Notation GCR, à l`ombre des grands

Transcription

Notation GCR, à l`ombre des grands
marchés financiers
Notation GCR,
à l’ombre des grands
Leader sur le continent avec 60 % des rapports de notation émis, l’agence sud-africaine
devance Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch. Et se veut moins conservatrice.
A lex D uval S mith ,
«
au
C ap
P
our bien travailler sur le continent
africain, il faut connaître le contexte
local. » Melanie Brown a des ambitions pour l’entreprise qu’elle dirige,
Global Credit Rating (GCR). Cette agence de notation, basée à Johannesburg, émet comme tous ses
confrères des notes sous forme de lettres – de A, la
meilleure, à D, la plus mauvaise – pour exprimer
la capacité des États ou des entreprises à emprunter sur les marchés financiers. Numéro un au sud
du Sahara, GCR vise désormais l’Afrique francophone, avec l’ouverture d’un bureau à Dakar en
2011. Elle y promet des analyses mieux informées
et moins coûteuses que celles élaborées par les
grosses pointures telles que Standard & Poor’s
(S&P), Moody’s et Fitch.
Le marché est quasiment vierge : à la différence du Nigeria voisin, qui
compte plusieurs agences locadans son
les de notation, l’Afrique subsaharienne francophone en est en
viseur : l’afrique
effet dépourvue. La décision,
fin 2009, de la Bourse régionale
francophone,
des valeurs mobilières d’Abidjan (BRVM) d’imposer une
où le marché est
note comme préalable à toute
quasiment vierge. émission de titres devrait grandement doper le marché de la
notation. Pour les financiers, les agences sont de
toute façon un maillon clé dans l’essor des économies. « Des investisseurs qui travaillent à l’échelle
mondiale sont à la recherche de repères comparables de marché en marché. D’après leurs statuts,
les fonds de pension ne peuvent s’intéresser qu’à
des investissements notés. L’essor de la notation
est donc une suite logique et nécessaire de l’expan-
PUB
104
sion des économies africaines », estime Michael
Fischer, directeur général de DEG, une institution
allemande de financement du développement
entrée en 2008 dans le capital de GCR. Au Sud du
Sahara, S&P et Fitch ont débuté leur expansion il
y a plusieurs années. La première note surtout les
États. La seconde, en revanche, a adopté un spectre plus large et note, par exemple, les filiales du
groupe Bank of Africa cotées à la BRVM.
LES RAVAGES DES « BIG THREE »
Malgré leur force de frappe internationale,
ces grandes agences ne dominent pourtant pas
le marché africain. « Soucieuses de leur image de
marque, elles tendent à être excessivement conservatrices en Afrique pour éviter l’erreur, explique
Melanie Brown. Elles peuvent par conséquent
effrayer les investisseurs. » Créée en 1996 en tant
que filiale africaine d’une grande agence américaine (Duff & Phelps) dont elle est aujourd’hui
indépendante, GCR publie près de 60 % des rapports de notation en Afrique. Dans le secteur des
assurances, le chiffre monte à 80 %. L’agence a
su s’imposer en Afrique du Sud avant de se développer dans les pays de l’Afrique anglophone. Elle
est désormais implantée à Johannesburg (avec
20 analystes sur place) mais aussi au Zimbabwe,
en Zambie, au Nigeria et au Kenya.
« Nous savons que lorsqu’une société s’installe
dans un autre pays africain, les bureaux peuvent
se retrouver sans téléphone fixe pendant les trois
premières semaines, insiste Melanie Brown. Cela
ne veut pas dire que l’investissement sera mauvais
à terme. À la différence d’un analyste qui vient de
débarquer d’un vol de Londres, nous prenons en
compte ce genre de détails. » À titre d’exemple, la
1/8 page
format total : L = 205 x H = 45
surface utile : L = 185 x H = 25
Jeune afrique hors-série N° 25 n les 200 - ÉDITION 2010
Benedicte Kurzen/VII Network
directrice exécutive cite l’effondrement en 2002 de
la septième banque sud-africaine, Saambou, qui
comptait plus de 2 000 employés et 56 agences.
Elle avait connu des problèmes de liquidité dus aux
difficultés d’une de ses agences de micro-crédit.
Sans consultation et sans avertir la banque centrale sud-africaine, le bureau londonien de Fitch
avait soudainement, un vendredi après-midi de
février, dégradé la notation de Saambou de deux
échelons (de B à D), provoquant la panique parmi
ses clients et menaçant six autres petites banques
de faillite. La rétractation dès le lundi suivant par
Fitch de sa notation n’avait pas sauvé Saambou.
UNE PERCÉE EN ZONE CFA
En Afrique francophone, GCR a reçu le soutien
d’un institutionnel influent, Proparco, entré à son
capital en 2009. La filiale de l’Agence française de
développement dédiée au secteur privé souhaite
soutenir le Sud-Africain dans son développement.
« Le vrai bénéfice de la notation est de permettre
une diversification des sources d’investissement.
Il y a un vrai travail à entreprendre en Afrique
francophone pour convaincre le marché de ses
bienfaits et nous souhaitons épauler GCR dans son
implantation », souligne Sophie Le Roy, représentante de Proparco pour l’Afrique australe.
PUB
« L’Afrique a besoin de son agence de notation,
lance Michael Fischer. Pourquoi ne serait-ce pas
GCR ? » L’agence a d’ailleurs déjà commencé à se
faire une place en zone CFA. Elle y travaille via
des partenaires et note, par exemple, le groupe
agro-industriel ivoirien Sifca. Sophie Le Roy a un
argument de poids pour convaincre les clients
potentiels : « Sur ses estimations de la probabilité
de défaut au cours des dix dernières années, GCR
a été bien plus fiable que les trois grands. Elle
n’a pas la notoriété d’un Fitch mais elle a de la
crédibilité. » D’autant que ces derniers temps, la
probité des grandes agences internationales a été
largement mise en cause. Leur incapacité à prévoir la crise des subprimes aux États-Unis et leur
choix de dégrader les notes de la Grèce, suscitant
une panique dans la zone euro, en ont fait des
cibles idéales.
« Les notations déclenchent forcément des
réactions, les agences ne font que travailler avec les
éléments qui leurs sont fournis », conclut Melanie
Brown pour défendre l’ensemble de la profession.
En Afrique, ajoute Michael Fischer, « il est urgent
d’atteindre un niveau de standardisation des notes.
La règlementation des agences de notation est
importante aussi, nous l’avons vu en Europe. Mais
en Afrique, ce sera pour plus tard. » n
Jeune afrique hors-série N° 25 n les 200 - ÉDITION 2010
Melanie
Brown,
directrice
exécutive de
Global Credit
Rating, en
août 2010 à
Johannesburg.
1/8 page
format total : L = 205 x H = 45
surface utile : L = 185 x H = 25
105