : ils sont
assez Steppe
comme ça.
Et il faut les épaules
de la division par cœur.
Les moyens de voir des plumes
bariolées là où
Nature manque
de jambes, ou encore
d’aimer les étrangetés.
Des épaules,
des outils.
Même si
le maquillage
des joues,
cils et yeux naturels,
Revue Le Quartanier 3/4–2005
21
a ses raisons
contenues
dans le désir
de pousser naturellement.
Un poème sert
de pensée au cœur enfantin
qui veut s’entendre
battre
dehors.
Il est au mieux
une petite page de l’histoire de la division
d’un sauvage en deux.
22
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Boire, ou De la personnalité
Aucune lettre de candidature
à la Walser
ne dira comme d’habitude :
voilà mon Moi, moi
pas Quidam et prenez-le.
Mais toutes souligneront
un héroïsme des priorités chinoises
de la personnalité qui vient aux nouvelles
(personnalité, ou l’Ensemble des Motivations Discrètes –
car elle est une force un peu née de la tonne
de chevelures mastiquées à mourir
sous le regard de Méduse de maintenant-ici-et-là)
dans le métier parallèle de l’Enfant Deux inécouté,
par exemple : non, ma tête ne boit pas n’importe comment la variété.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
23
Baudelaire et Michaux
Il demandait qu’on croque ou peigne
une bataille à 100 km/h
avec que des bâtons de rouge,
de bleu
de blanc et de noir
sur la toile.
Résultat : quand M. s’y colle les soldats
sont des néologismes. Un fouillis
de bâtons où l’on peut voir
la cuisine des bâtons,
1000 drapeaux en tous sens.
Raisins classiques à l’envers. M.
surnature en Zeuxis Ce que B. pressentait
d’une vitesse
dans telle lenteur de Nouveau Peintre.
(Lenteur de Nouveau = pratiquement sentimental,
à condition de surnaturer les descriptions du Vert et de la Pompe).
24
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Funes et Molloy
Peut-être qu’Irénée F. est la supermachine
idyllique de Collectionner des souvenirs
avant qu’ils n’arrivent, des nikonies,
des olgamies, donc ce n’est pas
une mastication intempestive de nattes à pleurer,
de mèches élastiques où goûter et goûter (et où Composition
élégiaque pure point), pas machine à boire
la rosée dans les choses
d‘exactement ici, les gouttelettes d’exactement là,
les tout de suite, les intensités où
tu biffais et loupes et poinçons de verre,
au final il est un catalogue,
il est Gros Bouquin naturel pour un pleureur,
mais pas que.
On ne lui demande pas d’halluciner
mouches éléphantesques d’un train ordinaire.
Non plus.
Irénée le sait, qui s’entête à grossir
dans la vie de Manège des Cailloux Sans Surprise, vie
où pourtant le même chien change d’espèce
d’une seconde à l’autre.
Il calcule dans une boisson infinie.
Comme le bon désoeuvré Molloy.
Et tout ça pourquoi, si ce n’est pas l’amour du naturel qui pousse ?
Il éprouve seulement l’équipement de la nature à agrandir,
les outils pour former Gâchis.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
25
Du direct
Quel est le degré de palette-scotch dans le tamis
pelliculaire, numérique, de celui que j’ai
pétri d’artifice au Pharo aujourd’hui,
ou bien le niveau de caresse ?
Et en quelle mesure il y a forte palette
chez l’accompagnateur au carnet de noter
que la bouche collée aux naturettes
ou l’artifice normal Chose Raisin, à étudier
les grappes de la variété ici et là –, importe.
Car tous les deux tournent autour du Désir
dans désir d’épouser de l’être.
Une mesure est le besoin de pleurer
sur la couleur verte en eux, ou sur le bébé
pâtique et parfait en eux.
Une autre mesure est le poignet, le poignet
dans la captation de l’érotisme médusien,
comme toujours. Funes Papillon,
qui n’était pas un bébé pur, après
l’histoire de la charrette,
était très érotisé –
à 200 % –
par exemple. Si bien qu’il ne sentait plus
le danger
dans les érotismes.
Il aurait fait des catalogues et des catalogues
des 10 000 amandes réelles (sans gros mot tre)
amoureuses de lui comme lui d’elles,
simplement :
des catalogues ni chauds ni froids.
Il aurait simplement enregistré Caresse.
Nikon ou Olga enregistrent des caresses pour plus tard.
Plus tard, Caresse sortie du catalogue,
c’est elle qui fait la statue en public.
26
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Le photographe, le gros mot Être.
Il ne faut pas remplacer le mot Variété par Œil, Œil
qui n’est pas la pure somme des deux billes étonnées de la chair,
au passage, une somme hypothétique
des yeux remplis de combien de méduses, ni celle
des lynxs de papier que tu regardes à ton tour, non,
mais la voiture des yeux pétris de mode,
par, rigoureusement, Variété.
C’est vrai qu’un déclic arrête une voiture
fait tout sauf des histoires
est Caractère. Bon, à suivre des soirs et des matins
le piéton de la chercherie
Michel en Clio, j’ai conclu :
tout déclic pour être un déclic (i.e.
une réflexion sur le pouce) doit compter
sur la feinte que les yeux
n’ont pas fondu
dans un Beau Milieu Possessif.
Et même les plus beaux morceaux de naïveté, j’entends
les anti-Funes madame Laplaine, monsieur Larbre,
sont truÅés
de coups de foudre de biais à l’origine.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
27
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Guillaume Fayard
prefab
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
«Ils semblaient sourdre de partout, éclos dans la tiédeur un peu moite de
l’air, ils s’écoulaient doucement comme s’ils suintaient des murs, des arbres
grillagés, des bancs, des trottoirs sales, des squares.
Ils s’étiraient en longues grappes sombres entre les façades mortes des maisons.
De loin en loin devant les devantures, ils formaient des noyaux
plus compacts, immobiles, occasionnant quelques
remous
comme de légers engorgements.»
Nathalie Sarraute, Tropismes
28
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Sas,
dvs;
op dvs;
ovsd, posdv;
opj dsv;
odv; vd, o; s, v, o;
hapax :
jop dv, svd;
dvp, o, j, pjvdo;
sdvojp sdvj ;
opjdsv; dspvj; djvsp;
dvsjo; dvjso; o dv, p; j, dsvj o; o jvsp;
jp
djv, d, o, sov –
n’arrivent qu’une fois seule et déposent, corpus, omien. Épure
de choses, fibres ou particules, razoria, épopée – rio, S. Sa, sas, séance,
samedi – soir, série, sortie, sans même regarder, sans même en
prendre acte, séquence,
sans joie ou autres, sans ambages, jambes, elle
respire et, calme, lente, reprend, sans trop d’amples mouvements, traverse,
lentement, lestement, la rue, la route
ou autres. Rotules.
Elle ne regarde pas les environs; elle ne regarde pas le contexte. Aggloméré :
agglomérer du sable et du ciment, réunir en masse compacte;
panneau
obtenu par l’agglomération de fibres ou de
Revue Le Quartanier 3/4–2005
29
particules de bois –
à peine quelques mois, frêle peau saisie à peine encore,
loin, moins, oints, “peine” ou autres abrasions;
versée. Lobes frêles.
vierge, le vivace –
l’ombre des corps
toirs sales.
léchures. Lèvre, boule-
La densité du temps, l’épais, le
entrelacement, ce jeu; au creux, intense,
et aÅolée,
et sous les lampes, les arbres grillagés, les bancs, les trot-
Longue grappe façade route visage plan,
points, “dur”, “constant”, spécifiques, “laine” ou “nylon”,
“calque”, reprises, “événement”, ratent, ici là; et
et qui s’oÅre, données, natures, joints, environs,
la marche. Vues et maintenant ombre,
sucres,
plus loin, espace donné
ratures,
reprise casse joints isolent, cap-
tent lèvent, tiennent cessent. Comme aussi ce goût de carton dans la bouche,
advenu, qui s’étale et prend acte, étayé,
Étal.
capte, casse.
Les lampes. Les ombres. Ou autres. Agglomérée, celle qui, grou-
pée dans des bourgs ou de gros villages,
par opposition à la population
dispersée des fermes et des hameaux – elles glissent sur les
reliefs. Accélèrent, alentissent,
ne sont plus qu’une flaque chacune sous
les pieds de ces corps qui avancent, assoupis,
tiennent,
30
joints. Volume
lourds, constants, respirent,
apaisant de ces cages
Revue Le Quartanier 3/4–2005
thoraciques, assorties, sensibles, de sortie.
Samedi. Traverse. Plus noires
ou plus beiges en fonction des inclinaisons, de
la position que le corps un
samedi, ou autres, occupe en relation au point lumineux
qui organise la possibilité d’une perspective.
Lumière
des véhicules, souÅle
Articulation. Nuit pâle.
des déplacements, frôlement des jambes.
Silence, métallique, étalé. Italique.
Silence, ou bruits usuels
de ce lieu et cette heure, la fenêtre, entr’ouverte :
fiques. Ils sont là pour chaque soir et
ODJ.
petits caillots spéci-
modulent. Ils reviennent à heure dite.
Longs tubes PVC dans la rue déposés il y a
quelques heures, bouteilles, d’un litre, plastiques, à côté du dépôt, de verre
– EVI – tombées, éclats, consignes. Vert;
environs, à-côtés, proche en
proche. Sillage. Les bouteilles ne sont plus mais les
éclats bombés, ravivent pour chaque regard et
gestes,
connus. Averse.
moulent. Village, proche,
Élément de construction, assemblage de
personnes ou de choses, l’agglomération “o-n”
de
fibres “e-s” ou de particules “e-s”. Matériau moulé résultant de la prise et du
durcissement du mélange d’un liant
sont faites de panneaux d’aggloméré. –
Revue Le Quartanier 3/4–2005
et de matériaux inertes. Les cloisons
example given,
31
EG, éponge élongation engage engrange ego degrés –
littéralement langue,
de terre entre les pavés; gaze grise, déroulée, et la trame. On le dit du ciel
comme de cette bande étroite, du grain, la pellicule, du
film comme du bitume, lave noire à quelques mètres, pelles, scène, travaux,
ou suites de lettres martelées à même le toucher dans l’oblique; ligne-langue
de profil, de cloison,
pâle, détachée – elles
glissent, marquent le chemin, cheville, chenal.
le chemin, précédé de –
jeu,
Chambranle. Ou alors
chambre : «la fenêtre donnait sur un terrain de
et vers les une heure de l’après-midi, la lumière
emplissait […]».
L’appartement – à cette heure-là de la journée, elle
était sortie déjà, et le matin avait passé,
fraîches hésitations et
secousses. Geste. Suite des positions prises par le corps dans
l’espace, pris ou illustration ou comme étape, routine, petites sommes trois,
ou quatre d’unités mobiles combinaisons et schème,
sursaut familier
suite schème-suite, figure, tracés, schéma, regards tels qu’ils
suivent et détachent soudain, puis happent, à neuf;
intenses, un temps,
un rythme, appris de geste et entêtements du corps,
du moment des
séquences, déprise et durcissement du geste habitude ou,
32
Revue Le Quartanier 3/4–2005
à neuf, resituent.
L’appartement lieu et : projet, détour de pratiques consti-
tuées en sol, période et pellicule de socle entrerésulte de bande étroite de
deux, yeux chevelures l’heure fraîche paroles,
détachent,
restent invitées cependant que consistent décor structure, vissées, chaque
fois silence redéfile et situe
chaque geste couleurs objets en regard de seg-
ments de dits et trame-suite pour valeur de vécu prise
de position-recherche, soi-acte étalé là, miniature de séquence plus longue
impliquant foi,
remarques récurrentes et parcours usuels accents et
mêmes et sous-vêtant,
l’ensemble déteint sur lieux
d’empilement et coutures, fréquences amies saisies,
et contenus dis-
tincts d’identité en actes d’aÅalements et fauteuils de textures nos éclats,
aménagements de lisses et particules, lumières,
détachements, y réside, y entre –
meubles jusqu’à
déjà
dans la
, éclaire la
– Que leur histoire avait été
, que le temps n’eÅacerait rien des
, qu’il éclaire
, l’un l’autre
pur.
dans la
, la
, appliqués
tissus,
, longe les
, leurs existences d’ores et
,
, longe les meubles jusqu’à
, conjugués
, un espace, intime, inattaquable et
Entre dans là : lent. Mime. Jambages. S.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
33
Cheminées.
Mot à mot, se forma dans son “cœur” une image du “Fleuve”.
Chenal. Charme. Puis
la chambre se réduisit à ses dimensions mesu-
rables : un rectangle de cinq mètres
sur quatre.
Silence. L’aÅolement des ombres noircissant,
sant, beiges, plus denses, sombres, on
sol,
s’allongeant, étales, réduine distingue plus le granulé du
réduites maintenant à une flaque sous les pieds,
allongeant, pâles, disparues et
la marche; d’autres lampes, d’autres
ombres, aÅolées; puis noires, beiges. Scénario. Précédé de […]. Passage. De
très haut les ombres; d’un balcon –
impression que
les ombres avancent sur un autre plan pour lequel le sol
tranche infime de sa verticale –
ne serait qu’une
pellicule exfoliée du relief comme pour en
prendre note. Ainsi incliné à 90 degrés,
chute vers
l’avant culbute chenil, le haut des bâtiments, chambres, et fenêtres, eÅet
tout entier généré
par le signe peint en blanc à gros traits réguliers,
lisses, cheville, et les socles et le sol,
amovibles. Feuillets.
Une silhouette de femme, schématique, donne la main à un enfant de sexe
déterminé, sur le trottoir ; c’est une petite fille : “petite jupe”. Visuellement,
il se donne. Manifestement signe, destiné aux cyclistes
34
Revue Le Quartanier 3/4–2005
et qui tranquillement avance sur ce plan imaginaire. Ôté. Semblable décollement. L’un, de l’autre – pour lequel le sol tranche infime. Pâle, de profil. Je
veux dire signe qui
s’enfoncerait dans le sol, là, sous les
pieds, lourds, constants, détachent, etc. tel qu’il ne se divise pas et réclame.
Il se donne “sa” main. Lamelle exposée au regard. Ce trottoir. Bandes parallèles, de largeurs égales, granulées, épisodiquement. Ces
quelques mètres. «Tout ce qu’on dit de sensé sur l’histoire n’est pas forcément de caractère narratif.» Ces quelques mètres en ce qu’ils, bande étroite,
déroulée,
trament un autre détail pour chaque fois
visuelles, lequel, à gros traits, résulte de prise
vient et, suppose
perçue,
toute manière enfin de dimension eÅectivement
schème et, la possibilité de percevoir et,
mesurable, enfin, sufisamment
presque,
durcit, décale, inter-
immobiles. Surfaces détachées,
pas tout à fait. Pénombre perceptive, ou presque.
“Presques”. Feuillets, non coupés. Courbe, galbe.
abstraits sont ici, odvs odsv slnd,
Tous les termes
et pour ne plus les avoir entre. Devan-
tures. Elle traverse; carrefour aménagé en rond-point.
Sans qu’elle n’as-
signe aux jambes geste, sans que la moindre reformulation
Revue Le Quartanier 3/4–2005
35
n’intervienne. Environs. À peu près presque. Je veux dire
chance pour
que cela ressemble. Mesures. L’œil inquiet en aller et retours. Elle jauge les
probabilités son oeil tressaille,
comme la chair
“tressaille” dans les textes de la Bible. Le trottoir, de l’autre côté. Ses pieds.
La rue est en longueur, la route s’allonge et, biaise, ou : les courbes sillonnent, s’éloignent, ou :
le temps du terrain intervient,
le temps du terrain vient entre.
ration) –
Lent. S’apprête à traverser (soufle, respi-
traverse, glisse, grille, grillage, grêle grésillement, grotesque
tertre terre-plein, pâle couleur, clippo, laps, cloporte clope,
étiquette, chiÅonnée,
qui s’use elle-même entre pellicule et pelli-
cule ; lamelle contre lamelle pied et goudron, presse hydraulique, parcours,
cela entre parcours et
sol ; le moment s’installe, fil
constamment épais, présence vibrante installée, marche, huile, noirs cycles
fuyants sombres ombres, silence, beiges, terre-plein, parcours, pâle cela
entre parcours et
parc ; elle traverse, le corps se déjette
imperceptiblement, cela ne prend pas une demi-seconde, elle tourne la tête,
rien ne vient ;
pas un camion, pas une, traverse la ruelle, traverse le pas-
sage. Sombres ombres – amples samples. Ressemblance.
36
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Conservez ce talon. Sa présentation est nécessaire
tion concernant le voyage /
pour toute réclama-
you must keep this stub. It may be required for
any claim related to your journey.
Des
ressemblances se ressemblent en tout point. Terme à terme. Ailleurs, légers
trottoirs. DiÅérences. De petites flaques de dégel se produisent à chaque instant par place, un clignement quand même de paupières,
cils,
et de brefs déplacements de la prunelle. De là, à partir de là, de fibres
ou de particules de bois, sans cesse, en conséquence de langue. Blocs, mélangés, ou pas. Terme à une
anonyme et –
branche.
relation. Il est toujours
fonctionne dans le présent. L’extrémité tronquée d’une
Orties. La barre inclinée, le poteau électrique. Voix. Partie de la
carrosserie qui, pendante, râcle le bitume et les
mécaniquement.
peaux,
Le sourire à l’atterrissage et la grande musique. « Parmi
tout ce que je t’ai montré, dit-il, depuis que nous avons franchi la porte dont
l’entrée n’est refusée à personne, tes yeux n’ont
rien découvert d’aussi remarquable que ce ruisseau. »
Revue Le Quartanier 3/4–2005
37
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Erin Mouré
« Elisa Sampedrín – Les petits théâtres »
&
« du même coup »
« Elisa Sampedrín – Les petits théâtres » est extrait de Little Theatres, Toronto,
Anansi, 2005. Apparatus & traduction de l’anglais : SS. Propitious space & * : EM
« du même coup », écrit en français, est inédit.
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Moure | Mouse | Muse
Toujours impatient de lire Erin Mouré, je prends les devants,
lui demande deux précédents : un inédit – pour qu’il paraisse
avant de paraître ; et du français de première main (ce qu’elle
n’avait jamais fait (paraître)).
Little Theatres et « du même coup », donc.
Du premier, je propose la traduction intégrale des passages
attribués à Elisa Sampedrín, penseur de Les petits théâtres. À
cela j’ajoute l’apparatus, décor et coulisses, théâtre de l’écriture,
mots de trop (Mouré y intervient même à la toute fin, faisant
du Mouseware un Moureware… mouroir (?) aux alouettes).
Du second, j’ai tout laissé tel quel. Je n’y suis pas ; Mouré y est
et n’y est pas.
Steve Savage
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Revue Le Quartanier 3/4–2005
39
« Elisa Sampedrín – Les petits théâtres »
Oui, Sampedrín, on l’a critiquée : le velours côtelé, le nez
sémite, la boucle d’oreille… Pas de son temps. On n’écoutait pas ES en 1984 ni en 1991, on l’a oubliée en 1995, on a
parlé contre en 1997. On se trompait en fait. L’entendre
aujourd’hui ? Peut-être. (EM)
Dans Les petits théâtres, il n’y a que des visages. Les bottes sont
visages, les tables ; l’expression du brin d’herbe est faciale. Et
quand Lévinas dit du visage qu’il n’est pas de l’ordre du vu, le
lien est bon, mais inverse. Tout le vu est visages. (p. 9)
ES, 1991.
} } }
Je croyais que l’auditoire voulait de Les petits théâtres, de cette
quantité précise de gestes. C’est l’ombre d’une main, un regard
dans le désert ; une table et personne à table : ils ont mangé, ils
sont partis – ils ne sont même pas venus, ils sont descendus à
l’autre station, ils s’en sont retournés ; c’était la guerre, ils ont
perdu ce qu’ils avaient, l’enfant mort de méningite, l’eau croupie, plus d’eau, la route fermée (ils n’ont pas pu venir), le prof
dans l’ornière, face contre terre*. Le message n’est jamais
arrivé… Là, l’auditoire regarde. Mais c’est fini. C’est là que la
pièce commence : après « c’est fini. » (p. 17)
ES, 1983.
* A reference to the Spanish Civil War in Galicia (and to wars elsewhere) ; one
way fascists destroy all consciousness of republic and democracy is to shoot
elementary school teachers. (EM)
40
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Ecace. Qté : 1. Marque : Pentel® Hi-PolymerTM
Descr. : Ecace de qualité supérieure, grosse et
durable, fonctionne comme par magie sur le
papier et la pellicule, ecace proprement sans
ecort, ne laisse pratiquement aucun résidu et
rebut, se compose de polymère doux qui ne souille
pas, ne fend pas et ne durcit pas avec le temps. No
ZEH10BP2.
Mines de remplacement. Qté : Boîte de 12.
Marque : Pentel® Hi-PolymerTM Super. Descr. :
Mines plomb noir, 0,5 mm HB, longueur : 60 mm.
No C505-HB.C.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
41
Elisa Sampedrín, « Miettes de Les petits théâtres » (p. 22)
Quand, pour la première fois, nous nous sommes penchés sur
Les petits théâtres, nous avons vite vu qu’il faudrait enlever les
masques, les costumes, le maquillage. Puis qu’il faudrait
apprendre toutes les langues – même inventées. Dur et terrifiant, les langues en charge… Ensuite, nous sommes entrés en
elles comme dans de l’eau. Pas moyen de faire autrement. Les
petits théâtres est* bref. Le protagoniste n’a pas trop le temps
d’y protagoniser. (p. 23)
D’une entrevue, Faro de Vigo, 1981.
* Provoking the being singular plural of J.-L. Nancy… être singulier pluriel. (EM)
} } }
La langue est souvent l’unique protagoniste de Les petits
théâtres ; son temps pour agir est réduit. C’est dans sa nature.
D’une entrevue, Faro de Vigo, 1981.
} } }
Seul théâtre postérieur à l’invention du cinéma, Les petits
théâtres cherche à remplir un espace que celui-là ignore
(presque complètement) – mais pas pour le remplacer, ni pour
le coder ou lui prendre ses codes.
Avant une performance, Montréal, 1984.
42
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Taille-crayon. Qté : 1. Marque : Hunt® KS®
Boston®. Descr. : Taille-crayon mural de luxe,
réglage pour 8 grosseurs, taille avec précision,
construction dure toute en acier, lames
X-acto® pour une longue durée de vie.
Piles. Qté : Paquet de 8. Marque : DURACELL®
Quality that lastsTM/MC. Descr. : Piles alcalines AA
haute performance, 1,5 V, CoppertopTM/MC, fraîcheur
garantie, avec emballage qui se referme.
No MN1500B8.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
43
Je n’écrirai pas le livre de Les petits théâtres. (p. 24)
} } }
Dans Les petits théâtres, tout ce qui arrive arrive pour de vrai. Il
y a du vrai gazon, une vraie charrette qui grince, un essieu, un
bras, des doigts. C’est pourquoi le théâtre lui-même est souvent
vide : l’action vite achevée. En fait, son seul accessoire est le
proscenium (son cadre). Et ça, pense l’auditoire, lui montrera ce
qu’il est venu voir.
Entendu par un machiniste alors qu’ES parlait à un journaliste,
Teatro Fausto, Aberdeen, 1984.
} } }
Les petits théâtres ne prétend pas à la réalité. Il imite d’infimes
fissures temporelles. Ça peut sembler naïf. Le cadavre s’étend
comme un cadavre : c’est la réalité. Mais le voilà qui se relève :
il a oublié d’éteindre… Et quand il s’étend, le cadavre, comme
un cadavre, pour la dernière fois, il fait noir. Nous ne le voyons
pas. C’est la réalité de Les petits théâtres. Nous voyons un
cadavre qui se relève, puis qui, décidé*, va éteindre.
ES, 1987.
* « et sans aucun regret » (EM)
} } }
Quand Peter Brook dit « Beckett », il parle de machines de théâtre.
Les petits théâtres est une petite machine – pas infiniment
petite. Une petite machine. Infime. Finie. (p. 25)
44
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Agrafeuse. Qté : 1. Marque : Swingline® S.F.® 4
Emploi fréquent 2-20 feuilles. Descr. : Agrafeuse de
bureau bourgogne aux lignes stylisées, à pression
légère, agrafe jusqu’à 20 feuilles avec 30 % moins
d’ecort, performance garantie. No 37860.
Agrafes. Qté : Boîte de 5 000. Marque : GBC®
Bates®. Descr. : Agrafes standard « Pointe de
ciseau ». No 9865100.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
45
Parce qu’on a des magasins de livres, on pourrait croire que les
gens lisent. Mais voyez donc ce qu’ils lisent. Ça n’est pas lire.
Voilà pourquoi je parle de l’urgence de Les petits théâtres : plus
personne ne lit.
Théâtre méduse, 1981.
} } }
Les petits théâtres n’est pas qu’une façon de traiter l’alphabet.
On y laisse le registre (rexistro*, l’étendue) de chaque lettre bouger par lui-même.
* Galician. In the sense of sonority/range of voice/style. (EM)
} } }
Certains prétendent que Les petits théâtres abandonne le corps
humain. Je dis : presque abandonne. Dit autrement : Les petits
théâtres n’a rien à faire du corps humain. Les acteurs, la pièce
en cours, ont l’impression d’être pris en défaut avec tout cet
espace pris.
} } }
Ainsi, même l’herbe a une voix dans Les petits théâtres. On
peut l’entendre pousser alors même que l’acteur parle ou
bouge. C’est aussi important. C’est peut-être même dans ces
courts mouvements hors l’acteur que germent les vraies « idées »
de Les petits théâtres. Ce bruit d’herbe par exemple. Quand y at-il eu théâtre pour un tel bruit ?
46
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Ruban cache et correcteur. Qté : 1 rouleau.
Marque : 3MTM Post-itTM 651. Descr. : Ruban blanc
lumineux, largeur : 1 ligne, adhérent et détachable
à la fois, corrige les fautes de frappe et les erreurs
écrites à la main, camoufle des sections entières
(4,21 mm x 17,7 mm). No 34-7034-7599-5.
Ruban adhésif. Qté : 1 rouleau. Marque : Ruban
magiqueTM transparent 3M® ScotchTM/MC 810D.
Descr. : Ruban clair (12 mm x 33 mm) à dévidoir
rechargeable. No CV-0007-5521-1.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
47
Cependant, l’herbe ne pousse pas sans le corps de l’acteur.
C’est, en acte, l’écologie de Les petits théâtres.
} } }
C’est que la vie que nous cherchons ne se trouve pas sur une
scène. C’est pourquoi Les petits théâtres se veut si court. Et sans
rôle – ou qui s’eÅace avant d’en devenir un.
Salão Quimera, Lisbonne, 1990.
} } }
Dans Les petits théâtres, la pierre est pierreuse au possible (sans
pour autant choquer la tête publique). Aucune bruine des origines. Une fois la pierre pierreuse, la pièce est faite. La pierre
est pierreuse. Vous comprenez ? Vous restez assis ?
} } }
Plus de recherche formelle dans Les petits théâtres. L’éviter,
c’est sa forme. (p. 26)
} } }
Les petits théâtres se tient loin du « dramatique de l’énigme* ».
On n’y finit pas vos phrases.
* The “dramatic fact of a mystery”. (EM)
48
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Calculatrice. Qté : 1. Marque : SHARP® ELSI
MATE® EL-344G. Descr. : Calculatrice à cellule
solaire et fonction de conversion métrique
(44 mesures dicérentes), écran 8 chicres, format
poche, aachage large.
Ampoule halogène. Qté : 1. Marque : Globe®.
Descr. : Ampoule halogène (20 W T3Jc 12 V Culot G4
Base), dicuse une lumière blanche vive mettant le
décor en valeur, flux lumineux : 300 lumens,
consommation d’énergie : 20 W, durée de vie : 2
000 h. No 104836.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
49
Certains ont prétendu que Les petits théâtres était minimaliste.
Pas tout à fait. Peu importe ce que le minimalisme enlève – il en
enlève en eÅet –, reste une convention rhétorique. Or, la rhétorique prend du temps – justement soustrait de Les petits
théâtres, comme de la vie.
} } }
D’autres, critiques, ont avancé que Les petits théâtres provoquait de l’insatisfaction. D’abord de l’insatisfaction. Peut-on
prétendre, de même, que l’alphabet, par exemple, provoque de
l’insatisfaction ? Attendez-vous de l’alphabet qu’il vous fasse
des mots dans la bouche ?
} } }
Quand Lévinas dit que l’altérité est étrangeté, il parle peut-être
de Les petits théâtres. Qu’on dise : l’altérité est altérité ou
l’étrangeté est étrangeté, peu importe. Les petits théâtres ne
recule pas devant ça.
} } }
Le protagoniste est souvent seul dans Les petits théâtres. Elle
quitte même la scène parfois. Parfois non. Les acteurs semblent
n’interagir qu’avec des matériaux, pas entre eux. D’une certaine façon, l’acteur(trice) n’est qu’un costume. Vidé(e) de ce
que des théoriciens ont appelé une « âme ». Ce mot ne s’applique pas ici.
ES, 1981.
50
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Étiquettes. Qté : 25. Marque : Avery® Dennison.
Descr. : Étiquettes circulaires blanches bordées de
métal, avec ficelles. No 13053.
Balance postale. Qté : 1. Marque : Pelouze®.
Descr. : Balance postale mécanique, capacité de
20 kg, pèse en incréments de 100 g, cadran de tarif
de remplacement, lentille antichoc pour protéger
les marquages de chicres et d’incréments. Modèle
no KC20.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
51
Quand la plateforme de celui qui parle s’élève ou s’éloigne de
celui qui écoute, c’est l’étendue de son pouvoir qui, du même
coup, s’accroît. L’espace propre de l’auditoire s’en trouve réduit.
(Le politicien, par exemple, use de tels mouvements.) Ça n’a
plus sa place au théâtre. Autre chose doit s’y passer, doit arriver. Dans Les petits théâtres, on expose un lieu, un espace différent – sans cette idée de propriété. C’est une autopie (pas au
sens d’automate, au sens d’autisme). Certes, quelque chose y est
démontré, mais la relation au pouvoir n’est plus la même.
Entendu dans le métro de Toronto, le 4 avril 1999.
} } }
Les petits théâtres n’est pas, à proprement parler, de l’ordre du
visible. Son espace permet seulement la connaissance sensible.
Mais le « visible », est-ce autre chose ?
Je ne crois pas en un théâtre sacré. Je souhaite peut-être seulement laisser l’invisible là où il est. (p. 27)
} } }
Qui a connu la guerre le sait* : Un missile s’écrase : Les petits
théâtres n’est pas plus long. En un éclat, le théâtre se place, se
passe. Il y a ce bruit. Un bruit impossible. La maison**
s’écroule, une grand-mère meurt, un fils-la-jambe-en-moins…
On a vu le théâtre ; il est passé. Il n’a pas eu le temps de sauver
qui que ce soit.
* Lighter than savoir. Se rendre compte, maybe. (EM)
** Any building. Your house. My house. (EM)
52
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Timbre à encre. Qté : 1. Marque : S-Printy Trodat®.
Descr. : Timbre à encre « COPIE », auto-encrage,
cartouche d’encre incluse, sans dégât au réencrage, encre à base d’eau non toxique.
Sacs de rangement. Qté : 25. Marque :
Staples® Business DEPOT TM Bureau EN GROSMC.
Descr. : Sacs réutilisables en poly
(152,4 mm x 228, 6 mm), panneau pratique pour
écrire, résistant à l’humidité. No 11210-CA.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
53
Le théâtre a besoin d’espoir pour durer, pour survivre cette fin
de millénaire*. On l’a souvent répété. Mais Les petits théâtres,
lui, fait avec très peu d’espoir. Et je pense qu’à l’amorce du nouveau millénaire, l’espoir comptera pour peu.
Peut-être que, de tous les théâtres, seul Les petits théâtres
passera. Et peut-être sera-t-il suivi… L’avenir… C’est là qu’il nous
en faudra de Les petits théâtres (très économe du carburant
Espoir). (p. 28)
ES, Vigo, 1998.
* I know it’s unpopular to talk about the millennium now but ES is not a
little unpopular ; it makes ES sound very old-fashioned, which she is, in a
way. Or she’s just old. (EM)
} } }
Il arrive que ce qu’on appelle la fin et le commencement se rencontrent. Très brièvement. La fin était déjà là, puis le rideau se
lève : ça commence. Peut-être qu’à ce moment les mots ne s’appliquent plus. Même le mot « rideau ». Qu’est-ce que c’est ? Ça
bouge dans la pluie. C’est le temps de Les petits théâtres. (p. 48)
ES
54
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Casier de rangement. Qté : 1. Marque :
OaceSpaceTM ACRO-MILS® Myers Industries.
Descr. : Casier de rangement dont la conception du
couvercle à grille permet de maintenir le contenu
en place, divisions en compartiments de dimensions dicérentes avec séparations ajustables – 15
compartiments maximum. No 100362 12/00 10 M.
Trombones. Qté : Boîte de 100. Marque : Enium®.
Descr. : Trombones lisses, de format no 1 (32 mm).
No 620666.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
55
(quatrième de couverture)
Con augas pasadas non moven muiños : « L’eau passée ne fait pas tourner les moulins ». Les poèmes de Mouré infiltrent ainsi des territoires infimes et insolites – l’eau, la langue –, menant les sons
du galicien tel de l’eau vers notre langue. En ces temps troubles
et tristes planétairement, les langues, nos langues surtout, sont
blessées, rendues violentes par la rhétorique guerrière. Ces
poèmes de Mouré présentent des sonorités, gouttelettes, pouvant aider à retrouver une part de soi (un jour, peut-être, la
parole), silencieusement, sans aucune récrimination.
ES ?*
* Steve, Steve. This is just the publisher’s blurb on the back of Little Theatres
and nothing to do with ES, who for her part just contributed a quote to the
back cover… I don’t know how the publisher got hold of her to do that. And
it’s one in which she doesn’t laud the book at all, just sounds startled at the
name Mouré. As for me, by the time you read this, I’ll have left. (EM)
} } }
(quatrième de couverture)
« Mouré : Le nom me dit quelque chose… Je la croyais morte !
Qu’est-ce qu’elle manigance encore… »
ES
56
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Souris. Qté : 1. Marque : Logitech®. Descr. : Souris
avec roue optique 2x Optical USB – 2 fois plus
rapide et précise pour un maximum de performance, détection optique du mouvement sans
boule, glisse facilement sur la plupart des surfaces, version internationale, avec logiciel Moureware®, inclémentation, adaptateur de sorrisa USB
à PS/2 (6 branches), garantie 5 ans et apoio
Revue Le Quartanier 3/4–2005
57
« du même coup »
une science-fiction rétrospectrale
à la voix de María Pérez Balteira, soldadeira portugaise du
XIe siècle, parlant à travers le mal d’archive de Jacques
Derrida (un hommage à l’avenir)
« il s’agit ici… de l’archive comme expérience irréductible
de l’avenir » (JD)
1
il faut bien y importer du même coup, alors la.répétition, l’injonction de mémoire, dans tous les.cas, pour ne pas résister, désir
et trouble de l’ar.chive, qui inscrit,
ce suspens épochal, sa détermination ne.devrait plus, performatif à venir, aucun rap.port avec l’enregistrement
déjà passée, déjà donnée, judéité ne.se confond ni avec, seulement l’espoir, ouverture.du rapport à l’avenir, non sans archive,
l’attente.de la venir, plus grave et peut-être mieux, jamais
ob.jet de savoir
rappeler cette violence institutrice, pour l’in.stant indécidable,
c’est le savoir, de l’obéis.sance « diÅérée », que l’avenir dira
comment.définir, faut-il une première archive, ouvre à
la.venue
enveloppée ni à l’ironie sans fond, sans.précédent peut-être, de
Sigmund envers son père, avant.de faire l’éloge, paternel du,
semble venu tout droit., « selon vous », scellons
58
Revue Le Quartanier 3/4–2005
2
soit alors plus filiale, la répétition du.geste, oserait penser la
venir, non seulement ce.la, nullement la répétition, la fictionnali.té légèrement inaccessible, seulement de la fiction du
« monologue », hétérogène au livre, le grief
veulent dire les mots « juif », relève du savoir, bien dans, ni
entre.hélas, ce qui porte la table à l’intérieur, la répé.tition de
soi, nous nous trouvons ici même
devenu le sujet spectral, de se voir donner rai.son, ait anticipé
la venue, autre eÅet d’archive., à savoir, l’ouverture qui indétermine, nous sommes., ou non, sans principe d’archivation,
car tout un livre.de Freud, peut donc, ces mots « juif » et
« signé », sorte de longue.préface
classique ne croyait pas aux fantômes, traductions inéd.ites,
devenu le sujet spectral, le corpus dont elle., serrée avec le fantôme, complication encore im.pensée, dans sa fiction même,
ressemble au dernier chapitre.du livre, structurelles de son,
sorte de
Revue Le Quartanier 3/4–2005
59
3
du même auteur au début, marquant une indéci.sion, privée et
parfois « secrète », une inscription en forme., portait d’amour,
il n’importe pas moins que, comme certains.d’entre vous, il
s’agit
l’archivation produit autant, quelque privilège., cette autre
archive, après le séisme, le Email, non.la structure, loin de là,
en transformant tout l’espace.public, transformations en
cours, le droit de proprié.té, le droit de reproduire, turbulences
cette possibilité instrumentale, sorte de dom.iciliation, et se
dissimuler aussi.tôt, la consignation tend, ait anticipé le.futur
ombilicale, « judéité », n’est pas seule.ment, elle ne requiert,
un lieu et un support, disso.ciation absolue, il va de soi
maintenant limites déclarées infranchissables, ef.fective se
mesure, les manquements à la démocra.tie, intitule (Les peurs or
l’hétérogyne
60
Revue Le Quartanier 3/4–2005
4
brûler d’une passion, retour à l’origine, aucun. « mal de » n’empêche que Freud, cessé de le marquer d’i.ci, transfiguré et ayant
pris, pour s’interro.ger simplement ainsi
à la mémoire de laquelle, les fouilles pendant le temps,
la.croyance au fantôme, édifiée, un champ de ru.ines stratifié,
nul mieux que Freud
l’archive arrive à s’eÅacer, estompés et il.lisibles, à partir des
restes visibles, un palais ou.une trésorerie, bilingues dans le
cas heureux, au.delà de la finitude comme limite, les
pierres.parlent et parlent encore, rien que ça, à la mémoire
ainsi va tout concept, pour s’interroger ainsi., simplement
entre le fantôme, ne l’oublions jamais., ni la pure perception ni
même, du moins en grande par.tie, un fantôme sensible à
l’idiome, l’hésitation., ayant pris
Revue Le Quartanier 3/4–2005
61
5
admettez qu’un chercheur d’une traduction, laisser l’o.rigine se
présenter elle-même, car l’instant le plus.aigu, moment et non
processus, y souligner.quelques mots, et là serait le « progrès »
d’un rapport., sans médiation et en retard, une fois le tra.vail
de traduction intense, aussi peu connue
avouée dans sa dénégation même des fantômes. oserait le mot
« archive » équivoque, instable, je.dirais même, ce dont on
parle, Freud trente-cinq ans après.une circoncision, sinon à
détenir l’archive, j’insiste
ce morceau qui résiste à l’explication, le spectre.de la vérité,
tout grain de vérité contient.tout délire, en déchiÅrant l’archive, c’est que, repré.sentant son successeur, la Messie eÅectivement
l’une de l’autre, ne se distinguant plus entre elles, dis.tincte de
toutes les autres, dit le récit, toujours à même.la cendre, de son
allure en un lieu sûr, une place.irremplaçable, la hantait dès
l’origine, cette pres.sion-ci et cette empreinte, la trace et le
support, ad.mettez
62
Revue Le Quartanier 3/4–2005
6
ses péchés suspendus, à commencer par celui de l’archive,
pourtant insister sur la spectralité, la structure de l’archive est
spectrale, le principe en général, a eu l’audace, le problème classique du fantôme,
l’hallucination de l’archéologue, un aveu en mal d’archive, du
concept en général, il n’est pour rien, ce qu’on appelle en
anglais le « trouble », mais elle l’accroît, qui brouille la vue, et
l’État, rien n’est moins sûr moins clair aujourd’hui, l’itération
et la reproductibilité, entre soi et soi,
le plus archaïque du commencement absolu, que souÅrir un
mal, c’est se porter vers elle, un désir irrépressible, du support
ou du subjectiel, ne se réduit pas, ni à la mémoire, proprement
dite, en tous cas à l’archive classée, répétitive et nostalgique,
telle serait
la semence de vérité, ménager son suspens, transfiguré et
ayant pris, je connais un médecin, bien placé pour ne pas refuser, vu un revenant, en somme en témoigner, de laquelle les
spectres, a été mis à mort « devant vos yeux »,
Revue Le Quartanier 3/4–2005
63
7
reçoit ici, la domiciliation aussi.tôt, manquant tout discours,
dans son support même, pas seule.ment pour le histoire, de la
stabilité sémantique.minimale, sa norme et bien sa position,
exquis.ément
nous montre le désir, minimale et presque de la.grammaire,
des conditions dites sociales ou humaines, tout.discours sur la
psychoanalyse, et à l’aveu., précisément là où ils aÅectent,
renoncer à.cette prétendue neutralité, dans sa dénéga.tion
même
chose du passé avant elle, projet de science dont., or si nous y
avons, en somme, parce que fantôme, sans.qu’une technique
d’archive déborde jamais, ni « rendre justice »., selon son
homonyme, de façon précise, dont la.voix survit, l’autre est
mort, l’autre ne répondra plus, même.là
peut-être, après tout, les plus décisifs de ses con.clusions suspendues, possiblement absurd, il se.peut fort bien, et plus
encore, puisque cette fois la femme.serait la loi elle-même,
plutôt que dans l’avenir., au courage de dire peut-être
64
Revue Le Quartanier 3/4–2005
8
refouler l’archive en archivant le refoule.ment, même qu’on se
refoule, le refoulement d’autre.part, le nerf de l’argument, à
travers l’apparente., actuellement absents, au moins virtuellement, de.mémoire et d’archive, rappelé et archivé, signes.,
figures, tel ou tel de ces mots, non seulement le pé.ché refoulant,
Revue Le Quartanier 3/4–2005
65
9
autant et plus, la venue de l’avenir, philo.logie, imaginons en
eÅet, irréductible.mais loin, rien à voir avec l’anatomie,
arri.ver à l’économie de la mémoire, qui peut, sa.norme et bien
sa position, sans doute pas là, abon.damment détresse
cela parle, une fantôme, laissant parler, que pour se.taire, voilà
de quelle violence, étrangéité.malgré les assurances, comme
cela paraît malheu.reusement, aussi par souci de, avant de
re.venir à cette fatalité de structure
peut-on se satisfaire, la science comme tel, s’inter.roger ici, qui
ne veut parler aux fantômes, rendre.compte ou n’en rendre raison
on ne peut pas y croire, la croyance, aucun statut.possible,
d’un alphabet et d’une langue, la traduction.de tout ceci, inscriptions trouvées en grand nombre, vi.vaces ses héritiers,
autant de frères, chaque fois n’a mon.tré, autre chose qu’un
spectre
66
Revue Le Quartanier 3/4–2005
[coita]
qui voudrait substituer au fantôme ?, ni visible ni.invisible,
jamais l’archive*, l’archéologie im.possible de cette nostalgie,
soucieux de tendre compte, han.tise déclarée, le moment est
peut-être venu
.fin de
.traduction signée
.María Balteira
* « L’archive est donc la masse du non-sémantique inscrite dans tout discours signifiant comme fonction de son énonciation, la marge obscure qui
cerne et qui limite toute prise de parole concrète. » Giorgio Agamben, Ce qui
reste d’Auschwitz, p. 156.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
67
Les petits théâtre : notices biobibliographiques
Erin Mouré est une poète et traductrice montréalaise. Œuvres
récentes : O Cidadán, Toronto, Anansi, 2002 (en anglais) ; m-Talá
(Chus Pato), Vancouver, Nomados, 2003 (du galicien vers l’anglais) ; Sheep’s Vigil by a Fervent Person (Alberto Caeiro / Fernando
Pessoa), Anansi, 2001 (du portugais vers l’anglais) ; À Adan
(Emma M), Calgary, housepress, 2002 ; Museum of Bone and Water
(Nicole Brossard), Anansi, 2003 (avec Robert Majzels, du français vers l’anglais). Little Theatres est paru chez Anansi au printemps 2005.
Elisa Sampedrín est née à Betanzos, Galicie, en 1955. Diplomée
en Mathématiques et Philosophie de l’université Saint-Jacques
de Compostelle où elle fait partie du mouvement nationaliste
ERGA (Estudantes Revolucionarios Galegos) lors des dernières années
de la dictature de Franco. Après avoir rencontré l’actrice Lucie
Bérard à la Mostra du Teatro de Rivadavia (été, 1975), Sampedrín
abandonne ses études de doctorat en mathématiques (Valence –
elle y menait des recherches sur l’Hypothèse Reimann) pour le
Québec. Son travail théâtral date des années 1980 et 1990 (suivant la mort de LB dans un accident de voiture). L’œuvre de Sampedrín soulève peu d’intérêt en Amérique du Nord, mais rencontre un certain succès en Europe. Depuis 2000, on a perdu sa
trace (elle aurait séjourné en Iran et au Japon, étudiant les
mathématiques et les théâtres indigènes). On sait seulement
qu’elle participe occasionnellement au blog Escarlata (Galicie).
Citoyenne du Québec et de la Galicie, Sampedrín détient des passeports canadien et espagnol.
68
Revue Le Quartanier 3/4–2005
María Pérez, aussi appelée « La Balteira » ou María Balteira, était
soldadeira, divertissement pour soldats et nobles. Elle vécut autour
du XIIe siècle en Gallæcia (à l’époque divisée entre la Galicie, colonie espagnole, et la partie nord de l’actuel Portugal). On présume
qu’elle serait l’auteure de cantigas (censurés par le Vatican) que
l’on pouvait lire dans les Livres de chants galiciens-portugais
médiévaux. Des chansons qui sont restées d’autres auteurs, on
déduit la bisexualité de Pérez-Balteira, par ailleurs lectrice avide
des œuvres de Jacques Derrida, troubadour croisé lors d’un séjour
en France.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
69
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Sylvain Courtoux
Nihil Inc.
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Course précipitée vers la langue qui tue.
Denis Roche
Ce que j’essaie de décrire se passe
en ce moment même juste sous mes yeux.
William Burroughs
Nous pouvons nous faire passer pour l’ennemi
afin d’infiltrer les rouages du système
et de commencer à le pourrir de l’intérieur.
Saboter l’Empire en faisant semblant de jouer leur jeu.
Se compromettre juste assez pour les mettre
au pied du mur.
Kurt Cobain
1. J’arbre comme cadavre virgules noires (les corps changent d’intensités) début
du jeu de la guerre : c’est une guerre d’extermination dit-elle une guerre cellule
par cellule [cellule pour cellule] à travers les corps (noirs) des leurres-écrans :
« La révolution doit être une école de pensée sans entrave » dit-elle – « La
révolution doit être une école de pensée sans entrave » – La révolution à
force d’être proclamée est devenue une espèce d’alibi esthétique généralisé – Toute forme précise est un assassinat vous le savez nous le savons tous toute
forme précise est un assassinat vous le savez nous le savons tous toute mise en
forme implique une mise en norme vous le savez nous le savons tous « ce qu’il faut
c’est des résultats » – « Nos démentis se présentent sous la même forme que nos
falsifications » ce qu’il faut c’est des résultats – Toute forme précise est un assassinat
on n’aura jamais fini de le répéter dit-elle ce qu’il faut c’est des résultats on n’en
aura jamais fini dit-elle ça commence toujours comme ça commence toujours
Revue Le Quartanier 3/4–2005
71
de la même (unique) manière aussi désespérante que dégueulasse on n’en aura
jamais fini dit-elle ça commence toujours comme ça (telles sont les choses à
dire quand le langage dément les organes) _Début du jeu de la guerre – Vous maintenez à bout de bras une idéologie de crasse humaine dit-elle – C’est ça(l) c’est pas ça(l)
c’est comme ça que les corps communiquent « La révolution doit être une
école de pensée sans entrave » vous maintenez à bout de bras une idéologie collective de crasse humaine il faut que tout se sache au premier plan l’essentiel : « l’homme est une bête de proie l’homme est une bête de sang l’homme est une
sacrée merde lorsqu’il ouvre la bouche » telles sont les choses à dire (détendez-vous…
c’est clair… restez sur le sens c’est simple) telles sont les choses à dire : il faut
que tout se sache au premier plan l’essentiel : quiconque voudra combattre les
monstres dit-elle doit s’assurer qu’il n’en deviendra jamais un lui-même car
lorsque vous regarderez au fond de l’abyme l’abyme aussi regardera au fond de
vous : telles sont les choses à dire quand le langage dément les organes – Vous
êtes un héros parce que nous avons (trop) besoin de votre solitude ? Dans une
telle guerre rien n’est trop injuste dit-elle – (il faut que tout se sache au premier
plan l’essentiel) La boue il faut la faire entrer dedans et pas en faisant semblant
d’exhiber aux gens que c’est littéraire et réussi dit-elle non il faut mettre de la
boue dedans parce que c’est de la boue et que c’est littéralement ça qui y est
écrit dit-elle telles sont les choses à dire quand le langage dément les organes
(j’arbre comme cadavre) – Dieu est une hypothèse beaucoup trop extrême (on
se donnera les moyens nécessaires pour répondre dit-elle) – « Le nihilisme comme
symptôme de ce que les déshérités n’ont plus aucune consolation de ce qu’ils détruisent
pour être détruits de ce que libérés de toute morale ils n’ont plus aucune raison de se résigner » – Je mens je suis mou j’ai de la merde dans les yeux – Mourir est dispersif –
Le néant se paie comptant – Nous devons (re)trouver un contenu valable – Il va
falloir (maintenant) travailler sans citations – Nous sommes chaque minute &
chaque seconde partie prenante de la destruction totale du monde dit-elle –
Des marques définissent les virus des stocks entiers sont désormais à notre disposition (l’exercice est profitable l’exercice est tout ce qu’il y a de rapide) – Je ne
vois pas très bien où vous (re)trouveriez une image (quelque image des images)
– J’ai la liste des personnes à abattre – J’ai deux trois noms (d’abord) que je voulais vous soumettre – « Nous établirons des listes noires pour tous les poètes inutiles » –
Puis on en viendra au roman noir – puis on en viendra : génération et destruction : « il n’y aura pas de dialogues uniquement un mitraillage de phrases d’origines douteuses et de destination perdue » – Jugez-là messieurs le bon goût
moderne : le dernier acte est sanglant quelque belle (ou merdique) que soit la
72
Revue Le Quartanier 3/4–2005
comédie du reste – Aujourd’hui je sais qu’il faut (tout) refuser (tout) simplement parce qu’il y a forcément une alternative possible _Elle mit la vieille bande
dans le magnéto (tu peux foutre ça en boucle : « Wild boys never lose it / Wild boys never
chose this way / Wild boys never close your eyes / Wild boys always…shine »)
tu peux foutre ça en
boucle : Notre but est le chaos total (je répète) notre but est le chaos total (je
répète) notre but est de détruire toutes les machines policières (je répète) notre
but est de détruire toutes les machines policières (je répète) notre but est de
détruire toutes les machines systémiques binaires (je répète) nous avons l’intention d’en finir avec les machines de contrôle (je répète) nous avons l’intention d’en finir avec les machines de codage (je répète) nous avons l’intention de
détruire tous les systèmes dogmatiques et les vieilles ordures verbales (je
répète) nous avons l’intention de détruire tous les systèmes dogmatiques et les
vieilles ordures verbales (je répète) nous avons l’intention de dépouiller le grand
cadavre poétique (je répète) le grand cadavre éthique (je répète) le grand
cadavre politique (je répète) nous avons l’intention de détruire toutes les
machines idéologiques + tous les réseaux des lieux de la pensée pseudo-révolutionnaire (je répète nous établirons des listes noires pour tous les poètes
inutiles) nous avons l’intention de déraciner le bloc familial et sa cancéreuse
expansion (tribus/pays/nations) je répète nous avons l’intention d’en finir avec
le baratin de la famille le baratin du flic le baratin de la mère le baratin du père
le baratin du prêtre le baratin de la patrie le baratin des partis nous avons l’intention (je répète) de faire le grand nettoyage idéologique le grand nettoyage
politique le grand nettoyage social (nous avons suasamment entendu de
merde à ce sujet dit-elle) je répète notre but est le chaos total je répète : notre but
est le chaos total je répète nous ne ferons aucune dicérence entre les cibles civiles
et militaires je répète nous sommes partout nous serons partout nous avons
mille visages – Tu peux foutre ça en boucle : « Wild boys never lose it / Wild boys never chose
this way / Wild boys never close your eyes / Wild boys always…shine » tu peux foutre ça en boucle –
Bien évidemment je suis sûre que les mots commencent à vous exciter dit-elle
je suis sûre que vous vous dites : voilà c’est exactement comme ça que je dois
commencer ma guerre j’arbre comme cadavre virgules noires (un livre dont vous
êtes le héros) ça tire sur la tige ça tire sur la ligne ça tire (toujours) sur la (même)
ligne (de fuite) ça tire même de tous les côtés par rafales par jets continus (discontinus) tout est à reprendre tout est à refaire tout est à bombarder – Que faire &
par où commencer ? (moins 50 % sur tous les articles démarqués) en bougeant
un peu on aura notre interstice de mort dit-elle : une langue vivante à outrance
une langue vivace à outrages (des visages des figures = des déchets de corps
Revue Le Quartanier 3/4–2005
73
industriels tout est à bombarder casualties of wars) plus haut plus bas si tu veux
sucer des bites comme il faut plus haut plus bas si tu veux sucer au mieux des
bites comme il faut que tu prennes bien le mouvement la scansion pour ainsi
dire le rythme-langue le culte [éculé] de l’exaltation mystico-littéraire des révélations heideggero-hölderliniennes (du genre : écrire c’est d’abord s’arracher à
soi et au monde) – La ponctuation n’est pas nécessaire merci – L’abrutissement
des masses rend à terme toute écriture révolutionnaire véritablement impossible (voire improbable) et il n’est pas étonnant de déplorer l’état merdique de la
production artistique quand on voit que la démangeaison du succès le besoin
de passer sur le ventre de ses camarades ou le besoin vital d’être salué par un
jury poussent les ego formatés que nous sommes à faire de bien grosses saletés
dit-elle j’ai cinq ans j’ai pas cinq ans j’essaie d’ouvrir la bouche j’essaie de la fermer (l’exercice est tout ce qu’il y a de rapide l’exercice est tout ce qu’il y a de plus
profitable) – Vous savez de quelle idéologie profondément réactionnaire décadente et pseudo-révolutionnaire pour tout dire exténuée la littérature est dans
notre société le symptôme actif ? – J’ai cinq ans j’ai pas cinq ans – Nous n’avons
plus que de la merde dans la bouche – Tu vois nous (nous) devons (de) défendre
absolument l’idée d’un devenir-minoritaire de la langue (par delà toutes les utilisations frauduleuses et fétichistes de ce terme) et pas question d’utiliser ce
que la société du spectacle nous (r)envoie à la gueule sous prétexte de vouloir
coller au show propre de la réalité et faire ainsi une littérature-des-enjeux-depouvoir frivole absolument pas dégagée d’une (certaine) volonté de coller à une
certaine forme convenue de dénonciation pseudo-révolutionnaire de la réalité
dit-elle une littérature dépensée en pure perte pour ainsi dire sans la moindre
idée sans la moindre visée qui préfère coller sa langue au plus près des magazines people et télés dit-elle – C’est la perte de tout devenir-politique du texte la
perte de toute politique du devenir traduit in fine comme dernier espace de
refoulement dit-elle comme lieu exemplifié du renoncement politique et du
retrait de l’histoire (moins de vagues et plus de vogues du genre poetry-star
academy mais moi j’aime ça dit-elle) – Un nouveau stade du miroir comme
stade indépassable du développement ultime de ce qu’ils nomment pieusement
littérature : « l’aliénation du spectateur au profit de l’objet contemplé (qui est le résultat
de sa propre activité inconsciente) s’exprimant ainsi : plus il contemple moins il vit plus il
accepte de se reconnaître dans les images dominantes du besoin moins il comprend sa
propre existence et son propre désir » – Tu dois désirer dit-elle tu dois être désirable
tu dois participer à la lutte à mort à la compétition du monde si tu t’arrêtes tu
n’existes plus si tu reste en arrière tu es mort dit-elle
74
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Une poésie bourgeoise est une poésie qui hérite une poésie petite-bourgeoise
est une poésie qui hérite de la prétention à hériter – Voilà où nous en sommes
dit-elle : « that’s it sunder flounder sounder your death coma grossly inverted placenta
cancer aureola from where i sit i see them dead drip by drip drop by drop » – Ainsi on ne
se libère pas du capitalisme parce qu’on le veut (celui-ci comme flux étant précisément la volonté de l’absolu) mais on se libère du capitalisme parce qu’on veut
inventer des objets étranges incongrus monstrueux capables d’ouvrir dans le
flux du capitalisme lui-même des brèches des failles des issues qui réorganisent
la lutte – Cette critique culturelle au rabais n’est pas assez radicale dit-elle nous
avons déjà largement montré que le renoncement à une théorie critique de la
société est une totale démission idéologique dit-elle – On n’ose plus penser l’ensemble parce qu’on désespère de le changer parce qu’on s’avoue ineacace à le
changer parce qu’on croit toujours que l’empire est bien trop puissant & qu’il
n’en a pour ainsi dire rien à foutre – La véritable critique théorique doit être une
machine de guerre poétique à formaliser la pratique dit-elle – L’écriture et la
révolution font cause commune l’une donnant à l’autre sa recharge signifiante
et élaborant comme arme le texte comme machine de guerre syntaxique et
grammaticale à désintégrer le temps et à pulvériser l’espace dit-elle (syndrome
ou symptôme Attila – C’est du pareil au même dit-elle) – Mais nous l’avons déjà
dit le texte comme engagé dans un processus de dépense qui brûle à tous les
niveaux tous les niveaux de matériaux possibles (D.C.) comme le contraire
même d’une structure pleine close achevée dit-elle le montage par saccades jouant
de tous les principes de l’ornementation (symétrie dis-symétrie a-symétrie répétition
accumulation juxtaposition) va à l’encontre de toute contemplation et produit un ecet de
syncope de temps syncope d’une ligne qui se dessine dans le chaos de la mémoire on est
dans le chaos de la naissance dans le risque du chaos total – Cette critique exemplaire
ne devra soucrir d’aucune compromissions avec le système cellulaire global
dit-elle – Nous ne critiquons pas le système pour l’améliorer mais pour le
détruire – [Abjection votre honneur] Il est impossible de détruire le système
selon une logique de la contradiction ou par un retournement du rapport de
forces tout ce qui produit de la contradiction du rapport de forces de l’énergie
en général ne fait que le retourner au système et l’impulser selon la distorsion
de l’anneau de Mœbius – Nous ne critiquons pas le système pour l’améliorer
mais pour le détruire « la transgression est dérisoire par rapport à ce que la loi réellement interdit » – La transgression seule dissociée de toute autre démarche autonomisée ne débouche sur aucune rupture elle s’avère comme telle destinée à
succomber sous les traits d’un vulgaire écart – Nous ne critiquons pas le système pour l’améliorer mais pour le détruire – C’est en ce sens que l’ordre social
Revue Le Quartanier 3/4–2005
75
est méconnu par l’oubli de ce fait décisif qu’il produit simultanément la norme
et l’écart – La transgression comme écart (la limite et son franchissement) qui
ne mène plus alors à un ailleurs mais à l’autre côté prévu (le code et la
codification possible) de ce qui apparaît pour le transgresser – Nous ne critiquons pas le système pour l’améliorer mais pour le détruire – La transgression
plus gravement se porte garante de ce que la loi interdit réellement si l’acte
transgressif et si la transgression se voient autonomisés (par là réduits à une
apparence de faux-semblant de négation à une négativité apparente sous couleur de rupture radicale) ils ne feront qu’esquisser une fausse sortie pour retomber nécessairement à l’intérieur du code et l’alimenter comme signes et dicérences supplémentaires – Ici se transmute en apparence le caractère ocensif la
qualité « radicale » révolutionnaire de la transgression qui s’évanouit comme
telle au cours d’un mécanisme qui la change en composante culturelle en
variable du système dit-elle – Ce qu’il faut c’est des résultats – Ce qu’il faut c’est
déplacer tout dans la sphère symbolique (nous ne critiquons pas le système
pour l’améliorer mais pour le détruire) où la loi est celle du défi de la réversion
de la surenchère telle qu’à la mort il ne peut être répondu que par une mort
égale ou supérieure dit-elle (il faut que tout se sache) – Essayons d’avoir l’intelligence du mal – Tel est l’esprit du terrorisme – « […] si les terroristes notamment
islamiques n’existaient pas il eut été merveilleux de les inventer dit-elle quoi de
mieux en ecet que leur évidente inhumanité pour contraindre chacun à identifier définitivement la cause de l’humanité à celle de l’économie libérale et du
parlementarisme bourgeois » dit-elle
– La pire erreur celle de tous nos stratèges révolutionnaires est de croire mettre
fin au système sur le plan réel ça c’est leur imaginaire celui que leur impose le
système lui-même qui ne vit ne survit que d’amener sans cesse ceux qui l’attaquent à se battre sur le terrain de la réalité qui est pour toujours le sien – Il faut
que le système se suicide de lui-même en réponse au défi multiple de la mort et
du suicide toute mort est facilement computable dans le système même les
boucheries guerrières étatiques mais pas la mort-défi la mort symbolique car
celle-ci ouvre sur une surenchère inexpiable autrement que par une mort équivalente dit-elle – La condamnation morale et l’union sacrée contre le terrorisme
sont à la mesure de la jubilation prodigieuse de voir en ruine les superpuissances symboliques mondiales – Tel est l’esprit du terrorisme – C’est le système
lui-même qui a créé les conditions objectives de cette rétorsion brutale – Il y a
une perfusion mondiale du terrorisme qui est comme l’ombre portée de tout
76
Revue Le Quartanier 3/4–2005
système de domination prêt à se réveiller comme un agent double – Tel est l’esprit du terrorisme – Nous ne critiquons pas le système pour l’améliorer mais
pour le détruire (guerre fractale d’extermination cellule par cellule [cellule pour
cellule] de toutes les singularités qui se révoltent sous forme d’anticorps) –
Essayons d’avoir l’intelligence du mal : toute balance est rompue à partir du
moment où il y a extrapolation du bien hégémonie du positif sur n’importe
quelle autre forme de négativité – La tactique du modèle terroriste est de provoquer un excès de réalité et de faire s’econdrer le système sous cet excès même
– Le spectacle du terrorisme impose le terrorisme du spectacle – Tel est l’esprit
du terrorisme – On considère le mal métaphysiquement comme une bavure
accidentelle mais cet axiome d’où découlent toutes les formes occidentales de
manichéismes binaires est illusoire – Nous garderons donc ce qu’il faut d’ectoplasme pour paraître leur contemporain dit-elle (à défaut d’autocritique initiez-vous à l’autodéfense) – Nous sommes partout nous serons partout tel est
l’esprit du terrorisme (à défaut d’autocritique initiez-vous à l’autodéfense tel
est l’esprit du terrorisme) – Vous savez bien que je partage beaucoup de vos
idées politiques mais peu de vos idées esthétiques (et inversement) – La guérilla urbaine est dans cette mesure la conséquence de la négation accomplie
depuis longtemps de la démocratie parlementaire par ses propres représentations la réponse inévitable aux lois d’urgence et aux lois des grenades à main la
disposition à lutter avec les moyens que le système s’est déjà mis à disposition
afin d’éliminer ses opposants dit-elle – Il faudra considérer cet événement
comme un étape préalable essentielle dit-elle – Vous savez bien que je partage
peu de vos idées esthétiques et peu de vos idées politiques – Nous établirons
des listes noires pour tous les poètes inutiles (il faut que tout se sache au premier plan l’essentiel) – Nous travaillons actuellement contre l’Occident voire
contre le monde tu dis : la poésie est une pute les textes ne se suasent plus à
eux-mêmes il faut un réseau de connivences de connaissances des trafics d’influences des renvois d’ascenseurs pour que les textes émergent et encore… c’est
ça le devenir-compromissionel de la poésie dit-elle c’est ça le devenir-compromissionel de la poésie est une pute elle n’est pas elle n’est plus elle ne peut plus
être la solution dit-elle – Je ne crois que dans ce jeu de putes la littérature puisse
encore beaucoup dit-elle – Les petites filles modèles de la démocratie ne sont
plus que des putes compromises ouvertes soumises (encore plus putes encore
plus soumises) au tout venant des idiolectes tout puissant du marché dit-elle –
Le dénouement proposé ne sera pas fictif (un livre dont vous êtes le héros) – L’espace social vidé de toute critique radicale reste cette scène d’étalage des corps
Revue Le Quartanier 3/4–2005
77
du culte d’un corps auquel on attribue richesses satisfactions diverses indispensables et disponibles puisque ainsi le raccourci communicationnel entre
individus est trouvé la prostitution comme service rapport tendant à (se) démocratiser le pouvoir que ne survive de notre organisation sociale que la valeur du
corps et son entretien biologique sécuritaire sa consommation privée satisfaisant les pulsions de la façon la plus élémentaire conséquences possibles de l’actuelle plongée dans l’ego à la recherche désespérée d’une image de soi d’un
retour de cette image etc. dit-elle la poésie est une pute et quelques noms suasent à le prouver (il faut que tout se sache au premier plan l’essentiel)
La poésie est une pute et quelques noms suasent à le prouver (je répète : notre
but est le chaos total je répète : la poésie n’est peut-être pas la seule solution) –
Notre alibi doit être de toute façon absolument parfait – Nous écrivons et nous
nous constituons à mesure l’alibi parfait dit-elle – Notre alibi doit être de toute
façon absolument parfait nous écrivons et en même temps nous nous constituons comme leur perte absolue – Ce sont là nos règles de l’art – Et ceux qui se
refusent au réexamen des règles de l’art feront des carrières dans le conformisme de masse en mettant en communication au moyen de bonnes règles le
désir endémique de réalité avec des objets et des situations capables de le satisfaire – Nous avons maintenant posé les règles d’un véritable cross-over esthétique dit-elle (pour une littérature mutante – ce sont là nos véritables règles de
l’art) – Que dire alors ? il faut que tout se sache au premier plan l’essentiel : « Faire
de l’art avec du mal c’est le grand art le seul ça consiste à savoir que le mal ne se liquide
pas mais que l’œuvre est le seul lieu où le mal puisse s’inverser au bien » dit-elle – Ce livre
est à brûler : le mal est tout ce qui nous distrait dit-elle (il faut que tout se sache
au premier plan l’essentiel) ce livre est à brûler (pour une littérature mutante : la
poésie si elle veut sortir du poétisme généralisé dans lequel elle s’est embourbé
doit sans attendre établir des connexions avec les dicérentes pratiques esthétiques qui sont hors de son champ premier d’application dit-elle pour créer ainsi
de véritables paradigmes révolutionnaires dit-elle c’est dans cette hybridation
généralisée et non dans le formatage absolu des catégories dominantes que la
poésie a le plus de chances de conquérir et de remettre en jeu de nouveaux territoires dit-elle hybridation et déterritorialisation dissémination et déconstruction : parce que résister à la tyrannie des pontes de la sémiosphère poétique à l’idéologie idéaliste des systèmes de pensée dominants comme au jeu
édifiant du spectaculaire intégré est le seul véritable acte à ce jour de sincérité
révolutionnaire dit-elle) – Il faut que les acteurs fassent un peu de gymnastique
intellectuelle – Le consensus n’est pas en ligne de mire – Le diagnostic est exact
78
Revue Le Quartanier 3/4–2005
mais il serait en revanche absolument faux de se mesurer trop étroitement aux
exigences du temps présent ou aux exigences du temps marchand dit-elle la littérature dominante est une littérature de fin-de-trottoir de fin de l’histoire (de
certains tics (bien trop) insistants) une littérature de trottoir qui répond justement aux exigences spectaculaires du temps médiatico-poire dit-elle – Le scénario doit être de toute façon absolument parfait – L’illusion est une arme révolutionnaire l’illusion devra répondre à l’illusion puisque la littérature est un monde en papier
d’événements invisibles manipulés – Il nous faut la science des déchets la science
des déchets ultimes dit-elle pour pouvoir enfin (re)commencer – Il serait temps
maintenant de fonder des instituts de déculturation sortes de gymnases nihilistes où serait délivré par des professeurs spécialement lucides un enseignement de déconditionnement et de démystification culturelle étendu sur plusieurs années de manière à doter ce beau pays d’un corps de négateurs
solidement entraînés qui maintiennent vivante & vivace au milieu du grand
déferlement démocratique la protestation et la révolte dit-elle on enseignerait
ainsi dans ces collèges à mettre en question toutes les idées reçues toutes les
valeurs révérées de l’humanisme de la démocratie de la littérature de l’idéologie des droits de l’homme dit-elle – Tous les mécanismes bâtards de la puante
rationalité – On nettoierait ainsi la machinerie débile de la pensée jusqu’à son
décapage dépeçage intégral jusqu’à sa lobotomie intégrale on développerait
méthodiquement la vivifiante faculté de l’oubli de l’oublitzkrieg de l’être « vous
êtes en face de vous-même tout comme la nature et l’histoire un monstre et un chaos fait
pour la plus complète incarnation du mal fait pour la plus complète destruction de tous »
dit-elle – Notre société est en mesure de récupérer au profit de celle-ci toutes
les formes aiguës de subversion et pourrait donc bien tolérer tout cela dit-elle –
Nous y avons toujours pensé nous y avons toujours plus ou moins consenti – Il
faut même aller plus loin le règne de l’éthique fait symptôme pour un univers
que domine une singulière résignation au nécessaire – L’objectivité économique est ce à partir de quoi nos régimes parlementaires organisent une opinion et une subjectivité d’avance contraintes à entériner le nécessaire la
fameuse fin des idéologies que partout l’on proclame comme la bonne nouvelle
qui façonne le retour de l’éthique (ou de la morale) signifie dans les faits le ralliement aux chicanes de la nécessité et un appauvrissement extraordinaire de
la valeur active militante des principes dit-elle – L’idée même d’une éthique
consensuelle est un puissant facteur de résignation subjective et de consentement à ce qu’il y a car le propre de tout projet soi-disant émancipateur est de
diviser les consciences – L’éthique se présente donc comme le supplément
d’âme du consensus libéral-global et ce terrorisme du bien rebondit aujourd’hui
Revue Le Quartanier 3/4–2005
79
avec la thématique humanitaire qui conduit automatiquement à mettre horshumanité ceux que l’on combat au nom de l’humanité – Tous les traits qui caractérisent le mode d’existence de la société capitaliste du marché totalisé en
simulacralisation jusqu’à l’épuisement qui s’ensuit de la critique idéologique
ne représentent pas seulement des moments apocalyptiques d’un quelconque
crépuscule ou déclin de l’humanité une sorte de nihilisme dit-elle mais constituent des provocations et des appels qui font signe vers la possibilité d’une nouvelle expérience créatrice – Il ne s’agit pas de jouer le nihilisme pour le nihilisme
ou de le jouer contre il s’agit d’impliquer une nouvelle manière de penser de
créer un complet bouleversement dans les principes dont dépend la pensée – La
révolution doit être une école de pensée sans entraves – Le nihilisme achevé
nous convie à une expérience de la réalité en clé de fable qui se présente en
même temps comme notre unique possibilité de liberté – « Il n’y a rien à démontrer il s’agit seulement de voir quelque chose que pour l’instant on ne voit pas
encore » – Il y a dans ton vocabulaire un je ne sais quoi d’indéfinissable un jeu ne
sait quoi qui laisse à désirer – Il n’est pas possible de revenir en arrière dit-elle
ceci n’est pas possible ceci n’est pas souhaitable (il faudra bien hurler : que faire ?
et par où commencer ?) – Je ne suis pas un héros je ne suis ni un héros – Que faire
& par où commencer ? (il faudra bien hurler ce livre est à brûler telles sont les
choses à dire quand le langage dément les organes) – Le scénario doit être de
toute façon absolument parfait – gloire(s) à nos héros – Burn Hollywood burn
– Notre alphabet ne s’arrêtera pas là – Telles sont les choses à dire :
Quelque chose de plus
devra donc
succéder à la littérature
(Tod und Verklarüng)
80
Revue Le Quartanier 3/4–2005
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Louis-Philippe Hébert
Correspondance de guerre (extraits)
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
je suis mort…
brûlés, hurlant
réduits en cendres
dispersés, semés en France, semés en Russie
semés dans la Méditerranée
grains, granules, poussières
éparpillés, hurlant, sur tous les continents
hurlant, infiniment petits
mille voix – quoi ! des centaines de milliards, oui
un ici parmi des millions et des millions
l’autre là, à des milliers de kilomètres
poussière, une seule poussière
qui a pris l’avion,
qui s’est envoyée en l’air
poussière transportée dans ce vêtement,
puis lavée – passe à l’eau, poussière !
avalée par un poisson, celle-là
déjectée par un oiseau, une autre
toujours hurlant, tous ces points
ces piqûres d’épingles, ces traces
qui se fuient – se fuient-elles ?
qui hurlent, le programme est perdu
le programme qui les réunissait
perdu, désécrit, oui
Revue Le Quartanier 3/4–2005
81
eÅacé comme on découd
les phrases disparaissent
de droite à gauche
en hurlant
leur cri
hurlé à l’envers
comme un ruban qui se rembobine
cendres hurlantes
pas de continent
pas d’espace
pas de profondeur
pas de sommeil
où il ne soit allé
mais en si infime partie
conscience si mince, si fragile
et pas de bureau-chef
pas de quartier général
personne
à qui rapporter sa position
personne
à qui dire « maman »
si poussière, si poussière
qu’il échappe à la gravité
si poussière, vraiment
qu’une lune plus rapprochée
qu’un vent plus tourmenté
vont bientôt l’arracher
le lancer vers des chaleurs
et des froids plus torrides
et plus glacials
descendre dans la mine, aussi
en même temps,
descendre au fond de la terre
82
Revue Le Quartanier 3/4–2005
ne jamais s’arrêter…
cette dispersion
aÅolante
n’a de cesse
n’aura de cesse
que dans un hurlement
épuré
un seul et long cri
qui traverse la nuit
qui avance à tâtons dans ce couloir
qui frappe à la porte
et
quand tu ouvres
étonné d’avoir entendu
un appel si faible
un bruit si peu sonore
si mince
il n’y a personne
pour t’embrasser
il n’y a plus rien
sur le palier
il n’y a plus d’escalier
et tu restes surpris
de ne pas le voir
comme lorsque tu te tournes brusquement
et que tu ne vois pas
ton image dans le miroir
Revue Le Quartanier 3/4–2005
83
les êtres particulaires
j’ai placé mes pions
j’en ai mis un à l’autre bout de la pièce
il me regarde, désolé
un autre dans la cuisine
près du réfrigérateur
et plusieurs derrière la cuisinière
en petits tas
dans l’évier aussi hier
qui sont partis avec l’eau de la vaisselle
ne reviendront pas de sitôt, ceux-là
surveilleront la maison de loin en loin
un autre, le chien l’a emporté
enterré dans la cour
une douzaine se sont sauvés par la fenêtre entrouverte
le vent les a ôtés
voleur ! quand on en a autant, pourquoi se préoccuper
d’un si petit larcin ?
j’ai semé plusieurs d’entre eux dans un champ
on verra bien quelle sorte de blé naîtra
j’en ai mangé aussi
oui, avec une petite cuillère
j’ai de l’appétit
je sais en avoir
c’est ma vie
de l’appétit là où d’autres ont du dégoût
je mange ce qui pourrait me manger
c’est bien fait
et c’est plus sûr ainsi
mais je m’égare
comme mes pions
un sur la table de la salle à dîner
84
Revue Le Quartanier 3/4–2005
l’autre sur le bord de la baignoire
garde l’équilibre, ne tombe pas !
et puis dans mon lit,
des milliers
comme si c’était un nid de fourmis
infesté
je suis infesté
pauvres pions sur les tablettes de la bibliothèque
dans un livre, font semblant d’être des lettres
brouillent les textes, même les miens
réécrivent tout
pour me ridiculiser
vous croyez ?
des pions dans l’escalier
faut pas trébucher
des pions au travail aussi
sur le bureau du comptable
il y en a des milliers
laissez-le compter
des milliers dans la moquette
on ne fait jamais le ménage ici
j’en ai placé dans des boîtes aux lettres
bonjour, bonjour
vous allez voir du pays, vous verrez
un a fait l’Italie
et je n’y suis jamais allé
un autre a fait les Pyrénées
je ne sais pas où c’est
je place, je place
j’y consacre la majeure partie de la journée
et je reviens le soir
exténué
d’avoir tant travaillé
Revue Le Quartanier 3/4–2005
85
je me cale dans mon fauteuil
et, les yeux fermés,
je contemple l’échiquier
vaste, grandiose
qui échappe à toutes les définitions
échiquier aux proportions de l’univers
pourtant…
pourtant l’univers paraît étroit
quand j’en pose
sur des planètes
dont les noms sont imprononçables même par leurs habitants
ils n’en sont pas moins farouches et cruels
comme ces rats à fourrure noire
qu’il faut abattre à coups de pelle
et ce froid impossible qui plante ses dents pointues
dans la peau des visages
et ce soleil torride qui fait bouillir le crâne
comme un œuf à la coque
ces endroits perdus où le vide n’a plus de sens
où le remplir est de la foutaise
placez ici, ça revient là
et les vitesses qu’il faut atteindre parfois
mettez le doigt dessus, il n’y est déjà plus
il n’y a jamais été
tâche incessante
et stupide
toujours en butte à une limite
à une frontière érigée hier
à un obstacle imprévu
c’est mon sort
c’est ma vie
je contemple l’échiquier, morose
oui, je suis morose
86
Revue Le Quartanier 3/4–2005
quand je contemple mon vaste territoire
et que le silence envahit l’espace
je pointe l’oreille
et je peux entendre mes pions qui m’appellent
et qui se lamentent
qui se sentent abandonnés
ou mal placés
proies faciles
enfants sacrifiés
nourrissons arrachés à leurs mères
chiots qui aboient
peuple dispersé
je les entends maintenant
tous à la fois
qui braillent à l’envers comme le ruban magnétique
qui se rembobine
alors…
alors, je prends conscience du caractère surhumain
de mes eÅorts
les cris de mes pions se font plus intenses
leurs cris créent des pierres
quand je constate l’étendue de mon existence démesurée
une sorte de vertige
finit par me prendre
et je me demande
pourquoi il faut que
ma vie
ressemble tellement à un échec
Revue Le Quartanier 3/4–2005
87
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Patrick Poulin
Applaudissements
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Poum dit : « Après les applaudissements, tout le monde se lève
pour sortir, mais il n’y a pas de sortie. Je me lève tôt le matin et
me couche après le Téléjournal. J’écoute rarement la télévision ;
je préfère la musique de film. »
Supermarché pétrocanada au club vidéo nationale banque se
brosser se moucher se coiÅer se lâcher se refaire se cracher genre
entrer ; lécher lisser arracher des moucherons et dents boutons
sécher boire et passer jeu ;
per se en rafale aller d’habits souvent avoir par fréquences à l’envie défaire briller feindre faire et marbre et substances par
cliques disent n’importe quoi mais surtout quelque chose pardessus quelque chose d’habillé chemise de pied en cap ; percé
menti donné troué tenue et revenu transparence mouillée et
marge de crédit ; dépecé ; voiture voiture voiture élytres le métal
en courbes et courbes lignes directions meubles ; meubles-vêtements granuleux émus huent hient applaudissent siflent
comateux énervés comme achetés tourbes de comas et crachats
d’écroulement collantes virgules en pente remontent.
Bill Jacquet et Bo Bil manteau démantelés fondus crémasses
genre stucco cheese style parafine grise d’entrailles ourlées de
prises et velours glucose dextrose glue textile et divergents plastiques errants lisses grelottent en sauce rouge tournés combustibles et dermes de gelée cacquettent rient fusent (fun’n’roll).
88
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Danny dit : « Poum s’habite dans des failles de rats rots faces
d’habit s’habille de Poum… »
Bo Bil une marionnette de cornet à la vanille dans la main de
Mike Flat et Bad Bat lesquels jasent ou jousent au trottoir comme
de la garniture à la framboise look rouge ; Bill Jacquet (aka Bille
Menne) marionnette sciée comme des chaînes génomiques plus
sirop au chocolat suisse knight cavalier roulé fourré petit-four,
mariée-squelette en fleuve. Mike Flat et Bad Bat émettent du
ketchup-à-bulles chimique (plutôt drosophiles, les larrons).
Patron chocolat pour faire des gilets, papier-oignon irritant se
dédouble par photocopies-protéines, des beignes et des deuxpattes. Ainsi vint Tits-bras. Tits-bras le gilet-T-shirt. Né à Lévis.
Il est porté par Bo Bil et c’est lui le léché de Mike et Bad Bat bébé.
Bébé laitier de Lévis aussi, veste. Le chum de Mike Bedaine hickory fumée et bobettes léopard string.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
89
Il y a des saucisses à la crème glacée qui sortent du trou qu’il y a
dans le plafond. Mon portefeuille fuit comme un hérisson blessé.
Je l’ai nourri trente jours et cent nuits en brûlant mes meubles
et des cônes d’encens et en traçant des doigts gouachés des voix
sur la buée aux fenêtres mortes. Je suis sorti, désenclavé, clavicules détachées en clefs fuyardes, toute noyade séchée dans les
poches, réglé, puis passé par des routes de rocaille et de chips et
de jus et de maywest au coke. Un cœur dans chaque orteil, pour
voiture ; un cœur-à-peau, pour les communications ; et un cœur
aux ailes pour le reste.
Dehors : ahuri sa tête engouachée en touÅe larvée lavée levée
tache de tête de vache de soufle de soufre cerveau floral estampé
écrasé coup de klaxon volatile dégorgée au max à high : musique
tonne façon F1 méga avec une langue en feu pour pilote, furies
sonores roulées en cordons puis placées instantanément dans
les oreilles ; sa tête souflée comme un jet de lumière une coulée
de plastique fondu bombée son crâne chauÅé hors de sa posée
jette par coulées couine sa face ahurie.
90
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Le Bonhomme BBQ se ballade les morcelots de morloques et ce
qu’il mange et lèche avec couronne de satisfaction garantie, c’est
promenade le long des centres commerciaux et des outlets et des
dépôts entrepôt de la chaussure P.R.I.X. et souvenirs. Mangemouvement, lui-même coussin de guimauve-moustarde costarde galette de guimauve limette et flueur plus enrobée de steak
au bacon fumé, sa tête en crunchie, stratification en nid de
guêpe, désordre lisse de boissons aux fruits, orange, koolaid
l’intérieur esse, et sa tête vitreuse de ventre à la noix de coco
papa’s emmêlée avec les autres têtes, un bouquet de ballons,
silence, le ciel bleu ténèbres, les petits chiens frisés multicéphales aboient « aw’ right ! », il pige des chips au sac, sick chap,
chiens, ses mains, ses doigts, de la poudre orange, sa tête, une
langue dans le sac, une bague, il croque ses menus, des pinottes,
son anus, des croquettes et des pièces de poulet vide, et les
autres, il les regarde passer devant lui dans son sac maigre c’est
lui il mange se voit passer peigné pressé l’homme de vent bouge
en éternuant « bonjour » a-t-il dit à peine frémit signe de la
main, frisson de la main en l’air brossée menacée de s’évanouir,
le journal, sculpturale, les ballons en tignasse éventrée, des
journaux, une vieille photographie articles électroniques chez
magasin futur pour conserver en solde une publicité de sofas
soda plus et meubles à monter monter voit une voiture, voiture
une voiture, voit voiture une voiture, rouge, voiture, voiture
une voiture, une voiture bleue voiture, une voiture grise, des
Revue Le Quartanier 3/4–2005
91
camions de livraison, camion, des voitures, beiges, un autobus,
une voiture, des voitures beiges, voiture blanche, des voitures
rouges, des voitures voiture avec une langue et puis « bonjour »
un verre un café il tire une rasade de cola et puis café filtre il boit
une limonade un chocolat frappuccino Botticelli avec un tube de
dulac cheddar dit « Bonjour, comment ça va ? » plus « J’ai vu QBurt et ils mangeaient des sacs en PVC à la vanille grouillant de
larves d’âmes » et « Ah oui ? Incorrigible » puis instoppable « Mais
oui mais ils ont frappé un os, Dog’n’Dry1, ils ne l’ont pas croqué
ni digéré, intoxication aliment, le parfait trou au poignet, quoi »
et l’autre « Oui, c’est dangereux, toujours de préparation rétention résiste-taches et évidemment beaucoup de pression alors
qu’on n’est jamais proactif évidemment se salit il s’est fait frapper, oui oui » alors « Jours de repos à la maison à jouer au playstation, tête au labyrinthe, face aux revues » parce que « Manger
des ectoplasmes, c’est mauvais, s’associer à des flatulences,
coquines et coquins, mauvais film à quatre-vingt millions de
dollars, trop de sirop-mousse dans la gueule et d’êtres-burger
extra biscuits sans jogging ».
« Doudim doum-doum » chantonne en boule Bonhomme au couchant.
1. Phantôme Bégin : Face-de-Rot.
92
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Élégance de pense-bon, Q-Burt tout verres fumés : « On va manger un cornet ? » Blinky vulveusement gomme biche : « Mangeons
plutôt ces chaises de patio à la vanille. » Q-Burt se transforme en
gargouille avec des yeux rouges ketchup, souterraine voix :
« J’adore la crème glacée au pétrole. » Les lépismes argentés se
nourrissent de cellulose et surabondent, en quoi ils ressemblent
aux gros et aux pigeons.
« Tiens, on pourrait manger des sacs de plastique à la vanille ? »
Sur le trottoir crémé de vitres et vitrines et enseignes pépites de
chocolat des passants passent comme des flammes ou des larves
de lumière. « Ou manger des âmes à la vanille ? » Ils éclatent de
rire et disparaissent entre deux larves. On entend des cris et une
grosse a le cul troué. « Nicole, t’as l’air d’un cornet avec une fesse
en moins. » Les nageurs-à-dents-de-rat mangent des sacs et des
poches. Ils mangent des yeux, des balles de golf à la crème glacée, des choses froides et cotonneuses ou des passages enroulés
comme des germes nerveux, des bras-boules et des jambes
fumées au mesquite, ils avalent des poupées de gel et de crème à
la noix de coco-silicone et café-fraise frappé vinaigrette ranch
rose avec kleenex en mousse. Un pigeon s’ébroue dans la lettre A
de l’enseigne mart. Q-Burt s’envole vers le haut entre les fesses
d’un nuage. Blinky nu mange des nachos flambant nus avec
tous ses os.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
93
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
F.P. Meny
Praxis Lopus & Damien
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
I.
Praxis Lopus
ou
La pantalonnade tragique d’un dandy délabré qui coule avec la cantine
d’argent que le monde se dispute
Praxis Lopus marche sous le clair obscur, commence par un chromatisme et
poursuit par des péripéties, ça phosphore grave de partout dans l’utopie branlante.
– Je suis le moujik enchanté, la place est déjà prise il me semble, en proie à
ma réincarnation à l’écoute d’une radio de proximité du bassin d’Arcachon.
– Un homme une femme, peu importe d’où vient l’amour, tu poursuis désespérément ta sourate au clairon et eux qui font ronron, ici t’as un accueil pour
les chats avec box individuel mais pas d’accueil pour les gens, il est vrai que
l’on va te stériliser mais pour le peu que je me reproduis, ma foi, I don’t know
what I feel about you, but I feel miaou miaou.
– Concordances de temps, Frédéric se meurt un 16 octobre et moi j’arrive (ce
qui ne fut pas une réussite mais pour raconter c’est pas cinq jours dans la
caravane qu’il faut…) Je me sens comme un poulet Positive Punk, d’abord,
est-ce qu’il m’est réellement arrivé quelque chose à force de passer entre les
gouttes ? Au moins avec une bonne éducation, je me serais peut-être fait violer, alors que là, que de chi, à part un locataire qui m’a montré sa teube, je lui
en veux plus pour le solex. La colère m’attrape et m’ébouriÅe, je pourrais
écrire avec application mais vlà le quotidien avec deux heures d’écart au
soleil, pour sûr, c’est pas monotone, si j’avais rien à dire, je parlerais de cul
comme eux. Le fils de Rimbaud est un bobo, on l’appelle Rim-bo-bo, il a pas
mal aux couilles, nous fait prendre les vessies pour des poternes, quand il
écrit TruÅaut la truÅe il jouit dans les journaux, la bienséance chevillée au
corps comme un bracelet électronique.
94
Revue Le Quartanier 3/4–2005
– Je pourrais écrire, mais vlà le truc qui colle pas, ça pour sûr, je les aime pas.
Toi, la jeune femme qui travaille au péage d’Aiton, avec ta grosse poitrine si
excitante, tu as remarqué mon autocollant swing sur la porte de mon
camion ; à chaque fois, lors de mon passage, tu le regardes. Serais-tu une
swingueuse ? Si tu lis ce message, lors de mon prochain passage, dis-moi
« Bonjour, Praxis Lopus. » Ce sera le code pour que nous puissions discuter.
J’ai un Iveco noir bien monté. Tu es très belle et j’ai envie de te connaître.
Bon, puisque personne n’écoute, demain est annulé, l’écoute se transforme
en voix, bah ça, une bonne épidémie de rage avec tous ces clébards, ça ferait
pas de mal, des vieux flippés devant Poivre d’Arvor, des célibataires et des clébards. Il est beau l’avenir.
– Je suis de tous, ça veut rien dire ton truc, prends un mouchoir, moi, c’est
l’évangile et pas celle des bourricots, rester parmi les miens ?
Le soufle de l’opéra bouÅe emporte tout, tu crois que les sentiers en huîtres,
c’est bon pour les pneus ? À Gujan Mestras, t’as le droit à un bon alimentaire
de 4 euros pour faire tes courses au champion, ça vaut le détour, deux heures
à la caisse et trois tomates et impossible de prendre une douche, faut aller
cinquante kilomètres plus loin, enlevez ce truc-là vulgate de vos mairies
hypocrites. Ce pays revendique l’universalité des droits de l’homme et pas de
douche.
– Traduis-moi en nakalaï que l’on aille aux îles Tonga ! La France aussi est en
guerre mais c’est quatorze dix-huit ; c’est sûr, quand on fait péter les grenades, ça fait peur aux grenouilles.
– Le mec là, dans le poste, il me connaît, obligé, lui, il est là dans le poste et
moi, je suis là nulle part dans la nuit, mystère.
L’autofiction te regarde par tous les trous entre les interstices du temps
poreux hors de question d’être une victime où dans les cours plaisantes et
fleuries j’embrassais la zézette de Sophie. Tous les récits vivent à l’ombre de
leur fin « dans cette diaspora de survivants saisis par la bougeotte, la maigreur du baluchon reste le plus sûr gage d’intégrité ».
Populaire n’est pas le contraire de sophistiqué, les gougnafiers ignorent le
parfum enivrant du Pacherenc, le claquement de la bulle au passage d’une
particule fantôme, les pauvres n’ont qu’à rester silencieux, la graine de
l’arbre en dormance, jadis on cultivait le chanvre pour en faire des cordes
Revue Le Quartanier 3/4–2005
95
pour se pendre, maintenant les jeunes le fument pour pas se foutre en l’air,
c’est pas tant de marcher sur des œufs que d’éviter de se faire piétiner par les
bœufs. Confonds pas un fils de boxeur marocain avec un fils de notable
suisse, mariée jeune à un pipole pendant que la marmaille nue gambade à
Montreuil dans le jardinet populaire où tu élèves des poules et des lapins.
Depuis que la relève des Dieux est assurée par les pitres, Marie trop belle pour
la province est montée à Paris, elle rencontre un riche qui a failli tuer son
papa avec un canif, ils s’installent dans les beaux quartiers, là où les drames
se vivent mieux, tu sais, ils ont connu la honte d’un stage dans la pub, nous
dit avec son arrogance coutumière l’organe oficiel qui préfère toujours titrer
sur un pote clandé que sur des millions d’anonymes.
– Amenez les esclaves dulcinées, qu’on les tripote !
– Chef, chef, elles sont plus dulcinées elles sont calcinées, c’est le Lucien qu’a
cru que c’était les frites funéraires.
Praxis Lopus furibard totalise sur l’instant de sa perte le pacte entre le cosmos
sanglant et l’âme pure du gladiateur.
– Nom d’une peau de boudin, ils vont dire quoi, les gens de la haute, qu’on
est pas instruits…
– J’habite ma colère comme le coquelicot les moissons, et le feu dévore mon
paradis dans un enclos inépuisable, ah c’est ça l’orage de Delphes, rester
parmi les miens.
Émilienne arrive pas à se débarrasser du gamin de 47 ans tout raide devant
Télématin. samu et police ont constaté le décès, mais elle y croit pas, elle
penche pour le suicide, ça phosphore trop grave de partout, le médecin légiste
va venir alors on touche pas au corps et le médecin légiste lui commande de
se débrouiller pour transporter le corps à l’institut médicolégal, bé je fais
comment moi ? démerdez-vous, arrive le croque-mort, mais ma bonne dame,
il vous faut requérir un oficier de police judiciaire, fallait le faire plus tôt,
c’est mort, là.
– Nom d’un ballet de belettes, et si on se faisait un sandwich ?
– Une bite dans chaque trou ?
– J’avale les cent mètres en onze secondes
Praxis Lopus dans le Melba-system…
– Tu veux que je te lèche les Kickers ?
– Pas de publicité !
96
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Praxis Lopus névropathe issu d’un maître zen au milieu des clones comme
une bande de photons dans le bleu indigo…
Praxis Lopus n’est pas un paradoxe, c’est un homme de sous-culture qui
planque des petits sapins en plastoque parfumés sous le siège de sa caisse
pour faire croire que ça sent bon naturellement, alors qu’il transpire l’orgueil
et la rentabilité. C’est le genre d’odeur qui remonte dans le bide jusqu’aux
aisselles.
La grande scène du dernier verre. Striptease, déshabillage franco-belge et
satirique, petite bite porte des sous-vêtements Calvin Klein, a le sourire émail
diamant, les capotes dans le tiroir de la table de chevet et prend bien soin de
plier ses petites aÅaires. Pas d’eÅet Impulse, il est en pleine concentration
érectile :
– Puis-je décemment lui demander de me sucer le premier soir ? Faut voir si je
dois la revoir ou non. Si oui, la chupa peut attendre, en attendant dois-je la
lécher pour à coup sûr la faire jouir et lui donner l’envie de (re)venir ?
Comme le lierre quand on l’attache elle meurt.
Je veux ton nectar encore et encore jusqu’à plus soif, profondément puissamment jusqu’à la nuit des temps et dans le même moment comme un testament comme un firmament (firMaman – mot dangerous I think) tu dis mon
fils Kipling je te baise encore et partout dans le Jardiland si tu veux, oÅerte.
Les ramures de ma tige te caressent également, Priscille M dans le Melbasystem, j’M. La haine je la jette.
– Je voudrais être la fleur, l’élue du Petit Prince. L’ombilic de l’oasis, l’épicentre du mirage.
– Je me retrouve en pot sous des néons dans la serre de Jardiland, artificielle
dans la silicone vallée. Je me nourris de l’air du temps, fatalement, on
m’achètera, pour recréer l’ambiance exotique et sensuelle du Sud dans une
maison Phénix de la banlieue Nord. Je suis une fleur-boussole, tournesol, je
tourne seule.
– Je voudrais tant éclore, mais le marché veut que je dure, on m’a choisie pour
que je traverse les saisons, pour que je m’entende avec le sapin de Noël, le cerisier en fleur, le pêcher aux fruits gorgés de jus, les marrons jonchant la pelouse.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
97
– On vitamine mes étamines, qu’importe mon parfum, je n’ai pas à exhaler,
je dois juste exister entre le meuble en teck et les rideaux jaunes.
– Comment me faire la malle avec toute cette terre sur mes racines qu’on a
jetée là sans y penser pour ma propre survie ? Je m’embourbe dans un terreau
de grande surface, alors que je suis une fleur si spéciale, plus inédite que mon
cousin Edelweiss, je pousse sans eau, je jouis sous le baiser du serpent, et
plus les rayons du soleil se révèlent ardents et d’une implacable verticalité,
plus mon pollen se distille en mille et une gouttes qui se mêlent aux sables
mouvants. Loin des jardins à la française, je suis née sauvage pour être éphémère, c’est là mon essence.
– Je m’ouvre en corolle puisqu’on m’en a gentiment prié.
– On essuie mes pétales de mes coulures intempestives, des larmes, de la
salive ou de la cyprine ? Cyprine, Priscille, Pistil, je suis végétalement
humaine, humainement végétale.
– Les ramures de ma tige me caressent, je m’hermaphrodite en attendant
Adonis et ses vers. Que son soufle soit violent comme l’est le Sirocco, qu’il
me prenne puissamment pour me faire exister. Je voudrais du mâle si son
désir ailleurs s’est tari qu’il vienne s’abreuver de mon nectar pour retrouver
sa candeur d’antan quand il n’en connaissait aucune autre.
– Puisse ma sève le rendre amnésique et l’attacher.
– Car même en drogues douces il vaut mieux se sentir attaché que dépendant.
– Sans me briser, qu’il me donne envie de lui résister quand il sait que je vais
plier.
– Qu’il m’assoiÅe sans me faner, qu’il me déflore mille fois.
– Pour lui je retrouverai mille et une virginités, dussé-je faire appel à mes
consœurs sur l’Oranger.
– Je n’y peux rien si je me cache pour être bleue, je sais bien que cette couleur
n’est pas tout à fait dans la mouvance.
– Seraient-ce les caravanes de Touaregs qui passent, l’air concentré sur un
zénith que jamais je ne verrai ? Elles sont allées plus loin que le poster Ikea
cloué au mur d’en face, moi j’ai parfois des rêves de Round Up et de mort aux
rats quand je réalise que je vais rester là.
Parler botanique, sans aborder Les fleurs du mal.
Je te propose le sweet penthotal, l’infinie caresse, l’ultime fragrance au creux
de mon cou.
98
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Un GR Body après le GR Soul, pas besoin de Guide Vert, on se parlera à corps
ouvert… Saoulitude for two, attention :
Il est des fleurs enivrantes et des vers de trop.
Le Narta Manga, principe actif remplacé en son brasier par une ombre factice. Les plantes à racines nues résistent toujours mieux que celles en container, mets tes tongs.
Les méandres de ton cœur dans un premier temps trop ambitieux trop long
trop. Par contre consomme autant que tu veux on the rocks directement à la
source mais rien ne vaut la campagne pour te prendre jusqu’à la lie.
Du temps du silence un rendez-vous une certaine heure une bite un cul pas
de lendemains prévus de la lèche du foutre un cul encore des gros plans des
zooms un courant d’air des bottes une jupe de l’air une voiture un capot la
bouche, quand encore tu te seras imaginé pas de fantasme du garagiste une
grange du sperme l’envie d’en découdre, pas de supériorité sociale, pas de
discours, ouvre-toi sous toutes les coutures et chut…
Laissons parler Mæterlinck : Vous ne rencontrerez que vous-mêmes sur les
routes du hasard, tout n’attend qu’un signal intérieur/tut/t
II.
Nomade en France / Damien / en mémoire
– Tous les deux, si ça fait pas longtemps qu’on se connaît, vingt ans rien que
ça et que d’anicroches.
– Tout a commencé parce que je lui ai foutu le ballon dans la gueule au collège, le début d’une franche camaraderie, mais ça commence souvent par
une anecdote, non ?
Les rounds défilent, bientôt ils se quitteront, les amis se réduisent comme
peau de chagrin, crochet sur le renégat, le faux frère embusqué de sa ritournelle endort les anges. Au bout de tant d’années, ça devient grotesque. Les
Revue Le Quartanier 3/4–2005
99
combats à la hussarde ne méritent guère qu’on s’y attarde. Damien plastronne tel l’ivrogne leur amitié foutue.
– Cette insistance de clairon à épater la galerie fatigue.
– Les cachets d’aspirine n’ont aucun eÅet sur ses élucubrations, il faut le passer par le balcon.
– Il donne dans les caractères gras et la prose de canaille arc-bouté sur ses
archétypes et vilipendant le FIS à Marseille, jamais en reste de se prendre une
baÅe, de revenir par la fenêtre ou de mettre le feu au sens premier du terme
parce qu’il est contre le second degré.
– Par exemple à la teuf des TNT, après toute la soirée à vouloir payer ses verres
dix-sept centimes (de francs, à l’époque) et sujet à une mansuétude gagnée
par le fait que dans ce milieu, lorsqu’on a une tête connue, on est pas n’importe qui, il abuse et, essuyant le refus qu’il devait attendre depuis le début,
il chope une torche et met le feu à leur son, avant même de comprendre ce
qui lui arrive, les coups de latte pleuvent et cet épisode de triste mémoire vaut
un départ précipité de la région de Montpellier, voilà bien ce qui est pénible
dans les milieux fermés, on se grille facilement, même si au bout du compte
chacun trimballe son lot de casseroles ainsi des éclopés dans le phosphore.
– Les boursouflures de sa geste sont un vrai récapitulatif du pire, un histrion
enjolivé dans le potage, interzone relatant ses exploits au bout d’un cycle
épuisé.
– C’est de l’histoire ancienne donc sans négation.
– On se connaît depuis longtemps, attention, on est frères, des brothers, tu
parles, le problème de ces déclarations tonitruantes c’est qu’elles tiennent
pas la route, tout au moins, nous, on tient pas la route, seulement sans se
concerter toutes ces années, grosso modo, on a évolué ensemble, à peu près
pareil, avec des nuances, forcément chacun ses qualités, pas toujours facile à
comprendre que nos moyens d’expression se complètent, qu’on évolue pas
entièrement sur le même terrain, lui, il a une gueule, une dégaine et un
passé, moi, j’ai mis plus longtemps à émerger, un tardif combiné à un éjaculateur précoce, j’ai donc passé un temps fou à corriger ces erreurs.
– Les autres ont qu’à bien se tenir dans le crachin des accolades et regarder ce
qu’est une pure eÅusion. Aujourd’hui, sur le ring, il s’entraîne à énerver son
monde et caquette telle une poule qui va pondre son œuf sur les atermoiements du monde et surtout sa face cachée.
– Derrière le dernier round se profile l’ultime combat à l’épilogue d’une lutte
fratricide.
– L’amitié cesse où commence l’inconvénient, c’est pas nouveau.
100
Revue Le Quartanier 3/4–2005
– Son goût de l’action, sa foi en l’homme tel Sisyphe qui a envie de pisser il
entreprend une débauche d’énergie à poser auprès de son cadre rafistolé,
s’appuie sur sa pédale restante.
– Peut-être compte-t-il s’adonner à la mécanique, non, c’est pas vrai, tout
mais pas mécano, la mécanique des femmes c’est mon rayon bien qu’elle soit
un peu grippée, lui s’invente un nouveau statut social et décidément, quoiqu’elles prennent des chemins diÅérents, nos réactions procèdent encore
d’une prise de conscience simultanée.
– Le fait de vieillir sans avoir jamais rien fait, ce qui pourrait s’apparenter à
une sorte d’exploit personnel, mais pour notre génération vissée au No Future
et sustentée au RMI, ce n’est que la pierre angulaire, une marque de fabrique
qu’on est pas près de revoir.
– Au bout du compte, pas de quoi crier venez voir, le problème de vivre au jour
le jour, c’est que quand tu regardes derrière, y’a rien.
– Et un jour ou l’autre, tu finis bien par te retourner, alors, là, c’est la claque
et de deux choses l’une, ou bien tu réagis en espérant qu’il soit pas trop tard
ou bien tu te défiles avec plein de connards qui t’amènent l’addition alors
que t’as rien demandé et que t’es plutôt habitué à te barrer sans payer.
– Avoir jamais bossé, avoir jamais eu de logement, la vie de famille, n’en parlons pas, hors zone.
– Il a tenté les arts martiaux, une séquence n’a pas sufi à raviver son physique d’ablette. Il a renoncé, trop d’investissement.
– C’est trop naze ici et on s’en bat les couilles durant une putain de paye d’années qui nous ont servies de viatique avant qu’on s’aperçoive qu’on avait les
poches trouées.
– Dire qu’on peut se fier à notre entourage pour en quelque sorte savoir où on
habite, et je te dis pas le travail. La marginalité, c’est possible jusqu’au bout
mais, moi, je suis trop animé de forces contradictoires ou bien comme fait
Damien mieux vaut tard que jamais, tracer la route dix ans plus tard en
camion, de toute façon il y aura toujours de la place à travers le monde quand
chez nous on y verra plus clair, ça, ça changera pas, mais moi je refuse maintenant de faire les choses comme un touriste, à perte, il me faut un investissement, du temps, je sais pas, que quelqu’un me fasse confiance, par
exemple, le voyage de la Sound Conspiracy en Inde, je me serais bien vu écrire
un truc, chacun y aurait trouvé son compte, parce que l’énergie, dans ce
milieu, c’est pas ce qui manque, mais il faut savoir exploiter les talents. Le
truc, c’est qu’à force de se la jouer ultra-individualiste, on y a laissé des
plumes, on fait rien sans personne et aujourd’hui le problème, c’est que les
Revue Le Quartanier 3/4–2005
101
amitiés qui te portent vers d’autres horizons, elles viennent de loin, peutêtre, c’est trop tard pour aujourd’hui.
– Demain je mets le réveil matin et je remonte le temps.
– Nous sommes nombreux à avoir fait les beaux et à déchanter dans nos clairières, putain de bordel, tellement à la merci du regard des autres, mais c’est
pas grave parce qu’avec un peu d’intelligence on trouvera toujours un truc à
faire et que la deuxième partie de notre vie sera encore meilleure que la première parce que la première nous aura servi de leçon.
– Moi je veux bien que les considérations sur le monde soient sans importance, mais alors dans ce cas il faut faire autre chose et ça, c’est totalement
exclu.
– Je finirai pas au fond d’une grande surface à étiqueter les barils de lessive et
tant pis si la réussite se mesure à l’aune des filles ; à ce compte, je les zappe.
– Un jour, on croit à ses amis qui deviennent trop diÅérents et l’on passe par
la portière passager sans états d’âme.
– Bien sûr qu’on peut se trouver à coté de la plaque, nul besoin alors d’avoir le
nez dessus.
– On peut pas être partout.
– La camaraderie qui t’enfonce de sa condescendance se bazarde derrière le
miroir où il se regarde le matin, fiévreux comme un pinson.
– D’abord notre jeunesse dépolie par la lumière et les fastes de jupes personnifiées, puis le cours a changé et le toc l’emporte et charrie ses alluvions
où quelque part nous a vu naître et qu’on se décarcasse à trouver la caverne.
– Obligé par soi-même de se rendre compte de visu que Narcisse a disparu et
lire les faits divers de serial killers au fond de sa baignoire avec son petit jouet
en plastique qui déplie ses voiles de Titanic.
– Damien rouspète saoul comme un Polonais contre son sort peu enviable, la
faute aux autres et à l’ours brun, à force il décroche la timbale, à eux deux,
un vrai concert de casseroles, grossistes en casseroles.
– Les plans de pute entre amis ne méritent pas qu’on s’y attarde, on a voulu
vivre en bande, reproduire un modèle, enfin pas Damien parce que lui ses
parents ont toujours bossé dans les assurances et passent leur retraite dans
leur pavillon merdeux alors il va pas chercher à reprendre le même schéma ;
par contre, moi, j’avais des prédispositions avec ce reup contrebassiste de
jazz puis trafiquant de drogue.
– Pendant longtemps, j’ai pas imaginé une autre issue que finir en centrale,
la grand-mère, elle y mettait du sien aussi à me conditionner, t’auras un
102
Revue Le Quartanier 3/4–2005
logement si tu vas en taule, à la fin j’y croyais, pas au logement d’ailleurs,
j’ai jamais eu ni l’un ni l’autre, c’est pas pour verser des larmes de crocodile,
mon père était à Berck, aux enfants malades et moi j’ai fait Beurk !
– Ce qui me fait chier, c’est tous ces bourgeois avilis qui te donnent des leçons
et qui voudraient qu’on leur serve de l’eau de rose et pas des histoires qui sentent l’encaustique tellement too much mais le too much c’est jamais qu’une
figure de style.
– Je crois que rien n’est pire que de se battre contre un milieu prolo.
– J’vais faire docker à Rotterdam.
– C’est ça Damien, va faire Docker.
– La mythologie de l’ablette parmi les gros bras qui se fait lacérer, cette soif
inextinguible de pouvoir.
– Comme il parle pas un mot de hollandais, il fait du tourisme et mange des
pizzas.
– Chassez le naturel il revient au galop, c’est ce que disait un pote à moi, complètement constipé, il avait trop vu son père faire du vélo, lui, pour le coup,
dès qu’il a gagné un peu d’argent, il nous a plus connus, plus invités, mais
putain, ça veut dire quoi de se croire arrivé avant la ligne d’arrivée alors que
le seul objectif est de repousser les frontières.
– Damien me kiÅe comme un ouf le jour où il frôle le suicide et se renferme
sur son territoire crustacé le jour où il rencontre Coline mais je lui en veux
pas, parce que, chacun d’entre nous, on apprécie sa tranquillité et que surtout les potes, c’est plus dificile de mettre un frein quand ils nous courent le
haricot.
– Le bougre reprend du poil de la bête, il a enfin vu l’ours et entame sa résurrection.
– Moi aussi, tu vas voir que je vais aller dans la montagne.
– Il s’assoit en position avec sa partenaire mais c’est normal, ceux que personne n’aime sont des freaks.
– Je te prends comme ça et tu me prends comme ça.
– T’es bon parce que t’es bonne.
– En plus, il a la révélation, lui qu’est toujours tombé sur des coincées du cul,
je sais pas comment il fait, moi j’ai plutôt l’expérience inverse.
– Ces jeunettes, je vous jure, quel peps !
– Les aÅaires reprennent, l’amitié trinque. Depuis qu’il a son nouveau sourire il recommence à se la jouer. À force de se prendre pour un barbare, il ne
reconnaît plus que sa tribu et se repère aux feux de camp ainsi l’indien qui
voit monter la fumée prolixe vers ses ancêtres.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
103
– Si t’as pas d’allure, les deux pieds dans le même sabot et que tes apparences
rivalisent de niaiserie alors va à la sentence au bois dormant.
– Il brûle ses ailes avec abnégation et ouvre son cœur à la machette.
– Un de ces quatre, on va s’étriper.
– La créature s’efiloche à devenir macabre et joue les superhéros en tirant sur
la foule en terroriste désappointé, se croit dans les wargames, sa catharsis en
un râle déchirant il accouche de sa figurine et met bas l’amitié. Il pointe le
calibre avec la haine.
– Il est résolument impossible que Damien soit une ablette, l’ablette est
comestible, pas lui, elle s’enorgueillit d’écailles argentées et ne porte pas de
tenue camouflage puis elle vit en eau douce, ce qui n’est pas son cas.
104
Revue Le Quartanier 3/4–2005
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Ariane Bart
MA VIE, MON ŒUVRE :
prétention littéraire n° 1
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Skia s sika iskasi akis ksai kas i skisai isk ika si kais ais
kisa isk ias kias kias kias k sai aiskais ais iask ias ias
kiaks ia si sikais kis kais kasi asi is aiskias as iksa iksasa
saikas isa saisak isak isa isa saik sai saik saiksa isa isak
isak isa saika isk ias ias ksiksa is ais aks isa ksa ik asikas
isk ia kais isa ikasi ksai asi sai i sakaskas ksa ki asiasi
saiask asiasiasi asi kas ia ias iasaiks ia sia is iaskais a s
iak is saik ais isak isak isa saiksa iaskisa isa isa sia sai s
sa siksa is ais ia ai ai aiks is is is ksa is aisias i s iaks ais
ia ia ia siks sks is is is isk a sia sia sia ska sia sias iaks ias
ia sia siak ksaki saik saki sai ksaki sik saik sa saik aki a
sa saik saki s sai saiks ia saiks iaksai kss sa s akisa kias
ias iask s is isi si aks ias iasasksakaskas iksa ksk sk sk
aiska si ksk ks ias kas kaiska sks k kss kiasiak saksiaksk
sk sk s kaii sais ai ask as sk sk sa iisaisais k sksk sk iasi
aiasks ks ksaii asi sai sk sk sk saii asi sksia siak siaksia
sia siaksias ias isak sak ksa k saias isaks a sia isai sai
sak sakasi asisak sak ska ks ks k skisaik sasai sias ias iak
sa skas ks ks kksias iaks iasia siak sia sia siakk saias ias
iksa ias isak isaki saik sa isaik saik saik saki aik sa sia
siak sia sia ia ias ikaiak sia ksiaksias ais ais aiks ia sias
Revue Le Quartanier 3/4–2005
105
ia siaksia siasiasiaksia skia s s iask as ia sia siak sia sia
sia ska sia sia sia skia skia sia sia ias ikas k ski saiksak
saksa i as isak sak sak askas i ias ias iasi asi sais akasi
kasi as iksak ak isa ias iaiakak sisa sa s aikaiakas is ias
ias ia skas ikas sai sai sai sak asi sai sai skas akisaki
saiksa ias isa ias kisa ias ikaskias sa sa ikas ias isa ias
ikas ksk sk sia ias ka ksk sk s kias iaks sk s ks kias iaks ia
isa siak s s sis iaks ia si sis isi is akas kasi ask asik ask
iasi as kiasikasisa ikask ias iaskisaki sa sa saiks ai sa
saik isa isa ik ais sia sia sia si sisai sis ia sia iaas is is ais
sia sia sias as ai s ais ai sai siask ais a isaks is aikak s
saiks ia s siaks is s aiks ia ais s aiais ais a sias ais as ai
sai siaks a siask as sa s iak sai sa sias iaskasikas iksa s
isa is siss s s sis kis s ias ai sis ks k sis i siksk ak ias as
iaksi sa s s iskaiiai ai a ia iai aai ia iakak ak ak k a ka kia
sisaisai sa s as aikas iask isa sai saiksa iask asikas i ask
ikas ik asik asi sa siaksia s sas iaksiakaias sa ia sia iaiaia
siaks ia sia siak sia sia sia siaks ia sis s iaksia s siaks ia
sai skas ia siaksia kia sia isak sia ia ia iksa sias is is iask
ia isas ias ias aiaisisiaiaiaia si sia iaiaiai s is a ai aia ia
iaiks is ais aiks ai aiksi aks iaks as ka islas ia siaksia
106
Revue Le Quartanier 3/4–2005
skals ka isai sak is ai slaksais asialsaiksalsiams la skai
sak sikas iakls kaiais saikl sak sa asikasl aslakismalkas
ikas iask isals akas ias kiaslm lksa kask asiaklmaslk ias
ask asksa iklasimas kia kaliasksai as iaslisakm salki as
as askliml kas ask iaslmas lkias asi kaslas ias iak lsam
asl askiask aslsa sal ksaik salm sa mlsakasu sls kisk
sisml s mks is klsm slksis klmss ll skuskl islmsl s k siksl
mls mlksklsisl sm s m mslkilks slk kl sislk slk skl sl m sl sl
slk sis ksi skislsk s limsil lslk s isk sil sam asiaskl msalkik
s ksklsam askl as ikaslk asl sam asl sak as kaks la sml
aslk asiksal sam aslk askisal asl kaskmaskl a ilk makm
sakl iasli asmk asl asmk sikasl ias lkakm km asil sal k
iask msa las ika ikaskml aslk am kiil as ias mlas ias ilal
as mlasail asi las mll kask isal sa mlasl sa kiasl asl l asil
asi asml ialsmalsk iasklasm laski as klaslmksaials
kikalsm sa saisakl sai sa isal sa asl asl las alsm las las las
l asl alskaiask las as sa lasksaiuask sal asl las k ksa ask
als ski k k k il l lsa las lmal asksa kas asilalsa
Revue Le Quartanier 3/4–2005
107
Uev luvoe uloe uoeu vœu oveul euo vueo lvueov lueovl
ueovllu oevluevolu eovlueovl uoevl uoevlu oevluoe
vuoevu loevuleo vuleovueo vueol vueol vueov ueov
uovuleo vueo vueol vueo luvoel uvo uveol uveol uvoelu
vou lvou volu oveluoevlu oevl oveu olvuo vuo vulo vuo
uvole voeluvoleuvo leuov luevol uevoeuol veov lueo
uevo ueov leuov leov ueo lue oelu voeuo lvueo uveol
evuoe luvoeu voe uoveluv oeuvo leuovl uovu olv uov
lueo uleo luolvu voluevo lvo lvou ovueovlueo uevoule
voueolv eo uvoevu lvoeu oeuv louo lvueo vueol v lv uvo
uvol vuolvuo vuo uvlo uveo uevol uveo ulveol uveol uvo
ueovlu eovu volu oevu lovlu voelu vou ovu olvuel oevu
olvueo euvo euvol vu loveu vl veu oevu oevu lovu ovu
olvu oveluo vuelo vueo luvo lv lvou eouv oeuo evluo evu
euvo lel vuoel ovueo leovlu oe olvue le ovulovuoleov
luveol uvl uveol uoevu oevlu ovl uvlu oevlu oevl uovel
uovelu oveu ovloeuvo lloeu lo ulo ul lou lo uvluovl uvol
uvouvovu l uvoevu lvuoevu olvuoevu lvuoeuv levu vou
oveu ououou l u ou ou ouo uo u l uooulu lo ouol uou
oluol ou oulo lu ouo ulo uol ul uou ol uou loluouou ll uu
ol u ou ou ou olu olu ou olu ou ol uolo lov oevu oeluv eov
108
Revue Le Quartanier 3/4–2005
uveol uevo luevo leuvoevuoevuo evuo uevo ukuoueo
vuk kuvoek uvk oeuokk kueok uou voke uovek u voevu
kovu ko eeok e leo vulo ueol uo luove luvo uo luoev uvoe
okv ovu ole uev lueov lvue ovk evko uveo uevk uvo luvelo
veuo evu olevuo evu kevuo elvuo evu kevu ovlu oekvu
okevu ov uevu oevu ouevo ke ov kookooo v aeav eva eva
evae vaevaeva eva e vaevae ve vea eva eva vea vea vea
eva eva eva eva eva eva ev ev ave ava ve va eva eva ve ev
ave ave ave ave ave aev aveave ve op o i ip oi o eoi ieo ie i
eo eo ie iepi ipi ia ie i i eipa i ie ip iep i i I qioqi qiqpiqoq
q iqp qiqpi qi q iqp ipiq qp qip iqp ipq iqp iq iq iqo qi qi
qipq qiq qii ipqi iq ip qip pi ipqi ipiq ip qip ipiq ipi qpi qi
iqp iipi q iqp q ip i iqp i qi iq qipq qi qipq qi qiqp iq qiqp
qi iqp qiq iq qi qp qpqpq iq qiqiqpqiqip ip i pipi iq i qi i
qip qi qi p iq iq i qip iq iq p iq iq iq iqp iq qi iqp qiq iqqp
iq iq qi qip iqipq iq i qip iiqpiqp iq l oql ol ol o ol o lo l lqo
lol olo qo ql iql ioql il qoql qio loqiplo lqil liqopl oq lil l
qip olq li lio pl il o pl l ol iqop liql o qlp lqi oql oq lislq i lqo
loql il iso lo liq oqp loli li lsiop qol il iosp oql il li oso isl io
sloqlosi ll l sol oqsl isl iosp loqs l ilos qosl isl oql osl iql
oqs oqsl iqsl oqsp oqlsi lqsi lqos lqos lqos lqs loqsil ispo
Revue Le Quartanier 3/4–2005
109
lo ilqso qosil oqisl oqsl iqslo qsoiqosil ill ilsoqploslis li
liospqosl isl iqospo lqisl isl iqsp loqsl isqol qisl oqsl oisql
iqso loqsl iqsop oqspoqisl isl iso lqlol o qlol oqpl ol loqlp
ol oqpli lielol lol oslolieli liel eole ol il ieo loel iel eel ilpe
liiepl ipl ril pl irli epir l l iroepl liril p liqli liei lie liqrielqr li
lieor pl liro iqel qeo lpiqel ll eir ploerl eq oeoi leri lpeil i
lirep oqlei eo liel ierl pqe loierl ioep lierl ierj qie leij iqpe
ll jrpq jqoj q ljqrp qor lie iep ileil oep l l piqo pqe lr jrj pql
qjeo pqlej ljr pql jeop rjl l jrpeqo jer l ljrqop jq l ljqrop lej
oqper ll jrqopeo rj l jqoep ojqe jlr jqpo eqj qej lqej opqeo
jqeo oqe lqoe jqoe ej pqjo lqjo pqor qlrj qoj qper jqoe
jlqej ljero qejro qeorl qei oej oeji oepo el rjli el jeqoj qoej
ieql ejqri oqeo iqej elr iqoer oiqel qej ioeqpoqij ljrei
oqeoi qr jqlreio qpeori jelrj iqeo qiej ljer irqpeo iqjerl
qejriroq poir jeqr ljqeio eqoi jqreil jrqeioqpr oi qjeleq
jioperqoi rljiq ljreio qlei jqieo lei jqepjoq po elqiep oqe
rjqierj ielr jeriq pori ejr lqjriqoeoi qjer ljri oepoqij lejri
oeqproi jqer ljqreio qeroi jeq jiqerp qoeir lqerj iqeop
oqei jleqrj qiero qoeij rlqej iqoeo iqje ljrqier e jriqeopor
iqejr ljr ioeri ejri eir ie lielri ri ejrij iel ilerji ejri ejirjei
jreil ejlr iejir ejr ljeri jeri eir jeij irel eji ejr eril eirl ierjei
110
Revue Le Quartanier 3/4–2005
rjij iqj lqji jiejr ijl ji jqeij ier lrj ijeqi jei ejri jqi qipl iqlerj
ilerj eqjriqrjlqpli qejr ler lrej ieri lejrqiqpei rjel jr lierji
qerjiqpoie lejr irjierj ierj iqpoeir ljer irel jirej ire lilrejl
reji ejro qeir ejre jr eroiqpoq irjl jreiqo l iej lirej irqlpor
qijr lejqr iqoepro iqjerl jrio qplori jelr jerio qer iljeqil
jreqi ljriqeolr qoi jeij iel irelrieirlqriei liel ile jrliel qo qlo
qie jrieq qpo qirleqjl jeiroqo ileqj rieopr liqej ljreiqooi
lejr iqol pei rjoeql oqeli jql rqieorl qoei lj ileo lpoqeij leji
oepoi ejr ljri oep oeirjeirjeiroerpoeil ll jrieo oriej leji
roeol rje ireo poirej lqjr iqo qjr ilqjri oqpor ielqj lrej irqi
lrqo lrqol irlej riqj riqrj iqrj iqjr iqjrqir qei oeorieirl iel
ierli lre qoli riqel iq eqriqeriqejri jqie jlqierj lqirloqoriqlr
j lj i l l lijl ijirle lireji lrejl ejil ejirjerij rej l jrioeqr oiqeierjl
l jeilrj qij reqj qoj oqrji riq ji jqij qo oqjo ejq ejij eo o ll o
loeil eil il el eoleil eileo lq lqp ql lqp lpql qeil ipqli liel ipi
epiqpl iep ipeq lqeil iqep iqe ilel ieqp ieli qpi lqeipeqi
pqieli qle pqerl ilqi elorl qeirqo proq lielqolpr qoier lqie
liqr pqor liqelr iqeorqeor leqir liqerl oqeo leirl iroqreo
riel riqel iroqpore irqlei rlqiel roqeroqeir liqerl jriej iqep
oqierq lrjrlj rir iejrie ierjeijreirjerjl jriej rlejr leijrei eirjiej
riejri ej irejirjierjiej riejr ij irejrije ejirj erjiejr iej iji jijie
Revue Le Quartanier 3/4–2005
111
ji ji jie jiejie ieji eri jierj irejriejriej eijrie i irej iejir jeir
jeirjei ie iej iejriejri jerij iejreijierjirejeirjirjijqij qpl
iqelrji qperji lqejrip eqjril jirp jqir jeirqep jiqrepj iqejr
pqerj iqpejri qejri qejp iqejrp qie jpqei e ljriqeprj qjriqr
iqejrp jqiepj qirj q pqji qjpei jirjqeij eqirpl qjie pqierj iq
qiej pqeij peiljr pejr iqpj riqpj rliqepj liqepjl iqepjriqjrq
pij qpej iep iqej rpqejr iqeplr jiqe jlqp lqieplr jqiep rlq
jieprj qiep iqe jiqpelrjqpljroqproqeirjqeil jierp liqrj plie
jqp iqejrpqo iqel qjeri qpeoriqle jreiprqi jel jqpi rel jiqe
joqpo rijq ljqir pqoi jei jqeip lirjll pqi lrjqeirjlqeprji qepl
jiel rjqipejro qel iqeljir lqje prjqiel jpej riqj rqpj qiej iej
riejriej pejrpe liejirjepirjei jlejr erj lejr plejir ljeirj qer
qoei ieql jerl ipqreiqejl jqeip qierj iqerjl iq ilqepr iqljrq
peir lqlj iqrl iqejr pqeir jlqerj qper jqier lqerj qrjiqeplr
jqilrjqipeji riqejr qlejr pqjeir qejri qjeirp qi jrqielr qjriq
epj riqejlir lepi elilrj qlrj qier qiej rqejr qpejr pqer elo eo
epleol eiepl eppliepip leipi psi piepsile isepl isp ilpiql
pqiesl iepl spie lsiel ospl siel iei sleil siels ple peiliel iel
oslpo loii sli ilspo oslp lp slpsplpslpl l l psl psl psl pselpil
sip ilp ilo plo li il po lpilspi lispeil ispli leilslpi li ll p il io pi
li opi lu u ip lu i o po ul uo lpo l u pl u o l p uo lu pu pu o l
112
Revue Le Quartanier 3/4–2005
u o l l u u keoekp ok eu koeu ueokurpk uk ueop oufuu pk
ufeu kp euo uek ufpeu kufo pkeuk ueo ueufo kuofue oue
ueouf keufo puefo kkf uofeuo pef ueo fo uefou fu kfzuk
uzpu ekueufeuofu e ek ek ueu hj eujeju ej uju ehuh ehu
huehu jheuj uhujh uhuehu heue husehuj heuj heuj
hsuh usu jusheuheuueshugh jgu e jue u seugj heusg
use useh guseg usej useh ujsehug ueg uesghu hesgu
egsueg sujhegs hge shjgusehegs juges uesg huesg
hjuges huseg hug uesh useg usegh jsegu jseug hsegh
sue usegh useg use sghu seu jseug jseug jseug hsueg
husehgu shegu jsehgu jseug jgu seug suegh usegh
usegh usehg usehgj usehgu jshegu jseug juse iseu sieu
sieug iseoisegu seug juseg useg useg usoegu jsgeuj
usegjo usejgu seigoseiugij usegj useigo sieugj usgeij
osieguj suugs jugsoisgejuegs jugs jiseg oisgeuj usegj
seioiujg suejg useog isegju seogju seogu isueg sue sego
segu segu s slse lseg les legselulugl sl se ulse e sel ileul
isel ueu ui lseiu lsegu sug sueils iuei gu seu iselug ise
gluilsuselu usl use se siel uei ugi useilg si use ui gi uigl
ui uligusil l usgiugsileu gisleugiseu guse gisel gugseu
uughusehg hulgushe ghselg hulseiguhselg hegs husl
Revue Le Quartanier 3/4–2005
113
ushge lhseg luhseg luhshseglusgel gs ehseugl hbhlr hg
hglsgu sehg sel ug lshegl ug useg hs sg hsge lgseh sehg
lgsehul seghul sgehul seguh seg husleg ulseg hulseg su
lghsue gus g gs e su eg guse uglesug ul se igeug uue lseu
u ug luse gse gisel gisel gesu ueiglegi lseug egulseig ueg
iueg lg ug hguslgh uleg hseulg usgh uesgh lgsehulse
glgse uluhs uh h gulse uhsgelh ges lhgselul hlugegses
gehl gse gseu lges ges egs gs gs ges ugl ugsugsl gsu g
gesulgesu gse g gsu lgse ughg hgsl ugsu gugsl gse uges
ugsehgse ul ges gesu gesulge ges ul ges ul ges ugshugl
sehgels hgus hsel guegs hueg us gusle guse ek ug u ugu
ug slu ug ug ug ulg useuk gu usg lseueuglieg u gueg
uselug gil uls eigl uge ugil seil ug ul usil ug ug ils u uegl
sieguse gu ugels uguesil ug us uge usg lug uslgisgisu
gieug use ueilgileu eug ueg ielgiu gu gueiglie gue guisl
su gusle giseug sueg siegl sueg usg ielguse u egu ug ugl
ue giliu eu gueilu su euslsue uleu lhu ghluglseughl gehls
u husli u hgusileuge hg usel ughgseu l eshu ugilgesug
shel eu geuilgiuges hge hulsiugel gshgslulgs hglsgu gh
gsehl gshlgse hges geshl ghlegsilu hgesulgesihg hseg
lgulggl hesgig ls lh egigesl shlge geshilsge gsehigseli
114
Revue Le Quartanier 3/4–2005
gesgse ige shlge heillhges hgesl seill eegsbse lis bslbs s
gbsglibsg sbsilibs bs is bsis lbs bs ilsibs ibsls bs beslbebe
ile ibsilbs ib b ilsbe beile be ile bsilb ie lbs e blebe ile
ibelsb bils ibeibselies ibes ibselbseisebies ilse ibe bieil
ibe bseuuls eebueslbiesue us ls uslsms s ue lm sb usl bs
ue lbs lub e biels beiseie lbs bs isb esls ebesislbisebs b b
bi lb iebls bie lbe ibse bl eib ib ib eie lbil eilb lsbeibisbiesl
bs ibse ilbse bebifeilelbs bis fiflb si ebisl be ifbs ile bse
beme be ibeoe b eie belbfi sb b ilesmfib b fielbb b fileb i
flb b em bb eil lb ie lbl ebms b eb lsb ieb smb eibf bleb bif
bifbfl f fib flfb fmfb ebi besil ei lsfmbb ifl beim bsieb iefb
lifm befb ief lbifem bie biefl bemb ieb if mife lef fl bifems
ef fe iefi me se blsb sebfi fbi lfsm lifes fi fi bif lf mseib ifb
iefb isem lsefb ief iselm e ifel msei mbieb ifeb if lefsmef
eif be be bifelms eb ill lmimi bl mb ififbi fl mfl fi if lfm
ifilsem iemsismleif bbi lmf bse fi msel biefb iflmseb if
biflefmsb bm b iflsmeimb ib bi flmb b ilfmm bi fb ifbi lfb
b iflms bb ie biebiei ebl ele ms bei ielb is leb lms bieb
iefib leb ieb ieflsma b bi lb f bilfb ifm bisb ifmb ifbi f hfbi
bif be b b hfib hb hfib hfb ib ielb ib isb ielsb hefb i beh
ielbs ehi e fleb hefi belsb hfb e belb hlflbhb hf ilfi el
Revue Le Quartanier 3/4–2005
115
bleiflf bb hifl bbhfl ifb hf bifb lf beb hfb fib filshfb hfi l
hfi bhf beisle fb hsifb hfi sbe sile bsfmb sfb hf blfbhf
ifb fl fb e fi lfb fb smb shfl sbesleismb b bhslmsb h
lsbmhdb hsm beb simebieb ielsm b bieh ib isb e lsb smeb
eiebseblsb b hl smb h ifb b eflmsefb hsflm b bh flms
bmfb f sm be bsl besb bhslmeb sheb lsmb hebhfeb
ehfm bsm mf be sheb elm bshb el fehe behsel hebe
bhflse heb l blshl bhlem bs hlehfb shfl msbeh bel bhefb
hselb smb lehme bslhem lbehf ble bhemlshehfb b b
hflsmb he blemh bsh blsmb h lemle bls bhelfb sh b b
bhfbhsl mslsehfl bhflsehb hb h lfms heh lf bhf lbehf
bhelsmb heb b hflsm bheb lfm hsef hbfeh lsemh bhe
bhfel sel hse sl bhe sblheb hlf bhefl bsmeh bhel bhesb
hsel hfbhlem bh blh lshe lbsehflb hfl bsehb hleh lseh
behfl hlme mbmle bhf blem bshb lebhl hlefb hsle
hlesb hselmf bhefl emflslele hfslh bhl fmlh bh l hb hel
bhe blhf hemlsh sel sblhe bhlefb hsb lehb fl blhfb hflel
bshel hfb hflsmhlh bhleslhelb h bh blhfl beh bhf lhf bleh
lefm sll blsl sl lmsl ble ksef se e ek ekeeb lseb ek hf blel
kekh elsl ee kse kem e e eie eeeeeeji bi iejj ei sej mf bjie
mej bj eismjef b bjiemb jeeejeimb jeimf je biem jif bje
116
Revue Le Quartanier 3/4–2005
meim jmlmlejlljelm lsej bj bllll bjeims bjelsmljs jem bjf
bls bjefl s bjelfe bsje bjflsm bjf bjflflf b bjflfb jfl bjflf lf b
jfl lj jflflfm bjlfmjelf bjlmfb jel bjslm bejlfb j lfeb lje
mbsejl ejf bsejl b jesl bsjel sme jleb jel bljsm bsj lejf bjsf
bsjle bsjel bsme bjefl e jflj les bjfls mfb jl sm bjsm bjel
bejlf jbjelseb jlemj bf mlejb lejfl je lsjem bjfb jflesjfmsejf
bjfel smefseb jflemsjfb jlmb jmfb jfmb jsle bjefl bjflflfljfb
b jfl bb fl b bjfleb jf lejf bjfb lems je lsj elj el jlf lsm bjel bjf
bj blemb jfl leb jf bje bsmb eki lkeib ml iel iel b b iem
esbe beme ebf emeb biei mecb leiemi b filimlii jfimjimb
hfi befieb i biesmb ieh bieb hfiesmb h bhfimseb heb hfi
msbe hiemb hfiesm bheifm bhfiemsihb bhsieb im m my
ym yem yey yy my èmmmè m mèmm èmmmè ll è lmlèm
èlmè lmnènlyèm nèn lmynèlmnl èynè lmyn lmylèynè
mlyè nèl mly,yml, èmnymè nèmyn èm nèn mylèylnè
lymnymlynyèlm ymnln yèlmnl menèlm eèn eèmeèen
mn èleym nè elmneènyèln èem nlèen èeymeleèyn leml
èn lmel ènèlymel yèen nè l ymeleèyn èylmeln nèlemlyèn
èylmen èyl nèn elm nèn ly ènyèlemèyn nyèlemn èlyn
èelymn èylemyè nyèelmnyèn yèlemyèn yleym èyn èel
yèen è ynèelyèemyèenyèelyè nyè yèn elym yè
Revue Le Quartanier 3/4–2005
117
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Daniel Canty
Explication de l’ombre
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
SOMBRE OMBRE
Pour conter son conte à l’enfant, le vieil homme approche la
bougie de sa bouche.
« Regarde bien.
Ma langue est un long serpent rouge qui creuse ma gorge. La
bouche est la caverne où se terre le monstre.
Les monstres nous ressemblent tous. Il sufit de raconter leur
histoire pour qu’ils deviennent aussi beaux qu’elle.
Quand je parle, des ombres virevoltent autour de la créature.
Mes chauve-souris s’agitent et me quittent. Une nuit, tu en croiseras une, et tu sauras qu’elle est issue de moi. »
Revue Le Quartanier 3/4–2005
119
« N’ayons peur ni de notre ombre ni des mots.
L’ombre n’est pas la chose, mais elle s’en tient à elle.
Elle est un des bouts de nous. Est-elle simplement une trace,
ou peut-on la compter au nombre de nos organes ? Penses-y bien.
Elle ne se transplante pas, voilà une réponse possible. Il y en
a d’autres.
Ombre : eflorescence du soleil : végétale. Ombre : créature
des surfaces : minérale. Ombre : double de nous : animale.
Et rien de cela.
L’ombre appartient à un autre règne que ceux qui nous divisent. Elle n’aura jamais le luxe d’ignorer son corps, qui est aussi
le nôtre.
Appartenant à tous sauf à elle seule, l’ombre se mesure aisément à tout ce qui existe ici-bas. »
120
Revue Le Quartanier 3/4–2005
« Comparons l’animal d’ombre à la chauve-souris. Ils appartiennent au même ordre d’idées : ce sont des aspects de l’obscurité.
Le volatile, aveugle et noctambule, nous épate en rebondissant d’écho en écho, efleurant sans s’y heurter les parois des
cavernes, les troncs des arbres.
L’ombre, elle, n’est pas seulement aveugle et noctambule :
elle est également sourde et sans voix.
Elle n’a aucun organe sensoriel qui lui appartienne en propre.
Je dirais plutôt qu’elle est un organe que la lumière partage avec
les surfaces où elle se heurte.
Vole-t-elle ? Elle palpite au gré du jour. Elle est ce cœur battant que se passent ciel et sol. Seule matière bidimensionnelle
en existence, elle a cette pureté incongrue du cercle, du carré ou
du triangle, qui est d’être ici sans y être, se collant, se confondant aux surfaces sans même y toucher, y advenant seulement.
Notre lien au monde des idéalités n’en tient qu’à elle !
Un soir de lune, en forêt, le criaillement de la chauve-souris
t’apeure ? Tu songes aux vampires ? Rien n’en tient qu’à la
chauve-souris. C’est l’ombre sa compagne qui s’ébat en ton cœur
obscur et palpitant. »
Revue Le Quartanier 3/4–2005
121
« Nous pénétrons dans la caverne, la chauve-souris s’envole.
Le physicien afirme : ‹ Tout corps tend à absorber son ombre. ›
Raisonnons avec lui.
L’ombre est faite d’une substance où ne pénètre aucune
lumière.
Nulle lumière non plus n’entre en nous : ni par nos yeux, ni
par notre bouche, ni par aucun autre trou. Au fond de nous, on
ne voit rien.
Le physicien afirme encore : ‹ Une ombre qui voudrait se
mêler à une autre y disparaît. ›
Les ombres passent l’une à travers l’autre, nous rappelant que
nous partageons la même substance que rien.
Nos opacités sont égales.
Nous et l’ombre sommes des angles où s’agrippe la lumière
plutôt que de continuer sa chute à travers rien. Car il vaut toujours mieux s’en tenir aux choses. »
122
Revue Le Quartanier 3/4–2005
« Où va l’ombre quand elle n’est pas à nos côtés ?
Nous sommes plein de recoins pour entreposer l’obscurité.
L’ombre se terrerait chez les organes, au fond de nous ?
Nos bouches sont des bouches d’ombre, nos gorges des soupiraux, nos entrailles des souterrains. Nos viscères regorgent de
cachettes confortables. Toi et moi avons des ombres au fond du
gosier, sous les aisselles, dans la panse…
On rencontre l’ombre partout où atteint la lumière, et elle s’efface avec elle. Est-ce qu’elle n’appartient pas en part égale à
l’obscurité ? Elle est véloce. Elle est rusée. Subtile et fluide
comme les globules, les microbes ou les gènes, elle nous prend,
comme on dit, pour des valises, et pullule en secret, par devers
nous. Toi et moi, des cargos commodes.
On a beau vouloir faire de l’ombre une simple chose, elle
demeure quelqu’un. »
Revue Le Quartanier 3/4–2005
123
« Et si la matière collait à l’ombre, plutôt que l’inverse ?
L’ombre ferait un corps de nous.
Agente parfaite de la contagion, dès que se lèverait le soleil,
tous, nous serions victimes de nos ombres, terrassés en pleine
lumière. Ironie suprême, toute ombre humaine s’éclipserait
avec nous ! Je crois que l’ombre refuse de prendre le parti de notre
extinction parce qu’elle ne saurait pas vivre dans un désert d’objets, marquant l’heure pour personne.
Non. N’aie pas peur de ton ombre.
L’ombre et nous ; cire et chandelle. Sa disparition est la
nôtre. »
« Il fait noir. Lorsque je souflerai la bougie, nous disparaîtrons.
Tiens-le-toi pour dit. »
124
Revue Le Quartanier 3/4–2005
OMBRES D’OMBRES
« À quoi joue l’ombre ?
Toute ombre est un événement unique dans le théâtre du
monde. Occupe une seule place sous le soleil. Sièges assignés
pour tous. Grâce à elle, le monde est en constante représentation. »
« Dans ta main, tu transportes la ménagerie de l’ombre.
Ma main imite un loup d’ombre.
Rhinocéros. Lapin. Porc. Bœuf. Éléphant. Canard. Oies.
Pigeons. Vieille dame. Le loup qui a faim et veut dévorer l’enfant.
L’ombre a un talent inné pour l’art dramatique. »
Revue Le Quartanier 3/4–2005
125
Revue Le Quartanier 3/4–2005
127
« L’ombre est l’enfance de l’art.
J’imagine notre ancêtre préhistorique, fier d’avoir trouvé une
caverne et allumé un feu, regarder danser les chimères devant
lui. Pliage, collage, mélanges : jeux d’ombres.
Dehors, les bêtes rôdent. Les ombres vivent dans la gueule
des monstres, et dans son ventre qui a peur.
Contrairement aux ombres électriques, combien plus froides
et posées, les ombres préhistoriques, issues de la flamme, sont
des êtres d’instinct. Elles s’agitent. Elles manquent de discipline. Elles ont besoin d’une mise en scène.
Notre homme se saisit donc du tison qui lui a servi à allumer
son feu domestique et dessine sur la paroi son propre profil.
Qu’arrive-t-il lorsqu’il se sait capable de laisser son double
derrière ? Il le laisse derrière, histoire de situer l’action.
L’art s’enracine dans l’ombre.
Les inventeurs de la perspective se servent de l’ombre comme
d’une boue séculaire, pour que les pieds des âmes peintes semblent toucher terre. La photographie n’a rien inventé. Nos âmes
sont amovibles depuis la nuit des temps.
Quant au cinéma, le théâtre d’ombre est son négatif. Il sufit
de déplacer le projecteur derrière l’écran pour qu’un autre film
s’y anime.
Il n’invente rien, mais rafine la représentation de ce qui
existe déjà hors de nous.
Le jour de naissance de l’art, notre ancêtre recule d’un bond
derrière le feu pour admirer son œuvre. Au théâtre d’ombre,
enjamber la source de la lumière, c’est sortir du monde.
Hop ! Son ombre s’envole.
L’art lui a appris à passer au revers, dans l’antimatière, qui
est encore une version de nous. »
128
Revue Le Quartanier 3/4–2005
NOMBRE D’OMBRE
« Je reconnais le génie scientifique de l’ombre.
La science est simple comme le soleil, le temps qu’il fait et
une branche cassée. Simple comme Il était une fois.
Toute la science est issue d’une baguette magique.
Récit d’origine : ayant planté un bâton en terre, je contemple
les mouvements de son ombre.
L’ombre sait que le temps n’est rien, mais donne leur mesure
à toutes les horloges. »
Revue Le Quartanier 3/4–2005
129
« Je me sens parfois, sous le soleil, comme une des aiguilles de la
montre de poche de quelqu’un de haut placé.
Notre âge industriel, pour s’opposer à l’éloge de l’ombre,
évoque son impermanence.
Pourtant, tant que brille le soleil, sa mécanique réalisera le
fantasme du mouvement perpétuel, qui échappe encore à toutes
les lignes de montage, à tous les artifices humains.
Une planète et son étoile : balancier et engrenages. Les horloges solaires partagent le ressort infatigable de la Terre.
Tout corps dressé à la surface de notre planète engendre son
double d’ombre, qui tourne avec l’heure du jour. Une horloge
solaire est une écuelle qui recueille le ciel.
Buvant de l’ombre, elle fait du temps. »
130
Revue Le Quartanier 3/4–2005
« Les ombres sont les brisants obscurs du rien.
La durée se reflète à la surface du monde et passe.
L’ombre révèle le temps, multiplie ses images.
Le monde s’eÅrange en ses bords, s’épuise et se brise, perd ses
couleurs.
Une ombre en remplace une autre. C’est la vie qui s’éternise.
L’ombre se retourne et l’emporte. »
Revue Le Quartanier 3/4–2005
131
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Mylène Lauzon
Je vis l’explosée Ariane Bart
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
à Antoine Boute
Je vis l’explosée Ariane Bart explosion quotidienne je
l’ai explosée explosée explosée je l’explose l’exploserai exploserai exploserai ainsi de suite témoins à
l’appui Tu vas voir de quel gaz j’me chauÅe ! et elle se
chauÅe je la pose dans l’explosion son prénom dans
ma bouche de je ne suis pas elle oh que non from day
to day but all the time nuance TOUT LE TEMPS elle
et moi qui voudrais bien comme Ariane Bart faire des
gros cacas partout rapide et expéditive certaines l’appellent l’éclair R’tourne d’où tu viens ! dans son trou de
préférence retourne dans son trou elle aime que je
sois dans son trou de préférence avec elle J’t’ai pas
d’mandé l’heure ! Get the fuck out ! la preuve Ariane Bart
l’explosion m’explose dès 8 am en deux elle ne peut
pas être seule dans son trou je ne suis pas explosée
réellement donc Tu mens ! qu’en deux dans son trou
une explosion le dico le dit merde sur tous les murs
pas juste deux petits cailloux dans l’eau je ne suis
pas explosée donc je fake OK or l’explosée Ariane Bart
elle en mille en plein dans le mille de ses mille Ariane
132
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Bart déséquilibre une moi en deux normal d’un côté
contre mille Ariane Bart de l’autre it’s fucking unfair
C’est ça, sister ! moi j’me splite en deux elle en mille
j’me laisse pas faire combative moi aussi OK je vais
m’fendre en quatre Vas-y ma grande, digère ! Chie-nous ton
poème du jour ! je pose fille vraie alors je fonce les yeux
fermés raging bull si ça peut la faire rire sans protection la même rage fille Ariane Bart dans ma bouche
mon régime de la mort mon entraînement de la mort
dans le camp de la mort Une Deux Une Deux Une
Deux dans le camp de mon idole je déchire mon tshirt sont beaux mes seins hein ? un autographe
PLEASE je suis l’Ariane Bart minois appétit sexuel
grandissant avec l’âge et la pratique et la régularité
de la pratique est la clé du succès de tout trou d’cul
conseil de vous devinez qui je mime l’explosée l’éparpillée la perdue la pauvre oubliée exposée qui
cherche sa maman et son papa parfait surtout papa
parfait partout et qui rejette tout ne le trouve pas lui
et fait caca mou et dure la crise passée peu importe
Revue Le Quartanier 3/4–2005
133
Ariane Bart t’en fera une belle et oui même à toi
même si tu ne la cherches pas tu la cherches hein
que tu la cherches je voudrais exploser comme elle
fameuse You come on measure me I’m twenty-eight years old !
même si ce n’est pas d’elle elle dit You come on measure
me I’m twenty-eight years old ! parce que c’est d’elle correct ! elle retrousse ses manches et s’en fout s’en
contrefout s’en contre-contrefout that’s it prend le
micro tout le plateau T’as quelque chose à dire ? hein ?
qu’est-ce que t’as à dire ? pardon ? de toute évidence elle
arrive à je voudrais en Ariane Bart en être une explosée pas seule devant mon écran mais avec mon band
édité sur EMI US yes sir ! ou avec mon groupe discussion Ariane Bart.fr pas .be non stop du cul tout le
temps une fille publique qui s’adresse toujours à toi
indirectement c’est dit en passant Sois pas mielleux p’tit
gars t’entreras ni dans ma tête ni dans mon cul ni dans ma bouche
got it sauf Charles pour l’explication Charles à suivre que
dans ma tête Charles que dans ma tête voudrais bien exploser comme ça comme elle explose sait exploser
134
Revue Le Quartanier 3/4–2005
quand elle explose elle explose celle-là c’est toute une
explosée facile sans gêne un poo poo par-ci un poo
poo par-là en aprèm en soirée en bar en salon de thé
en en en c’est une bosseuse T’as vu ta gueule ? Tout ce qui
pendouille ? Ressaisis-toi ! Une Deux Une Deux Une Deux ! Vas-y
push-toi up en l’air pousse-toi fort sister ! ça fait rire comme
elle parle ça en finit plus de faire rire toute sa vie l’explosée vit en petits bouts durs qu’elle me gare roche
j’te dis pas au visage quasi exclusivement dans ma
gueule à moi et je ne suis pas jalouse du quasi c’est
tout un job il n’y a pas de mystère dans c’t’aÅaire
moi gabarit avoir everyone got the picture already
mais le rythme silencieux du poétique sexuel elle
Ariane Bart détourne de sans pudeur c’est drôle très
drôle très très très très drôle M’a t’a pêter ta yeule en sang !
et personne ne comprend put the blame on the
accent ni dans le tout Bruxelles ni dans le tout Paris
sans mentionner London, New York, Tokyo, no wonder why il y a juste Charles Pennequin et en cul cul
land qu’on y arrive je ne m’ennuie pas en explosée
Revue Le Quartanier 3/4–2005
135
heureusement mon trouble everyday me trouve
m’explose en Ariane Bart M’a t’les sabler tes dents s’a
sphalte ! or ça elle ne le dit pas à Charles elle préfère
lui sortir un Vas-y mon grand Sors-le tout méchant Ton colonel j’m’le suis tapé anyway on fréquente le même bar avec
beaucoup d’admiration d’aÅection en entier car c’est
Charles qui a appris à Ariane Bart à faire la mille
Ariane Bart explosifve sur tous les réseaux possibles
sur la terre comme au ciel et pas besoin de le voir
pour le croire ça s’entend tout le monde le sait
Elle tamoureuZE Elle tamoureuZE tout ce qu’elle fait
Ariane Bart un spectacle sa tomate or certains disent
une performance car son corps y joue pour beaucoup
Rapport ! une décharge électrique certaines disent ici
un mauvais contact une emmerdeuse de première
ah là c’est unanime et Valeur à ma pomme ! elle dit
qu’elle vendrait ses prunelles sa sœur son frère pour
plus de Fais chier sale emmerdeuse de première rentre voir ta
mère ! une recette de carré aux dates et allez hop cascade sur toi sur moi sur n’importe qui par principe
136
Revue Le Quartanier 3/4–2005
mais le principal sur moi je répète j’insiste mais
reste bouche ouverte au partage avec Charles ceci dit
lève ta garde ’cause c’est une bête au lit et ailleurs
une sans répit une comme tu t’en mords les doigts
de t’être si tôt marié Idiot ! Merde j’ai déjà 44 ans, je
n’ai jamais visité Montréal, etc. D’ailleurs les
hommes le sentent bien la sentent bien sans desseins Right ! sans dessins avec son rythme silencieux
tout l’temps prête toujours prête sans besoin de le
dire mais je le dis tout de même DU CUL Moi j’aime
l’amour qui fait boum surtout contre mes fesses pas dans ma tête
Charles pas dans ma tête contre mes fesses Charles. Quand elle
se pointe tenue d’soirée un pas en arrière je fais pour
voir l’explosion d’l’explosée et oui Ariane Bart j’aime
ta tomate ta pomme ta fraise j’aime voir comment
tu fais c’est quoi ton truc pour que Charles aussi
j’aime deviner qui t’a élevée comme ça quand tu ne
me laisses pas de place pour m’asseoir Essaye même pas
sinon tu vas voir comment j’m’appelle ! HA ! Erreur ici je
l’sais Na na nana Na na nana trop drôle arrête STOP
Revue Le Quartanier 3/4–2005
137
in the name of love j’la connais ta mère ! Ariane Bart
elle est la pige pas tout mais je prétends comme ça
quelle gonflée la Je sais qui est Jacques Quartier figure-toi !,
la Nancy Houston c’est ma copine on est canadiennes pareilles !,
la Je suis sur la guest list je rentre comme j’veux c’est le directeur
qui m’invite !, la J’en ai vu du pays je voyage beaucoup petit ben
oui savais-tu que les filles sont vachement sexy à Istanbul ? et ça
fait très très très longtemps il y a encore quelques corbeaux mais
fuck sont plus sexy que moi les filles là-bas ! savais-tu qu’il n’y a
pas de sable dans le désert Joshua Tree près de L.A. ? qu’il n’y a
plus de Twin Towers à Tokyo ? Comme ça l’explosée explose
s’expose au bon endroit à la bonne heure la planète
est petite il y a des pilules contre jetlag I got it all That’s
all Say I am special Say how special I am Say what Everybody
knows Say it Sing it I don’t give a god damned fuck but Do it
NOW ! bon an mal an Ariane Bart la présente la présence forte oh que si on la sent je l’ai dit l’explosée
sans pause course les bottes italiennes, son Chanel,
son ticket pour ce que je sais faire prendre une pause
je sais boire un café griller une cigarette reprendre
138
Revue Le Quartanier 3/4–2005
un café acheter le journal lire le journal remplir mon
agenda d’activités culturelles activités culturelles
subventionnées le lundi mardi mercredi jeudi vendredi samedi dimanche lundi mardi mercredi jeudi
vendredi samedi dimanche lundi j’aime les LUNDIS
ce que je sais que je dois dire pour l’exploser l’explosée à la première heure Ariane Bart M’a te faire ravaler
ta langue p’tite conne ! tout le monde t’aime même papa
maman même papa ça va ça va pousse Ariane Bart
pousse-moi pousse fort concentre-toi allez je suis avec
toi ma grande
WM as in With Me (W en EN double U M love me tender love me true)
Incessante tension
De rêves épuisés
Qui lichent les plaies
Que les vieilles plaies
Célèbre au champagne
Revue Le Quartanier 3/4–2005
139
et explose de lait
Dans ma vie
Jaillissent de là formes
Bêêêtes et belles
Une ânesse au sommet
Qui redescend près du lac
Elle a soif
Une dizaine de garçons
Moyenne d’âge 23 ans
Qui me rendent visite
Dans l’lac
Faire mieux, non ? Plus bêêêête, oui ? Silence ton rythme Bâtard !
Ariane Bart une fois explosée dans l’explosion elle
veut plus toujours plus de garçons de papas d’histoires de bites au galop et au ralenti de mecs qui
savent la retourner comme une crêpe et hop v’là la
140
Revue Le Quartanier 3/4–2005
confiture rien ô que non qui pourrait concerner de
près ou de loin à son explosion centre sa tête d’explosée adorable Ariane Bart elles est mille à me fermer
ferme à me nouer la langue aux tripes à m’envoyer
en l’air partout sur la planète avec n’importe quel
singe pourvu que je n’écrive pas que que quand vient
le temps d’écrire j’ai la crampe la peur le pique-glace
dans l’cul des images toujours trop belles les mêmes
en tête pour que personne ni rien n’y vienne pour
que rien ne vienne dans ma tête Charles ouf sinon
que cette explosée qui ne veut rien d’autre que de
m’exploser comme elle Allez lapin t’as presque écrit le livre
de ta vie ! Il ne manque que Papa mon caca goûte bon goûtes-y
please ! Ariane Bart Lâche-moi ! Tu devrais m’écrire ton plus
beau poème ! Allez ! Up ! Forme belle Une Deux ! Gratuits free
hommes garçons black muscles beat bondage blow
Paris deep défi sexxx noir galerie photos ta bite animal couilles matures spanking golden bitch baveuse
et cætera et cætera jusqu’à ce qu’Ariane Bart s’endorme me prenne la main et suce mon pouce douceur
Revue Le Quartanier 3/4–2005
141
m’appelle papa papa c’est moi je lui dis Ariane Bart
tu es belle ma belle explosée tu es la plus belle des
plus belles explosées j’aurais dû te le dire Ferme ta
gueule ! Couche-toi pis tord ! Elle ne dort pas fait semblant et moi je pense à demain quand Ariane Bart va
s’y remettre et que je vais essayer comme elle d’exploser d’être l’explosée et que je vais la chauÅer pour
qu’elle explose plusss un café un refill Ariane Bart je
ne dors pas vraiment contre toi je pense à autre chose
quand j’écris si j’écris je t’explose mon explosée tu
n’es tout d’même pas bêêête Ariane Bart j’ai une vie
Une Deux.
142
Revue Le Quartanier 3/4–2005
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Philippe Charron
Concernant le stock de basting du patio.
Mode de plaisance indistinct.
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Habiletés métriques.
Repas alternés d’épreuves.
L’inauguration prémâchée peut s’interpréter par entonnoir.
Douter de sa validité en raison de l’ablation des angles réglés.
Les commissures faisant obstacle à une pondération impartiale.
Subitement, l’envie pour quelques en-cas ; une distraction propre.
En présence de la mie, déambuler autour du puit et en revenir.
La mesure détournant la garniture aux solides opérant.
Une trappe bien placée minimise la portée du panonceau des circuits à
découvert.
Les amorces reconductibles ne sont pas à éliminer de la ruse.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
143
Un sondage.
Fin du pressentiment.
On n’amadoue pas la pelle au matin.
Plutôt envoyer en reconnaissance.
Il est superflu de reconduire par soi-même ; le ravinement est rapporteur.
Bouche bée devant un extrait de sédiments dont la provenance sème le
désarroi.
Comment autoriser de tels déchargements ?
L’excroissance et les démarches réconciliatrices des groupes rendent
invraisemblable la réussite du colmatage.
Tant pis la maison ne sera pas exhaussée.
144
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Une feinte inutile.
Évidemment.
Édifice : référence à la prospection.
La preuve du réapprovisionnement est révolue par les cavités.
Qui est l’assassin (non coupable) du surarbitre ?
En temps d’eau, la plante ne se compromet pas d’elle-même (le diverticule
confie par malaxage).
Superposé d’être de l’extraction aux attributs.
Où facultatif.
Une démangeaison en troisième.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
145
Redémarrer.
Contexte des occupations journalières.
À partir de renoncer à la toponymie, sans s’abstenir de dissiper le galet
(suçant en série).
Comment surmonter le terrain d’une comparaison de crustacés si la bourre
et la paralysie sous-tendent le boîtier ?
Goût perdu et région réduite.
Un souhait : débiter le contenu du restant en évitant la dystrophie.
146
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Indisposition devant l’aqueduc.
Exploit indiciel.
Distraction (songer aux infections virales) sur la coïncidence des arcades.
S’entendre sur la facture de la déviation du bras fluvial est impératif
(la contamination par poignées de mains).
Presse.
Une décrue des provisions de l’agglomération qui s’étend (une maison
remplie de demeures).
C’est de réactions aÅectives dont il est question ; l’insipidité de la substance.
Autant d’orifices et de dents sensibles à assortir.
Le fluorure est une carence évidente.
S’abattre devant la routine du relief (l’aposiopèse ne fait pas le poids devant
l’architectonie iconique).
Une boutade durant la collation.
Pour une fois, l’eau sera dans les hauteurs.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
147
Un préavis sans semblable.
Objection récente.
Les pourtours agencés des fontaines ouvertes prolongent le besoin
incalculable des illustrations.
L’arrosage épuise le daltonien.
Plus d’empathie aucune pour ce qui n’a pas de dent.
Où était la foule quand la Madone s’est dédoublée ?
Laissée seule, aucun témoin lors de la fermeture des valves.
148
Revue Le Quartanier 3/4–2005
Une manière d’être de la dilatation.
Tenir en deuxième.
Même si l’institution certifie : « L’eau exerce une remontée,
submerge les pavillons », l’assise d’une surface de réparation n’est pas
négociable.
C’est un épuisement inaltérable, loin des matières légales.
Tout en palpant l’incompatibilité des surfaces (une tourbe riche et
absorbante par rapport à un ciment réfractaire à la détente) ramener
l’outillage dans le panorama par épaulés-jetés.
Du trouble à couler parallèlement.
À l’envers d’une circonspection par enduit.
Quant à la décalcomanie, le filet et ses zones bloquent le report de la
raquette directement à sa ligne.
En séquelle la balle avertie du recevant.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
149
Un recalage.
De bonnes intentions.
Devant l’oÅre de l’abreuvoir, exiger les environs, forcer la reconnaissance
des autres bassins.
Trop enclin à la promenade, une bravade contre la canicule s’avère
présomptueuse.
Comme motif principal : la dimension capitale de la terminaison de
l’herbier.
Un sac cynique et inarticulé.
Suit le drainage des collections liquides comme disproportion des soins
(capter une coulée insignifiante).
Voilà le pis de l’aÅaire : la plaie est amphibologique.
Dans un lit qui ne nous revient pas, des pensées moroses.
Plancton.
Formulations d’empêchement.
150
Revue Le Quartanier 3/4–2005
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
Christian Zorka
Trois poèmes
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …
PILLAGE
Le maire boit un verre d’eau minérale
en haut du beffroi.
(Les pieds sur un bidon de lait ;
du coton dans les oreilles.)
« Comment puis-je leur expliquer ? »,
somnolant.
« Démiurges du monde, réunissez-vous !
La vallée verdoiera et le ciel bleutera,
les chèvres gambaderont,
c’est vous
qu’elles remercieront.
La terre vous sera redevable et sous votre nom ! »,
désireux.
Sur la place attendent deux pelés,
un chat et trois tondus.
« Comment puis-je leur expliquer ? »,
demande le maire, pétillant.
Ça passera,
Revue Le Quartanier 3/4–2005
151
pense-t-il.
(No pasaran !)
Le maire ronfle comme un
livre posé sur sa tranche.
Le bedeau
quadrille la place où le chat a soif.
Mais
les poils labourés par le soleil,
le chat s’ennuie
et s’en va derrière une poubelle.
Pelés et tondus attendent
(pourtant)
que le maire se réveille :
il faut qu’ils voient sa moustache qu’on dit auguste.
Pendant qu’il dort, l’œil du maire
joue au billard,
peureux que les premières
pluies, les premières neiges
ne surprennent le maire.
(…il faut qu’Annonce soit faite
avant cela.
On aurait dû se contenter d’afiches,
pensait l’œil.
Plutôt que
d’annoncer la nouvelle
comme ça, de but en blanc,
à l’assistance nombreuse.)
« Comment leur dire qu’
152
Revue Le Quartanier 3/4–2005
on a hypothéqué-vendu l’eau ?
et que
jusqu’à l’eau de pluie a un prix,
et que du coup,
Seront interdits :
Seaux / Bonnets imperméables
Aquariums / Vases
Sacs en plastique / Caisses évasées et brancards…
…Même à ma mère, à mes conseillers,
je n’ai souflé mot.
L’exorde se fait attendre :
somnolons encore un peu, les mots viendront.»
« 1. Les enfants ne pourront pas se lécher
les mains pendant les tempêtes.
2. Les pots de yaourt devront être rendus
au supermarché le lendemain de l’achat.
3. Les chauves seront postés le long des routes
pendant bruine et crachat pour surveiller (strictement). »
Les sept coups sonnent aux horloges,
l’heure est au :
Ehen, hen, hen ! Mna dies, Monsieur
Mna dies, et vobis, Messieurs. Hen, hen, hasch.
« L’eau sera plus propre,
elle sera plus saine », entama-t-il,
mais l’assistance était déjà partie
avec les marins d’eau douce
et la vive répétition des étoiles
(plus de notre ressort
loin de la terre
Revue Le Quartanier 3/4–2005
153
gémissant ronchonnant
car l’eau – !!)
…partis réclamer l’eau au ciel
en dansant une danse vieille de 1000 ans
pour inonder le beffroi :
No pasaran !
L’eau nous appartient !
154
Revue Le Quartanier 3/4–2005
RÉPONDEZ RÉPONDEZ
À quoi bon demander à un astrophysicien
des secrets d’astrophysique ?
NON
L’armée avait trouvé son arme :
Les anciens tortionnaires s’étaient
bel et bien trompés :
Il faut les extorquer au biologiste,
au cuisinier, ou à la
voisine-qui-se-lave-pas-les-oreilles,
voilà par où il faut creuser
pour en savoir long.
(Enfin !
La Responsabilité !)
Derrière ce mur de béton
des enfants de cinq ans interrogent les otages.
Poisquor ?
Quorpois ?
Cinq hommes devant cinq enfants fixent
leurs regards pour scruter les questions.
Quoipois ?
Pourquor ?
L’incompréhension :
pas un prétexte à silence,
crient les enfants : PARLEZ. RÉPONDEZ.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
155
Il doit y avoir des fautes de frappe,
pensent les détenus. Et puis,
ces enfants, c’est pas sérieux.
Quipuis ? Quepoux ?
De nouveaux mots s’inventent au fur
et à mesure,
de nouveaux mots pour poser et reposer
les mêmes questions, encore et toujours encore.
Les enfants fixent fièrement les supérieurs,
debout derrière les otages,
matraques à la main comme des pères et des mères.
4 h du matin :
les choses vont de mal en pis :
les enfants se fatiguent s’ennuient :
les questions n’ont pas de sens,
il n’en faut pas moins répondre,
assènent les enfants.
Ils l’avaient bien compris, les types de l’armée :
Extorquer les secrets
nucléaires au commis voyageur,
au boulanger.
Racler le fonds. / Tisonner l’eau et verser le feu.
(Une rémission telle qu’aucun pape
n’ose l’envisager.)
Ils écouteront jusqu’à la mort
156
Revue Le Quartanier 3/4–2005
en essayant de comprendre.
Poisquor ?
Quorpois ?
« Je comprends, presque. Une dernière fois, s’il vous
plaît. J’y suis. Presque. »
RÉPONDEZ.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
157
LA SALLE DE BAIN À UNE HEURE DU MATIN
Après les Tartares, les Murmures,
un royaume de gendarmes à genoux
embrassant le béton
et s’imaginant frapper
avec des cuillers les radiateurs :
La tuyauterie transmet les échos :
le pouls communautaire.
C’est la nuit,
là où paissent
insectes
et
sicaires.
…toujours une oreille qui n’entend que la musique du
voisin.
Et pourtant,
sur le pallier,
c’est la loi du silence,
on lit sur les lèvres que tout le monde dort.
(rien)
Sauf,
que dans la ville des mécontents
sous une grande jupe étoilée,
de petits êtres s’en vont dans la salle de bain :
se jucher sur le bord de la baignoire
coller l’oreille contre le mur :
158
Revue Le Quartanier 3/4–2005
surprendre l’air qui aurait pu être leur air préféré et
se dire qu’on aurait dû naître à côté.
« Béni soit l’architecte qui parle contreplaqué et vengeance ! »
« Béni soit l’architecte ! »
De l’autre côté de la porte refermée
la famille s’est endormie.
Nul ne sait que vous êtes là à l’écouter
la musique du voisin.
Revue Le Quartanier 3/4–2005
159

Documents pareils