Erin Mouré, avec Elisa Sampedrín, avec Steve
Transcription
Erin Mouré, avec Elisa Sampedrín, avec Steve
… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Gilles Amalvi … Samuel Rochery … Guillaume Fayard … … … … … … … … … … … … … … … … … Erin Mouré, avec Elisa Sampedrín, avec Steve Savage … Sylvain Courtoux Louis-Philippe Hébert Patrick Poulin F.P. Meny Ariane Bart … … … … … … … … … … … … … Daniel Canty … Mylène Lauzon … Philippe Charron … Christian Zorka … … … … … … … Anne Malaprade Steve Savage … … Xavier Person Xandère Sélène François Gonin … … … Loge Cobalt … Lionel Destremau Jean-François Chassay … … … … … … Christian Larouche … Daniel Canty Ludovic Bablon Daniel Laforest … … … … … … … … … … Lisa Robertson … Judith Goldman … Jon Paul Fiorentino … Julius Nil … … … … … … … … Nick Lambrianou … Xandère Sélène … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Revue Le Quartanier 3/4–2005 poésie, fiction, écritures … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Gilles Amalvi, POÉSIE (d’amour) ................................................ 5 Samuel Rochery, Les reduplications (extraits) ................................ 17 Guillaume Fayard, prefab ....................................................... 28 Erin Mouré, avec Elisa Sampedrín : Les petits théâtres Sylvain Courtoux, Nihil Inc. ..................... 39 .................................................... 71 Louis-Philippe Hébert, Correspondance de guerre (extraits) ................ 81 Patrick Poulin, Applaudissements ............................................. 88 F.P. Meny, Praxis Lopus & Damien ............................................ 94 Ariane Bart, Ma vie mon œuvre : prétention littéraire no 1 Daniel Canty, Explication de l’ombre .............. 105 ........................................ 119 Mylène Lauzon, Je vis l’explosée Ariane Bart ................................ 132 Philippe Charron, Concernant le stock de basting du patio ............... 143 Christian Zorka, Trois poèmes ................................................. 151 CAHIER CRITIQUE, poésie & fiction Lisa Robertson, Salutation ........................................... 161 .................................................... 201 Judith Goldman, Vocoder (extraits) ........................................... 206 Jon Paul Fiorentino, Allô Sérotonine (extraits) .............................. 216 Julius Nil, Mouvement : premier ............................................. 224 Nick Lambrianou, Mouvement : septième Xandère Sélène, La Sémiopolèse .................................. 229 .............................................. 235 Notices biobibliographiques .................................................... 241 … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Gilles Amalvi POÉSIE (d’amour) … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Début 1 Votre âme est un… une armoire une… un écran ultraplat haute définition … [rires pré-enregistrés] Un vieil homme barbu cherche ses mots dans l’obscurité. On l’entend marmonner. L’histoire Un parc solitaire et glacé. Deux ombres s’approchent, elles te proposent un marché : « Écrire un poème d’amour. Le nombre de signes sera laissé à l’appréciation de chacun. Le thème traité sera : la disparition de l’être aimé. » Revue Le Quartanier 3/4–2005 5 Début 2 Tu voudrais composer une balade pour eux (rien n’est écrit encore ; vous œuvrez pour vous dédire. Un banc de promesses vous sépare. Un renoncement de circonstance : à l’amour, à ses bancs de sable, au repos des adjectifs.) Les voix Elles disent : Pour une fois, disent-elle, pour une fois, acceptez. Elles disent : Trouve-toi d’autres formules, tu as déjà dévoré ce qui restait dans l’urne : des yeux, des regards, des visages, de la cendre. Les ondes de la radio sont déréglées, les nouvelles marchent par quatre. On n’entend plus qu’une seule voix. Ou encore : Recule encore un peu encore un peu, rapproche toi d’elle que nous puissions prendre la photo-souvenir. La balade Le passé circule entre deux eaux, cette fois l’épuisette est vide 6 Revue Le Quartanier 3/4–2005 La nuit résonne de mille pas Elle est là pour que tu n’oublies pas Un marché est un marché Un marché est un marché les poèmes sont des pactes, conclus avec un nom figurant à la page cent trente d’un annuaire périmé Tu te laisses guider L’inconnu l’a prise par la main, elle s’est laissée emmener sans méfiance. Tu entres dans le chemin profond et sauvage Précautions d’usage Il reste à trier entre les images, celles qui te seront présentées là-bas, dans la chambre noire. Avant de commencer, tous les visages auront trouvé le repos, dans les noms, privés d’adjectifs, privés d’ombres et de reflets. Un refrain sur un disque qui craque. Il reste des lettres à envoyer. Elles sont posées là, sur ton bureau. Elles ne te sont pas adressées, elles ne sont adressées à personne. Tu voudrais – une image / une exclamation / ton bureau (les déchirer) – un refrain / la migraine / jouer plus douce (les déchirer Trier) – du poison dans les timbres / le monde entier / d’ombres et de reflets (la mort Trier Commencer) – l’usage / le papier à lettre bleu (prendre des précautions Déchirer) Revue Le Quartanier 3/4–2005 7 À quoi tu penses? À quoi tu penses ? (coupure de courant : contour des fesses, jusqu’aux cuisses, et plus haut le début de la taille. La lune et le nombril se regardent sans un mot. Poils des aisselles.) Images « Je ne te montre qu’un extrait du film. C’est le passage que je préfère. – Je préfèrerais le voir en entier – Tu me fais chier. Regarde ! – OK, OK, je regarde » J’allume une cigarette Lui aussi, il allume une cigarette Il lui demande d’agiter ses cheveux : « agite tes cheveux, comme ça » puis il donne cinquante dollars à son ami. Il fouille dans son pardessus, sort son portefeuille et sort du portefeuille quelques billets qu’il tend à son ami : cinquante dollars. Ça y est : il est amoureux. (« Je vais te présenter une fille. Tu auras envie de la baiser. – Je ne baise pas, je tombe amoureux. – Alors je te parie 50 dollars que tu tombes amoureux d’elle. – OK ») Quelques images en trop qu’il convient d’oublier ou de ne pas regarder en face 8 Revue Le Quartanier 3/4–2005 OK La parole comme résultat de vos conversations passagères au-delà des aveux tu cherches quelque chose La femme 1 Bonsoir monsieur Bond Ricanement. surpris de me revoir ? Voix dure. Apportez la femme ! Entracte Inséminations artificielles : Orphée dansant sur plusieurs rives. Autour de lui, de fausses bacchantes en chaussettes maniant des couteaux en plastique. Eurydice survient en pyjama et chante une ode à la gloire du dentifrice : « Une haleine pour marquer des points ». Sourire d’un Orphée tel qu’en lui-même : sale, en guenille, traînant pour l’éternité son armée de morpions. Eurydice : « Orphée, test-sourire numéro 1 : charmer ma mère. Are you ready ? » Eurydice disparaît dans un grand nuage de fumée. La femme 2 Vous la connaissez ? Un temps Monsieur Bond ? Ricanement sinistre. Piscine pleine de piranhas aÅamés. Revue Le Quartanier 3/4–2005 9 La poésie d’amour conserve l’amour Pourtant retrouver (l’amour : « pour l’explorer, pour la construire elle / elle et sa fuite / pour la construire blanche d’un édifice écroulé / pour lever le sable dans l’accord / et le voyage dans le bulbe des mains ») une parole ancienne enfermée entre parenthèses. Lecture des poèmes le matin. (« sel des seins, des lèvres, sel de la taille lorsqu’elle s’attache aux hanches ») Ensuite tu as lu et relu ce poème d’amour, tu l’as trouvé très beau, tu l’as même lu à Sarah Il: récit Il est avec une femme avec elle sur un lit Plus tard, aux toilettes Il se passe de l’eau sur le visage ; au dessus de la glace, il y a la lettre que son frère lui a écrite pour son anniversaire : « Il convient d’adopter la règle syntaxique de l’enfant, lui explique-t-il en revenant dans la chambre, particulièrement pour parler d’amour » Je suis content de faire ton anniversaire. Tu es grande 10 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Elle ne comprend pas (Ton regard est beau. Tu es nue) Sappho 1 Un vieil homme barbu remue dans l’obscurité. Il ne parle plus. Répondre à cette promesse, laissant saigner les points déposés par le temps « … de l’amour … espérer » la réponse « Tu comblais le désir… » aux lettres conservées dans un carton, une chaque jour (les déchirer prendre des précautions) « draps : rien n’eÅace la torpeur » (rien maintenant rien) le lit demain Revue Le Quartanier 3/4–2005 11 « Las, te plains-tu ? » plus douce la mort Mais tu comprends tu comprends… Sappho 2 (la jalousie) Sappho, putain grecque Un copiste s’avance. Il déchire un livre, se gratte le menton, gêné ramasse les morceaux et les jette dans la corbeille à papier. La suture, Putain Fut si longue. (les poings laissés par le temps sur l’argile sèche s’eÅritent Calcaire d’un mur d’ombre ouvert entre nous) Est-ce que tu veux répondre ? Salope (Page d’os sur page de peau page d’os sur bordure d’écume la mer est grecque et tes filles sont noyées) Putain, salope, Réponds, catin 12 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Sappho, Retour arrière Il vaut peut-être mieux que l’on se quitte mais tout n’est pas fini, ce n’est pas possible (tant de mots, nœuds qui rampent de toi jusqu’à moi sur la table jaune couverte de miettes) mais tu comprends tu comprends ! (à frapper le plâtre des murs à retenir le coin du lit à manger l’obscurité seul à saccager l’assiette le silence) rien maintenant rien tu comprends tu comprends ! pensée : joie maintenant joie tranquillité du lit demain le lit demain lit-demain (rien de plus facile) le téléphone Revue Le Quartanier 3/4–2005 13 la réponse combien de lettres ? pourquoi tout ça ici ? tout se cabre et se raidit répète après moi : rigole ! : dors chuchotement : alors qu’il sufirait d’un mot glissé à l’oreille celui-là, oui, que tu refuses d’entendre (c’est entre nous, personne n’en saura rien rien maintenant rien vas-y) : dors Ce n’est pas une question. Non, je ne te demande pas de répondre qui a parlé de répondre qui ? Est-ce que tu veux répondre ? 14 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Exode Il n’y a qu’un seul poème (dans l’obscurité qui dort : un couloir sombre, très long, éclairé de néons LE MONDE entier Tu es seul entre les murs à imaginer la rue le vent les arbres tu pourrais marcher tout droit sans être arrêté par rien Mais tu n’avanceras pas tu préfères rester debout à attendre ou à imaginer dehors debout te rencontrer dans la rue sous les arbres) un seul DO NOT l’amour poème entre les murs C’est ça : (aimer) quelques noms oubliés auxquels s’adresser L’amour DO NOT DISTURB Une bouche épinglée on ne se méfie jamais Assez OK maintenant rien enseigne morte MON AMOUR sous la pluie de néons mastiquer plus souvent Le lit pensée joie maintenant amour maladie des lèvres gercées Craquent les mots rouges le sang froid dans les nerfs cisailles les dents Plus profond le trou Tais-toi encore la langue je ne veux plus douce Putain plus douce t’entendre tu dors ce palais gercées contrat des poignards notre rencontre promesse des néons incrustés dans une image une ombre CIRCONSTANCES les dents motifs du cœur contre l’usage Deux plaies vives d’habitude la rage Des lettres à déchirer la saveur plus douce vas-y la chair Revue Le Quartanier 3/4–2005 15 ouverte les corrections d’autres voix tu dors ? t’entendre pourquoi le téléphone encore notre mensonge dis notre mensonge Dors ! promesse incisive les corrections vas-y mon amour do not dire Le reste 16 Revue Le Quartanier 3/4–2005 … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Samuel Rochery Les reduplications (extraits) … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Animaux froissés L’aimer elle comme dingue douché, et une ligne, l’aimer être exact en serrant le poing plus fort sur les idées : sinon je ne sais pas quoi lui apporter, ni à elle qui fabrique du désir en permanence, ni à la phrase 100 % publique. Le sexe et le stylo engagent la même histoire de peau déviée. Peau ou le timbre vraiment et non l’ornement bêta de la chaise possessive la plupart du temps, d’un tambour avec ses plis de tambour (ou c’est le son de l’aller-retour comme pour les jambes Chercherie, même si tu mastiques un bruit général de mer, de Tête Marquante) et je vois le recours à toutes sortes d’animaux chez Weininger, dont le cheval, le crocodile et le chien, qui sont des sexes au 2e étage. Comment a-t-il raison de se méfier (W.) des intensités de Sexe Pur en dépit du refus, ou de son ignorance d’une tendresse, de l’oubli du morceau de sucre à lui donner pour quand même : « Je me souviens de Batterie et d’Artichaut sous les doigts » Revue Le Quartanier 3/4–2005 17 (cf. la friandise violente de Keats). Stop. Ah, tendresse impossible si je ne coupe pas le direct d’une paire de gants. Oignon de glace. Et un Traité du Baiser ne vous touche pas avec la bouche. Qui dans l’affaire de Phrase peut encore dire un affectueux, direct et tunisien Ma gazelle pour Ma petite femme, à l’Occupée de tant de sentiments forts – mais elle est seulement la Noyée sérieuse du Dans le vague du cerveau de son Bartleby qui planche sans délaissement notoire. 18 Revue Le Quartanier 3/4–2005 La femme de Lébédev Quelle reine des Toutes Accrochées aux signes-signes et aux cartes, quand même. Et quel discours de régisseuse en béton apparemment peut faire oublier une langue que veut Lébédev (que beaucoup veulent en principe), plus des comptes et des métronomes mineurs, une langue sortie des doigts qui ne brillent pas en société, des mains de sa balançoire rentrée à lui, l’homme d’à côté du salon. Mais il ne parle pas. L’ami bruxellois me fait remarquer : la dame du Contrôle, elle qui parle, pense sur 10 vagues dans un bocal de sensations et de sensations claires ou non et elle devrait mieux combiner les quelques paires entrevues de gants sensitifs, les morceaux essentiels de la tête sportive – on parle de Tête dans l’idée de la rive à mouvements (soit un vœu de naïveté érudite). Et nous ajoutons tous les deux : évidemment elle est fausse enfant dans l’expression, pas du tout un enfant du Synthétiseur Verlaine-Tiouttchev. Le problème : la bouche de coton est une influence. C’est dramatique. Comme le vert pur bloque le cœur mal équipé. L’Hyperémotive contrôle l’esprit du mari féminin toute sa tête atlantique (idéalement génialité limitrophe) et alors monsieur l’enfant fait jerk, jerk en société sans le vouloir. (L’enfant + les nerfs de l’enfant – l’addition que Lébédev ne fait pas seul.) Revue Le Quartanier 3/4–2005 19 Moyolnonotzani, tlayolteuiani Des savants de la région dite du Petit Poucet écrivaient des livres à eux comme le beau Chant de Chatouilles sur de l’écorce battue ou du papier tissé en fibre d’agave. Oui déjà. Des livres précis chez les premiers mexicains. Longue feuille pliée, fermée par deux planches très décorées. Voilà de l’encre noire + de l’encre rouge. Du pays des deux encres, disaient les savants, sont venus ensemble le Musicien, le Bâtisseur de cités, le Dessinateur de codex et Ceux qui pensent avec du geste, du geste dans la tête amoureuse, ou dialoguent avec leur coeur. MOYOLNONOTZANI mais déjà on se demandait : « quand devient-on TLAYOLTEUIANI. » Quand, un homme 20 Revue Le Quartanier 3/4–2005 qui divise bien les choses avec son cœur ? La question a du sens, ceci dès les orniérages mythiques. Est-ce qu’on peut dire : tous les enfants, peuples en enfance sont à l’époque du poème ou de la division sans savoir ? C’est possible. Un baby et un sauvage sont des maquilleurs instinctifs. Ils ont, très fort en eux, le besoin de découper de déformer du monde où ils habitent parce que Steppe en boule les ennuie à mourir, à mourir. Noblesse sans le savoir. La chose : ils sont assez Steppe comme ça. Et il faut les épaules de la division par cœur. Les moyens de voir des plumes bariolées là où Nature manque de jambes, ou encore d’aimer les étrangetés. Des épaules, des outils. Même si le maquillage des joues, cils et yeux naturels, Revue Le Quartanier 3/4–2005 21 a ses raisons contenues dans le désir de pousser naturellement. Un poème sert de pensée au cœur enfantin qui veut s’entendre battre dehors. Il est au mieux une petite page de l’histoire de la division d’un sauvage en deux. 22 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Boire, ou De la personnalité Aucune lettre de candidature à la Walser ne dira comme d’habitude : voilà mon Moi, moi pas Quidam et prenez-le. Mais toutes souligneront un héroïsme des priorités chinoises de la personnalité qui vient aux nouvelles (personnalité, ou l’Ensemble des Motivations Discrètes – car elle est une force un peu née de la tonne de chevelures mastiquées à mourir sous le regard de Méduse de maintenant-ici-et-là) dans le métier parallèle de l’Enfant Deux inécouté, par exemple : non, ma tête ne boit pas n’importe comment la variété. Revue Le Quartanier 3/4–2005 23 Baudelaire et Michaux Il demandait qu’on croque ou peigne une bataille à 100 km/h avec que des bâtons de rouge, de bleu de blanc et de noir sur la toile. Résultat : quand M. s’y colle les soldats sont des néologismes. Un fouillis de bâtons où l’on peut voir la cuisine des bâtons, 1000 drapeaux en tous sens. Raisins classiques à l’envers. M. surnature en Zeuxis Ce que B. pressentait d’une vitesse dans telle lenteur de Nouveau Peintre. (Lenteur de Nouveau = pratiquement sentimental, à condition de surnaturer les descriptions du Vert et de la Pompe). 24 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Funes et Molloy Peut-être qu’Irénée F. est la supermachine idyllique de Collectionner des souvenirs avant qu’ils n’arrivent, des nikonies, des olgamies, donc ce n’est pas une mastication intempestive de nattes à pleurer, de mèches élastiques où goûter et goûter (et où Composition élégiaque pure point), pas machine à boire la rosée dans les choses d‘exactement ici, les gouttelettes d’exactement là, les tout de suite, les intensités où tu biffais et loupes et poinçons de verre, au final il est un catalogue, il est Gros Bouquin naturel pour un pleureur, mais pas que. On ne lui demande pas d’halluciner mouches éléphantesques d’un train ordinaire. Non plus. Irénée le sait, qui s’entête à grossir dans la vie de Manège des Cailloux Sans Surprise, vie où pourtant le même chien change d’espèce d’une seconde à l’autre. Il calcule dans une boisson infinie. Comme le bon désoeuvré Molloy. Et tout ça pourquoi, si ce n’est pas l’amour du naturel qui pousse ? Il éprouve seulement l’équipement de la nature à agrandir, les outils pour former Gâchis. Revue Le Quartanier 3/4–2005 25 Du direct Quel est le degré de palette-scotch dans le tamis pelliculaire, numérique, de celui que j’ai pétri d’artifice au Pharo aujourd’hui, ou bien le niveau de caresse ? Et en quelle mesure il y a forte palette chez l’accompagnateur au carnet de noter que la bouche collée aux naturettes ou l’artifice normal Chose Raisin, à étudier les grappes de la variété ici et là –, importe. Car tous les deux tournent autour du Désir dans désir d’épouser de l’être. Une mesure est le besoin de pleurer sur la couleur verte en eux, ou sur le bébé pâtique et parfait en eux. Une autre mesure est le poignet, le poignet dans la captation de l’érotisme médusien, comme toujours. Funes Papillon, qui n’était pas un bébé pur, après l’histoire de la charrette, était très érotisé – à 200 % – par exemple. Si bien qu’il ne sentait plus le danger dans les érotismes. Il aurait fait des catalogues et des catalogues des 10 000 amandes réelles (sans gros mot tre) amoureuses de lui comme lui d’elles, simplement : des catalogues ni chauds ni froids. Il aurait simplement enregistré Caresse. Nikon ou Olga enregistrent des caresses pour plus tard. Plus tard, Caresse sortie du catalogue, c’est elle qui fait la statue en public. 26 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Le photographe, le gros mot Être. Il ne faut pas remplacer le mot Variété par Œil, Œil qui n’est pas la pure somme des deux billes étonnées de la chair, au passage, une somme hypothétique des yeux remplis de combien de méduses, ni celle des lynxs de papier que tu regardes à ton tour, non, mais la voiture des yeux pétris de mode, par, rigoureusement, Variété. C’est vrai qu’un déclic arrête une voiture fait tout sauf des histoires est Caractère. Bon, à suivre des soirs et des matins le piéton de la chercherie Michel en Clio, j’ai conclu : tout déclic pour être un déclic (i.e. une réflexion sur le pouce) doit compter sur la feinte que les yeux n’ont pas fondu dans un Beau Milieu Possessif. Et même les plus beaux morceaux de naïveté, j’entends les anti-Funes madame Laplaine, monsieur Larbre, sont truÅés de coups de foudre de biais à l’origine. Revue Le Quartanier 3/4–2005 27 … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Guillaume Fayard prefab … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … «Ils semblaient sourdre de partout, éclos dans la tiédeur un peu moite de l’air, ils s’écoulaient doucement comme s’ils suintaient des murs, des arbres grillagés, des bancs, des trottoirs sales, des squares. Ils s’étiraient en longues grappes sombres entre les façades mortes des maisons. De loin en loin devant les devantures, ils formaient des noyaux plus compacts, immobiles, occasionnant quelques remous comme de légers engorgements.» Nathalie Sarraute, Tropismes 28 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Sas, dvs; op dvs; ovsd, posdv; opj dsv; odv; vd, o; s, v, o; hapax : jop dv, svd; dvp, o, j, pjvdo; sdvojp sdvj ; opjdsv; dspvj; djvsp; dvsjo; dvjso; o dv, p; j, dsvj o; o jvsp; jp djv, d, o, sov – n’arrivent qu’une fois seule et déposent, corpus, omien. Épure de choses, fibres ou particules, razoria, épopée – rio, S. Sa, sas, séance, samedi – soir, série, sortie, sans même regarder, sans même en prendre acte, séquence, sans joie ou autres, sans ambages, jambes, elle respire et, calme, lente, reprend, sans trop d’amples mouvements, traverse, lentement, lestement, la rue, la route ou autres. Rotules. Elle ne regarde pas les environs; elle ne regarde pas le contexte. Aggloméré : agglomérer du sable et du ciment, réunir en masse compacte; panneau obtenu par l’agglomération de fibres ou de Revue Le Quartanier 3/4–2005 29 particules de bois – à peine quelques mois, frêle peau saisie à peine encore, loin, moins, oints, “peine” ou autres abrasions; versée. Lobes frêles. vierge, le vivace – l’ombre des corps toirs sales. léchures. Lèvre, boule- La densité du temps, l’épais, le entrelacement, ce jeu; au creux, intense, et aÅolée, et sous les lampes, les arbres grillagés, les bancs, les trot- Longue grappe façade route visage plan, points, “dur”, “constant”, spécifiques, “laine” ou “nylon”, “calque”, reprises, “événement”, ratent, ici là; et et qui s’oÅre, données, natures, joints, environs, la marche. Vues et maintenant ombre, sucres, plus loin, espace donné ratures, reprise casse joints isolent, cap- tent lèvent, tiennent cessent. Comme aussi ce goût de carton dans la bouche, advenu, qui s’étale et prend acte, étayé, Étal. capte, casse. Les lampes. Les ombres. Ou autres. Agglomérée, celle qui, grou- pée dans des bourgs ou de gros villages, par opposition à la population dispersée des fermes et des hameaux – elles glissent sur les reliefs. Accélèrent, alentissent, ne sont plus qu’une flaque chacune sous les pieds de ces corps qui avancent, assoupis, tiennent, 30 joints. Volume lourds, constants, respirent, apaisant de ces cages Revue Le Quartanier 3/4–2005 thoraciques, assorties, sensibles, de sortie. Samedi. Traverse. Plus noires ou plus beiges en fonction des inclinaisons, de la position que le corps un samedi, ou autres, occupe en relation au point lumineux qui organise la possibilité d’une perspective. Lumière des véhicules, souÅle Articulation. Nuit pâle. des déplacements, frôlement des jambes. Silence, métallique, étalé. Italique. Silence, ou bruits usuels de ce lieu et cette heure, la fenêtre, entr’ouverte : fiques. Ils sont là pour chaque soir et ODJ. petits caillots spéci- modulent. Ils reviennent à heure dite. Longs tubes PVC dans la rue déposés il y a quelques heures, bouteilles, d’un litre, plastiques, à côté du dépôt, de verre – EVI – tombées, éclats, consignes. Vert; environs, à-côtés, proche en proche. Sillage. Les bouteilles ne sont plus mais les éclats bombés, ravivent pour chaque regard et gestes, connus. Averse. moulent. Village, proche, Élément de construction, assemblage de personnes ou de choses, l’agglomération “o-n” de fibres “e-s” ou de particules “e-s”. Matériau moulé résultant de la prise et du durcissement du mélange d’un liant sont faites de panneaux d’aggloméré. – Revue Le Quartanier 3/4–2005 et de matériaux inertes. Les cloisons example given, 31 EG, éponge élongation engage engrange ego degrés – littéralement langue, de terre entre les pavés; gaze grise, déroulée, et la trame. On le dit du ciel comme de cette bande étroite, du grain, la pellicule, du film comme du bitume, lave noire à quelques mètres, pelles, scène, travaux, ou suites de lettres martelées à même le toucher dans l’oblique; ligne-langue de profil, de cloison, pâle, détachée – elles glissent, marquent le chemin, cheville, chenal. le chemin, précédé de – jeu, Chambranle. Ou alors chambre : «la fenêtre donnait sur un terrain de et vers les une heure de l’après-midi, la lumière emplissait […]». L’appartement – à cette heure-là de la journée, elle était sortie déjà, et le matin avait passé, fraîches hésitations et secousses. Geste. Suite des positions prises par le corps dans l’espace, pris ou illustration ou comme étape, routine, petites sommes trois, ou quatre d’unités mobiles combinaisons et schème, sursaut familier suite schème-suite, figure, tracés, schéma, regards tels qu’ils suivent et détachent soudain, puis happent, à neuf; intenses, un temps, un rythme, appris de geste et entêtements du corps, du moment des séquences, déprise et durcissement du geste habitude ou, 32 Revue Le Quartanier 3/4–2005 à neuf, resituent. L’appartement lieu et : projet, détour de pratiques consti- tuées en sol, période et pellicule de socle entrerésulte de bande étroite de deux, yeux chevelures l’heure fraîche paroles, détachent, restent invitées cependant que consistent décor structure, vissées, chaque fois silence redéfile et situe chaque geste couleurs objets en regard de seg- ments de dits et trame-suite pour valeur de vécu prise de position-recherche, soi-acte étalé là, miniature de séquence plus longue impliquant foi, remarques récurrentes et parcours usuels accents et mêmes et sous-vêtant, l’ensemble déteint sur lieux d’empilement et coutures, fréquences amies saisies, et contenus dis- tincts d’identité en actes d’aÅalements et fauteuils de textures nos éclats, aménagements de lisses et particules, lumières, détachements, y réside, y entre – meubles jusqu’à déjà dans la , éclaire la – Que leur histoire avait été , que le temps n’eÅacerait rien des , qu’il éclaire , l’un l’autre pur. dans la , la , appliqués tissus, , longe les , leurs existences d’ores et , , longe les meubles jusqu’à , conjugués , un espace, intime, inattaquable et Entre dans là : lent. Mime. Jambages. S. Revue Le Quartanier 3/4–2005 33 Cheminées. Mot à mot, se forma dans son “cœur” une image du “Fleuve”. Chenal. Charme. Puis la chambre se réduisit à ses dimensions mesu- rables : un rectangle de cinq mètres sur quatre. Silence. L’aÅolement des ombres noircissant, sant, beiges, plus denses, sombres, on sol, s’allongeant, étales, réduine distingue plus le granulé du réduites maintenant à une flaque sous les pieds, allongeant, pâles, disparues et la marche; d’autres lampes, d’autres ombres, aÅolées; puis noires, beiges. Scénario. Précédé de […]. Passage. De très haut les ombres; d’un balcon – impression que les ombres avancent sur un autre plan pour lequel le sol tranche infime de sa verticale – ne serait qu’une pellicule exfoliée du relief comme pour en prendre note. Ainsi incliné à 90 degrés, chute vers l’avant culbute chenil, le haut des bâtiments, chambres, et fenêtres, eÅet tout entier généré par le signe peint en blanc à gros traits réguliers, lisses, cheville, et les socles et le sol, amovibles. Feuillets. Une silhouette de femme, schématique, donne la main à un enfant de sexe déterminé, sur le trottoir ; c’est une petite fille : “petite jupe”. Visuellement, il se donne. Manifestement signe, destiné aux cyclistes 34 Revue Le Quartanier 3/4–2005 et qui tranquillement avance sur ce plan imaginaire. Ôté. Semblable décollement. L’un, de l’autre – pour lequel le sol tranche infime. Pâle, de profil. Je veux dire signe qui s’enfoncerait dans le sol, là, sous les pieds, lourds, constants, détachent, etc. tel qu’il ne se divise pas et réclame. Il se donne “sa” main. Lamelle exposée au regard. Ce trottoir. Bandes parallèles, de largeurs égales, granulées, épisodiquement. Ces quelques mètres. «Tout ce qu’on dit de sensé sur l’histoire n’est pas forcément de caractère narratif.» Ces quelques mètres en ce qu’ils, bande étroite, déroulée, trament un autre détail pour chaque fois visuelles, lequel, à gros traits, résulte de prise vient et, suppose perçue, toute manière enfin de dimension eÅectivement schème et, la possibilité de percevoir et, mesurable, enfin, sufisamment presque, durcit, décale, inter- immobiles. Surfaces détachées, pas tout à fait. Pénombre perceptive, ou presque. “Presques”. Feuillets, non coupés. Courbe, galbe. abstraits sont ici, odvs odsv slnd, Tous les termes et pour ne plus les avoir entre. Devan- tures. Elle traverse; carrefour aménagé en rond-point. Sans qu’elle n’as- signe aux jambes geste, sans que la moindre reformulation Revue Le Quartanier 3/4–2005 35 n’intervienne. Environs. À peu près presque. Je veux dire chance pour que cela ressemble. Mesures. L’œil inquiet en aller et retours. Elle jauge les probabilités son oeil tressaille, comme la chair “tressaille” dans les textes de la Bible. Le trottoir, de l’autre côté. Ses pieds. La rue est en longueur, la route s’allonge et, biaise, ou : les courbes sillonnent, s’éloignent, ou : le temps du terrain intervient, le temps du terrain vient entre. ration) – Lent. S’apprête à traverser (soufle, respi- traverse, glisse, grille, grillage, grêle grésillement, grotesque tertre terre-plein, pâle couleur, clippo, laps, cloporte clope, étiquette, chiÅonnée, qui s’use elle-même entre pellicule et pelli- cule ; lamelle contre lamelle pied et goudron, presse hydraulique, parcours, cela entre parcours et sol ; le moment s’installe, fil constamment épais, présence vibrante installée, marche, huile, noirs cycles fuyants sombres ombres, silence, beiges, terre-plein, parcours, pâle cela entre parcours et parc ; elle traverse, le corps se déjette imperceptiblement, cela ne prend pas une demi-seconde, elle tourne la tête, rien ne vient ; pas un camion, pas une, traverse la ruelle, traverse le pas- sage. Sombres ombres – amples samples. Ressemblance. 36 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Conservez ce talon. Sa présentation est nécessaire tion concernant le voyage / pour toute réclama- you must keep this stub. It may be required for any claim related to your journey. Des ressemblances se ressemblent en tout point. Terme à terme. Ailleurs, légers trottoirs. DiÅérences. De petites flaques de dégel se produisent à chaque instant par place, un clignement quand même de paupières, cils, et de brefs déplacements de la prunelle. De là, à partir de là, de fibres ou de particules de bois, sans cesse, en conséquence de langue. Blocs, mélangés, ou pas. Terme à une anonyme et – branche. relation. Il est toujours fonctionne dans le présent. L’extrémité tronquée d’une Orties. La barre inclinée, le poteau électrique. Voix. Partie de la carrosserie qui, pendante, râcle le bitume et les mécaniquement. peaux, Le sourire à l’atterrissage et la grande musique. « Parmi tout ce que je t’ai montré, dit-il, depuis que nous avons franchi la porte dont l’entrée n’est refusée à personne, tes yeux n’ont rien découvert d’aussi remarquable que ce ruisseau. » Revue Le Quartanier 3/4–2005 37 … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Erin Mouré « Elisa Sampedrín – Les petits théâtres » & « du même coup » « Elisa Sampedrín – Les petits théâtres » est extrait de Little Theatres, Toronto, Anansi, 2005. Apparatus & traduction de l’anglais : SS. Propitious space & * : EM « du même coup », écrit en français, est inédit. … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Moure | Mouse | Muse Toujours impatient de lire Erin Mouré, je prends les devants, lui demande deux précédents : un inédit – pour qu’il paraisse avant de paraître ; et du français de première main (ce qu’elle n’avait jamais fait (paraître)). Little Theatres et « du même coup », donc. Du premier, je propose la traduction intégrale des passages attribués à Elisa Sampedrín, penseur de Les petits théâtres. À cela j’ajoute l’apparatus, décor et coulisses, théâtre de l’écriture, mots de trop (Mouré y intervient même à la toute fin, faisant du Mouseware un Moureware… mouroir (?) aux alouettes). Du second, j’ai tout laissé tel quel. Je n’y suis pas ; Mouré y est et n’y est pas. Steve Savage … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Revue Le Quartanier 3/4–2005 39 « Elisa Sampedrín – Les petits théâtres » Oui, Sampedrín, on l’a critiquée : le velours côtelé, le nez sémite, la boucle d’oreille… Pas de son temps. On n’écoutait pas ES en 1984 ni en 1991, on l’a oubliée en 1995, on a parlé contre en 1997. On se trompait en fait. L’entendre aujourd’hui ? Peut-être. (EM) Dans Les petits théâtres, il n’y a que des visages. Les bottes sont visages, les tables ; l’expression du brin d’herbe est faciale. Et quand Lévinas dit du visage qu’il n’est pas de l’ordre du vu, le lien est bon, mais inverse. Tout le vu est visages. (p. 9) ES, 1991. } } } Je croyais que l’auditoire voulait de Les petits théâtres, de cette quantité précise de gestes. C’est l’ombre d’une main, un regard dans le désert ; une table et personne à table : ils ont mangé, ils sont partis – ils ne sont même pas venus, ils sont descendus à l’autre station, ils s’en sont retournés ; c’était la guerre, ils ont perdu ce qu’ils avaient, l’enfant mort de méningite, l’eau croupie, plus d’eau, la route fermée (ils n’ont pas pu venir), le prof dans l’ornière, face contre terre*. Le message n’est jamais arrivé… Là, l’auditoire regarde. Mais c’est fini. C’est là que la pièce commence : après « c’est fini. » (p. 17) ES, 1983. * A reference to the Spanish Civil War in Galicia (and to wars elsewhere) ; one way fascists destroy all consciousness of republic and democracy is to shoot elementary school teachers. (EM) 40 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Ecace. Qté : 1. Marque : Pentel® Hi-PolymerTM Descr. : Ecace de qualité supérieure, grosse et durable, fonctionne comme par magie sur le papier et la pellicule, ecace proprement sans ecort, ne laisse pratiquement aucun résidu et rebut, se compose de polymère doux qui ne souille pas, ne fend pas et ne durcit pas avec le temps. No ZEH10BP2. Mines de remplacement. Qté : Boîte de 12. Marque : Pentel® Hi-PolymerTM Super. Descr. : Mines plomb noir, 0,5 mm HB, longueur : 60 mm. No C505-HB.C. Revue Le Quartanier 3/4–2005 41 Elisa Sampedrín, « Miettes de Les petits théâtres » (p. 22) Quand, pour la première fois, nous nous sommes penchés sur Les petits théâtres, nous avons vite vu qu’il faudrait enlever les masques, les costumes, le maquillage. Puis qu’il faudrait apprendre toutes les langues – même inventées. Dur et terrifiant, les langues en charge… Ensuite, nous sommes entrés en elles comme dans de l’eau. Pas moyen de faire autrement. Les petits théâtres est* bref. Le protagoniste n’a pas trop le temps d’y protagoniser. (p. 23) D’une entrevue, Faro de Vigo, 1981. * Provoking the being singular plural of J.-L. Nancy… être singulier pluriel. (EM) } } } La langue est souvent l’unique protagoniste de Les petits théâtres ; son temps pour agir est réduit. C’est dans sa nature. D’une entrevue, Faro de Vigo, 1981. } } } Seul théâtre postérieur à l’invention du cinéma, Les petits théâtres cherche à remplir un espace que celui-là ignore (presque complètement) – mais pas pour le remplacer, ni pour le coder ou lui prendre ses codes. Avant une performance, Montréal, 1984. 42 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Taille-crayon. Qté : 1. Marque : Hunt® KS® Boston®. Descr. : Taille-crayon mural de luxe, réglage pour 8 grosseurs, taille avec précision, construction dure toute en acier, lames X-acto® pour une longue durée de vie. Piles. Qté : Paquet de 8. Marque : DURACELL® Quality that lastsTM/MC. Descr. : Piles alcalines AA haute performance, 1,5 V, CoppertopTM/MC, fraîcheur garantie, avec emballage qui se referme. No MN1500B8. Revue Le Quartanier 3/4–2005 43 Je n’écrirai pas le livre de Les petits théâtres. (p. 24) } } } Dans Les petits théâtres, tout ce qui arrive arrive pour de vrai. Il y a du vrai gazon, une vraie charrette qui grince, un essieu, un bras, des doigts. C’est pourquoi le théâtre lui-même est souvent vide : l’action vite achevée. En fait, son seul accessoire est le proscenium (son cadre). Et ça, pense l’auditoire, lui montrera ce qu’il est venu voir. Entendu par un machiniste alors qu’ES parlait à un journaliste, Teatro Fausto, Aberdeen, 1984. } } } Les petits théâtres ne prétend pas à la réalité. Il imite d’infimes fissures temporelles. Ça peut sembler naïf. Le cadavre s’étend comme un cadavre : c’est la réalité. Mais le voilà qui se relève : il a oublié d’éteindre… Et quand il s’étend, le cadavre, comme un cadavre, pour la dernière fois, il fait noir. Nous ne le voyons pas. C’est la réalité de Les petits théâtres. Nous voyons un cadavre qui se relève, puis qui, décidé*, va éteindre. ES, 1987. * « et sans aucun regret » (EM) } } } Quand Peter Brook dit « Beckett », il parle de machines de théâtre. Les petits théâtres est une petite machine – pas infiniment petite. Une petite machine. Infime. Finie. (p. 25) 44 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Agrafeuse. Qté : 1. Marque : Swingline® S.F.® 4 Emploi fréquent 2-20 feuilles. Descr. : Agrafeuse de bureau bourgogne aux lignes stylisées, à pression légère, agrafe jusqu’à 20 feuilles avec 30 % moins d’ecort, performance garantie. No 37860. Agrafes. Qté : Boîte de 5 000. Marque : GBC® Bates®. Descr. : Agrafes standard « Pointe de ciseau ». No 9865100. Revue Le Quartanier 3/4–2005 45 Parce qu’on a des magasins de livres, on pourrait croire que les gens lisent. Mais voyez donc ce qu’ils lisent. Ça n’est pas lire. Voilà pourquoi je parle de l’urgence de Les petits théâtres : plus personne ne lit. Théâtre méduse, 1981. } } } Les petits théâtres n’est pas qu’une façon de traiter l’alphabet. On y laisse le registre (rexistro*, l’étendue) de chaque lettre bouger par lui-même. * Galician. In the sense of sonority/range of voice/style. (EM) } } } Certains prétendent que Les petits théâtres abandonne le corps humain. Je dis : presque abandonne. Dit autrement : Les petits théâtres n’a rien à faire du corps humain. Les acteurs, la pièce en cours, ont l’impression d’être pris en défaut avec tout cet espace pris. } } } Ainsi, même l’herbe a une voix dans Les petits théâtres. On peut l’entendre pousser alors même que l’acteur parle ou bouge. C’est aussi important. C’est peut-être même dans ces courts mouvements hors l’acteur que germent les vraies « idées » de Les petits théâtres. Ce bruit d’herbe par exemple. Quand y at-il eu théâtre pour un tel bruit ? 46 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Ruban cache et correcteur. Qté : 1 rouleau. Marque : 3MTM Post-itTM 651. Descr. : Ruban blanc lumineux, largeur : 1 ligne, adhérent et détachable à la fois, corrige les fautes de frappe et les erreurs écrites à la main, camoufle des sections entières (4,21 mm x 17,7 mm). No 34-7034-7599-5. Ruban adhésif. Qté : 1 rouleau. Marque : Ruban magiqueTM transparent 3M® ScotchTM/MC 810D. Descr. : Ruban clair (12 mm x 33 mm) à dévidoir rechargeable. No CV-0007-5521-1. Revue Le Quartanier 3/4–2005 47 Cependant, l’herbe ne pousse pas sans le corps de l’acteur. C’est, en acte, l’écologie de Les petits théâtres. } } } C’est que la vie que nous cherchons ne se trouve pas sur une scène. C’est pourquoi Les petits théâtres se veut si court. Et sans rôle – ou qui s’eÅace avant d’en devenir un. Salão Quimera, Lisbonne, 1990. } } } Dans Les petits théâtres, la pierre est pierreuse au possible (sans pour autant choquer la tête publique). Aucune bruine des origines. Une fois la pierre pierreuse, la pièce est faite. La pierre est pierreuse. Vous comprenez ? Vous restez assis ? } } } Plus de recherche formelle dans Les petits théâtres. L’éviter, c’est sa forme. (p. 26) } } } Les petits théâtres se tient loin du « dramatique de l’énigme* ». On n’y finit pas vos phrases. * The “dramatic fact of a mystery”. (EM) 48 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Calculatrice. Qté : 1. Marque : SHARP® ELSI MATE® EL-344G. Descr. : Calculatrice à cellule solaire et fonction de conversion métrique (44 mesures dicérentes), écran 8 chicres, format poche, aachage large. Ampoule halogène. Qté : 1. Marque : Globe®. Descr. : Ampoule halogène (20 W T3Jc 12 V Culot G4 Base), dicuse une lumière blanche vive mettant le décor en valeur, flux lumineux : 300 lumens, consommation d’énergie : 20 W, durée de vie : 2 000 h. No 104836. Revue Le Quartanier 3/4–2005 49 Certains ont prétendu que Les petits théâtres était minimaliste. Pas tout à fait. Peu importe ce que le minimalisme enlève – il en enlève en eÅet –, reste une convention rhétorique. Or, la rhétorique prend du temps – justement soustrait de Les petits théâtres, comme de la vie. } } } D’autres, critiques, ont avancé que Les petits théâtres provoquait de l’insatisfaction. D’abord de l’insatisfaction. Peut-on prétendre, de même, que l’alphabet, par exemple, provoque de l’insatisfaction ? Attendez-vous de l’alphabet qu’il vous fasse des mots dans la bouche ? } } } Quand Lévinas dit que l’altérité est étrangeté, il parle peut-être de Les petits théâtres. Qu’on dise : l’altérité est altérité ou l’étrangeté est étrangeté, peu importe. Les petits théâtres ne recule pas devant ça. } } } Le protagoniste est souvent seul dans Les petits théâtres. Elle quitte même la scène parfois. Parfois non. Les acteurs semblent n’interagir qu’avec des matériaux, pas entre eux. D’une certaine façon, l’acteur(trice) n’est qu’un costume. Vidé(e) de ce que des théoriciens ont appelé une « âme ». Ce mot ne s’applique pas ici. ES, 1981. 50 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Étiquettes. Qté : 25. Marque : Avery® Dennison. Descr. : Étiquettes circulaires blanches bordées de métal, avec ficelles. No 13053. Balance postale. Qté : 1. Marque : Pelouze®. Descr. : Balance postale mécanique, capacité de 20 kg, pèse en incréments de 100 g, cadran de tarif de remplacement, lentille antichoc pour protéger les marquages de chicres et d’incréments. Modèle no KC20. Revue Le Quartanier 3/4–2005 51 Quand la plateforme de celui qui parle s’élève ou s’éloigne de celui qui écoute, c’est l’étendue de son pouvoir qui, du même coup, s’accroît. L’espace propre de l’auditoire s’en trouve réduit. (Le politicien, par exemple, use de tels mouvements.) Ça n’a plus sa place au théâtre. Autre chose doit s’y passer, doit arriver. Dans Les petits théâtres, on expose un lieu, un espace différent – sans cette idée de propriété. C’est une autopie (pas au sens d’automate, au sens d’autisme). Certes, quelque chose y est démontré, mais la relation au pouvoir n’est plus la même. Entendu dans le métro de Toronto, le 4 avril 1999. } } } Les petits théâtres n’est pas, à proprement parler, de l’ordre du visible. Son espace permet seulement la connaissance sensible. Mais le « visible », est-ce autre chose ? Je ne crois pas en un théâtre sacré. Je souhaite peut-être seulement laisser l’invisible là où il est. (p. 27) } } } Qui a connu la guerre le sait* : Un missile s’écrase : Les petits théâtres n’est pas plus long. En un éclat, le théâtre se place, se passe. Il y a ce bruit. Un bruit impossible. La maison** s’écroule, une grand-mère meurt, un fils-la-jambe-en-moins… On a vu le théâtre ; il est passé. Il n’a pas eu le temps de sauver qui que ce soit. * Lighter than savoir. Se rendre compte, maybe. (EM) ** Any building. Your house. My house. (EM) 52 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Timbre à encre. Qté : 1. Marque : S-Printy Trodat®. Descr. : Timbre à encre « COPIE », auto-encrage, cartouche d’encre incluse, sans dégât au réencrage, encre à base d’eau non toxique. Sacs de rangement. Qté : 25. Marque : Staples® Business DEPOT TM Bureau EN GROSMC. Descr. : Sacs réutilisables en poly (152,4 mm x 228, 6 mm), panneau pratique pour écrire, résistant à l’humidité. No 11210-CA. Revue Le Quartanier 3/4–2005 53 Le théâtre a besoin d’espoir pour durer, pour survivre cette fin de millénaire*. On l’a souvent répété. Mais Les petits théâtres, lui, fait avec très peu d’espoir. Et je pense qu’à l’amorce du nouveau millénaire, l’espoir comptera pour peu. Peut-être que, de tous les théâtres, seul Les petits théâtres passera. Et peut-être sera-t-il suivi… L’avenir… C’est là qu’il nous en faudra de Les petits théâtres (très économe du carburant Espoir). (p. 28) ES, Vigo, 1998. * I know it’s unpopular to talk about the millennium now but ES is not a little unpopular ; it makes ES sound very old-fashioned, which she is, in a way. Or she’s just old. (EM) } } } Il arrive que ce qu’on appelle la fin et le commencement se rencontrent. Très brièvement. La fin était déjà là, puis le rideau se lève : ça commence. Peut-être qu’à ce moment les mots ne s’appliquent plus. Même le mot « rideau ». Qu’est-ce que c’est ? Ça bouge dans la pluie. C’est le temps de Les petits théâtres. (p. 48) ES 54 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Casier de rangement. Qté : 1. Marque : OaceSpaceTM ACRO-MILS® Myers Industries. Descr. : Casier de rangement dont la conception du couvercle à grille permet de maintenir le contenu en place, divisions en compartiments de dimensions dicérentes avec séparations ajustables – 15 compartiments maximum. No 100362 12/00 10 M. Trombones. Qté : Boîte de 100. Marque : Enium®. Descr. : Trombones lisses, de format no 1 (32 mm). No 620666. Revue Le Quartanier 3/4–2005 55 (quatrième de couverture) Con augas pasadas non moven muiños : « L’eau passée ne fait pas tourner les moulins ». Les poèmes de Mouré infiltrent ainsi des territoires infimes et insolites – l’eau, la langue –, menant les sons du galicien tel de l’eau vers notre langue. En ces temps troubles et tristes planétairement, les langues, nos langues surtout, sont blessées, rendues violentes par la rhétorique guerrière. Ces poèmes de Mouré présentent des sonorités, gouttelettes, pouvant aider à retrouver une part de soi (un jour, peut-être, la parole), silencieusement, sans aucune récrimination. ES ?* * Steve, Steve. This is just the publisher’s blurb on the back of Little Theatres and nothing to do with ES, who for her part just contributed a quote to the back cover… I don’t know how the publisher got hold of her to do that. And it’s one in which she doesn’t laud the book at all, just sounds startled at the name Mouré. As for me, by the time you read this, I’ll have left. (EM) } } } (quatrième de couverture) « Mouré : Le nom me dit quelque chose… Je la croyais morte ! Qu’est-ce qu’elle manigance encore… » ES 56 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Souris. Qté : 1. Marque : Logitech®. Descr. : Souris avec roue optique 2x Optical USB – 2 fois plus rapide et précise pour un maximum de performance, détection optique du mouvement sans boule, glisse facilement sur la plupart des surfaces, version internationale, avec logiciel Moureware®, inclémentation, adaptateur de sorrisa USB à PS/2 (6 branches), garantie 5 ans et apoio Revue Le Quartanier 3/4–2005 57 « du même coup » une science-fiction rétrospectrale à la voix de María Pérez Balteira, soldadeira portugaise du XIe siècle, parlant à travers le mal d’archive de Jacques Derrida (un hommage à l’avenir) « il s’agit ici… de l’archive comme expérience irréductible de l’avenir » (JD) 1 il faut bien y importer du même coup, alors la.répétition, l’injonction de mémoire, dans tous les.cas, pour ne pas résister, désir et trouble de l’ar.chive, qui inscrit, ce suspens épochal, sa détermination ne.devrait plus, performatif à venir, aucun rap.port avec l’enregistrement déjà passée, déjà donnée, judéité ne.se confond ni avec, seulement l’espoir, ouverture.du rapport à l’avenir, non sans archive, l’attente.de la venir, plus grave et peut-être mieux, jamais ob.jet de savoir rappeler cette violence institutrice, pour l’in.stant indécidable, c’est le savoir, de l’obéis.sance « diÅérée », que l’avenir dira comment.définir, faut-il une première archive, ouvre à la.venue enveloppée ni à l’ironie sans fond, sans.précédent peut-être, de Sigmund envers son père, avant.de faire l’éloge, paternel du, semble venu tout droit., « selon vous », scellons 58 Revue Le Quartanier 3/4–2005 2 soit alors plus filiale, la répétition du.geste, oserait penser la venir, non seulement ce.la, nullement la répétition, la fictionnali.té légèrement inaccessible, seulement de la fiction du « monologue », hétérogène au livre, le grief veulent dire les mots « juif », relève du savoir, bien dans, ni entre.hélas, ce qui porte la table à l’intérieur, la répé.tition de soi, nous nous trouvons ici même devenu le sujet spectral, de se voir donner rai.son, ait anticipé la venue, autre eÅet d’archive., à savoir, l’ouverture qui indétermine, nous sommes., ou non, sans principe d’archivation, car tout un livre.de Freud, peut donc, ces mots « juif » et « signé », sorte de longue.préface classique ne croyait pas aux fantômes, traductions inéd.ites, devenu le sujet spectral, le corpus dont elle., serrée avec le fantôme, complication encore im.pensée, dans sa fiction même, ressemble au dernier chapitre.du livre, structurelles de son, sorte de Revue Le Quartanier 3/4–2005 59 3 du même auteur au début, marquant une indéci.sion, privée et parfois « secrète », une inscription en forme., portait d’amour, il n’importe pas moins que, comme certains.d’entre vous, il s’agit l’archivation produit autant, quelque privilège., cette autre archive, après le séisme, le Email, non.la structure, loin de là, en transformant tout l’espace.public, transformations en cours, le droit de proprié.té, le droit de reproduire, turbulences cette possibilité instrumentale, sorte de dom.iciliation, et se dissimuler aussi.tôt, la consignation tend, ait anticipé le.futur ombilicale, « judéité », n’est pas seule.ment, elle ne requiert, un lieu et un support, disso.ciation absolue, il va de soi maintenant limites déclarées infranchissables, ef.fective se mesure, les manquements à la démocra.tie, intitule (Les peurs or l’hétérogyne 60 Revue Le Quartanier 3/4–2005 4 brûler d’une passion, retour à l’origine, aucun. « mal de » n’empêche que Freud, cessé de le marquer d’i.ci, transfiguré et ayant pris, pour s’interro.ger simplement ainsi à la mémoire de laquelle, les fouilles pendant le temps, la.croyance au fantôme, édifiée, un champ de ru.ines stratifié, nul mieux que Freud l’archive arrive à s’eÅacer, estompés et il.lisibles, à partir des restes visibles, un palais ou.une trésorerie, bilingues dans le cas heureux, au.delà de la finitude comme limite, les pierres.parlent et parlent encore, rien que ça, à la mémoire ainsi va tout concept, pour s’interroger ainsi., simplement entre le fantôme, ne l’oublions jamais., ni la pure perception ni même, du moins en grande par.tie, un fantôme sensible à l’idiome, l’hésitation., ayant pris Revue Le Quartanier 3/4–2005 61 5 admettez qu’un chercheur d’une traduction, laisser l’o.rigine se présenter elle-même, car l’instant le plus.aigu, moment et non processus, y souligner.quelques mots, et là serait le « progrès » d’un rapport., sans médiation et en retard, une fois le tra.vail de traduction intense, aussi peu connue avouée dans sa dénégation même des fantômes. oserait le mot « archive » équivoque, instable, je.dirais même, ce dont on parle, Freud trente-cinq ans après.une circoncision, sinon à détenir l’archive, j’insiste ce morceau qui résiste à l’explication, le spectre.de la vérité, tout grain de vérité contient.tout délire, en déchiÅrant l’archive, c’est que, repré.sentant son successeur, la Messie eÅectivement l’une de l’autre, ne se distinguant plus entre elles, dis.tincte de toutes les autres, dit le récit, toujours à même.la cendre, de son allure en un lieu sûr, une place.irremplaçable, la hantait dès l’origine, cette pres.sion-ci et cette empreinte, la trace et le support, ad.mettez 62 Revue Le Quartanier 3/4–2005 6 ses péchés suspendus, à commencer par celui de l’archive, pourtant insister sur la spectralité, la structure de l’archive est spectrale, le principe en général, a eu l’audace, le problème classique du fantôme, l’hallucination de l’archéologue, un aveu en mal d’archive, du concept en général, il n’est pour rien, ce qu’on appelle en anglais le « trouble », mais elle l’accroît, qui brouille la vue, et l’État, rien n’est moins sûr moins clair aujourd’hui, l’itération et la reproductibilité, entre soi et soi, le plus archaïque du commencement absolu, que souÅrir un mal, c’est se porter vers elle, un désir irrépressible, du support ou du subjectiel, ne se réduit pas, ni à la mémoire, proprement dite, en tous cas à l’archive classée, répétitive et nostalgique, telle serait la semence de vérité, ménager son suspens, transfiguré et ayant pris, je connais un médecin, bien placé pour ne pas refuser, vu un revenant, en somme en témoigner, de laquelle les spectres, a été mis à mort « devant vos yeux », Revue Le Quartanier 3/4–2005 63 7 reçoit ici, la domiciliation aussi.tôt, manquant tout discours, dans son support même, pas seule.ment pour le histoire, de la stabilité sémantique.minimale, sa norme et bien sa position, exquis.ément nous montre le désir, minimale et presque de la.grammaire, des conditions dites sociales ou humaines, tout.discours sur la psychoanalyse, et à l’aveu., précisément là où ils aÅectent, renoncer à.cette prétendue neutralité, dans sa dénéga.tion même chose du passé avant elle, projet de science dont., or si nous y avons, en somme, parce que fantôme, sans.qu’une technique d’archive déborde jamais, ni « rendre justice »., selon son homonyme, de façon précise, dont la.voix survit, l’autre est mort, l’autre ne répondra plus, même.là peut-être, après tout, les plus décisifs de ses con.clusions suspendues, possiblement absurd, il se.peut fort bien, et plus encore, puisque cette fois la femme.serait la loi elle-même, plutôt que dans l’avenir., au courage de dire peut-être 64 Revue Le Quartanier 3/4–2005 8 refouler l’archive en archivant le refoule.ment, même qu’on se refoule, le refoulement d’autre.part, le nerf de l’argument, à travers l’apparente., actuellement absents, au moins virtuellement, de.mémoire et d’archive, rappelé et archivé, signes., figures, tel ou tel de ces mots, non seulement le pé.ché refoulant, Revue Le Quartanier 3/4–2005 65 9 autant et plus, la venue de l’avenir, philo.logie, imaginons en eÅet, irréductible.mais loin, rien à voir avec l’anatomie, arri.ver à l’économie de la mémoire, qui peut, sa.norme et bien sa position, sans doute pas là, abon.damment détresse cela parle, une fantôme, laissant parler, que pour se.taire, voilà de quelle violence, étrangéité.malgré les assurances, comme cela paraît malheu.reusement, aussi par souci de, avant de re.venir à cette fatalité de structure peut-on se satisfaire, la science comme tel, s’inter.roger ici, qui ne veut parler aux fantômes, rendre.compte ou n’en rendre raison on ne peut pas y croire, la croyance, aucun statut.possible, d’un alphabet et d’une langue, la traduction.de tout ceci, inscriptions trouvées en grand nombre, vi.vaces ses héritiers, autant de frères, chaque fois n’a mon.tré, autre chose qu’un spectre 66 Revue Le Quartanier 3/4–2005 [coita] qui voudrait substituer au fantôme ?, ni visible ni.invisible, jamais l’archive*, l’archéologie im.possible de cette nostalgie, soucieux de tendre compte, han.tise déclarée, le moment est peut-être venu .fin de .traduction signée .María Balteira * « L’archive est donc la masse du non-sémantique inscrite dans tout discours signifiant comme fonction de son énonciation, la marge obscure qui cerne et qui limite toute prise de parole concrète. » Giorgio Agamben, Ce qui reste d’Auschwitz, p. 156. Revue Le Quartanier 3/4–2005 67 Les petits théâtre : notices biobibliographiques Erin Mouré est une poète et traductrice montréalaise. Œuvres récentes : O Cidadán, Toronto, Anansi, 2002 (en anglais) ; m-Talá (Chus Pato), Vancouver, Nomados, 2003 (du galicien vers l’anglais) ; Sheep’s Vigil by a Fervent Person (Alberto Caeiro / Fernando Pessoa), Anansi, 2001 (du portugais vers l’anglais) ; À Adan (Emma M), Calgary, housepress, 2002 ; Museum of Bone and Water (Nicole Brossard), Anansi, 2003 (avec Robert Majzels, du français vers l’anglais). Little Theatres est paru chez Anansi au printemps 2005. Elisa Sampedrín est née à Betanzos, Galicie, en 1955. Diplomée en Mathématiques et Philosophie de l’université Saint-Jacques de Compostelle où elle fait partie du mouvement nationaliste ERGA (Estudantes Revolucionarios Galegos) lors des dernières années de la dictature de Franco. Après avoir rencontré l’actrice Lucie Bérard à la Mostra du Teatro de Rivadavia (été, 1975), Sampedrín abandonne ses études de doctorat en mathématiques (Valence – elle y menait des recherches sur l’Hypothèse Reimann) pour le Québec. Son travail théâtral date des années 1980 et 1990 (suivant la mort de LB dans un accident de voiture). L’œuvre de Sampedrín soulève peu d’intérêt en Amérique du Nord, mais rencontre un certain succès en Europe. Depuis 2000, on a perdu sa trace (elle aurait séjourné en Iran et au Japon, étudiant les mathématiques et les théâtres indigènes). On sait seulement qu’elle participe occasionnellement au blog Escarlata (Galicie). Citoyenne du Québec et de la Galicie, Sampedrín détient des passeports canadien et espagnol. 68 Revue Le Quartanier 3/4–2005 María Pérez, aussi appelée « La Balteira » ou María Balteira, était soldadeira, divertissement pour soldats et nobles. Elle vécut autour du XIIe siècle en Gallæcia (à l’époque divisée entre la Galicie, colonie espagnole, et la partie nord de l’actuel Portugal). On présume qu’elle serait l’auteure de cantigas (censurés par le Vatican) que l’on pouvait lire dans les Livres de chants galiciens-portugais médiévaux. Des chansons qui sont restées d’autres auteurs, on déduit la bisexualité de Pérez-Balteira, par ailleurs lectrice avide des œuvres de Jacques Derrida, troubadour croisé lors d’un séjour en France. Revue Le Quartanier 3/4–2005 69 … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Sylvain Courtoux Nihil Inc. … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Course précipitée vers la langue qui tue. Denis Roche Ce que j’essaie de décrire se passe en ce moment même juste sous mes yeux. William Burroughs Nous pouvons nous faire passer pour l’ennemi afin d’infiltrer les rouages du système et de commencer à le pourrir de l’intérieur. Saboter l’Empire en faisant semblant de jouer leur jeu. Se compromettre juste assez pour les mettre au pied du mur. Kurt Cobain 1. J’arbre comme cadavre virgules noires (les corps changent d’intensités) début du jeu de la guerre : c’est une guerre d’extermination dit-elle une guerre cellule par cellule [cellule pour cellule] à travers les corps (noirs) des leurres-écrans : « La révolution doit être une école de pensée sans entrave » dit-elle – « La révolution doit être une école de pensée sans entrave » – La révolution à force d’être proclamée est devenue une espèce d’alibi esthétique généralisé – Toute forme précise est un assassinat vous le savez nous le savons tous toute forme précise est un assassinat vous le savez nous le savons tous toute mise en forme implique une mise en norme vous le savez nous le savons tous « ce qu’il faut c’est des résultats » – « Nos démentis se présentent sous la même forme que nos falsifications » ce qu’il faut c’est des résultats – Toute forme précise est un assassinat on n’aura jamais fini de le répéter dit-elle ce qu’il faut c’est des résultats on n’en aura jamais fini dit-elle ça commence toujours comme ça commence toujours Revue Le Quartanier 3/4–2005 71 de la même (unique) manière aussi désespérante que dégueulasse on n’en aura jamais fini dit-elle ça commence toujours comme ça (telles sont les choses à dire quand le langage dément les organes) _Début du jeu de la guerre – Vous maintenez à bout de bras une idéologie de crasse humaine dit-elle – C’est ça(l) c’est pas ça(l) c’est comme ça que les corps communiquent « La révolution doit être une école de pensée sans entrave » vous maintenez à bout de bras une idéologie collective de crasse humaine il faut que tout se sache au premier plan l’essentiel : « l’homme est une bête de proie l’homme est une bête de sang l’homme est une sacrée merde lorsqu’il ouvre la bouche » telles sont les choses à dire (détendez-vous… c’est clair… restez sur le sens c’est simple) telles sont les choses à dire : il faut que tout se sache au premier plan l’essentiel : quiconque voudra combattre les monstres dit-elle doit s’assurer qu’il n’en deviendra jamais un lui-même car lorsque vous regarderez au fond de l’abyme l’abyme aussi regardera au fond de vous : telles sont les choses à dire quand le langage dément les organes – Vous êtes un héros parce que nous avons (trop) besoin de votre solitude ? Dans une telle guerre rien n’est trop injuste dit-elle – (il faut que tout se sache au premier plan l’essentiel) La boue il faut la faire entrer dedans et pas en faisant semblant d’exhiber aux gens que c’est littéraire et réussi dit-elle non il faut mettre de la boue dedans parce que c’est de la boue et que c’est littéralement ça qui y est écrit dit-elle telles sont les choses à dire quand le langage dément les organes (j’arbre comme cadavre) – Dieu est une hypothèse beaucoup trop extrême (on se donnera les moyens nécessaires pour répondre dit-elle) – « Le nihilisme comme symptôme de ce que les déshérités n’ont plus aucune consolation de ce qu’ils détruisent pour être détruits de ce que libérés de toute morale ils n’ont plus aucune raison de se résigner » – Je mens je suis mou j’ai de la merde dans les yeux – Mourir est dispersif – Le néant se paie comptant – Nous devons (re)trouver un contenu valable – Il va falloir (maintenant) travailler sans citations – Nous sommes chaque minute & chaque seconde partie prenante de la destruction totale du monde dit-elle – Des marques définissent les virus des stocks entiers sont désormais à notre disposition (l’exercice est profitable l’exercice est tout ce qu’il y a de rapide) – Je ne vois pas très bien où vous (re)trouveriez une image (quelque image des images) – J’ai la liste des personnes à abattre – J’ai deux trois noms (d’abord) que je voulais vous soumettre – « Nous établirons des listes noires pour tous les poètes inutiles » – Puis on en viendra au roman noir – puis on en viendra : génération et destruction : « il n’y aura pas de dialogues uniquement un mitraillage de phrases d’origines douteuses et de destination perdue » – Jugez-là messieurs le bon goût moderne : le dernier acte est sanglant quelque belle (ou merdique) que soit la 72 Revue Le Quartanier 3/4–2005 comédie du reste – Aujourd’hui je sais qu’il faut (tout) refuser (tout) simplement parce qu’il y a forcément une alternative possible _Elle mit la vieille bande dans le magnéto (tu peux foutre ça en boucle : « Wild boys never lose it / Wild boys never chose this way / Wild boys never close your eyes / Wild boys always…shine ») tu peux foutre ça en boucle : Notre but est le chaos total (je répète) notre but est le chaos total (je répète) notre but est de détruire toutes les machines policières (je répète) notre but est de détruire toutes les machines policières (je répète) notre but est de détruire toutes les machines systémiques binaires (je répète) nous avons l’intention d’en finir avec les machines de contrôle (je répète) nous avons l’intention d’en finir avec les machines de codage (je répète) nous avons l’intention de détruire tous les systèmes dogmatiques et les vieilles ordures verbales (je répète) nous avons l’intention de détruire tous les systèmes dogmatiques et les vieilles ordures verbales (je répète) nous avons l’intention de dépouiller le grand cadavre poétique (je répète) le grand cadavre éthique (je répète) le grand cadavre politique (je répète) nous avons l’intention de détruire toutes les machines idéologiques + tous les réseaux des lieux de la pensée pseudo-révolutionnaire (je répète nous établirons des listes noires pour tous les poètes inutiles) nous avons l’intention de déraciner le bloc familial et sa cancéreuse expansion (tribus/pays/nations) je répète nous avons l’intention d’en finir avec le baratin de la famille le baratin du flic le baratin de la mère le baratin du père le baratin du prêtre le baratin de la patrie le baratin des partis nous avons l’intention (je répète) de faire le grand nettoyage idéologique le grand nettoyage politique le grand nettoyage social (nous avons suasamment entendu de merde à ce sujet dit-elle) je répète notre but est le chaos total je répète : notre but est le chaos total je répète nous ne ferons aucune dicérence entre les cibles civiles et militaires je répète nous sommes partout nous serons partout nous avons mille visages – Tu peux foutre ça en boucle : « Wild boys never lose it / Wild boys never chose this way / Wild boys never close your eyes / Wild boys always…shine » tu peux foutre ça en boucle – Bien évidemment je suis sûre que les mots commencent à vous exciter dit-elle je suis sûre que vous vous dites : voilà c’est exactement comme ça que je dois commencer ma guerre j’arbre comme cadavre virgules noires (un livre dont vous êtes le héros) ça tire sur la tige ça tire sur la ligne ça tire (toujours) sur la (même) ligne (de fuite) ça tire même de tous les côtés par rafales par jets continus (discontinus) tout est à reprendre tout est à refaire tout est à bombarder – Que faire & par où commencer ? (moins 50 % sur tous les articles démarqués) en bougeant un peu on aura notre interstice de mort dit-elle : une langue vivante à outrance une langue vivace à outrages (des visages des figures = des déchets de corps Revue Le Quartanier 3/4–2005 73 industriels tout est à bombarder casualties of wars) plus haut plus bas si tu veux sucer des bites comme il faut plus haut plus bas si tu veux sucer au mieux des bites comme il faut que tu prennes bien le mouvement la scansion pour ainsi dire le rythme-langue le culte [éculé] de l’exaltation mystico-littéraire des révélations heideggero-hölderliniennes (du genre : écrire c’est d’abord s’arracher à soi et au monde) – La ponctuation n’est pas nécessaire merci – L’abrutissement des masses rend à terme toute écriture révolutionnaire véritablement impossible (voire improbable) et il n’est pas étonnant de déplorer l’état merdique de la production artistique quand on voit que la démangeaison du succès le besoin de passer sur le ventre de ses camarades ou le besoin vital d’être salué par un jury poussent les ego formatés que nous sommes à faire de bien grosses saletés dit-elle j’ai cinq ans j’ai pas cinq ans j’essaie d’ouvrir la bouche j’essaie de la fermer (l’exercice est tout ce qu’il y a de rapide l’exercice est tout ce qu’il y a de plus profitable) – Vous savez de quelle idéologie profondément réactionnaire décadente et pseudo-révolutionnaire pour tout dire exténuée la littérature est dans notre société le symptôme actif ? – J’ai cinq ans j’ai pas cinq ans – Nous n’avons plus que de la merde dans la bouche – Tu vois nous (nous) devons (de) défendre absolument l’idée d’un devenir-minoritaire de la langue (par delà toutes les utilisations frauduleuses et fétichistes de ce terme) et pas question d’utiliser ce que la société du spectacle nous (r)envoie à la gueule sous prétexte de vouloir coller au show propre de la réalité et faire ainsi une littérature-des-enjeux-depouvoir frivole absolument pas dégagée d’une (certaine) volonté de coller à une certaine forme convenue de dénonciation pseudo-révolutionnaire de la réalité dit-elle une littérature dépensée en pure perte pour ainsi dire sans la moindre idée sans la moindre visée qui préfère coller sa langue au plus près des magazines people et télés dit-elle – C’est la perte de tout devenir-politique du texte la perte de toute politique du devenir traduit in fine comme dernier espace de refoulement dit-elle comme lieu exemplifié du renoncement politique et du retrait de l’histoire (moins de vagues et plus de vogues du genre poetry-star academy mais moi j’aime ça dit-elle) – Un nouveau stade du miroir comme stade indépassable du développement ultime de ce qu’ils nomment pieusement littérature : « l’aliénation du spectateur au profit de l’objet contemplé (qui est le résultat de sa propre activité inconsciente) s’exprimant ainsi : plus il contemple moins il vit plus il accepte de se reconnaître dans les images dominantes du besoin moins il comprend sa propre existence et son propre désir » – Tu dois désirer dit-elle tu dois être désirable tu dois participer à la lutte à mort à la compétition du monde si tu t’arrêtes tu n’existes plus si tu reste en arrière tu es mort dit-elle 74 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Une poésie bourgeoise est une poésie qui hérite une poésie petite-bourgeoise est une poésie qui hérite de la prétention à hériter – Voilà où nous en sommes dit-elle : « that’s it sunder flounder sounder your death coma grossly inverted placenta cancer aureola from where i sit i see them dead drip by drip drop by drop » – Ainsi on ne se libère pas du capitalisme parce qu’on le veut (celui-ci comme flux étant précisément la volonté de l’absolu) mais on se libère du capitalisme parce qu’on veut inventer des objets étranges incongrus monstrueux capables d’ouvrir dans le flux du capitalisme lui-même des brèches des failles des issues qui réorganisent la lutte – Cette critique culturelle au rabais n’est pas assez radicale dit-elle nous avons déjà largement montré que le renoncement à une théorie critique de la société est une totale démission idéologique dit-elle – On n’ose plus penser l’ensemble parce qu’on désespère de le changer parce qu’on s’avoue ineacace à le changer parce qu’on croit toujours que l’empire est bien trop puissant & qu’il n’en a pour ainsi dire rien à foutre – La véritable critique théorique doit être une machine de guerre poétique à formaliser la pratique dit-elle – L’écriture et la révolution font cause commune l’une donnant à l’autre sa recharge signifiante et élaborant comme arme le texte comme machine de guerre syntaxique et grammaticale à désintégrer le temps et à pulvériser l’espace dit-elle (syndrome ou symptôme Attila – C’est du pareil au même dit-elle) – Mais nous l’avons déjà dit le texte comme engagé dans un processus de dépense qui brûle à tous les niveaux tous les niveaux de matériaux possibles (D.C.) comme le contraire même d’une structure pleine close achevée dit-elle le montage par saccades jouant de tous les principes de l’ornementation (symétrie dis-symétrie a-symétrie répétition accumulation juxtaposition) va à l’encontre de toute contemplation et produit un ecet de syncope de temps syncope d’une ligne qui se dessine dans le chaos de la mémoire on est dans le chaos de la naissance dans le risque du chaos total – Cette critique exemplaire ne devra soucrir d’aucune compromissions avec le système cellulaire global dit-elle – Nous ne critiquons pas le système pour l’améliorer mais pour le détruire – [Abjection votre honneur] Il est impossible de détruire le système selon une logique de la contradiction ou par un retournement du rapport de forces tout ce qui produit de la contradiction du rapport de forces de l’énergie en général ne fait que le retourner au système et l’impulser selon la distorsion de l’anneau de Mœbius – Nous ne critiquons pas le système pour l’améliorer mais pour le détruire « la transgression est dérisoire par rapport à ce que la loi réellement interdit » – La transgression seule dissociée de toute autre démarche autonomisée ne débouche sur aucune rupture elle s’avère comme telle destinée à succomber sous les traits d’un vulgaire écart – Nous ne critiquons pas le système pour l’améliorer mais pour le détruire – C’est en ce sens que l’ordre social Revue Le Quartanier 3/4–2005 75 est méconnu par l’oubli de ce fait décisif qu’il produit simultanément la norme et l’écart – La transgression comme écart (la limite et son franchissement) qui ne mène plus alors à un ailleurs mais à l’autre côté prévu (le code et la codification possible) de ce qui apparaît pour le transgresser – Nous ne critiquons pas le système pour l’améliorer mais pour le détruire – La transgression plus gravement se porte garante de ce que la loi interdit réellement si l’acte transgressif et si la transgression se voient autonomisés (par là réduits à une apparence de faux-semblant de négation à une négativité apparente sous couleur de rupture radicale) ils ne feront qu’esquisser une fausse sortie pour retomber nécessairement à l’intérieur du code et l’alimenter comme signes et dicérences supplémentaires – Ici se transmute en apparence le caractère ocensif la qualité « radicale » révolutionnaire de la transgression qui s’évanouit comme telle au cours d’un mécanisme qui la change en composante culturelle en variable du système dit-elle – Ce qu’il faut c’est des résultats – Ce qu’il faut c’est déplacer tout dans la sphère symbolique (nous ne critiquons pas le système pour l’améliorer mais pour le détruire) où la loi est celle du défi de la réversion de la surenchère telle qu’à la mort il ne peut être répondu que par une mort égale ou supérieure dit-elle (il faut que tout se sache) – Essayons d’avoir l’intelligence du mal – Tel est l’esprit du terrorisme – « […] si les terroristes notamment islamiques n’existaient pas il eut été merveilleux de les inventer dit-elle quoi de mieux en ecet que leur évidente inhumanité pour contraindre chacun à identifier définitivement la cause de l’humanité à celle de l’économie libérale et du parlementarisme bourgeois » dit-elle – La pire erreur celle de tous nos stratèges révolutionnaires est de croire mettre fin au système sur le plan réel ça c’est leur imaginaire celui que leur impose le système lui-même qui ne vit ne survit que d’amener sans cesse ceux qui l’attaquent à se battre sur le terrain de la réalité qui est pour toujours le sien – Il faut que le système se suicide de lui-même en réponse au défi multiple de la mort et du suicide toute mort est facilement computable dans le système même les boucheries guerrières étatiques mais pas la mort-défi la mort symbolique car celle-ci ouvre sur une surenchère inexpiable autrement que par une mort équivalente dit-elle – La condamnation morale et l’union sacrée contre le terrorisme sont à la mesure de la jubilation prodigieuse de voir en ruine les superpuissances symboliques mondiales – Tel est l’esprit du terrorisme – C’est le système lui-même qui a créé les conditions objectives de cette rétorsion brutale – Il y a une perfusion mondiale du terrorisme qui est comme l’ombre portée de tout 76 Revue Le Quartanier 3/4–2005 système de domination prêt à se réveiller comme un agent double – Tel est l’esprit du terrorisme – Nous ne critiquons pas le système pour l’améliorer mais pour le détruire (guerre fractale d’extermination cellule par cellule [cellule pour cellule] de toutes les singularités qui se révoltent sous forme d’anticorps) – Essayons d’avoir l’intelligence du mal : toute balance est rompue à partir du moment où il y a extrapolation du bien hégémonie du positif sur n’importe quelle autre forme de négativité – La tactique du modèle terroriste est de provoquer un excès de réalité et de faire s’econdrer le système sous cet excès même – Le spectacle du terrorisme impose le terrorisme du spectacle – Tel est l’esprit du terrorisme – On considère le mal métaphysiquement comme une bavure accidentelle mais cet axiome d’où découlent toutes les formes occidentales de manichéismes binaires est illusoire – Nous garderons donc ce qu’il faut d’ectoplasme pour paraître leur contemporain dit-elle (à défaut d’autocritique initiez-vous à l’autodéfense) – Nous sommes partout nous serons partout tel est l’esprit du terrorisme (à défaut d’autocritique initiez-vous à l’autodéfense tel est l’esprit du terrorisme) – Vous savez bien que je partage beaucoup de vos idées politiques mais peu de vos idées esthétiques (et inversement) – La guérilla urbaine est dans cette mesure la conséquence de la négation accomplie depuis longtemps de la démocratie parlementaire par ses propres représentations la réponse inévitable aux lois d’urgence et aux lois des grenades à main la disposition à lutter avec les moyens que le système s’est déjà mis à disposition afin d’éliminer ses opposants dit-elle – Il faudra considérer cet événement comme un étape préalable essentielle dit-elle – Vous savez bien que je partage peu de vos idées esthétiques et peu de vos idées politiques – Nous établirons des listes noires pour tous les poètes inutiles (il faut que tout se sache au premier plan l’essentiel) – Nous travaillons actuellement contre l’Occident voire contre le monde tu dis : la poésie est une pute les textes ne se suasent plus à eux-mêmes il faut un réseau de connivences de connaissances des trafics d’influences des renvois d’ascenseurs pour que les textes émergent et encore… c’est ça le devenir-compromissionel de la poésie dit-elle c’est ça le devenir-compromissionel de la poésie est une pute elle n’est pas elle n’est plus elle ne peut plus être la solution dit-elle – Je ne crois que dans ce jeu de putes la littérature puisse encore beaucoup dit-elle – Les petites filles modèles de la démocratie ne sont plus que des putes compromises ouvertes soumises (encore plus putes encore plus soumises) au tout venant des idiolectes tout puissant du marché dit-elle – Le dénouement proposé ne sera pas fictif (un livre dont vous êtes le héros) – L’espace social vidé de toute critique radicale reste cette scène d’étalage des corps Revue Le Quartanier 3/4–2005 77 du culte d’un corps auquel on attribue richesses satisfactions diverses indispensables et disponibles puisque ainsi le raccourci communicationnel entre individus est trouvé la prostitution comme service rapport tendant à (se) démocratiser le pouvoir que ne survive de notre organisation sociale que la valeur du corps et son entretien biologique sécuritaire sa consommation privée satisfaisant les pulsions de la façon la plus élémentaire conséquences possibles de l’actuelle plongée dans l’ego à la recherche désespérée d’une image de soi d’un retour de cette image etc. dit-elle la poésie est une pute et quelques noms suasent à le prouver (il faut que tout se sache au premier plan l’essentiel) La poésie est une pute et quelques noms suasent à le prouver (je répète : notre but est le chaos total je répète : la poésie n’est peut-être pas la seule solution) – Notre alibi doit être de toute façon absolument parfait – Nous écrivons et nous nous constituons à mesure l’alibi parfait dit-elle – Notre alibi doit être de toute façon absolument parfait nous écrivons et en même temps nous nous constituons comme leur perte absolue – Ce sont là nos règles de l’art – Et ceux qui se refusent au réexamen des règles de l’art feront des carrières dans le conformisme de masse en mettant en communication au moyen de bonnes règles le désir endémique de réalité avec des objets et des situations capables de le satisfaire – Nous avons maintenant posé les règles d’un véritable cross-over esthétique dit-elle (pour une littérature mutante – ce sont là nos véritables règles de l’art) – Que dire alors ? il faut que tout se sache au premier plan l’essentiel : « Faire de l’art avec du mal c’est le grand art le seul ça consiste à savoir que le mal ne se liquide pas mais que l’œuvre est le seul lieu où le mal puisse s’inverser au bien » dit-elle – Ce livre est à brûler : le mal est tout ce qui nous distrait dit-elle (il faut que tout se sache au premier plan l’essentiel) ce livre est à brûler (pour une littérature mutante : la poésie si elle veut sortir du poétisme généralisé dans lequel elle s’est embourbé doit sans attendre établir des connexions avec les dicérentes pratiques esthétiques qui sont hors de son champ premier d’application dit-elle pour créer ainsi de véritables paradigmes révolutionnaires dit-elle c’est dans cette hybridation généralisée et non dans le formatage absolu des catégories dominantes que la poésie a le plus de chances de conquérir et de remettre en jeu de nouveaux territoires dit-elle hybridation et déterritorialisation dissémination et déconstruction : parce que résister à la tyrannie des pontes de la sémiosphère poétique à l’idéologie idéaliste des systèmes de pensée dominants comme au jeu édifiant du spectaculaire intégré est le seul véritable acte à ce jour de sincérité révolutionnaire dit-elle) – Il faut que les acteurs fassent un peu de gymnastique intellectuelle – Le consensus n’est pas en ligne de mire – Le diagnostic est exact 78 Revue Le Quartanier 3/4–2005 mais il serait en revanche absolument faux de se mesurer trop étroitement aux exigences du temps présent ou aux exigences du temps marchand dit-elle la littérature dominante est une littérature de fin-de-trottoir de fin de l’histoire (de certains tics (bien trop) insistants) une littérature de trottoir qui répond justement aux exigences spectaculaires du temps médiatico-poire dit-elle – Le scénario doit être de toute façon absolument parfait – L’illusion est une arme révolutionnaire l’illusion devra répondre à l’illusion puisque la littérature est un monde en papier d’événements invisibles manipulés – Il nous faut la science des déchets la science des déchets ultimes dit-elle pour pouvoir enfin (re)commencer – Il serait temps maintenant de fonder des instituts de déculturation sortes de gymnases nihilistes où serait délivré par des professeurs spécialement lucides un enseignement de déconditionnement et de démystification culturelle étendu sur plusieurs années de manière à doter ce beau pays d’un corps de négateurs solidement entraînés qui maintiennent vivante & vivace au milieu du grand déferlement démocratique la protestation et la révolte dit-elle on enseignerait ainsi dans ces collèges à mettre en question toutes les idées reçues toutes les valeurs révérées de l’humanisme de la démocratie de la littérature de l’idéologie des droits de l’homme dit-elle – Tous les mécanismes bâtards de la puante rationalité – On nettoierait ainsi la machinerie débile de la pensée jusqu’à son décapage dépeçage intégral jusqu’à sa lobotomie intégrale on développerait méthodiquement la vivifiante faculté de l’oubli de l’oublitzkrieg de l’être « vous êtes en face de vous-même tout comme la nature et l’histoire un monstre et un chaos fait pour la plus complète incarnation du mal fait pour la plus complète destruction de tous » dit-elle – Notre société est en mesure de récupérer au profit de celle-ci toutes les formes aiguës de subversion et pourrait donc bien tolérer tout cela dit-elle – Nous y avons toujours pensé nous y avons toujours plus ou moins consenti – Il faut même aller plus loin le règne de l’éthique fait symptôme pour un univers que domine une singulière résignation au nécessaire – L’objectivité économique est ce à partir de quoi nos régimes parlementaires organisent une opinion et une subjectivité d’avance contraintes à entériner le nécessaire la fameuse fin des idéologies que partout l’on proclame comme la bonne nouvelle qui façonne le retour de l’éthique (ou de la morale) signifie dans les faits le ralliement aux chicanes de la nécessité et un appauvrissement extraordinaire de la valeur active militante des principes dit-elle – L’idée même d’une éthique consensuelle est un puissant facteur de résignation subjective et de consentement à ce qu’il y a car le propre de tout projet soi-disant émancipateur est de diviser les consciences – L’éthique se présente donc comme le supplément d’âme du consensus libéral-global et ce terrorisme du bien rebondit aujourd’hui Revue Le Quartanier 3/4–2005 79 avec la thématique humanitaire qui conduit automatiquement à mettre horshumanité ceux que l’on combat au nom de l’humanité – Tous les traits qui caractérisent le mode d’existence de la société capitaliste du marché totalisé en simulacralisation jusqu’à l’épuisement qui s’ensuit de la critique idéologique ne représentent pas seulement des moments apocalyptiques d’un quelconque crépuscule ou déclin de l’humanité une sorte de nihilisme dit-elle mais constituent des provocations et des appels qui font signe vers la possibilité d’une nouvelle expérience créatrice – Il ne s’agit pas de jouer le nihilisme pour le nihilisme ou de le jouer contre il s’agit d’impliquer une nouvelle manière de penser de créer un complet bouleversement dans les principes dont dépend la pensée – La révolution doit être une école de pensée sans entraves – Le nihilisme achevé nous convie à une expérience de la réalité en clé de fable qui se présente en même temps comme notre unique possibilité de liberté – « Il n’y a rien à démontrer il s’agit seulement de voir quelque chose que pour l’instant on ne voit pas encore » – Il y a dans ton vocabulaire un je ne sais quoi d’indéfinissable un jeu ne sait quoi qui laisse à désirer – Il n’est pas possible de revenir en arrière dit-elle ceci n’est pas possible ceci n’est pas souhaitable (il faudra bien hurler : que faire ? et par où commencer ?) – Je ne suis pas un héros je ne suis ni un héros – Que faire & par où commencer ? (il faudra bien hurler ce livre est à brûler telles sont les choses à dire quand le langage dément les organes) – Le scénario doit être de toute façon absolument parfait – gloire(s) à nos héros – Burn Hollywood burn – Notre alphabet ne s’arrêtera pas là – Telles sont les choses à dire : Quelque chose de plus devra donc succéder à la littérature (Tod und Verklarüng) 80 Revue Le Quartanier 3/4–2005 … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Louis-Philippe Hébert Correspondance de guerre (extraits) … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … je suis mort… brûlés, hurlant réduits en cendres dispersés, semés en France, semés en Russie semés dans la Méditerranée grains, granules, poussières éparpillés, hurlant, sur tous les continents hurlant, infiniment petits mille voix – quoi ! des centaines de milliards, oui un ici parmi des millions et des millions l’autre là, à des milliers de kilomètres poussière, une seule poussière qui a pris l’avion, qui s’est envoyée en l’air poussière transportée dans ce vêtement, puis lavée – passe à l’eau, poussière ! avalée par un poisson, celle-là déjectée par un oiseau, une autre toujours hurlant, tous ces points ces piqûres d’épingles, ces traces qui se fuient – se fuient-elles ? qui hurlent, le programme est perdu le programme qui les réunissait perdu, désécrit, oui Revue Le Quartanier 3/4–2005 81 eÅacé comme on découd les phrases disparaissent de droite à gauche en hurlant leur cri hurlé à l’envers comme un ruban qui se rembobine cendres hurlantes pas de continent pas d’espace pas de profondeur pas de sommeil où il ne soit allé mais en si infime partie conscience si mince, si fragile et pas de bureau-chef pas de quartier général personne à qui rapporter sa position personne à qui dire « maman » si poussière, si poussière qu’il échappe à la gravité si poussière, vraiment qu’une lune plus rapprochée qu’un vent plus tourmenté vont bientôt l’arracher le lancer vers des chaleurs et des froids plus torrides et plus glacials descendre dans la mine, aussi en même temps, descendre au fond de la terre 82 Revue Le Quartanier 3/4–2005 ne jamais s’arrêter… cette dispersion aÅolante n’a de cesse n’aura de cesse que dans un hurlement épuré un seul et long cri qui traverse la nuit qui avance à tâtons dans ce couloir qui frappe à la porte et quand tu ouvres étonné d’avoir entendu un appel si faible un bruit si peu sonore si mince il n’y a personne pour t’embrasser il n’y a plus rien sur le palier il n’y a plus d’escalier et tu restes surpris de ne pas le voir comme lorsque tu te tournes brusquement et que tu ne vois pas ton image dans le miroir Revue Le Quartanier 3/4–2005 83 les êtres particulaires j’ai placé mes pions j’en ai mis un à l’autre bout de la pièce il me regarde, désolé un autre dans la cuisine près du réfrigérateur et plusieurs derrière la cuisinière en petits tas dans l’évier aussi hier qui sont partis avec l’eau de la vaisselle ne reviendront pas de sitôt, ceux-là surveilleront la maison de loin en loin un autre, le chien l’a emporté enterré dans la cour une douzaine se sont sauvés par la fenêtre entrouverte le vent les a ôtés voleur ! quand on en a autant, pourquoi se préoccuper d’un si petit larcin ? j’ai semé plusieurs d’entre eux dans un champ on verra bien quelle sorte de blé naîtra j’en ai mangé aussi oui, avec une petite cuillère j’ai de l’appétit je sais en avoir c’est ma vie de l’appétit là où d’autres ont du dégoût je mange ce qui pourrait me manger c’est bien fait et c’est plus sûr ainsi mais je m’égare comme mes pions un sur la table de la salle à dîner 84 Revue Le Quartanier 3/4–2005 l’autre sur le bord de la baignoire garde l’équilibre, ne tombe pas ! et puis dans mon lit, des milliers comme si c’était un nid de fourmis infesté je suis infesté pauvres pions sur les tablettes de la bibliothèque dans un livre, font semblant d’être des lettres brouillent les textes, même les miens réécrivent tout pour me ridiculiser vous croyez ? des pions dans l’escalier faut pas trébucher des pions au travail aussi sur le bureau du comptable il y en a des milliers laissez-le compter des milliers dans la moquette on ne fait jamais le ménage ici j’en ai placé dans des boîtes aux lettres bonjour, bonjour vous allez voir du pays, vous verrez un a fait l’Italie et je n’y suis jamais allé un autre a fait les Pyrénées je ne sais pas où c’est je place, je place j’y consacre la majeure partie de la journée et je reviens le soir exténué d’avoir tant travaillé Revue Le Quartanier 3/4–2005 85 je me cale dans mon fauteuil et, les yeux fermés, je contemple l’échiquier vaste, grandiose qui échappe à toutes les définitions échiquier aux proportions de l’univers pourtant… pourtant l’univers paraît étroit quand j’en pose sur des planètes dont les noms sont imprononçables même par leurs habitants ils n’en sont pas moins farouches et cruels comme ces rats à fourrure noire qu’il faut abattre à coups de pelle et ce froid impossible qui plante ses dents pointues dans la peau des visages et ce soleil torride qui fait bouillir le crâne comme un œuf à la coque ces endroits perdus où le vide n’a plus de sens où le remplir est de la foutaise placez ici, ça revient là et les vitesses qu’il faut atteindre parfois mettez le doigt dessus, il n’y est déjà plus il n’y a jamais été tâche incessante et stupide toujours en butte à une limite à une frontière érigée hier à un obstacle imprévu c’est mon sort c’est ma vie je contemple l’échiquier, morose oui, je suis morose 86 Revue Le Quartanier 3/4–2005 quand je contemple mon vaste territoire et que le silence envahit l’espace je pointe l’oreille et je peux entendre mes pions qui m’appellent et qui se lamentent qui se sentent abandonnés ou mal placés proies faciles enfants sacrifiés nourrissons arrachés à leurs mères chiots qui aboient peuple dispersé je les entends maintenant tous à la fois qui braillent à l’envers comme le ruban magnétique qui se rembobine alors… alors, je prends conscience du caractère surhumain de mes eÅorts les cris de mes pions se font plus intenses leurs cris créent des pierres quand je constate l’étendue de mon existence démesurée une sorte de vertige finit par me prendre et je me demande pourquoi il faut que ma vie ressemble tellement à un échec Revue Le Quartanier 3/4–2005 87 … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Patrick Poulin Applaudissements … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Poum dit : « Après les applaudissements, tout le monde se lève pour sortir, mais il n’y a pas de sortie. Je me lève tôt le matin et me couche après le Téléjournal. J’écoute rarement la télévision ; je préfère la musique de film. » Supermarché pétrocanada au club vidéo nationale banque se brosser se moucher se coiÅer se lâcher se refaire se cracher genre entrer ; lécher lisser arracher des moucherons et dents boutons sécher boire et passer jeu ; per se en rafale aller d’habits souvent avoir par fréquences à l’envie défaire briller feindre faire et marbre et substances par cliques disent n’importe quoi mais surtout quelque chose pardessus quelque chose d’habillé chemise de pied en cap ; percé menti donné troué tenue et revenu transparence mouillée et marge de crédit ; dépecé ; voiture voiture voiture élytres le métal en courbes et courbes lignes directions meubles ; meubles-vêtements granuleux émus huent hient applaudissent siflent comateux énervés comme achetés tourbes de comas et crachats d’écroulement collantes virgules en pente remontent. Bill Jacquet et Bo Bil manteau démantelés fondus crémasses genre stucco cheese style parafine grise d’entrailles ourlées de prises et velours glucose dextrose glue textile et divergents plastiques errants lisses grelottent en sauce rouge tournés combustibles et dermes de gelée cacquettent rient fusent (fun’n’roll). 88 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Danny dit : « Poum s’habite dans des failles de rats rots faces d’habit s’habille de Poum… » Bo Bil une marionnette de cornet à la vanille dans la main de Mike Flat et Bad Bat lesquels jasent ou jousent au trottoir comme de la garniture à la framboise look rouge ; Bill Jacquet (aka Bille Menne) marionnette sciée comme des chaînes génomiques plus sirop au chocolat suisse knight cavalier roulé fourré petit-four, mariée-squelette en fleuve. Mike Flat et Bad Bat émettent du ketchup-à-bulles chimique (plutôt drosophiles, les larrons). Patron chocolat pour faire des gilets, papier-oignon irritant se dédouble par photocopies-protéines, des beignes et des deuxpattes. Ainsi vint Tits-bras. Tits-bras le gilet-T-shirt. Né à Lévis. Il est porté par Bo Bil et c’est lui le léché de Mike et Bad Bat bébé. Bébé laitier de Lévis aussi, veste. Le chum de Mike Bedaine hickory fumée et bobettes léopard string. Revue Le Quartanier 3/4–2005 89 Il y a des saucisses à la crème glacée qui sortent du trou qu’il y a dans le plafond. Mon portefeuille fuit comme un hérisson blessé. Je l’ai nourri trente jours et cent nuits en brûlant mes meubles et des cônes d’encens et en traçant des doigts gouachés des voix sur la buée aux fenêtres mortes. Je suis sorti, désenclavé, clavicules détachées en clefs fuyardes, toute noyade séchée dans les poches, réglé, puis passé par des routes de rocaille et de chips et de jus et de maywest au coke. Un cœur dans chaque orteil, pour voiture ; un cœur-à-peau, pour les communications ; et un cœur aux ailes pour le reste. Dehors : ahuri sa tête engouachée en touÅe larvée lavée levée tache de tête de vache de soufle de soufre cerveau floral estampé écrasé coup de klaxon volatile dégorgée au max à high : musique tonne façon F1 méga avec une langue en feu pour pilote, furies sonores roulées en cordons puis placées instantanément dans les oreilles ; sa tête souflée comme un jet de lumière une coulée de plastique fondu bombée son crâne chauÅé hors de sa posée jette par coulées couine sa face ahurie. 90 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Le Bonhomme BBQ se ballade les morcelots de morloques et ce qu’il mange et lèche avec couronne de satisfaction garantie, c’est promenade le long des centres commerciaux et des outlets et des dépôts entrepôt de la chaussure P.R.I.X. et souvenirs. Mangemouvement, lui-même coussin de guimauve-moustarde costarde galette de guimauve limette et flueur plus enrobée de steak au bacon fumé, sa tête en crunchie, stratification en nid de guêpe, désordre lisse de boissons aux fruits, orange, koolaid l’intérieur esse, et sa tête vitreuse de ventre à la noix de coco papa’s emmêlée avec les autres têtes, un bouquet de ballons, silence, le ciel bleu ténèbres, les petits chiens frisés multicéphales aboient « aw’ right ! », il pige des chips au sac, sick chap, chiens, ses mains, ses doigts, de la poudre orange, sa tête, une langue dans le sac, une bague, il croque ses menus, des pinottes, son anus, des croquettes et des pièces de poulet vide, et les autres, il les regarde passer devant lui dans son sac maigre c’est lui il mange se voit passer peigné pressé l’homme de vent bouge en éternuant « bonjour » a-t-il dit à peine frémit signe de la main, frisson de la main en l’air brossée menacée de s’évanouir, le journal, sculpturale, les ballons en tignasse éventrée, des journaux, une vieille photographie articles électroniques chez magasin futur pour conserver en solde une publicité de sofas soda plus et meubles à monter monter voit une voiture, voiture une voiture, voit voiture une voiture, rouge, voiture, voiture une voiture, une voiture bleue voiture, une voiture grise, des Revue Le Quartanier 3/4–2005 91 camions de livraison, camion, des voitures, beiges, un autobus, une voiture, des voitures beiges, voiture blanche, des voitures rouges, des voitures voiture avec une langue et puis « bonjour » un verre un café il tire une rasade de cola et puis café filtre il boit une limonade un chocolat frappuccino Botticelli avec un tube de dulac cheddar dit « Bonjour, comment ça va ? » plus « J’ai vu QBurt et ils mangeaient des sacs en PVC à la vanille grouillant de larves d’âmes » et « Ah oui ? Incorrigible » puis instoppable « Mais oui mais ils ont frappé un os, Dog’n’Dry1, ils ne l’ont pas croqué ni digéré, intoxication aliment, le parfait trou au poignet, quoi » et l’autre « Oui, c’est dangereux, toujours de préparation rétention résiste-taches et évidemment beaucoup de pression alors qu’on n’est jamais proactif évidemment se salit il s’est fait frapper, oui oui » alors « Jours de repos à la maison à jouer au playstation, tête au labyrinthe, face aux revues » parce que « Manger des ectoplasmes, c’est mauvais, s’associer à des flatulences, coquines et coquins, mauvais film à quatre-vingt millions de dollars, trop de sirop-mousse dans la gueule et d’êtres-burger extra biscuits sans jogging ». « Doudim doum-doum » chantonne en boule Bonhomme au couchant. 1. Phantôme Bégin : Face-de-Rot. 92 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Élégance de pense-bon, Q-Burt tout verres fumés : « On va manger un cornet ? » Blinky vulveusement gomme biche : « Mangeons plutôt ces chaises de patio à la vanille. » Q-Burt se transforme en gargouille avec des yeux rouges ketchup, souterraine voix : « J’adore la crème glacée au pétrole. » Les lépismes argentés se nourrissent de cellulose et surabondent, en quoi ils ressemblent aux gros et aux pigeons. « Tiens, on pourrait manger des sacs de plastique à la vanille ? » Sur le trottoir crémé de vitres et vitrines et enseignes pépites de chocolat des passants passent comme des flammes ou des larves de lumière. « Ou manger des âmes à la vanille ? » Ils éclatent de rire et disparaissent entre deux larves. On entend des cris et une grosse a le cul troué. « Nicole, t’as l’air d’un cornet avec une fesse en moins. » Les nageurs-à-dents-de-rat mangent des sacs et des poches. Ils mangent des yeux, des balles de golf à la crème glacée, des choses froides et cotonneuses ou des passages enroulés comme des germes nerveux, des bras-boules et des jambes fumées au mesquite, ils avalent des poupées de gel et de crème à la noix de coco-silicone et café-fraise frappé vinaigrette ranch rose avec kleenex en mousse. Un pigeon s’ébroue dans la lettre A de l’enseigne mart. Q-Burt s’envole vers le haut entre les fesses d’un nuage. Blinky nu mange des nachos flambant nus avec tous ses os. Revue Le Quartanier 3/4–2005 93 … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … F.P. Meny Praxis Lopus & Damien … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … I. Praxis Lopus ou La pantalonnade tragique d’un dandy délabré qui coule avec la cantine d’argent que le monde se dispute Praxis Lopus marche sous le clair obscur, commence par un chromatisme et poursuit par des péripéties, ça phosphore grave de partout dans l’utopie branlante. – Je suis le moujik enchanté, la place est déjà prise il me semble, en proie à ma réincarnation à l’écoute d’une radio de proximité du bassin d’Arcachon. – Un homme une femme, peu importe d’où vient l’amour, tu poursuis désespérément ta sourate au clairon et eux qui font ronron, ici t’as un accueil pour les chats avec box individuel mais pas d’accueil pour les gens, il est vrai que l’on va te stériliser mais pour le peu que je me reproduis, ma foi, I don’t know what I feel about you, but I feel miaou miaou. – Concordances de temps, Frédéric se meurt un 16 octobre et moi j’arrive (ce qui ne fut pas une réussite mais pour raconter c’est pas cinq jours dans la caravane qu’il faut…) Je me sens comme un poulet Positive Punk, d’abord, est-ce qu’il m’est réellement arrivé quelque chose à force de passer entre les gouttes ? Au moins avec une bonne éducation, je me serais peut-être fait violer, alors que là, que de chi, à part un locataire qui m’a montré sa teube, je lui en veux plus pour le solex. La colère m’attrape et m’ébouriÅe, je pourrais écrire avec application mais vlà le quotidien avec deux heures d’écart au soleil, pour sûr, c’est pas monotone, si j’avais rien à dire, je parlerais de cul comme eux. Le fils de Rimbaud est un bobo, on l’appelle Rim-bo-bo, il a pas mal aux couilles, nous fait prendre les vessies pour des poternes, quand il écrit TruÅaut la truÅe il jouit dans les journaux, la bienséance chevillée au corps comme un bracelet électronique. 94 Revue Le Quartanier 3/4–2005 – Je pourrais écrire, mais vlà le truc qui colle pas, ça pour sûr, je les aime pas. Toi, la jeune femme qui travaille au péage d’Aiton, avec ta grosse poitrine si excitante, tu as remarqué mon autocollant swing sur la porte de mon camion ; à chaque fois, lors de mon passage, tu le regardes. Serais-tu une swingueuse ? Si tu lis ce message, lors de mon prochain passage, dis-moi « Bonjour, Praxis Lopus. » Ce sera le code pour que nous puissions discuter. J’ai un Iveco noir bien monté. Tu es très belle et j’ai envie de te connaître. Bon, puisque personne n’écoute, demain est annulé, l’écoute se transforme en voix, bah ça, une bonne épidémie de rage avec tous ces clébards, ça ferait pas de mal, des vieux flippés devant Poivre d’Arvor, des célibataires et des clébards. Il est beau l’avenir. – Je suis de tous, ça veut rien dire ton truc, prends un mouchoir, moi, c’est l’évangile et pas celle des bourricots, rester parmi les miens ? Le soufle de l’opéra bouÅe emporte tout, tu crois que les sentiers en huîtres, c’est bon pour les pneus ? À Gujan Mestras, t’as le droit à un bon alimentaire de 4 euros pour faire tes courses au champion, ça vaut le détour, deux heures à la caisse et trois tomates et impossible de prendre une douche, faut aller cinquante kilomètres plus loin, enlevez ce truc-là vulgate de vos mairies hypocrites. Ce pays revendique l’universalité des droits de l’homme et pas de douche. – Traduis-moi en nakalaï que l’on aille aux îles Tonga ! La France aussi est en guerre mais c’est quatorze dix-huit ; c’est sûr, quand on fait péter les grenades, ça fait peur aux grenouilles. – Le mec là, dans le poste, il me connaît, obligé, lui, il est là dans le poste et moi, je suis là nulle part dans la nuit, mystère. L’autofiction te regarde par tous les trous entre les interstices du temps poreux hors de question d’être une victime où dans les cours plaisantes et fleuries j’embrassais la zézette de Sophie. Tous les récits vivent à l’ombre de leur fin « dans cette diaspora de survivants saisis par la bougeotte, la maigreur du baluchon reste le plus sûr gage d’intégrité ». Populaire n’est pas le contraire de sophistiqué, les gougnafiers ignorent le parfum enivrant du Pacherenc, le claquement de la bulle au passage d’une particule fantôme, les pauvres n’ont qu’à rester silencieux, la graine de l’arbre en dormance, jadis on cultivait le chanvre pour en faire des cordes Revue Le Quartanier 3/4–2005 95 pour se pendre, maintenant les jeunes le fument pour pas se foutre en l’air, c’est pas tant de marcher sur des œufs que d’éviter de se faire piétiner par les bœufs. Confonds pas un fils de boxeur marocain avec un fils de notable suisse, mariée jeune à un pipole pendant que la marmaille nue gambade à Montreuil dans le jardinet populaire où tu élèves des poules et des lapins. Depuis que la relève des Dieux est assurée par les pitres, Marie trop belle pour la province est montée à Paris, elle rencontre un riche qui a failli tuer son papa avec un canif, ils s’installent dans les beaux quartiers, là où les drames se vivent mieux, tu sais, ils ont connu la honte d’un stage dans la pub, nous dit avec son arrogance coutumière l’organe oficiel qui préfère toujours titrer sur un pote clandé que sur des millions d’anonymes. – Amenez les esclaves dulcinées, qu’on les tripote ! – Chef, chef, elles sont plus dulcinées elles sont calcinées, c’est le Lucien qu’a cru que c’était les frites funéraires. Praxis Lopus furibard totalise sur l’instant de sa perte le pacte entre le cosmos sanglant et l’âme pure du gladiateur. – Nom d’une peau de boudin, ils vont dire quoi, les gens de la haute, qu’on est pas instruits… – J’habite ma colère comme le coquelicot les moissons, et le feu dévore mon paradis dans un enclos inépuisable, ah c’est ça l’orage de Delphes, rester parmi les miens. Émilienne arrive pas à se débarrasser du gamin de 47 ans tout raide devant Télématin. samu et police ont constaté le décès, mais elle y croit pas, elle penche pour le suicide, ça phosphore trop grave de partout, le médecin légiste va venir alors on touche pas au corps et le médecin légiste lui commande de se débrouiller pour transporter le corps à l’institut médicolégal, bé je fais comment moi ? démerdez-vous, arrive le croque-mort, mais ma bonne dame, il vous faut requérir un oficier de police judiciaire, fallait le faire plus tôt, c’est mort, là. – Nom d’un ballet de belettes, et si on se faisait un sandwich ? – Une bite dans chaque trou ? – J’avale les cent mètres en onze secondes Praxis Lopus dans le Melba-system… – Tu veux que je te lèche les Kickers ? – Pas de publicité ! 96 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Praxis Lopus névropathe issu d’un maître zen au milieu des clones comme une bande de photons dans le bleu indigo… Praxis Lopus n’est pas un paradoxe, c’est un homme de sous-culture qui planque des petits sapins en plastoque parfumés sous le siège de sa caisse pour faire croire que ça sent bon naturellement, alors qu’il transpire l’orgueil et la rentabilité. C’est le genre d’odeur qui remonte dans le bide jusqu’aux aisselles. La grande scène du dernier verre. Striptease, déshabillage franco-belge et satirique, petite bite porte des sous-vêtements Calvin Klein, a le sourire émail diamant, les capotes dans le tiroir de la table de chevet et prend bien soin de plier ses petites aÅaires. Pas d’eÅet Impulse, il est en pleine concentration érectile : – Puis-je décemment lui demander de me sucer le premier soir ? Faut voir si je dois la revoir ou non. Si oui, la chupa peut attendre, en attendant dois-je la lécher pour à coup sûr la faire jouir et lui donner l’envie de (re)venir ? Comme le lierre quand on l’attache elle meurt. Je veux ton nectar encore et encore jusqu’à plus soif, profondément puissamment jusqu’à la nuit des temps et dans le même moment comme un testament comme un firmament (firMaman – mot dangerous I think) tu dis mon fils Kipling je te baise encore et partout dans le Jardiland si tu veux, oÅerte. Les ramures de ma tige te caressent également, Priscille M dans le Melbasystem, j’M. La haine je la jette. – Je voudrais être la fleur, l’élue du Petit Prince. L’ombilic de l’oasis, l’épicentre du mirage. – Je me retrouve en pot sous des néons dans la serre de Jardiland, artificielle dans la silicone vallée. Je me nourris de l’air du temps, fatalement, on m’achètera, pour recréer l’ambiance exotique et sensuelle du Sud dans une maison Phénix de la banlieue Nord. Je suis une fleur-boussole, tournesol, je tourne seule. – Je voudrais tant éclore, mais le marché veut que je dure, on m’a choisie pour que je traverse les saisons, pour que je m’entende avec le sapin de Noël, le cerisier en fleur, le pêcher aux fruits gorgés de jus, les marrons jonchant la pelouse. Revue Le Quartanier 3/4–2005 97 – On vitamine mes étamines, qu’importe mon parfum, je n’ai pas à exhaler, je dois juste exister entre le meuble en teck et les rideaux jaunes. – Comment me faire la malle avec toute cette terre sur mes racines qu’on a jetée là sans y penser pour ma propre survie ? Je m’embourbe dans un terreau de grande surface, alors que je suis une fleur si spéciale, plus inédite que mon cousin Edelweiss, je pousse sans eau, je jouis sous le baiser du serpent, et plus les rayons du soleil se révèlent ardents et d’une implacable verticalité, plus mon pollen se distille en mille et une gouttes qui se mêlent aux sables mouvants. Loin des jardins à la française, je suis née sauvage pour être éphémère, c’est là mon essence. – Je m’ouvre en corolle puisqu’on m’en a gentiment prié. – On essuie mes pétales de mes coulures intempestives, des larmes, de la salive ou de la cyprine ? Cyprine, Priscille, Pistil, je suis végétalement humaine, humainement végétale. – Les ramures de ma tige me caressent, je m’hermaphrodite en attendant Adonis et ses vers. Que son soufle soit violent comme l’est le Sirocco, qu’il me prenne puissamment pour me faire exister. Je voudrais du mâle si son désir ailleurs s’est tari qu’il vienne s’abreuver de mon nectar pour retrouver sa candeur d’antan quand il n’en connaissait aucune autre. – Puisse ma sève le rendre amnésique et l’attacher. – Car même en drogues douces il vaut mieux se sentir attaché que dépendant. – Sans me briser, qu’il me donne envie de lui résister quand il sait que je vais plier. – Qu’il m’assoiÅe sans me faner, qu’il me déflore mille fois. – Pour lui je retrouverai mille et une virginités, dussé-je faire appel à mes consœurs sur l’Oranger. – Je n’y peux rien si je me cache pour être bleue, je sais bien que cette couleur n’est pas tout à fait dans la mouvance. – Seraient-ce les caravanes de Touaregs qui passent, l’air concentré sur un zénith que jamais je ne verrai ? Elles sont allées plus loin que le poster Ikea cloué au mur d’en face, moi j’ai parfois des rêves de Round Up et de mort aux rats quand je réalise que je vais rester là. Parler botanique, sans aborder Les fleurs du mal. Je te propose le sweet penthotal, l’infinie caresse, l’ultime fragrance au creux de mon cou. 98 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Un GR Body après le GR Soul, pas besoin de Guide Vert, on se parlera à corps ouvert… Saoulitude for two, attention : Il est des fleurs enivrantes et des vers de trop. Le Narta Manga, principe actif remplacé en son brasier par une ombre factice. Les plantes à racines nues résistent toujours mieux que celles en container, mets tes tongs. Les méandres de ton cœur dans un premier temps trop ambitieux trop long trop. Par contre consomme autant que tu veux on the rocks directement à la source mais rien ne vaut la campagne pour te prendre jusqu’à la lie. Du temps du silence un rendez-vous une certaine heure une bite un cul pas de lendemains prévus de la lèche du foutre un cul encore des gros plans des zooms un courant d’air des bottes une jupe de l’air une voiture un capot la bouche, quand encore tu te seras imaginé pas de fantasme du garagiste une grange du sperme l’envie d’en découdre, pas de supériorité sociale, pas de discours, ouvre-toi sous toutes les coutures et chut… Laissons parler Mæterlinck : Vous ne rencontrerez que vous-mêmes sur les routes du hasard, tout n’attend qu’un signal intérieur/tut/t II. Nomade en France / Damien / en mémoire – Tous les deux, si ça fait pas longtemps qu’on se connaît, vingt ans rien que ça et que d’anicroches. – Tout a commencé parce que je lui ai foutu le ballon dans la gueule au collège, le début d’une franche camaraderie, mais ça commence souvent par une anecdote, non ? Les rounds défilent, bientôt ils se quitteront, les amis se réduisent comme peau de chagrin, crochet sur le renégat, le faux frère embusqué de sa ritournelle endort les anges. Au bout de tant d’années, ça devient grotesque. Les Revue Le Quartanier 3/4–2005 99 combats à la hussarde ne méritent guère qu’on s’y attarde. Damien plastronne tel l’ivrogne leur amitié foutue. – Cette insistance de clairon à épater la galerie fatigue. – Les cachets d’aspirine n’ont aucun eÅet sur ses élucubrations, il faut le passer par le balcon. – Il donne dans les caractères gras et la prose de canaille arc-bouté sur ses archétypes et vilipendant le FIS à Marseille, jamais en reste de se prendre une baÅe, de revenir par la fenêtre ou de mettre le feu au sens premier du terme parce qu’il est contre le second degré. – Par exemple à la teuf des TNT, après toute la soirée à vouloir payer ses verres dix-sept centimes (de francs, à l’époque) et sujet à une mansuétude gagnée par le fait que dans ce milieu, lorsqu’on a une tête connue, on est pas n’importe qui, il abuse et, essuyant le refus qu’il devait attendre depuis le début, il chope une torche et met le feu à leur son, avant même de comprendre ce qui lui arrive, les coups de latte pleuvent et cet épisode de triste mémoire vaut un départ précipité de la région de Montpellier, voilà bien ce qui est pénible dans les milieux fermés, on se grille facilement, même si au bout du compte chacun trimballe son lot de casseroles ainsi des éclopés dans le phosphore. – Les boursouflures de sa geste sont un vrai récapitulatif du pire, un histrion enjolivé dans le potage, interzone relatant ses exploits au bout d’un cycle épuisé. – C’est de l’histoire ancienne donc sans négation. – On se connaît depuis longtemps, attention, on est frères, des brothers, tu parles, le problème de ces déclarations tonitruantes c’est qu’elles tiennent pas la route, tout au moins, nous, on tient pas la route, seulement sans se concerter toutes ces années, grosso modo, on a évolué ensemble, à peu près pareil, avec des nuances, forcément chacun ses qualités, pas toujours facile à comprendre que nos moyens d’expression se complètent, qu’on évolue pas entièrement sur le même terrain, lui, il a une gueule, une dégaine et un passé, moi, j’ai mis plus longtemps à émerger, un tardif combiné à un éjaculateur précoce, j’ai donc passé un temps fou à corriger ces erreurs. – Les autres ont qu’à bien se tenir dans le crachin des accolades et regarder ce qu’est une pure eÅusion. Aujourd’hui, sur le ring, il s’entraîne à énerver son monde et caquette telle une poule qui va pondre son œuf sur les atermoiements du monde et surtout sa face cachée. – Derrière le dernier round se profile l’ultime combat à l’épilogue d’une lutte fratricide. – L’amitié cesse où commence l’inconvénient, c’est pas nouveau. 100 Revue Le Quartanier 3/4–2005 – Son goût de l’action, sa foi en l’homme tel Sisyphe qui a envie de pisser il entreprend une débauche d’énergie à poser auprès de son cadre rafistolé, s’appuie sur sa pédale restante. – Peut-être compte-t-il s’adonner à la mécanique, non, c’est pas vrai, tout mais pas mécano, la mécanique des femmes c’est mon rayon bien qu’elle soit un peu grippée, lui s’invente un nouveau statut social et décidément, quoiqu’elles prennent des chemins diÅérents, nos réactions procèdent encore d’une prise de conscience simultanée. – Le fait de vieillir sans avoir jamais rien fait, ce qui pourrait s’apparenter à une sorte d’exploit personnel, mais pour notre génération vissée au No Future et sustentée au RMI, ce n’est que la pierre angulaire, une marque de fabrique qu’on est pas près de revoir. – Au bout du compte, pas de quoi crier venez voir, le problème de vivre au jour le jour, c’est que quand tu regardes derrière, y’a rien. – Et un jour ou l’autre, tu finis bien par te retourner, alors, là, c’est la claque et de deux choses l’une, ou bien tu réagis en espérant qu’il soit pas trop tard ou bien tu te défiles avec plein de connards qui t’amènent l’addition alors que t’as rien demandé et que t’es plutôt habitué à te barrer sans payer. – Avoir jamais bossé, avoir jamais eu de logement, la vie de famille, n’en parlons pas, hors zone. – Il a tenté les arts martiaux, une séquence n’a pas sufi à raviver son physique d’ablette. Il a renoncé, trop d’investissement. – C’est trop naze ici et on s’en bat les couilles durant une putain de paye d’années qui nous ont servies de viatique avant qu’on s’aperçoive qu’on avait les poches trouées. – Dire qu’on peut se fier à notre entourage pour en quelque sorte savoir où on habite, et je te dis pas le travail. La marginalité, c’est possible jusqu’au bout mais, moi, je suis trop animé de forces contradictoires ou bien comme fait Damien mieux vaut tard que jamais, tracer la route dix ans plus tard en camion, de toute façon il y aura toujours de la place à travers le monde quand chez nous on y verra plus clair, ça, ça changera pas, mais moi je refuse maintenant de faire les choses comme un touriste, à perte, il me faut un investissement, du temps, je sais pas, que quelqu’un me fasse confiance, par exemple, le voyage de la Sound Conspiracy en Inde, je me serais bien vu écrire un truc, chacun y aurait trouvé son compte, parce que l’énergie, dans ce milieu, c’est pas ce qui manque, mais il faut savoir exploiter les talents. Le truc, c’est qu’à force de se la jouer ultra-individualiste, on y a laissé des plumes, on fait rien sans personne et aujourd’hui le problème, c’est que les Revue Le Quartanier 3/4–2005 101 amitiés qui te portent vers d’autres horizons, elles viennent de loin, peutêtre, c’est trop tard pour aujourd’hui. – Demain je mets le réveil matin et je remonte le temps. – Nous sommes nombreux à avoir fait les beaux et à déchanter dans nos clairières, putain de bordel, tellement à la merci du regard des autres, mais c’est pas grave parce qu’avec un peu d’intelligence on trouvera toujours un truc à faire et que la deuxième partie de notre vie sera encore meilleure que la première parce que la première nous aura servi de leçon. – Moi je veux bien que les considérations sur le monde soient sans importance, mais alors dans ce cas il faut faire autre chose et ça, c’est totalement exclu. – Je finirai pas au fond d’une grande surface à étiqueter les barils de lessive et tant pis si la réussite se mesure à l’aune des filles ; à ce compte, je les zappe. – Un jour, on croit à ses amis qui deviennent trop diÅérents et l’on passe par la portière passager sans états d’âme. – Bien sûr qu’on peut se trouver à coté de la plaque, nul besoin alors d’avoir le nez dessus. – On peut pas être partout. – La camaraderie qui t’enfonce de sa condescendance se bazarde derrière le miroir où il se regarde le matin, fiévreux comme un pinson. – D’abord notre jeunesse dépolie par la lumière et les fastes de jupes personnifiées, puis le cours a changé et le toc l’emporte et charrie ses alluvions où quelque part nous a vu naître et qu’on se décarcasse à trouver la caverne. – Obligé par soi-même de se rendre compte de visu que Narcisse a disparu et lire les faits divers de serial killers au fond de sa baignoire avec son petit jouet en plastique qui déplie ses voiles de Titanic. – Damien rouspète saoul comme un Polonais contre son sort peu enviable, la faute aux autres et à l’ours brun, à force il décroche la timbale, à eux deux, un vrai concert de casseroles, grossistes en casseroles. – Les plans de pute entre amis ne méritent pas qu’on s’y attarde, on a voulu vivre en bande, reproduire un modèle, enfin pas Damien parce que lui ses parents ont toujours bossé dans les assurances et passent leur retraite dans leur pavillon merdeux alors il va pas chercher à reprendre le même schéma ; par contre, moi, j’avais des prédispositions avec ce reup contrebassiste de jazz puis trafiquant de drogue. – Pendant longtemps, j’ai pas imaginé une autre issue que finir en centrale, la grand-mère, elle y mettait du sien aussi à me conditionner, t’auras un 102 Revue Le Quartanier 3/4–2005 logement si tu vas en taule, à la fin j’y croyais, pas au logement d’ailleurs, j’ai jamais eu ni l’un ni l’autre, c’est pas pour verser des larmes de crocodile, mon père était à Berck, aux enfants malades et moi j’ai fait Beurk ! – Ce qui me fait chier, c’est tous ces bourgeois avilis qui te donnent des leçons et qui voudraient qu’on leur serve de l’eau de rose et pas des histoires qui sentent l’encaustique tellement too much mais le too much c’est jamais qu’une figure de style. – Je crois que rien n’est pire que de se battre contre un milieu prolo. – J’vais faire docker à Rotterdam. – C’est ça Damien, va faire Docker. – La mythologie de l’ablette parmi les gros bras qui se fait lacérer, cette soif inextinguible de pouvoir. – Comme il parle pas un mot de hollandais, il fait du tourisme et mange des pizzas. – Chassez le naturel il revient au galop, c’est ce que disait un pote à moi, complètement constipé, il avait trop vu son père faire du vélo, lui, pour le coup, dès qu’il a gagné un peu d’argent, il nous a plus connus, plus invités, mais putain, ça veut dire quoi de se croire arrivé avant la ligne d’arrivée alors que le seul objectif est de repousser les frontières. – Damien me kiÅe comme un ouf le jour où il frôle le suicide et se renferme sur son territoire crustacé le jour où il rencontre Coline mais je lui en veux pas, parce que, chacun d’entre nous, on apprécie sa tranquillité et que surtout les potes, c’est plus dificile de mettre un frein quand ils nous courent le haricot. – Le bougre reprend du poil de la bête, il a enfin vu l’ours et entame sa résurrection. – Moi aussi, tu vas voir que je vais aller dans la montagne. – Il s’assoit en position avec sa partenaire mais c’est normal, ceux que personne n’aime sont des freaks. – Je te prends comme ça et tu me prends comme ça. – T’es bon parce que t’es bonne. – En plus, il a la révélation, lui qu’est toujours tombé sur des coincées du cul, je sais pas comment il fait, moi j’ai plutôt l’expérience inverse. – Ces jeunettes, je vous jure, quel peps ! – Les aÅaires reprennent, l’amitié trinque. Depuis qu’il a son nouveau sourire il recommence à se la jouer. À force de se prendre pour un barbare, il ne reconnaît plus que sa tribu et se repère aux feux de camp ainsi l’indien qui voit monter la fumée prolixe vers ses ancêtres. Revue Le Quartanier 3/4–2005 103 – Si t’as pas d’allure, les deux pieds dans le même sabot et que tes apparences rivalisent de niaiserie alors va à la sentence au bois dormant. – Il brûle ses ailes avec abnégation et ouvre son cœur à la machette. – Un de ces quatre, on va s’étriper. – La créature s’efiloche à devenir macabre et joue les superhéros en tirant sur la foule en terroriste désappointé, se croit dans les wargames, sa catharsis en un râle déchirant il accouche de sa figurine et met bas l’amitié. Il pointe le calibre avec la haine. – Il est résolument impossible que Damien soit une ablette, l’ablette est comestible, pas lui, elle s’enorgueillit d’écailles argentées et ne porte pas de tenue camouflage puis elle vit en eau douce, ce qui n’est pas son cas. 104 Revue Le Quartanier 3/4–2005 … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Ariane Bart MA VIE, MON ŒUVRE : prétention littéraire n° 1 … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Skia s sika iskasi akis ksai kas i skisai isk ika si kais ais kisa isk ias kias kias kias k sai aiskais ais iask ias ias kiaks ia si sikais kis kais kasi asi is aiskias as iksa iksasa saikas isa saisak isak isa isa saik sai saik saiksa isa isak isak isa saika isk ias ias ksiksa is ais aks isa ksa ik asikas isk ia kais isa ikasi ksai asi sai i sakaskas ksa ki asiasi saiask asiasiasi asi kas ia ias iasaiks ia sia is iaskais a s iak is saik ais isak isak isa saiksa iaskisa isa isa sia sai s sa siksa is ais ia ai ai aiks is is is ksa is aisias i s iaks ais ia ia ia siks sks is is is isk a sia sia sia ska sia sias iaks ias ia sia siak ksaki saik saki sai ksaki sik saik sa saik aki a sa saik saki s sai saiks ia saiks iaksai kss sa s akisa kias ias iask s is isi si aks ias iasasksakaskas iksa ksk sk sk aiska si ksk ks ias kas kaiska sks k kss kiasiak saksiaksk sk sk s kaii sais ai ask as sk sk sa iisaisais k sksk sk iasi aiasks ks ksaii asi sai sk sk sk saii asi sksia siak siaksia sia siaksias ias isak sak ksa k saias isaks a sia isai sai sak sakasi asisak sak ska ks ks k skisaik sasai sias ias iak sa skas ks ks kksias iaks iasia siak sia sia siakk saias ias iksa ias isak isaki saik sa isaik saik saik saki aik sa sia siak sia sia ia ias ikaiak sia ksiaksias ais ais aiks ia sias Revue Le Quartanier 3/4–2005 105 ia siaksia siasiasiaksia skia s s iask as ia sia siak sia sia sia ska sia sia sia skia skia sia sia ias ikas k ski saiksak saksa i as isak sak sak askas i ias ias iasi asi sais akasi kasi as iksak ak isa ias iaiakak sisa sa s aikaiakas is ias ias ia skas ikas sai sai sai sak asi sai sai skas akisaki saiksa ias isa ias kisa ias ikaskias sa sa ikas ias isa ias ikas ksk sk sia ias ka ksk sk s kias iaks sk s ks kias iaks ia isa siak s s sis iaks ia si sis isi is akas kasi ask asik ask iasi as kiasikasisa ikask ias iaskisaki sa sa saiks ai sa saik isa isa ik ais sia sia sia si sisai sis ia sia iaas is is ais sia sia sias as ai s ais ai sai siask ais a isaks is aikak s saiks ia s siaks is s aiks ia ais s aiais ais a sias ais as ai sai siaks a siask as sa s iak sai sa sias iaskasikas iksa s isa is siss s s sis kis s ias ai sis ks k sis i siksk ak ias as iaksi sa s s iskaiiai ai a ia iai aai ia iakak ak ak k a ka kia sisaisai sa s as aikas iask isa sai saiksa iask asikas i ask ikas ik asik asi sa siaksia s sas iaksiakaias sa ia sia iaiaia siaks ia sia siak sia sia sia siaks ia sis s iaksia s siaks ia sai skas ia siaksia kia sia isak sia ia ia iksa sias is is iask ia isas ias ias aiaisisiaiaiaia si sia iaiaiai s is a ai aia ia iaiks is ais aiks ai aiksi aks iaks as ka islas ia siaksia 106 Revue Le Quartanier 3/4–2005 skals ka isai sak is ai slaksais asialsaiksalsiams la skai sak sikas iakls kaiais saikl sak sa asikasl aslakismalkas ikas iask isals akas ias kiaslm lksa kask asiaklmaslk ias ask asksa iklasimas kia kaliasksai as iaslisakm salki as as askliml kas ask iaslmas lkias asi kaslas ias iak lsam asl askiask aslsa sal ksaik salm sa mlsakasu sls kisk sisml s mks is klsm slksis klmss ll skuskl islmsl s k siksl mls mlksklsisl sm s m mslkilks slk kl sislk slk skl sl m sl sl slk sis ksi skislsk s limsil lslk s isk sil sam asiaskl msalkik s ksklsam askl as ikaslk asl sam asl sak as kaks la sml aslk asiksal sam aslk askisal asl kaskmaskl a ilk makm sakl iasli asmk asl asmk sikasl ias lkakm km asil sal k iask msa las ika ikaskml aslk am kiil as ias mlas ias ilal as mlasail asi las mll kask isal sa mlasl sa kiasl asl l asil asi asml ialsmalsk iasklasm laski as klaslmksaials kikalsm sa saisakl sai sa isal sa asl asl las alsm las las las l asl alskaiask las as sa lasksaiuask sal asl las k ksa ask als ski k k k il l lsa las lmal asksa kas asilalsa Revue Le Quartanier 3/4–2005 107 Uev luvoe uloe uoeu vœu oveul euo vueo lvueov lueovl ueovllu oevluevolu eovlueovl uoevl uoevlu oevluoe vuoevu loevuleo vuleovueo vueol vueol vueov ueov uovuleo vueo vueol vueo luvoel uvo uveol uveol uvoelu vou lvou volu oveluoevlu oevl oveu olvuo vuo vulo vuo uvole voeluvoleuvo leuov luevol uevoeuol veov lueo uevo ueov leuov leov ueo lue oelu voeuo lvueo uveol evuoe luvoeu voe uoveluv oeuvo leuovl uovu olv uov lueo uleo luolvu voluevo lvo lvou ovueovlueo uevoule voueolv eo uvoevu lvoeu oeuv louo lvueo vueol v lv uvo uvol vuolvuo vuo uvlo uveo uevol uveo ulveol uveol uvo ueovlu eovu volu oevu lovlu voelu vou ovu olvuel oevu olvueo euvo euvol vu loveu vl veu oevu oevu lovu ovu olvu oveluo vuelo vueo luvo lv lvou eouv oeuo evluo evu euvo lel vuoel ovueo leovlu oe olvue le ovulovuoleov luveol uvl uveol uoevu oevlu ovl uvlu oevlu oevl uovel uovelu oveu ovloeuvo lloeu lo ulo ul lou lo uvluovl uvol uvouvovu l uvoevu lvuoevu olvuoevu lvuoeuv levu vou oveu ououou l u ou ou ouo uo u l uooulu lo ouol uou oluol ou oulo lu ouo ulo uol ul uou ol uou loluouou ll uu ol u ou ou ou olu olu ou olu ou ol uolo lov oevu oeluv eov 108 Revue Le Quartanier 3/4–2005 uveol uevo luevo leuvoevuoevuo evuo uevo ukuoueo vuk kuvoek uvk oeuokk kueok uou voke uovek u voevu kovu ko eeok e leo vulo ueol uo luove luvo uo luoev uvoe okv ovu ole uev lueov lvue ovk evko uveo uevk uvo luvelo veuo evu olevuo evu kevuo elvuo evu kevu ovlu oekvu okevu ov uevu oevu ouevo ke ov kookooo v aeav eva eva evae vaevaeva eva e vaevae ve vea eva eva vea vea vea eva eva eva eva eva eva ev ev ave ava ve va eva eva ve ev ave ave ave ave ave aev aveave ve op o i ip oi o eoi ieo ie i eo eo ie iepi ipi ia ie i i eipa i ie ip iep i i I qioqi qiqpiqoq q iqp qiqpi qi q iqp ipiq qp qip iqp ipq iqp iq iq iqo qi qi qipq qiq qii ipqi iq ip qip pi ipqi ipiq ip qip ipiq ipi qpi qi iqp iipi q iqp q ip i iqp i qi iq qipq qi qipq qi qiqp iq qiqp qi iqp qiq iq qi qp qpqpq iq qiqiqpqiqip ip i pipi iq i qi i qip qi qi p iq iq i qip iq iq p iq iq iq iqp iq qi iqp qiq iqqp iq iq qi qip iqipq iq i qip iiqpiqp iq l oql ol ol o ol o lo l lqo lol olo qo ql iql ioql il qoql qio loqiplo lqil liqopl oq lil l qip olq li lio pl il o pl l ol iqop liql o qlp lqi oql oq lislq i lqo loql il iso lo liq oqp loli li lsiop qol il iosp oql il li oso isl io sloqlosi ll l sol oqsl isl iosp loqs l ilos qosl isl oql osl iql oqs oqsl iqsl oqsp oqlsi lqsi lqos lqos lqos lqs loqsil ispo Revue Le Quartanier 3/4–2005 109 lo ilqso qosil oqisl oqsl iqslo qsoiqosil ill ilsoqploslis li liospqosl isl iqospo lqisl isl iqsp loqsl isqol qisl oqsl oisql iqso loqsl iqsop oqspoqisl isl iso lqlol o qlol oqpl ol loqlp ol oqpli lielol lol oslolieli liel eole ol il ieo loel iel eel ilpe liiepl ipl ril pl irli epir l l iroepl liril p liqli liei lie liqrielqr li lieor pl liro iqel qeo lpiqel ll eir ploerl eq oeoi leri lpeil i lirep oqlei eo liel ierl pqe loierl ioep lierl ierj qie leij iqpe ll jrpq jqoj q ljqrp qor lie iep ileil oep l l piqo pqe lr jrj pql qjeo pqlej ljr pql jeop rjl l jrpeqo jer l ljrqop jq l ljqrop lej oqper ll jrqopeo rj l jqoep ojqe jlr jqpo eqj qej lqej opqeo jqeo oqe lqoe jqoe ej pqjo lqjo pqor qlrj qoj qper jqoe jlqej ljero qejro qeorl qei oej oeji oepo el rjli el jeqoj qoej ieql ejqri oqeo iqej elr iqoer oiqel qej ioeqpoqij ljrei oqeoi qr jqlreio qpeori jelrj iqeo qiej ljer irqpeo iqjerl qejriroq poir jeqr ljqeio eqoi jqreil jrqeioqpr oi qjeleq jioperqoi rljiq ljreio qlei jqieo lei jqepjoq po elqiep oqe rjqierj ielr jeriq pori ejr lqjriqoeoi qjer ljri oepoqij lejri oeqproi jqer ljqreio qeroi jeq jiqerp qoeir lqerj iqeop oqei jleqrj qiero qoeij rlqej iqoeo iqje ljrqier e jriqeopor iqejr ljr ioeri ejri eir ie lielri ri ejrij iel ilerji ejri ejirjei jreil ejlr iejir ejr ljeri jeri eir jeij irel eji ejr eril eirl ierjei 110 Revue Le Quartanier 3/4–2005 rjij iqj lqji jiejr ijl ji jqeij ier lrj ijeqi jei ejri jqi qipl iqlerj ilerj eqjriqrjlqpli qejr ler lrej ieri lejrqiqpei rjel jr lierji qerjiqpoie lejr irjierj ierj iqpoeir ljer irel jirej ire lilrejl reji ejro qeir ejre jr eroiqpoq irjl jreiqo l iej lirej irqlpor qijr lejqr iqoepro iqjerl jrio qplori jelr jerio qer iljeqil jreqi ljriqeolr qoi jeij iel irelrieirlqriei liel ile jrliel qo qlo qie jrieq qpo qirleqjl jeiroqo ileqj rieopr liqej ljreiqooi lejr iqol pei rjoeql oqeli jql rqieorl qoei lj ileo lpoqeij leji oepoi ejr ljri oep oeirjeirjeiroerpoeil ll jrieo oriej leji roeol rje ireo poirej lqjr iqo qjr ilqjri oqpor ielqj lrej irqi lrqo lrqol irlej riqj riqrj iqrj iqjr iqjrqir qei oeorieirl iel ierli lre qoli riqel iq eqriqeriqejri jqie jlqierj lqirloqoriqlr j lj i l l lijl ijirle lireji lrejl ejil ejirjerij rej l jrioeqr oiqeierjl l jeilrj qij reqj qoj oqrji riq ji jqij qo oqjo ejq ejij eo o ll o loeil eil il el eoleil eileo lq lqp ql lqp lpql qeil ipqli liel ipi epiqpl iep ipeq lqeil iqep iqe ilel ieqp ieli qpi lqeipeqi pqieli qle pqerl ilqi elorl qeirqo proq lielqolpr qoier lqie liqr pqor liqelr iqeorqeor leqir liqerl oqeo leirl iroqreo riel riqel iroqpore irqlei rlqiel roqeroqeir liqerl jriej iqep oqierq lrjrlj rir iejrie ierjeijreirjerjl jriej rlejr leijrei eirjiej riejri ej irejirjierjiej riejr ij irejrije ejirj erjiejr iej iji jijie Revue Le Quartanier 3/4–2005 111 ji ji jie jiejie ieji eri jierj irejriejriej eijrie i irej iejir jeir jeirjei ie iej iejriejri jerij iejreijierjirejeirjirjijqij qpl iqelrji qperji lqejrip eqjril jirp jqir jeirqep jiqrepj iqejr pqerj iqpejri qejri qejp iqejrp qie jpqei e ljriqeprj qjriqr iqejrp jqiepj qirj q pqji qjpei jirjqeij eqirpl qjie pqierj iq qiej pqeij peiljr pejr iqpj riqpj rliqepj liqepjl iqepjriqjrq pij qpej iep iqej rpqejr iqeplr jiqe jlqp lqieplr jqiep rlq jieprj qiep iqe jiqpelrjqpljroqproqeirjqeil jierp liqrj plie jqp iqejrpqo iqel qjeri qpeoriqle jreiprqi jel jqpi rel jiqe joqpo rijq ljqir pqoi jei jqeip lirjll pqi lrjqeirjlqeprji qepl jiel rjqipejro qel iqeljir lqje prjqiel jpej riqj rqpj qiej iej riejriej pejrpe liejirjepirjei jlejr erj lejr plejir ljeirj qer qoei ieql jerl ipqreiqejl jqeip qierj iqerjl iq ilqepr iqljrq peir lqlj iqrl iqejr pqeir jlqerj qper jqier lqerj qrjiqeplr jqilrjqipeji riqejr qlejr pqjeir qejri qjeirp qi jrqielr qjriq epj riqejlir lepi elilrj qlrj qier qiej rqejr qpejr pqer elo eo epleol eiepl eppliepip leipi psi piepsile isepl isp ilpiql pqiesl iepl spie lsiel ospl siel iei sleil siels ple peiliel iel oslpo loii sli ilspo oslp lp slpsplpslpl l l psl psl psl pselpil sip ilp ilo plo li il po lpilspi lispeil ispli leilslpi li ll p il io pi li opi lu u ip lu i o po ul uo lpo l u pl u o l p uo lu pu pu o l 112 Revue Le Quartanier 3/4–2005 u o l l u u keoekp ok eu koeu ueokurpk uk ueop oufuu pk ufeu kp euo uek ufpeu kufo pkeuk ueo ueufo kuofue oue ueouf keufo puefo kkf uofeuo pef ueo fo uefou fu kfzuk uzpu ekueufeuofu e ek ek ueu hj eujeju ej uju ehuh ehu huehu jheuj uhujh uhuehu heue husehuj heuj heuj hsuh usu jusheuheuueshugh jgu e jue u seugj heusg use useh guseg usej useh ujsehug ueg uesghu hesgu egsueg sujhegs hge shjgusehegs juges uesg huesg hjuges huseg hug uesh useg usegh jsegu jseug hsegh sue usegh useg use sghu seu jseug jseug jseug hsueg husehgu shegu jsehgu jseug jgu seug suegh usegh usegh usehg usehgj usehgu jshegu jseug juse iseu sieu sieug iseoisegu seug juseg useg useg usoegu jsgeuj usegjo usejgu seigoseiugij usegj useigo sieugj usgeij osieguj suugs jugsoisgejuegs jugs jiseg oisgeuj usegj seioiujg suejg useog isegju seogju seogu isueg sue sego segu segu s slse lseg les legselulugl sl se ulse e sel ileul isel ueu ui lseiu lsegu sug sueils iuei gu seu iselug ise gluilsuselu usl use se siel uei ugi useilg si use ui gi uigl ui uligusil l usgiugsileu gisleugiseu guse gisel gugseu uughusehg hulgushe ghselg hulseiguhselg hegs husl Revue Le Quartanier 3/4–2005 113 ushge lhseg luhseg luhshseglusgel gs ehseugl hbhlr hg hglsgu sehg sel ug lshegl ug useg hs sg hsge lgseh sehg lgsehul seghul sgehul seguh seg husleg ulseg hulseg su lghsue gus g gs e su eg guse uglesug ul se igeug uue lseu u ug luse gse gisel gisel gesu ueiglegi lseug egulseig ueg iueg lg ug hguslgh uleg hseulg usgh uesgh lgsehulse glgse uluhs uh h gulse uhsgelh ges lhgselul hlugegses gehl gse gseu lges ges egs gs gs ges ugl ugsugsl gsu g gesulgesu gse g gsu lgse ughg hgsl ugsu gugsl gse uges ugsehgse ul ges gesu gesulge ges ul ges ul ges ugshugl sehgels hgus hsel guegs hueg us gusle guse ek ug u ugu ug slu ug ug ug ulg useuk gu usg lseueuglieg u gueg uselug gil uls eigl uge ugil seil ug ul usil ug ug ils u uegl sieguse gu ugels uguesil ug us uge usg lug uslgisgisu gieug use ueilgileu eug ueg ielgiu gu gueiglie gue guisl su gusle giseug sueg siegl sueg usg ielguse u egu ug ugl ue giliu eu gueilu su euslsue uleu lhu ghluglseughl gehls u husli u hgusileuge hg usel ughgseu l eshu ugilgesug shel eu geuilgiuges hge hulsiugel gshgslulgs hglsgu gh gsehl gshlgse hges geshl ghlegsilu hgesulgesihg hseg lgulggl hesgig ls lh egigesl shlge geshilsge gsehigseli 114 Revue Le Quartanier 3/4–2005 gesgse ige shlge heillhges hgesl seill eegsbse lis bslbs s gbsglibsg sbsilibs bs is bsis lbs bs ilsibs ibsls bs beslbebe ile ibsilbs ib b ilsbe beile be ile bsilb ie lbs e blebe ile ibelsb bils ibeibselies ibes ibselbseisebies ilse ibe bieil ibe bseuuls eebueslbiesue us ls uslsms s ue lm sb usl bs ue lbs lub e biels beiseie lbs bs isb esls ebesislbisebs b b bi lb iebls bie lbe ibse bl eib ib ib eie lbil eilb lsbeibisbiesl bs ibse ilbse bebifeilelbs bis fiflb si ebisl be ifbs ile bse beme be ibeoe b eie belbfi sb b ilesmfib b fielbb b fileb i flb b em bb eil lb ie lbl ebms b eb lsb ieb smb eibf bleb bif bifbfl f fib flfb fmfb ebi besil ei lsfmbb ifl beim bsieb iefb lifm befb ief lbifem bie biefl bemb ieb if mife lef fl bifems ef fe iefi me se blsb sebfi fbi lfsm lifes fi fi bif lf mseib ifb iefb isem lsefb ief iselm e ifel msei mbieb ifeb if lefsmef eif be be bifelms eb ill lmimi bl mb ififbi fl mfl fi if lfm ifilsem iemsismleif bbi lmf bse fi msel biefb iflmseb if biflefmsb bm b iflsmeimb ib bi flmb b ilfmm bi fb ifbi lfb b iflms bb ie biebiei ebl ele ms bei ielb is leb lms bieb iefib leb ieb ieflsma b bi lb f bilfb ifm bisb ifmb ifbi f hfbi bif be b b hfib hb hfib hfb ib ielb ib isb ielsb hefb i beh ielbs ehi e fleb hefi belsb hfb e belb hlflbhb hf ilfi el Revue Le Quartanier 3/4–2005 115 bleiflf bb hifl bbhfl ifb hf bifb lf beb hfb fib filshfb hfi l hfi bhf beisle fb hsifb hfi sbe sile bsfmb sfb hf blfbhf ifb fl fb e fi lfb fb smb shfl sbesleismb b bhslmsb h lsbmhdb hsm beb simebieb ielsm b bieh ib isb e lsb smeb eiebseblsb b hl smb h ifb b eflmsefb hsflm b bh flms bmfb f sm be bsl besb bhslmeb sheb lsmb hebhfeb ehfm bsm mf be sheb elm bshb el fehe behsel hebe bhflse heb l blshl bhlem bs hlehfb shfl msbeh bel bhefb hselb smb lehme bslhem lbehf ble bhemlshehfb b b hflsmb he blemh bsh blsmb h lemle bls bhelfb sh b b bhfbhsl mslsehfl bhflsehb hb h lfms heh lf bhf lbehf bhelsmb heb b hflsm bheb lfm hsef hbfeh lsemh bhe bhfel sel hse sl bhe sblheb hlf bhefl bsmeh bhel bhesb hsel hfbhlem bh blh lshe lbsehflb hfl bsehb hleh lseh behfl hlme mbmle bhf blem bshb lebhl hlefb hsle hlesb hselmf bhefl emflslele hfslh bhl fmlh bh l hb hel bhe blhf hemlsh sel sblhe bhlefb hsb lehb fl blhfb hflel bshel hfb hflsmhlh bhleslhelb h bh blhfl beh bhf lhf bleh lefm sll blsl sl lmsl ble ksef se e ek ekeeb lseb ek hf blel kekh elsl ee kse kem e e eie eeeeeeji bi iejj ei sej mf bjie mej bj eismjef b bjiemb jeeejeimb jeimf je biem jif bje 116 Revue Le Quartanier 3/4–2005 meim jmlmlejlljelm lsej bj bllll bjeims bjelsmljs jem bjf bls bjefl s bjelfe bsje bjflsm bjf bjflflf b bjflfb jfl bjflf lf b jfl lj jflflfm bjlfmjelf bjlmfb jel bjslm bejlfb j lfeb lje mbsejl ejf bsejl b jesl bsjel sme jleb jel bljsm bsj lejf bjsf bsjle bsjel bsme bjefl e jflj les bjfls mfb jl sm bjsm bjel bejlf jbjelseb jlemj bf mlejb lejfl je lsjem bjfb jflesjfmsejf bjfel smefseb jflemsjfb jlmb jmfb jfmb jsle bjefl bjflflfljfb b jfl bb fl b bjfleb jf lejf bjfb lems je lsj elj el jlf lsm bjel bjf bj blemb jfl leb jf bje bsmb eki lkeib ml iel iel b b iem esbe beme ebf emeb biei mecb leiemi b filimlii jfimjimb hfi befieb i biesmb ieh bieb hfiesmb h bhfimseb heb hfi msbe hiemb hfiesm bheifm bhfiemsihb bhsieb im m my ym yem yey yy my èmmmè m mèmm èmmmè ll è lmlèm èlmè lmnènlyèm nèn lmynèlmnl èynè lmyn lmylèynè mlyè nèl mly,yml, èmnymè nèmyn èm nèn mylèylnè lymnymlynyèlm ymnln yèlmnl menèlm eèn eèmeèen mn èleym nè elmneènyèln èem nlèen èeymeleèyn leml èn lmel ènèlymel yèen nè l ymeleèyn èylmeln nèlemlyèn èylmen èyl nèn elm nèn ly ènyèlemèyn nyèlemn èlyn èelymn èylemyè nyèelmnyèn yèlemyèn yleym èyn èel yèen è ynèelyèemyèenyèelyè nyè yèn elym yè Revue Le Quartanier 3/4–2005 117 … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Daniel Canty Explication de l’ombre … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … SOMBRE OMBRE Pour conter son conte à l’enfant, le vieil homme approche la bougie de sa bouche. « Regarde bien. Ma langue est un long serpent rouge qui creuse ma gorge. La bouche est la caverne où se terre le monstre. Les monstres nous ressemblent tous. Il sufit de raconter leur histoire pour qu’ils deviennent aussi beaux qu’elle. Quand je parle, des ombres virevoltent autour de la créature. Mes chauve-souris s’agitent et me quittent. Une nuit, tu en croiseras une, et tu sauras qu’elle est issue de moi. » Revue Le Quartanier 3/4–2005 119 « N’ayons peur ni de notre ombre ni des mots. L’ombre n’est pas la chose, mais elle s’en tient à elle. Elle est un des bouts de nous. Est-elle simplement une trace, ou peut-on la compter au nombre de nos organes ? Penses-y bien. Elle ne se transplante pas, voilà une réponse possible. Il y en a d’autres. Ombre : eflorescence du soleil : végétale. Ombre : créature des surfaces : minérale. Ombre : double de nous : animale. Et rien de cela. L’ombre appartient à un autre règne que ceux qui nous divisent. Elle n’aura jamais le luxe d’ignorer son corps, qui est aussi le nôtre. Appartenant à tous sauf à elle seule, l’ombre se mesure aisément à tout ce qui existe ici-bas. » 120 Revue Le Quartanier 3/4–2005 « Comparons l’animal d’ombre à la chauve-souris. Ils appartiennent au même ordre d’idées : ce sont des aspects de l’obscurité. Le volatile, aveugle et noctambule, nous épate en rebondissant d’écho en écho, efleurant sans s’y heurter les parois des cavernes, les troncs des arbres. L’ombre, elle, n’est pas seulement aveugle et noctambule : elle est également sourde et sans voix. Elle n’a aucun organe sensoriel qui lui appartienne en propre. Je dirais plutôt qu’elle est un organe que la lumière partage avec les surfaces où elle se heurte. Vole-t-elle ? Elle palpite au gré du jour. Elle est ce cœur battant que se passent ciel et sol. Seule matière bidimensionnelle en existence, elle a cette pureté incongrue du cercle, du carré ou du triangle, qui est d’être ici sans y être, se collant, se confondant aux surfaces sans même y toucher, y advenant seulement. Notre lien au monde des idéalités n’en tient qu’à elle ! Un soir de lune, en forêt, le criaillement de la chauve-souris t’apeure ? Tu songes aux vampires ? Rien n’en tient qu’à la chauve-souris. C’est l’ombre sa compagne qui s’ébat en ton cœur obscur et palpitant. » Revue Le Quartanier 3/4–2005 121 « Nous pénétrons dans la caverne, la chauve-souris s’envole. Le physicien afirme : ‹ Tout corps tend à absorber son ombre. › Raisonnons avec lui. L’ombre est faite d’une substance où ne pénètre aucune lumière. Nulle lumière non plus n’entre en nous : ni par nos yeux, ni par notre bouche, ni par aucun autre trou. Au fond de nous, on ne voit rien. Le physicien afirme encore : ‹ Une ombre qui voudrait se mêler à une autre y disparaît. › Les ombres passent l’une à travers l’autre, nous rappelant que nous partageons la même substance que rien. Nos opacités sont égales. Nous et l’ombre sommes des angles où s’agrippe la lumière plutôt que de continuer sa chute à travers rien. Car il vaut toujours mieux s’en tenir aux choses. » 122 Revue Le Quartanier 3/4–2005 « Où va l’ombre quand elle n’est pas à nos côtés ? Nous sommes plein de recoins pour entreposer l’obscurité. L’ombre se terrerait chez les organes, au fond de nous ? Nos bouches sont des bouches d’ombre, nos gorges des soupiraux, nos entrailles des souterrains. Nos viscères regorgent de cachettes confortables. Toi et moi avons des ombres au fond du gosier, sous les aisselles, dans la panse… On rencontre l’ombre partout où atteint la lumière, et elle s’efface avec elle. Est-ce qu’elle n’appartient pas en part égale à l’obscurité ? Elle est véloce. Elle est rusée. Subtile et fluide comme les globules, les microbes ou les gènes, elle nous prend, comme on dit, pour des valises, et pullule en secret, par devers nous. Toi et moi, des cargos commodes. On a beau vouloir faire de l’ombre une simple chose, elle demeure quelqu’un. » Revue Le Quartanier 3/4–2005 123 « Et si la matière collait à l’ombre, plutôt que l’inverse ? L’ombre ferait un corps de nous. Agente parfaite de la contagion, dès que se lèverait le soleil, tous, nous serions victimes de nos ombres, terrassés en pleine lumière. Ironie suprême, toute ombre humaine s’éclipserait avec nous ! Je crois que l’ombre refuse de prendre le parti de notre extinction parce qu’elle ne saurait pas vivre dans un désert d’objets, marquant l’heure pour personne. Non. N’aie pas peur de ton ombre. L’ombre et nous ; cire et chandelle. Sa disparition est la nôtre. » « Il fait noir. Lorsque je souflerai la bougie, nous disparaîtrons. Tiens-le-toi pour dit. » 124 Revue Le Quartanier 3/4–2005 OMBRES D’OMBRES « À quoi joue l’ombre ? Toute ombre est un événement unique dans le théâtre du monde. Occupe une seule place sous le soleil. Sièges assignés pour tous. Grâce à elle, le monde est en constante représentation. » « Dans ta main, tu transportes la ménagerie de l’ombre. Ma main imite un loup d’ombre. Rhinocéros. Lapin. Porc. Bœuf. Éléphant. Canard. Oies. Pigeons. Vieille dame. Le loup qui a faim et veut dévorer l’enfant. L’ombre a un talent inné pour l’art dramatique. » Revue Le Quartanier 3/4–2005 125 Revue Le Quartanier 3/4–2005 127 « L’ombre est l’enfance de l’art. J’imagine notre ancêtre préhistorique, fier d’avoir trouvé une caverne et allumé un feu, regarder danser les chimères devant lui. Pliage, collage, mélanges : jeux d’ombres. Dehors, les bêtes rôdent. Les ombres vivent dans la gueule des monstres, et dans son ventre qui a peur. Contrairement aux ombres électriques, combien plus froides et posées, les ombres préhistoriques, issues de la flamme, sont des êtres d’instinct. Elles s’agitent. Elles manquent de discipline. Elles ont besoin d’une mise en scène. Notre homme se saisit donc du tison qui lui a servi à allumer son feu domestique et dessine sur la paroi son propre profil. Qu’arrive-t-il lorsqu’il se sait capable de laisser son double derrière ? Il le laisse derrière, histoire de situer l’action. L’art s’enracine dans l’ombre. Les inventeurs de la perspective se servent de l’ombre comme d’une boue séculaire, pour que les pieds des âmes peintes semblent toucher terre. La photographie n’a rien inventé. Nos âmes sont amovibles depuis la nuit des temps. Quant au cinéma, le théâtre d’ombre est son négatif. Il sufit de déplacer le projecteur derrière l’écran pour qu’un autre film s’y anime. Il n’invente rien, mais rafine la représentation de ce qui existe déjà hors de nous. Le jour de naissance de l’art, notre ancêtre recule d’un bond derrière le feu pour admirer son œuvre. Au théâtre d’ombre, enjamber la source de la lumière, c’est sortir du monde. Hop ! Son ombre s’envole. L’art lui a appris à passer au revers, dans l’antimatière, qui est encore une version de nous. » 128 Revue Le Quartanier 3/4–2005 NOMBRE D’OMBRE « Je reconnais le génie scientifique de l’ombre. La science est simple comme le soleil, le temps qu’il fait et une branche cassée. Simple comme Il était une fois. Toute la science est issue d’une baguette magique. Récit d’origine : ayant planté un bâton en terre, je contemple les mouvements de son ombre. L’ombre sait que le temps n’est rien, mais donne leur mesure à toutes les horloges. » Revue Le Quartanier 3/4–2005 129 « Je me sens parfois, sous le soleil, comme une des aiguilles de la montre de poche de quelqu’un de haut placé. Notre âge industriel, pour s’opposer à l’éloge de l’ombre, évoque son impermanence. Pourtant, tant que brille le soleil, sa mécanique réalisera le fantasme du mouvement perpétuel, qui échappe encore à toutes les lignes de montage, à tous les artifices humains. Une planète et son étoile : balancier et engrenages. Les horloges solaires partagent le ressort infatigable de la Terre. Tout corps dressé à la surface de notre planète engendre son double d’ombre, qui tourne avec l’heure du jour. Une horloge solaire est une écuelle qui recueille le ciel. Buvant de l’ombre, elle fait du temps. » 130 Revue Le Quartanier 3/4–2005 « Les ombres sont les brisants obscurs du rien. La durée se reflète à la surface du monde et passe. L’ombre révèle le temps, multiplie ses images. Le monde s’eÅrange en ses bords, s’épuise et se brise, perd ses couleurs. Une ombre en remplace une autre. C’est la vie qui s’éternise. L’ombre se retourne et l’emporte. » Revue Le Quartanier 3/4–2005 131 … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Mylène Lauzon Je vis l’explosée Ariane Bart … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … à Antoine Boute Je vis l’explosée Ariane Bart explosion quotidienne je l’ai explosée explosée explosée je l’explose l’exploserai exploserai exploserai ainsi de suite témoins à l’appui Tu vas voir de quel gaz j’me chauÅe ! et elle se chauÅe je la pose dans l’explosion son prénom dans ma bouche de je ne suis pas elle oh que non from day to day but all the time nuance TOUT LE TEMPS elle et moi qui voudrais bien comme Ariane Bart faire des gros cacas partout rapide et expéditive certaines l’appellent l’éclair R’tourne d’où tu viens ! dans son trou de préférence retourne dans son trou elle aime que je sois dans son trou de préférence avec elle J’t’ai pas d’mandé l’heure ! Get the fuck out ! la preuve Ariane Bart l’explosion m’explose dès 8 am en deux elle ne peut pas être seule dans son trou je ne suis pas explosée réellement donc Tu mens ! qu’en deux dans son trou une explosion le dico le dit merde sur tous les murs pas juste deux petits cailloux dans l’eau je ne suis pas explosée donc je fake OK or l’explosée Ariane Bart elle en mille en plein dans le mille de ses mille Ariane 132 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Bart déséquilibre une moi en deux normal d’un côté contre mille Ariane Bart de l’autre it’s fucking unfair C’est ça, sister ! moi j’me splite en deux elle en mille j’me laisse pas faire combative moi aussi OK je vais m’fendre en quatre Vas-y ma grande, digère ! Chie-nous ton poème du jour ! je pose fille vraie alors je fonce les yeux fermés raging bull si ça peut la faire rire sans protection la même rage fille Ariane Bart dans ma bouche mon régime de la mort mon entraînement de la mort dans le camp de la mort Une Deux Une Deux Une Deux dans le camp de mon idole je déchire mon tshirt sont beaux mes seins hein ? un autographe PLEASE je suis l’Ariane Bart minois appétit sexuel grandissant avec l’âge et la pratique et la régularité de la pratique est la clé du succès de tout trou d’cul conseil de vous devinez qui je mime l’explosée l’éparpillée la perdue la pauvre oubliée exposée qui cherche sa maman et son papa parfait surtout papa parfait partout et qui rejette tout ne le trouve pas lui et fait caca mou et dure la crise passée peu importe Revue Le Quartanier 3/4–2005 133 Ariane Bart t’en fera une belle et oui même à toi même si tu ne la cherches pas tu la cherches hein que tu la cherches je voudrais exploser comme elle fameuse You come on measure me I’m twenty-eight years old ! même si ce n’est pas d’elle elle dit You come on measure me I’m twenty-eight years old ! parce que c’est d’elle correct ! elle retrousse ses manches et s’en fout s’en contrefout s’en contre-contrefout that’s it prend le micro tout le plateau T’as quelque chose à dire ? hein ? qu’est-ce que t’as à dire ? pardon ? de toute évidence elle arrive à je voudrais en Ariane Bart en être une explosée pas seule devant mon écran mais avec mon band édité sur EMI US yes sir ! ou avec mon groupe discussion Ariane Bart.fr pas .be non stop du cul tout le temps une fille publique qui s’adresse toujours à toi indirectement c’est dit en passant Sois pas mielleux p’tit gars t’entreras ni dans ma tête ni dans mon cul ni dans ma bouche got it sauf Charles pour l’explication Charles à suivre que dans ma tête Charles que dans ma tête voudrais bien exploser comme ça comme elle explose sait exploser 134 Revue Le Quartanier 3/4–2005 quand elle explose elle explose celle-là c’est toute une explosée facile sans gêne un poo poo par-ci un poo poo par-là en aprèm en soirée en bar en salon de thé en en en c’est une bosseuse T’as vu ta gueule ? Tout ce qui pendouille ? Ressaisis-toi ! Une Deux Une Deux Une Deux ! Vas-y push-toi up en l’air pousse-toi fort sister ! ça fait rire comme elle parle ça en finit plus de faire rire toute sa vie l’explosée vit en petits bouts durs qu’elle me gare roche j’te dis pas au visage quasi exclusivement dans ma gueule à moi et je ne suis pas jalouse du quasi c’est tout un job il n’y a pas de mystère dans c’t’aÅaire moi gabarit avoir everyone got the picture already mais le rythme silencieux du poétique sexuel elle Ariane Bart détourne de sans pudeur c’est drôle très drôle très très très très drôle M’a t’a pêter ta yeule en sang ! et personne ne comprend put the blame on the accent ni dans le tout Bruxelles ni dans le tout Paris sans mentionner London, New York, Tokyo, no wonder why il y a juste Charles Pennequin et en cul cul land qu’on y arrive je ne m’ennuie pas en explosée Revue Le Quartanier 3/4–2005 135 heureusement mon trouble everyday me trouve m’explose en Ariane Bart M’a t’les sabler tes dents s’a sphalte ! or ça elle ne le dit pas à Charles elle préfère lui sortir un Vas-y mon grand Sors-le tout méchant Ton colonel j’m’le suis tapé anyway on fréquente le même bar avec beaucoup d’admiration d’aÅection en entier car c’est Charles qui a appris à Ariane Bart à faire la mille Ariane Bart explosifve sur tous les réseaux possibles sur la terre comme au ciel et pas besoin de le voir pour le croire ça s’entend tout le monde le sait Elle tamoureuZE Elle tamoureuZE tout ce qu’elle fait Ariane Bart un spectacle sa tomate or certains disent une performance car son corps y joue pour beaucoup Rapport ! une décharge électrique certaines disent ici un mauvais contact une emmerdeuse de première ah là c’est unanime et Valeur à ma pomme ! elle dit qu’elle vendrait ses prunelles sa sœur son frère pour plus de Fais chier sale emmerdeuse de première rentre voir ta mère ! une recette de carré aux dates et allez hop cascade sur toi sur moi sur n’importe qui par principe 136 Revue Le Quartanier 3/4–2005 mais le principal sur moi je répète j’insiste mais reste bouche ouverte au partage avec Charles ceci dit lève ta garde ’cause c’est une bête au lit et ailleurs une sans répit une comme tu t’en mords les doigts de t’être si tôt marié Idiot ! Merde j’ai déjà 44 ans, je n’ai jamais visité Montréal, etc. D’ailleurs les hommes le sentent bien la sentent bien sans desseins Right ! sans dessins avec son rythme silencieux tout l’temps prête toujours prête sans besoin de le dire mais je le dis tout de même DU CUL Moi j’aime l’amour qui fait boum surtout contre mes fesses pas dans ma tête Charles pas dans ma tête contre mes fesses Charles. Quand elle se pointe tenue d’soirée un pas en arrière je fais pour voir l’explosion d’l’explosée et oui Ariane Bart j’aime ta tomate ta pomme ta fraise j’aime voir comment tu fais c’est quoi ton truc pour que Charles aussi j’aime deviner qui t’a élevée comme ça quand tu ne me laisses pas de place pour m’asseoir Essaye même pas sinon tu vas voir comment j’m’appelle ! HA ! Erreur ici je l’sais Na na nana Na na nana trop drôle arrête STOP Revue Le Quartanier 3/4–2005 137 in the name of love j’la connais ta mère ! Ariane Bart elle est la pige pas tout mais je prétends comme ça quelle gonflée la Je sais qui est Jacques Quartier figure-toi !, la Nancy Houston c’est ma copine on est canadiennes pareilles !, la Je suis sur la guest list je rentre comme j’veux c’est le directeur qui m’invite !, la J’en ai vu du pays je voyage beaucoup petit ben oui savais-tu que les filles sont vachement sexy à Istanbul ? et ça fait très très très longtemps il y a encore quelques corbeaux mais fuck sont plus sexy que moi les filles là-bas ! savais-tu qu’il n’y a pas de sable dans le désert Joshua Tree près de L.A. ? qu’il n’y a plus de Twin Towers à Tokyo ? Comme ça l’explosée explose s’expose au bon endroit à la bonne heure la planète est petite il y a des pilules contre jetlag I got it all That’s all Say I am special Say how special I am Say what Everybody knows Say it Sing it I don’t give a god damned fuck but Do it NOW ! bon an mal an Ariane Bart la présente la présence forte oh que si on la sent je l’ai dit l’explosée sans pause course les bottes italiennes, son Chanel, son ticket pour ce que je sais faire prendre une pause je sais boire un café griller une cigarette reprendre 138 Revue Le Quartanier 3/4–2005 un café acheter le journal lire le journal remplir mon agenda d’activités culturelles activités culturelles subventionnées le lundi mardi mercredi jeudi vendredi samedi dimanche lundi mardi mercredi jeudi vendredi samedi dimanche lundi j’aime les LUNDIS ce que je sais que je dois dire pour l’exploser l’explosée à la première heure Ariane Bart M’a te faire ravaler ta langue p’tite conne ! tout le monde t’aime même papa maman même papa ça va ça va pousse Ariane Bart pousse-moi pousse fort concentre-toi allez je suis avec toi ma grande WM as in With Me (W en EN double U M love me tender love me true) Incessante tension De rêves épuisés Qui lichent les plaies Que les vieilles plaies Célèbre au champagne Revue Le Quartanier 3/4–2005 139 et explose de lait Dans ma vie Jaillissent de là formes Bêêêtes et belles Une ânesse au sommet Qui redescend près du lac Elle a soif Une dizaine de garçons Moyenne d’âge 23 ans Qui me rendent visite Dans l’lac Faire mieux, non ? Plus bêêêête, oui ? Silence ton rythme Bâtard ! Ariane Bart une fois explosée dans l’explosion elle veut plus toujours plus de garçons de papas d’histoires de bites au galop et au ralenti de mecs qui savent la retourner comme une crêpe et hop v’là la 140 Revue Le Quartanier 3/4–2005 confiture rien ô que non qui pourrait concerner de près ou de loin à son explosion centre sa tête d’explosée adorable Ariane Bart elles est mille à me fermer ferme à me nouer la langue aux tripes à m’envoyer en l’air partout sur la planète avec n’importe quel singe pourvu que je n’écrive pas que que quand vient le temps d’écrire j’ai la crampe la peur le pique-glace dans l’cul des images toujours trop belles les mêmes en tête pour que personne ni rien n’y vienne pour que rien ne vienne dans ma tête Charles ouf sinon que cette explosée qui ne veut rien d’autre que de m’exploser comme elle Allez lapin t’as presque écrit le livre de ta vie ! Il ne manque que Papa mon caca goûte bon goûtes-y please ! Ariane Bart Lâche-moi ! Tu devrais m’écrire ton plus beau poème ! Allez ! Up ! Forme belle Une Deux ! Gratuits free hommes garçons black muscles beat bondage blow Paris deep défi sexxx noir galerie photos ta bite animal couilles matures spanking golden bitch baveuse et cætera et cætera jusqu’à ce qu’Ariane Bart s’endorme me prenne la main et suce mon pouce douceur Revue Le Quartanier 3/4–2005 141 m’appelle papa papa c’est moi je lui dis Ariane Bart tu es belle ma belle explosée tu es la plus belle des plus belles explosées j’aurais dû te le dire Ferme ta gueule ! Couche-toi pis tord ! Elle ne dort pas fait semblant et moi je pense à demain quand Ariane Bart va s’y remettre et que je vais essayer comme elle d’exploser d’être l’explosée et que je vais la chauÅer pour qu’elle explose plusss un café un refill Ariane Bart je ne dors pas vraiment contre toi je pense à autre chose quand j’écris si j’écris je t’explose mon explosée tu n’es tout d’même pas bêêête Ariane Bart j’ai une vie Une Deux. 142 Revue Le Quartanier 3/4–2005 … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Philippe Charron Concernant le stock de basting du patio. Mode de plaisance indistinct. … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Habiletés métriques. Repas alternés d’épreuves. L’inauguration prémâchée peut s’interpréter par entonnoir. Douter de sa validité en raison de l’ablation des angles réglés. Les commissures faisant obstacle à une pondération impartiale. Subitement, l’envie pour quelques en-cas ; une distraction propre. En présence de la mie, déambuler autour du puit et en revenir. La mesure détournant la garniture aux solides opérant. Une trappe bien placée minimise la portée du panonceau des circuits à découvert. Les amorces reconductibles ne sont pas à éliminer de la ruse. Revue Le Quartanier 3/4–2005 143 Un sondage. Fin du pressentiment. On n’amadoue pas la pelle au matin. Plutôt envoyer en reconnaissance. Il est superflu de reconduire par soi-même ; le ravinement est rapporteur. Bouche bée devant un extrait de sédiments dont la provenance sème le désarroi. Comment autoriser de tels déchargements ? L’excroissance et les démarches réconciliatrices des groupes rendent invraisemblable la réussite du colmatage. Tant pis la maison ne sera pas exhaussée. 144 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Une feinte inutile. Évidemment. Édifice : référence à la prospection. La preuve du réapprovisionnement est révolue par les cavités. Qui est l’assassin (non coupable) du surarbitre ? En temps d’eau, la plante ne se compromet pas d’elle-même (le diverticule confie par malaxage). Superposé d’être de l’extraction aux attributs. Où facultatif. Une démangeaison en troisième. Revue Le Quartanier 3/4–2005 145 Redémarrer. Contexte des occupations journalières. À partir de renoncer à la toponymie, sans s’abstenir de dissiper le galet (suçant en série). Comment surmonter le terrain d’une comparaison de crustacés si la bourre et la paralysie sous-tendent le boîtier ? Goût perdu et région réduite. Un souhait : débiter le contenu du restant en évitant la dystrophie. 146 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Indisposition devant l’aqueduc. Exploit indiciel. Distraction (songer aux infections virales) sur la coïncidence des arcades. S’entendre sur la facture de la déviation du bras fluvial est impératif (la contamination par poignées de mains). Presse. Une décrue des provisions de l’agglomération qui s’étend (une maison remplie de demeures). C’est de réactions aÅectives dont il est question ; l’insipidité de la substance. Autant d’orifices et de dents sensibles à assortir. Le fluorure est une carence évidente. S’abattre devant la routine du relief (l’aposiopèse ne fait pas le poids devant l’architectonie iconique). Une boutade durant la collation. Pour une fois, l’eau sera dans les hauteurs. Revue Le Quartanier 3/4–2005 147 Un préavis sans semblable. Objection récente. Les pourtours agencés des fontaines ouvertes prolongent le besoin incalculable des illustrations. L’arrosage épuise le daltonien. Plus d’empathie aucune pour ce qui n’a pas de dent. Où était la foule quand la Madone s’est dédoublée ? Laissée seule, aucun témoin lors de la fermeture des valves. 148 Revue Le Quartanier 3/4–2005 Une manière d’être de la dilatation. Tenir en deuxième. Même si l’institution certifie : « L’eau exerce une remontée, submerge les pavillons », l’assise d’une surface de réparation n’est pas négociable. C’est un épuisement inaltérable, loin des matières légales. Tout en palpant l’incompatibilité des surfaces (une tourbe riche et absorbante par rapport à un ciment réfractaire à la détente) ramener l’outillage dans le panorama par épaulés-jetés. Du trouble à couler parallèlement. À l’envers d’une circonspection par enduit. Quant à la décalcomanie, le filet et ses zones bloquent le report de la raquette directement à sa ligne. En séquelle la balle avertie du recevant. Revue Le Quartanier 3/4–2005 149 Un recalage. De bonnes intentions. Devant l’oÅre de l’abreuvoir, exiger les environs, forcer la reconnaissance des autres bassins. Trop enclin à la promenade, une bravade contre la canicule s’avère présomptueuse. Comme motif principal : la dimension capitale de la terminaison de l’herbier. Un sac cynique et inarticulé. Suit le drainage des collections liquides comme disproportion des soins (capter une coulée insignifiante). Voilà le pis de l’aÅaire : la plaie est amphibologique. Dans un lit qui ne nous revient pas, des pensées moroses. Plancton. Formulations d’empêchement. 150 Revue Le Quartanier 3/4–2005 … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Christian Zorka Trois poèmes … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … PILLAGE Le maire boit un verre d’eau minérale en haut du beffroi. (Les pieds sur un bidon de lait ; du coton dans les oreilles.) « Comment puis-je leur expliquer ? », somnolant. « Démiurges du monde, réunissez-vous ! La vallée verdoiera et le ciel bleutera, les chèvres gambaderont, c’est vous qu’elles remercieront. La terre vous sera redevable et sous votre nom ! », désireux. Sur la place attendent deux pelés, un chat et trois tondus. « Comment puis-je leur expliquer ? », demande le maire, pétillant. Ça passera, Revue Le Quartanier 3/4–2005 151 pense-t-il. (No pasaran !) Le maire ronfle comme un livre posé sur sa tranche. Le bedeau quadrille la place où le chat a soif. Mais les poils labourés par le soleil, le chat s’ennuie et s’en va derrière une poubelle. Pelés et tondus attendent (pourtant) que le maire se réveille : il faut qu’ils voient sa moustache qu’on dit auguste. Pendant qu’il dort, l’œil du maire joue au billard, peureux que les premières pluies, les premières neiges ne surprennent le maire. (…il faut qu’Annonce soit faite avant cela. On aurait dû se contenter d’afiches, pensait l’œil. Plutôt que d’annoncer la nouvelle comme ça, de but en blanc, à l’assistance nombreuse.) « Comment leur dire qu’ 152 Revue Le Quartanier 3/4–2005 on a hypothéqué-vendu l’eau ? et que jusqu’à l’eau de pluie a un prix, et que du coup, Seront interdits : Seaux / Bonnets imperméables Aquariums / Vases Sacs en plastique / Caisses évasées et brancards… …Même à ma mère, à mes conseillers, je n’ai souflé mot. L’exorde se fait attendre : somnolons encore un peu, les mots viendront.» « 1. Les enfants ne pourront pas se lécher les mains pendant les tempêtes. 2. Les pots de yaourt devront être rendus au supermarché le lendemain de l’achat. 3. Les chauves seront postés le long des routes pendant bruine et crachat pour surveiller (strictement). » Les sept coups sonnent aux horloges, l’heure est au : Ehen, hen, hen ! Mna dies, Monsieur Mna dies, et vobis, Messieurs. Hen, hen, hasch. « L’eau sera plus propre, elle sera plus saine », entama-t-il, mais l’assistance était déjà partie avec les marins d’eau douce et la vive répétition des étoiles (plus de notre ressort loin de la terre Revue Le Quartanier 3/4–2005 153 gémissant ronchonnant car l’eau – !!) …partis réclamer l’eau au ciel en dansant une danse vieille de 1000 ans pour inonder le beffroi : No pasaran ! L’eau nous appartient ! 154 Revue Le Quartanier 3/4–2005 RÉPONDEZ RÉPONDEZ À quoi bon demander à un astrophysicien des secrets d’astrophysique ? NON L’armée avait trouvé son arme : Les anciens tortionnaires s’étaient bel et bien trompés : Il faut les extorquer au biologiste, au cuisinier, ou à la voisine-qui-se-lave-pas-les-oreilles, voilà par où il faut creuser pour en savoir long. (Enfin ! La Responsabilité !) Derrière ce mur de béton des enfants de cinq ans interrogent les otages. Poisquor ? Quorpois ? Cinq hommes devant cinq enfants fixent leurs regards pour scruter les questions. Quoipois ? Pourquor ? L’incompréhension : pas un prétexte à silence, crient les enfants : PARLEZ. RÉPONDEZ. Revue Le Quartanier 3/4–2005 155 Il doit y avoir des fautes de frappe, pensent les détenus. Et puis, ces enfants, c’est pas sérieux. Quipuis ? Quepoux ? De nouveaux mots s’inventent au fur et à mesure, de nouveaux mots pour poser et reposer les mêmes questions, encore et toujours encore. Les enfants fixent fièrement les supérieurs, debout derrière les otages, matraques à la main comme des pères et des mères. 4 h du matin : les choses vont de mal en pis : les enfants se fatiguent s’ennuient : les questions n’ont pas de sens, il n’en faut pas moins répondre, assènent les enfants. Ils l’avaient bien compris, les types de l’armée : Extorquer les secrets nucléaires au commis voyageur, au boulanger. Racler le fonds. / Tisonner l’eau et verser le feu. (Une rémission telle qu’aucun pape n’ose l’envisager.) Ils écouteront jusqu’à la mort 156 Revue Le Quartanier 3/4–2005 en essayant de comprendre. Poisquor ? Quorpois ? « Je comprends, presque. Une dernière fois, s’il vous plaît. J’y suis. Presque. » RÉPONDEZ. Revue Le Quartanier 3/4–2005 157 LA SALLE DE BAIN À UNE HEURE DU MATIN Après les Tartares, les Murmures, un royaume de gendarmes à genoux embrassant le béton et s’imaginant frapper avec des cuillers les radiateurs : La tuyauterie transmet les échos : le pouls communautaire. C’est la nuit, là où paissent insectes et sicaires. …toujours une oreille qui n’entend que la musique du voisin. Et pourtant, sur le pallier, c’est la loi du silence, on lit sur les lèvres que tout le monde dort. (rien) Sauf, que dans la ville des mécontents sous une grande jupe étoilée, de petits êtres s’en vont dans la salle de bain : se jucher sur le bord de la baignoire coller l’oreille contre le mur : 158 Revue Le Quartanier 3/4–2005 surprendre l’air qui aurait pu être leur air préféré et se dire qu’on aurait dû naître à côté. « Béni soit l’architecte qui parle contreplaqué et vengeance ! » « Béni soit l’architecte ! » De l’autre côté de la porte refermée la famille s’est endormie. Nul ne sait que vous êtes là à l’écouter la musique du voisin. Revue Le Quartanier 3/4–2005 159