La Pierre de Lune

Transcription

La Pierre de Lune
Il y a bien des lunes, à l’aube de la forêt, les chefs des Clans n’arrivaient plus à communiquer avec leurs ancêtres. Les esprits leur apparurent en songe, mais les chefs ne savaient toujours comment obtenir les réponses à leurs questions. À cette époque-­‐là, il y avait un chat du Clan du Vent, nommé Aile de Papillon. Elle possédait une douce fourrure blanche et avait les yeux verts ; ses pattes étaient agiles et elle avait un cœur noble, mais elle ne tenait pas en place. Souvent distraite, elle oubliait facilement les choses. Lorsqu’elle revenait de la chasse, elle ne ramenait jamais de proies mais toujours des baies. Et quand on lui demandait pourquoi elle en avait pris, elle répondait qu’elle ne savait pas, mais que ça pourrait s’avérer utile. Plus d’une fois Pelage d’Ajoncs – le lieutenant du Clan du Vent – aperçut Aile de Papillon traîner sur les territoires des autres Clans, là où elle n’avait pas le droit d’aller. Pelage d’Ajoncs savait quel serait le prix à payer si elle se faisait prendre. Un matin, Vent dirigeait une patrouille à la frontière du Chemin du Tonnerre. Elle entendit soudain le bruit d’un monstre de Bipède et regarda derrière elle en direction de ses guerriers. Son cœur rata un battement. Aile de Papillon était en train de traverser le Chemin du Tonnerre, suivant une plume bleue qui voletait en direction du territoire du Clan de l’Ombre. « Aile de Papillon ! » Le miaulement du chef du Clan du Vent fut couvert par le rugissement du monstre. Au même moment, Pelage d’Ajoncs s’élança et se jeta sur Aile de Papillon, la projetant de l’autre côté du Chemin du Tonnerre. « Ne bougez pas », ordonna Vent au reste de la patrouille pendant qu’elle traversait le Chemin du Tonnerre. Elle était furieuse. Pelage d’Ajoncs n’était pas seulement son lieutenant ; c’était aussi le père de ses chatons. « Cervelle de souris ! lança Vent à la chatte blanche. Tu aurais pu être tuée –
vous auriez pu être tués tous les deux ! — Je suis désolée, Vent, miaula-­‐t-­‐elle. J’avais l’impression qu’elle m’appelait. — La plume ? demanda Vent. Et où t’appelait-­‐elle ? » Aile de Papillon tourna la tête en direction d’une chaîne de montagnes au loin, bien au-­‐delà des territoires de la forêt. « Fort bien, miaula Vent. Suis ta plume, garde la tête dans les nuages, ne mange rien d’autre que des baies ; je ne m’en soucie plus. Si tu n’es pas capable de respecter le code du guerrier, alors nous ne pouvons plus t’accueillir dans notre Clan. Va-­‐t'en. » Le visage d’Aile de Papillon se décomposa. « Mais j’appartiens au Clan du Vent ! — C’est ta punition, Aile de Papillon. » Accablée par le chagrin, Aile de Papillon quitta ce qui avait été son foyer. Elle marcha toute la journée, contourna le territoire du Clan de l’Ombre et se dirigea vers les montagnes. Au fur et à mesure qu'elle avançait, l’herbe sous ses pattes commença à disparaître, le sol devint rocailleux et les arbres laissèrent place à des rochers aussi grands que le Grand Rocher des Quatre Chênes. Le soleil se mit à décliner, puis se coucha derrière la montagne. Aile de Papillon était en train de lécher ses pattes pleines d'égratignures lorsqu'une grive sortit d'un buisson et se mit à voler au ras du sol. Elle lui courut après mais, ayant remarqué quelque chose, ne vit même pas l'oiseau s'envoler dans le ciel orangé. Un large trou s'ouvrait dans la montagne. Elle entra dans le tunnel. L'obscurité régnait ; elle était une cible facile pour les prédateurs. Aile de Papillon renifla l'air ; elle ne sentit aucune trace d'un autre animal. La femelle se remit à avancer. Elle sentait la pierre froide sous ses pattes. Au bout d'un moment, elle sentit que le tunnel devenait de plus en plus étroit et qu'il descendait en faisant des zigzags. Parfois, elle voyait d'autres passages menant à d'autres directions, mais quelque chose la forçait à ne pas s'écarter du sentier. Elle se sentit soudain légère, et sa tête se mit à tourner. Elle poursuivit pourtant sa descente, imperturbable. Elle ne savait combien de temps elle avait marché lorsqu'une nouvelle odeur parvint à ses narines : l'odeur de l'air du dehors et du gibier. Aile de Papillon s'arrêta. Devant elle, il y avait une caverne étincelante. Elle remarqua, au-­‐dessus d'elle, un trou qui laissait voir le ciel étoilé et la lune. La lumière de l'astre inondait la pièce et jaillissait droit sur une pierre au centre de la grotte. Elle faisait trois longueurs de queue de renard de hauteur et scintillait comme des gouttes d'eau sur une toile d'araignée. La femelle avança. Suivant un instinct qu'elle ne comprenait pas, elle s'allongea par terre, ferma les yeux et pressa son museau contre la surface froide de la pierre. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle vit plein de chats scintillants. « Bienvenue, Aile de Papillon. Tu as finalement trouvé la Pierre de Lune, murmura un des esprits. C'est un lieu sacré. Tu dois faire part de ta découverte aux chats de la forêt. — Mais je ne peux pas ! dit-­‐elle. J’ai été bannie. — Tu l’as été car nous avions besoin de ta curiosité, tes visions, ton ouverture aux présages de l’univers... Aile de Papillon, nous te choisissons pour devenir la première guérisseuse. » Le cœur de la femelle se remplit soudain de joie. « Qu’est-­‐ce que ça veut dire ? — Tu vas dédier ta vie à ton Clan et apprendre à soigner avec des herbes, à décrypter les prophéties, tu conseilleras ton chef et protègeras ta tribu. » La femelle secoua la tête. « Vent ne m’autorisera jamais à revenir. — Est-­‐ce vrai, Vent ? » demanda un esprit. Aile de Papillon se retourna et vit la silhouette sombre du chef du Clan du Vent. « Tu es en train de rêver, Vent, chuchota-­‐t-­‐il. Accueille ta guérisseuse. » Le chef regarda Aile de Papillon dans les yeux, acquiesça puis disparut. « Voilà les chats que tu devras trouver », dit une autre voix. Trois félins apparurent devant elle, puis chacun s'endormit. « Pelage Moucheté, du Clan de la Rivière, ronronna un chat étoilé en se blottissant contre le délicat félin écaille-­‐de-­‐tortue. — Cœur de Galet, du Clan de l'Ombre, murmura un autre en poussant le chat gris tigré jusqu'à ce qu'il grogne dans son sommeil. — Et Plume de Nuage, du Clan du Tonnerre », dit le premier esprit en désignant de sa queue un chat au pelage noir, aux oreilles, au poitrail et aux pattes avant blancs. « Tu les rencontreras ici lors de la prochaine demi-­‐lune, murmurèrent les chats étoilés. Nous vous apprendrons tous les secrets qu'un guérisseur doit connaître. » Alors que leurs silhouettes commençaient à s'effacer, ne laissant plus que la lumière des étoiles pour l'éclairer, Aile de Papillon s'étira puis se replia sur elle-­‐
même et s'endormit. Cette nuit-­‐là, elle dormirait près de la Pierre de Lune. Et, le lendemain, elle retournerait dans la forêt et deviendrait la première guérisseuse de l'histoire des Clans. © Traduction :
thibaud220 (administrateur du site
http://laguerredesclans-erin-hunter.e-monsite.com)
TOUTE REPRODUCTION INTERDITE

Documents pareils