3.3 Origine des maladies infectieuses aujourd`hui

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3.3 Origine des maladies infectieuses aujourd`hui
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LES ASPECTS PASTORAUX DES SOINS DES MALADIES INFECTIEUSES
JACQUES SIMPORÉ
3.3 Origine des maladies infectieuses aujourd’hui:
changements technologiques et industriels.
Modifications et adaptations microbiennes.
Introduction
À partir des bactéries thermophiles qui habitent les eaux thermales à plus de 70°C jusqu’aux micro-organismes
psychrophiles
(cryophiles) qui ont colonisé les
glaciers et vivent à moins de 0°C ,
nous avons des microbes qui ont pu
s’adapter à tous les aléas climatiques et qui résident dans les hautes
pressions (les barophiles), qui survivent dans des environnements
très salés (les halophiles), dans les
fonds marins (bactéries chimiosynthétiques), dans les lieux arides (les
bactéries polyextrêmophile) et dans
des milieux acides (acidophiles) et
alcalins (alcalophiles).
Aujourd’hui, avec les changements technologiques et avec la globalisation, nous voyageons en transportant les micro-organismes dans
le monde, dans nos avions, dans nos
bateaux, dans nos voitures. Désormais, dans nos villes, nous les avons
partout: dans nos circuits d’eaux,
dans nos toilettes, dans nos climatiseurs, dans nos frigidaires, dans nos
assiettes... Jusqu’à les avoir par surcroît en nous-mêmes: dans nos viscères les plus profonds, les bonnes
bactéries nous aident à digérer nos
aliments tandis que les pathogènes
comme les Shigella, les Escherichia
coli, les Salmonelles, le vibrion du
cholera,... provoquent en nous des
entéropathies. D’autres vont jusqu’à
infecter nos poumons (bacille de
Koch), nos appareils reproducteurs
(VIH, Treponema pallium, Neisseria gonorrhoeae), notre système nerveux central (Toxoplasma gondii,
Trypanosoma gambiense, ·lfa herpès virus, virus de la rage) etc. De
nos jours, les maladies infectieuses
sont responsables de près de 17 millions de décès par an, ce qui représente un tiers de la mortalité mon-
diale [1]. Elles constituent les 43 %
des décès dans les pays en voie de
développement. Cette morbidité
risque de s’aggraver, compte tenu
des changements climatiques provoqués par l’industrialisation des
sociétés modernes qui créent et favorisent, par conséquent, une température idéale pour la prolifération
et la propagation des microorganismes pathogènes sur la planète
terre. En effet, le smog et l’effet de
serre provoqués par l’industrialisation, les diverses manipulations génétiques opérées par la biotechnologie et l’antibiothérapie abusive provoquent des mutations génétiques
des microbes pathogènes. Ces modifications ontologiques de nos prédateurs leur offrent l’opportunité
pour mieux s’adapter à notre environnement. En plus, l’élaboration
industrielle des denrées périssables
et leur transport dans le monde entier peuvent constituer des sources
de diffusion des maladies infectieuses. Notre communication s’articulera en trois parties: (i) nous exposerons en premier lieu les effets
des changements technologiques
qui favorisent la prolifération des
agents pathogènes dans le monde,
(ii) puis nous présenterons les changements industriels comme cause
de la recrudescence des maladies infectieuses et enfin, (iii) nous développerons les défis des mutations
génétiques, les adaptations microbiennes et leur implication dans la
résistance aux médicaments.
1. Le changement technologique
comme cause de la
recrudescence des maladies
infectieuses aujourd’hui
Disons d’emblée, que, présentement, la recrudescence des mala-
dies infectieuses est due, non seulement à l’extraordinaire capacité des
agents infectieux de s’adapter à leur
environnement, mais aussi aux
changements technologiques opérés par l’homme pour s’accommoder à son écosystème. Un certain
nombre de maladies infectieuses
émergentes correspondent à des
maladies liées au progrès. En effet,
les infections d’origine alimentaire,
l’introduction des antibiotiques
comme marqueurs dans l’élaboration des organismes génétiquement
modifiés (OGM) et l’antibiothérapie abusive peuvent favoriser cette
recrudescence des maladies infectieuses.
a. Les chaînes alimentaires
Les techniques modernes de l’industrialisation, par les chaînes alimentaires, offrent aux microbes pathogènes l’occasion de rencontrer
l’hôte humain, partout dans le monde grâces au phénomène de la globalisation:
– L’élevage intensif des poulets
(risque du virus grippal (H5N1),
des porcs, des bœufs... et l’exportation/importation de ces produits à
travers le monde peuvent être des
vecteurs qui véhiculent des virus,
des bactéries, des champignons et
des parasites pathogènes.
– La chaîne du froid: les transports d’aliments froids à travers la
planète terre conduisent à de fréquentes ruptures de la chaîne du
froid favorisant le développement
et la propagation des agents pathogènes. Le maintien à basse température d’aliments réfrigérés permet
de ralentir la croissance des microorganismes et ainsi de limiter la survenue de toxi-infections alimentaires. L’efficacité de cette chaîne
du froid va dépendre du niveau de
ui:
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la température de réfrigération mais
également du maintien de cette réfrigération. Il existe deux types de
flores de micro-organismes rencontrés dans les denrées alimentaires:
(i) la flore non pathogène dite d’altération qui est responsable de
contamination de surface (par
exemple, les lactobacilles); (ii) la
flore pathogène susceptible d’induire chez le consommateur des
toxi-infections alimentaires, comme par exemple les staphylocoques,
les salmonelles, les Listeria monocytogènes , les Yersinia [2] etc. La
listériose est une maladie qui se développe en raison des progrès liés à
l’alimentation. La bactérie qui la
provoque peut se multiplier même à
faible température, dans le réfrigérateur. Un aliment contaminé accidentellement permettra donc le développement de Listeria qui attein-
nent que de bons milieux de culture
bactérienne.
b. Élaboration d’OGM
utilisant des antibiotiques
Utilisation des antibiotiques
comme marqueurs dans les plantes
transgéniques. Bien souvent, pour
élaborer du maïs, du riz ou du coton
transgénique, on utilise le gène terminator plus un autre gène de résistance à un antibiotique comme la
tétracycle, l’ampicilline comme
marqueurs. Les plantes transgéniques peuvent conserver dans
leurs génomes le transgène marqueur conférant la résistance aux
antibiotiques. Ces antibiotiques, en
général, sont utilisés tant chez les
humains que chez les animaux
contre les différents types d’infections. La présence de souches bactériennes résistantes aux antibiotiques détermine une grande cause
de mortalité en Afrique. Le risque
majeur de la consommation de ces
produits est la probabilité d’absorber des gènes exogènes qui peuvent
s’intégrer dans le génome des entérobactéries et conférer des résistances aux médicaments lors des infections.
c. Le bioterrorisme
dra des quantités suffisantes lui permettant d’être infectieux pour
l’homme, en particulier les immunodéprimés ou les femmes enceintes. Certes, les réfrigérateurs
ont fait reculer les salmonelloses
mais ont permis à la listériose de
survivre et de se manifester.
– Préparation industrielle des
aliments: la préparation industrielle
des aliments, particulièrement des
viandes «processées» où nous rencontrons des risques d’infection.
Les aliments produits industriellement congelés et qui sont hautement périssables tels que les
viandes, les produits tripiers, les
charcuteries, certains produits laitiers, une fois décongelés durant le
transport, ces aliments ne devien-
Le virus de la variole, les virus
des fièvres hémorragiques, le bacille du charbon et la toxine botulinique etc. peuvent être des armes de
choix pour certains hommes politiques ayant un programme d’armes
biologiques ainsi que de groupes
terroristes. Ce risque n’est pas simplement virtuel:
en 1995, la secte japonaise Aum
Shinrikyo, qui avait lancé du gaz sarin dans le métro de Tokyo, possédait aussi un arsenal de milieux de
culture, de toxine botulinique et de
cultures de bacille du charbon.
En 1984, la secte américaine Rajneeshee, qui voulait influencer le
résultat des élections locales, contamina les «salad bars» d’une dizaine
de restaurants de «The Dalles» dans
l’Oregon avec des échantillons
d’une culture de Salmonella. Au
cours de cette période, 751 cas de
salmonelloses ont été recensés.
En 2001, entre le 18 septembre
et le 9 octobre, des lettres contenant
des spores du bacille du charbon
(anthrax) ont été envoyées à plusieurs personnes aux États-Unis,
entre autre, au sénateur Daschle.
Spécifions que curieusement, à cette époque, l’anthrax tua cinq personnes aux États-unis.
d. La thérapie moderne:
Infections nosocomiales
dans les hôpitaux
Les infections nosocomiales dans
les hôpitaux constituent un des paradoxes du progrès médical: certains outils utilisés par la médecine
moderne peuvent exposer les patients à des risques infectieux. En
effet, les cathéters ou les sondes urinaires posés chez des patients hospitalisés sont autant de voies d’entrée possibles pour certaines bactéries: ces deux «instruments médicaux» sont responsables de 40%
des infections nosocomiales. Les
risques de transmission de certains
virus comme le VIH, les hépatites B
et C sont liés aussi à l’utilisation de
matériel d’injection non stérile.
– Antibiothérapie et résistance
aux microbicides: la problématique
des résistances aux microbicides est
un phénomène mondial. Dans les
pays tropicaux en voie de développement, où nous avons de nombreuses maladies infectieuses mais
peu de médicaments, nous rencontrons aussi de hautes prévalences de
résistances. Par exemple, en Tunisie, nous avons des résistances: tetracycline 54%, Erythromucine
82%, spiramycine 64%, pristinamycine 73%, triméthoprim-sulfaméthozazole 91% [3]; au Nigeria:
Ciprofloxacin (49,4%), Gentamicin
(38,8%) et Ceftazidime (36,7%)
[4]; en Côte d’Ivoire, à Abidjan en
2004, kanamycine, tobramycine,
gentamycine avaient comme résistances 13,5% et cotrimoxazole et
macrolids en avaient respectivement 40% et 58,7% tandis que la résistance à la pénicilline a augmenté
de 8,5% en 1997 à 23,5% en [5, 6].
En ce qui concerne les infections
communautaires, les niveaux de résistance à la pénicilline de Streptococcus pneumoniae tels qu’ils résultent de plusieurs enquêtes de
l’EARSS (Réseau Européen de
Surveillance de la Résistance Bactérienne aux Antibiotiques) sont: en
France 53%, en Roumanie 50%,
Espagne 33% et Pologne 30% [7] .
Quant aux pourcentages de résistance à la méticilline chez la S. aureus, nous avons: Grèce 44%, Italie
38%, Portugal 38%, France 33%,
40
Espagne 23%, Grande-Bretagne
44% et Irlande 42%, 34% aux
États-Unis et 81% au Japon [7].
Ainsi, les maladies infectieuses
constituent-elles la plus grande menace de santé à l’échelle planétaire
et les armes dont nous disposons
pour les contrer deviennent parfois
obsolètes. Il faudra voir l’émergence de la résistance comme la conséquence d’une guerre permanente de
survie où les micro-organismes,
sans cesse attaqués par l’homme
moderne, essaient de trouver une
contre-mesure.
LES ASPECTS PASTORAUX DES SOINS DES MALADIES INFECTIEUSES
restre, l’effet de serre, entraîne les
fontes des glaciers et le déversement de ces micro-organismes
cryophiles dans les habitats humains. Ce fait expliquerait en partie
la grande recrudescence des maladies infectieuses aujourd’hui.
2. Les changements industriels
comme cause de la recrudescence des maladies infectieuses
aujourd’hui.
a. Changement climatique et effet
de serre et ses conséquences
Les changements climatiques
qui sont des sources de la recrudescence des maladies infectieuses aujourd’hui dérivent bien souvent
d’une combinaison de facteurs purement anthropiques (déforestation, développements agricole et
industriel, construction des routes,
lignes aériennes, aménagements
hydrauliques...) et de facteurs climatiques directs (température, humidité, précipitation, rayonnement...) et indirects par la modification des écosystèmes et plus généralement de la biodiversité. Les
facteurs climatiques sont les déclencheurs des épidémies, en amplifiant la dynamique de transmission et la diffusion des agents pathogènes. En effet, certains microorganismes vivent dans des environnements extrêmement hostiles
(chaleur, froid, acidité, salinité...).
Il existe de nombreuses bactéries
adaptées au froid, appelées psychrophile ou cryophile, qui sont capables de croître autour de 0°C aussi vite que leurs homologues mésophiles à température plus élevée.
Les Psychrobacter et les Arthrobacter sont des exemples de bactéries
psychrophiles. Ils sont des microorganismes possédant une bonne résistance au froid et pouvant croître
à des températures comprises entre
0 et 40 °C. Ils peuvent donc survivre dans les frigidaires comme
dans des milieux à température élevée. L’industrialisation avec la problématique de l’échauffement ter-
la hausse des températures favorise
la multiplication des insectes vecteurs de maladies infectieuses comme la malaria, la fièvre jaune, la
fièvre dengue et l’encéphalite.
Lorsqu’un moustique devient infecté, le parasite prend un certain
temps avant de se développer. Dans
le cas de la malaria, à 20°C, le parasite met 26 jours à se développer
alors qu’à 25°C, il ne lui en faut que
13. Outre la hausse de température,
d’autres bouleversements climatiques, influencés par les effets néfastes de l’industrialisation, contribuent aussi à l’augmentation ou à la
résurgence des maladies infectieuses comme le paludisme, la
fièvre jaune, le tétanos, le choléra...
Parmi ces bouleversements, les
inondations liées aux pluies diluviennes favorisent encore plus cette
recrudescence des agents pathogènes. Dans les années 2004-2005,
tout de suite après l’inondation de
certains pays tropicaux, des épidémies de paludisme et de choléra se
sont répandues au sein des populations sinistrées.
c. Grandes urbanisations
b. Culture intensive et colonisation
des habitats propre aux
microorganismes
Non seulement l’industrie moderne, avec ses grandes transformations et productions, pollue l’environnement mais elle favorise aussi
la déforestation, l’avancement du
désert, les constructions de réserves
d’eau pour l’irrigation et la
consommation des grandes villes.
– La déforestation ou construction de barrages d’eau et l’apparition des maladies infectieuses
Certains virus, bactéries ou parasites qui se trouvaient dans leur habitat dans la forêt ou dans les campagnes ont infecté les agriculteurs
qui y défrichaient. Le virus Guanarito au Venezuela en 1989, la pullulation des moustiques vecteurs du
virus de la fièvre de la Vallée du
Rift en Egypte en 1977, la Leishmaniose à Ouagadougou en 2000,
l’onchocercose et les ulcères de Buruli au Bénin, au Ghana et en Côte
d’Ivoire, le paludisme dans tous les
pays tropicaux en sont des
exemples parlants. Spécifions que
Autour des grandes industries se
sont formées de grandes villes dès
les XVIII-XX° siècles. De nombreux marchés, magasins, hôpitaux
et des lieux de divertissement comme des terrains de football, des salle de cinémas, de théâtre... Ces
grands rassemblements humains
favorisent les transmissions des micro-organismes pathogènes. En
plus, les grandes villes ont leurs
exigences: besoin d’eau courante,
des canalisations d’eaux usées, des
constructions de barrages, des climatiseurs, des frigidaires pour
conserver les aliments etc. Tous ces
systèmes créés par l’homme peuvent être infestés par des microbes.
Par exemple, les Legionella pneumophila (maladie du Légionnaire)
sont des bactéries qui poussent
dans les circuits d’eau et sont capables d’infecter l’homme après
qu’elles aient été vaporisées et inhalées. Par le phénomène de la
mondialisation, nous avons le brassage des peuples et la diffusion automatique des micro-organismes
d’une ville à l’autre, d’un pays à
l’autre et d’un continent à l’autre. À
cause des grands déplacements des
foules, chaque année, des voyageurs et des touristes s’exposent à
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des maladies endémiques (maladies diarrhéiques, paludisme,
dengue et autres fièvres hémorragiques virales). De plus, l’avion favorise la propagation rapide de certains agents infectieux, en particulier ceux responsables de maladies
respiratoires (tuberculose, grippe...): c’est par le biais de voyages
aériens que l’épidémie de SRAS
s’est répandue rapidement d’un
point à l’autre de la planète en
2003. En plus du réchauffement
climatique, l’effet de serre, provoqué par l’industrialisation, l’industrie moderne avec ses smog, son
CO2 déversé dans la nature, constituent des éléments mutagènes qui
influencent le métabolisme des micro-organismes. Pour survivre, les
microbes doivent être capables de
s’adapter génétiquement à l’influence de ces nouveaux facteurs
intoxicants, produits par l’industrialisation moderne.
3. Modification et adaptation
microbiennes
qui sont chromosomiques, secondaires à une mutation portant sur le
chromosome ou extra chromosomiques par acquisition de gènes.
Les résistances mutationnelles sont
spontanées et préexistent à l’utilisation de l’antibiotique. Ces types de
résistances sont stables et se transmettent verticalement dans le clone
bactérien; elles sont spécifiques et
n’intéressent qu’un antibiotique ou
qu’une famille d’antibiotiques à la
fois. Tandis que les résistances extra chromosomiques dont le support
est un plasmide ou un transposon
acquis par conjugaison sont fréquentes, contagieuses et se transmettent horizontalement entre bactéries [12, 13, 14]. Les bactéries se
défendent contre l’action des antibiotiques en se rendant imperméables à leur pénétration et en
produisant des enzymes capables
de les inactiver en modifiant la
structure de leurs cibles. Les enzymes qu’elles produisent, inactivent l’antibiotique en le modifiant
ou en l’hydrolysant [15,16,17].
b. Deux exemples d’étude concrète
a. Exemple d’adaptation
microbienne: le mécanisme de
résistance aux médicaments,
Comme le génome humain, celui
des micro-organismes est encore
très dynamique, toujours prêt à se
muter afin de conférer une résistance ou une adaptation aux nouveaux
facteurs environnementaux qui adviennent. La résistance aux antibiotiques est la capacité d’un microorganisme de résister aux effets des
antibiotiques. Elle se développe par
mutation ou échanges de plasmides
entre les bactéries de même espèce
[8, 9, 10]. Les bactéries porteuses
de plusieurs gènes de résistance
pour différents antibiotiques sont
dites multirésistantes. La résistance
aux antibiotiques est la conséquence de l’évolution par sélection naturelle. L’action de l’antibiotique
exerce une pression sélective dans
l’environnement; les bactéries présentant une mutation leur permettant de survivre continuent de se reproduire. Elles transmettent à leur
descendance leur gène de résistance
et donnent une génération de bactéries pleinement résistantes [11]. Il
existe donc deux types de résistances bactériennes: les résistances
naturelles, programmées sur le génome bactérien et celles acquises
Du 6 mai 2001 au 18 mai 2006,
6.264 échantillons de sang, de
selles, d’urine, de crachat, de peau,
de pus, de sécrétion vaginale ont
été récoltés et cultivés dans le laboratoire biomédical de Saint Camille
de Ouagadougou. En plus, de
juillet 2004 à février 2006, 223
femmes enceintes VIH-1 séropositives ont suivi le programme de la
PTME (prévention de la Transmission Verticale Mère Enfant du VIH)
en prenant des antirétroviraux au
cours de leur grossesse. Après la
naissance, leurs enfants ont reçu la
névirapine.
Résultats
Dans cette étude, on a effectué:
1.335 coprocultures, 1.878 urocultures, 1.180 cultures de tampon vaginal, 245 de pus et 43 d’autres matériels biologiques comme sang,
peau, lait et liquide céphalorachidien (LCR). Après avoir été cultivées et identifiées, les bactéries ont
été exposées à différentes concentrations d’antibiotiques, en antibiogramme, afin de déterminer l’efficacité des antimicrobiens à inhiber
leur croissance. Nos résultats démontrent qu’au Burkina Faso, les
Proteus spp ont acquis des multi-résistances: à l’ampicilline (86,8%), à
l’Amoxicilline (95,6%) et à la
Amoxicillie/Acide Clavulanique
(94,3%). Nous trouvons aussi de
fortes multi-résistances des Escherichia coli pour l’Ampicilline
(77,4%), l’ Amoxicillie/Acide Clavulanique (50,6%) et l’Amoxicilline (78,2%). Les Klebsiella spp ne
sont pas en reste. Elles ont conquis
aussi de nombreuses multi-résistances
envers
l’Ampicilline
(89.9%), l’ Amoxicillie/Acide Clavulanique (42,8%) et l’Amoxicilline (89,9%). Nous avons trouvé
dans nos échantillons quatre
souches de Klebsiella pneumoniae
et une souche de Escherichia Coli
qui possèdent des gènes blaSHV et
blaSHV-11 leur conférant des résistances aux médicaments antimicrobiens [18, 19]. Dans ces échantillons, nous avons isolé pour la première fois en Afrique, une bactérie
metallo-beta-lactamase, un Chryseobacterium indologenes [20] qui
hydrolyse les antibiotiques betalactamase les plus utilisés tels que
benzylpenicillin, ampicillin, amoxicillin cefalotin, cephaloridin et même les antibiotiques les plus puissants comme la cefotaxime, la cefuroxime et l’imipenem. Seul la ceftazidime (troisième génération de
beta-lactamine) et la cefalexine
(seconde génération de cephalosporine) pouvaient inhiber sa croissance. Dans notre deuxième étude,
nous avons observé que sous l’action agressive des antirétroviraux
(ARV), le génome du virus du SIDA, chez plusieurs patients, a subi
de nombreuses mutations: PR
(M36I, K20I, V82IV), RT NNRTI
(Y181CY) et RT (R211K) [21, 22].
Conclusion
Depuis un certain temps, plusieurs hommes politiques ont pris
conscience de cette problématique
et d’immenses progrès ont été accomplis en matière du contrôle de
la dégradation de l’environnement.
De même, depuis plus de 20 ans
d’énormes rénovations ont été réalisées dans l’antibiothérapie. Mais
les contre-pieds et les conséquences
de ce type de thérapie sont l’émergence de bactéries de plus en plus
résistantes et qui constituent un
lourd tribut payé à notre consommation abusive et excessive d’antibiotiques [23]. De nos jours, nous
avons aussi la problématique de ces
42
multiples souches de Plasmodium
qui se sont adaptées au stress oxydatif provoqué par nos remèdes et
qui sont devenus résistants désormais à la chloroquine. Et que dira-ton de ces nombreuses souches de
VIH qui sont aujourd’hui résistantes à nos ARV? Ces résistances à
nos médicaments modernes nous
font comprendre combien, en matière de lutte contre les maladies infectieuses, les victoires sont fragiles; car nous avons affaire à un
monde vivant qui s’adapte pour survivre, à notre environnement, à
notre mode de vie, à nos pratiques
médicales, à nos armes thérapeutiques et profite des moindres
failles pour gagner du terrain.
LES ASPECTS PASTORAUX DES SOINS DES MALADIES INFECTIEUSES
– sans une prise de conscience
collective et sans la volonté politique internationale de respecter davantage la nature, nous marcherons
inexorablement vers le règne prépondérant des microbes pathogènes, vers la recrudescence des
maladies infectieuses, bref, vers des
résistances microbiennes mondialisées. Je ne voudrais pas être un
mauvais prophète, mais si cela advenait, nos antibiotiques et nos microbicides les plus forts, les plus
puissants et les plus modernes ne
deviendront que des substrats appétissants et de l’eau fraîche pour nos
prédateurs devenus à jamais invincibles.
P. JACQUES SIMPORÉ, MI
Directeur du Centre de Recherche
Biomoléculaire CERBA
Professeur de Génétique Moléculaire
Université de Ouagadougou
Burkina Faso
Bibliographie
Sonnette d’alarme
– Tant qu’une bonne politique de
solidarité entre Nord et Sud n’est
pas mise en œuvre pour combattre
ensemble les microorganismes pathogènes qui ne connaissent plus
aucune frontière nationale, régionale ou continentale à cause de la globalisation;
– tant que l’homme n’utilise pas
avec parcimonie et sagesse les microbicides synthétisés par les industries pharmaceutiques modernes,
– tant que l’homme ne prend pas
conscience que transformer la nature en la polluant par une industrialisation sauvage équivaut à exciter
et à stimuler les micro-organismes
pathogènes à se muter, à s’adapter à
notre écosystème et à devenir encore plus virulents;
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