Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce
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Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce
Discussion Paper Series, 9(20): 447-488 Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce Eleni Stamatiou-Lacroix Maître Assistant (Loi 407/80), Université de Thessalie Département de la Planification et du Développement Régional Pedion Areos, 38334 Volos, Grèce, tel: +30 4210 74686 Email: [email protected] Lydia Sapounakis –Drakakis Maître Assistant, Université Panteion Département du Développement Economique et Régional 136, Avenue Syggrou, 17671 Athènes, Grèce, Tel: +30 210 921 4689 Email: [email protected] Sommaire L’article concerne l’évolution de la politique urbaine du nouvel état grec et traite des facteurs sociaux économiques et non seulement qui définissent la procédure du changement dans la gestion du territoire et dans la production de l’espace construit. L’article n’omet pas de faire référence à l’évolution de la législation pour l’environnement et à l’effort de son harmonisation par l’État avec l’ensemble de la planification de l’espace, ni à la contribution primordiale des corps administratifs et services de l’État dans le cadre de l’évolution de la législation et politique de l’urbanisme, ni finalement aux contributions des mouvements écologistes et d’organisations non gouvernementales à travers leurs activités les plus récentes. Mots Clefs: L’évolution de la politique urbaine, législation et politique de l’urbanisme, planification de l’espace, l’évolution de la législation pour l’environnement Juillet 2003 Department of Planning and Regional Development, School of Engineering, University of Thessaly Pedion Areos, 38334 Volos, Greece, Tel: +302421074462, e-mail: [email protected], http://www.prd.uth.gr Available online at: http://www.prd.uth.gr/research/DP/2003/uth-prd-dp-2003-20_en.pdf Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce 449 1. Introduction La comparaison de la situation grecque à celle des pays d' Europe occidentale laisse apparaître de grandes différences. La politique urbaine grecque qui n'applique pas les études proposées par les autorités compétentes, connaît une dégradation qualitative continue ; qui aboutit à l'apparition, dans la pratique, d'un urbanisme coupé de tout cadre théorique. La planification urbaine en Grèce présente la particularité d'avoir recours à des instruments non officiels, à des schémas illégaux et légalisés ex-post (par exemple des ententes entre entrepreneurs formant des coopératives foncières concernant des terrains qui n'apparaissent dans les schémas qu'après partage ; la construction de bâtiments illégaux ; les non poursuite des cadres législatifs) ; c'est-àdire que les entrepreneurs font construire, obtiennent les infrastructures adaptées à leurs constructions, qui ne sont légalisées qu' a posteriori. Il en résulte des problèmes terminologiques, un confusionnisme entre les termes "schéma de ville", "développement urbain", "housing", ou "land développement". Ainsi, il arrive parfois que le schéma ne corresponde pas à ce qu'il est censé décrire, mais réponde à un besoin de régularisation juridique. De plus, le comportement économique atypique des acteurs grecs complique encore la situation, dans la mesure où l'Etat, les entrepreneurs, comme les acteurs privés n'ont pris conscience que très tard des problèmes touchant à la planification urbaine. C'est pourquoi les changements d'attitudes qui ont poussé, partout en Europe occidentale, à l'utilisation d'outils opérationnels (budget, planning, dessins précis, etc) pour l'environnement bâti ne sont pas encore intervenus en Grèce. Pour pouvoir combler cette lacune du système urbain grec, l'adapter aux défis du XXIe siècle, il est indispensable de dégager les mécanismes qui ont déterminé les relations entre l'homme et l'espace à un moment donné dans une société définie, et, il est considéré par les urbanistes contemporains que cette relation doit se définir par rapport à l'Etat. Avec la révolution industrielle, des changements fondamentaux sont apparus au XIXème pour la Grèce. Les Balkans subissent au même moment un profond bouleversement par la création d'Etats balkaniques qui doivent s'intégrer dans le nouveau système économique mondial. Pendant cette période, la Grèce fait un effort de reconstruction. Elle s'efforce de définir le cadre législatif et politique capable de garantir la concurrence et la liberté des transactions, ainsi que d'établir le droit de la propriété. Le modèle d'administration adopté est celui de la centralisation à la française. Ainsi, après la révolution grecque1, les anciennes organisations sociale et politique 1 La révolution pour l'indépendance de la Grèce a commencé dans certaines régions de l'Empire Ottoman en 1821. Après la défaite Turque à Navarino (1828), le Traité d'Andrianople (1829), la Grèce est reconnue indépendante. L'Etat Hellénique indépendant a été établi par le Protocole de Londres en Février 1930. Le premier gouverneur Kapodistrias est assassiné en 1831. Ensuite, Otto, prince de Bavière, devient le Roi de l'Etat Grec. Discussion Paper Series, 2003, 9(20) 450 Eleni Stamatiou-Lacroix, Lydia Sapounakis –Drakakis disparaissent, la hiérarchie des centres urbains change (plusieurs villes du territoire hellénique se trouvent à l'extérieur de la frontière du nouveau pays : Salonique n'appartient plus à la Grèce; Athènes devient la capitale; d'autres villes telles que Tripoli et Larissa perdent leurs fonctions militaires) [TABLEAU 1]. En général, le réseau urbain des villes helléniques au XIXème siècle, avait les caractéristiques suivantes : - grand nombre de petites communes agraires; - absence de villes de plus de 50 000 habitants; - croissance rapide et continue, surtout après 1890, de la population d'Athènes et du Pirée. - Athènes voit son influence s'accroître et cumule de multiples fonctions économiques, culturelles et administratives. L’évolution des villes grecques, l’organisation du réseau urbain, ainsi que le développement de la capitale résultent non seulement de facteurs d’ordre économique et social, mais aussi du caractère centralisé de l’organisation de l’ État hellénique, dont il convient de chercher les racines au siècle dernier, à l’époque où la Grèce conquit son indépendance politique. L’Etat hellénique a derrière lui une longue tradition de politique centralisatrice en ce qui concerne les questions d’intérêt public, et n’a jamais accordé que des possibilités économiques et juridiques réduites, voire nulles, d’intervention à l’Administration locale. Ce cadre englobe la planification et le financement de la politique en rapport avec les transports urbains, l'utilisation du sol, la planification industrielle, la quantité de combustibles et autres composantes directes ou indirectes de la politique liée au contrôle de la pollution. Si l’on veut analyser les structures de la ville actuelle et étudier les problèmes environnementaux et autres qui ont accompagné la dégradation de l’environnement bâti et naturel, il faut remonter à 1923, date à laquelle la plupart des régions de Grèce telles que nous les connaissons aujourd’hui ont été rattachées au pays 2. Notons qu’en dépit des efforts de renforcement du secteur secondaire entrepris par l’État en 1948 au moyen de travaux d’infrastructure, et malgré l’essor considérable du secteur du bâtiment dû à des entrepreneurs privés, l’économie grecque est restée fondamentalement agricole jusqu’en 1960. Le premier problème qui soit apparu en matière de construction en Grèce est lié à l’afflux massif de réfugiés d’Asie Mineure à la suite des échanges de populations (1,1 millions de personnes). Par ailleurs, l’exode rural observé après la seconde guerre mondiale en direction d’Athènes et du Pirée aboutit à une hypertrophie de l’agglomération [LOUKAKIS, 1997:54-62]. 2 Rattachement des îles ionniennes en 1864; entrée dans les frontières grecs de Thessalie et de l'Epire Méridionnal en 1881; annexion de la Macédoine, de la Thrace et de la Crête après les deux guerres Balkaniques en 1913. UNIVERSITY OF THESSALY, Department of Planning and Regional Development Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce 451 Au cours des 150 dernières années (1830-1980), la ville d’Athènes, au départ petite agglomération de 4.000 âmes blottie au nord de l’Acropole, s’est métamorphosée en une métropole que l’on appelle la Grande Région d’Athènes [PAPAIOANNOU D. et SAPOUNAKI-DRACAKI L., 2000]. Elle recouvre tout le bassin enclavé entre les montagnes du Parnasse, du Penteli et de l’Hymette, ce qui représente une surface de 428 km2, qui abrite une population de plus de 4 millions d’habitants, en 1991, soit environ 40% de la population totale nationale, et 4 700 industries. L’urbanisation extrêmement rapide de la capitale a suscité des problèmes de logement qui ont souvent trouvé leur solution dans la construction illégale, mais aussi dans la construction de logements selon le système de la contrepartie (cession d’un terrain à bâtir en contrepartie de la propriété d’un certain pourcentage de la surface construite). Les années 1960-1981 voient apparaître de nouvelles données qui vont avoir une influence sur l’habitat dans l’ensemble du pays mais aussi sur le développement des centres urbains : il s’agit des phénomènes du tourisme et de la résidence secondaire. C’est ainsi qu’au début des années 1970 se manifestent les premiers problèmes patents d’environnement à Athènes et de dégradation importante de l’environnement en général : absence d’espaces verts en ville, manque de prévision d’axes de respiration naturelle de la ville, dévalorisation de certains quartiers d’Athènes, etc. À partir de 1981, les conditions économiques changent avec l’adhésion de la Grèce au marché commun. Parallèlement, les centres urbains se développent à des rythmes accélérés. Ainsi les mutations observées dans l’économie et la société grecques à la fin des années 1970 mènent-elles à une modification de l’organisation même des villes, qui s’accroissent au détriment de l’espace rural, et à une dégradation de l’environnement naturel et bâti, non seulement dans la capitale, mais aussi dans d’autres villes du pays. On peut noter, dans l'évolution de l'aménagement de l’espace après la guerre et jusqu'à la chute de la Dictature, des transformations d’ordre général sur le plan socioéconomique et politique, qui correspondent au sous périodes suivantes : - 1948-1962, phase la mise en place économique et politique, - 1962-1974, phase d'expansion économique mais aussi d'instabilité politique. Nous avons choisi de mettre en évidence le lien entre l'œuvre accomplie pendant cette période et les principaux auteurs de cette œuvre, dont la formation, les visions et les objectifs ont marqué l'Administration. Discussion Paper Series, 2003, 9(20) 452 Eleni Stamatiou-Lacroix, Lydia Sapounakis –Drakakis 2. Les acteurs de l'organisation spatiale 2.1 1830-1923 - Les fondements de la politique urbaine: pour l'esthétique et l'hygiène des villes Après la libération turque, pour la première fois apparaît une tentative de réglementer l'espace. En effet, après 1927, le nouvel Etat grec comprend que le non uniformité des bâtiments turcs, les rues étroites et la faible extension des villes ne pouvaient pas couvrir ses besoins. Le premier but de ce gouvernement est de dresser des plans de ville malgré l'absence d'un cadre législatif de planification, par exemples, à Patras, en 1828, à Athènes en 1830. L'intervention de l'Etat concerne surtout la construction et la création de "mesures de police" et non l'urbanisation, c'est-à-dire qu'elle ne s'intéresse pas à la réglementation du tissu urbain. Les lois de 1842, pour Athènes et Ermoupolis (Syra) et plus tard en 1867 pour le reste de la Grèce, donnent les principes fondamentaux de construction du bâti (alignement à la rue, équipements des terrains,etc.). Un vif intérêt est donné à l'habitat dans certaines parties des villes. En général, les caractéristiques principales de ces premières années de la politique urbaine concernent la rédaction et la mise en application des plans de ville. Mais, les urbanistes sont limités à poursuivre les vieux plans de ville en alignant les nouvelles constructions et en élargissant les rues, en associant les plans désordonnés turcs et les plans quadrillés rectangulaires. L'extension de la ville se fait pratiquement sur des zones n'appartenant pas aux plans. Il faut également mentionner que dès le début une attention est réservée aux ruines de l'Antiquité. Le Ministère de l'Intérieur est responsable des travaux d'architecture et d'urbanisme (1833). Il est remplacé par le Bureau des Finances Publiques, en 1834, qui se divise en deux départements : l'architecture et la topographie. Afin de construire des programmes d'aménagements, le Ministère de l'Intérieur crée un département des Travaux Publics. En même temps, des ingénieurs civils sont formés et travaillent au Ministère. En 1914, le Ministère des Transports est mis en place, il regroupe celui des Travaux Publics. En son sein, un comité s'installe pour la modernisation du cadre législatif d'organisation spatiale, le service pour les chemins de fer et des télécommunications. En 1918, le Haut Conseil Technique, fondé par le Ministre de l'époque (A. Papanastassiou), instaure le Comité Calliga pour le plan d'occupation des sols d'Athènes, Kalithéa et le Pirée [TABLEAU 1]. A partir du XXème siècle, des propositions de planification équilibrée commencent à émerger en Grèce par des urbanistes étrangers ou grecs qui veulent améliorer la UNIVERSITY OF THESSALY, Department of Planning and Regional Development Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce 453 situation et prévoir les besoins futurs des villes. Malheureusement, la vague d'immigration d'Asie Mineure, largement concentrée sur Athènes, va totalement faire échouer ces perspectives d'aménagements. La loi fondamentale régissant l'aménagement du territoire en Grèce apparue une année plus tard. 2.2 1923-1948 - Construction d'un système législatif organise et recherche de politiques urbaines pour la modernisation L'arrêté loi 17.07-16.08.1923 ‘‘sur les plans de villes, villages et agglomérations de l'État et sur leur construction ’‘ a marqué une étape dans l'histoire de la planification urbanistique. Ce texte législatif, très novateur pour son époque, imposait des règles de rédaction et d'approbation des plans d'aménagement, et fut élaboré pour remplacer les réglementations jusqu'alors en vigueur, vestiges du régime ‘‘traditionnel ’‘ de la domination ottomane. Sur la base de ce texte, le territoire grec fut réparti en : a) régions situées dans le plan de ville ; b) agglomérations existant avant 1923 sans plan de ville approuvé et soumises à leur propre régime institutionnel ; c) régions situées ‘‘en dehors du plan de ville ’‘ de 1923. Pendant la cinquantaine d'années au cours de laquelle il fut quasi exclusivement en vigueur, il subit des modifications et laissa la marge à des déviations qui entraînèrent des insuffisances et des inconséquences dans l’urbanisme ou la construction (par exemple, absence d'espaces communs et d’espaces d'utilité publique, constructions illégales ou hors normes, etc.). Résultat de la prise de conscience de la nécessité de donner une solution aux problèmes urbanistiques et sociaux, il avait pour ambitions principales l’hygiène, la sécurité, l'économie, l’esthétique, et de ce fait, au-delà de son caractère prohibitif et préventif et bien qu'il n'évoquât que fugitivement les questions de protection de l'environnement à prendre en compte lors de son application, il fut considéré comme très moderne pour son temps. Par cet arrêté loi, et aussi par le premier Règlement Général de la Construction (G.O.K.) (1929), l'État s'efforçait de contrôler l'exploitation de la terre par ses propriétaires en imposant des prescriptions spatiales et quantitatives (taille de la construction, configuration, etc.), sans tenir compte de paramètres économiques d’ordre démographique ou liés au développement. De graves lacunes furent également remarquées au moment de l’instauration des obligations de l'État et sur le plan de la collaboration de celui-ci (Administration au sens large, collectivités locales, autres organismes) avec les citoyens – limités à leur propriété – en matière de développement de l'espace urbain. Discussion Paper Series, 2003, 9(20) 454 Eleni Stamatiou-Lacroix, Lydia Sapounakis –Drakakis Cette période vit le début d'un mouvement qui se poursuivit sur les deux suivantes, à savoir l'urbanisation illégale caractérisée (par exemple, bâtiments illégaux) ou légale (conforme à des dispositions sur la construction de surfaces situées en dehors du plan avec façade sur des voies nationales, départementales, communales, vicinales) d'une grande partie de l'espace situé hors du plan de ville. Le résultat en fut, quelques décennies plus tard, l'apparition du développement linéaire (ribbon development) d'habitations permanentes ou estivales, d'installations touristiques et industrielles, en particulier sur le littoral. Dans le même temps, l'évolution des centres urbains et notamment d'Athènes (dans les années 1920), commença à être influencée par le rattachement des zones construites privées situées ‘‘en dehors de la zone ’‘ (Psychiko, Ilioupoli, etc.) et des surfaces du plan de ville situées à l'intérieur de la zone, ainsi que par le développement de régions construites illégalement ‘‘dans la zone ’‘ et sans plan d'alignement des rues officiel. Les conséquences en sont encore visibles de nos jours. Il n'était pas possible de faire face aux importantes transformations spatiales du bassin d’Athènes – qui se poursuivirent après la fin peu glorieuse du Plan du Comité ‘‘Kalliga ’‘ en 1925 – par la pratique urbanistique alors dominante dans le pays et ses interventions fragmentaires dans des régions limitées [TABLEAU 1]. L’incurie de l'État en matière de logement populaire ne fut pas sans rapport avec le développement intense de la construction illégale ; par ailleurs, le peu d'empressement que mettaient les organismes publics à réprimer cette dernière les amena à se heurter aux services techniques municipaux, plus actifs, surtout dans la capitale. La création en 1934, dans le cadre du ministère des Transports, du Comité Supérieur d'Urbanisme chargé d'assurer ‘‘la protection de l'esthétique publique d'Athènes ’‘ fut suivie d'initiatives importantes de la part de l'État dans le secteur de l'urbanisme, pendant le régime dictatorial de Métaxas, avec la création – suivant les indications de la charte urbanistique statutaire rédigée par la Chambre technique de Grèce en 1934 – d'un Ministère de l'Administration de la capitale (1936) et d'un Haut Cabinet d'urbanisme de la capitale (1937), pourvu d’un Haut Conseil d'urbanisme. Mais ces organismes nouveaux ne parvinrent pas davantage à se défaire des ‘‘compromis ’‘ habituels concernant les approbations ‘‘d'anormalités ’‘ et la légalisation des ‘‘constructions illégales ’‘, entre autres [TABLEAU 1]. La première période qui suivit la Libération fut marquée par la mise en œuvre de politiques publiques de remise en état de l'environnement naturel et surtout bâti (car jusqu'en 1945, toute activité de construction avait disparu), au-delà du souci social manifesté dans le secteur des ressources humaines. On note à cette époque les activités d'un service technique dirigé par K. Doxiadis, qui, entre les années 1945 et 1951, prit une part très importante à l'entreprise de reconstitution du pays, avec, entre autres, la planification de toute une série de publications sur des questions d'urbanisme – sur le plan tant de la conception que de la réalisation –, dont la préparation avait été UNIVERSITY OF THESSALY, Department of Planning and Regional Development Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce 455 entreprise en grande partie sous l'Occupation et qui reflètent les efforts conscients entrepris à cette époque pour atteindre les buts fixés et concrétiser les ouvrages essentiels dictés par le Programme de Reconstitution. Entre le début de l'après-guerre et sa dissolution en 1951, le Ministère de la Reconstruction, toujours dirigé par Doxiadis, devait concevoir 150 agglomérations rurales et plus de 200 000 logements. Avant même la libération du pays de l'Occupation allemande (1944), le problème du logement avait pris une telle acuité et le besoin de reconstruction était devenu tel qu'il parut indispensable, pour pouvoir y faire face, de procéder à une réorganisation administrative. Les deux lois successives publiées sous l'Occupation par le gouvernement Rallis en 1944 avaient pour objectifs respectifs de trouver les moyens de solutionner les problèmes de logement et de reconstruction (pour ce qui est de la première) et de créer un Service du logement à Athènes et au Pirée tout en supprimant le Comité du logement existant jusqu'alors (pour la seconde). Le but du Service du logement nouvellement constitué semble avoir été essentiellement de faire face aux besoins immédiats des autorités d'Occupation, mais aussi d'apporter une solution au problème crucial du logement dans le pays en général à cette époque. Ensuite, par le biais des Services du logement, des compétences de première priorité, comme celles de réquisition, de logement et d'expropriation, furent dévolues au Ministère de l'Assistance sociale notamment, tandis que certaines autres compétences étaient partagées avec le ministère des Finances. La fin de l'année 1945 vit la création – formelle –, par le gouvernement Th. Sophoulis, du sous-secrétariat à la Reconstruction. Cette création était motivée par la nécessité de rétablir des infrastructures techniques, de logement et autres, et par le besoin de reconstruction. L'essentiel des compétences de ce sous-secrétariat résidait dans l'ensemble des tâches liées au relogement des victimes de la guerre, mais aussi dans les ‘‘questions de reconstruction des bâtiments détruits ou endommagés par la guerre, la formulation et l'application du vaste programme d’habitat du pays, la recherche, l'étude et la réalisation des travaux de construction nécessaires, ainsi que l'étude et la mise en œuvre du programme’‘ (art. 1). Par ailleurs, les compétences connexes des Ministères des Travaux Publics, de l'Assistance sociale, de l'Agriculture, etc., lui furent transférées. L'étude et la solution des questions liées au logement des victimes de la guerre furent confiées à un Comité central du logement, créé simultanément. Toutefois, en raison de l’instabilité politique, le sous-secrétariat à la Reconstruction ne fut matériellement constitué qu'en 1946. Les compétences désormais très larges de cet organisme comprenaient des responsabilités techniques, économiques et administratives très étendues, mais aussi le soin de tracer et de mettre en œuvre un vaste programme concernant l’habitat. Des compétences qui appartenaient jusque là aux Ministères des Travaux Publics, de l'Assistance sociale, de l'Agriculture, lui Discussion Paper Series, 2003, 9(20) 456 Eleni Stamatiou-Lacroix, Lydia Sapounakis –Drakakis furent dévolues. Le Comité central du logement fut maintenu, avec la possibilité de constituer des comités permanents ou extraordinaires pour l'étude de questions spéciales (comme la fabrication, l’exploitation, la topographie, les questions administratives, juridiques, économiques, de politique sociale, etc.). Puis le Bureau d'études et de recherches sur l'aménagement du territoire et l'urbanisme, qui appartenait au Ministère des Travaux publics et qui avait été mis sur pied à l'initiative de K. Doxiadis3 en mai 1940, lui furent incorporés [TABLEAU 1]. Le renforcement constant du rôle du sous-secrétariat, dans les années 1946-1947 surtout, par la publication de textes législatifs, coïncida avec la concentration progressive de services provenant d'autres Ministères et de compétences nouvelles. Citons, comme exemple représentatif, le transfert des services suivants du Ministère des Travaux Publics: a) Direction des Plans de ville (avec la Direction du Service d'urbanisme d’Attique et Béotie, le Bureau d' urbanisme d'Athènes et de ses banlieues, le Bureau du plan de ville du Pirée et des environs, le Bureau du plan de ville de Thessalonique, le Bureau de la reconstruction de Corinthe et de sa région, et l'Inspecteur des travaux publics exerçant la surveillance des travaux préliminaires en Crète); b) la Direction des Bâtiments publics et le Bureau des ouvrages d'architecture. Notons également son enrichissement en personnel et la consolidation de son rôle d'instance urbanistique par excellence dans le pays. Il est pleinement évident que le sous-secrétariat à la Reconstruction se trouvait en position de concurrence avec l'organe traditionnel préexistant en matière d'‘‘urbanisme ’‘ qu’était le Ministère des Travaux Publics, et l'existence de deux instances ministérielles techniques fut souvent jugée excessive et comme un facteur de dilapidation des ressources publiques et de dispersion du potentiel technique. Il est d'ailleurs probable que le caractère de concentration du sous-secrétariat à la Reconstruction ait fonctionné au détriment de la possibilité de concéder des compétences de planification aux administrations locales ; mais c'était là une conséquence en grande partie inévitable de la conjoncture sociopolitique : il est significatif que, jusqu'en 1945, l'Administration régionale et la Décentralisation départementale n’avaient été rétablies que de manière rudimentaire dans les chefs-lieux de certains grands départements et que pendant la guerre civile, le caractère des Administrations régionales ait été purement militaire et politique. Le nouvel organisme de planification était dépendant des intentions manifestées par les gouvernements successifs ; c’est pourquoi la création du sous-secrétariat fut suivie de sa valorisation progressive, qui alla jusqu'à une tentative de pleine autonomie par la création de l'Organisme de la reconstruction. Mais cette tentative, dans le contexte du résultat des élections de 1946, ne puit être menée à terme. En 1947, le sous-secrétariat fut pour un temps élevé au rang de Ministère, avant de perdre peu à peu de sa force et 3 K. Doxiadis, comme nous le verrons plus tard le, fut tout d'abord sous-secrétaire d'État à la Reconstruction jusqu'aux élections de 1946, et demeura à ce sous-secrétariat jusqu'en 1948, comme Directeur Général. UNIVERSITY OF THESSALY, Department of Planning and Regional Development Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce 457 d'être totalement supprimé à la fin de la période de reconstruction, parallèlement au retour de la structure et de l'organisation administratives d'avant-guerre. Il ne fait aucun doute que les compétences du sous-secrétariat puis du ministère de la Reconstruction sous ses diverses variantes, furent étendues en liaison directe avec les problèmes cruciaux de mise en œuvre et de contrôle de la reconstruction (qui, après 1948, fut rattachée au Plan de reconstitution) et avec la question des expropriations. On peut noter à la même époque les propositions théoriques d'avant-garde, avec appui documentaire conséquent, présentées par des techniciens, et notamment des urbanistes, en vue d'améliorer le fonctionnement de la capitale. Leur problématique englobait la nécessité de transférer la capitale ou une partie de ses fonctions centrales dans les centres urbains avoisinants. Citons comme exemple indicatif le Plan de reconstitution de la capitale de Konstantinos Biris, publié en 1946, qui introduisait l’innovation qu'était pour les données grecques la notion de capitale administrative séparée. Plus précisément, il proposait de créer une nouvelle capitale administrative dans la plaine de Thria, non loin de Mégare, en combinaison avec une ville industrielle sur le golfe de Corinthe, qui contribuerait à désengorger les activités portuaires et de transport du Pirée. La seule mesure proposée par ce plan à avoir finalement été appliquée fut l’aménagement de galeries couvertes, qui cependant n'apportèrent rien à la solution du problème sans cesse croissant du trafic. L'introduction des ‘‘principes de la planification ’‘ par le ‘‘Plan de mise en valeur des ressources productives de richesse de la Grèce ’‘ (1946-1947) fut d'une importance décisive pour le développement économique des années 1950 ; c’est de là que datent les avancées en matière de planification de l'aménagement de l'espace et l'intérêt porté à la grande échelle. Néanmoins, l'absence de toute politique stable, dotée d’objectifs clairs, indispensable à la consolidation et à la matérialisation rentable de la planification, demeurait évidente. 2.3 La période 1948-1962 - la mise en place économique et politique en Grèce Pendant la période dite de la Reconstruction de la Grèce (1950-1960), le Ministère des Travaux Publics, jouant un rôle de premier plan tantôt bien admis, tantôt contesté par les représentants de la communauté scientifique ou les citoyens, fut l'organisme public compétent pour l'aménagement de l’espace. Des personnalités importantes du monde politique et scientifique, avec la contribution d'un potentiel d'encadrement bien adapté aux exigences modernes, formé en conséquence et réceptif aux questions d’intérêt général, souvent sous l'influence de modèles ou d'interventions d’origine étrangère, d'opportunités politiques ou même de Discussion Paper Series, 2003, 9(20) 458 Eleni Stamatiou-Lacroix, Lydia Sapounakis –Drakakis pressions conjoncturelles, marquèrent cette époque par des décisions et des ouvrages qui suscitèrent une acceptation sociale chaleureuse ou soulevèrent au contraire une vive réaction populaire. Nombre de ces personnalités qui entament leur carrière dans l'Administration au moment de la Reconstruction se rencontrent par la suite à des postes clés au Ministère des Travaux Publics, et contribuent à la modernisation et à la réorganisation des organismes centraux de l’État, dans le cadre de la politique de développement national, professant pour ambition commune le progrès et la prospérité du pays. À esquisser le portrait de ces protagonistes et acteurs plus ou moins connus (origines, capacités, problématiques, ambitions personnelles et horizons scientifiques), on peut expliquer les causes des décisions et des actions qui ont laissé leur empreinte sur l'entreprise de l'aménagement de l’espace en Grèce jusqu'à nos jours4. L'étude de l'évolution historique du Ministère des Travaux Publics, de ses personnels d’encadrement originels et de leur organisation à travers les organigrammes entérinés et publiés après la guerre, permet d'observer qu'entre 1949 et 1977, son organisation n'a été modifiée qu'une seule fois, en 1960 [TABLEAU 1]. L'année suivante, l’entité unique du début des années soixante éclate en deux entités autonomes, Ministère des Transports et des Travaux Publics qui contient la Direction générale des travaux publics d'autre part (décret royal 869/12-16. 11.1961, ‘’Sur la division du ministère des Transports et des travaux publics’‘). On constate à travers l'étude des organigrammes que, même quand l'organisation générale ou la structure interne et la répartition des Directions sont modifiées, les compétences restent les mêmes dans une large mesure, tout comme d'ailleurs les besoins et les perspectives. Pour ce qui est des travaux publics, les décisions reviennent au Conseil des travaux publics, dont l'existence remonte aux services équivalents de l'époque du roi Othon, et qui correspond à ce qui a été à l’époque moderne le Ministère de l'Aménagement du territoire, de la construction et de l'environnement. D'une manière générale, pour les matières relevant de la compétence du ministère des Travaux publics (approbation de projets, modifications, etc.), était suivie la procédure habituelle en vigueur jusqu'à nos jours au sein de l'Administration centrale. Mais comme 5 Le plus simple, pour mener l’étude de l'évolution de l'Administration publique, y compris dans le secteur de l'aménagement de l’espace, est de puiser des renseignements dans les sources qui se sont conservées ou e e ont été archivées et se rapportent au XIX et au début du XX siècle. Pour l'histoire sociale contemporaine de l'Administration publique, avec le Ministère des Travaux Publics comme exemple représentatif dans le domaine qui nous intéresse, il n'existe pas de données originales ; ainsi l’étude ne peut-elle être effectuée que sur la base de la presse, des revues spécialisées de l'époque et des entretiens personnels que l’on peut avoir avec des cadres ayant servi au ministère pendant les années 19491974. Ainsi sera-t-il possible de démêler les mécanismes et de découvrir les causes qui ont généré l'évolution urbanistique actuelle du pays. L'enquête orale sur laquelle nous nous sommes fondée ne résulte pas, bien entendu, des archives produites par le fonctionnement normal du Ministère des Travaux publics. Au contraire, elle nous a permis d'essayer de créer une documentation nouvelle, née du dialogue, et de reconstituer la mémoire des protagonistes, voire même de décrire des sentiments et des situations sur lesquels d'autres sources demeurent silencieuses. UNIVERSITY OF THESSALY, Department of Planning and Regional Development Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce 459 la gestion de l'espace fait intervenir le facteur social avec toutes les conséquences que cela implique, la procédure suivie au Ministère des Travaux Publics respectait des formes plus strictes. Les procédures formelles relevant de la compétence du Ministère des Travaux publics englobaient l'approbation des projets, leurs modifications, la localisation des services de la ville et la publication des conditions de construction, le cadre législatif principal de la planification urbanistique étant défini par l’arrêté loi du 17. 7.-16.8.1923 ‘’Sur les plans de ville, villages et hameaux de l' État et sur la construction de ceux-ci’‘ 5. L'une des particularités notables dans le fonctionnement interne du ministère des Travaux publics à l’époque de la Reconstruction est la répartition atypique des Sections en Bureaux. Les employés de ces derniers, dans le cas de la Direction des études d’urbanisme par exemple, avaient en charge certains domaines thématiques et y étaient compétents par matière, selon le critère de l'implantation géographique (banlieue Nord ou Sud) ou d’un objet concret (hauteur des bâtiments ou problèmes de circulation), etc. Dès l'époque de l'Occupation, font leur apparition dans l'Administration et dans le secteur de l'aménagement de l’espace des personnalités dont l'action va être d'une importance décisive pour la suite des événements. La suppression du ministère de l'Administration de la capitale fait tomber la compétence sur les plans de ville dans l'escarcelle du ministère des Travaux publics, dans lequel fait son entrée Konstantinos Doxiadis. Ce jeune architecte ambitieux (d’où son surnom de ‘‘Philodoxiadis’‘, jeu de mots sur son patronyme et le mot philodoxia qui signifie ‘‘ambition’‘) a étudié l’urbanisme en troisième cycle à Berlin. Sa situation socio-économique (son père Apostolos avait été ministre de l’Aide sociale pendant les années 1922-1924 et Secrétaire d'État à la Santé dans le Ministère Vénizélos en 1928) lui permet de fréquenter le monde et d'avoir accès aux postes de décision. Le Bureau d'études et de recherche sur l'aménagement du territoire et l'urbanisme qui est alors créé et dont il prend la direction s'occupe entre autres de collecter des données sur les conséquences de la guerre dans le pays (dégâts matériels, pertes humaines, etc.). Aussi recrute-t-il une foule d'étudiants de l'École Polytechnique, quelques architectes (Anghelos Tsitsis, Georgios Papageorgiou et Procopis Vassiliadis, Ioannis Papaïoannou, Konstantinos Klidonas, etc.) et des ingénieurs civils et autres cadres provenant de l'Administration centrale (parmi lesquels Georgios Konstantinidis et Georgios Valatas). D'une manière générale, étaient sélectionnés des fonctionnaires chevronnés ou des étudiants talentueux plutôt que des professionnels libéraux. Nombre des personnes que nous venons de citer se retrouvent par la suite à des postes clés au ministère des Travaux publics. 6 Le rédacteur de cet arrêté loi avait été l'ingénieur civil Anargyros Dimitrakopoulos, Professeur d'urbanisme à l'École d’ingénieurs civils de l'École Polytechnique d’Athènes, qui avait été nommé Directeur Général au Ministère de l'Administration de la capitale puis ministre (dans un gouvernement de service). Discussion Paper Series, 2003, 9(20) 460 Eleni Stamatiou-Lacroix, Lydia Sapounakis –Drakakis Des employés du Service statistique national de Grèce, qui avaient dressé le recensement de 1940 demeuré inédit à cause de la guerre, avaient été détachés à ce même bureau6. Les étudiants les plus jeunes travaillaient faisaient des recensements tout en espionnant7 les mouvements des troupes d'Occupation (déplacements des navires de commerce, etc.), rassemblant ainsi de précieuses informations qui étaient transmises au gouvernement grec en exil en Égypte et aux organisations de résistance. Parallèlement, des employés détachés du Service géographique de l'armée enseignaient l'exploitation de la photographie aérienne et étaient chargés des relevés des régions détruites (comme par exemple Sikouri en Thessalie et Kalavryta, localités dévastées par les Allemands, Thessalonique, à l'échelle 1: 20.000, etc.). La personne compétente pour élaborer les bases des cartes destinées à permettre la consignation et la description des dégâts et à définir l'infrastructure nécessaire pour la reconstruction était Haralambos Sfakianos, chef de division du Service géographique de l'armée. L'étude complète réalisée grâce à la consignation des destructions occasionnées par la guerre (accompagnée d'une riche documentation illustrée), qui représenta par la suite la Grèce à l'exposition internationale de San Francisco puis à celles de Londres et de Paris, s'avéra la meilleure et la mieux documentée8. Á la Libération (12 octobre 1944), le gouvernement Georges Papandréou décida la transformation du Bureau en Secrétariat d'État à la Reconstruction (avec Doxiadis comme ministre de service9, en 1945-1946), tandis qu’était créé le Ministère des Travaux Publics [TABLEAU 1]. Dès l’époque de la Reconstruction, le ministère des Travaux publics regroupa l'élite du potentiel technique et scientifique. Les architectes employés au ministère étaient encore peu nombreux (comme Procopis Vassiliadis, Georgios Papageorgiou, Anghelos Tsitsis, Georgios Konstantinidis, etc.) et provenaient essentiellement de familles bourgeoises. Dans leur majorité, ils étaient animés d’un certain idéalisme et d’un véritable intérêt pour la solution des problèmes de logement des couches socio-économiques les plus défavorisées ou des graves problèmes de distribution et de gestion de l'espace que confrontait alors le pays. Dès avant 1960, certains d'entre eux, alors qu'ils étaient déjà employés, décidèrent de poursuivre leurs études à l'étranger (Allemagne, France, 7 Le traitement de ces données statistiques avait été entrepris par Konstantinos Klidonas. Les recenseurs pouvaient circuler librement pour mener leur collecte d'informations sur les activités de l'Occupant du fait qu'ils étaient munis d’une carte d'identité rédigée en grec et en allemand au vu de laquelle toutes les facilités possibles leur étaient accordées. Spyros Kokkoliadis, alors étudiants à l'École Polytechnique et par la suite directeur du Plan de régulation au Ministère des Travaux Publics avec Procopios Vassiliadis, qui nous a fourni notre matériel d'information à ce propos, était au nombre de ces recenseurs. 9 Ce succès contribua à la reconnaissance internationale de Konstantinos Doxiadis comme urbaniste. 10 Ensuite, grâce au financement du plan Marshall, il procéda à la création du Service de coordination des mises en œuvre du plan de reconstruction. Pour le faire fonctionner (1948-1950), il alla débaucha des ingénieurs civils et des architectes du secrétariat d'État à la Reconstruction. Son service fut plus tard transformé en Ministère de la Coordination, dont il devint le vice-ministre titulaire (1950). 8 UNIVERSITY OF THESSALY, Department of Planning and Regional Development Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce 461 Belgique, etc.). Un poste au ministère des Travaux publics était considéré d’une manière générale comme une bonne situation, et il n'était pas rare que les plus anciens incitent fortement leurs parents ayant fait des études spécialisées à faire carrière dans ce ministère. Le système, profondément ancré, du ‘‘clientélisme’‘, les pressions et interventions de la part de groupes sociaux lésés ou des représentants des grands intérêts rendaient difficiles l’avancée des études et leur mise en œuvre. Cela aboutissait très souvent à une minimisation des espaces publics, avec des pourcentages d’exploitation inférieurs aux normes permises. Dans les rares occasions où une loi ou une proposition était présentée au vote telle qu'elle avait été rédigée par les cadres du ministère des Travaux publics, l'événement était célébré comme une réussite. On peut citer le cas caractéristique de la loi sur les galeries marchandes, alors que Procopis Vassiliadis était à la Direction des études d'urbanisme (vers 1956), dont l'adoption fut ensuite joyeusement fêtée au ministère. Les grands entrepreneurs de l'époque exerçaient de fortes pressions pour éviter la perte d'espaces construits ‘‘utiles’‘ au profit des espaces communs. Il en résulta des modifications de la législation qui conduisirent à des insuffisances dans la réalisation. La pratique courante était de morceler une vaste superficie en de nombreuses parcelles plus petites, de l'ordre de 100 mètres carrés (qui comprenaient aussi 2 mètres carrés de verdure). Les routes qui étaient ouvertes étaient particulièrement étroites, de 3 à 4 m de large. Souvent il n'y avait pas eu de concertation préalable entre les entrepreneurs à propos de l'alignement des rues, si bien que de nombreuses voies se terminaient en impasses. Quand il s'agissait d'intégrer des constructions, les ingénieurs du ministère étaient contraints de calculer des espaces très réduits, de l'ordre de 10 à 15 mètres carrés parfois, pour les espaces communs, qu'ils représentaient en vert sur le plan. Quand la zone constructible devait être intégrée au plan de ville, il était effectué un constat des lieux. Tous les constructeurs illégaux qui avaient eu le temps d’agir en profitaient pour faire entériner leur propriété. Au début des années 1950, Constantin Caramanlis était Ministre des Travaux Publics dans le gouvernement Papagos. La rapidité avec laquelle étaient prises et exécutées les décisions est tout à fait significative. La charge de travail était énorme, les employés faisaient des heures supplémentaires dans des conditions difficiles, souvent sous un éclairage insuffisant, pour des raisons d'économie. Les contractuels étaient autorisés à étudier et à surveiller les travaux des particuliers, alors que les titulaires n'avaient cette possibilité que sur autorisation spéciale et exceptionnelle. Discussion Paper Series, 2003, 9(20) 462 Eleni Stamatiou-Lacroix, Lydia Sapounakis –Drakakis Mais tandis que l'on essayait de faire face de la manière la plus radicale au problème de la construction illégale, on fermait les yeux sur les bâtiments illégaux contigus au ministère (alors installé place du Théâtre). Un cadre du Département des études d’urbanisme, interrogé sur la question de savoir ‘‘pourquoi il ne procédait pas à la solution de ce problème’‘, répondit qu’’‘on ne le leur avait pas demandé’‘. Au milieu des années 1950, en 1955 exactement, Constantin Caramanlis est Premier ministre. Avant 1962, les décisions concernant la teneur, l'implantation et la planification des travaux publics d’envergure étaient prises directement et de manière exclusive par le gouvernement, sans la participation des spécialistes ni du peuple [PHILIPPIDIS D., 1990, p. 224]. L'exemple fourni par Constantin Caramanlis comme ministre des Travaux publics ou comme Premier ministre est caractéristique, dans des cas comme ceux qui suivent : - pour le tracé des grandes artères prévues dans le cadre du plan d'aménagement du centre d'Athènes, dans la région de l’hôtel Hilton, il prit sa décision à la seule vue de l’esquisse axonométrique d’un projet que lui avait soumis Procopis Vassiliadis. - pour le tracé de l’avenue de Kavala, qui devait relier Athènes à Dafni, il indiqua le lieu de l'intervention en se contentant de tracer sur la carte une droite entre ces deux points géographiques, et donna l'ordre de réaliser l'ouvrage10 - au moment de la suppression du tram d'Athènes, au début des années 1950, il venait surveiller en personne l'avancée des travaux d’arrachage des voies, lors de contrôles surprises qu'il effectuait la nuit. - il ordonna l’implantation du Palais de justice sur l'emplacement des prisons Averof, alors que la décision avait été prise lors d'une réunion de concertation avec 12 ‘’conseillers’‘ compétents par matière [7e Bulletin de chroniques techniques, 158/1962, p. 11]. Par la suite, bien entendu, Constantin Caramanlis fut forcé de faire preuve de davantage de modération et de laisser les spécialistes se prononcer11. 11 Nous tenons nos informations concernant l'origine des ingénieurs du Ministère des Travaux publics, l'atmosphère qui régnait à l'époque des années 1950-1960 mais aussi l'action de Constantin Caramanlis pendant son mandat de Ministre des Travaux Publics, de M. Anastassios Sapounakis (ancient haut fonctionnaire sous du Ministère des Travaux Publics). 12 À partir de 1962, la gravité des questions d'urbanisme poussa Constantin Caramanlis à constituer la Grande commission d'urbanisme, composée de 13 membres, dont : 4 professeurs de l'École Polytechnique d’Athènes et de l'Université Aristote de Thessalonique (A. Kriezis, I. Despotopoulos, Th. Argyropoulos, K. Kitsikis). K. Doxiadis, le directeur de l'Urbanisme de la ville d'Athènes Konstantinos Biris et le Directeur des Études d'urbanisme du Ministère des Travaux Publics Procopios Vassiliadis. En d'autres termes, comme le constate D. Philippidis (1990, page 224), 7 membres de cette Commission - la majorité - étaient des ‘’spécialistes’’. UNIVERSITY OF THESSALY, Department of Planning and Regional Development Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce 463 2.4 La période 1962-1974. Expansion économique et instabilité politique Pendant les années 1960, les personnalités de premier plan qui sont en poste aux différentes Directions du Service de la construction du ministère, sont trois: - à la Direction des études d'urbanisme, Procopis Vassiliadis, architecte qui avait fait ses études d'urbanisme en Grande-Bretagne12. Ses relations d'amitié et sa dépendance partisane par rapport à Constantin Caramanlis, avec lequel il déclarait souvent une identité de vue lors des prises de décision, ainsi que son vif désir de fonder un institut d'urbanisme s'avérèrent décisifs pour ses choix ultérieurs. La presse de l'époque l’avait surnommé ‘’Copi(e)’‘, par jeu de mots sur son prénom Procopis et le terme anglais copy, et les caricaturistes, exploitant la forme particulière de son visage, le représentaient comme un œuf à lunettes. Il resta à la tête de la Direction des études d'urbanisme, où il avait aussi des compétences en matière de plan directeur, quasiment jusqu'à la moitié des années 1960. Avec le changement de gouvernement (et l'arrivée au pouvoir de l'Union du Centre) il fut remplacé ; le ministre des Finances de l'époque, Constantin Mitsotakis, décida la fondation d'un bureau ayant pour compétence l’harmonisation de l'étude Smith sur la circulation, et nomma Vassiliadis à sa tête. Grâce au financement important qui lui fut accordé et à l'embauche d'employés administratifs et d'ingénieurs (contractuels ou personnels détachés de la Direction des études d'urbanisme), il se forgea un potentiel de Direction et évolua finalement en Direction du plan directeur au Ministère des Travaux Publics13. - à la Direction des études architecturales, Georgios Christopoulos, architecte de talent, célèbre pour avoir remporté de nombreuses distinctions et récompenses dans des concours d'architecture, comme le premier prix pour le palais de Haïlé Sélassié. Ce n'était pas le type du chef de service sévère ; au contraire, il autorisait chez ses subordonnés une certaine marge d'expression personnelle dans leurs projets. - à la Direction des études de la construction, Achilleas Spanos, architecte ayant fait ses études en Allemagne, qui exigeait discipline et rigueur, mais aussi rentabilité des projets, et obtenait d'excellents résultats. Il créa la section du Logement au ministère, avec pour compétence l'établissement des réfugiés dans le plan de ville (à Tavros, Drapetsona, Kessariani, etc.) mais aussi dans la campagne grecque où se faisait sentir le besoin de créer de nouvelles agglomérations ; ce programme concernait également les ayants droit du Ministère de la Prévoyance. 13 Selon la même source (n. 11, p. 246), Procopis Vassiliadis, qui poursuivit sa formation à Londres, fait partie des rares cas de jeunes urbanistes qui rentrèrent en Grèce après avoir effectué des études spécialisées à l'étranger. 14 Quand il prit sa retraite en 1964, il fut remplacé par Spyros Kokkoliadis, qui nous a fourni ces informations (ancient haut fonctionnaire sous du Ministère des Travaux Publics). Discussion Paper Series, 2003, 9(20) 464 Eleni Stamatiou-Lacroix, Lydia Sapounakis –Drakakis Les projets de cette Direction furent parfois concrétisés, parfois non. Par exemple, une étude échoua en 1964, quand une cellule du Ministère eut à Liossia une entrevue avec le roi des gitans pour créer un lotissement, intervention souhaitée de tous. Les études élaborées à ce sujet par le ministère des Travaux publics avaient même prévu des habitations tenant compte des besoins professionnels et sociaux particuliers des gitans (pour ceux qui fabriquaient des paniers, pour ceux qui travaillent dans les champs, etc.). Mais les résistances sociales très vives manifestées par les habitants de Liossia ne permirent pas, finalement, la réalisation de cette intervention.14 Parmi les autres directions générales figurait encore la Direction générale des inspections, qui relevait du Service de la construction et avait droit de contrôle sur celleci. Elle était communément surnommée ‘‘le frigo’‘, parce qu'elle était considérée comme un lieu de mutation peu envié, où aboutissaient les opposants politiques et les personnes jugées indésirables par les gouvernements successifs. Y avaient servi, entre autres, des personnalités importantes comme Spyros Kokkoliadis, Georgios Konstantinidis, Ioannis Goulios, etc. Elle avait pour compétence de contrôler les procédures, tant à Athènes qu'en province (respect des protocoles, émission des permis de construire, etc.)15 et avait un rôle d'entremise dans les relations entre les citoyens et le Ministère. En dépit de sa réputation, cette Direction fournissait un travail considérable et des personnels d'encadrement comme ceux qui viennent d’être cités contribuèrent à son efficacité et à sa revalorisation. La période de la Dictature, conservant nombre des mauvaises habitudes des périodes précédentes, fut dominée par l’intensité des pressions exercées dans l'exploitation du sol, les actes d'arbitraire dans la planification, la bureaucratie, mais aussi le contournement des procédures aux fins d'opportunités politiques, et autres scandales connexes (constructions illégales, augmentation excessive de la hauteur des bâtiments, dégradation du littoral par d’énormes complexes hôteliers, etc.)16. De nombreux employés furent licenciés, mais beaucoup, aussi, démissionnèrent de leur plein gré. Des scientifiques de premier plan, spécialisés dans l'urbanisme ou l’aménagement du territoire, qui avaient fait leurs études à l'étranger, furent contraints d'aller y résider en raison de leur opposition au régime et des conséquences que cela pouvait avoir. Après la chute de la Dictature, certains d'entre eux réapparaissent dans les services publics, souvent à des postes clés. Des interventions avaient eu lieu jusque dans le contenu purement scientifique du travail des ingénieurs. Est caractéristique le cas du directeur général du Service de la construction de l'époque, qui fit observer à un ingénieur, simple employé, qu'il n'était 15 Les données concernant la direction et les cadres des Directions précitées pendant les années 1960 ainsi que le fonctionnement du Ministère des Travaux publics sous la Dictature, qui apparaîtront dans les pages qui suivent, nous ont été fournies par Madame E. Gouliou, haut fonctionnaire actuel au Ministère YPEHODE. 16 Nous avons recueilli ces renseignements lors d’un entretien que nous a accordé M. Spyros Kokkoliadis, ancient haut fonctionnaire sous du Ministère des Travaux Publics). 17 D. Philippidis rapporte et analyse des cas de cette sorte (1990, ch. 6, "Para-urbanisme"). UNIVERSITY OF THESSALY, Department of Planning and Regional Development Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce 465 pas nécessaire d'équiper entièrement d'installations sanitaires le bâtiment qu’il était en train de dessiner, etc. Les invitations et échanges de ‘‘conseillers spéciaux de l'étranger’‘ (qui caractérisaient d'ailleurs aussi les gouvernements précédents) sur des questions d'urbanisme et de circulation, dont l’objectif principal était de conférer quelque autorité aux programmes mis en œuvre par le gouvernement, trahissaient souvent une tendance à la xénomanie qui suscitait la réprobation des milieux scientifiques du pays. En 1973, le Ministère des Travaux publics était cité au 16e rang parmi les 18 Ministères définis par un arrêté loi (175/1973, art. 11, JO 230 I/ 24.9.1973, ‘‘Sur le Conseil des Ministres et les ministères’‘). L'étude de la presse de l'époque permet de remarquer un changement de personnes aux postes de décision, et notamment à celui de ministre des Travaux publics, changement lié à la nécessité de moderniser et de réorganiser le ministère dans le sens des objectifs annoncés de développement. Ce Ministère fut maintenu comme Ministère autonome après la chute du régime (décret présidentiel 910/10.10.1977 ‘‘Portant organisation du ministère des travaux publics’‘, qui devait désormais définir sa structure interne et sa composition). Il était évident que ce Ministère était voué à jouer un rôle phare dans la consolidation du régime de la Dictature et dans la conquête de l’adhésion populaire. L'opération de ‘‘développement technico-économique’‘ fut l'axe principal de la propagande lancée par un gouvernement soucieux de se ménager la sympathie d'une part importante de la population en réalisant des travaux publics et d'intérêt public ou des travaux d'infrastructure. Ce fut aussi un levier essentiel dans les efforts d’amélioration de l'image publique du gouvernement auprès des pays européens qui avaient déjà mené à terme leur développement sur le plan technique et économique. Pendant la première phase de la Dictature, le développement économique de la période précédente se poursuivit et, combiné à une conjoncture internationale favorable, connut des réussites ponctuelles jusqu'en 1969-1970. Le fléchissement qui s'ensuivit et qui s'intensifia dans les années 1973-1974 révéla l’amateurisme de la politique économique du régime, qui laissa le pays mal préparé à faire face aux conséquences de la crise énergétique mondiale. Les points de vue des ingénieurs non spécialisés concernant la réglementation de l'espace étaient radicalement différents de ceux des spécialistes. Les premiers n'acceptaient pas les visions des urbanistes spécialisés ou expérimentés, les considérant comme ‘‘utopiques’‘, comme le révèle le dépouillement de la presse professionnelle de l'époque. Les réalistes soutenaient que la ville en Grèce, en tant qu'organisme vivant, se développe au sein de certains paramètres socio-économiques, et qu'il était difficile de supprimer les illégalités et d'empêcher les atteintes à l'environnement. Les opportunités politiques et surtout les structures socio-économiques furent d'une importance décisive dans les échecs de la planification à tous les niveaux. Discussion Paper Series, 2003, 9(20) 466 Eleni Stamatiou-Lacroix, Lydia Sapounakis –Drakakis Et l’on sait bien qu’aucun modèle ne peut être appliqué si les conditions sociales ne le permettent pas. Parallèlement, l'étude de la période 1949-1974 montre que les personnalités qui jouèrent un rôle de premier plan marquèrent de leur empreinte la politique d'aménagement de l'espace, même si cela ne fut pas compris sur le moment en raison de la durée exigée pour la mise en œuvre de ces processus. Les changements positifs essentiels intervenus sur le plan législatif et surtout institutionnel après la chute de la Dictature (comme, par exemple, la Constitution de 1975 qui impose la protection de l'héritage environnemental et culturel, la création du Ministère de l’Aménagement du territoire, de la construction et de l’environnement en 1980, puis du ministère de l'Environnement, de l’aménagement du territoire et des travaux publics en 1985, etc.), furent dans une large mesure des retombées lointaines des capacités, des problématiques, des visions personnelles et des horizons scientifiques des cadres de l'Administration de la période qui avait suivi la Dictature. 2.5 La periode 1975-aujourd’hui a) La période de modernisation d'après la dictature Après la dictature, l'acteur central de la politique gouvernementale en matière de construction fut le Sous-secrétariat aux Travaux Publics (avec comme sous-secrétaire d'État Kyprianos Biris, Professeur à l'École Polytechnique d’Athènes). Les axes principaux de cette politique furent la normalisation de la situation problématique laissée en ce domaine par la dictature, l’adoption d'une législation nouvelle dans le secteur de l'urbanisme et la création des organes correspondants. Avec le vote de la Constitution de 1975, la législation grecque s’enrichit d’une série de réglementations incitant à la rationalisation de la définition et de la répartition des usages de la terre, mais aussi à des restrictions visant à protéger l'environnement et à garantir son caractère d'utilité publique. L'existence de ces injonctions constitutionnelles activa la promotion de réglementations concernant les usages de la terre et la protection de l'environnement, telles celles qui découlent de la législation sur l’habitat et l'environnement. Le programme de valorisation des agglomérations traditionnelles mis en place par l’Office National Hellénique du Tourisme en 1975 concernait la sauvegarde, la protection et la mise en valeur des régions traditionnelles (en particulier dans les îles et les montagnes), et avait vocation à s'étendre à l'ensemble du pays [LAGOS D., 1996]. La création, en 1976, de l'Entreprise Publique d'Urbanisme et d'Habitat (DEPOS), organisme public ayant pour objet l'exercice d'une politique active en matière de UNIVERSITY OF THESSALY, Department of Planning and Regional Development Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce 467 logement, et en particulier le relogement des couches populaires, contribua du même coup, de manière indirecte, à faire obstacle à la construction illégale. L'adoption de la très importante loi nº 360/1976 ‘‘sur l'aménagement du territoire et l'environnement ’‘, qui fut finalement désactivée, avait été liée à la création du Conseil national de l'aménagement du territoire et de l'environnement, organe bi ministériel spécial d'intérêt stratégique, destiné à tracer la politique dans les secteurs de l'aménagement du territoire et de l'environnement. En 1979, l'arrivée au sous-secrétariat aux Travaux publics d'une équipe scientifique de technocrates et conseillers provenant essentiellement du service de la Construction du Ministère des Travaux publics avait pour but de constituer le cadre d’une réorganisation de la politique et des institutions chargées d'exercer la planification urbanistique, réorganisation réalistement alignée sur les relations entre l'État et la société et concentrée sur la planification du développement urbain, sur la politique de la terre et sur la réorganisation des structures administratives correspondantes. Parmi les autres textes législatifs importants qui furent adoptés concernant la planification urbanistique et la politique de la terre figure la loi nº 947/1979 ‘‘sur les zones d'habitat ’‘, destinée à remplacer l'arrêté loi du 17.07.1923 qui, depuis des années, et suite à une multitude de révisions, s'était avéré dépassé. Le but de cette loi était de définir la notion et les fonctions de la zone d'habitat, ainsi que les conditions et la procédure exigée pour la qualification d'une région comme zone d'habitat. La définition des conditions et des modalités de participation des propriétaires dont les biens immeubles se trouvaient à l'intérieur de la zone d'habitat, la création d'espaces communs et l'exécution des ouvrages urbanistiques de base destinés à garantir la fonctionnalité et le développement ou la reconfiguration d'une zone d'habitat, faisaient aussi partie des objectifs principaux de la loi. Cependant, il n'était guère aisé de faire admettre ces derniers aux particuliers, notamment au sein des couches sociales à faibles revenus (participation obligatoire des propriétaires des zones d'habitat à la réglementation urbanistique des zones par le biais de la prestation d’une contribution en terre et en argent, en vue de garantir les espaces publics indispensables et de permettre la construction des infrastructures urbanistiques d'intérêt commun nécessaires). Le pourcentage minimal et unique de la contribution en terre était de 40 % pour les propriétés qui devaient appartenir à des zones de construction soumises à des conditions réglementaires, et de 30 % pour celles qui étaient comprises dans les zones d'urbanisme actif. Les premières tentatives de mise en œuvre de la loi, qui se concentrèrent sur les régions habitées du littoral d'Athènes et de Thessalonique – régions soumises à de fortes pressions d'urbanisation sans plan d'urbanisme préalable – s'accompagnèrent de réactions sociales très vives provenant notamment de représentants de divers intérêts politiques et économiques, et se soldèrent finalement par le renoncement à leur Discussion Paper Series, 2003, 9(20) 468 Eleni Stamatiou-Lacroix, Lydia Sapounakis –Drakakis concrétisation, mais aussi par le remplacement du Ministre de l'Aménagement du territoire et de l'environnement, en 1980. Néanmoins, cette période fut marquée par une réussite de taille : la création du Ministère de l'Aménagement du territoire, de la Construction et de l'Environnement (loi nº 1032/1980). Ainsi était instauré l'organisme politique et administratif central compétent pour la planification de l'aménagement du territoire et pour l'environnement. Vivement souhaitée depuis plusieurs années, la création de ce Ministère, décision politique de première importance, contribua à l’évolution favorable du cours des choses et à la promotion institutionnelle et organique des questions d'environnement, mais aussi à la meilleure gestion de l'espace [TABLEAU 1]. Le Ministre à la tête de ce ministère (A. Tritsis) – architecte urbaniste –placé après les élections de 1981 et le changement de la scène politique, le premier dans ce nouveau role, il entreprit de combler le vide politique et juridique existant dans le domaine de la politique urbanistique, qui était dû jusqu'à un certain point à l'échec de l'entreprise de réforme de la fin de la période précédente. Parmi les priorités du ministère figuraient l'ambitieuse Entreprise pour le rétablissement urbanistique du pays (EPA) et la mise au point d'une nouvelle loi sur la construction, de caractère transitoire, jusqu'à la solution des problèmes fondamentaux et des questions en suspens qui s'étaient accumulés et en attendant l’adoption d’une loi plus durable. La nouvelle loi sur la construction nº 1337/1983, adoptant les procédés de la précédente et essayant d'aplanir les points de contestation et les réactions sociales, adopta un système de contribution échelonné en terre en argent, selon la taille des propriétés ; dans certains cas, par exemple ceux des régions densément construites, elle instaura pour les petites propriétés (en dessous de 500 mètres carrés) l'exemption complète de l'obligation de contribution en terre. Cet effort de réforme progressive et en douceur aboutit à une application durable de cette loi. Sur le plan institutionnel, la période qui va de 1981 à 1989 peut être qualifiée de riche pour l'ensemble des secteurs d'activité du Ministère de l’Aménagement du territoire, de la construction et de l'environnement, comme le montre le vote d'une législation importante (par exemple, les lois nº 1515/1985 et 1561/1985 sur l'approbation, respectivement, des plans réglementaires d'Athènes et de Thessalonique et sur la création d'organismes portant ce nom, la loi nº 1647/1986 sur la création de l'Organisme du cadastre et de la cartographie, la loi nº 1650/1986 sur la protection de l'environnement et la loi nº 1577/1985 qui a révisé le Règlement général de la construction de 1973). La création du Ministère de l'Aménagement du territoire, de l'habitat et de l'environnement – devenu par la suite ministère de l'Environnement, de l'aménagement du territoire et des travaux publics – n’a pas modifié le caractère centralisateur des procédures de prise de décision en matière de planification de l'aménagement d'espace. Parallèlement, la déconcentration des services publics n'a pas eu lieu, et UNIVERSITY OF THESSALY, Department of Planning and Regional Development Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce 469 l'Administration centrale exerce, par le biais de réglementations économiques et administratives (concession d'un pourcentage très réduit du budget de l'État, contrôle administratif par les préfectures lors de la prise de décision, etc.), son contrôle sur la décentralisation départementale [M. ANGELIDIS, 1991, p. 177]. b) L’Européanisation de la Politique Urbaine Les années suivant immédiatement la dictature virent la responsabilité de la politique de l’habitat échoir au sous secrétariat aux travaux publics (Sous-ministre K. Biris Professeur a l’ Ecole Polytechnique d’Athènes). La politique suivait deux axes : Rectification des problèmes résultant de la dictature ; Nouvelle législation et nouveaux organismes pour appliquer la législation urbaine. Avant la Constitution de 1975 il n’y avait presque aucune mesure pour la protection pour l’environnement. La Constitution de 1975 apporta de nombreuses réglementations concernant l’occupation des sols (land use) et la protection de l’environnement (pour garantir que certains espaces restent publics). La Constitution permit l’apparition de différentes lois pour l’habitat, pour l’environnement et la protection du patrimoine culturel. Le texte le plus significatif de cette période est la Loi pour l’aménagement du territoire et l’environnement (1976 fut votée mais n’aboutira pas aux résultats escomptés), qui permit tout de même la fondation du conseil national pour l’aménagement et l’environnement. Ce comité interministériel avait compétence pour arrêter la politique et inflencer les décisions dans le domaine de l’aménagement du territoire et de l’environnement. En 1979 la politique du sous-secrétariat aux travaux publics changea à la suite d’un renouvellement profond des cadres et des conseillers du Ministère, à la suite de la nomination du nouveau Ministre St. Manos. La nouvelle politique de ce sous secrétariat se concentra surtout sur la planification du développement urbain, l'occupation des sols, et la réorganisation de l’administration. La Constitution poussa les organismes préexistants tels que: • L’Office National Hellénique du Tourisme (EOT) ou des structures créées ad hoc, comme ce fut le cas pour l’Entreprise Publique d’Urbanisme et d’Habitat (DEPOS), à adapter leur politique aux exigences environnementales. • DEPOS fut fondé en 1976, avec pour mission de déterminer la politique de l’habitat et en particulier la création de logements pour les couches sociales les plus défavorisées. Cela a permit de lutter contre la pratique des constructions illégales. Discussion Paper Series, 2003, 9(20) 470 Eleni Stamatiou-Lacroix, Lydia Sapounakis –Drakakis Durant cette période de nombreuses lois vinrent réglementer la planification urbaine et l'occupation des sols. La plus importante de ces lois fut celle concernant les zones d’habitat (1979). Cette dernière réactualisait celle de 1923, tombée en désuétude (cf. plus haut). L’objectif de cette nouvelle loi était de donner les fonctions, les conditions préalables, les normes et les processus nécessaires à la détermination d’une zone d’habitat. Cette loi établissait également les modalités de participation des propriétaires possédant des bâtiments se trouvant dans ces zones urbaines avec en vue la création d’espaces public et d’infrastructures urbaines indispensables au fonctionnement et au développement d’une zone d’habitat. L’Etat essaya d’établir un cadre législatif strict, sans tenir compte de la situation socioéconomique de la population, par exemple il demandait le versement volontaire de cotisations ou ‘‘dons de terres ’‘ pour la construction d’espaces et infrastructures publics à hauteur de 30 ou 40% du patrimoine détenu. Cela était inapplicable du fait de la petite surface des propriétés (dans la plupart des cas quelques hectares appartenant a des familles démunies). Cette loi ne fut pas appliquée à cause des nombreux conflits entre les propriétaires et l’Etat pour des raisons économiques ou politiques. C’est ainsi que le ministre, lorsque il adopta une position ferme quant à l’application de cette loi, fut renversé. En 1980 est créé le Ministère de l’Aménagement du Territoire de l’Habitat et de l’Environnement (YHOP), avec pour but la prise en charge du service d’Urbanisme du Ministère des Travaux Publics et des compétences d’aménagement du Ministère de Coordination, dont la mission est désormais la planification nationale [TABLEAU 1]. Ce vide qui existait dans la politique urbaine était dû à l’échec de la réforme urbanistique de la période précédente. Le nouveau ministre, appartenant au PASOK (Parti Socialiste), A. Tritsis (1981), qui avait une formation d’architecte urbaniste, est venu combler ce vide en initiant une politique très ambitieuse articulée autour de deux grands axes : 1. la fondation de l’entreprise pour l'ordre urbain (EPA); 2. La promulgation d’une nouvelle loi transitoire d’habitat, qui avait pour but de résoudre des problèmes ponctuels et d’assurer le passage à une loi permanente sur l’habitat. Cette loi (1983), par opposition à celle de 1979, prit en compte les réalités socioéconomiques et instaura un système de contributions échelonné sur la taille des propriétés, elle permit également la création d’un statut dérogatoire pour les petits propriétaires (500m2) dont le terrain se trouvait dans des zones très peuplées. Cette loi fut un succès car elle était plus adaptée aux besoins de la population et ses dispositions furent appliquées progressivement. De 1981 à 1989 beaucoup de lois sont votées dans le domaine de l’environnement et la politique urbaine dont les principales sont : 1985 : Organisme pour le cadastre et la cartographie (OKHE) 1985 : Loi des Règlements Généraux de la Construction (GOK) UNIVERSITY OF THESSALY, Department of Planning and Regional Development Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce 471 1985-1986 : Fondation du Cabinet du Plan Directeur d’Athènes et de Thessalonique. 1986 : Loi Cadre pour l’Environnement (Loi nº 1650/86). 1997 : Loi nº 2508/97 ‘‘Développement durable d’habitat’’ pour les villes et les agglomérations du pays. Cette loi est la continuation et l’achèvement de la loi nº 1337/83 avec intention de devenir un nouvel outil souple et efficace pour l’extension, réforme, amélioration et protection des villes et des agglomérations du pays à travers l’introduction d’un cadre de principes urbanistiques, directives, conditions, pour leur organisation et leur développement futurs. Le Ministère de l’Aménagement du territoire, de l’habitat et de l’environnement (YHOP) n’a pas décentralisé le processus de décision en ce qui concerne les questions de politique urbaine et d’aménagement du territoire. Les quelques compétences laissées aux gouvernements locaux étaient sous la tutelle du Ministère ou des autorités déconcentrées en dépendant (les préfectures). C’est la fusion, en 1985, du Ministère des Travaux Publics avec celui de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, en un seul Ministère (YPEHODE) qui créé le cadre institutionnel qui existe encore aujourd’hui (2003) [TABLEAU 3]. Toutes les activités concernant l’environnement sont regroupées dans ce Ministère qui fait la coordination avec les autres Ministères, les autorités locales et la Communauté Européenne, par exemple en ce qui concerne la gestion des ressources naturelles il est responsable pour appliquer les directives et conventions de la Communauté Européenne. La décentralisation de ce Ministère est devenue plus efficace grâce aux services situés dans les préfectures. Cela a permis aux préfectures de se sensibiliser aux questions de la protection de l’environnement en créant à leur niveau des instances de contrôle de la protection de l’Environnement (KEPPE). Les organisations [STAMATIOU E., 2000] qui dépendent de ce Ministère sont : • L’Entreprise Publique d ‘Urbanisme et d’Habitat (DEPOS) • Fondation de Cadastres et de Cartographie (OKHE) • Fondation du Cabinet du Plan Directeur et de la Protection de l’Environnement d’Athènes • Fondation du Cabinet du Plan Directeur et de la Protection de l’Environnement de Thessalonique. • Caisse Spéciale d’Application des Plans Directeurs Urbanistiques (ETERPS) • Cadastre Société Anonyme Depuis 1994, les lois relatives aux municipalités changèrent dans le sens d’un élargissement des compétences des collectivités locales. La politique de l’Etat en ce qui concerne les Politiques Urbaines et environnementales va de pair avec les nouvelles Discussion Paper Series, 2003, 9(20) 472 Eleni Stamatiou-Lacroix, Lydia Sapounakis –Drakakis réalités (la décentralisation plus forte du système administratif - 1994), et les programmes de la Communauté Européenne qui s’adressent non seulement au pouvoir central mais aussi aux collectivités locales. Dorénavant, outre le fait que l’allocation des fonds n’est plus distribuée directement à l’Etat par la Communauté Européenne, et bénéficie ainsi directement aux localités et communes. Les municipalités ont une autonomie accrue notamment dans le cadre du plan Directeur de Villes, élaboré en collaboration avec les mairies et par lequel il est possible pour les municipalités d’avoir une mainmise directe sur leur politique d’habitat, comme par exemple pour les sans abris ou la localisation des établissements scolaires primaires et secondaires. Il faut noter qu’aujourd’hui il y a une forte collaboration entre les Municipalités et des acteurs extérieurs comme les groupes pour la protection de l’environnement, etc. [TABLEAU 2]. Il faut souligner le rôle primordial du Ministère dans la gestion du développement du pays ainsi que dans la Planification de l’Espace Urbain et de l’Environnement, en particulier en ce qui concerne le développement durable et l’équilibre territorial de la Grèce [STAMATIOU E., 2000]. Ce Ministère définit des objectifs, intervient pour protéger l’environnement bâti ou naturel : • Fortifier le rôle des services centralisés du Ministère • Fortifier le rôle des régions afin de diminuer les disparités locales • Diminuer l’exode rural et les migrations de la population afin d’obtenir une répartition harmonieuse de la population – par exemple prendre des mesures économiques, sociales et culturelles pour fortifier les petites villes des îles isolées et des villages frontaliers. • Constituer des zones de production – par exemple des parcs industriels etc. • Protéger, réhabiliter, l’identité de l’aspect architectural, historique et culturel des villes et des villages etc. • Durant les cinq dernières années (1996-2003) la politique du Ministère [TABLEAU 3, SCHEMA 1] c’est concentré sur les points suivants : • Politique urbaine (Planification Urbanistique, programmes pour la protection du patrimoine architectural en collaboration avec le Ministère de la Culture, Codification des lois sur l’Urbanisme, etc.) . • Politique d’habitat (programme pour des villes ayant un développement durable, programme pour le logement dans les différentes régions de la Grèce, politique sur l’économie des sources d’énergie appliquées a l’habitat, approbation des maisons préfabriquées) • Politique de construction de bâtiments (normes pour handicapés, etc.) • Politique d’Aménagement du territoire (actions nationale et internationale – comme par exemple les programmes URBAN, INTEREG, ESTIA, ESPON, etc., UNIVERSITY OF THESSALY, Department of Planning and Regional Development Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce 473 Plans régionaux par exemple les études des conséquences spatiales de travaux financés par le fond structurel de la Communauté Européenne, Formation d’un réseau national de rassemblement de données sur l’aménagement du territoire) • Politique pour l’Environnement (Expositions – par exemple NATURA 2000, Convention RAMSAR, etc., programmes et Actions – par exemple études LIFE, Programmes d’éducation sur l’Environnement – par exemple participation au programme GLOBE, etc.) • Travaux Publics (Grands travaux pour le développement de la Grèce du nord ouest et grands travaux portuaires, cadastres nationaux, etc.) • Grands Travaux (Attiko Métro, Aéroport d’Athènes a Spata, etc.) • Travaux de la Région d’Attique (Unification des sites archéologiques), etc. • Participation a des réseaux Internationaux (harmonisation de la législation sur l’Environnement, etc.). • Travaux d’infrastructure technique en préparation des Jeux Olympiques d’Athènes et autres Travaux d’infrastructure. 3. Le mouvement pour l'environnement Les organisations les mieux structurées de protection de l’environnement ont fait leur apparition à la fin des années 1970. Jusqu’alors, le mouvement se fondait sur le bénévolat. Les premières voix à s’être élevées contre les conséquences d’un développement économique et urbanistique incontrôlé dans l’espace grec s’étaient fait entendre dès les années 192017. Il convient de noter que dans le droit de l’urbanisme de l’État hellénique nouvellement créé, la protection de l’environnement avait fort peu de place et n’apparaissait que de manière indirecte, dans le décret royal (daté du 3-4/15-51835) portant sur la salubrité de la construction, des villes et des villages, qui resta en vigueur jusqu’au début des années 1920, où fut publié le décret législatif du 17-7-1923, d’importance capitale, portant sur le plan d’urbanisme et qui avait pour but de garantir la salubrité, la sécurité, l’économie et l’esthétique des villes. La caractéristique principale de ces premières voix fut leur isolement. Au début, il ne se trouva personne pour accorder la moindre importance à quelques personnalités, 17 e Au cours de la même période, dans le cadre du 4 CIAM (Congrès international d’ Architecture Moderne), à la charte d’Athènes de 1933, manifestement influencée par les courants socio-politiques dominants de l’entredeux-guerres, proclamait le respect des besoins vitaux de l’homme, l’opposition à la spéculation et l’exigence d’une utilisation de la terre favorisant des niveaux de vie satisfaisants, dont la précision (logement, emploi, loisirs et circulation) constitua l’approche la plus notable jamais faite de la philosophie urbanistique moderne, marquée par un tournant indispensable en direction de la protection de l’environnement. Discussion Paper Series, 2003, 9(20) 474 Eleni Stamatiou-Lacroix, Lydia Sapounakis –Drakakis scientifiques ou non, considérées comme des utopistes, des réactionnaires qui négligeaient les problèmes fondamentaux du pays qu’étaient la pauvreté, le manque de démocratie, l’exploitation mise au service d’intérêts de classe tels que l’esthétique du paysage. Leur contribution à l’adoption de la loi nº 4173/1929, qui fut le premier texte à reconnaître la nécessité de protéger et de préserver l’environnement naturel18, et au classement, en 1937, de certaines régions comme parcs nationaux – les premiers exemples en ayant été l’Olympe et le mont Parnasse19 – fut cependant considérable. Les organisations pour l’environnement firent donc leur apparition sous la forme de groupements de personnes, plus ou moins nombreuses, que préoccupaient les problèmes qui avaient commencé à se faire jour, mais aussi ceux qui se profilaient comme devant menacer à l’avenir l’environnement naturel, comme l’exploitation anarchique des ressources naturelles et les interventions irrationnelles de l’homme dans l’environnement. La compréhension de l’enjeu capital que représentait la protection de l’environnement fut le fait de personnes sensibilisées à la culture, dotées de sens esthétique, et provenant essentiellement de classes sociales moyennes ou supérieures quant aux revenus et à l’éducation. Cet intérêt prit surtout la forme d’associations d’amis de la nature (Union des amis de la forêt, associations d’alpinistes, etc.), qui aboutirent à la création de la Société hellénique pour la protection de la nature (en 1956), de la Société hellénique pour la protection de l’environnement et du patrimoine culturel, de la Société hellénique de recherche et de contrôle de la pollution des eaux, du sol et de l’air, mais aussi de groupes scientifiques tels que la Société hellénique de contrôle de la pollution. Ces organisations étaient toutes à but non lucratif. Leurs membres étaient des bénévoles, jouissant d’une certaine aisance financière et apportant des contributions personnelles sous forme de mécénat. La structure de ces associations d’amis de la nature était celle du club, assortie d’un certain caractère mondain. Elles faisaient connaître leurs opinions sur la sauvegarde de la nature en organisant des réceptions où avaient lieu des quêtes au profit de leurs objectifs. Leurs membres, qui, comme nous l’avons dit, provenaient de couches sociales supérieures, parvenaient à influencer les responsables dans le sens de la promotion des questions environnementales par le truchement des relations amicales et des contacts sociaux (lobbying). 18 Bien entendu, on ne saurait nier l’influence exercée en ce domaine par les pays occidentaux plus e développés, où s’était amorcé dès la fin du XIX siècle un système, rudimentaire au départ, puis plus élaboré, et essentiellement étatique, de protection des paysages naturels. Le premier parc national avait été créé en 1864 aux Etats-Unis, dans le but de protéger un certain type de flore menacé par la coupe intensive, à Yosemitte, en Californie, suivi en 1872 par la création du parc national de Yellowstone, sur une étendue de 2 8 000 km [STAMATIOU E., 1997]. 19 Le choix des deux massifs montagneux de l’Olympe et du Parnasse pour en faire des ‘’parcs nationaux’’ résultait de leurs attaches avec la mythologie grecque ancienne en tant que résidence des douze dieux et des neuf muses respectivement. UNIVERSITY OF THESSALY, Department of Planning and Regional Development Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce 475 À cette époque, il n’y a pas de mouvement organisé en faveur de la sauvegarde de l’environnement naturel ; en conséquence, les actions entreprises sont isolées et sporadiques. La pression exercée sur le système politique par les nouveaux mouvements sociaux et écologiques, en tant que porteurs d’une ‘‘contestation sociale ’‘, entraîne une interprétation nouvelle des règles, la création de notions nouvelles, une redéfinition de l’action individuelle et politique, si bien que nous passons à une phase plus organisée au cours des années 1970. Il mérite d’être souligné que ces organisations parvinrent à faire prendre conscience de la nécessité, pour l’Administration, de protéger l’environnement20. Le résultat en fut la rédaction de textes de lois et de décrets en vue d’assurer la protection des forêts et des étendues boisées en général, ainsi que la sauvegarde des édifices et agglomérations traditionnels. L’aménagement du territoire devient un souci majeur du législateur constituant, tandis que les prescriptions concernant l’urbanisme et le développement des régions en matière de construction ne cessaient de s’enrichir21. Ces dispositions légales assurent de manière directe la protection de l’environnement naturel et bâti (comme à Hydra, à Molivos), combinée à un développement économique (tourisme étalé sur toute l’année) garanti par le fonctionnement planifié et organisé des agglomérations traditionnelles et la préservation de leur beauté spécifique. Mais au-delà des succès remportés par les groupes attachés à la protection de l’environnement et autres amis de la nature, la prise de conscience et la mobilisation de la société en matière environnementale sont, d’une manière générale, peu importantes. La sensibilité à l’environnement se limite essentiellement au secteur conservateur, avec des alliances entre cadres ou individus (et non pas au niveau des partis) appartenant aux domaines politiques conservateurs, sans véritable écho dans la société. Les forces progressistes s’intéressent aux problèmes sociaux et idéalisent le développement, sans dissimuler leur mépris pour les conservateurs et les actions qu’ils entreprennent en faveur de la nature et de la préservation du paysage. L’argument principal de cette opposition consiste à dire que par leurs modes d’actions (réceptions avec quête), les conservateurs joignent ‘‘l’agréable à l’utile (socialement) ’‘, en se contenant d’embellir leur attitude réactionnaire. En réponse à ces critiques, les organisations affirment leur caractère non lucratif tout en soulignant leur impartialité politique, et tentent de conférer une dimension sociale aux questions d’environnement, dans la perspective d’un combat 20 Dès le début de ce siècle, le service compétent pour la protection des beautés naturelles du pays fut le Ministère de l’Agriculture. Pour ce qui est plus particulièrement de la protection des forêts, c’était la Direction des forêts du même Ministère, qui veillait à ce que les paysages qui attiraient les visiteurs et les lieux de villégiature estivale et hivernale ne soient pas dégradés. Mais on note également que la protection des monuments tels que les arbres multiséculaires de l’oliveraie d’Athènes, qui dataient de l’Antiquité, relevaient de ce Ministère. 21 La Constitution de 1975 s’avéra d’une importance décisive – ne serait-ce que sur le plan institutionnel – pour la protection de l’environnement. À son article 24, elle définit le rôle de l’État en tant que régulateur de l’organisation de l’espace et en particulier de la protection de l’environnement naturel et culturel. Discussion Paper Series, 2003, 9(20) 476 Eleni Stamatiou-Lacroix, Lydia Sapounakis –Drakakis qui se situerait au-delà des clivages politiques et se mènerait au profit de l’ensemble de la communauté sociale. L’intérêt pour l’environnement se renforce vers le milieu des années 197022, comme le montrent les vagues de protestation contre de grands projets de développement ayant un impact sur l’environnement. Entre 1973 et 1981 eurent lieu au moins huit mouvements de vaste ampleur ainsi que de dizaines de moindre portée, auxquels prirent part des sociétés savantes comme la Société hellénique pour la protection de la nature, la Société d’ornithologie ou l’Association des écologistes grecs. Ce processus donna naissance à divers groupes environnementaux ‘‘alternatifs ’‘ sur l’ensemble du territoire. On estime qu’à partir de 1974 se sont constitués plus de 200 groupements environnementaux et écologiques, qui ont contribué à une mise en valeur et une prise de conscience des principaux problèmes concernant l’environnement (comme la pollution atmosphérique à Athènes, la pollution du golfe Saronique, etc.). La décennie des années 1980 est celle où l’on observe l’essor le plus marqué dans le domaine des groupements attachés à la défense de l’environnement. Au cours des années 198023, l’apparition de l’écologie sur le plan politique témoigne de certains changements, qui survinrent progressivement. La pollution de l’environnement fut à Athènes l’un des principaux thèmes des programmes des grands partis politiques et de leurs coalitions électorales. Les membres des organisations écologiques soutiennent désormais que l’environnement est l’espace dans lequel nous vivons, c’est-à-dire les conditions naturelles, sociales, économiques [SKOURTOS M., SOFOULIS K, 1995]24. Par le progrès technique, la concentration dans les centres urbains, le rythme de la vie moderne, l’indifférence pour autrui, les conflits entre intérêts économiques, nos avons provoqué non seulement une pollution mais aussi, d’une manière plus générale, une 22 L’institution, par la loi 360/76, du Conseil national de l’aménagement du territoire et de l’environnement, par excellence compétent pour la politique environnementale et pour l’homologation et le contrôle de l’ensemble des projets urbains ou régionaux et pour les programmes de protection de l’environnement, a été la première tentative systématique de créer un organe de coordination des organismes gouvernementaux co-compétents pour les questions d’environnement. Son fonctionnement reposait sur la représentation en son sein de tous les Ministères connexes. Vers la même époque a été adoptée la loi 996/71, qui a modifié les dispositions concernant les parcs nationaux, le creusement de carrières, l’installation d’unités industrielles, etc. 23 Le Ministère de l’Aménagement du territoire, de la construction et de l’environnement, institué au début des années 1980 en remplacement du Conseil national de l’aménagement du territoire et de l’environnement, fut reconstitué en 1985 comme Ministère de l’Environnement, de l’aménagement du territoire et des travaux publics, service administratif central responsable des les questions d’environnement. La Direction générale de l’aménagement du territoire et de l’environnement de ce Ministère est essentiellement compétente pour la politique de protection environnementale, pour la stratégie et la planification en ce domaine et pour l’approche globale de la gestion des ressources terrestres. Le Département de la planification environnementale et le Département de la pollution atmosphérique et sonore sont compétents pour les problèmes d’environnementen général. Pour les années 1950 aux années 1960 voir L. Sapounaki-Dracaki et H. Stamatiou, ‘’L’ évolution de l’ administration publique en matière de planification spatiale à travers les temoignages de cadres de la haute fonction publique. Des années 1950 aux années 1960’’ Minutes du Colloque Scientifique, L’ Urbanisme en Grèce entre 1945 et 1974. Volos, 3-4 Décembre 1999 (à apparaître). 24 M. Skourtos et K. Sofoulis, La politique pour l’ environement en Grèce, Athènes 1995. UNIVERSITY OF THESSALY, Department of Planning and Regional Development Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce 477 dégradation de l’environnement dont les conséquences sur la santé corporelle et psychique des individus sont très graves. La philosophie et les ambitions fondamentales des organisations non gouvernementales pour l’environnement étaient et demeurent très profondément opposées au développement. La réorientation des modèles de développement et l’introduction d’idées nouvelles vont de pair avec la familiarisation et l’éducation des organes de l’État et des citoyens aux principes fondamentaux. Ont été adoptés, en gros, les principes généraux de la Communauté européenne sur le renforcement de la participation publique à la politique de l’environnement. En l’absence de mouvement social de grande ampleur, l’Union européenne représente un précieux allié potentiel. L’ensemble de ces activités se rangent sous l’appellation générique de ‘‘politique écologique ’‘. On pourrait classer dans la mouvance de la politique écologique tout d’abord les ‘‘écologistes ’‘ et les ‘‘spécialistes du développement ‘‘, en ce sens que c’est à eux que revient le mérite d’avoir provoqué la grande rupture avec la science traditionnelle et la ‘‘crise de l’environnement ’‘.25 Les écologistes étaient des groupes fluctuants, provenant de la gauche et souvent alliés à des groupements extraparlementaires ; ils ont envisagé le problème de la pollution comme un produit du mode capitaliste de production. À l’inverse des groupes environnementaux traditionnels, qui étaient liés aux cercles les plus conservateurs, ils pensaient que les problèmes supplémentaires qu’entraînait, du fait de la pollution, l’activité économique, devaient être abordés uniquement par les parties intéressées, dans des négociations librement menées. Le développement économique, l’accroissement de la richesse et du bénéfice des entreprises, la quantité totale des marchandises ne sont pas identifiables au développement de l’ensemble de la société. À Athènes, le nuage de pollution s’est installé de manière définitive dans le ciel attique et se déploie non seulement sur la ville mais jusqu’à des banlieues naguère encore propres. L’eau de mer, autour des ports notamment, est de plus en plus polluée. Cette pollution s’étend peu à peu vers le sud, jusqu’aux plages de Glifada (Votsalakia, Alimos, Glifada). L’accroissement de la population entraîne la pollution ou l’épuisement des ressources parce qu’un surplus démographique exige une exploitation plus intensive des matières premières ou un développement technologique accru, dont la pollution est un effet secondaire. Exemple significatif : l’augmentation du nombre des véhicules, avec pour conséquence inéluctable celle des gaz d’échappement. Athènes est désormais le centre urbain qui accueille le plus grand nombre de nouveaux arrivants, suivie de Thessalonique. Leurs banlieues se sont depuis longtemps métamorphosées en zones ouvrières industrielles, du fait de l’hyper concentration des 25 D. Papaioannou. Introduction a la science de l’ environnement, Athènes 1997 (notes dactylographieés) Discussion Paper Series, 2003, 9(20) 478 Eleni Stamatiou-Lacroix, Lydia Sapounakis –Drakakis industries. Il s’est accompli un mouvement d’émigration intérieure en direction de ces centres, le but principal étant l’absorption de la population active dans les usines. Conséquence logique, des agglomérations ont surgi dans les environs de ces usines, occupant tous les espaces libres sans planification ni prévision d’espaces verts et d’infrastructures. L’activité industrielle crée des charges supplémentaires qui ont un coût pour les habitants, à savoir la pollution de la région. Ce coût prend la forme d’une chute des prix des biens immeubles dans ces régions et de l’absence d’espaces libres et de verdure. Ainsi l’installation d’une ou plusieurs unités de transformation dans une région exerce-telle une double influence sur les centres urbains. D’un côté, elle attire à elle le tissu urbanistique, et de l’autre, elle le dévalorise. Les organisations protestataires de masse, impliquant la participation de la population locale, s’opposent à la création de nouvelles industries, à l’émigration intérieure arbitraire, hors de toute planification, sans construction de maisons, ainsi qu’à la création d’agglomérations à proximité des usines. Le but du mouvement pour l’environnement était de mobiliser des moyens de pression contre cette politique, d’assurer un meilleur aménagement du territoire, de s’opposer à certains ouvrages et à des intérêts économiques d’entreprise. Les études mal menées par les gouvernements, concernant l’impact sur l’environnement, ont poussé les populations locales à exiger non seulement la modernisation des industries mais aussi leur départ complet de la région. Par exemple, les habitants de Keratsini, invoquant la pollution, ne se satisfont plus de mesures destinées à assurer le fonctionnement convivial des installations de l’Entreprise publique d’électricité, comme par exemple la pose de filtres, mais exigent le déplacement intégral de l’usine, réclamant au fond non seulement un environnement meilleur mais aussi une meilleure qualité de vie et la prise en compte de leurs intérêts économiques et sociaux. Le sujet requiert en soi une critique pluridimensionnelle de l’action sociale et politique, exprimée par les organisations de cette période. C’est ainsi que se créent des sociétés scientifiques pour la protection de l’environnement, des sections nationales d’organisations internationales non gouvernementales pour l’environnement, comme le World Wildlife Fund, Greenpeace, le PAKOE (Centre hellénique de recherches écologiques) mais aussi ERYEA (Société hellénique de recherche et de contrôle de la pollution des eaux, du sol et de l’air), apparue au cours de la première phase avec une structure originale qui s’intègre de manière plus appropriée à cette période présente.26 Le trait caractéristique des organisations des années 1970 est le lien établi entre écologie et société, écologie et politique. Un développement adapté devrait se préoccuper d’envisager de manière équilibrée tous les secteurs, de sorte à éviter des phénomènes tels que l’épuisement des ressources naturelles, l’intrusion violente du 26 D. Papaioannou et L. Sapounaki-Dracaki, op-cit, 208, 213-215 UNIVERSITY OF THESSALY, Department of Planning and Regional Development Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce 479 ciment dans les espaces de verdure, les excès dans la production et dans consommation. Une société écologiquement mûre mettrait l’accent sur la notion qualité et non de quantité, et exploiterait ses particularités culturelles et autres sollicitant les citoyens, qui devraient participer et contrôler le processus développement. la de en de Les divers groupes et mouvements écologiques qui se constituent dans l’ensemble de la Grèce, en dépit de l’aspect fluctuant qui les caractérise et de leurs divergences d’opinion sur bien des points, déploient une activité sociale variée et des interventions dans de nombreux secteurs, fonctionnant de manière exemplaire en matière de recyclage, de consommation, de technologie, etc., obligeant, par les pressions qu’ils exercent, les collectivités locales à prendre des mesures favorables à l’environnement. À titre indicatif, en collaboration avec des habitants lésés, ils ont empêché certains travaux concernant une usine de ciment à Methana, des chantiers navals à Pylos, un aéroport à Pachi, etc. Malgré l’écho considérable rencontré dans les médias, le mouvement écologique de Grèce, dans sa majorité et à l’exception de quelques cas, n’a pas montré les formes de lutte spectaculaires que se plaisent à diffuser les dits médias. Mais pour ce qui est de leur influence, peu d’organisations ont réussi dans d’autres pays du monde à arrêter des travaux d’une ampleur comparable au détournement du cours de l’Acheloos, comme ce fut le cas en Grèce. Pendant les années 1980, le mouvement écologique grec vit sa phase d’’‘environnementalisme doux ‘‘ et atteint sa maturité, abandonnant le simple souci de la protection de l’environnement ou le liant à la notion de société et aux autres problèmes de celle-ci. Y a contribué, hormis les changements politiques et sociaux intervenus, l’expansion de couches sociales sensibilisées et informées, grâce à la multiplication des publications en ce domaine, à la traduction en grec de textes classiques de politique écologique, à la diffusion de revues écologiques et à l’introduction dans l’enseignement secondaire de l’éducation écologique. Le mouvement écologique grandit en qualité et en quantité et lutte non seulement pour la protection de l’environnement mais aussi pour la promotion d’un mode de vie différent, ‘‘alternatif ’‘. Une conception nouvelle du rapport à la nature, au travail, au temps libre, au pouvoir, qui conteste le rationalisme technocratique dominant, conquiert la pensée et influe sur les pratiques quotidiennes d’un nombre de plus en plus important de citoyens, qui mettent en doute de manière concrète, quoique inorganisée, l’idéologie dominante du ‘‘développement ’‘ sans limites. 27 À la fin des années 1980, à l’occasion des consultations électorales successives, les groupes dispersés de l’écologie politique constituent la fédération des organisations 27 Voir base de donnés consernant l’ évolution du mouvement pour l’ environement basés sur des interviews avec les responsable, des organisations. Discussion Paper Series, 2003, 9(20) 480 Eleni Stamatiou-Lacroix, Lydia Sapounakis –Drakakis alternatives écologiques et le Parti politique des Verts (‘‘écologistes - alternatifs’‘), qui a réussi à faire élire un député aux élections de novembre 1989 et d’avril 1990. Malheureusement, il y avait une énorme disparité entre le député élu et les cadres expérimentés qui avaient mené à terme le processus de constitution politique du secteur écologique. Le député prit peu à peu ses distances, jusqu’à la dissolution de la fédération. Les aventures de la fédération ramenèrent le mouvement écologique au niveau d’avant 1989, c’est-à-dire aux groupes dispersés qui, sous le coup de la déception de l’échec de la ‘‘fédération ’‘, connurent un déclin certain. Entre temps, un nouveau style d’organisations écologiques avait surgi, celui des ‘‘professionnels ’‘. Leurs membres, jusque là récemment bénévoles, exploitent des sources de financement, notamment des programmes européens liés à l’environnement, et se mettent à s’occuper de manière professionnelle de l’environnement, tout en poursuivant leurs activités politiques bénévoles. Dans le même temps, des organisations écologiques internationales telles que Greenpeace, le WWF et ‘’les Amis de la Terre’’, créent des annexes en Grèce avec un noyau de professionnels entourés de bénévoles. Ces organisations nouvelles savent mieux jouer le jeu des médias et mènent des actions spectaculaires ou des campagnes de publicité qui réussissent à les faire connaître.28 4. Conclusion La Grèce, au cours des années 1980, est entrée, en divers aspects, dans une période de transition. Les changements intervenus dans la politique urbaine ne marquent cependant pas un revirement radical, mais s’insèrent peu à peu et avec difficulté dans les politiques publiques d’un Etat qui ne se débarrasse pas de son caractère traditionnellement bureaucratique et centralisateur. Le modèle qui a prévalu après la seconde guerre mondiale, et dont les origines remontent au XIXe siècle, est encore, à peu de choses près, celui qui domine. Ce modèle est issu d’une interaction de facteurs historiques, économiques, politiques et sociaux dont une évocation rapide est nécessaire à la compréhension de la situation actuelle. Premier de ces facteurs, et sans doute le plus important, le découpage foncier du territoire grec remonte à la création de l’Etat hellénique, et, malgré les évolutions qu’il a pu connaître, contribue à expliquer, de par la dispersion sociale qu’il a entretenue, les différences entre les réalités urbaines grecque et occidentale. Ainsi, par opposition au dynamisme qui caractérise l’intervention urbaine de la plupart de Etats libéraux, on peut observer en Grèce une constante prise en compte des intérêts de la petite propriété, 28 Pour des comparaison, voir P. Rawcliffe, Environmental pressure groups in transition, Manchester 1998 (Serie: Issues in Environmental Politics). UNIVERSITY OF THESSALY, Department of Planning and Regional Development Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce 481 dont l’aboutissement était une réglementation favorable à la pérennité et à la reproduction de cette dernière. Ce phénomène est renforcé par la prégnance de la nature clientéliste de la relation administration administrés, qui a dominé de l’indépendance à la fin de la dictature et, dans une certaine mesure, existe encore aujourd’hui. Le système de “land agreement”, hérité du roi Othon, tout comme le système de construction, qui date de l’après guerre, relèvent encore largement de ce mode de fonctionnement. De plus, la pratique urbaine et la législation adoptées lors de la reconstruction du pays, dans les années 1950, s’inscrivait en partie dans les instruments utilisés par l’Etat providence dans une politique de régulation sociale en faveur des classes défavorisées, en particulier par la légalisation de petites habitations apparues spontanément et par la clarification des limites des propriétés. Un autre facteur est la position des différentes parties de la population, en particulier des propriétaires et des acteurs déterminant les directions politiques quant à la gestion de l’espace. On a ainsi assisté à la formation d’un consensus aboutissant à la légalisation de pratiques illégales, et dont la conséquence fut la persistance de constructions arbitraires, de découpages incohérents, et de bâtiments hors schémas légalisés ex post. Après la guerre, le besoin de reconstruction et l’expansion économique qui s’en suivit orienta la politique grecque d’aménagement du territoire dans une logique favorable au développement de l’industrie, au détriment de l’habitat, condamnant ce dernier à se baser sur l’épargne privée et à s’inscrire dans des infrastructures urbaines quasi inexistantes. Dès lors, l’exode rural qui, au début des années 1960, fit affluer une population toujours plus nombreuse vers Athènes ne pouvait que faire augmenter de façon exponentielle les problèmes liés à l’espace urbain; et la situation fut encore aggravée par l’absence de planification et le manque d’une réflexion globale s’inscrivant à long terme. Tout ceci ne pouvait avoir comme conséquence que les problèmes environnementaux, dont la prise de conscience tardive amena à la situation, unique en Grèce, d’Athènes au début des années 1980. Il est à remarquer, à propos de cette évolution, que l’Etat n’a que rarement exercé ses prérogatives, tant en ce qui concerne l’élaboration des plans que dans le choix des zones d’habitation. Depuis peu, les autorités grecques tendent néanmoins à s’imposer dans la gestion des grands espaces urbains, par des mesures de protection de l’environnement et par des grands travaux de construction d’infrastructures (aéroport de Spata, métro d’Athènes, Jeux Olympiques d’Athènes 2004 - certains desquels travaux pour les Jeux Olympiques subissent une critique pour leur impact sur l’environnement naturel et culturel et l’harmonie avec le paysage, etc.). Enfin, le facteur le plus récent d’impulsion dans la détermination des politiques publiques en matière d’aménagement urbain est une amélioration de la vision de la ville du fait du travail de structures culturelles et d’un effort notable dans la conception des schémas urbains. On peut en effet relever une dynamique de changement nouvelle qui se manifeste dans des travaux aussi divers que le programme d’unification des sites archéologiques d’Athènes, la réhabilitation des quartiers historiques (dont Plaka) ou le Discussion Paper Series, 2003, 9(20) 482 Eleni Stamatiou-Lacroix, Lydia Sapounakis –Drakakis programme européen URBAN. Cet élan nouveau est également soutenu par la participation facilitée du secteur privé à l’urbanisme, par l’intermédiaire d’institutions paritaires issues d’un processus de modernisation de l’administration. Cet “urbanisme privé” conduit à un environnement bâti beaucoup meilleur que celui issu d’un urbanisme étatique conventionnel. Bibliographie ANGELIDIS Μ. (1991), Planification des Villes, Ecole Polytechnique d’Athènes, Athènes (en Grec). LAGOS D. (1996), Développement du Tourisme et Environnement Construit , Minutes du Colloque Scientifique Développement Régional, Aménagement du territoire et Environnement dans le cadre de l’Union Européenne, Association des Régionalistes Grecs - Revue d’études urbaines et régionales ΤΟPOS, τome ΙΙΙ, Athènes (n Grec). COCCOSSIS H., MEXA A., (1996) Rapport National de la Grèce, Atelier sur les politiques du Développement durable des Zones côtières de la Méditerranée, île de Santorin, Grèce, 26-27 Avril, Ministère de la Planification de l’environnement et des Travaux Publics, Athènes, 1996 (en Anglais). LOUKAKIS P., La ville grecque contemporaine, Archéologie, 65 (Décembre 1997), 54-62 (en Grec). PAPAIOANNOU D. (1997), Introduction à la science de l’environnement, Athènes 1997 (notes dactylographiées) (en Grec). PAPAIOANNOU D., SAPOUNAKI-DRACAKI L. 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UNIVERSITY OF THESSALY, Department of Planning and Regional Development Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce 483 Tableau 1 Chronologique Sommaire 1830 1832 1833 1834 1835 1862-80 1864 1878 1881 1912-13 1914 1918 1923 1925 1925 1934 1936 1936 1937 1940 1941 1944 1945 1946 1949 1950 1951 1954 1961 Indépendance de la Grèce - Signature du traité de Londres Le Royaume de Grèce est limité au Nord par les Golfes de Volos et Arta La loi sur les municipalités est votée Le Ministère de l'Intérieur est responsable des travaux d'architecture et d'urbanisme Athènes est choisie comme Capitale Le Bureau des Finances Publiques dépend du Ministère de l'Intérieur et devient responsable des travaux d'architecture et d'urbanisme. Il se divise en deux départements : architecture et topographie. Loi concernant la spécialisation des ingénieurs et des ouvriers de la voirie Décret Royal sur l'hygiène des bâtiments et plans des villes Construction de l'Ecole Polytechnique Annexion des Iles Ioniennes (Accord de Londres) Au Ministère de l'Intérieur, établissement d'un département des travaux publics Fondation du corps des Ingénieurs Civils Annexion de la Thessalie et de la préfecture de Arta (Congrès de Berlin) Guerre des Balkans Annexion de la Macédoine, de l'Epire, de la Crête et des Iles Egée de l'Est Fondation du Ministère des Transports qui regroupe le service des Travaux Publics et la formation d'un comité pour la modernisation du cadre législatif d'organisation spatiale, le service pour les chemins de fers et enfin celui des télécommunications. Haut Conseil Technique (Ministre A. Papanastassiou) Formation du Comité "Kalliga" pour le Plan d'Occupation des Sols d'Athènes, Kallithéa, Phalère et le Pirée Loi fondamentale régissant l'aménagement du territoire en Grèce et déterminant la forme des plans d'utilisation des sols Formation d'un "service plan de ville", à la Municipalité d'Athènes, sous tutelle du Ministère du Transport On supprime le comité Kalliga/Dictature de Pagalos Comité supérieur d'urbanisme, dépendant du Ministère des Transports, chargé de l'image d'Athènes Formation d'un nouveau Ministère de l'administration de la Capitale (Ministre : M. Kotzias; Dictature de Métaxas) Etablissement du Haut Conseil d'Urbanisme, dépendant du Ministère de l'administration de la Capitale et on supprime le Comité supérieur d'Urbanisme Fondation du Haut Cabinet d'Urbanisme de la Capitale Fondation du bureau d'études et de recherches sur l'aménagement du territoire et l'urbanisme dépendant du Ministère des Travaux Publics (Directeur : K. Doxiadis) Supression du Ministère de l'Administration de la Capitale Fondation du Ministère de la Réhabilitation d'après guerre, supprimé dans la même année. Formation du Ministère des Travaux Publics Fondation du Ministère chargé de la Coordination (Syntonismou) Formation du sous secrétariat d'Etat de la Reconstruction, dépendant du Ministère des Travaux Publics Le sous secrétariat de la Reconstruction se transforme en Ministère du Logement et de la Reconstruction Suppression du Ministère du Logement et de la Reconstruction. Ses compétences vont au Ministère d'Assistance Sociale Suppression du Ministère de l'Economie Nationale, qui s'intègre à celui chargé de la Coordination Formation d'un seul Ministère des Transports et des Travaux Publics Ce Ministère est à nouveau divisé en deux : Ministère des Transports et Ministère des Travaux publics et Reconstruction qui recouvre les compétences du sous secrétariat du logement et des compétences d'urbanisme. Discussion Paper Series, 2003, 9(20) 484 1967-74 1971 1976 1979 1980 1981 1983 1985 1985 1997 Eleni Stamatiou-Lacroix, Lydia Sapounakis –Drakakis Dictature des Colonels Loi sur l'urbanisme interventionniste Fondation de l’entreprise publique d’urbanisme et d’habitat (DEPOS) Loi sur les zones d'habitat Formation du Ministère de l'Aménagement et de l'Environnement : prise en charge du service d'Urbanisme du Ministère des Travaux Publics, des compétences d'aménagement du Ministère de Coordination qui s'occupe désormais de la planification nationale Entreprise pour le rétablissement urbanistique (EPA) Loi sur l'extension des villes et le développement urbain Unification du Ministère des Travaux Publics et du Ministère de l'Aménagement et de l'Environnement en un seul Ministère de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et des Travaux Publics. Fondation du Cabinet du Schéma Directeur Stratégique d'Athènes Loi des Règlements Généraux de la Construction (G.O.K) Fondation du cabinet du plan directeur et de la protection de l’environnement d’Athènes Fondation de l’organisme de cadastres et de cartographie (OKHE) Loi cadre sur l'environnement (L.1650/1986) Loi 2508/97 ‘‘Développement durable d’habitat’’ UNIVERSITY OF THESSALY, Department of Planning and Regional Development Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce 485 Tableau 2. Planification de l'aménagement du territoire en Grèce L'Etat Decisions Strategiques Regions Decisions Strategiques Regionales Prefectures Decisions Tactiques Municipalitees Decisions Detaillees sur l'occupation des sols Le Ministère YPEHODE comprend deux sections (voir organigramme suivant) : a) Environnement et Aménagement du Territoire, b) Travaux Publics. Discussion Paper Series, 2003, 9(20) 486 Eleni Stamatiou-Lacroix, Lydia Sapounakis –Drakakis Tableau 3. Organigramme du Ministère des Travaux Publics et du Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement (YPEHODE) SOURCE : traduction d’organigramme sous http: //www.minenv.gr UNIVERSITY OF THESSALY, Department of Planning and Regional Development Evolution de la Législation et de la Politique Urbaine en Grèce 487 Schéma 1. Revitalisation et protection du tissu urbain rue piétonne Ermou à Athènes SOURCE : www.minenv.gr (2000) Discussion Paper Series, 2003, 9(20)