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Um outro mundo é possîvel ! Ceci est le résumé d’un compte rendu très subjectif de mon séjour à Porto Alegre, du 23 janvier au 1er février 2003. Je voulais m’y rendre pour participer au 3ème forum social mondial en tant qu’adhérent, plus ou moins actif des associations Les Amis du Monde Diplomatique, ATTAC, Démocratie & Spiritualité et du Réseau d’Ecoles des Citoyens. Etant aussi pratiquant bouddhiste zen, je voulais y rencontrer les autres membres de notre « sangha » sud américaine qui suivent les enseignements de Moryama Roshi. Ne m’étant en définitive pas inscrit formellement comme délégué d’une des associations précitées j’ai participé au FSM en essayant de mettre en application un principe qui m’est cher : « Il ne peut y avoir de transformation collective sans transformation personnelle » ; c’était d’ailleurs le thème d’un atelier de travail lors du 2ème FSM en 2002. Les quelques conférences, tables rondes ou ateliers auxquels je suis allé, parmi les 700 proposés, étaient plutôt dans l’axe « Principes et Valeurs, Droits humains, Diversité et Egalité » (il y en avait cinq autres traitant du développement durable, des médias, du pouvoir politique, de la démocratie mondiale, de la lutte contre la militarisation,…). Voici donc quelques impressions d’ici et maintenant …il y a 3 mois, à Porto Alegre... 24 janvier Lula, nouveau et premier président de gauche du Brésil vient expliquer devant le public de Porto Alegre qu’il va se rendre au Forum Economique (« ennemi ») de Davos pour porter le messa ge des « pauvres » du monde aux « riches » de la planète et créer ainsi un pont entre deux mondes qui divergent de plus en plus. La pauvreté, la faim sont inacceptables dans un monde où les quatre premières fortunes de la planète pèsent aussi lourd que le PIB des 42 pays les plus pauvres. La dette du Tiers Monde a plus que quadruplé en 20 ans pour atteindre 2400 milliards de dollars. Résultat, depuis 1997, le Tiers Monde rembourse davantage à ses bailleurs qu’il ne reçoit d’argent frais. Autrement dit ce sont les pays pauvres qui financent les riches . Atelier « Interdépendance de tous les êtres » animé par la nonne allemande Zuiten de l’Association Zen Bouddhiste de Porto Alegre, assistante de Moriyama Roshi. Y participent également la nonne (zen) Coen de Souza (brésilienne qui, après avoir eu une vie de famille, est partie plusieurs années au Japon pour y être ordonnée par Mysumi Roshi) et le lama (tradition tibétaine) Padma Samtem (physicien brésilien) : On est tous plein d’amour, de compréhension et de paix mais pourquoi est-ce si difficile de l’exprimer ? Nous n’existons que grâce aux autres et pour les autres. Quand on salue quelqu’un, on le respecte et on se respecte ; on le fait exister et on se rappelle à notre existence. Les hommes ne sont pas au sommet d’une évolution de la vie dont les minéraux seraient à la base. Tout est au même niveau et a la même valeur. Le bouddhisme, ce n’est pas apprendre quelque chose que nous ne savons pas mais plutôt se souvenir de quelque chose que nous avons oublié. Interdépendance et solidarité en opposition avec indépendance et individualisme. 25 janvier Atelier sur le Réseau Global de Ecovillages avec Jorge Mello, brésilien : L’équité sociale et l’écologie dans une ville sont intrinsèquement liées comme le sont les inégalités économiques et la pollution de la planète. Table ronde « Les femmes suivant le chemin du Bouddha » avec les nonnes zen Zuiten, Jokei et Coen de Souza, la lama Yeshe, Mestra Sinceridade et Mestre Chueh Kai, nonnes d’origine chinoise vivant en Argentine : Au début et entre les interventions des nonnes un coup de clochette signale le début et la fin d’une minute de recueillement en silence respectée par la centaine de personnes présente dans la salle. Coen Sensei : Problème des nonnes en Chine continentale qui ne représentent que 20% des moines alors que le pourcentage est de 80% à Taiwan. Le bouddhisme n’est pas un mystère, un secret, c’est la vie ! Que l’on soit bouddhiste ou non, il faut penser positif, regarder devant… Jokei présente ensuite son parcours en traduction simultanée par une interprète brésilienne. Elle parle du rôle important pour elle de son maître Josshin Sensei puis de la « souffrance surprise » découverte à son premier retour du Japon et sur laquelle elle a du travailler. Zuiten parle en portuguais, lentement et avec beaucoup de silences puis ouvre rapidement la séance des questions / réponses. Table de dialogues et controverses sur le thème : « Nous sommes face à une crise économico-financière : en quoi consiste cette crise, quelles alternatives existent ? » A Davos, les riches sont tristes et pessimistes ; ici nous sommes optimistes ! La salle applaudit et chante en choeur : Ole ole ole olaaaa Lula Lulaaaaaaaaa ! L’Argentine a déjà assez payé, les exigences du FMI sont irréalisables. La dette doit et sera annulée ! Il faut combattre l’impérialisme américain mais attention aussi aux nationalismes étroits. Il faut poser de nouvelles questions : pourquoi les organisations mondiales ont-elles été créées ? Dans la charte du FMI il n’a jamais été écrit que son rôle était d’influencer la politique des pays concernés. On ne demande pas qu’ils nous prêtent plus d’argent mais qu’ils arrêtent de nous enlever l’argent que nous produisons ! Ole ole ole olaaaa Lula Lulaaaaaaaaa ! Nous voulons la souveraineté alimentaire, car l’Argentine n’est pas indépendante, son agriculture à base d’OGM est dépendante de la multinationale Monsanto. Le capitalisme n’est pas civilisé, le profit passe avant l’humanité. Par exemple les médicaments contre le sida dont les entreprises détentrices des brevets interdisent qu’ils soient vendus en Afrique du Sud comme médicaments génériques. Il faut faire la différence entre les nationalismes agressifs (Israël) et les défensifs (Palestine). L’injustice, les violence s, les dominations existaient avant le capitalisme. Il faut lutter en même temps contre le capitalisme et pour l’humanité. Il faut lutter contre la peste émotionnelle issue du mariage de l’économisme et du puritanisme. Une alternative est la coopération festive. Il est important de maintenir un dialogue avec le peuple américain car la guerre des Etats-Unis au Viet-Nam a cessé grâce aux manifestations de l’opposition intérieure. Ce peuple aujourd’hui a peur, ne sait plus où sont ses amis et ses ennemis et ne sait pas où la guerre le mènerait. Ole ole ole olaaaa Lula Lulaaaaaaaaa ! 26 janvier 5h30 du matin, Dialogue inter-religieux , au bord du lac Guaiba, un chapiteau pour fêter le lever du Soleil avec : Centre culturel islamique, Association chrétienne de Porto Alegre, Association Zen bouddhiste, Eglise évangélique Luthérienne, Eglise catholique romaine, Cultes Afro-Brésiliens, Société israélite, Eglise épiscopale anglicane, Société de la Vie divine (hindouisme), Spiritisme Kardeciste… Table ronde « Paix et valeurs » avec Eduardo Galeano (Uruguay) : « Vous savez quel était le mot le plus utilisé dans la langue des Incas : nosotros , et aujourd’hui celui qui est le plus prononcé dans le monde : Io ! (je en espagnol) » Le sens de la communauté, de la solidarité, est le papa du bon sens. L’économisme n’est plus seulement une religion, c’est devenu un fanatisme. Ole ole ole olaaaa Lula Lulaaaaaaaaa ! 29 janvier Journée zen à Via Zen avec une quinzaine de porto alegriens. Nécessité de refaire fonctionner ma force centripète après l’importante sollicitation de mes forces centrifuges lors de ces derniers jours. 1er février Pour moi, le symbole de ce forum social restera ce kin-hin, qu’avec une vingtaine de personnes nous avons fait derrière Coen Sensei dans la foule du campus universitaire catholique (PUC) et où nous avons croisé un groupe de vénézuéliens hurlant la gloire de leur président résistant Hugo Chavez dans un tintamarre de grosses caisses et de chants révolutionnaires. Je sentais les regards du public un peu étonné par cette cohabitation apparemment paradoxale de l’action et de la contemplation marchant en sens inverse pour une même cause. C’était la vie sous toutes ses formes : bruyante, calme, joyeuse, violente, paisible… Notre marche s’est terminée autour d’un énorme globe terrestre, gonflable et… gonflé, à côté duquel on pouvait lire « Porto Alegre embrasse le monde ». J’étais parti à Porto Alegre avec, dans ma tête, deux « uniformes », celui du militant « attacant » (bien que je ne l’ai jama is vraiment été) et celui du bouddhiste « zen » (débutant). Je ne savais pas lequel des deux j’allais revêtir le plus souvent pendant mon séjour, pensant que c’était deux attitudes difficilement conciliables. Il me semble que ce paradigme de vouloir classifier et séparer les choses, les concepts, que j’ai dans ma tête et qui, peut-être, était aussi celui des deux forums précédents a été sérieusement écorné. La radicalité du mouvement social contestataire a du et pu composer avec une certaine ouverture à la spiritualité. Et, selon moi , cela ne peut que continuer. Oum outro Joël é possîvel! « Aucune mesure, aucune tentative d’intervention demeurant à l’intérieur des paradigmes scientifiques et politiques actuels, n’évitera la grande implosion. Le salut ne peut venir que d’un bouleversement culturel radical, totalement imprévu pour l’instant, mais qui commence à germer dans les mentalités d’innombrables hommes et femmes, emportés par le courant général dans une direction où ils ne veulent plus aller, et même dans l’esprit de certains hauts responsables et décideurs. La gravité de la situation actuelle n’est ni économique, ni financière, ni politique, elle est spirituelle. Elle concerne l’idée même que nous nous faisons de l’homme. » Arnaud Desjardins Joël Huta, Grenoble, le 28 mars 2003.