sanjuro kuwabatake
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sanjuro kuwabatake
100 icônes badass du cinéma Les années 60 • Gilles Da Costa • SANJURO KUWABATAKE Interprété par Toshiro Mifune S • Le film: Le garde du corps (用心棒, Yôjimbô, 1961). Réalisé par Akira Kurosawa • i Kyuzo, dont je vous ai déjà parlé, représente la figure du noble samouraï respectant à la lettre le bushidō (le code d’honneur du samouraï) alors Sanjuro Kuwabatake le héros du Yôjimbô d’Akira Kurosawa, incarné par le monumental Toshirō Mifune, se positionne comme son exact opposé. Bourru et taciturne, Sanjuro est bien loin du rōnin tiré à quatre épingles des Sept samouraïs. Sous ses airs de solitaire hirsute mal embouché se cache pourtant une véritable sagesse et une grande intelligence. Seulement voilà, il ne combat pour rien d’autre que pour son propre intérêt et n’hésite pas à utiliser roublardise ou manipulation pour arriver à ses fins. Ainsi lorsque Sanjuro arrive dans cette petite ville plongée dans le chaos, déchirée par une guerre entre clans, il se sent parfaitement dans son élément. Une ville sans loi pour un homme qui n’en respecte aucune. Il ne tardera pas d’ailleurs à tirer profit de la situation en opposant une caste contre une autre pour mieux les détruire. Car ce samouraï-là ne fait pas dans le détail, il préfère nettoyer par le vide, quitte à prendre des risques en restant coincé entre l’enclume et le marteau. Son audace et sa confiance en lui sont ses principales qualités. Il sait que personne n’est plus dangereux que lui dans cette ville et exploite pleinement cette aura menaçante afin de paralyser ses adversaires. Comme une déclaration d’intention, il n’hésitera pas dès le début du film à supprimer quelques lames peu aguerries pour faire comprendre à tous qu’il n’est pas seulement venu pour boire un saké (il raconte à qui veut l’entendre que l’alcool l’aide à réfléchir, ceci expliquant peut-être cela). Sanjuro perpétue la tradition romanesque et cinématographique de l’homme sans nom. Il n’est qu’un katana sans identité choisissant son patronyme, Sanjuro Kuwabatake (champs de mûres trentenaires), en fonction de ce qu’il regarde au moment où on lui demande de décliner son identité. Très inspiré par les cow-boys solitaires des films de John Ford et par le roman noir La moisson rouge de Dashiell Hammett, Sanjuro est un mercenaire impitoyable répondant à la violence et la stupidité par la violence et la stratégie. Il reflète l’exaspération de Kurosawa face à un système politique japonais d’après-guerre corrompu et incompétent. Cette jubilation de Sanjuro dans l’extermination, cette volonté de rassembler les dignitaires incapables pour tous les éradiquer sans distinction expriment cette frustration du réalisateur. Yôjimbô et son personnage principal inspireront, comme de nombreux films du maître, bien des métrages durant les décennies suivantes. Le remake non officiel le plus connu ce chef-d’œuvre reste assurément Pour une poignée de dollars (Per un pugno di dollari, 1964) de Sergio Leone mais il inspirera également Dernier recours (Last Man Standing, 1996) de Walter Hill qui se rapprocha de l’univers noir d’Hammett ou plus récemment Slevin (Lucky Number Slevin, 2006) avec l’endive braisée Josh Hartnett dans le rôle du héros coincé entre deux gangs. Kurosawa lui-même réemploiera ce personnage extrêmement populaire dans une suite indirecte l’année suivante, en 1962, directement intitulée Sanjuro (椿三十郎, Tsubaki Sanjûrô) qui verra le samouraï cette fois aux prises avec un nouveau seigneur corrompu jusqu’à la moelle. ¶ 31