La communication dans l`enseignement médical ___

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La communication dans l`enseignement médical ___
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La communication dans l'enseignement médical
(en dehors des supports audio-visuels)
___
“Entre
Ce que je pense,
Ce que je veux dire,
Ce que je crois dire,
Ce que je dis,
Ce que vous avez envie d'entendre,
Ce que vous croyez entendre,
Ce que vous entendez,
Ce que vous avez envie de comprendre,
Ce que vous comprenez,
Il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer.
Mais essayons quand même... "
Bernard WERBER
______
1 - Introduction
La communication dans l'enseignement médical est un vaste domaine qui est loin de se résumer
à la maitrise de la communication en cours ou en enseignement dirigé.
Les enseignants de médecine sont dans un vaste réseau de communication (voir schéma) dont
nous allons faire un survol avant de nous intéresser dans ce chapitre au cours et aux enseignements
dirigés.
La communication entre enseignants est indispensable pour que l'enseignement d'une
formation soit cohérent. Un simple aperçu du réseau de communication des enseignants de médecine
montre combien leurs divisions peuvent être préjudiciables pour le corps enseignant. Il y a deux
lectures du schéma : une satisfaite, l'enseignant est au cœur du réseau, une plus réaliste, il est dans la
ligne de mire de la société.
La communication avec les étudiants est protéiforme comme une simple évocation des
situations d'enseignements peut l'illustrer : cours, enseignement dirigé, travaux pratiques, stages
hospitaliers, consultations, travaux de recherche, accompagnement et entretiens individualisés. Piètres
enseignants, ceux qui réduisent la pédagogie à la prestation du cours magistral même s'ils y excellent.
La communication avec les patients est une activité majeure de l'exercice médical et une
source d'enseignement sans équivalent pour les étudiants ; il faut atteindre une certaine maîtrise pour
accepter ce témoin critique de la relation médecin patient qu'est l'étudiant, une autre pour expliquer ce
qui se passe dans cette relation, ce qui implique d'expliquer sa propre attitude .
Lorsqu'on dépasse ce premier front de communication enseignants-étudiants-patients on arrive à
des domaines où d'autres savoir faire relationnels sont fort utiles.
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Responsables politiques
Responsables politiques
de l'éducation
de la Santé
Le réseau de
Responsables enseignants
la Recherche
Responsables administratifs
académiques
hospitaliers
Responsables
administratifs
Enseignant(s)
Enseignant(s)
Universitaires
Agents de l'administration
hospitalière
Agents de l'administration
Les soignants
universitaire
Etudiant(s)
Patient(s)
(cadres, infirmiers, etc)
Professionnels et
Assurance et structures de
Presse
Structures professionnelles
prise en charge publique
et Justice
Figure 1 : Le réseau de communication des enseignants de médecine. Au delà du premier cercle
comprenant les collègues enseignants, les étudiants et les patients, on trouve un vaste réseau
d'interlocuteurs auxquels il faut savoir s'adapter. Matérialiser par des flèches tous les liens possibles
rendraient le schéma illisible.
Dans le domaine de l'Education, la communication avec des responsables académiques
désigne les relations qu'on peut avoir avec le responsable d'une formation et parfois au-delà au niveau
d'instances où des personnes permanentes, ou de passage, peuvent avoir des responsabilités
importantes. Tout enseignant chevronné sait les trésors de diplomatie qu'il doit mener avec les
responsables administratifs et les employés des divers bureaux s'il désire que ces dossiers avancent
sans être bloqués en toute légalité par d'excellents arguments réglementaires… dont on omet de vous
signaler les amendements.
Dans le domaine de la Santé on rencontre des situations similaires avec des interlocuteurs
différents.
Les rapports avec des professionnels de terrain et les structures qui les représentent,
association, syndicats, sont source d'enrichissements mais parfois aussi d'âpres négociations..
D'autres rapports sont susceptibles de se développer dans le cours d'une activité
professionnelle d'enseignant et de médecin : rapports avec les structures de prise en charge privées ou
publiques des patients, rapports avec les médias, rapports avec les magistrats, comme auxiliaires de la
Justice mais aussi comme objets de plainte.
Si l'expérience permet d'acquérir certaines qualités relationnelles indispensables dans ces divers
domaines, il faut reconnaître que celle-ci s'est souvent faite par la pratique des essais et erreurs et
qu'une formation préalable aurait pu rendre services et éviter quelques déboires.
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- 20 2 – Le principe de la communication.
Le principe est simple : la communication est un échange de messages entre émetteur(s) et
récepteur(s).
émetteur
messages
récepteur
Figure 2 : la communication est l'échanges de messages entre un récepteur et un émetteur
Même dans cette représentation élémentaire introduit la complexité de la communication
humaine par le fait de la réciprocité des rôles d'émetteur et de récepteur.
Le schéma peut être complété par chacun en réfléchissant aux facteurs qui influent
favorablement ou défavorablement sur les fonctions d'émetteur ou de récepteur des messages, sur
l'intensité des flux d'échanges, sur la nature des messages.
3 – Emetteurs et récepteurs
Enseignants et étudiants sont à la fois émetteurs et récepteurs de message.
Dans un cours, situation d'enseignement simple, l'enseignant est l'émetteur de messages au
contenu scientifique dont les étudiants sont les récepteurs. Mais les étudiants sont aussi émetteurs de la
façon dont ils reçoivent ce cours par leur attitude ; il est aisé de percevoir l'hostilité ou le désintérêt
d'étudiants qui bavardent ou chahutent, mais il est aussi important de reconnaître si le calme d'un
amphi exprime l'intérêt, l'indifférence ou l'ennui.
Les rôles d'émetteur et de récepteur étant réciproques il faut donner quelques pistes de réflexion
aux états d'enseignants et d'étudiants pour mieux comprendre la communication entre enseignant et
étudiants.
Pour un enseignant universitaire l'enseignement n'est qu'une part des activités
professionnelles. En médecine la plupart des enseignants sont des médecins dont les activités de soins
et de recherches (et pour certains en plus des tâches administratives) sont prépondérantes par les
exigences qu'elles comportent et le temps qu'elles prennent.
Chacun a aussi une vie personnelle avec les joies, les vicissitudes et les drames. Alors qu'il
effectue une prestation d'enseignement, cours ou ED, un enseignant peut être préoccupé par l'état d'un
patient, la difficulté d'une recherche, un problème personnel, tout facteur susceptible d'interférer avec
sa tâche d'enseignant.
Le contenu et la forme de son enseignement seront fonction de sa bonne appréhension des
besoins, de la précision de ses objectifs, du temps et des moyens qu'il aura consacrés à la préparation
du cours, de l'ED ou du TP. Sa disponibilité vis à vis des étudiants sera aussi fonction de sa vie
professionnelle et personnelle.
Les étudiants mènent aussi une vie universitaire et personnelle. La vie universitaire est
complexe, mouvante, faite de contacts avec des disciplines très différentes en cours et en stages, avec
des enseignants dont les valeurs sont diverses, avec d'autres étudiants. Les objectifs de la formation
universitaire fluctuent, avec des moments stimulés par le bonheur d'apprendre des choses nouvelles et
de se former à l'exercice de la médecine, et d'autres focalisés sur la préparation des examens.
La vie personnelle de l'étudiant n'est pas moins remplie que celle des enseignants, mais de façon
différente. La disponibilité, l'écoute, l'attention, l'intérêt des étudiants pour un enseignement sont
influencés par tous ces facteurs.
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4 - Les messages dans la communication : l'exposé (messages verbaux) et les messages non
verbaux
La plupart des situations de communication font appel à des messages verbaux (le message
contenu dans la parole) et à une multitude de messages non verbaux.
4.1 – L'exposé : plan, introduction, développement, conclusion
Le cours magistral suit les règles de l'exposé ; c'est ce qui explique que la plupart des
enseignants, formés à l'exposé, estiment ainsi tout connaître de l'enseignement.
De façon générale en faisant un exposé à un auditoire on a pour objectif de lui apporter
des messages en sachant qu’il n'a la possibilité d'en retenir qu'un nombre limité. Une
communication qui comprend trop de messages prête à la confusion.
La situation d'un cours est différente dans la mesure où la convention est que les étudiants
prennent des notes. Il est néanmoins indispensable qu'au sortir d'un cours un certain nombre de
messages soient acquis.
• Un plan
est nécessaire lorsque le développement est complexe : il est indispensable à qui
fait l’exposé s’il a réellement envie d’être compris, il est une aide précieuse à l’auditoire
avant et en cours d’exposé.
Un exposé comporte
développement, conclusion.
toujours
trois
grandes
étapes
:
introduction,
• L’introduction porte sur deux points :
- elle annonce le sujet : soit en présentant une affirmation et en expliquant qu’on
va la démontrer, soit sous forme d’une question entraînant le suspens,
- elle motive l’auditoire en lui montrant d’emblée qu’il est concerné, que le sujet
lui est destiné, et qu’il a tout intérêt à être attentif. Les incitations doivent
toujours passer par une motivation positive.
• Le développement ou corps de l’exposé doit être logique, le plus clair possible.
Le discours peut se suffire à lui-même.
C’est une notion d’autant plus importante que le discours est riche, comportant des
messages verbaux (les mots qui sont dits) et une foule de messages non verbaux (ton de la
voix, mimique, attitude, etc).
Les digressions doivent être contrôlées, dans le contenu et le temps. Utiles pour
mieux expliquer, illustrer, introduire une complicité, elles ne doivent pas détourner du
but.
Des supports peuvent aider à la compréhension.
“Un schéma vaut mieux que de longs discours” : la véracité de cette expression ne
se discute pas.
Ceci amène à faire des dessins ou des schémas au tableau, sur un transparent, à
projeter des diapos. à recourir à des séquences vidéos, à des documents sonores.
• La conclusion est indispensable
C’est l’ultime envoi du message qu’on veut transmettre mais il ne peut s’agir d’un
scoop du dernier moment . C’est une répétition de ce qui a déjà été dit, dans les mêmes
termes ou différemment.
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4.2 – L'exposé : qualité des messages verbaux
Le contenu d'un exposé est fondamental. Son intérêt peut être tel que les messages non
verbaux qui l'accompagnent n'ont qu'un intérêt secondaire.
Les phrases courtes sont conseillées.
Le langage est un système qui a une signification
- dénotative, ce sont les définitions, les exposés de faits,
- ou connotative, qui véhicule des émotions (joie, rire, tristesse, colère, amour,
désir)
Il est nécessaire de maîtriser le sens des mots. Les dictionnaires donnent leurs différents
sens (ainsi le mot bûche a quatre sens) ; un mot a des significations différentes dans différents
métiers (mémoire n'a pas le même sens pour le psychologue, l'informaticien, le rédacteur d'un
mémoire juridique ou comptable). La valeur donnée aux mots n'est pas la même pour tous (on a
récemment eu en France l'exemple d'une décision de non candidature à la présidence de la
république dite "irrévocable" qui fut éphémère).
Les mots n’ont pas le même sens pour tous les individus : la signification provient plus
des individus que des mots. La caricature est donné par le fait d'entendre ou lire un mot qui nous
est inconnu : il n'a pas de sens, parce qu'on n'est pas capable de lui en donner un (à propos
qu'est ce que le limbe solaire ?).
La signification repose sur l’existence d’un référent ; cette notion est particulièrement
importante pour les qualificatifs (grand, gigantesque, petit, sincère, décidé, tendre, etc).
On ne communique que partiellement la signification : “ une compréhension véritable
est un idéal impossible”.
Les obstacles à la communication verbale sont de trois ordres et on doit
continuellement veiller à les éviter.
- Utiliser des propos d’initiés avec un profane,
- Utiliser des synonymes non connus de ses interlocuteurs pour exprimer une
même idée,
- Utiliser un même mot pour désigner des idées différentes.
4.3 - Messages non verbaux (en dehors des moyens audio-visuels)
Il y a de nombreux types de messages non verbaux : l'aspect vocal du langage (ou
paralanguage), les mouvements (corporels, faciaux, oculaires), la distance spatiale entre les
interlocuteurs, les marques de territorialité, les artifices, les contacts physiques.
Les messages non verbaux interfèrent avec les verbaux en :
- les accentuant ou les renforçant,
- les contredisant,
- les régularisant,
- les répétant,
- s’y substituant (mimique de moue, d’ironie, de doute).
Il est donc important pour chacun de prendre conscience des messages non-verbaux qu'il
reçoit ou émet pour lever les ambiguïtés et dissiper les malentendus, ou de façon plus générale
les erreurs de perception.
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- 23 4.3.1 - L'aspect vocal du langage 1
Chacun connaît les avantages et inconvénients de voix monotone ou avec des variations,
faibles ou fortes, aiguës ou graves, des débits lent ou rapide, des voix neutres et de celles qui
trahissent les émotions, des accents, des tons reflétant une classe sociale.
La voix est constituée de
l'enveloppe vocale + Ia prononciation+ le débit de parole
- L'enveloppe vocale : l'expiration pulmonaire effectuée glotte fermée, la fermeture et la
vibration des cordes vocales (vibrateur ou glotte) produisent la voix parlée
On distingue :
- voix confidentielle : "donner l'impression de parler à un seul auditeur... "
- voix conversationnelle : "donner l'impression de parler à un ou plusieurs
auditeurs faisant partie d 'un groupe... "
- voix projetée : "donner l 'impression de parler à plusieurs auditeurs
constituant un groupe plus large, un public..."
- voix d'appel ou voix criée : "donner de la voix pour faire autorité" doit être
utilisée avec parcimonie dans l' enseignement.
- L'intensité se mesure en décibels. La fréquence, source de l'intonation et des
variations mélodiques, se mesure en hertz. Les variations mélodiques, utilisation des
aigus en fin de phrases interrogatives, abaissement de la fréquence en fin de phrase
affirmative, permettent de renforcer la signification du discours.
- Le timbre fait intervenir l'accommodation des cavités de résonance
supraglottiques (langue, lèvres, voile du palais, mandibules) et la sonorisation des
voyelles qui peut être grave ou aiguë..
Quelques exemples de timbres de voix:
- perceptions acoustiques de timbres normaux :
objective
subjective
clair
agréable
sonore
chaud
doux
mélodieux
- perceptions acoustiques de timbres pathologiques :
objective
subjective
rauque, soufflé, nasonné désagréable, agaçant, pénible
incisif
froid, autoritaire
labialisé
précieux
- La prononciation (diction) des consonnes et des syllabes doit être claire pour
permettre une bonne compréhension phonétique de la parole. La parole bien articulée
est mise en valeur par une voix projetée bien placée.
1
Une partie de ce texte est tirée du mémoire de DU de Pédagogie de Mme C. VALLETTE orthophoniste au
C.H.U. et chargée d'enseignement à l'Ecole d'Orthophonie de Bordeaux.
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- le débit de la parole s'évalue en nombre de mots prononcés par minute, en général
120 à 160 mots par minute en faisant des pauses.
L'influence du débit se manifeste en renforçant globalement le sens du discours:
- lent et calme avec de longues pauses = aplomb, solennité, gravité, réflexion.
- rapide sans pauses = volubilité, empressement, véhémence, agacement.
- vitesse uniforme = annule les ressources de l'intonation et crée une parole
mécanique sans âme.
L'accélération et le ralentissement stimulent l'écoute ; l'important est la
combinaison des changements de vitesse pour captiver son auditoire.
4.3.2 - Mouvements corporels, mouvements du visage, mouvements des yeux,
positions des personnes et distance spatiale entre elles.
• Les
mouvements corporels ont différentes fonctions :
- emblématique ou symbolique (gestes signifiant "bonjour", “ça va pas”) ,
- illustrateur (de taille, de poids),
- régulateur (gestes incitant à ralentir, accélérer, se calmer),
- adaptateur, qui satisfont un besoin quelconque (se gratter la tête, prende
le menton dans sa main),
- affectifs, communiquant une émotion.
Il faut veiller à ne pas être figé, à avoir des mouvements d'ouverture des bras, éviter de
parler les bras croisés, les mains jointes ou dans le dos. A l'inverse il faut aussi se garder d'un
excès de mouvements donnant aux spectateurs un sentiment de gesticulation.
• Les mouvements faciaux doivent généralement exprimer la sérénité, l'intérêt de se
trouver là, éviter de donner un sentiments d'hostilité, d'irritation, d'ennui, de mépris. A
l'occasion il faut savoir exprimer bonheur, surprise, crainte, colère, tristesse, etc.
• Les mouvements oculaires doivent conduire le regard vers les auditeurs. Il faut savoir
qu'en "établissant un contact on réduit psychologiquement la distance qui nous sépare d’une
autre personne”. Il faut éviter de regarder le sol, le plafond, un horizon lointain.
• Positions
des personnes et distance spatiale entre elles
La disposition habituelle des locaux et du mobilier met l'enseignant face à des rangées
d'étudiants, qu'il s'agisse d'amphithéâtre ou de salles d'enseignement dirigé.
Distance
La tendance naturelle de beaucoup d'étudiants est de rester à distance de l'enseignant, par
souci de "garder ses distances", d'être loin des yeux de l'enseignant (ce qui permet de faire autre
chose dans les moments jugés sans intérêt), de prendre du recul, voire de témoigner de
l'hostilité, etc. Les raisons qui, au contraire, poussent à occuper les premiers rangs sont diverses
: désir d'être remarqué, souhait de ne pas être dérangé par d'autres étudiants qui discutent,
mauvaise vue, etc.
L'enseignant doit lutter dans une certaine mesure contre cette distance que les étudiants
ont tendance à imposer. Dans un amphithéâtre il peut le faire en ne commençant le cours
qu'après avoir demandé aux étudiants d'occuper les premiers rangs. Dans une salle d'ED il peut
s'avancer vers les étudiants ou en disposant différemment le mobilier (voir plus loin).
Il est cependant nécessaire d'avoir la notion de la signification des distances spatiales
entre individus, tenant à notre psychologie et notre culture.
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- 25 Hall a distingué quatre classes de distance que les individus mettent entre eux :
- 0 cm à 45 cm
- 45 cm à 1,25 m
- 1,25 m à 3,6 m
- 3,6 m à 7,5 m
- intime
- personnel
- social
- publique
Position de l'enseignant
En médecine l'enseignant reste généralement debout. Cette position permet de dominer
(un des traits du "pouvoir médical" si souvent critiqué) l'auditoire, mais aussi permet de mieux
jouer sur les variations de voix, les mouvements.
Debout, certains enseignants bougent peu alors que d'autres se déplacent. Aucune des
deux attitudes n'est préférable à l'autre dans la mesure où elle est bien contrôlée. L'enseignant
figé donne un sentiment aussi fâcheux que l'agité.
La position assise derrière une table est propice aux tons d'une réflexion difficile ou
abstraite, de la confidence. Elle peut être très efficace.
D'autres positions, debout appuyé contre un mur ou un table, assis sur un table (ce qui
surélève tout en gardant une attitude décontractée), créent une ambiance détendue.
4.4 – Les conditions matérielles
Les divers facteurs tenant aux locaux sont importants pour l'ambiance de l'enseignement
et l'enseignant doit être attentif au choix du local d'enseignement et de son aménagement chaque
fois que cela lui est possible.
Un local d'enseignement doit être d'accès aisé, bien éclairé, à température convenable,
permettre de passer des diapositives (projecteur et possibilité de faire l'obscurité), d'utiliser un
retro-projecteur, être équipé de micro si la salle est grande.
Il appartient à l'enseignant de veiller à disposer d'une salle dont les dimensions soient
adaptées au nombre de ses étudiants. Il est aussi difficile d'animer un auditoire de dix personnes
dans un amphi de 100 places que de mener un ED avec 40 personnes dans une salle pour 30.
Si les locaux et le nombre de participants le permettent il faut disposer le mobilier pour
mettre tout le monde, enseignant et étudiants, au même niveau. On se crée un capital de bonne
ambiance, en prenant quelques minutes pour disposer tables et chaises en "table ronde" 'en fait
souvent carré, à la rigueur rectangle en évitant trop de différence entre largeur et longueur).
• Marques
de territorialité
Permettre, voire susciter des marques de territorialité contribue à l'humanisation des
lieux. On "marque" sa chaise en y accrochant une veste, son coin de table en y disposant
trousse, plumier, cahiers et livres..Chacun a pu constater la tendance de la majorité des gens à
occuper à peu près les mêmes places dans un amphi pour une même série de cours ou d'ED.
Dans des séminaires d'enseignement en formation continue où le nombre de participants
est limité il est habituel que les noms des participants soient portés sur un chevalet qu'ils
disposent devant eux, leur donnant ainsi une identité et une place.
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5 - Modalités de l’enseignement par petits groupes
5.1 - Objectifs
- Faire en sorte que les étudiants participent au maximum pour s’approprier des
connaissances, l’idéal étant qu’ils aient le sentiment de les découvrir par eux-mêmes.
“Les réflexions d’autrui ne nous semblent décisives qu’à l’instant où, les
redécouvrant pour notre compte, nous les sentons…très nôtres” (PAULHAN).
Dans un travail par petits groupes il est important que les participants expriment leurs a
priori, leur perception des problèmes, pour qu’il y ait débat et possibilité de recentrage.
- Apprendre à écouter l’opinion d’autrui et à l’argumenter sans porter de
jugements de valeur. Le petit groupe permet à l’animateur d'inciter les plus timides
ou les plus réservés à s’exprimer.
5.2 - Les “petits” groupes.
On peut distinguer les groupes guidés et les groupes de production.
- Groupe guidé
C'est un groupe animé par l'enseignant qui, à la manière d'un guide, le mène où il
souhaite, selon le plan qu’il a prévu, en faisant résoudre les difficultés qu’il a retenues avec les
outils qu’il met à disposition. L’enseignant a la maîtrise de tout et il y a peu ou pas d’imprévus.
Plus que le nombre de personnes c’est la cohésion du groupe et la qualité de ses rapports
avec l’enseignant qui comptent. Un ED est possible avec une trentaine de personnes. Par contre
si le groupe est hétérogène, si ses membres ne se connaissent pas, s’il y a une certaine méfiance
voire une hostilité envers l’enseignant ou son sujet, c'est seulement devant un groupe de dix à
douze personnes qu’il peut naviguer en évitant les deux écueils de l’absence de participation et
de la cacophonie.
- Groupe de production
Ici l’initiative est laissée aux étudiants, l’enseignant étant en retrait. Les étudiants peuvent
avoir des échanges intenses ; l’animateur n’intervient que pour éviter l’enlisement ou la dérive
d’un débat. Le nombre de participants doit être de 6 à 8 personnes.
5.3 - La technique d'E.D. par groupes de production
implique des règles de fonctionnement et des contraintes.
Les règles de fonctionnement se limitent à l'organisation et la discipline d’un travail de groupe.
Il faut que le groupe désigne :
- un animateur chargé de distribuer et limiter le temps de parole de chacun, éventuellement
de répartir des tâches,
- un secrétaire de séance pour recueillir par écrit les réflexions et faire la synthèse,
- une planification du travail dans le temps pour les discussions et la synthèse,
Les contraintes sont le nombre de participants, qui doit être de 4 à 8, et la difficulté de
disposer d'un nombre suffisant d'enseignants,
5.4 - Lieux et heures de réunion
Il faut éviter les salles difficiles à trouver qui facilitent les retards de gens qui se sont perdus. Le
lieu de réunion doit être adapté au nombre de participants. Une pièce trop grande est plus défavorable
aux échanges qu’une pièce trop petite… à condition que tout le monde soit correctement assis.
L’allure générale de la pièce, sa température, son éclairage, ont une importance.
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La disposition des chaises et tables doit favoriser les échanges, et non les entraver. Ne pas
hésiter à perdre quelques minutes pour réaménager chaises et tables.
L’équipement est important. Savoir ce qui est disponible… et par conséquent ce qu’il est
nécessaire d’apporter pour le bon déroulement d’une réunion. Il faut pouvoir écrire, faire un schéma
(donc besoin d’un tableau, d’un paper-board avec des feuilles vierges, d'un retro-projecteur),
éventuellement montrer des dias ou des transparents.
Les horaires :
- Les bonnes heures : courant de matinée, entre 15 h 30 et 18 h, 19 h 30 à 22 h.
- Les heures difficiles : débuts de matinée car il y a un temps de mise en route, fins de
matinée où la faim tenaille, débuts d’après-midi où la somnolence guette, tard le soir…si
des participants sont peu motivés. Il faut réserver à ces heures-là le plus facile, le plus
animé.
5.5 - Conduite d’une séance de travail
Début
Si les participants ne se connaissent pas il est bon qu’ils se présentent. L’animateur doit
présenter le programme de la séance, les “règles du jeu”, et dans la mesure du possible créer
l’ambiance.
Une règle essentielle : les participants doivent s’habituer à parler les uns à la suite des
autres et non tous ensemble. La courtoisie est une règle qui peut souvent être acceptée par le
groupe.
Pendant la séance
Groupe guidé : L’enseignant doit toujours se situer comme un interlocuteur du groupe dont
les opinions sont respectables compte tenu de son niveau de connaissances. Si des
tensions naissent au cours d’un débat il faut intervenir avant que les propos ne
s’enveniment.
L’enseignant doit veiller à ce que tous les étudiants participent et faire
régulièrement le point en s’assurant que les participants suivent.
Les groupes de production, ayant acquis la technique d'animation, ont une autonomie qui
doit être respectée.
Au terme de la séance
Faire une synthèse.
6 - Obstacles généraux de la relation avec autrui _
Les quelques réflexions qui suivent signalent des obstacles généraux à la communication sans
spécificité avec la situation de communication dans l'enseignement. Par contre ces obstacles existent
dans l'enseignement et créent des difficultés souvent majeures. Ils interviennent plus dans ce qui fait
appel à des jugements de valeur que dans le raisonnement à partir des faits scientifiques.
Nous ne ferons que signaler des points de réflexion :
- la vision binaire des choses : bien-mal, vrai-faux, intéressant-nul, etc
- l'adoption des a priori des autres sans faire son propre jugement,
- avoir une attitude globalisante (prendre la partie pour le tout)
- manquer de discernement.
- confondre les faits et les inférences (c'est à dire les suppositions et hypothèses).
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- Les faits sont décrits après observation par celui ou ceux qui les ont observés,
sont qualifiables et parfois quantifiables, se rapportent au passé ou au présent,
tendent vers la certitude et sont vérifiables.
- Les inférences peuvent être émises n'importe quand par n'importe qui, ne se
rapportent pas qu'aux seuls faits observés, se rapportent aussi bien au passé, au
présent qu'au futur, ont un degré de probabilité variable, ne sont pas vérifiables.
Les préjugés font partie des inférences.
- ne parler que de soi-même ou au contraire ne jamais parler de soi (pour se protéger),
- ignorer les messages des autres
- tenir des propos dirigés contre un groupe, réel ou supposé. (racisme, xénophobie, sexisme,
etc)
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Références
- Bireaud A. Les méthodes pédagogiques dans l'enseignement supérieur. Paris. Les éditions
d'organisation.
- Mucchieli R. La dynamique de groupes. Paris. Entreprise moderne d'édition, 1973.
- De Vito JA. Les fondements de la communication humaine. Paris. Gaétan Morin, 1993.
- Orgogozo I. Les paradoxes de la communication. A l'écoute des différences. Paris. Les éditions
d'organisation, 1988.
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Observation d'une communication :
l'exposé, l'orateur, le groupe
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L’exposé : le fond
- le choix du sujet est-il judicieux ? L’orateur a-t-il cherché à intéresser ? L’introduction
suscite-elle l’intérêt ?
- la présentation faite est-elle adaptée au public ?
L’exposé : organisation - les supports éventuels
L’exposé : organisation
- y a-t-il un plan ? est-il annoncé ? clair ? suivi ? est-il rappelé ?
- l’introduction est-elle claire ? Sait-on où on va ? Le développement est-il clair ?
- la conclusion : y en a t-il une, fait-elle écho à l'introduction ?
- le nombre de points abordés est-il insuffisant (un fond pauvre masqué par du
brio : syndrome du Dr Fox), important, excessif (on est noyé) ?
Les supports (du paper-board à la vidéo)
- clairs ou complexes ? Utiles, inutiles, nuisibles ?
- cohérence avec l’exposé : concurrence ou complémentarité avec l’exposé ?
L’orateur : communication verbale (indépendamment du plan de l’exposé)
- les phrases sont-elles bien construites ?
- la construction des phrases est-elle adaptée à la communication orale ?
- le débit est-il correct, trop rapide, trop lent ?
- le ton est-il agréable ? régulier ou irrégulier ? monocorde ?
- le timbre de voix est-il trop faible, trop fort, correct ?
- le style est-il neutre, trop familier, trop académique ?
- les mots spécialisés sont-ils expliqués ?
L’orateur : communication non verbale. Observer :
- avant la présentation
- si le présentateur est calme ou affiche de l’inquiétude
- s’il donne le sentiment d’être prêt ou non, s’il donne le sentiment de réviser.
- la façon dont il gagne la place d’où il va faire l’exposé
- le comportement non verbal pendant l’exposé
- attitude,
- fait-il face ?
- regarde –t-il son auditoire ou au loin ?
- que fait-il de ses mains ?
- son exposé est-il un monologue ou une invite au dialogue ?
- l’orateur a-t-il recours à des notes ?
- qu’y a-t-il de plaisant, de déplaisant, dans sa communication non verbale ?
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Le groupe d’auditeurs
Le groupe en lui-même
- groupe déjà constitué ou réunion d’individus ?
- Le groupe existait -t-il avant ou se réalise-t-il face à l’orateur ?
- y a-t-il des clans dans le groupe ?
- Les membres du groupe ont-ils les mêmes références ?
Le groupe et l’orateur
- le groupe est-il bienveillant, hostile ou neutre ?
- l’orateur fait-il partie du groupe, d’un clan du groupe, ou lui est-il étranger ?
- le groupe est-il solidaire ou uni ?
- le groupe a-t-il envoyé des messages à l’orateur ?
- le groupe a-t-il reçu des messages verbaux ou non verbaux de l’orateur ? A-t-il
répondu à ces messages ?
Le groupe et le sujet de l’exposé
- le groupe s’est-il senti concerné ?
- le groupe a-t-il témoigné son intérêt ?
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