Paul JANET (1863-1937)

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Paul JANET (1863-1937)
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PAUL
JANET
Par M. CH. FABRY.
Paul Janet, mort le 21 féVl'ier 1937, n'appartenait au Comité
in'lcrnational des Poids et Mesures que depuis 1931; c'est pendant
moins de six ans qu'il a fait partie de ce Comité, mais il y a tenu
une grande place et son aCtivité s'y est exercée de la manière la
plus utile. Le devoir m'incombe de rappeler brièvement ici sa
carrière si bien remplie, en insistant sur son, rôle en métrologie
el particulièrement au Comité international.
Né en 1863, Paul Janet était le fils du philosophe bien connu
. qui fut professeur à la Sorbonn~ (Faculté des Lettres) et
Membre de l'Académie des Sciences morales et politiques. Après
de bl'lllantes études ?econdaires où il se révélait également apte
à tous les travaux intellectuels, il entra, en 1883, à l'École
Normale supérieUl'e (section d~s Sciences); il en sortit en 1886,
agrégé de Physique, et fut presque aussitôt envoyé, comme chargé
de cours, à la Faculté des Sciences de Grenoble, où, un peu plus
tard (1893), il devint professeur titulaire dans la chaire de Physique. Jan e t étai t, dès ses débuts, un remarquable professeur, et
son enseignement obtint tout de suite un vif succès; mais il ne
négligea pas les recherches de laboratoire, et, bien qu'un peu
isolé dans une ville de province, il mena à bien un travail important sur « l'aimantation transversale des conducteurs magnétiques )J, qui lui valut le grade de.docteur ès sciences (1890).
Le séjour de Janet à Grenoble coïncidait avec l'époque où la
grande industrie électrique commençait son· mémorable, développement; la région de G.renoble, riche en chutes d'eau, fut l'une
de celles où, sous l'impulsion de chers d'industrie d'une haute
. valeur, l'importance de ce mouvement commença à se manifester.
Janet, chargé de l'enseignement de la Physiquc, attiré p~r ses
recherches vers les questions d'électricité, ne pouvait manquer
de s'intéi'essel' à cette nouvelle industrie, d,ont il devinai t l'importance pour un très proche avenir. De cette industrie, des principes
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sur lesquels ,elle repose, le public ignorait tou t; Janet pensa
qu'il y aurait œuvre utile à faire cn vulgarisant ces principes; il
ouvrit, en 1892, un cours d'électricité industrielle, destiné au
grand public; et ce cours obtint un grand succès. Cette circonstance entraîna Janet de plus en plus vers les questions d'électricité, et détermina ainsi l'orientation de toute sa carrière.
En 1894, la nécessité. se fit sentir de développer en France
l'enseignement, alors un peu limité, des Facultés des Sèiences.
Janet fut nommé à la Faculté des Sciences de Paris, chargé d'un
nouvel enseignement destiné à des jeunes gens n'ayant qu~une
instruction mathématique rudimentaire, futurs médecins pour
ra plupart . .Les qualités pédagogiques de Janet devaient y trouver
leUl: emploi; c'est seulement en 1920 qu'il put abandonner cet
enseignement, qu'il faisait avec autant d'ardew que de succès.
Cependant, l'industrie élect,rique ayant continué à se développer, ses dirigeants comprirent la nécessité, pour la technique
française·, de s'appuyer sur une base soUde. La « Société internationale des Électriciens )), fondée à Paris en 1883 et devenue
plus tard « Société française .des Électriciens )), avait créé
successivement un « Laboratoire d'Électricité)) et une « École
supéricurc d'Électricité)). En 1895, les directions de ces deux
établissements furent réunies dans les mêmes mains, et cette
lourde charge fut confiée à Janet. C'est à cette double direction
que Janet, pendant 40 ans, consacra la plus grande partie de, son
activi té.
Toutes les questions de mes.ures électriques étaient du domaine
du Laboratoire 'central d'Électricité, et elles so'nt dominées
par celles relatives aux unités électriques, et par suite à la
métrologie. Janet avait immédiatement compris 'l'importance
que présentait J'établissement du système d'unités électriques
sur des bases aussi précises que possible. Disposant de très
peu de temps pour des travaux personnels au laboratoire, Janet
sut reCl'Uter des collaborateurs d'une haute valeur scientifique,
qui tous devinrent ses amis; il sut les faire travaille,· 'utilement,
les aidant de ses conseils de la manière la plus efficace. La plupart des travaux faits en France sur les, unités électriqucs l'ont
été sous sa direction; les recherches d,e Laporte, Jouaust, de Là
Gorce, Ilioyici et plusieurs autres, portant sur l'équivaknt électrochimique dc l'argent, sur lcs p'iles étalons, sur la déterminatioI\
de l'unité de résistance, ont été faites dans SOli labol'atoire, et
pour ainsi dire' sous ses yeux. Ces recherches ne sont pas
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terminées; bien que Janet se soit, le plus' souvent, effacé devant
ses collaborateurs, son nom restera associé à un bel ensemble de
travaux de métrologie électrique.
Les progrès de l'éclairage électrique avaient, d'autre part, 'conduit les électriciens à prendre en mains la question dcs unités
photolI1étriques. Le laboratoire que 'dirig'eait JanPl joua aussi,
dans cettc question, un rôle particulièrement utile. Ce laboratoire
fut l'un' des signataires de la Collvenlion de 1909 entre les I1:lboratoires américain, britannique et français, qui don na une valeur
commune à l'unité d'in~ensité lumineuse.
Cette longue série de travaux avait mis Janet en contact avec
le Bureau international des Poids et Mesures, et l'avait convaincu
dt'! la nécessité de faire intervenii' dans ces ques'tÏons la haut.e
autorité du Bur$U. En 1927, le Comité international dès Poids
et Mesures ayant organisé une réunion scientifique chat'gée -d'étudier diverses propositions sur les unités élèctriques, Janet fit
partie de cette réunion. C'est lui qui, le 29 septembre 1927, présentait au Comité international le projet de création d'un Comité
consultatif d'Électricité, qui fut adopté à l'unanimité.
Dès la formation de ce Comité, 'en 1928, Janet en- fi't partie;
n'étant pas encore membre du Comité international des Poids et
Mesures, Janèt ne pouvait devenir président du Comité consul~
t.atif; mais il en fut dès le début, le président efTectif comme
représentant de M. Volterra, pt'ésidcht officiel, qui lui avait
délégué ses pouvoirs,
En 1931, Janet entrait dans le Comité international des Poids
et Mesures, comme succcssellt' de Paul Appell. Aussitôt, il fut
nommé officiellement président du Comité conspItatif d'Électricit.é, qui devint bientôt le Comité Iconsultat<t d'Électricité et de
Photométrie. Il resta en fonctions jusqu'à sa mort.
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En 1933, l'a VIlle Conférence générale décidait de créer un
Comité consultatif séparé pour la Photométrie. Janet, vivement
sollicité, mais surcharg'é de fonctions, en avait accepté la présidence, mais seulement à titre provisoire. Cependant, il s'pc'cupa
très activement des travaux de ce Comité:
Au Comité international des Poids et Mesures, Janet a eu une
influence considérable; non seulement il s'intéressait très vivement aux questions scientifiques, mais il apportait aussi une
grande attention à la partie administrative; en particulier, il a
beaucoup contribué à la création, en 1933, de la Commission
Administrative Permanente, dont il dev,int membre; sa grande
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expérience, la sûreté de son jugement rendaient ses avis précieux.
Jusqu'aux dernièt'cs semaines de son existence, Janét conserva
une remarquable- activité; sollicité pour toutes les tâchcs délicates
où il fallait un jugement droit et une haute autorité personnelle,
il acceptait toutes les fois qu'il se sentait nécessaire, et, quand il
avait accepté une fonction, il accomplissait sa tâche sérieusement
et avec rectitude. Les honp.eurs lui était venus sans qu'il-les
eût recl},erchés; il était Membre de l'Académie des Sciences
.depuis 19,19, et Commandeur de la Légion d'honneur depuis 1927.
Sentant cependant le besoin de repos, Janet avait manifesté
la ferme intention d'abandonner la direction dc l'École Supérieure et du Laboratoire Central d'Électricité quand il aurait
atteint l'âge de 75 ans; c'est-à-dire en 1938; il avait déjà pris ses
dispositions pour sa retraite, et s'était lui-même occupé de sa
succession. Une courte maladie l'a emporté avant que l'on pùt
profiter de ses derniers conseils.
Il laisse auprès de tous ceux qui l'ont connu le souvcnit' d'une
belle intelligence et d'un beau caractère.
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