2013-09-reforme_etat_civil.

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2013-09-reforme_etat_civil.
SOUS LA LOUPE
Dans ce numéro de la revue nous vous proposons deux articles ayant trait à la loi du 14 janvier 2013 qui
modifie le Code civil sous divers aspects : le premier, rédigé par Benoît Cornélis, Juriste au SPF Justice,
décrit les nouveautés législatives en matière d’état civil dans leur ensemble. Le second, rédigé par Boryana
R. Nikolova, Conseillère juridique à l’AVCB, se concentre, quant à lui, sur deux points particuliers, à
savoir la délégation de signature au profit des agents communaux de l’état civil et les obligations légales
qui s’imposent aux bourgmestres/échevins de l’état civil lors d’un décès.
LES RÈGLES DE L’ÉTAT CIVIL S’ADAPTENT
À LA PRATIQUE
La loi du 14 janvier 2013 portant diverses dispositions relatives à la réduction de la charge de travail au
sein de la Justice a modifié une série de dispositions en matière d’état civil, toilettant le Code civil en fonction
de l’évolution des pratiques et de l’objectif des mesures.
Le 20 juin dernier, l'Association et le groupe de travail intercommunal “Etat civil - population” organisaient
une séance d’information relative aux changements apportés par cette loi.
Description des principales modifications et des motifs qui les sous-tendent. La majorité des modifications
sont en vigueur depuis le 1er septembre.
1. Contexte
La loi du 14 janvier 2013 s’inscrit dans la mouvance de
la modernisation de l’état civil initiée depuis quelques
années. La présente réforme émane d’une initiative
parlementaire 1, dont l’objectif premier était de réduire
le volume de travail dans différents domaines qui
intéressent la Justice ou touchent certains acteurs qui
travaillent avec celle-ci. Outre l’informatisation de la
Justice, cet objectif pourrait être atteint par la réorganisation des services et des procédures de travail. Cette
réorganisation peut avoir lieu d’abord au niveau
administratif, en modernisant les procédures existantes,
en les adaptant à la pratique ou en supprimant certaines
d’entre elles, devenues superflues ou désuètes.
Parmi les différents volets envisagés, un important
chapitre de la loi est consacré à la matière de l’état civil,
et plus spécifiquement aux actes authentiques qui le
constatent et aux fonctionnaires qui les dressent.
2. Modernisation des procédures
Plusieurs pistes visant à moderniser les pratiques
administratives ont été suivies.
2.1. La rédaction des actes de l’état civil 2
La modernisation de l’état civil n’est envisageable que si
les techniques de rédaction et le contenu des actes sont
réévalués et tiennent compte de l’évolution des
technologies.
L’objectif de la modernisation de l’état civil est qu’à
terme, celui-ci soit informatisé. Cela ne se peut que si les
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actes, à l’origine protocolaires, deviennent documentaires et que leur contenu soit harmonisé.
Le projet de recourir aux actes documentaires à l’avenir
a déjà débuté. En effet, plusieurs communes ont recours
à des systèmes informatiques pour établir leurs propres
modèles d’actes.
Le législateur est conscient de cette évolution et a profité
de cette réforme pour adapter le texte existant aux
techniques nouvelles :
a) les actes ne sont plus manuscrits à la suite dans des
registres de l’état civil mais sont imprimés sur des
feuilles volantes, reliées par la suite. En outre, en
fonction des actes, il peut exister des blancs entre leur
dispositif et leur signature. Leur inscription sans
aucun blanc ne se justifiait donc plus, d’autant que
l’informatique limite les risques d’intercalation ou
d’insertion d’actes après coup ;
b) le recours aux chiffres pour exprimer les dates des
actes devient la règle. En effet, l’informatisation de
l’état civil et l’impression des actes minimisent
dorénavant les risques de leur modification, lesquels
justifiaient auparavant la datation en toutes lettres.
Par ailleurs, la modernisation de l’état civil ne peut se
poursuivre sans l’harmonisation des modèles des actes
documentaires déjà établis par certaines communes 3.
Il appartiendra au Roi de déterminer les mentions qui
figureront dans les actes de l’état civil et d’en déterminer
les modèles. Sur ce dernier point, on peut signaler
qu’une réflexion entre administrations fédérales et
1 La proposition de loi portant diverses dispositions relatives à la charge de travail et à la poursuite de l’informatisation au sein de la justice introduite à la
Chambre le 13 octobre 2011 par Madame Becq et csrts (Doc. parl., Ch., sess. ord. 2011-2012, n° 53-1804/001).
2 Articles 42 et 76 du Code civil.
3 Pour ce faire, l’article 42 du Code civil prévoit qu’il appartiendra au Roi d’établir les conditions auxquelles les actes devront satisfaire. Cette base légale
pourrait être jugée insuffisante pour permettre au Roi d’établir des modèles d’actes, raison pour laquelle un avant-projet de loi-programme prévoit de
modifier l’article 34, article plus général, pour préciser les compétences du Roi dans ce domaine.
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associations d’officiers d’état civil a débuté et devrait
aboutir à la création de modèles d’acte de l’état civil
standardisés.
De manière incidente, vu la constitution d’un registre
central des contrats de mariage qui les intègre, la
mention de certaines données relatives au régime
matrimonial des époux qui doivent figurer parmi celles
de l’acte de mariage, ne conserve plus aucune utilité et
devrait à terme disparaître, en 2015.
2.2. L’autorisation spéciale et écrite de pouvoirs 4
L’officier de l’état civil joue un rôle central dans la
rédaction des actes de l’état civil. Il lui appartient
légalement de constater personnellement certains faits et
de recevoir les déclarations des comparants.
Comme le rappellent les documents parlementaires de
la loi, il est courant que ce ne soit plus l’officier de l’état
civil qui soit à l’origine des actes. Parfois, à l’exception
des cérémonies de mariage, il n’est même plus présent
lorsqu’ils sont dressés et les signe plusieurs jours après,
avec les risques afférents.
La modification législative confère donc de nouvelles
tâches à certains fonctionnaires de l’administration
communale qui jusqu’ici étaient déjà habilités à délivrer
des copies et extraits des actes de l’état civil (article 45, § 2,
alinéa 3, du Code civil).
Pour schématiser, le nouvel article 44/1 du Code civil
légalise les pratiques existantes en permettant aux
fonctionnaires d’accomplir une ou plusieurs tâches en
rapport avec l’établissement des actes de l’état civil. Les
documents parlementaires fixent néanmoins une
exception : elle ne peut pas concerner la rédaction des
actes de mariage.
Le texte de loi se réfère à une autorisation donnée par
l’officier de l’état civil. Il s’agit plus précisément d’une
délégation de tâches, délégation qui doit remplir un
certain nombre de conditions développées ci-dessous.
Ainsi, pour parer à certaines critiques déjà formulées à
l’égard de l’article 45 du Code civil par une partie de la
doctrine, la loi précise que cette délégation devra être
écrite.
En outre, à l’exemple de l’article 45 du Code civil et de
l’article 126 de la Nouvelle Loi Communale (délégation
du bourgmestre ou de l’officier de l’état civil à accomplir
certaines tâches énumérées par la loi), la délégation
devra être spéciale et la signature du fonctionnaire
délégué devra être précédée de la mention de cette
délégation. Le caractère spécial de cette délégation
suppose que cette dernière fasse l’objet d’un écrit, daté
et signé par l’officier de l’état civil, dans lequel il
détermine explicitement les tâches
confiées au fonctionnaire. Elle devra être
nominale. Elle persistera tant que les
conditions de cette délégation se
maintiennent. Ainsi, lorsque l’officier de
l’état civil viendra à changer, une nouvelle
délégation devra être rédigée.
Les documents parlementaires insistent
sur le fait que la délégation n’emporte pas
le transfert de la responsabilité de l’officier de l’état
civil de veiller au bon fonctionnement de l’état civil.
Il doit continuer à exercer un contrôle sur la rédaction
des actes et à être le garant de l’exactitude des mentions
qui y figurent.
Même si la loi est muette sur sa nature, on peut déduire
des éléments qui précèdent qu’il s’agit d’une délégation
de signature et non d’une délégation de pouvoirs. En
effet, il n’y a pas de véritable transfert de compétences
puisque l’officier de l’état civil doit toujours veiller au
contenu des actes de l’état civil et exercer ses
prérogatives. En outre, contrairement à la délégation de
pouvoirs, la délégation proposée par l’article 44/1 du
Code civil doit être nominative et s’éteint si le
délégataire disparaît. Pour résumer, la délégation de
pouvoirs se distingue de la délégation de signature en
tant que la première habilite son bénéficiaire à poser des
actes juridiques tandis que la seconde ne l’autorise qu’à
accomplir une simple opération matérielle 5.
2.3. La responsabilité de l’officier de l’état civil 6
En principe, l’officier de l’état civil est tenu de vérifier
certains faits au moment de la rédaction d’un acte de
l’état civil (par exemple, le
consentement des futurs époux dans
l’acte de mariage). Une erreur ou
une négligence de sa part pourrait
porter préjudice aux parties. En
effet, les mentions erronées ne
pourront être rectifiées que par voie
judiciaire. Ce sont les raisons pour lesquelles le Code
civil retient la responsabilité de l’officier de l’état civil
dans plusieurs hypothèses dont celles énoncées à
l’article 52 de ce Code.
En vertu de cette disposition, toute altération illicite,
tout faux dans les actes de l’état civil, toute inscription
ailleurs que dans les registres destinés à cette fin donnera
lieu à l’octroi de dommages et intérêts aux parties.
Une précision est apportée au caractère des altérations
susceptibles d’engager la responsabilité civile : seules
celles jugées illicites seront visées. En effet, si on s’en
tient à une interprétation littérale du texte, une mention
marginale est une forme d’altération, mais ne peut pas
être considérée pour autant comme punissable.
4 Article 44/1 du Code civil.
5 Ph. BOUVIER, Eléments de droit administratif, Larcier, Bruxelles, 2002, p. 101, n° 103. Voir aussi Manuel pratique du mandataire communal, disponible
sur www.avcb.be
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6 Article 52 du Code civil.
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De même, retenir la responsabilité civile d’un officier de
l’état civil n’a plus de sens lorsqu’elle découle de
l’inscription des actes sur des feuilles volantes. L’emprise
de l’informatique pousse les communes à imprimer les
actes d’état civil sur des feuilles volantes qu’elles relient
ultérieurement. Cette évolution est inéluctable et limite
au contraire les risques de fraudes, de sorte que le
maintien de la responsabilité de l’officier de l’état civil
dans le Code civil à ce niveau paraît encore difficilement
justifiable.
3. Concordance de la législation avec la
pratique
3.1. Le constat personnel de certains faits
En vertu des dispositions du Code civil, l’officier de
l’état civil est tenu de constater certains faits en
personne. Ce constat personnel revêt une importance
toute particulière : à l’inverse des faits que l’officier de
l’état civil n’aura pas personnellement vérifiés, dont la
force probante ne vaut que jusqu’à preuve du contraire,
ceux qu’il aura constatés personnellement vaudront
jusqu’à inscription de faux (article 1319 du Code civil).
C’est la raison pour laquelle la loi instituait une
obligation pour l’officier de l’état civil de se transporter
personnellement auprès de la personne concernée pour
effectuer ce constat.
A l’origine, il en était notamment ainsi lors d’une
naissance ou d’un décès.
Toutefois, au fil du temps, la rédaction de l’acte de
naissance ou de décès s’est de plus en plus appuyée sur
la remise d’une attestation médicale.
Le Code civil a déjà adapté certaines dispositions à cette
réalité. Ainsi, l’article 56, § 4, du Code civil énonce que
l’officier de l’état civil s’assure de la naissance par une
attestation d’un médecin ou d’une accoucheuse
diplômée agréés par lui. De même, l’article 78 du même
Code conditionne l’établissement d’un acte de décès à la
réception d’une attestation de décès.
Cependant l’adaptation du Code restait encore
imparfaite : l’obligation de déplacement subsistait
encore dans trois cas :
1) lorsqu’il était impossible de constater la naissance par
une attestation d’un médecin ou d’une sage-femme
(article 56, § 4, du Code civil) ;
2) lorsque la mort survenait dans des hôpitaux, prisons
ou autres maisons publiques (articles 80 et 84 du Code
civil) ;
3) lorsqu’il s’agissait de délivrer un permis d’inhumer
(article 79 du Code civil).
La loi du 14 janvier 2013 a dorénavant aligné pratique
et contenu des dispositions légales en supprimant les
dernières obligations de déplacement prévues par le
Code.
3.2. L’obligation d’agrément
La législation exigeait que les attestations émanent de
certains professionnels qui rempliraient certaines
conditions.
1) Ils devaient être agréés par l’officier de l’état civil,
mais la raison de cet agrément n’a jamais été
explicitée clairement dans les travaux préparatoires
des lois qui ont imposé cette exigence particulière.
Elle a seulement été évoquée incidemment 7 : à la
question posée par un Sénateur à ce sujet, le Ministre
de l’époque avait répondu que l’agrément ne devait
répondre à aucune procédure particulière et qu’il
appartiendra à l’officier de l’état civil de déterminer
discrétionnairement le professionnel qui pourra être
autorisé à effectuer pareil constat. Etant donné que
cet agrément est purement discrétionnaire et n’obéit
pas à des objectifs particuliers, la loi du 14 janvier
2013 a préféré supprimer cette obligation.
2) Les articles 56 et 80bis du Code civil exigeaient
encore que la sage-femme qui rédigerait une
attestation de naissance soit diplômée. Puisque le
titre de sage-femme est protégé par l’arrêté royal du
1er février 1991 relatif à l'exercice de la profession
d'accoucheuse et que l’acquisition du titre exige
notamment qu’elle dispose d’un diplôme pour ce
faire, la référence au mot “ diplômé ” devenait tout à
fait superflue. Le texte du Code a donc été adapté en
ce sens.
4. Suppression de formalités superflues ou
désuètes
1) La loi stipulait qu’au cas où la mort d’une personne
était survenue dans un hôpital ou qu’il s’agissait
d’une mort violente, l’officier de l’état civil du lieu du
décès transcrivait le décès dans les registres de l’état
civil de la commune et transmettait l’acte à la
commune du dernier domicile du défunt pour qu’il y
soit également transcrit. Cette obligation de
retranscription était lourde, beaucoup de personnes
décédant dans des hôpitaux situés hors de la
commune de leur domicile. En outre, la
retranscription de l’acte de décès dans son intégralité
se révélait une contrainte particulièrement
fastidieuse. Certes, à l’adoption du Code, cette
obligation prenait tout son sens en donnant une
certaine publicité de la mort à la famille du défunt.
Toutefois, vu l’accroissement considérable de travail
7 Au cours des discussions de la loi du 27 avril 1999 introduisant un article 80bis dans le Code civil et abrogeant le décret du 4 juillet 1806 concernant le
mode de rédaction de l'acte par lequel l'officier de l'état civil constate qu'il lui a été présenté un enfant sans vie.
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que cela représentait pour les administrations et
l’évolution des technologies et des moyens de
transport, il paraissait disproportionné de maintenir
encore semblable exigence. C’est dans ce sens que les
articles 80 et 82 du Code civil ont été adaptés.
2) L’obligation de parapher les pièces par les personnes
qui les ont produites et l’officier de l’état civil dont
question à l’article 44 du Code civil n’apportait
aucune plus-value et pouvait donc être supprimée.
3) L’article 85 du Code civil n’avait plus de raison d’être
puisqu’il prescrivait que les raisons de la mort
survenue en prison ne devaient pas être indiquées
dans l’acte de décès. Etant donné que l’article 79 du
Code civil détermine les mentions qui peuvent seules
figurer dans cet acte et que les causes du décès n’en
font pas partie, l’article 85 était superflu et a été
abrogé.
4) L’article 83 du Code civil ne conservait plus la
moindre utilité car il se rapportait à la peine de mort,
abolie depuis lors. Le législateur de 2013 a donc
profité de l’occasion pour abroger cette disposition.
5. Entrée en vigueur
Les modifications opérées par le Chapitre III de la loi du
14 janvier 2013 ont sorti leurs effets le 1er septembre.
La loi prévoit toutefois une exception dont l’utilité est
justifiée par le fait que la modification projetée est liée à
la mise en place du registre central des contrats de
mariage. C’est pourquoi la modification de l’article 76
du Code civil (mention dans l’acte de mariage de
certaines données relatives aux régimes matrimoniaux
des époux) ne produira ses effets qu’à dater du 1er
septembre 2015, date à laquelle ces registres devraient
être effectifs.
Benoit Cornelis,
Attaché - Service Droit de la Famille
et de l’Etat civil - Direction générale
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