Le serment d`Hippocrate : aspects éthiques, juridiques et historiques
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Le serment d`Hippocrate : aspects éthiques, juridiques et historiques
Lettre d’information et d’analyse sur l’actualité scientifique N°20 : août 2001 Le serment d’Hippocrate : aspects éthiques, juridiques et historiques il n’y a pas que l’argent. En évidence La médecine grecque est née désertant régulières de signes. Dans ce dans médecins ont dû se démarquer va-et-vient entre par malade, les Son originalité les temples1. Les premiers médecins furent des les temples, rapport à la les médecine d’associations savoir et médecins prêtres. Il se passa ensuite un religieuse, de là les critiques hippocratiques phénomène violentes contre les doigt conceptions religieuses de fondamental maladies dues à des causes connaissance complexe donna lieu à quatre naturelles. Ontologiquement, Ecoles médicales dont celle de - La seconde caractéristique est toujours individuel : il n’y de cette médecine est son a pas de maladies, il n’y a souci que fondamental, la laïcisation de la médecine. Ce processus extrêmement Cos, au sein de laquelle oeuvra Corpus Hippocrate. Le hippocratique coïncide avec la constitution médecine comme autonome et se donc de la discipline caractérise par trois traits principaux. - La première caractéristique de réaliser un subtil mettent sur le le problème de la du des vivant. ce dernier malades. équilibre entre rationalisme et individu empirisme une singulière à la pathologie dont du il est victime. Sur le plan fondé compréhension sur théorique réagit vivant. Elle vise une pratique éthique, réfléchie, découvre basée intuition sur du moment médecine confrontée se à l’angoisse, aux souffrances. favorable. de - La troisième caractéristique de Périclès est leur laïcité. Ils talent est doté d’un sixième du Corpus hippocratique est ne sens, sa plus des prêtres, médecin manière des médecins grecs du siècle sont Le une la de Tout d’une sûreté de dimension déontologique. jugement dont on ne peut en La déontologie des médecins métier et qui doivent vivre de définitive pas rendre compte. hippocratiques l’exercice Ce qui distingue le médecin terrain. Elle est ainsi marquée hippocratique par une tension entre le choix mais des hommes exerçant un de leur art. Le praticien sera rétribué par son de ses prédécesseurs, c’est son sens délibéré Plusieurs passages du Corpus de l’observation précise et son règles recommandent la modération aptitude concilier patient ou par la Cité. en matière d’honoraires. Mais 1. A. Pichot, La naissance de la science, 2 t., t. 2, Paris, Gallimard, Folio, coll. “ Essais ”, 1991, 355418. à rigoureusement C’est la récolte consigner les de et émerge s’imposer le les souci de faveurs du des se des signes. citoyens, après tout, futurs minutieuse clients. Quittant le temple, le des symptômes individuels et médecin hippocratique doit leurs recoupements à travers apprivoiser, l’analyse d’un grand nombre sécuriser. Les médecins sont de cas qui permet la mise en porteurs persuader, d’une révolution Gènéthique - n°20 – août 2001 inouïe dans la compréhension l’exposition des nouveau-nés2. anciennes : en Mésopotamie, de Au en Chine, à Rome et la Grèce ces expériences siècle de Périclès, cet fondamentales de la condition usage avait été légitimé sur le tout humaine que sont la maladie, plan par ce phénomène. A Thèbes, la souffrance et la mort. Ils Pourquoi fascinent. soucieux Cependant, par des Platon. médecins, tout publique doit même temps, ils font peur. faire accepter et porteurs en paraissent excessifs. Avec le La eux-mêmes Serment d’une de affectée intervenir, tant les abus lui serait-elle avant l’autorité était se maladie en théorique entière révolution d’Hippocrate, réellement en leur pouvoir ? considérable, auraient-ils nous On comprend dès lors que le poussé jusqu’à témoignage de l’évolution des médecin se soit présenté à mettre travers un texte très fort, pratique solidement établie et l’élévation des idées promettant de ne provoquer qui s’accompagne d’une prose la mort en aucun cas. d’objection dans la Cité ? La question de l’avortement Cette Nous voici incise qui arrivés à cette l’audace en ne travers d’une soulevait phrase s’insère guère Dans ce un texte où concise et précise, la morale antique atteint d’emblée un dans sommet. Il reste que, si aucune raison sérieuse ne nous une contre la philosophie politique contraint à considérer cette quarantaine d’années : de Platon, lequel défend un incise “ Je ne remettrai à personne eugénisme d’Etat pur et dur. ultérieur, Au hippocratiques d’encre du couler tant depuis poison, demande, si ni l’initiative on m’en ne prendrai d’une pareille même réalise de ce réaction fait mouvement esprits. devant Serment du peut-être se trouvons nous moment le Sparte premier “ totalitaire ” et Etat met au comme les majorité refusé un ajout médecins dans leur probablement, d’être manière d’eugénisme. Dans cette Cité, cette à témoignage, ajouté nouveau-né est soumis à un d’Aristote, atteste Conseil des Anciens qui a tout évolution d’abord, l’interdiction pour le pouvoir pour décider de son éthique grecque. Celle-ci cesse médecin de participer à un maintien en vie ou de son de avortement exposition exclusivement à l’intérêt de la ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif. ” Cette formule âprement a été discutée. Tout paraît difficilement compatible avec en croire abandon Plutarque, (c’est-à-dire dans un le son endroit d’une d’une point une rigoureuse politique suggestion, semblablement, je ou mêlés ont autre pratique. Ce à celui d’une dans la conscience se Cité. à référer Elle quasi s’intéresse de désert). Si l’enfant présenté l’homme que paraît laid, difforme ou fluet, réellement avec ses peines et il est jeté dans une fondrière. ses joies, ses limites et ses Si, au contraire, l’enfant est grandeurs, sa souffrance. thérapeutes beau, bien formé de tous ses L’actualité hippocratique participent activement à une membres et solide, il subit les nombreuses pessaires listes abortifs renferme le Corpus et avec l’attestation selon certains expulsion Ensuite, laquelle embryonnaire. cette interdiction tranche radicalement avec la pratique courante à l’épreuve du vin. pratique était Cette largement répandue dans les civilisations cette époque de l’avortement et de L’un des Ph. silencieux. Caspar. Une Le peuple histoire de déficience mentale, Paris, Fleurus des la paradoxes existant de la modernité est de revendiquer pour le médecin le devoir de donner la mort dans certaines conditions 2. concret, à certaines ou vis-à-vis catégories de d’êtres humains. Pourtant, à l’époque où il fut écrit, le Serment Gènéthique - n°20 – août 2001 correspondait à une nécessité évidente, et parmi les thèmes abordés démarche beaucoup situe sont encore mais implique médicale principaux : recherche. - Le premier est celui de l’histoire de l’intérêt tension entre malade. Le par telle que clairement d’actualité. Voici deux thèmes du une la l’on clinique rapport à Jamais Tout jeune médecin expérimenté avec le que le malade a contact prend les la allures d’un test réciproque : dans le malade jauge le médecin et l’humanité la son aptitude à le guérir, le deux médecin soupèse l’aptitude de complémentaires son malade à attester, par sa ces médecin est au service de son disciplines malade. Il que sont la médecine et la guérison, diagnostique son biologie n’aura été aussi vive professionnelle. soigne et, au mieux, le guérit. ni entre le médecin et le malade Dépositaire qu’aujourd’hui. écoute, mal, d’un le savoir, le aussi médecin fait tout pour diriger La “ le régime (traitement) des d’ordre décisive de sa compétence La relation doit reposer sur la confiance. réflexion est La question revêt aujourd’hui philosophique. Le une importance considérable. malades à leur avantage ”. La médecin hippocratique semble Car le statut du malade n’a médecine revendique son avoir conservé un sens très guère autonomie au bénéfice aigu de ses limites. Il sait et comme il y a 2.500 ans, le des malades. C’est l’un des accepte que tout ne soit pas malade se livre. En revanche, noeuds et l’un des enjeux du possible. La pensée grecque a le Serment. le sentiment de la finitude du évolué. - Le second est la notion de monde et corrélativement de technicité risque. l’homme. d’une manière considérable par seul Lucide, le médecin seconde Il y a là une changé. statut du rapport la médicale hippocratique. prescrit Certaines Il des drogues. sont dangereuses moderne, faite positivisme, consciemment de d’abord, s’est dimension à laquelle l’idéologie humaine. médecin Tout hippocratique n’ignore rien de souffrance Aujourd’hui à a sa développée son ancêtre Les multiples tente percées qui ont eu lieu dans non le champ thérapeutique ont ou pour la vie de ses patients. d’échapper. doté le médecin d’un pouvoir Le Conclusion de médecin est ainsi confronté à la nécessité de devoir prendre des risques pour son patient. Il y a là une réalité inhérente à la majorité des thérapeutiques. Cette question pondération de des la risques suscite deux réflexions. La première est d’ordre épistémologique. Comment le médecin qu’une pouvait-il savoir intervention pouvait être dangereuse au point de mettre la vie du malade en danger ? Par l’expérience ou par l’expérimentation, est la réponse qui telle semble La découverte du Serment l’importance fondamentale est celle décisive de guérison inégalé ou dans de confort l’Histoire. En conflit de de apparence, la pouvoir penche en faveur du relation personnelle entre le médecin. le De déséquilibre malade et son médecin. Peu naît importe d’insérer le malade dans un l’origine socio- économique de ce malade, il souffre et se confie. C’est de cet abandon forcé que le Serment a fait le cœur de la déontologie médicale. une ce tentation, celle programme de construction de la médecine future. L’acuité de cette attestée qui question par ont les lieu est discussions aujourd’hui du autour du Code de Nuremberg Serment est de se refuser, et des Déclarations qui l’ont L’originalité extrême d’entrée de jeu, à situer la relation entre le médecin et le malade en dehors d’un rapport de forces bien réel. affiné. Retrouvez l’intégralité de l’article de Ph. Caspar Avons-nous oublié Hippocrate ? Revisitation du serment Gènéthique - n°20 – août 2001 sous ses aspects éthiques, juridiques et historiques, www.genethique.org sur Les personnes handicapées face au diagnostic prénatal - D. Moyse N. Diederich A l’origine de ce texte, des auteurs dans une étude de dans ses retranchements. Qui propos d’hommes de plus de trois années pendant peut décider que telle vie n’a femmes touchés par des lesquelles ont été recueillies pas de raison d’être ? Quel physiques ou les analyses de tous ceux et regard la société porte-t-elle mentales : “ Mais alors, il ne de toutes celles qui, touchés sur va plus y avoir de handicapés par handicapées ? sur terre, ils n’auront plus le souhaitaient droit de vivre ! ” avaient dit ces questions éthiques. Bien scientifiques pour tenter, par Paul que prioritairement concernés, les d’une émission de télévision c’est en d ‘éliminer consacrée France, trouvent génétiques, déficiences et Noémi à et à la suite l’interruption un handicap la moteur, s’exprimer première qu’ils se sur fois les œuvre personnes Mettre les en connaissances thérapies les géniques, anomalies dispense-t-il la médicale de grossesse. consultés sur un tel sujet. société de se préoccuper de la Ces sont-elles Cinquante personnes ont ici qualité de la vie des personnes ressenties par les personnes livré leur témoignage auxquels handicapées handicapées se de accompagnement Ils quotidien ? techniques comme une sont ajoutés invalidation de leur vie ou au parents contraire, devant les nous apportent des réflexions difficultés occasionnées par étonnantes, une déficience, perçues comme pertinentes un qui progrès ? question qui Telle a est engagé la les ou de ceux à et bouleversent proches. la fois émouvantes, les idées et de leur au Ref : Danielle Moyse et Nicole Diederich, Les personnes handicapées face au diagnostic prénatal, Eliminer avant la naissance ou accompagner, Collection Connaissance de l’éducation. reçues et poussent le lecteur lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune. Directeur de la publication et Rédacteur en chef : Jean-Marie Le Méné - Contact : Aude Dugast [email protected] 31 rue Galande 75005 Paris - Tél/Fax : 01.53.10.08.30 - Site internet : www.genethique.org Gènéthique - n°20 – août 2001 Gènéthique - n°18 – juin 2001