Synthèse 5 Parties prenantes, contre

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Synthèse 5 Parties prenantes, contre
Synthèse 5
Parties prenantes, contre-pouvoirs et gouvernance de l’entreprise
1. L’identification et l’influence des parties prenantes
1.1. Quelles sont les parties prenantes et leurs attentes ?
Une partie prenante (stakeholder en anglais) est un individu ou un groupe d’individus en relation avec
l’entreprise, qui peut affecter ses décisions ou être affecté par elles.
A. Les parties prenantes internes
Il existe deux grandes catégories de parties prenantes situées à l’intérieur de l’entreprise :
– les actionnaires : ils détiennent des actions, c’est-à-dire une part du capital d’une société par
actions. Ils apportent donc des fonds propres à l’entreprise. Il peut s’agir d’actionnaires
individuels ou d’investisseurs institutionnels (c’est-à-dire de professionnels de la gestion
collective de l’épargne pour le compte des ménages). Les actionnaires attendent de
l’entreprise qu’elle leur verse des dividendes à la hauteur de leurs attentes ;
– les salariés : par leur travail, leurs compétences et leur implication, ils contribuent à l’activité et
au bon fonctionnement de l’entreprise. Ils attendent donc de l’entreprise qu’elle leur offre
une rémunération adaptée, des perspectives de carrière, un travail et des conditions de
travail intéressants.
B. Les parties prenantes externes
L’entreprise est en relation directe ou indirecte avec des acteurs économiques qui lui sont extérieurs,
puisqu’ils se situent dans son environnement. Chacun de ces acteurs peut influencer la réalisation des
objectifs de l’entreprise ou être influencé par elle. On peut citer :
– les clients, dont les attentes concernent en particulier le prix, la qualité, la sécurité des biens et
services et les délais ;
– les fournisseurs, avec leurs objectifs, notamment en termes de prix, de volume de ventes et
de solvabilité de l’entreprise ;
– les banques, qui assurent le financement de l’activité de l’entreprise et attendent d’elle le
remboursement des sommes empruntées ainsi que le paiement d’intérêts ;
– l’État et les collectivités locales, qui attendent de l’entreprise le paiement des impôts, taxes et
cotisations sociales, mais aussi qu’elle mène des actions en termes d’emploi ;
– les associations et ONG (organisations non gouvernementales), dont les attentes sont
diverses : défense des intérêts des consommateurs, respect des critères environnementaux
et sociaux…
Il ressort de tout cela que les intérêts des parties prenantes, qu’elles soient internes ou externes à
l’entreprise, sont souvent contradictoires.
Remarque : il est intéressant de noter qu’il existe d’autres typologies des parties prenantes : certains
auteurs distinguent en effet les parties prenantes primaires (impliquées dans le processus de
production et ayant un contrat explicite avec l’entreprise) et les parties prenantes secondaires (ayant
un contrat plutôt implicite ou moral avec l’entreprise). D’autres auteurs distinguent les parties
prenantes volontaires (qui acceptent en général contractuellement d’être exposées à un risque) et les
parties prenantes involontaires.
1.2. Quelle est l’influence des parties prenantes ?
Le dirigeant doit arbitrer en permanence entre les attentes contradictoires des différentes parties
prenantes. Celles-ci ont une influence sur le fonctionnement de l’entreprise dans la mesure où elles
sont sources de contre-pouvoirs : elles peuvent s’opposer aux décisions des dirigeants qui ne sont
pas conformes à leurs intérêts (pour éviter que les clients et les ONG exercent un contre-pouvoir,
Carrefour a décidé de ne pas vendre de produits contenant des OGM).
Dans les années 1960, R.M. Cyert et J.M. March étudient le fonctionnement de l’entreprise et
montrent qu’elle constitue une coalition politique. Elle réunit des « groupes de participants aux
demandes disparates », ayant par conséquent des objectifs propres même s’ils ont tous un intérêt
commun : la (sur)vie et le développement de l’entreprise. Le dirigeant doit alors négocier avec chacun
Thème 1 : Entreprendre et diriger
Chapitre 5 : Parties prenantes, contre-pouvoirs
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des groupes afin de trouver un compromis entre leurs différentes attentes. Son but étant que chaque
groupe accepte les (sous-)objectifs finalement fixés et en retire un résultat satisfaisant.
C’est à M. Crozier que l’on doit une analyse sociologique du pouvoir et des jeux de pouvoir dans les
entreprises. Selon lui, tout n’est pas entièrement réglé et contrôlé dans une entreprise. L’influence et
le contre-pouvoir exercé par un individu ou un groupe d’individus sont liés à sa capacité à contrôler
une zone d’incertitude, ce qui lui permet de poursuivre ses propres objectifs.
2. La gouvernance de l’entreprise
Elle désigne l’ensemble des mécanismes qui permettent de contrôler et de réguler le comportement
des dirigeants. Pour R. Pérez, la gouvernance désigne « le management du management ». Il s’agit
donc d’étudier la façon dont les décisions des dirigeants et leur exercice du pouvoir sont contrôlés.
2.1. Quels sont les dispositifs de gouvernance internes à l’entreprise ?
Plusieurs dispositifs permettent aux parties prenantes internes de limiter le pouvoir des dirigeants.
Dans une optique de gouvernance actionnariale, les actionnaires cherchent à s’assurer que
leurs exigences en termes de rémunération de leurs apports sont respectées par les dirigeants.
Ils peuvent exercer leur contre-pouvoir (souvent en se regroupant au sein d’associations
lorsqu’il s’agit d’actionnaires individuels) au sein des assemblées générales (AG), dans
lesquelles ils utilisent leur droit à l’information et leur droit de vote pour participer à la vie de la
société et donc, pour contrôler directement les dirigeants. Ce contrôle est également indirect,
par le biais du conseil d’administration (CA), dont les membres sont majoritairement élus par les
actionnaires (on peut souligner ici que certains peuvent être élus par les salariés). Le pouvoir de
contrôle du CA a été renforcé récemment avec la nomination d’administrateurs indépendants et
la constitution de comités autonomes par rapport à la direction générale (ex. : comité des
rémunérations et des nominations). Ces administrateurs indépendants et ces comités sont
chargés de préparer les travaux du CA, ce qui leur permet de discipliner les dirigeants et de
limiter leur pouvoir, dans l’intérêt principal des actionnaires.
La gouvernance interne de l’entreprise peut être conçue dans une optique plus large ; elle
concerne alors les mécanismes de contrôle des dirigeants par les salariés. Pour défendre leurs
intérêts, les salariés s’appuient sur l’existence de droits (ex. : droit de grève) et d’organes
représentatifs du personnel prévus par le Code du travail (sous condition d’effectif) : délégués
du personnel, représentants syndicaux, comité d’entreprise (CE). Le CE dispose d’un droit
d’information et de consultation obligatoires sur certains sujets, ainsi que d’un droit d’alerte et
d’un droit de participation lors des AG qui permettent aux salariés d’exercer un contre-pouvoir,
dans leur intérêt mais aussi parfois dans l’intérêt des actionnaires.
2.2. Quels sont les mécanismes de gouvernance externes à l’entreprise ?
Si des dispositifs de gouvernance accordent un rôle aux parties prenantes internes dans le contrôle
des dirigeants, il en existe d’autres qui – dans une logique partenariale – concernent aussi les parties
prenantes externes.
Il en est ainsi des dispositifs mis en place par les autorités de régulation comme l’AMF (Autorité des
marchés financiers) ou encore des agences de notation financière et/ou extra-financière. Les missions
de ces agences consistent à évaluer les entreprises sur la base de différents critères (financiers mais
aussi environnementaux et sociaux dans une optique de responsabilité sociétale de l’entreprise),
utiles aux parties prenantes (ex. : actionnaires, fournisseurs, clients, banques) pour s’assurer que
leurs intérêts sont réellement pris en compte par les dirigeants.
Par ailleurs, on peut souligner que les associations de consommateurs et les ONG disposent de
mécanismes qui leur sont propres et qui leur permettent d’influer sur les décisions des dirigeants (ex. :
action en justice pour défendre les intérêts des consommateurs, actions médiatiques – sous forme de
manifestations, de pétitions, d’appels au boycott – qui ont des effets sur l’image et la réputation de
l’entreprise).
Les relations qui se nouent au sein de l’entreprise (avec les parties prenantes internes) mais aussi à
l’extérieur (avec les parties prenantes externes) influencent son mode de gouvernance. Celui-ci doit
aujourd’hui prendre en compte de plus en plus les différentes attentes des parties prenantes de façon
à assurer la performance économique, mais aussi environnementale et sociale, de l’entreprise. Le
dirigeant doit alors arbitrer entre les intérêts contradictoires des parties prenantes, qui sont autant de
contre-pouvoirs possibles.
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