télécharger l`article

Transcription

télécharger l`article
La fabrication des tubes à
onde progressive de satellites
est un processus long et com
plexe. Avec l’aide du cabinet
Argon Consulting, Thales
Electron Devices a mis en
place avec succès un outil
d’optimisation de la planifica
tion pour faire face aux pers
pectives de croissance de ce
marché. Revue en détail d’un
projet APS réussi où les
divers métiers de l’entreprise
ont été impliqués très en
amont.
THALES
ELECTRON
DEVICES
z
Jean-Louis Gautier,
Directeur des opérations Thales Electron
Devices
et Bernard Segon,
Chef du projet Popas et Directeur Supply
Chain deThales Electron Devices
Radioscopie d’un projet APS
Qui est Thales
Electron Devices?
Thales Electron Devices (2.600 col
laborateurs) est une filiale à 100 % du
groupe Thales. Dotée de huit sites
industriels en France, Allemagne,
lsraél et Chine, la société oeuvre dans
trois domaines : les sources RF et HF,
dont les tubes électroniques (45 %
de l’activité), Radiologie et Ingénierie
(45 %) et Grands Instruments (moins
de 10%).
N~51
a SUPPLY CHAN MAGAZINE
-
MARS20
ans l’espace, per sance régulière. Sur ses sites de Vélizy
sonne ne vous et d’Ulm (Allemagne), Thales Electron
entend crier », pou Devices en a fabriqué plus de 1.000 en
vait-on lire sur 2010. Et l’objectif cette année est d’en
l’affiche d’Alien. A produire entre 1.400 et 1.500. Or les
~ 36.000 km d’alti spécifications de ces TOP ne sont
tude, sur l’orbite jamais identiques d’un satellite à un
géostationnaire des satellites de télé autre. Il s’agit d’une production à l’af
coms, personne ne vient non plus faire, en petites séries. Parallèlement,
réparer C’est pourquoi un industriel au fur et à mesure que la technologie le
comme Thales Electron Devices (voir permet, la demande et le mix produit
encadré ci-contre) se voit « condamné» évoluent en englobant chaque fois
à une exigence de qualité extrême de des tubes fonctionnant dans des fré
ses produits spatiaux, en l’occurrence quences de plus en plus élevées : bande
les tubes à onde progressive (TOP). Ces Ku forte puissance, bande Ka moyenne
équipements de haute technologie puissance, bande Ka forte puissance et
amplifient les signaux télécoms. Le bientôt la bande Q (30-50 GHz). « Plus
marché des tubes spatiaux, assez fluc la fréquence augmente, plus les dimen
tuant dans les années 90, s’est stabilisé sions des tubes diminuent, ce qui les
début 2000 avant d’entamer une crois- rend d’autant plus délicats à réaliser.
Ce sont des e.rigences techniques extrê
mement fortes », fait remarquer JeanLouis Gautier, Directeur des opéra
tions Thales Electron Devices.
Des goulots sur la partie aval
Face à cette perspective de hausse de
la charge sur les produits plus tech
niques, plusieurs goulots peuvent
apparaître en production aval, ce qui
rend plus difficiles les arbitrages à
opérer dans le strict respect des enga
gements clients. Or le temps est une
composante ultra critique d’un pro
gramme spatial calé sur des dates ina
movibles : disponibilité d’un lanceur,
début de la campagne de tests, etc. Et
outre le fait que le cycle de fabrica
tion d’un tube à onde progressive est
long (six à neuf mois), contrairement
à d’autres industries, il est également
très linéaire, sans aucun parallélisme
possible. Il s’avère donc incompressi
ble (voir encadré ci-contre). « Sur la
partie aval, qui compte une quaran
taine de phases et de multiples ateliers,
la difficulté était de trouver l’adéqua
tion charge/capacité en tenant compte
du fait que nos ressources humaines
peuvent être très différentes en termes
de compétences suivant les tâches
à accomplir et que les ressources
machines, très variées, sont limitées
en nombre », explique Jean-Louis Gau
tier. C’est ainsi que débute, fin 2009,
une réflexion pour améliorer les pra
tiques de planification de production
du site de Vélizy, sous la houlette de
Jean-Louis Gautier, qui fait appel au
cabinet Argon Consulting puis à l’édi
teur de logiciel Ortems. Bernard Segon,
Directeur Supply Chain de Thales Elec
tron Devices, est alors nommé Chef
de projet. « Etant donné le niveau de
contraintes, nous savions déjà que
seule une planification à capacités
finies était satisfaisante, mais encore
fallait-il voir exactement ce que cela
impliquait en matière de processus et
de SI », nous confie-t-il.
Fédérer les outils
et revoir les processus
Le projet comportera quatre phases,
ponctuées chaque fois de validations
de la direction (go/no go) : en plus des
étapes classiques de conception et
d’ajustement sont ajoutées deux phases
.,-~
s—c’
Sur ce satellite indonésien Palapa-D, lancé en 2009,
les AmplificateursTubes à Onde Progressive (ATOP) sont
les ailettes grises situées en bas à droite de la caisse
Thales àVelizy
- ~,-
-
I
!IL~~ ~t
I
t
II
Un cycle de fabrication long et complexe
Un tube à onde progressive utilisé dans les applications spatiales est com
posé d’un canon électrique, d’une ligne à retard et d’un collecteur. Ce
produit extrêmement complexe à 1~briquer doit être d’une fiabilité irré
prochable. Sa fabrication comporte deux grandes étapes. Le processus
amont, qui dure environ deux mois, assemble les différentes pièces méca
niques élémentaires afin de fabriquer l’enceinte à vide. Cette étape peut
être pilotée en grande partie sur la base de prévisions commerciales. La
phase aval se termine par une opération de pompage pour atteindre le
niveau du vide spatial. C’est le point de découplage. Le processus aval,
beaucoup plus long (six à huit mois), ne peut être déclenché qu’après l’en
registrement de la commande client pour connaître précisément les spéci
fications du satellite. Le tube traverse un certain nombre d’ateliers, de bancs
de tests, de réglages avant d’être placé en « essai de durée » pour garantir
sa bonne évolution dans le temps. C’est un processus complètement
séquentiel, très long et qui génère souvent des boucles de retour d’étapes
en amont (appelées rework), quand la Direction technique estime que le
produit nécessite un nouveau réglage, un changement de guide, un nouvel
habillage ou qu’il doit repasser les tests de vibration ou de vide thermique.
Au total, en aval, le produit aura passé une quarantaine d’étapes avant d’être
livré au client.R
MARS 20 I
-
SUPPLY CHAIN MACAZINE• N51~
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Jean-Louis Gautier,
amont bien séparées,
tâches. De son côté, SAP conserve la
Directeur des opérations
l’une de diagnostic,
gestion des données statiques (articles,
Thales Electron Devices
« Nous avons fait
l’autre de cadrage.
nomenclatures, gammes, phases, etc.),
le choix d’une planifi
Pourquoi tant de pré
dont certaines devront cependant évo
cation assez détaillée,
cautions ? La phase
luer pour tenir compte de la granularité.
en descendant à la
de diagnostic (deux
maille jour, mais sans
L’ERP reste maître du calcul de besoins
priorités fines entre 0F»
missions très courtes,
nets MRP-2 (à capacités infinies), effec
~LR.ocj4oN
l’une d’Argon, l’autre
tué en fonction des besoins commer
d’Ortems) vérifie l’oppor
ciaux, mais ces informations sont
tunité de faire évoluer les
qui avait fait ses preuves durant ensuite « descendues » dans Ortems qui
choses. Durant la phase de cadrage,
la phase de maquettage sur la capacité planifie pour chaque 0F des dates de
Ortems réalise en quelques jours une de son APS (Advanced Planning l~t début et de fin, en intégrant les
maquette pour valider avec des données Scheduling System) à intégrer les spéci contraintes de production. II faut égale
réelles la faisabilité technique du projet. ficités de l’activité spatiale de Thales ment travailler sur les interfaces, les plus
C’est aussi l’occasion d’évaluer l’inves Electron Devices, est officiellement standard possibles, entre les deux solu
tissement nécessaire et la volonté de sélectionné. La phase de conception, tions informatiques. Autre modification:
travailler ensemble sur le projet des dif entre septembre 2009 et le printemps le suivi d’avancement des 0F reste dans
férents métiers : Production, Supply 2010, portera sur trois grands domaines: SAP (les informations sont entrées
Chain, Direction technique et Chargés la mise en oeuvre du système d’infor directement en atelier, via des écrans de
d’affaires. « Le diagnostic avait mis en mation adéquat, la refonte des processus saisie), mais il faut y ajouter la notion
évidence qu’il fallait fédérer les outils. de mise à jour des prévisions, de vali de début de phase afin qu’Ortems ait
Mais la mise en place d’un outil n’était dation technique et industrielle et enfin, une vision claire de la charge restante,
qu’une condition suffisante. il fallait le pilotage projet et la conduite du
en distinguant un tube en cours
revoir en parallèle nos processus et nos changement (qui se poursuivra
de traitement d’un tube en
méthodes. C’est le pourquoi de cette
attente. Par ailleurs,
Bernard Segon,
phase de cadrage où les acteurs directs
l’APS d’Ortems doit
Chef du projet Papas et
ont été impliqués dans un certain nom
être alimenté en
Directeur Supply Chain de
bre de groupes de travail afin de definir
informations exté
Thales Electron Devices:
à quel niveau de détail descendre dans
« Durant la phase
rieures à SAP con
de cadrage, les acteurs
l’outil en termes de compétences, de
cernant les appai
directs ont été
ressources machines et de maille de
rages (tubes cons
impliqués afin de définir
temps », affirme Bernard Segon. C’est à
truits par paires, qui
à quel niveau de détail
ce moment-là que s’éclaire le débat
descendre dans l’outil
progressent en paral
en termes de compétences,
entre les tenants de la planification (à la
lèle) et les programmes
de ressources machines et
journée) et ceux de l’ordonnancement
(livraison complète de tous les
de maille de temps »
(maille de temps plus fine, avec notions
tubes d’un même sateffite), deux notions
~LROGNON
de priorités entre les machines). Ce
non gérées dans l’ERP. La granularité
choix de la « granularité n’est pas ano au-delà de la phase de conception). Une des gammes a aussi été revue dans
din, il conditionnera le périmètre du nouvelle architecture du SI est ébau l’ERP, certaines phases étant regroupées,
projet. «Nous avons opté pour une pla chée. « Le diagnostic avait bien mis en d’autres ajoutées. «Pour modéliser la
nification assez détaillée, en descendant évidence la nécessité de créer un réfé planification, il a notammentfallu inté
à la maille jour, mais sans priorités rentiel de gestion de production unique grer des prévisions statistiques des bou
fines entre 0F », poursuit Jean-Louis en lieu et place de trop nombreux cles de rework car elles sont consom
Gautier.
fichiers Excel utilisés par les uns et les matrices de capacités », souligne Ber
autres », glisse Jean-Louis Gautier.
nard Segon.
Un référentiel unique
Fin juillet 2009, le projet est présenté à
la Direction, avec un budget, un plan
ning, une maquette de faisabilité, un
prévisionnel de refonte des processus et
une architecture SI certifiée par la DSI.
Il remporte l’adhésion du Management,
le Directeur de l’activité spatiale de la
société se révélant par la suite un supporteur indéfectible du projet, dénommé
POPAS (Projet d’Optimisation de la Pla
nification de l’Aval du Spatial). La déci
sion de lancement réel est prise. Ortems,
~N’52 I SUPPLY CHA N MAGAZINE - MABS 20
Répartition des rôles dans le SI
La solution d’Ortems a besoin de don
nées que l’ERP existant (SAP) ne gère
pas. Une soixantaine de ressources sont
ainsi identifiées comme devant être
modélisées dans cet outil afin d’alimen
ter en données le moteur à capacité
finies. Les deux tiers sont des ressources
machine intégralement nouvelles. Les
autres sont notamment les niveaux de
compétences des hommes dans l’atelier
et leur aptitude à effectuer certaines
Des prévisions plus formalisées
Parallèlement, le mode de gestion des
prévisions est complètement revu,
comme cela avait été mis en évidence
lors de la phase de diagnostic. Même
si le processus d’élaboration du Plan
Industriel et Commercial (ou SEtOP
pour Sales a Operations Planning) ne
change pas, les prévisions sont beau
coup plus formalisées et sur un hori
zon de 18 à 20 mois. La crédibilité
de l’analyse charge/capacité permet
en outre, lors des réunions SEIOP,
d’étayer la prise de décision vis-à-vis
des clients quand se posent des
problèmes de décalage ou d’inves
tissement en moyens humains ou
machines. En revanche, le projet
modifie les habitudes des opérateurs
en atelier qui sont amenés à entrer de
nouvelles données dans l’ERP lors
des diverses étapes de production.
« Sur la centaine d’opérateurs du site
de Vélizy, nous n ‘avons pas immédia
tement atteint un niveau d’adhésion
très élevé pour appliquer ces nouvelles
règles. Durant la phase d’ajustement,
il a fallu poursuivre les actions de
coaching et de formation », reconnaît
Jean-Louis Gautier. La clé de la réus
site réside d’ailleurs dans la capacité
de Popas à devenir un référentiel
unique, afin que les fichiers d’extrac
tion soient utilisés au quotidien par
le middle management. L’~ astuce *
est d’ailleurs, outre un fort accompa
gnement sur le terrain, de rendre
l’opération quasiment transparente au
niveau de l’interface informatique.
« Nous avons beaucoup travaillé sur
l’ergonomie, afin que les extractions
soient présentées sous forme de
tableaux dynamiques sous Excel extrê
mement conviviaux pour l’utilisa
teur... et qui ressemblent trait pour
trait à ce qu’il avait avant», nous
confie Bernard Segon.
La visibilité en bonus
Depuis mai 2010, le nouveau système
de planification est opérationnel
sur le site Thales Electron Devices de
Vélizy. « Désormais, nous avons une
bonne visibilité des dates de sortie des
produits en cours de fabrication et
du prévisionnel charge/capacité, mais
au-delà, Popas s’est aussi avéré un
extraordinaire outil de mesure de
la performance réelle passée. Nous
sommes capables de connaître, à la
journée près, comment s’est déroulé le
cycle de production de n ‘importe quel
tube sortant de notre usine », se félicite
Jean-Louis Gautier. Une véritable mine
d’or pour la Direction technique qui
peut ainsi surveiller l’évolution des
temps de cycles, d’attente et de pro
duction. Un succès qui devrait se dupli
quer dès cette année sur l’usine alle
mande d’Ulm. JEAN-LUC ROGNON
Banc de montage
III
Salle blanche
• •‘_jI ~
•
.—
f
~
Le projet Popas en bref
Phase de diagnostic : février avril 2009
Phase de cadrage : mai juillet 2009
Phase de conception : septembre 2009 février 2010
Phase d’ajustement :février mai 2010
Budget achat logiciel Ortems et services
(Thales Services,Argon, Ortems) :310 K€
Efforts en interne :310 jours hommes
-
-
-
-
MARS 20
AGAZINE
N51
35

Documents pareils