du vertige à l`éblouissement del vértigo al
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du vertige à l`éblouissement del vértigo al
DU VERTIGE À L’ÉBLOUISSEMENT DEL VÉRTIGO AL DESLUMBRAMIENTO Gabrielle Schmeyer Du vertige à l’éblouissement Del vértigo al deslumbramiento Traduit du français par Myrtille Gasparutto Édition bilingue Essais Sc. Humaines, Philosophie Éditions Persée Consultez notre site internet © Éditions Persée, 2016 Pour tout contact : Éditions Persée – 38 Parc du Golf – 13856 Aix-en-Provence www.editions-persee.fr A vos, que fuiste mi ‘tan cercano’ À toi, qui fus mon « très proche » EL VÉRTIGO Al salir del sueño es cuando está más presente a sí misma. Cada despertar ve la vuelta al puerto, la vuelta del alma al puerto de su cuerpo. Navegación misteriosa en aguas profundas que suele traer su botín de entendimientos. Aquella mañana de domingo, en su cama del otro lado del planeta, se despertó con un mareo, tambaleada. Él, su amor, que la deja, que la deja lentamente desde hace meses, hace algo peor que eso, niega el pasado de ambos o no lo reconoce. He aquí esa sensación terrible: en lugar de poder respaldarse en algo firme, debe mantenerse en el vacío para cerrar su historia. Cuando apoyó un pie en el piso para levantarse, todo vaciló a su alrededor. Primero pensó en una debilidad pasajera o un movimiento demasiado brusco. Entonces se acostó de nuevo, para volver a levantarse luego de unos instantes, con cautela. El vértigo seguía ahí, igual de poderoso. La acompañó durante meses, haciendo que el suelo bajo sus pasos oscilara o se inclinara peligrosamente. Muchas veces tropezó, se cayó también, una sola vez. Tuvo que luchar contra la náusea, adaptar su pedalear, en alguna ocasión aprender a sostenerse en las paredes cercanas, arrimarse a su pareja en el baile, no dejar notar nada. Las pocas personas que supieron se preocuparon por ella. Hizo exámenes médicos, recibió tratamientos. Pero había entendido, sin lugar a duda, que era su mal de corazón que alcanzaba su cuerpo. 8 LE VERTIGE C’est lorsqu’elle sort du sommeil qu’elle est la plus présente à elle-même. Chaque réveil voit le retour au port, le retour de l’âme au port de son corps. Navigation mystérieuse en eaux profondes qui ramène souvent son butin d’entendements. Ce dimanche matin, dans son lit de l’autre bout de la planète, elle s’éveille avec un haut-le-cœur, chavirée. Lui, son amour, qui la quitte, qui la quitte lentement depuis des mois, il fait pire que cela, il nie leur passé ou ne le reconnaît pas. C’est là cette sensation terrible : au lieu de pouvoir prendre appui sur du ferme, elle doit se tenir sur du vide pour clore leur histoire. Lorsqu’elle a mis un pied par terre pour se lever, tout a vacillé autour d’elle. Elle a d’abord cru à une faiblesse passagère ou un mouvement trop brusque. Elle s’est donc recouchée pour se relever quelques instants plus tard, précautionneusement. Le vertige était toujours là, aussi puissant. Il l’a accompagnée des mois durant, faisant osciller ou pencher dangereusement le sol sous ses pas. Elle a trébuché souvent, elle est tombée aussi, une seule fois. Elle a dû lutter contre la nausée, adapter sa conduite à vélo, apprendre à l’occasion à se soutenir sur les murs environnants, s’arrimer à son partenaire dans la danse, ne rien laisser paraître. Les quelques personnes qui ont su se sont inquiétées pour elle. Elle a fait des examens médicaux, elle a reçu des médicaments. Mais elle avait compris, sans aucun doute possible, que c’était son mal 9 Hasta se maravilló ante tal limpidez del significante: ¡su amor, en la negación, volteaba su representación del mundo! ¿Qué podría ser más vertiginoso? Quizás estaba preparada de larga data para la separación, para su dolor intenso, o al menos lo había intentado. Pero no estaba preparada para la negación, el revisionismo. Él revisaba su historia compartida vaciándola de su sustancia, negando sus propios impulsos, siendo infiel a sí mismo, acaso en un esfuerzo tenaz para arrancarse de ella. “Es más fácil renegar… que vivir sin olvidar” 1 Empezó a dudar de sí misma, una duda insidiosa. ¿Todo aquello había realmente existido entre ellos? Todo ese deseo, toda esa intensidad, toda esa profundidad y esa belleza, ¿las había inventado? ¿Qué valor tienen los recuerdos si no se comparten? Si sólo ella se acuerda, todo toma aires de irrealidad. Una historia negada, denegada que la lleva hacia la pendiente de una locura dulce y mareadora, y la deja aun más sola, sin ninguna referencia confiable. Ella, que suele avanzar en la vida a paso firme, perdió apoyo, siente que vacila. A la ruptura exterior, su separación con él, se suma la vivencia interior de una ruptura identitaria y más aun, una ruptura de sentido. El sentimiento de una falsificación en algún lugar que la deja insegura y extraviada en un mundo que perdió su coherencia. Desorientada, arfa, casi aliviada de que su mal del alma pueda encontrar un exutorio orgánico a través de sus vértigos cotidianos. 1.En castellano en el texto original. (N. de la T.) 10 au cœur qui atteignait son corps. Elle s’est même émerveillée de la limpidité du signifiant : son amour, dans le déni, faisait basculer sa représentation du monde ! Quoi de plus vertigineux ? Peut-être était-elle préparée de longue date à la séparation, à sa douleur intense, ou du moins elle l’avait tenté. Mais elle n’était pas préparée à la négation, au révisionnisme. Imán revisitait leur histoire commune en la vidant de sa substance, en reniant ses propres élans, en étant infidèle à lui-même, probablement dans un effort acharné pour s’arracher d’elle. « Es más fácil renegar… que vivir sin olvidar » Elle se mit à douter d’elle-même, d’un doute insidieux. Tout cela avait-il bien existé entre eux ? Tout ce désir, toute cette intensité, toute cette profondeur et cette beauté, les avait-elle inventées ? Quelle valeur ont les souvenirs s’ils ne sont pas partagés ? Si elle seule se rappelle, cela prend des allures d’irréalité. Une histoire niée, déniée qui l’amène sur la pente d’une folie douce et nauséeuse, et la laisse plus seule encore, sans aucun repère fiable. Elle qui avance habituellement d’un pas assuré dans la vie, elle n’a plus d’assise, elle se sent vaciller. À la rupture extérieure, sa séparation d’avec lui, s’ajoute le vécu intérieur d’une rupture identitaire et plus encore d’une rupture de sens. Le sentiment d’une falsification quelque part qui la laisse incertaine et égarée dans un monde qui a perdu sa cohérence. Désorientée, elle tangue, presque soulagée que son mal de l’âme puisse trouver un exutoire organique à travers ses vertiges quotidiens. 11 LA NEGACIÓN “Todo lo que excita y estimula nuestro interés es real; desde el momento en que un objeto nos atrae lo suficiente como para que nos orientemos hacia él y llenemos con él nuestra mente, entonces nos parece real y creemos en él. Al contrario, si lo ignoramos, si no logramos considerarlo, si lo despreciamos, lo rechazamos, lo olvidamos, entonces nos parece irreal y no creemos en él.”I William James Muy temprano ella pudo observar, con fascinación, esa capacidad que Imán a veces tiene de recusar una realidad o transformarla hasta volverla irreconocible. Lo vio desmentir su último amor, enojarse por confesiones que consideraba sin fundamento. A veces llegó a sospechar que él negaba la evidencia de los sentimientos pasados. Y sin embargo Imán tiene muy buena memoria. Pero, en algunas circunstancias, de tanto olvidar, consigue olvidarse de que olvida. Ella es, hoy, a su vez, presa de ese depredador de memoria. Imán le ofrece una negación equívoca, en la que oblitera el embeleso, el deseo, el amor amoroso. Esparcidos, aquí y allí, vagan algunos recuerdos sexuales o familiares. Él la desaprobó como amante y le confirió una función de ‘guía de vida’ a su lado. A ella le llevó mucho tiempo tomar consciencia de ese deslizamiento fatal. 12 LE DÉNI « Tout ce qui excite et stimule notre intérêt est réel ; dès qu’un objet nous attire suffisamment pour que nous nous tournions vers lui, que nous en remplissions notre esprit, alors il est réel pour nous et nous croyons en lui. À l’opposé, si nous l’ignorons, si nous échouons à le considérer, si nous le méprisons, le rejetons, l’oublions, alors il est pour nous irréel et nous n’y croyons pas. »I William James Elle a pu observer très tôt, avec fascination, la faculté qu’a parfois Imán de refuser une réalité ou de la transformer jusqu’à la rendre méconnaissable. Elle l’a vu démentir son amour précédent, se mettre en colère contre des aveux qu’il estimait sans fondement. Elle l’a parfois soupçonné de nier l’évidence des sentiments passés. Et pourtant, Imán a une très bonne mémoire. Mais, dans certaines circonstances, à force d’oublier, il arrive à oublier qu’il oublie. Elle est aujourd’hui, à son tour, la proie de ce prédateur de mémoire. Imán lui offre un déni équivoque, où il oblitère l’émerveillement, le désir, l’amour amoureux. Épars, de-ci de-là, traînent quelques souvenirs sexuels ou familiaux. Il l’a désavouée comme amante et l’a investie d’une fonction de « guide de vie » auprès de lui. Elle a mis longtemps à prendre conscience de ce glissement fatal. 13 Y luego llegó el rechazo, el reverso de la negación… En la denegación no se acepta reconocer como propios pensamientos, deseos, sentimientos, vivencias. La realidad está escondida, enmascarada, disfrazada, o hasta evacuada en un intento de hacerla desaparecer. Se trata de esquivar una realidad incómoda o dolorosa. La negación brinda una protección ficticia: el ‘yo’ no se interroga, lo que se cuestiona es el mundo exterior. La negación se apoya en la discrepancia y/o la ambivalencia. ¿En qué medida no estuvo ella misma en la negación? 14 Et puis, est venu le rejet qui est le revers du déni… Dans la dénégation il y a refus de reconnaître comme siens des pensées, des désirs, des sentiments, des vécus. La réalité est cachée, masquée, déguisée ou même, évacuée dans une tentative de la faire disparaître. Il s’agit d’esquiver une réalité dérangeante ou douloureuse. Le déni procure une protection factice : le « moi » n’est pas interrogé et c’est le monde extérieur qui est remis en question. Le déni prend appui sur le clivage et/ou l’ambivalence. Dans quelle mesure n’a-t-elle pas été dans le déni elle-même ? 15