l`invention de philippe muray : essai d`alexandre
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l`invention de philippe muray : essai d`alexandre
OCTOBRE 11 Mensuel OJD : 60044 Surface approx. (cm²) : 209 N° de page : 85 29 RUE DE CHATEAUDUN 75308 PARIS CEDEX 9 - 01 75 55 10 00 Page 1/1 Une pierre à l'édifice littéraire Pamphlétaire talentueux, Philippe Muray est aussi un écrivain qu'Alexandre de Vitry s'attache à révéler. On sait, depuis Luchini, que Muray est rigolo, fl ne faut pas gâcher son plaisir et renoncer à savourer ses moqueries assassines sur les bobos idiots, les écolos navrants et les sociales sans cervelle. La qualité de ses calembours reste inestimable et l'on attendra longtemps avant que les sociologies contemporaines de la vie quotidienne forgent des concepts aussi puissants que « les mutins de Panurge », « l'envie du pénal » ou encore cette forte remarque que « nuit blanche gravement à la santé ». Alexandre de Vitry a toutefois raison d'attirer notre attention sur le fait que Philippe Muray n'est pas, et encore moins se voulait, sociologue. De même qu'il n'est pas historien, quoique auteur d'un ébouriffant XIXe siècle à travers les âges ! Lorsque ce livre paraît, en 1984, Maurice AguIhon, spécialiste des études sur la révolution de 1848 et gardien du temple des valeurs de la IIP République, Maurice Agulhon, donc, que l'humour n'étouffe pas, parlera d'un « pamphlet haineux » qui « insulte et ridiculise » le « XIXe siècle libéral, républicain, laie et humanitaire ». C'était ne rien comprendre à l'entreprise. D'abord, parce que l'objet de ce XIX1 siècle à travers les âges, comme son titre le laisse pourtant clairement entendre, n'est pas de a faire l'histoire politique, sociale, économique, idéologique de ce siècle. C'est bien plutôt, d'une part, de tenter d'en saisir « l'esprit » et, d'autre part, d'identifier la conception de l'homme qui s'y fabrique, seculo secidorum. L'esprit, c'est l'insolite et inquiétant mélange de fascination pour l'occultisme et de croyance en la raison, c'est Victor Hugo qui chante les promesses du Progrès et fait tourner les tables à Guernesey. L'Homo dïmieuvemis qui, dans ces conditions, se forge, c'est l'homme de l'indifférenciation, l'homme sans passé, l'homme d'après l'Histoire, celui qui se dégradera irréversiblement, au siècle suivant, en Homo festivus englué dans un présent indéfini tel que « rien ne sera plus comme après » ! Ce que montre alors brillamment Alexandre de Vitry, c'est que, chez Muray, cette vision désolée du monde se nourrit de littérature et que sa propre entreprise est tout entière littéraire. Hugo est la réalité du XLXe siècle, Baudelaire, sa vérité, et Muray, un écrivain. n était temps de faire savoir que Muray n'est pas drôle tous les jours et que c'est une raison supplémentaire pour le lire, M. R. - * L'invention de Philippe Muray par Alexandre de Vitry, 288 p, Carnets Nord, 20 € Philippe Muray CARNETS 2552469200524/GTG/AJR/2 Eléments de recherche : L'INVENTION DE PHILIPPE MURAY : essai d'Alexandre de Vitry, Ed. Carnets Nord, toutes citations