RobeRt Wilson beRnice Johnson Reagon toshi Reagon Jacqueline
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RobeRt Wilson beRnice Johnson Reagon toshi Reagon Jacqueline
Deux siècles de musique afro-américaine : zydeco, blues, rock et chants sacrés Robert Wilson Bernice Johnson Reagon Toshi Reagon Jacqueline Woodson Du 3 au 6 juin, Grand théâtre Avec le soutien de Questions à Robert Wilson à propos de Zinnias Avec Zinnias, the life of Clementine Hunter, vous vous recentrez sur vos thèmes fondateurs. Enfant, vous avez pour ami, à l’école, un enfant noir nommé Leroy dans une ville où la ségrégation est totale. Vous découvrez avec lui le culte de l’église noire. Liberté, honnêteté, sincérité et surtout chants d’espoir. Vous êtes vous inspiré de cela pour créer Zinnias ? J’ai grandi à Waco, Texas, où il n’y avait ni musées, ni galeries d’art. C’était une communauté baptiste du Sud, très conservatrice. Je n’avais pas tellement d’amis. Mais alors que j’avais neuf ou dix ans, il y a eu ce garçon noir, Leroy – il était le fils d’une femme qui travaillait dans notre maison. C’était le genre d’amitié qu’il fallait cacher, il n’y avait aucune interaction entre les noirs et les blancs. J’ai développé très tôt une affection profonde pour la culture afro-américaine. Vous rencontrez Clementine Hunter lors d’une visite à la plantation Melrose, quelle sensation avez-vous éprouvé lors de cette rencontre ? Comment est-ce que vous décririez Clementine Hunter ? Elle est la première artiste que je n’ai jamais rencontrée. J’avais douze ans lorsque je me suis rendu à Natchitoches, en Louisiane ; c’était les vacances d’été, j’étais en famille. Nous avons visité une plantation, Melrose. Et j’ai rencontré une femme afro-américaine qui était peintre. Je ne me souviens pas de ce que nous nous sommes dit ; j’ai simplement su que son intelligence m’impressionnait énormément. Elle avait cette puissance intérieure, cette force, et cette façon de vous regarder et d’évoquer son travail. Avec sa peinture, elle fixait le témoignage d’une culture qui était en train de disparaître à grande vitesse. Vous achetez une peinture (des gens en train de laver des vêtements), comment l’avez-vous choisie ? Lors de notre première rencontre, j’ai acheté, pour 25 dollars peut-être, cette petite toile qu’elle avait faite. Je suis retourné là-bas lorsque j’étais lycéen, et j’ai acheté d’autres peintures. J’ai fait la connaissance d’un homme, François Mignon, avec lequel j’ai commencé une correspondance : il était en quelque sorte l’agent de Clementine Hunter. Nos échanges ont duré des années. Je lui faisais simplement part de mes pensées, de ce qui m’intéressait ; et lui me parlait de Clementine. Sur scène, la présence élégante et fantomatique de Sheryl Sutton (incroyable interprète du Regard du sourd) évoque un monde intérieur, femme extralucide aux sentiments forts. Elle est d’une beauté troublante, une présence inspirante et silencieuse. Un ange et/ ou une figure de mère ? Qui est-elle ? Le personnage de Sheryl Sutton est un personnage à l’extérieur de la pièce. Comme un témoin. Mais pour moi, ce type d’interprétation n’est pas de la responsabilité du metteur en scène, de l’auteur ou du comédien : il est du ressort du public. Fait-elle directement écho à l’image du Regard du sourd, où Sheryl Sutton est assise silencieuse, un oiseau noir à la main gauche, sur cette même chaise blanche ? Avant toute chose, elle n’est pas assise dans le même fauteuil, mais dans le rocking chair que j’ai conçu pour Zinnias. Il provient d’une image remontée de mon enfance – celle d’une femme noire assise dans un rocking chair, sous le porche de sa maison. Je pense que ça n’a donc aucun lien avec la femme-oiseau du Regard du sourd. Avec Le Regard du sourd (présenté les 22 et 23 avril 1971 au Festival de théâtre mondial de Nancy), vous révéliez à la scène le monde d’un enfant sourd : Raymond Andrews, votre fils adoptif. Aragon, dans une lettre à André Breton dira de ce spectacle « il n’est pas du tout du surréalisme mais il est de ce que nous autres, de qui le surréalisme est né, nous avons rêvé qu’il surgisse après nous, au-delà de nous ». Vous sentez-vous proche de ce mouvement ? Oui et non. À cette époque je ne savais rien de ce mouvement. Vous dites avoir eu la certitude que Raymond Andrews ne pensait pas en mot mais en image, est-ce votre cas ? Pensez-vous toujours que le langage soit la barrière de l’imagination ? Raymond était un enfant sourd-muet de treize ans qui n’avait jamais été scolarisé, et qui jouait dans la pièce. Ce qui m’intéressait, c’était sa façon d’entendre et de voir. Les étapes de mon travail sont très claires à mes yeux : j’ai débuté avec quelques “œuvres muettes”, celles que les critiques français ont qualifié d’“opéras silencieux” et de “silences structurés”. J’ai toujours été intéressé par quelque chose qui se situe entre l’art et la vie. J’aime simplement considérer mon théâtre comme le travail d’un artiste. J’ai un intérêt égal pour le mouvement, le mot, la lumière, le son, les images. Je suis convaincu que le théâtre est un lieu où toutes les formes d’art peuvent se croiser. Et dans cette coexistence, il y a de la place pour la musique, la danse, le jeu d’acteur. Partant de là, mon approche est la même pour l’opéra et la prose. Je pars du silence, j’ajoute le mouvement, et en fin de compte le texte ou la musique. Vos images d’une simplicité éclatante traduisent une réalité complexe. De quelle manière vous apparaissent-elles ? Le monde est une bibliothèque. Je puise dans toutes les sources. Intérieures et extérieures. Au théâtre, il n’y a pas de séparation entre les formes d’art. C’est un univers entier, un univers en soi. Quand je crée une pièce, je pars toujours de la lumière et de l’espace. Ensuite, je crée une structure dans le temps. En fin de compte, quand tous les éléments visuels sont en place, j’ai créé un cadre que les comédiens peuvent remplir. Si la structure est solide, chacun peut y trouver sa liberté. Vous avez déjà travaillé avec Bernice Johnson Reagon en 2003 lors de la création de La Tentation de Saint Antoine. Qu’est-ce qui vous a poussé à rassembler cette équipe Bernice Johnson Reagon et Toshi Reagon, Sheryl Sutton, Jacqueline Woodson ? J’ai travaillé avec Bernice et Toshi sur La Tentation de Saint Antoine. J’aime leur musique. Je ne connais personne qui puisse être de meilleures collaboratrices pour créer Zinnias. Propos recueillis par Géraldine Mercier Clementine Hunter Clementine Hunter est une des plus importantes artistes américaines du vingtième siècle. Autodidacte, elle a peint des milliers de toiles inspirées de son travail et de son quotidien dans une plantation de champs de coton du siècle dernier. Ses œuvres sont exposées à la Smithsonian, au American Folk Art Museum, au African American Museum de Dallas, au Ogden Museum de la Nouvelle-Orléans et dans de nombreux autres musées et collections privées. Elle sera notamment mise à l’honneur au National Museum of African-American History and Culture, dont l’ouverture est prévue pour 2015 à Washington, DC. Clementine Hunter, née Clemence Rubin en 1887 dans la plantation de Hidden Hill à Cloutierville en Louisiane, est encore adolescente lorsque ses parents, alors métayers, quittent la ferme pour un emploi salarié à la plantation de Melrose. C’est l’une des plus grandes de la région, elle y travaillera dans les champs de cotons et les cultures de noix de pécan, puis en tant que domestique. En 1924, elle épouse Emmanuel Hunter, lui aussi employé de la plantation. Ensemble, ils auront cinq enfants qu’ils élèvent à Melrose. À la fin des années 30, alors âgée de cinquante ans, Clementine Hunter commence à peindre avec des brosses et huiles oubliées par Alberta Kinsley, une artiste habituée de la plantation Melrose. Hunter, qui n’a jamais touché un pinceau et qui n’a aucune formation, se met à peindre ses souvenirs. Pendant cinquante ans, elle ne cessera plus de peindre quelques quatre mille œuvres. Elles racontent l’histoire du peuple afro-américain et créole vivant et travaillant dans les plantations du Sud, avant que leur travail ne soit remplacé par des machines après la Seconde Guerre mondiale. Malgré la reconnaissance grandissante de son œuvre, Clementine Hunter ne quittera jamais sa maison de Cane River Valley. Elle continuera à peindre jusqu’à la fin de sa vie, le 1er janvier 1988, elle a alors cent-un ans. Biographies Robert Wilson Selon le New York Times, Robert Wilson est « une figure incontournable du monde du théâtre expérimental, un explorateur dans l’utilisation de temps et de l’espace scénique. » Né à Waco au Texas, Robert Wilson est l’un des artistes visuels et des metteurs en scène les plus importants du monde. Sa production scénique recouvre, de façon non conventionnelle, un large éventail de médiums artistiques : la danse, le mouvement, la lumière, la sculpture, la musique et le texte. Il crée des images à l’esthétique frappante, à la charge émotive intense, et ses spectacles lui ont valu la reconnaissance des publics et des critiques du monde entier. Après des études à l’Université du Texas et au Pratt Institute de Brooklyn, il fonde le collectif new-yorkais The Byrd Hoffman School of Byrds au milieu des années 1960. Il développe alors ses premières œuvres emblématiques, dont Le Regard du sourd (1970) et Une lettre pour la reine Victoria (1974-1975). Il collabore avec Philip Glass pour son opéra Einstein on the Beach (1976). Robert Wilson a collaboré avec de nombreux écrivains et musiciens, comme Heiner Müller, Tom Waits, Susan Sontag, Laurie Anderson, William Burroughs, Lou Reed et Jessye Norman. Il a également marqué de son empreinte des spectacles tels que La Dernière Bande de Beckett, Madame Butterfly de Puccini, Pelléas et Mélisande de Debussy, L’Opéra de quat’sous de Brecht et Weill, Woyzek de Büchner, Les Fables de la Fontaine et L’Odyssée d’Homère. Les dessins, peintures et sculptures de Robert Wilson ont fait l’objet de centaines d’expositions personnelles ou collectives à l’échelle internationale, et ses œuvres font partie de collections privées et de musées dans le monde entier. Robert Wilson a reçu de nombreux prix, dont une nomination au prix Pulitzer, deux Premio Ubu, le Lion d’or de la Biennale de Venise et un Olivier Award. Il a été élu à l’Académie des arts et des lettres américaines, et a reçu le titre de Commandeur des Arts et des Lettres en France. Il est le fondateur et directeur artistique du Watermill Center, laboratoire pour les arts de la scène situé à Watermill, dans l’état de New York. Bernice Johnson Reagon Auteur, musicienne, historienne, fervente défenderesse des Droits de l’Homme, Bernice Johnson Reagon est née en 1942 à Albany, une petite ville de Géorgie où son père est à la tête d’une église baptiste. C’est là qu’elle s’imprègne de la musique sacrée afro-américaine, le gospel. En 1959, elle intègre l’Albany State College, étudie la musique et commence ses activités politiques. En 1961, avec des membres du SNCC (Student Nonviolent Coordinating Commitee), elle est arrêtée lors d’une manifestation et exclue de l’université. En 1962, elle poursuit ses études à Atlanta et rejoint la même année, le SNCC Freedom Singer, un groupe musical qui s’illustre lors de la marche sur Washington, épisode important de la lutte contre la discrimination. En 1966, elle sort son premier album solo. Depuis, elle ne cesse de se pencher sur les traditions musicales afro-américaines, chansons et histoire, et organise des festivals et des tournées. À cette époque, en tant que membre des Harambee Singers, elle écrit ses premières chansons engagées. Puis s’installe à New York où elle prend la tête d’un groupe vocal, le D.C. Black Repertory Theater. En 1972, elle crée le groupe Sweet honey in the rock, un groupe de quatre à huit femmes qui chantent a cappella un répertoire aussi bien folk que rap, gospel que jazz, africain que blues, donnant à l’ensemble une tonalité unique. En 1975, elle obtient une thèse en histoire à l’Howard University et est nommée historienne de la culture au département d’Art de la Smithsonian Institution. Elle devient conservatrice du Musée national d’histoire américaine où elle dirige le programme de recherche sur la Culture afro-américaine. Dans ce cadre, elle développe un label et enregistre trois albums sous le titre générique Voices of the civil Rights mouvement : Black American Freedom Songs 1960-66 et Wade in the Water, un projet à long terme d’archivage centré sur l’histoire des musiques sacrées afro-américaines et sur les traditions cultuelles. Elle a déjà collaboré avec Robert Wilson pour La Tentation de Saint-Antoine en 2003. Toshi Reagon Toshi Reagon, née à Atlanta en 1964, est une musicienne de folk et blues américain. Elle a grandi à Washington et vit aujourd’hui à Brooklyn. Elle est la fille de Bernice Johnson Reagon et de Cordell Hull Reagon, chanteur également, et un des leaders du mouvement afro-américain des droits civiques d’Albany en Géorgie. Du folk au funk, du blues au rock, Toshi Reagon est une artiste aux multiples facettes. Sa carrière riche de diverses expériences lui ouvre les portes de prestigieuses résidences parmi lesquelles le Carnegie Hall, l’Opéra de Paris ou encore du Madison square Garden. Peu de temps après avoir quitté l’école, Lenny Kravitz lui propose de faire la première partie de sa première tournée mondiale. Elle a depuis partagé la scène avec des interprètes comme Lizz Wright, Ani DiFranco, Carl Hancock Rux, Nona Hendryx, Elvis Costello, Pete Seeger, Chocolate Geniu. Toshi a déjà collaboré avec Bernice Johnson Reagon et Robert Wilson pour La Tentation de Saint-Antoine pour les arrangements musicaux et la direction musicale du spectacle. Jacqueline Woodson Auteur américaine née en 1963 à Colombius dans l’Ohio. Elle est l’auteur de nombreuses nouvelles pour adultes, adolescents et enfants. Les personnages de ses fictions reflètent une variété de groupe ethniques et de classes sociales. Elle a grandi entre la Caroline du Sud et Brooklyn, avec déjà la tête dans les livres. Elle obtient sa licence d’anglais et travaille ensuite à New York où elle vient en aide à des enfants sans-abris et à de jeunes délinquants grâce à des thérapies qui utilisent le théâtre comme principal remède. Après avoir terminé ses études, elle est embauchée par Kirchoff/Wohlbert, une compagnie d’édition de livres pour enfants. Jacqueline Woodson est surtout connue pour Miracle’s Boys qui a remporté le prix Coretta Scott King en 2001, et été adapté par Spike Lee en une mini-série. Son travail est rempli de thèmes afro-américains forts. Elle a été récompensée du prix Margaret Edward en 2006. Idée originale, mise en scène, scénographie et lumières Robert Wilson Direction musicale et arrangements Toshi Reagon Livret et composition musicale Bernice Johnson Reagon et Toshi Reagon Texte Jacqueline Woodson Assistante mise en scène Lynsey Peisinger Costumes Carlos Soto Assistant lumières Scott Bolman Assistant à la scénographie Jakob Oredsson Chorégraphie Scherzo Millicent Johnnie Régie plateau Jane Rosenbaum Capitaine de danse Francesca Harper Avec (par ordre d’apparition) Carla Duren Clementine Hunter ; Charles E. Wallace Le père de Clementine, Emmanuel Hunter ; Josette Newsam-Marchak La mère de Clementine ; Cornelius Bethea Cuckoo Charlie, Commissaire-priseur ; Francesca Harper Charlene ; Jennifer Nikki Kidwell Rosie ; Karma Mayet Johnson Cammie Henry ; Bertilla Baker Thompson Alberta Kinsey, Ora Williams ; Robert Osborne François Mignon ; Nat Chandler James “Pipes” Register ; Sheryl Sutton Ange. Musiciens Juliette Jones violon ; Ganessa James, Jr. basse ; Jason Walker guitare et voix ; Adam Widoff guitare ; Robert Burke batterie. Équipe technique : Mauro Farina directeur technique ; Guillaume Dulac ingénieur son ; Marcello Lumaca ingénieur lumière; Elisa Bortolussi et Roberto Gelmetti opérateurs de projecteurs ; Lorenzo Razzoli régisseur ; Marcello Marcelli rigger ; Anne Dechêne, régie ; Louise Martin accessoiriste ; Lara Friio costumière ; Françoise Chaumayrac maquilleuse; Laura Artoni tournée. Régie plateau Sébastien Revel Avec le concours des équipes techniques des Nuits de Fourvière Durée 1h30 Spectacle en anglais, surtitré en français Production Change Performing Arts en collaboration avec la fondation CRT Milano. Création originale produite par Montclair State University / Office of Arts & Cultural Programming, Janvier 2013. Livret et musique © 2013 Songtalk Publishing Co., Washington, DC et Black Elephant Music, Brooklyn, NY. Coproduction Les Nuits de Fourvière Spectacle présenté avec le soutien de Groupama Rhône-Alpes Auvergne. www.nuitsdefourviere.com | billetterie 04 72 32 00 00