Chapitre 10

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Chapitre 10
1998 GERARD HOULLIER DEVIENT MANAGER UNIQUE
PHIL THOMPSON NOMME ASSISTANT
LA STATUE DE SHANKLY INAUGUREE
DEBUTS DE STEVEN GERRARD
1999 OUVERTURE DE L’ACADEMIE D’ANFIELD
SAMI HYYPIA SIGNE
2000 EMIL HESKEY DEBARQUE POUR LA SOMME DE £11 MILLIONS
DIXIEME CHAPITRE
1998-2004
Le Boss
2001 LE TRIPLE
VAINQUEUR DU CHARITY SHIELD
VAINQUEUR DE LA SUPER COUPE D’EUROPE
OWEN - FOOTBALLEUR EUROPEEN DE L’ANNEE
OPERATION DU COEUR DE GERARD HOULLIER
2002 PLANS DU NOUVEAU STADE D’ANFIELD DEVOILES
OWEN ET HESKEY DISPUTENT LA COUPE DU MONDE 2002
2003 VAINQUEUR DE LA WORTHINGTON CUP
STEVEN GERRARD NOMME CAPITAINE DE L’EQUIPE
2004 LES ROUGES SE QUALIFIENT POUR LA CHAMPIONS LEAGUE
DEPART DE GERARD HOULLIER
« L’OBJECTIF EST DE RETROUVER LE CHEMIN DU SUCCES. CELA N’EST POSSIBLE QU’EN
CONSENTANT D’AVANTAGES D’EFFORTS, AU PRIX DE PLUS DE CONCENTRATION, D’UNE
MEILLEURE DISCIPLINE ET AVEC L’ENGAGEMENT TOTAL DE TOUS LES JOUEURS. »
GERARD HOULLIER
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L’expérience en matière de management résista jusqu’en novembre. En ce temps-là,
l’équipe perdit quatre matches de Championnat ; Ince et McManaman furent expulsés
lors d’une victoire en Coupe de l’UEFA contre Valence ; et, au cours d’une des plus
tristes performances des temps modernes enregistrée à Anfield, Liverpool fut éliminé de
la Coupe de la Ligue rebaptisée alors Worthington Cup, suite à une défaite sur le score
de 3-1 contre Tottenham.
Ce fut à une reddition humiliante qu’assistèrent une maigre affluence, démoralisée au moment
de s’en retourner à la maison. Moins de 24 heures plus tard, Roy Evans coupa tous liens avec
le club pour céder les pleins pouvoirs à Gérard Houllier.
« J’ai adhéré à ce partenariat les yeux grands ouverts en espérant que cela puisse
fonctionner, » dit Evans. « Mais cela n’a pas réussi, les résultats n’ont pas suivi. J’ai
l’impression d’avoir fait ce travail avec honnêteté et intégrité et, même si certaines personnes
pensent le contraire, je conteste le fait que ma gestion est une des raisons de cet insuccès. Des
quatrièmes, troisièmes, quatrièmes et troisièmes rangs en Championnat ne peuvent être
considérés comme des échecs. Dans n’importe quel autre club, on aurait perçu cela comme un
succès, mais pas à Liverpool. »
Il y avait beaucoup de sympathie pour Evans mais, en tant que Liverpoolien à vie, il savait
que ses camarades supporters avaient pris l’habitude de mesurer le succès au nombre de
trophées. Les joueurs talentueux qu’il avait réunis n’avaient remporté qu’une seule Coupe en
quatre ans. Pire, l’équipe – et le club – semblait avoir rétrogradé. Le style de jeu avait changé.
Accéder à la Champions League avait injecté au sein des clubs rivaux un énorme apport
financier et ceux-ci prenaient le dessus en attirant les meilleurs joueurs étrangers. L’afflux de
joueurs de l’extérieur avait rehaussé le niveau technique, de la résistance et du
professionnalisme nécessaires pour remporter le Championnat. Les salaires élevés et la liberté
de contrat leurs avaient donné plus de pouvoir que jamais auparavant. Liverpool se devait de
réagir et Houllier le savait mieux que quiconque. En tant qu’entraîneur international à succès,
il savait mettre le doigt exactement sur les faiblesses physiques et tactiques de l’équipe. Il
parvenait à identifier ce qui ne tournait pas rond au moyen de méthodes d’entraînement, de
diètes pour les joueurs et de préparations de matches. De manière critique également, il
n’avait pas peur de bousculer certaines traditions d’Anfield : « Ce n’est pas qu’ils étaient
complaisants ici, » dit-il plus tard. « C’était juste : « Nous étions les meilleurs et cela
fonctionnait. Nous ne faisions que des cinq contre cinq et cela suffisait. » Comme dans la vie,
si tu ne te remets pas en question et n’essaies pas de remettre à jour tes méthodes, tu vas te
retrouver loin derrière. La passion de ce jeu fait que cela reste traditionnel, c’est orthodoxe.
Mais, en même temps, tu dois être audacieux ; tu dois provoquer quelque chose qui te
permettra de penser plus loin. C’est comme cela que tu progresses. Ici, c’était : « C’est de
cette manière que nous jouons, c’est comme cela que nous nous entraînons, c’est ainsi que
nous voyageons. » »
Le Comité a peut-être accueilli chaleureusement un manager qui n’était pas alourdi par les
pesants bagages du passé de Liverpool. Toutefois, quand le moment fut venu de trouver son
assistant, ils choisirent un homme synonyme de gloire d’une époque révolue : « Je pense que
la majorité des gens comprendra qu’il s’agit-là d’un des plus beaux jours de ma vie, » dit
l’ancien capitaine Phil Thompson. « Les choses doivent changer et rien ne pourra me procurer
plus de joie que le fait de contribuer à ramener le succès dans le club que j’aime. J’éprouve de
la passion pour Liverpool et j’espère la transmettre sur le terrain d’entraînement et lors des
matches. »
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Le doux rêveur soutenu par le fier partisan était une invraisemblable mais séduisante
combinaison. Les supporters contemplèrent avec approbation Houllier insuffler un
professionnalisme tout neuf au sein de son équipe : il bannit les téléphones mobiles du terrain
d’entraînement, découragea le culte de la boisson et insista sur un comportement
irréprochable sur et hors du terrain. Les joueurs qui acceptèrent ces nouvelles règles de
discipline furent aidés et encouragés. Ceux qui les contestèrent, furent informés qu’ils
pouvaient partir.
Liverpool termina la saison à la septième place. Avant même de disputer la dernière
rencontre, Jason McAteer s’en était allé à Blackburn et le très versatile Steve Harkness avait
rejoint Graeme Souness à Benfica. Durant l’été, Houllier procéda à un grand nettoyage qui vit
Ince le contestataire partir à Middlesbrough, le défenseur Norvégien Bjorn Tore Kvarme
changer en faveur de St-Etienne et le talentueux mais inconstant gardien David James entamer
une nouvelle carrière avec Aston Villa.
Liverpool encaissa approximativement £9 millions sur ces transferts. Toutefois, quand
McManaman partit au Real Madrid, le club ne récolta pas un seul penny. Les £15 millions
que valait l’ailier s’envolèrent en fumée à cause de l’arrêt Bosman qui autorisait les joueurs à
réaliser un transfert gratuit une fois que leur contrat était terminé. Cette règle, jugée par une
cour de justice Européenne et qui avait impliqué le joueur Belge Jean-Marc Bosman, ouvrit la
brèche en faveur des joueurs qui furent alors autorisés à demander de lucratifs cachets
d’engagement et d’énormes salaires : dans le cas de McManaman, un gain que l’on supposait
atteindre £60'000 par semaine. Liverpool fut sans conteste le perdant de l’affaire, mais il allait
utiliser l’arrêt Bosman à son profit durant les mois suivants.
En tant que partisan du système de rotation, Houllier désirait un contingent plus étoffé dans
son équipe. Mettant à profit son expérience internationale et ses contacts, il procéda à la
reconstruction de Liverpool au moyen d’un mélange de talents locaux et de joueurs importés.
Il dépensa £4 millions pour le gardien international Hollandais Sander Westerveld, déboursa
en faveur de son ancien club de Lens £3,5 millions pour le canonnier Tchèque Vladimir
Smicer et versa la somme de £8 millions à Newcastle pour s’assurer les services du milieu de
terrain Allemand Dietmar Hamann. Convaincu par la nécessité de posséder quatre buteurs, il
compléta son partenariat Fowler-Owen en engageant Eric Meijer en provenance du Bayer
Leverkusen et l’international Titi Camara, né en Guinée et évoluant alors à Marseille. Mais, sa
meilleure acquisition concernait le secteur défensif. Confronté à un prix exorbitant demandé
par Tottenham pour l’obtention de Sol Campbell, Houllier se tourna alors du côté d’un jeune
Finlandais élancé nommé Sami Hyypia, qui avait jusqu’alors bénéficié d’une carrière
d’anonyme au sein de l’équipe Hollandaise de Willem II. Comme il restait encore de l’argent
à dépenser à la suite de ce transfert de 2,6 millions, il profita de l’avantage occasionné par la
relégation de Blackburn pour proposer une offre à l’international Helvétique Stéphane
Henchoz. Pour un cachet combiné d’à peine £6 millions, le boss de Liverpool constitua la
paire de défenseurs centraux la plus performante du Championnat.
Lors de sa première saison entière à la tête de l’équipe, celle-ci ne concéda que 30 buts. Au
début, les blessures et l’inconsistance en furent les traits marquants mais ils allèrent bientôt
comptabiliser une série victorieuse impressionnante n’enregistrant que deux défaites sur 27
rencontres de Championnat. S’il n’y avait eu une défaite à Bradford lors de la toute dernière
journée, ils se seraient qualifiés pour une place en Champions League. C’est ainsi qu’ils
finirent au quatrième rang, s’octroyant du même coup une qualification pour la Coupe de
l’UEFA, ce qui fit déclarer à Houllier que ses projets de reconstruction étaient « en avance sur
les prévisions ».
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Les signes de ces progrès se remarquaient à tous les échelons. Les internationaux, comme
Hyypia et Hamann, respiraient l’autorité, alors que les jeunes talents locaux, comme Jamie
Carragher de Bootle et Danny Murphy natif de Chester, démontraient un grand potentiel.
Owen et Fowler retrouvaient peu à peu leurs aptitudes physiques diminuées jusqu’alors par
une série de blessures. C’est dans ce contexte que Steven Gerrard, le brillant diplômé de
l’Académie d’Anfield, attira l’attention de toute l’Angleterre à son âge le plus tendre de 19
ans seulement. Pour contredire le discours de « légion étrangère », la première équipe
contenait plus de talents locaux qu’elle n’en avait jamais eu.
Mais, si Liverpool désirait s’asseoir à nouveau au milieu des places d’honneurs, une plus
grande constance était maintenant nécessaire. En mars 2000, Houllier pulvérisa le record du
club en matière de transferts en déboursant £11 millions pour le buteur de Leicester City
Emile Heskey. Trois mois plus tard, il fit une offre de £5,5 millions à Middlesbrough pour
acquérir le milieu de terrain et gaucher Christian Ziege. Par la suite, au cours d’un transfert
qui rendit furieux les fans d’Everton, il dépensa £6 millions pour s’octroyer les services de
l’international Anglais Nick Barmby. Au moment où la facture des transferts augmentait,
Houllier conclut alors quelques affaires remarquables. Tirant avantage de l’arrêt Bosman, il
cueillit au passage le défenseur accompli du Bayern Munich Markus Babbel suite à un
transfert gratuit. Il surprit alors tout le monde en offrant une nouvelle vie à l’ancien capitaine
de l’équipe d’Ecosse Gary McAllister, âgé alors de 35 ans.
A l’aube de la saison 2000-01, la nouvelle équipe avait de bonnes raisons d’être confiante.
Mais à l’heure où ils accomplissaient leur traditionnelle « réunion en petit comité » d’avant
match lors de la première journée à Anfield, personne ne pouvait pressentir le scénario qui se
profilait à l’horizon.
Que 63 Matches à Disputer
Ce fut un départ décidément bien ordinaire pour une saison si extraordinaire. En
Championnat, l’équipe ne récolta que 27 points sur un total possible de 51, chutant à la
sixième place en Premiership à la mi-décembre. Ils trouvaient souvent le chemin des filets
mais, bien trop souvent, peinaient à conserver leur avantage au score. A Southampton, ils
gaspillèrent une avance de 3-0 pour ne revenir de leur déplacement qu’avec un seul point en
poche. A Elland Road, le buteur de Leeds Mark Viduka effaça leur avantage de 2-0 en
inscrivant quatre buts à Westerveld.
Les Rouges remirent leur saison sur les rails grâce à deux superbes victoires en l’espace de six
jours. Le 17 décembre, ils se déplacèrent à Old Trafford pour y rencontrer l’équipe de
Manchester United qui avait déjà creusé un écart de huit points en tête du classement. La
foule de 67'000 spectateurs pensait déjà qu’une nouvelle victoire allait se profiler – jusqu’à ce
que Danny Murphy transforme un magnifique coup franc d’une frappe enroulée pour ramener
les trois points sur les bords de la Mersey. Le samedi suivant, ce fut le tour d’Arsenal, le
deuxième du classement. Grâce à sa confiance retrouvée, Liverpool réalisa une de ses plus
éblouissantes démonstrations de la saison, écrasant les Gunners 4-0, grâce à des buts de
Gerrard, Owen, Barmby et Fowler.
Sur un autre front, l’excitation de la Coupe de l’UEFA grandissait. Barmby avait été le héros
des tours préliminaires, inscrivant le seul but à l’extérieur qui coula le Rapid Bucarest, aidant
ensuite l’équipe à ramener de République Tchèque une victoire 3-2 contre Slovan Liberec.
Evoluant à Athènes devant le public intimidateur et de plus en plus hystérique de
l’Olympiakos, Barmby fut une nouvelle fois l’homme clé, arrachant le premier but lors d’un
match nul acharné 2-2. De retour à Anfield, il prépara l’ouverture du score inscrite par Heskey
avant d’achever le travail d’une brillante action individuelle pour le deuxième but.
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Liverpool était en route pour le quatrième tour – et attendait avec plaisir une nouvelle
confrontation avec leurs vieilles connaissances des années 80, Rome.
Une pause de deux mois en compétition Européenne leur permit de se concentrer librement
sur les compétitions domestiques. Comme un copieux programme les attendait, Houllier
décida de renforcer l’équipe de deux internationaux talentueux supplémentaires. Le premier à
arriver fut Igor Biscan, un milieu de terrain Croate bien bâti acheté au Dinamo Zagreb pour la
somme de £5,5 millions. Puis, en janvier 2001, le manager engagea le buteur de classe
internationale de Barcelone Jari Litmanen suite à un transfert sans frais. Dans sa Finlande
natale, Litmanen était une légende dont le visage ornait même les timbres postes du pays. Il
comptabilisait alors plus de 60 sélections nationales, inspira l’Ajax lors d’un triplé en
Championnat Hollandais et contribua à la victoire de l’équipe d’Amsterdam de 1995 en
Coupe d’Europe. En dépit de son incontestable talent, il dû lutter pour obtenir une place de
titulaire en première équipe après son départ en Espagne. Maintenant, il rejoignait le club
qu’il avait supporté depuis son plus jeune âge.
Il fit ses débuts en demi-finale de la Worthington Cup contre Crystal Palace. Lors des
premiers tours de la compétition, Liverpool avait été exubérant, balayant sur son passage
Chelsea et Fulham avant d’établir un nouveau record de 8-0 lors d’une victoire à l’extérieur
contre Stoke. Toutefois, à Selhurst Park, ils évoluèrent de manière hésitante, permettant à
Palace de bâtir un avantage de 2-1 ce qui donna le droit à leur buteur maison Clinton
Morrison de provoquer publiquement les attaquants des Rouges avant le match retour. Ce fut
une grave erreur. A Anfield, un Liverpool intraitable marqua à cinq reprises et Morrison,
pour mieux couronner une performance navrante de Palace, gaspilla une occasion en or de
revenir au score – et cela juste devant le Kop.
L’équipe d’Houllier – avec tous ses nouveaux visages, ses différentes nationalités et en
constante rotation – commençait à se souder. Début février, un stade d’Anfield qui avait fait le
plein les vit battre West Ham 3-0 et prendre ainsi la troisième place du classement en
Championnat. Manchester United avait virtuellement obtenu le titre, mais Liverpool, qui était
encore en lice pour la Champions League et qui effectuait une solide progression en Coupe
d’Angleterre ainsi qu’en Coupe de l’UEFA, obtenait le droit de disputer sa première finale
domestique depuis six ans. Aucun club Anglais n’avait encore gagné trois compétitions par
élimination directe en une seule saison. Mais Houllier, toujours plus confiant, déclara que rien
n’était impossible pour sa jeune équipe : « Si nous visons la lune, peut-être décrocherons-nous
les étoiles. »
Nous Irons Tous à… Cardiff ?
Le premier test eut lieu dans le sud du Pays de Galles, patrie du nouveau Millennium Stadium
de Cardiff. Une arène à couper le souffle de 76'000 places assises qui allait voler
temporairement la vedette à Wembley pour y disputer toutes les finales des différentes
Coupes Anglaises. Le match au sommet de la Worthington Cup proposait Liverpool et
Birmingham City en lever de rideau.
Les deux hauts gradins à étages autour du stade contribuèrent grandement à chauffer une des
plus bruyantes et intenses atmosphères de finales de Coupes des temps modernes, avec des
supporters de Birmingham avides de voir leur équipe ajouter une victoire à leur palmarès ne
comprenant qu’un seul titre majeur et des fans du Kop déterminés à retrouver les jours de
gloire. Lors des semaines précédentes, les supporters de Liverpool avaient pu lire un flot
incessant d’histoires entourant le capitaine Robbie Fowler : les récits de ses problèmes hors
du terrain, ses marques de désapprobation à propos du système de rotation et des rumeurs
d’offres estimées à plusieurs millions de la part d’équipes rivales en Championnat. L’espace
d’un instant, il sembla même qu’il ne jouerait pas.
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Mais, suite à une blessure de Michael Owen, l’homme que le Kop appelait « Dieu » fut
sélectionné en attaque. Cela devait être un jour dont il se souviendrait. A la 29 ème minute,
Heskey déviait de la tête un long dégagement de Westerveld dans les pieds de Fowler. Il leva
la tête, remarqua la position avancée du gardien, et expédia une spectaculaire volée du pied
gauche dans les filets d’une distance de 20 mètres. « C’était un but magnifique, » avoua plus
tard Phil Thompson. « Seul Robbie pouvait marquer un but pareil lors d’un match aussi
important. » Mais ce n’était pas terminé. Après que Gerrard eut commencé de boiter pour
cause de crampes lors de la deuxième mi-temps, Birmingham mit Liverpool sous une
constante pression. Trois minutes étaient jouées lors des arrêts de jeu quand Henchoz faucha
dans la surface de réparation le joueur de City Martin O’Connor – ils virent alors Darren
Purse égaliser sur penalty.
Une demi-heure plus tard, le score était toujours de 1-1 et l’arbitre ordonna l’épreuve des
coups de pieds au but – la première de l’histoire lors d’une finale de cette compétition.
Effectuée du côté des supporters de Liverpool, Birmingham rata son premier tir, permettant
aux Rouges de bâtir un avantage de 3-2 grâce à des réussites de McAllister, Barmby et Ziege.
La parité fut rétablie quand Hamann expédia son envoi directement sur le gardien et que
Fowler convertit sereinement le sien d’une balle piquée. Le combat se termina ainsi sur une
égalité à 4-4. Cela signifiait la mort subite : si une équipe marquait et que l’autre échouait,
tout était terminé. Jamie Carragher ne commit aucune erreur lors de son coup de pied au but.
Ce fut alors au tour du jeune Andrew Johnson, âgé de 20 ans, qui expédia un pétard mouillé
sur la gauche de Westerveld – que le gardien de Liverpool arrêta d’un plongeon.
Je suis certain que la plupart de nos supporters étaient vraiment nerveux, mais je peux
honnêtement affirmer que je ne l’étais pas, » dit le Hollandais après coup. « J’ai eu la chair de
poule quand je me suis élancé dans les airs mais quand j’ai retenu le tir, ce fut la plus agréable
sensation du monde. » Tous les autres joueurs se sont également sentis soulagés. Après une
absence de six années, une coupe retournait dans la salle des trophées d’Anfield.
Les Fantômes du Passé Européen
Les matches commencèrent à se rapprocher et étaient de plus en plus rapides. Une semaine à
peine avant son triomphe à Cardiff, Liverpool avait assuré sa participation aux quarts de
finales de la Coupe d’Angleterre grâce à un succès ardemment disputé de 4-2 contre
Manchester City, victoire programmée au milieu des deux matches de Coupe de l’UEFA
contre Rome. Les géants Italiens, qui dominaient la Serie A avec six points d’avance et qui
pouvaient se vanter de posséder dans leurs rangs des joueurs de dimension internationale
comme Batistuta, Totti et Delvechio, étaient les favoris pour remporter leur match à domicile.
Même Houllier semblait nerveux juste avant de monter dans l’avion : « Ils sont les meilleurs
parmi les équipes encore qualifiées dans cette compétition et font partie actuellement des plus
grandes équipes d’Europe. J’ai l’impression que notre équipe n’est pas aussi forte que Rome
mais, en deux rencontres, on ne sait jamais ce qui peut arriver. »
Il n’avait pas besoin de s’inquiéter. Lors d’une mémorable soirée au Stade Olympique,
Liverpool fournit une prestation qui rappela les glorieuses années de 77 et de 84. Hamann et
McAllister dominèrent le milieu de terrain ; Hyppia et Henchoz annihilèrent toutes les
velléités offensives de Rome ; alors qu’au front, un Owen retrouvé confirmait qu’il était bien
un des buteurs parmi les plus affûtés d’Europe. Bondissant sur une passe en retrait hasardeuse
juste après la pause, il se déporta sur le côté pour éviter un adversaire avant d’armer
victorieusement un tir croisé. Alors qu’il ne restait que 20 minutes à jouer, il ajouta un
deuxième but – un coup de tête au premier poteau magnifiquement placé à la suite d’un centre
de McAllister. Certains journaux affirmèrent que les Italiens n’avaient pas pris la Coupe de
l’UEFA au sérieux.
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Ils convoquèrent toutefois les meilleurs éléments de l’équipe pour le match retour à Anfield –
et montrèrent détermination et engagement pour mettre Liverpool sous pression dès le coup
d’envoi. Le stade était en ébullition. Le club avait dédié cette soirée à la mémoire de Bob
Paisley et le Kop célébrait en déployant des bannières en l’honneur du manager le plus
couronné de succès de Liverpool. Quand l’arbitre accorda un penalty suite à une faute
commise contre Heskey il semblait que l’atmosphère de la fête allait devenir encore plus
grandiose. C’est alors que Owen envoyait un faible tir directement sur le gardien – et ce Rome
qui paraissait fatigué reçut une bouffée d’oxygène inespérée qui le ramena à la vie.
Après 70 minutes, Guigou expédia un missile de 25 mètres qui diminua de moitié le déficit de
son équipe qui était auparavant de 2-0. Puis, alors que l’on se dirigeait vers le coup de sifflet
final du match, un centre de l’équipe Romaine heurta Babbel à un coude. Le Kop retint sa
respiration alors que l’arbitre semblait désigner le point de penalty. Toutefois, à peine une
seconde plus tard, le directeur de jeu Espagnol s’éloigna des 16 mètres pour signaler un
corner. Les Italiens devinrent furieux. Dans la minute de grabuge qui suivit, quatre de leurs
joueurs furent avertis. Tomassi, le protestataire le plus véhément, vit par la suite son carton
jaune se transformer en rouge, sa frustration l’ayant amené à commettre une série de fautes
cyniques. La colère des Romains leur fit perdre leur concentration. Ils échouèrent dans leurs
tentatives de maintenir le danger devant les buts de Liverpool et, à la fin de cette rencontre, ce
furent les supporters locaux qui exultèrent. Les Rouges étaient qualifiés – à la force du
poignet.
Le quatrième tour contre Porto fut plus aisé : un match nul sans but à l’extérieur suivi d’une
victoire sans trembler de 2-0 à Anfield. Un soir durant lequel Gerrard fit étalage de toute sa
puissance ce qui lui permit de remporter la distinction de Jeune Joueur de l’Année. Owen fut
également au sommet de son art en attaque. Sa reprise de la tête victorieuse suivie d’une
première réussite très propre de Murphy avaient déjà classé l’affaire à la pause. A la fin des
90 minutes, la performance hors norme de l’équipe fit jubiler intérieurement Houllier. « Nous
avons une stratégie, développons-la et gagnons en confiance grâce à nos buts. Il existe des
équipes qui vont maintenant craindre de rencontrer Liverpool. »
Barcelone était-elle l’une d’elles ? Pas vraiment, à en juger par leurs affirmations d’avant la
demi-finale. Les grands d’Espagne avaient qualifié avec désinvolture Liverpool de formation
négative, qui n’était plus que l’ombre de l’équipe qui avait dominé le football Européen à la
fin des années 70 et au début des années 80. En public tout au moins, ils savouraient la visite
des gens de la Mersey. Ils furent donc 90'000 fans à se déplacer pour voir leurs favoris
emmenés par Rivaldo, Kluivert et Overmars distiller leurs talents – et convertir leur
domination en buts.
Mais cela n’arriva pas. Un quart de siècle après la légendaire victoire de Liverpool au Nou
Camp, les nouveaux Rouges réduisirent à nouveau au silence la foule Catalane. La formation
en 4-5-1 de Houllier absorba tout ce que l’équipe locale pouvait jeter dans la bataille et le
secteur offensif réduit au silence de Barcelone n’eut pas d’autre option que de tenter des tirs
de loin pour maintenir l’espoir. A l’issue des 90 minutes, Westerveld avait à peine transpiré.
Sa défense, conformément à la tactique choisie par Houiller, avait muselé une des plus
meurtrières lignes d’attaques du monde.
Le décor était planté pour permettre à Anfield d’accueillir en ces lieux une des plus grandes
rencontres depuis des années – une soirée qui pourrait permettre de ressortir des mémoires
l’Inter et St-Etienne ainsi qu’une occasion de soulager le terrible héritage laissé par le Heysel
et les années d’échecs et de frustrations qui suivirent.
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Ce fut une soirée où Liverpool ne déçut pas. Dès l’instant où McAllister transforma
calmement un penalty de l’intérieur du pied à la 44ème minute, ses camarades du secteur
défensif annihilèrent une nouvelle fois les offensives Espagnoles. Westerveld, rata
complètement un dégagement sur une balle en profondeur de Petit ce qui occasionna un
moment de panique en deuxième mi-temps, mais Kluivert, lors d’une rencontre qu’il voudra
rapidement oublier, réagit trop tard et laissa la balle rouler gentiment hors du terrain.
Le match se terminera sur le score de 1-0 et les scènes d’après match pleines d’émotions
resterons longtemps gravées dans les mémoires. Echarpes, larmes, le salut d’Houllier et une
bannière dans le Kop qui résumait les pensées de chacun : « LFC : incomparable histoire,
glorieux avenir. »
Grand Ecossais
Le but de McAllister souligna son rôle d’homme clé tout au long du parcours de cette saison
marathon de Liverpool. Trois soirs auparavant, il marqua de son empreinte un inoubliable
derby à Goodison, ce qui brisa en éclat la saison d’Everton et remit sur les rails les ambitions
de qualification des Rouges pour la Champions League. Jusqu’à la dernière minute, ce match
posséda typiquement toutes les caractéristiques d’une dramatique mais frustrante
confrontation. Liverpool avait pris l’avantage à deux reprises alors qu’un penalty de Fowler
fut repoussé par le poteau et que Biscan reçut un carton rouge pour un tacle trop appuyé.
Mais, alors qu’il ne restait que quelques secondes à jouer à l’horloge du stade, Liverpool
obtint un coup franc au milieu du camp de défense d’Everton. C’est ainsi que lors de la plus
audacieuse et outrageuse tentative de sa carrière, McAllister enroula une frappe qui termina sa
course dans les filets adverses d’une distance incroyable de 45 mètres.
Cette victoire signifia bien plus que les trois points obtenus. Elle installa une foi inébranlable
autant auprès des joueurs que des fans ce qui fit que tout semblait désormais possible. Dès ce
moment-là, l’équipe évolua avec une aura d’invincibilité et McAllister se trouvait en être le
cœur. Trois jours après le triomphe contre Barcelone, il fut à l’origine d’une victoire 3-1 à
domicile contre Tottenham. La semaine suivante, il inscrivit le deuxième but de Liverpool
lors d’une victoire 2-0 à Coventry. Soixante-douze heures plus tard les Rouges l’emportaient
à Bradford – et l’Ecossais se trouvait sur la liste des buteurs pour la cinquième fois
consécutive.
Signe inquiétant pour les adversaires de Liverpool, Michael Owen marqua également durant
ce match. Il récidiva par un coup du chapeau au cours d’une victoire en Championnat contre
Newcastle suivie de deux réussites supplémentaires lors d’un match nul à domicile contre
Chelsea. Liverpool avait maintenant reconquis la troisième place du classement. Après 60
matches disputés durant la saison en cours, ils se dirigeaient au devant de deux finales de
Coupes et d’une rencontre de Championnat qui allaient déterminer leur avenir Européen.
Selon les paroles de Houllier, il allaient maintenant « jouer pour l’immortalité ». Et l’homme
ajouta que « l’assassin au visage angélique » était dans leurs rangs.
St Michael
Cardiff, 12 mai 2001 : une température dépassant les 35 degrés et l’espoir des fans de
Liverpool d’atteindre d’autres sommets. « Ce Que Nous Réussissons Dans La Vie Résonne
Pour l’Eternité, » proclamait une bannière. « Quand Gérard Est Aux Commandes – C’Est
l’Enfer, » lisait-on sur une autre. Les lignes du script du film Gladiator, vainqueur aux Oscar,
étaient destinées à motiver comme l’étaient celles qui rappelaient le triomphe des Rouges au
Millennium Stadium trois mois auparavant : « Nous gagnons toujours au Pays de Galles, »
chantaient les supporters du Kop qui s’étaient déplacés.
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Toutefois, leur confiance allait être ébranlée. Arsenal dominait cette finale de Coupe depuis le
coup d’envoi, pressant leurs adversaires dans leur propre camp et obligeant le dernier carré
défensif à des dégagements désespérés. Au milieu du terrain, Patrick Viera régnait en maître.
Si son camarade d’équipe Thierry Henry n’avait concrétisé ne serait-ce que la moitié de ses
occasions, le match aurait été joué à la mi-temps.
Pour être honnête, le Français aurait dû figurer sur la feuille des buteurs après 17 minutes. Il
vit son tir puissant en extension sauvé par le bras de Henchoz, puis constata de manière
incrédule son appel en faveur d’un penalty être rejeté. Des 73'000 personnes présentes,
l’arbitre et son assistant furent probablement les deux seuls à ne pas avoir vu avec quelle
partie du corps le défenseur de Liverpool avait effectué son intervention. Pas de but ni
d’avertissement, ni même de corner.
Mais le soulagement ne fut que temporaire. Les attaques d’Arsenal arrivaient par vagues
successives, alors que la force de percussion d’Heskey et d’Owen était inexistante. Quand
Freddie Ljungberg sauta au-dessus de Westeveld pour inscrire l’ouverture du score, la seule
surprise était le fait d’avoir dû attendre 70 minutes pour que cela se produise. Les Londoniens
avaient donné leur maximum en matière de pression – et personne ne pouvait affirmer que cet
avantage au score était immérité.
Le temps était venu d’effectuer des changements. McAllister, qui avait passé la majeure partie
de son temps à se cacher sous un linge pour protéger son crâne chauve du soleil, allait être
exposé en pleine lumière sur le terrain. Houllier fit ensuite entrer Fowler qui insuffla plus de
punch au secteur offensif et les jambes reposées de Berger remplacèrent celles fatiguées de
Murphy.
Ces substitutions apportèrent à Liverpool une amélioration du rendement et un retour à la vie,
mais le sort du match semblait les avoir déjà abandonnés. Toutefois, alors qu’il ne restait que
huit minutes à jouer, un coup franc de McAllister sema la panique dans la surface de
réparation d’Arsenal. Le défenseur central Martin Keown se détendit de tout son long pour
réceptionner le centre. La balle ne fit qu’effleurer son cuir chevelu. Babbel la rabattit de la
tête dans les pieds d’Owen. Le buteur de poche arma une instinctive volée qui transperça le
gardien David Seaman.
Jamais le cours d’un match n’avait changé de manière si rapide. Arsenal, qui avait jusque-là
respiré la confiance et l’autorité, semblait subitement être laminé. Liverpool, auparavant si
méfiant, menaçait le but de Seaman sur chaque action. A deux minutes de la fin, Owen
s’engagea comme un damné sur une longue ouverture de Berger expédiée depuis son camp de
défense. Il prit de vitesse Lee Dixon avant d’esquiver un tacle glissé de Tony Adams. Il se
trouva alors au cœur de la surface de réparation d’Arsenal mais fut contraint de déporter
largement son ballon sur la gauche. Sans doute possible, ce buteur naturel du pied droit ne
parviendrait pas à marquer du mauvais pied ? D’un angle impossible ? Opposé au titulaire
incontesté de l’équipe d’Angleterre ? Oui ! Oui ! Oui !!
Ce qui suivit devint confus : Owen manifesta sa joie en effectuant une roulade; Henry
s’écroula sur ses genoux, le banc entier de Liverpool entra en éruption sur le terrain. Les
festivités dans les tribunes ne diminuèrent pas jusqu’au moment du coup de sifflet final. Dès
cet instant-là, il y eut encore plus d’images à garder précieusement en mémoire : Fowler
appela le grand blessé Jamie Redknapp pour l’aider à soulever le trophée ; Carragher se coiffa
d’un chapeau haute forme rouge ; l’équipe, dans son intégralité, entraîna 20'000 fans de
Liverpool dans une enthousiasmante interprétation de « You’ll Never Walk Alone. »
Douze ans après qu’Arsenal ait volé le titre en Championnat grâce à un but de dernière minute
à Anfield, Liverpool obtenait sa revanche. Elle était à la mesure d’un nouvel esprit d’équipe et
justifiait pleinement la tactique d’Houllier.
DIXIEME CHAPITRE 1998-2004 LE BOSS
167
Ce fut également un triomphe personnel pour Michael Owen. « Je ne parviens pas à réaliser
ce qui vient juste de se produire, » dit-il aux reporters dans le tunnel de sortie. « J’irai me
coucher tous les soirs en rêvant à ces buts. »
Mais cette stupéfiante saison n’était toujours pas terminée. Cinq jours plus tard, l’équipe
décrochait la Coupe de l’UEFA à la suite de la plus excitante finale Européenne de ces
dernières années (voir page 179).
Puis, avec dans leur salle des trophées un triplé sans précédent de Coupes gagnées dans des
compétitions par éliminations, ils réservèrent leur billet en Champions League grâce à une
victoire 4-0 obtenue à Charlton.
Un demi-million de personnes manifestèrent leur bienvenue quand ils revinrent sur les bords
de la Mersey un jour après avoir disputé le dernier match du Championnat. Ce tour triomphal
en haut d’un bus à l’impérial découvert rappelait le bon vieux temps des années 70 et 80 et
assurait à Houllier une place parmi les légendes de Liverpool. Plus de quatre décennies
s’étaient écoulées depuis qu’un Ecossais obstiné était entré en coup de vent à Anfield et avait
réveillé une géant qui dormait. De nos jours, un Français tout aussi déterminé s’occupait de
restaurer le moral et l’orgueil blessé du club. « Etes-vous Shankly déguisé ? » chantait une
bande de supporter bien connus le long de la jetée bordant la ville. Ils étaient capables de
reconnaître un sauveur quand ils en voyaient un.
Les Cinq Glorieuses
Le manager montra la confiance qu’il avait envers son équipe par un manque d’activité sur le
marché des transferts de fin de saison. Mis à part les £4 millions dépensés pour faire venir
John Arne Riise de Monaco à Anfield, Houllier passa une grande partie de l’été à assurer
l’avenir des joueurs existants. Au moment où la nouvelle saison allait reprendre, Gerrard,
Hamann, Henchoz et Carragher avaient tous signé des contrats les liant à Anfield jusqu’en
2005. Owen – dont le prix était alors estimé à environ £50 millions – était également proche
de signer un accord qui permettrait de le voir évoluer sous le maillot de Liverpool pour une
nouvelle période de quatre ans.
Toutefois, les interrogations grandissaient à propos de Fowler. Il était en contact avec des
clubs rivaux durant tout l’été et son implication lors d’une querelle avec Phil Thompson sur le
terrain d’entraînement ne fit qu’enfler considérablement la rumeur.
Ces histoires ne déstabilisèrent pas ses camarades d’équipe. Alors qu’un Fowler abandonné
fut contraint de regarder depuis les tribunes du Millennium Stadium la rencontre du Charity
Shield contre Manchester United, Liverpool matérialisa sa domination de début de partie en
buts, McAllister apportant un avantage psychologique important après moins de 60 secondes
en convertissant un penalty. Owen doubla la mise en jaillissant sur une erreur défensive
adverse avant d’adresser un tir à bout portant qui trompa Fabien Barthez. Le vainqueur du
Championnat revint en force et obtint rapidement un but par l’intermédiaire du buteur
Hollandais Ruud van Nistelrooy. Mais la défense serrée et bien organisée de Liverpool tint
bon. Ils enregistrèrent ainsi leur troisième victoire consécutive contre United ce qui leur
rapporta leur quatrième trophée en 2001.
Moins de quinze jours plus tard, ils en récoltèrent un autre. Opposés au Bayern Munich,
champion d’Europe, les Rouges rapportèrent la Super Coupe à Anfield à la suite d’une
impressionnante victoire sur le score de 3-2. Riise, qui évoluait dans son ancien stade, ouvrit
la marque après 22 minutes, Heskey et Owen, qui terrorisèrent sans discontinuer la défense du
Bayern, inscrivirent chacun un but respectivement juste avant et juste après la pause. La
victoire à Monaco fut un nouveau point culminant pour Liverpool. Elle devint ainsi l’unique
équipe Anglaise à remporter cinq trophées au cours de la même année.
DIXIEME CHAPITRE 1998-2004 LE BOSS
168
Cela fournit aux joueurs un apport considérable de confiance au moment de préparer leurs
débuts en Champions League.
Une place dans la compétition par groupe avait été obtenue grâce à un tour qualificatif contre
les Finlandais du FC Haka. Liverpool remporta le match à l’extérieur 5-0 durant lequel Owen
inscrivit un coup du chapeau pendant que Hyypia et Litmanen recevaient un accueil
frénétique de la part de leurs compatriotes. Au match retour à Anfield cependant, les
acclamations les plus nourries furent pour Fowler. Réintégré dans l’équipe après avoir
présenté ses excuses à Phil Thompson, il fêta son retour en trouvant le chemin des filets à
l’occasion d’une confortable victoire 4-1.
La manière forte utilisée par Houllier à l’encontre de Fowler montra la volonté qu’avait ce
dernier à donner le meilleur de lui-même sur et hors du terrain. En dépit des récents succès, le
manager demandait encore plus de perfection et il n’accepterait pas qu’un obstacle vienne se
dresser en travers du chemin qu’il avait imaginé. Il n’y avait plus de place pour les
sentiments. Westerveld – qui, par ses coups d’éclat durant la série des tirs au but, avait
contribué à remporter la Worthington Cup – se retrouva évincé définitivement de l’équipe à la
suite d’une erreur qu’il commit et qui entraîna la défaite des siens à Bolton en Championnat.
Dans les jours qui suivirent, il recruta le gardien numéro 1 de l’équipe nationale de Pologne
Jerzy Dudek et le portier de l’équipe d’Angleterre des moins de 21 ans Chris Kirkland comme
remplaçant.
Le revers à Bolton était significatif des problèmes qu’avait Liverpool en début de saison. Ils
durent également essuyer le choc d’une défaite 3-1 contre Aston Villa à domicile et subir une
embarrassante élimination en Worthington Cup contre Grimsby. Houllier était limité dans ses
options. Barmby et Berger furent tous les deux blessés pour une longue période et Owen dû
rester sur la touche suite à des problèmes aux tendons. Plus grave encore, l’indispensable
Markus Babbel était atteint du virus d’une maladie mentale qui allait l’éloigner des terrains
durant une année.
Mais, une nouvelle fois, les joueurs allaient démontrer leur esprit combatif pour remporter le
derby à Goodison et récolter des victoires contre les Spurs et Newcastle. Quand Leeds se
déplaça à Anfield à la mi-octobre, les fans se remirent à parler d’éventuelles perspectives à
propos de l’obtention du titre. Toutefois, ils reçurent de terribles nouvelles au sujet de leur
manager – et les projets en Championnat parurent soudainement hors de propos.
C’est Plus Grave Qu’il n’y Paraît
Ce fut à la pause du match contre Leeds que Houllier commença à se plaindre de douleurs à la
poitrine. Un examen rapide par le docteur du club laissa la place à d’autres tests à l’hôpital
qui débouchèrent sur une délicate et urgente opération à cœur-ouvert. Les médecins avaient
découvert une « coupure profonde au niveau de l’aorte », une plaie qui affectait la plus grosse
artère que possède le corps. Sans intervention chirurgicale, il était certain que des saignements
internes allaient se produire et provoquer la mort. Houllier leur donna la permission d’opérer
– c’est alors que dix heures d’une opération vitale allaient commencer.
La réussite de l’intervention fut totale, mais il était évident que le manager inspiré de
Liverpool allait mettre un certain temps avant de retrouver toutes ses facultés. « Un retour aux
affaires du club est la dernière chose à envisager pour le moment, » dit le responsable exécutif
Rick Parry. « Ce qui vient de se passer a renvoyé le football à l’état de perspective. » C’était
vrai. La maladie de Houllier avait donné au club, à ses joueurs et aux fans une sérieuse
secousse – et rappelé que le football n’était pas plus important qu’une question de vie ou de
mort, au contraire de ce qu’avait un jour affirmé son plus célèbre prédécesseur. Houllier dû
faire face à des mois de convalescence.
DIXIEME CHAPITRE 1998-2004 LE BOSS
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Un grand nombre de personnes craignaient que l’équipe ne perde ses repères sans lui, mais
aucune d’entre-elles n’aurait voulu qu’il ne mette sa santé en danger en précipitant son retour.
C’est ainsi que les rênes furent temporairement confiés à Phil Thompson, le manager assistant
qui avait montré à Houllier son total dévouement depuis le jour où le Français avait pris seul
en main la destinée de l’équipe. L’ancien capitaine débuta par une victoire à l’extérieur contre
Dynamo Kiev en Champions League, suivie d’un match nul sur le terrain des Portugais de
Boavista et d’un succès 2-0 à domicile contre Borussia Dortmund. En Championnat, il
surenchérit par des victoires contre Leicester et Charlton. Puis, alors que le Kop arborait une
mosaïque spectaculaire du drapeau Français, les Rouges surclassaient Manchester United 3-1.
Lors des ses six premières rencontres en tant que patron, Thompson avait mené Liverpool un
échelon plus haut en Coupe d’Europe et atteint le sommet du classement en Championnat.
« La pression la plus forte avait été de ne pas détruire le beau boulot réalisé par Gérard, » ditil aux reporters. « Je ne voulais pas le laisser tomber et je désirais lui transmettre quelque
chose pour son retour. C’était difficile mais également enrichissant de par les résultats positifs
que nous avons obtenus. Ces succès ont également donné de la force à Gérard, comme le
bien-être de ce club importe tant à ses yeux. »
Malheureusement, ces résultats ne continuèrent pas. Une défaite 3-1 à domicile contre
Barcelone entama les ambitions de l’équipe en Champions League. Arsenal prit d’une
certaine manière sa revanche en Coupe d’Angleterre en les éliminant au quatrième tour. De
même qu’un piètre parcours en Championnat les fit chuter au cinquième rang à la mi-janvier.
Les fans avaient également dû se plier à ce qui était devenu inévitable et dire au revoir à
Fowler. Son transfert, pressenti de longue date, s’était finalement matérialisé à la fin du mois
de novembre quand Leeds déposa sur la table une somme de £11 millions. Le transfert, qui se
déroula un mois exactement après qu’il ait inscrit un coup du chapeau contre Leicester, mit
fin à une glorieuse carrière à Anfield qui le vit inscrire 171 buts en 330 rencontres.
Toutefois, la ligne d’attaque des Rouges pouvait encore se vanter de posséder Owen, ce
buteur prolifique qui venait juste d’être couronné Footballeur Européen de l’Année. Il fut
bientôt rejoint par Nicolas Anelka, l’ancien canonnier d’Arsenal, désireux de relancer une
carrière qui calait sérieusement au Paris St-Germain. Anelka avait travaillé avec Houllier
quand il était junior en France. Le manager interrompit sa convalescence pour l’aider à
finaliser les conditions du prêt. Comme certaines personnes attribuaient au joueur une
mauvaise réputation, un grand nombre de fans le considéraient comme un danger. Toutefois,
sa vitesse, son toucher de balle et son caractère de battant ravirent les sceptiques – et son
égalisation lors du derby à Anfield suffit à gagner la confiance des plus récalcitrants.
L’hiver était passé quand Liverpool remonta à nouveau au classement. Le but de Danny
Murphy à Old Trafford les avait installés à la troisième place. Les cinq réussites en trois
matches d’Emile Heskey contribuèrent à combler encore un peu plus le retard concédé sur les
leaders. Par la suite, une victoire 2-1 à Middlesbrough les vit prendre la deuxième place. La
course au titre devenait ainsi la plus palpitante depuis de nombreuses années avec Arsenal,
Manchester United et Liverpool qui convoitaient la première place. Le succès Européen
faisait également signe aux Rouges d’Anfield. Il ne pouvait pas y avoir de meilleur instant
pour le retour du manager.
Allez Houllier
Il eut lieu avant le match de Champions League contre Rome – une soirée à classer parmi les
meilleures vécues à Anfield. Alors que les joueurs pénétraient sur le terrain, Houllier émergea
du couloir pour apercevoir une mosaïque composée du mot « Allez » dans le Kop et pour
accepter le cadeau de cette magnifique et émouvante bienvenue.
DIXIEME CHAPITRE 1998-2004 LE BOSS
170
A la suite de résultats nuls obtenus en Italie et à Barcelone ainsi que lors des deux matches
disputés contre Galatasaray, son équipe devait l’emporter par un écart d’au moins deux buts
pour se qualifier. Ils rencontraient de surcroît une équipe de Rome déterminée à venger son
élimination controversée de la Coupe de l’UEFA par Liverpool survenue l’année précédente.
Toutefois, comme Houllier avait fait sa réapparition tant attendue, le résultat de ce match ne
faisait pas l’ombre d’un doute. « C’était une atmosphère particulière que seul ce stade peut
produire, » déclara plus tard Thompson. « C’était St-Etienne, Deuxième Chapitre. »
Jari Litmanen, aligné à la place d’Owen blessé, commença par faire rouler le ballon dans les
filets d’un penalty parfaitement exécuté après sept minutes de jeu. Un Liverpool luxuriant se
rua alors à l’attaque, Gerrard et Riise échouant tous les deux de très peu juste avant la pause.
En seconde période, les champions d’Italie s’activèrent et s’engagèrent dans la bataille.
Toutefois, à la 63ème minute, Murphy expédia un centre flottant dans la surface de réparation
romaine pour Heskey qui jaillit au milieu d’une mer de défenseurs pour inscrire le second but
de la tête. Liverpool figurait ainsi parmi les huit derniers clubs qualifiés en Champions
League et les joueurs quittèrent le terrain sous une ovation assourdissante. Houllier et
Thompson étaient tous les deux visiblement émus au moment d’entendre des milliers de fans
scander leur nom en signe de soutien.
Malheureusement, cette soirée émouvante s’avérera plus tard être le point culminant de la
saison. Au moment où la plus grande compétition Européenne abordait le stade des
confrontations par élimination directe, Liverpool prit l’avantage 1-0 sur le Bayer Leverkusen
avant de voir son rêve se briser en éclats suite à une défaite 4-2 en Allemagne. Sur sol
domestique, leur brillant retour tardif les amena pour la deuxième fois de la saison au sommet
du classement en Championnat. Mais Arsenal – dans une forme encore plus éblouissante –
remporta tous ses matches pour finalement décrocher le titre.
C’est ainsi que lors du dernier match de la saison, une raclée de 5-0 contre Ipswich, le plus
grand nombre de buts marqués depuis plus d’une décennie, leur procura une qualification
automatique pour la prochaine Champions League.
Autrefois, une deuxième place aurait provoqué de gros froncements de sourcils dans les
travées d’Anfield toutefois, parmi les 44'000 spectateurs qui garnissaient Anfield chaque
semaine, il y avait de la complaisances. Ces fans-là avait été les témoins d’une nouvelle
épopée extraordinaire dans la vie du FC Liverpool : une saison durant laquelle le club fut
contraint de se passer de son manager pendant cinq mois, montrant à cette occasion l’esprit, le
caractère et la résistance qui permirent de gagner un certain nombre d’amis et d’admirateurs
dans le monde entier.
Houllier, de nouveau fermement agrippé à la barre, était affairé sur le marché des transferts
durant l’été et la Coupe du Monde 2002. Le Sénégal provoqua la sensation lors du match
d’ouverture de la phase finale disputée au Japon et en Corée du Sud en faisant trébucher la
France, championne du monde en titre, à Séoul. Deux des joueurs qui permirent à cette nation
Africaine d’entrer dans l’histoire en atteignant les quarts de finales devinrent rapidement des
cibles d’Anfield en partance de leurs clubs Français.
L’attaquant El Hadji Diouf fut transféré de Lens pour un montant de £10 millions et Salif
Diao, son camarade évoluant au milieu du terrain au sein de l’équipe nationale, débarqua de
Sedan pour la somme de £ 5 millions. Houllier engagea également le milieu de terrain Bruno
Cheyrou pour 3,7 millions en provenance de Lille. Une autre recrue évoluant dans l’entre jeu,
Alou Diarra du Bayern Munich, fut engagée sans frais en vertu de l’arrêt Bosman mais fut
prêtée immédiatement au club de Le Havre. Le gardien Français Patrick Luzi fut transféré
gratuitement de Monaco comme renfort de Jerzy Dudek et Chris Kirkland.
DIXIEME CHAPITRE 1998-2004 LE BOSS
171
Ces arrivées furent les conséquences de différents départs du club parmi lesquels celui du très
inspiré vétéran Ecossais Gary McAllister, qui accepta de relever un défi pour devenir manager
de Coventry City.
Les autres qui abandonnèrent le navire furent Nick Barmby, en partance vers Leeds, pour un
montant initialement fixé à £2,75 millions, Stephen Wright, qui rejoignit Sunderland pour £3
millions et Jari Litmanen, transféré gratuitement à l’Ajax. En addition à tout cela, Houllier
choisit de ne pas accepter une demande de £12 millions de la part du Paris St-Germain pour
les services d’Anelka. Après cinq mois en prêt à Anfield, le buteur controversé se retrouva à
Manchester City.
Houllier remania son équipe au sortir d’une deuxième place finale la saison précédente,
entretenant ainsi les ambitions du Kop pour la nouvelle saison 2002-03. Celle-ci, aux dires de
certains, serait la saison où toutes ces années d’extrêmes désillusions en Championnat se
termineraient et où le premier titre en Ligue depuis 1990 débarquerait à Anfield.
Jusqu’au mois de novembre ces rêves prirent de l’essor tant que Liverpool occupait le sommet
du Championnat. Ils balayèrent de leur mémoire une décevante défaite 1-0 au Millennium
Stadium de Cardiff en Community Shield contre Arsenal, vainqueur du doublé, pour aligner
une longue série de matches sans défaite en Ligue. Malgré le penalty tiré par Michael Owen
que le gardien Peter Enckelman retint de la jambe, ils entamèrent la saison par une victoire sur
le terrain d’Aston Villa grâce à un but de John Arne Riise inscrit au début de la seconde mitemps. Au lever de rideau à Anfield, ce fut Diouf, évoluant aux côtés d’Owen, qui marqua
contre Southampton à peine trois minutes après ses débuts à domicile.
Le bombardier Sénégalais ajouta un second but en deuxième période et un penalty transformé
par Danny Murphy dirigea Liverpool vers une victoire 3-0. Cela ne fit que rallonger la liste
des victoires du club lors desquelles le milieu de terrain de l’équipe d’Angleterre marquait et
assurait du même coup le meilleur départ en Championnat depuis huit ans.
Ils s’embarquèrent ensuite pour une série de trois matches nuls consécutifs sur le score de 2-2
– à Blackburn puis à domicile contre Newcastle et Birmingham. Comme Liverpool avait
mené au score au cours de ces trois rencontres, la frustration et les deux résultats enregistrés à
Anfield furent particulièrement difficiles à digérer pour Houllier et son équipe, surtout lorsque
l’on sait qu’ils gaspillèrent un avantage de deux buts dans les deux parties.
Houllier réagit en modifiant sa formation pour le déplacement au Reebok Stadium face à
Bolton. Sur le banc de touche furent sacrifiés en vrac Stéphane Henchoz, Riise, Diouf et
même Owen. En jeu entrèrent Diao – aligné en défense pour sa première apparition en
Championnat – Bruno Cheyrou, disputant son premier match en Ligue dans son entier, Emile
Heskey et Milan Baros, le buteur de la République Tchèque qui avait coûté £3,3 millions en
2001 lors de son transfert du Banik Ostrava.
C’était la première fois que Baros pouvait savourer une participation à une rencontre de Ligue
Anglaise et il répondit présent par deux magnifiques buts, portant son total à huit lors de ses
trois dernières apparitions, ayant marqué à quatre reprises avec l’équipe réserve du club et
deux fois pour son pays le week-end précédent. Il fallut malgré tout un but tardif d’Heskey
pour assurer les trois points en faveur de Liverpool et éviter ainsi un quatrième match nul 2-2
consécutif.
Owen s’assit à nouveau sur le banc lors du match suivant disputé par Liverpool – une défaite
2-0 à Valence à l’occasion de leur première rencontre de Champions League – mais il fut de
nouveau aligné pour renouer avec la victoire sur un score de 2-0 contre West Bromwich et
pour asséner un coup du chapeau à Maine Road qui interrompait ainsi la série de 23 matches à
domicile sans défaite de Manchester City.
DIXIEME CHAPITRE 1998-2004 LE BOSS
172
Cette victoire était prise en sandwich entre un match nul 1-1 à domicile contre Bâle et une
correction 5-0 infligée au Spartak Moscou en Champions League, la victoire la plus large de
l’équipe en Coupe d’Europe depuis plus de quatre ans. Par la suite, des succès sur le score de
1-0 contre Chelsea à domicile et contre Leeds à l’extérieur, grâce notamment au premier but
de Diao en Championnat, propulsèrent Liverpool en tête du classement. Des victoires contre
Tottenham et West Ham consolidèrent leur position jusqu’à ce que, inexplicablement, leur
forme en Championnat se détériore.
Un revers 1-0 à Boro le 9 novembre interrompit une série de 14 matches sans défaite en
Ligue. Un match nul et vierge contre Sunderland, qui ne réussit qu’avec peine à franchir la
ligne du milieu de terrain, annonça le début de la troisième plus faible performance de toute
l’histoire du club – 11 matches sans gagner.
Nous étions déjà en janvier quand ils obtinrent enfin un nouveau succès en Championnat, un
seul et unique but d’Emil Heskey durant cette partie leur donna la victoire 1-0 à Southampton.
Toutefois, leur espoir de décrocher le titre était déjà anéanti. En dépit du fait qu’Owen
inscrive quatre goals et atteigne ainsi le total de cent réussites en Ligue lors d’un 6-0 infligé à
West Bromwich – égalant ainsi le record de la plus large victoire du Championnat obtenue à
l’extérieur par Liverpool – Anelka revint hanter les esprits de Liverpool durant
l’antépénultième rencontre de la saison.
Le buteur Français inscrivit les deux buts de Manchester City lors de leur succès à Anfield, ce
qui signifiait que le dernier match de Liverpool à Chelsea devenait décisif pour l’obtention de
la quatrième place qualificative pour la Champions League. Malheureusement pour
Liverpool, le club de Londres prit le dessus 2-1, reléguant l’équipe d’Houllier en cinquième
position.
C’est ainsi qu’une saison qui promettait beaucoup se termina sur une bien triste note,
assombrie encore par les compétitions en Coupe d’Angleterre et en Coupe d’Europe. L’équipe
de Première Division de Crystal Palace obtint un succès retentissant de 2-0 à Anfield lors d’un
match à rejouer du quatrième tour de la Coupe d’Angleterre malgré un coup du chapeau
inscrit par Owen à Moscou lors d’une victoire 3-1 contre Spartak Moscou, une défaite 1-0
contre Valence à domicile et un match nul 3-3 à Bâle eurent raison des espoirs de Liverpool
en Champions League.
Un passage en Coupe de l’UEFA rapporta un succès de 2-0 sur l’ensemble des matches aller
et retour contre Vitesse Arnhem et un coup d’assommoir de 3-0 contre Auxerre, pour chuter
abruptement 3-1 contre Celtic sur l’ensemble des deux rencontres, ces derniers obtenant une
victoire 2-0 au retour de ces quarts de finales à Anfield dans une chaude ambiance.
La déception de Liverpool fut soulagée par son triomphe en finale de la Worthington Cup
contre Manchester United, ce qui démontrait bien que l’équipe répondait toujours présente
quand il s’agissait de remporter des trophées.
Durant l’été 2003, Houllier engagea des joueurs censés donner de la confiance à la fois au
secteur offensif et défensif de son équipe, déboursant £3,5 millions en faveur de Fulham pour
obtenir les services du défenseur latéral droit de la République d’Irlande Steve Finnan et £5
millions pour transférer de Leeds le talentueux Australien Harry Kewell. Les adolescents
Français Anthony Le Tallec, milieu de terrain, et Florent Sinama-Pongolle, centre-avant,
débarquèrent également pour une somme totale de £6 millions.
Abel Xavier quitta Anfield en faveur de Galatasaray, Patrick Berger signa à Portsmouth et
Markus Babbel fut prêté à Blackburn pour une année. Gregory Vignal se retrouva également
en prêt, d’abord à Rennes, puis à l’Espanyol.
DIXIEME CHAPITRE 1998-2004 LE BOSS
173
Toutefois, ni Finnan ni Kewell ne démontrèrent l’étendue de leur réel talent durant cette
première saison. Les blessures restreignirent Finnan quant au nombre de ses apparitions qui
ne représentèrent qu’un peu plus de la moitié des rencontres au programme. Quant à Kewell,
malgré 11 buts inscrits dont certains furent particulièrement spectaculaires (notamment contre
Levski Sofia et opposé à son ancien club de Leeds), cela semblait insuffisant.
« Le manager m’a engagé en pleine connaissance de cause et, en ce qui me concerne, je n’ai
pas encore tenu mes promesses, » tel fut l’honnête verdict de l’Australien. « Personne n’y
peut rien à part moi. Je n’ai tout simplement pas joué comme j’aurais dû le faire mais je
travaille ardemment pour parvenir à inverser la tendance. » Kewell et Finnan (en tant que
remplaçant) firent leurs débuts dès le lever de rideau lorsque Liverpool, privé de Steven
Gerrard suspendu, se retrouva face à Chelsea, l’équipe révolutionnaire de Roman
Abramovich.
Juan Veron donna l’avantage aux visiteurs et, malgré une égalisation sur un penalty exécuté
en deux temps par Michael Owen lors de la seconde période, Jimmy Floyd Hasselbaink
inscrivit le but victorieux à trois minutes de la fin du match, infligeant ainsi la première
défaite à domicile de Liverpool lors d’une rencontre d’ouverture de la saison depuis 1962.
Des matches nuls sans le moindre but à Aston Villa et à domicile contre Tottenham laissèrent
l’équipe d’Houllier sans la moindre victoire à la suite de leurs trois premières confrontations –
cinq en tout si l’on prend en compte la fin de la saison précédente.
La réponse au cours de leur sortie suivante fut la plus douce de toutes : une magnifique
victoire 3-0 contre leurs rivaux locaux d’Everton. Houllier reconduisit la même équipe que
lors de la rencontre précédente, ce qui ne lui était arrivé que trois fois auparavant en 99
matches de Championnat – il fit toutefois entrer en cours de jeu Igor Biscan pour Stéphane
Henchoz blessé – et ses joueurs inscrivirent de nouveaux records dans les tabelles des derbies.
Un but au cours de chaque mi-temps pour Michael Owen et la première réussite d’Harry
Kewell sous les couleurs du club assurèrent le quatrième succès consécutif à Goodison et
portèrent à huit le nombre des derbies disputés à la suite sans avoir eu à subir la défaite. Une
victoire sur le score de 3-1 à Blackburn une semaine plus tard fut toutefois ternie par deux
sérieuses blessures. La jambe droite de Jamie Carragher fut brisée par un tacle en extension
maladroit de Lucas Neill qui fut expulsé pour ce fait alors que Milan Baros eut la cheville
brisée à la suite d’un contact régulier lequel, situation cocasse, s’était produit contre Babbel le
défenseur d’Anfield en prêt à Blackburn.
Autant Carragher que Baros furent dans l’impossibilité de rejouer jusqu'à la fin de l’année ce
qui inspira cette déclaration à Houllier : « J’aurais préféré perdre ces trois points et avoir
toujours mes deux joueurs à disposition. »
Grâce au retour en forme de John Arne Riise et d’Emile Heskey, ceux-ci purent remplacer le
duo blessé et Liverpool enchaîna par une victoire 2-1 contre Leicester suivie d’un match nul
1-1 sur le terrain d’Olimpija Ljubljana en ouverture de leur campagne en Coupe de l’UEFA.
Le sixième but en quatre rencontres d’Owen le fit également entrer dans le livre des records
du club. Son égalisation par un coup de tête victorieux devint son 21ème but Européen,
dépassant ainsi le total de 20 réussites précédemment détenu par Ian Rush.
Le but d’Owen inscrit du point de penalty lors du déplacement suivant ne fut pas suffisant
pour éviter une défaite 3-2 contre Charlton. De retour à Anfield pour y rencontrer le futur
champion Arsenal, ce fut le supplice pour Owen.
En dépit de l’ouverture du score par Kewell, qui inscrivait pour l’occasion son premier but à
domicile, Liverpool sombra 2-1 à la suite d’un but contre son camp de Hyypia et d’une
superbe déviation de Robert Pires. Cela reléguait ainsi Liverpool au huitième rang avec neuf
points de retard sur l’équipe d’Arsène Wenger.
DIXIEME CHAPITRE 1998-2004 LE BOSS
174
Une blessure à une jambe contractée par Owen vint s’ajouter aux malheurs d’Anfield. Celuici n’apparut plus que lors de quatre des 17 rencontres suivantes où il fut également touché à
une cheville ce qui ne contribua qu’à accentuer ses problèmes.
Houllier fit passer le brassard de capitaine du bras de Hyypia à celui de Gerrard juste avant le
match retour de la Coupe de l’UEFA contre Ljubljana qui se terminera par une victoire 4-1
sur l’ensemble des deux rencontres. Ils durent par la suite subir une troisième défaite
consécutive en Championnat sur le score de 1-0 à Portsmouth avant de mettre fin à cette triste
série par une victoire 3-1 à domicile contre Leeds.
Deux coups de tête victorieux d’Emile Heskey, qui avait également vu son penalty être arrêté,
aidèrent Liverpool à obtenir une qualification 4-3 en Carling Cup lors d’une rencontre de
belle facture à Blackburn. Toutefois, leurs espoirs dans cette compétition furent réduits à
néant au tour suivant à la suite d’une défaite 3-2 à domicile contre Bolton.
Liverpool progressait en compétition Européenne grâce à une victoire 2-1 au total des
matches aller et retour contre Steaua Bucarest, mais leur forme en Championnat continuait à
se dégrader pour terminer l’année par une seule et unique victoire en quatre parties.
Un délicat déplacement pour le compte de la Coupe d’Angleterre contre l’équipe de
Troisième Division de Yeovil fut couronné de succès grâce à des buts d’Heskey et de Danny
Murphy sur penalty avant d’enregistrer la première victoire en Championnat sur le terrain de
Chelsea depuis 1989 obtenue à la faveur du seul goal de la rencontre inscrit par Bruno
Cheyrou. Une victoire 1-0 à domicile contre Aston Villa fut suivie d’une défaite 2-1 sur le
terrain de Tottenham et d’un match nul 1-1 obtenu sur le champ de bataille de Wolves.
Cheyrou vola la vedette aux autres en réussissant les deux buts d’un succès contre Newcastle
en Coupe d’Angleterre lors d’un duel passionné à Anfield. Une victoire à domicile contre
Manchester City en février fut leur premier succès au sortir de cinq rencontres de
Championnat, suffisant toutefois pour ravir la quatrième place du classement à Newcastle
grâce à une différence d’un seul but en leur faveur.
Leurs espoirs en Coupe d’Angleterre s’envolèrent à l’occasion d’un match à rejouer perdu 1-0
à Fratton Park après qu’une équipe de Portsmouth particulièrement épuisée ait réussi un
match nul 1-1 à Anfield. La Coupe de l’UEFA réapparut à l’horizon lors de la conquête du
Levski Sofia, battu 6-2 sur l’ensemble des deux manches – mais pas pour longtemps.
Olympique Marseille fit match nul 1-1 à Anfield lors du match aller du quatrième tour, Didier
Drogba remettant les équipes à égalité après l’ouverture du score de Milan Baros, devenant
ainsi le premier club Français à inscrire un goal sur le terrain de Liverpool depuis St-Etienne,
27 ans auparavant.
Un penalty âprement contesté, accordé suite à une expulsion d’Igor Biscan pour avoir retenu
Steve Marlet, mit Marseille sur les rails d’un succès 3-2 lors du match retour, Heskey ayant
auparavant donné l’avantage à Liverpool. Leur défaite de 2-1 lors de cette soirée n’était en
fait que le quatrième revers de Liverpool en 27 rencontres Européennes disputées à l’extérieur
depuis que Houllier était seul maître à bord.
La saison de Liverpool fut ainsi réduite à la seule conquête de la quatrième place finale,
synonyme de billet d’accès aux qualifications de la lucrative Champions League. Ces
ambitions avaient été tempérées par une défaite 2-0 à Southampton durant laquelle Owen
avait vu son penalty arrêté par Antti Niemi. Des victoires successives à domicile de 3-0 contre
Portsmouth et de 1-0 contre Wolves, grâce à une reprise de la tête victorieuse d’Hyypia
exécutée durant les arrêts de jeu, les ramenèrent au quatrième rang.
DIXIEME CHAPITRE 1998-2004 LE BOSS
175
Un match nul sans le moindre but à Leicester et la démolition 4-0 à domicile de Blackburn –
leur plus large victoire de la saison – les maintenaient en course avant qu’un coup du chapeau
brillant de Thierry Henry les fasse replonger au classement suite à une défaite 4-2 à Arsenal le
jour du Vendredi Saint.
Ce revers précéda une sombre défaite 1-0 à domicile infligée par leurs camarades de Charlton
– la première victoire de ceux-ci à Anfield depuis 1954 - qui nourrissaient également les
mêmes espérances Européennes.
Fulham maintint les nerfs du Kop à fleur de peau en rapportant de son déplacement à Anfield
un match nul 0-0. En effet, bien que Liverpool demeure quatrième, Newcastle comptant un
certain nombre de matches en retard et le revenant Aston Villa les menaçaient en demeurant
dans leur sillage. Houllier se rappela subitement au bon souvenir de Murphy qui avait déjà fait
payer un lourd tribut à Manchester United sur son propre terrain. Son penalty de la 63ème
minute permit une nouvelle fois de remporter la partie – une semaine plus tard, Gerrard devint
le troisième joueur de Liverpool à rater un penalty durant cette saison. C’était le troisième
coup gagnant de Murphy lors des quatre dernières visites à Old Trafford. L’équipe maintenait
le cap grâce à un succès 2-0 à domicile contre Middlesbrough. Leur antépénultième sortie à
Birmingham les vit fournir une de leurs meilleures performances de la saison. Owen, Heskey
et l’excellent Gerrard marquèrent pour obtenir un triomphe magnifique 3-0.
Des matches nuls de Newcastle contre Wolves et contre Southampton lors de rencontres
jouées au milieu de la semaine suivante assurèrent à Liverpool un billet pour les tours
qualificatifs de la Champions League avant même que l’équipe de Sir Bobby Robson ne
vienne à Anfield pour y disputer la dernière rencontre du Championnat. Un match nul sur le
score de 1-1 assura aux deux clubs respectivement les quatrième et cinquième places du
classement final. L’égalisation d’Owen en deuxième mi-temps représentait son 118ème but en
Ligue, égalant ainsi le total du légendaire Kenny Dalglish.
D’un consentement mutuel, le manager Houllier quitta le club en mai 2004, ayant ramené
Liverpool sur la voie du succès jusqu’au point où les clubs de l’élite Européenne allaient une
fois de plus devoir composer avec la présence des Rouges. Son successeur serait l’ancien
coach de Valence Rafael Benitez.
TOP 10
BUTEURS EN LIGUE
1. Michael Owen
2. Emile Heskey
3. Robbie Fowler
4. Danny Murphy
5. Patrik Berger
6. Steven Gerrard
7. Sami Hyypia
8. Jamie Redknapp
9. Steve McManamann
10. Paul Ince
1998-2004
COUPS DU CHAPEAU
117
39
37
25
21
20
15
15
15
14
1. Michael Owen
2. Robbie Fowler
3. Patrik Berger
4. Emile Heskey
5. --6. --7. --8. --9. --10. ---
NOMBRE DE MATCHES EN LIGUE
10
4
1
1
DIXIEME CHAPITRE 1998-2004 LE BOSS
1. Jamie Carragher
2. Michael Owen
3. Sami Hyypia
4. Steven Gerrard
5. Danny Murphy
6. Emile Heskey
7. Dietmar Hamann
8. Stéphane Henchoz
9. Patrik Berger
10. Vladimir Smicer
176
214
214
183
170
169
150
144
135
125
111
JOUEUR
MICHAEL OWEN
Le mardi 30 juin 1998 fut le jour qui changea la destinée de Michael Owen. Il s’était
déjà fait connaître en Angleterre en terminant meilleur buteur ex aequo lors de sa
première saison entière en Championnat. Toutefois, ce fut au Stade Geoffroy Guichard
de St-Etienne qu’Owen obtint sa reconnaissance sur le plan mondial à la suite d’un but
inoubliable en Coupe du Monde contre l’Argentine.
C’était son tempérament, plus que son réel talent, – il convertit également un penalty lors de
la fatale séance des tirs aux buts, qui impressionna les observateurs. Subitement, ce jeune
homme de 18 ans avait marqué de son empreinte indélébile le monde de ce sport. Pas mal
pour quelqu’un qui, à peine deux ans plus tôt, ne gagnait que £170 par mois en tant
qu’apprenti joueur à Anfield !
Rapide comme l’éclair, il parvint même un jour à courir le 100 mètres en 10,9 secondes. Il
figurait parmi les boxeurs prometteurs au niveau écoliers alors qu’il se distinguait également
en golf et en snooker (heureux possesseur d’un Blue Peter Badge). Il était donc facile
d’imaginer qu’il connaîtrait le succès dans le sport pour lequel il aurait choisi de se
spécialiser.
Owen et goals ont toujours été associés. Il était déjà un finisseur redoutable quand il laça sa
première paire de souliers de football à l’âge de 7 ans. Au début des années 90, il battit le
record détenu par Ian Rush en inscrivant 97 buts avec la Deeside Primary School.
Owen fut formé par son père Terry qui était autrefois joueur professionnel à Everton. C’est
ainsi que le jeune garçon, qui idolâtrait Gary Lineker, rêva de suivre les pas de ces deux
hommes en imaginant son avenir à Goodison Park. Mais, après une période passée à la
School Of Excellence de Lilleshall patronnée par la Fédération Anglaise, il opta pour une
carrière à Anfield. Ses buts permirent à Liverpool de remporter la Coupe d’Angleterre des
Juniors en 1996 avant de signer un contrat professionnel le jour de ses 17 ans.
Il fit ses débuts en équipe senior en tant que remplaçant à Selhurst Park en mai 1997 et, inutile
de le préciser, figura sur la liste des buteurs après son entrée en jeu. Il fut rapidement pressenti
comme étant le sauveur d’une équipe de Liverpool qui tardait à concrétiser, devint
l’international le plus jeune du siècle en équipe d’Angleterre et inscrivit ensuite son but
prodigieux en Coupe du Monde… le tout en l’espace de 13 mois.
Une lésion aux tendons en avril 1999 souleva des doutes quant à ses aptitudes physiques à
venir. Typiquement, malgré ses blessures subséquentes, Owen refaisait toujours surface pour
contredire ses détracteurs. C’est ainsi qu’en 2001, il n’inscrivit pas moins de 37 buts en 57
rencontres disputées durant l’année. Ce total comprenait bien évidemment son dramatique
doublé inscrit en fin de match lors de la finale de la Coupe d’Angleterre et son fameux coup
du chapeau obtenu avec l’équipe d’Angleterre à l’occasion de la démolition de l’Allemagne
par 5-1 à Munich comptant pour les qualifications à la Coupe du Monde.
Ces exploits réunis lui valurent le très convoité Ballon d’Or et firent de lui le seul joueur de
l’histoire ayant évolué à Liverpool à être nommé Footballeur Européen de l’Année. Il obtint
d’autres récompenses en Avril 2002 quand, à l’âge de 22 ans et 124 jours, il devint le
deuxième joueur le plus jeune de l’équipe d’Angleterre à porter le brassard de capitaine à
l’occasion d’un match contre le Paraguay. En tant que tel, il marqua à deux reprises contre la
Slovaquie pour célébrer dignement sa cinquantième sélection nationale – à l’âge de 23 ans et
7 mois, il fut le plus jeune joueur de tous les temps depuis un demi-siècle à parvenir à ce total.
DIXIEME CHAPITRE 1998-2004 LE BOSS
177
Owen inscrivit quatre buts lors du massacre de West Bromwich sur le score de 6-0 en avril
2003, ce qui permit au club d’égaler ainsi le record de la plus large victoire obtenue par celuici à l’extérieur lors d’un match de Championnat et à Owen de dépasser le total de 100 buts
marqués en 185 apparitions en Ligue. Son égalisation de la tête lors du match nul 1-1 en
Coupe de l’UEFA sur le terrain d’Olimpija Ljubjana en septembre 2003 lui permit de
dépasser le record du club en Coupes d’Europe détenu jusqu’alors par Ian Rush avec 20
réussites, total qu’Owen allait par la suite porter à 22 buts. En tout et pour tout, Owen aura
marqué 158 buts en 297 matches disputés sous les couleurs de Liverpool et il paraît d’ores et
déjà certain qu’il en réalisera beaucoup d’autres.
DIXIEME CHAPITRE 1998-2004 LE BOSS
178
MATCH
FINALE DE LA COUPE DE L’UEFA 2001
Avec quatre Coupes d’Europe à son actif, le nom de Liverpool représentait toujours
l’élite du Continent. Toutefois, depuis leur dernière finale européenne disputée au Stade
du Heysel, les apparitions des Rouges n’avaient pas été dignes de leur illustre histoire.
De toute évidence, un club de la stature de Liverpool aurait dû rester un habitué de la
Champions League bien avant que Gérard Houllier ne les guide en quarts de finales en 200102. Mise à part une participation aux demi-finales de la Coupe des Vainqueurs de Coupes en
1997, ils n’ont jamais plus goûté à un quelconque succès dans un tournoi européen.
C’est la raison pour laquelle une victoire contre Alaves en finale de la Coupe de l’UEFA était
si importante. Elle permettrait de propulser à nouveau Liverpool sur le devant de la scène du
football Européen, leur donnant le droit de participer à la Super Coupe d’Europe et d’avoir la
chance de pouvoir se mesurer une nouvelle fois au meilleur club du Continent.
La rencontre au Westfalenstadion de Dortmund était le 62ème match de leur saison marathon.
Une campagne durant laquelle ils avaient été étiquetés d’équipe négative en dépit des 118
buts inscrits jusqu’alors. Lors de cette soirée en Allemagne, ils allaient démontrer que ces
critiques étaient à qualifier de très stupides. Ils en marquèrent cinq à Alaves lors d’une
rencontre figurant parmi les plus passionnantes de tous les temps.
Les fans des Rouges répondirent présent puisque 20'000 d’entre eux effectuèrent le
déplacement en Allemagne. Ils venaient à peine de voir leur équipe remporter la Coupe
d’Angleterre de la plus dramatique des manières et maintenant rien ne semblait pouvoir les
arrêter. Dès les premières lueurs du jour, la place principale de Dortmund fut peu à peu
inondée de rouge et de blanc ainsi que de bleu, au fur et à mesure que les supporters de
Liverpool et d’Alaves se réunissaient pour échanger maillots, écharpes, chansons et paroles.
A peine quatre minutes étaient-elles jouées que le contingent provenant de la Mersey exultait
déjà, célébrant l’ouverture du score de Babbel suite à une reprise de la tête. Ceux qui
pensèrent que l’équipe d’Houllier allait ériger une muraille défensive furent réduits au silence
quand Gerrard s’élança sur un service en profondeur d’Owen pour doubler l’avantage de
Liverpool après 17 minutes.
Chacun imaginait alors que la messe était déjà dite. C’était sans compter avec les Espagnols
qui firent entrer le buteur Ivan Alonso à la place du défenseur Dan Eggen. En moins de cinq
minutes, le remplaçant avait réduit le score, reprenant victorieusement de la tête un centre en
retrait de Cosmin Contra qui représentait un perpétuel danger.
Cependant, cinq minutes avant la mi-temps, Gary McAllister restaura l’avantage de deux buts
en transformant un penalty sifflé suite à une faute indiscutable sur Owen. A nouveau, on
aurait pu penser que le match était joué. Toutefois, Alaves étourdit Liverpool grâce à deux
buts de Javi Moreno réalisés en moins de cinq minutes juste après la pause.
Mystérieusement, et fatalement, Moreno fut remplacé au moment où Alaves prenait
l’ascendant et qu’Houllier remplaçait Emile Heskey par Robbie Fowler. Ce double
changement retourna la tendance en faveur des Rouges et Fowler sembla avoir scellé le score
final par un but réalisé à la suite d’un étourdissant effort individuel à la 73ème minute.
Toutefois, alors qu’il ne restait qu’une minute à jouer, Alaves égalisa de manière incroyable
sur une reprise de la tête de Jordi Cruyff, contraignant ainsi tout le monde à disputer les
prolongations avec le spectre du « but en or » décisif bien ancré dans l’esprit de chacun.
DIXIEME CHAPITRE 1998-2004 LE BOSS
179
La mort subite provoqua des occasions des deux côtés du terrain ainsi que les expulsions de
Magno et d’Antonio Karmona. Et ce fut précisément à l’occasion du coup franc dicté à la
suite de la faute de Karmona sur la personne de Smicer que la victoire de Liverpool se réalisa.
McAllister, le spécialiste des coups de pieds arrêtés, expédia de fort belle manière un ballon
aérien au plus profond de la surface de réparation d’Alaves – pour contempler avec délice
Delfi Geli dévier par inadvertance celui-ci dans ses propres filets.
C’était terminé. Il n’y avait plus aucune possibilité de retour. Sur le terrain, McAllister était
enseveli sous la masse de ses coéquipiers ; dans les tribunes, les supporters se congratulaient
et dansaient. Quelques minutes plus tard, Houllier et ses joueurs paradaient autour du terrain
accompagnés de leur dernier trophée ; le Triplé historique venait de s’accomplir. « Nos fans
ont été les moteurs de notre formidable saison, » affirma le boss d’Anfield. « Je ne pense pas
que nous aurions pu y parvenir sans leur magnifique soutien. Aujourd’hui nous avons ce
cadeau à leur rapporter. »
DIXIEME CHAPITRE 1998-2004 LE BOSS
180
MANAGER
GERARD HOULLIER
« Quand je suis arrivé, j’ai été décrit comme le révolutionnaire à la guillotine. En fait, je
préfère convaincre les gens que leur donner des ordres. Mais si je ne parviens pas à les
convaincre, je suis bien obligé alors de dicter ma loi. »
GERARD HOULLIER
Depuis quand Anfield était-il une démocratie à quelque échelon que ce soit ? Après la fin
d’une sombre décennie, remporter cinq trophées en une année et mener deux fois l’équipe en
Champions League, Gérard Houllier obtenait le droit de barrer le vaisseau comme il
l’entendait. Il avait gagné la confiance de tous les fans de Liverpool. « Nous croyons en
Ged, » déclarait une bannière du Kop.
Leur idole faisait partie de ceux-ci autrefois. Alors jeune professeur durant la fin des années
soixante, Houllier enseigna durant une année à l’école secondaire d’Alsop située en ville. Il
tomba immédiatement amoureux du style de football joué à Liverpool. Il assista à son premier
match dans les tribunes en 1969, soit le jour où les Rouges établirent le record de la plus large
victoire en Coupe d’Europe sur le score de 10-0 contre Dundalk. « Le Kop était vraiment
exceptionnel – vous n’auriez jamais pu imaginer cela en France ou quelque part ailleurs il y a
trente ans, » déclara-t-il plus tard. « Le bruit, les chants, les mouvements de foule. Cela
balançait constamment ; on ne voyait que la moitié du match ! Mais quelle atmosphère. »
Le football a toujours coulé dans ses veines. Son père était à l’époque le directeur d’un club
amateur et, à son retour à la maison, Houllier manifesta un grand intérêt pour la façon dont les
joueurs étaient coachés et préparés. Il devint lui-même entraîneur plus tard et, entre 1976 et
1982, emmena Noeux-les-Mines de la Cinquième à la Seconde Division Française. Au FC
Lens, il confirma sa réputation en obtenant une qualification pour la Coupe de l’UEFA. Puis,
en tant qu’entraîneur du Paris St-Germain, il conduisit l’équipe au titre de champion de
France.
Houllier était réputé pour son approche scientifique du jeu, n’insistant pas uniquement sur
l’habileté mais également sur la tactique, la préparation et l’attitude mentale. C’était le style
d’approche requise par la Fédération Française qui, en 1988, lui proposa le job d’assistant de
Michel Platini, alors coach de l’équipe nationale. Il prit par la suite la succession de Platini
mais décida de démissionner quand la France échoua dans sa tentative de qualification pour la
Coupe du Monde de 1994. Cependant, au poste de Directeur Technique, il devint un élément
majeur voué au développement de l’équipe qui remportera le tournoi quatre ans plus tard.
Après ce succès, Houllier fit savoir qu’il désirait retourner au sein d’un club de football. Il
montra de l’intérêt pour des offres provenant de Sheffield Wednesday et de Celtic mais, à la
suite d’entretiens avec Peter Robinson, un membre officiel de Liverpool, il se décida pour un
demi-poste très controversé de manager à Anfield. Houllier fut sincèrement embarrassé quand
cet arrangement dévoila ses limites toutefois, au moment où Roy Evans le laissa seul en
charge de l’équipe, il entama un remaniement radical qui pouvait éventuellement remettre
l’équipe sur la voie du succès.
Pour Houllier, le football était sa vie bien plus que son métier. Dormir était une occupation
occasionnelle et une perte du temps dans la pratique de son travail. Même dans l’incapacité
d’exercer suite à une intervention chirurgicale urgente, il demeurait en contact permanent
avec le club, distillant ses conseils tactiques à Phil Thompson et aidant également à la
concrétisation des transferts.
DIXIEME CHAPITRE 1998-2004 LE BOSS
181
Certaines personnes craignaient qu’un retour à temps complet ne le tue, d’autres, plus proches
de lui savaient que le football le maintiendrait en vie.
Houllier, en tant qu’homme engagé et intelligent – de paroles de Liverpooliens – leur redonna
leur fierté.
Visionnaire et progressiste, il permit au club de sortir de toutes ces années de galère tout en
respectant la philosophie héritée de Shankly. Grâce à ses méthodes, Liverpool enregistra dès
le départ des progrès qui se confirmèrent à chaque nouvelle saison de Championnat durant
l’intégralité de son règne, passant de la septième place à la quatrième, à la troisième puis à la
seconde en 2002. Ensuite, l’équipe rata la quatrième place en 2003 mais disputa les
qualifications pour la Champions League l’année d’après. Mais surtout, dans la mémoire des
fans, il subsistera toujours l’empreinte de ce fameux triplé.
DIXIEME CHAPITRE 1998-2004 LE BOSS
182
MATCH
WORTHINGTON CUP 2003
Lors d’une journée mémorable du mois de mars 2003 au Pays de Galles, Liverpool
mélangea les plaisirs de deux douces expériences : remporter un trophée et faire tomber
leurs redoutables rivaux de Manchester United.
En dépit du fait que l’équipe d’Alex Ferguson débarquait au Millennium Stadium de Cardiff
dans la peau du favori pour remporter la finale de la Worthington Cup, ce fut l’équipe de
Gérard Houllier qui renversa la tendance pour ramener un succès de plus à Anfield en Coupe
de la Ligue, une compétition qui avait si souvent tourné en notre faveur jusqu’alors. Ironie du
sort, ils mirent littéralement en boîte leurs adversaires situés à l’opposé du stade sur East
Lancashire Road en l’emportant 2-0 dans un stade entièrement couvert.
Le voyage de Liverpool sur la voie du triomphe débuta en novembre quand le tirage au sort
désigna Southampton comme adversaire du troisième tour à Anfield.
Lors de leur dernière rencontre à domicile pour le compte du Championnat, quatre jours plus
tôt, ils avaient battu West Ham 2-0 grâce à des réussites de Michael Owen.
Afin de tenir ses promesses en matière de possibilités données à d’autres joueurs de goûter
aux joies de rencontres senior, Houllier effectua dix changements pour cette partie ; Vladimir
Smicer fut le seul joueur retenu dans la formation de base.
Steven Gerrard, laissé sur le banc pour le match de West Ham, retrouva l’équipe pour enfiler
son premier brassard de capitaine à la place de Sami Hyypia, absent – une sorte de mise en
bouche pour l’avenir – et un jeune joueur local âgé de 19 ans nommé Jon Ostemobor fit ses
débuts en tant que défenseur latéral droit. Ce fut également la première apparition en
compétition officielle de Markus Babbel à la suite d’un valeureux combat contre une maladie
affaiblissante qui avait duré 15 mois.
Southampton démontra d’entrée de jeu quelles étaient ses intentions et Chris Kirkland, dans
les buts de Liverpool à la place de Jerzy Dudek, obtint la distinction d’Homme du Match
grâce à une série d’arrêts magnifiques qui permirent de tenir l’opposition en échec.
Aucun but n’avait encore été inscrit dans cette rencontre quand Liverpool obtint un coup franc
à la 44ème minute. Patrik Berger, réputé pour ses habiles coups de pieds arrêtés, expédia une
balle haute qui termina sa course dans les filets, déviée au passage par le défenseur adverse
Michael Svenson. Southampton égalisa par l’intermédiaire d’Agustin Delgado au début de la
seconde mi-temps mais, deux minutes plus tard, El Hadji Diouf restaura l’avantage de
Liverpool avant que Milan Baros, à l’heure de jeu, obtienne définitivement un billet pour le
quatrième tour grâce à un but qui scella la victoire sur le score de 3-1.
Ipswich Town était le prochain adversaire de Liverpool. Ils arrivaient à Anfield en
provenance des profondeurs du classement de Première Division, toutefois il s’avérèrent être
de redoutables opposants. Houllier prit en compte le contingent de son équipe, effectua huit
changements par rapport au match précédent – une défaite 2-1 à domicile contre Manchester
United – et permit ainsi à Neil Mellor de faire ses débuts dès l’entame de la partie et à John
Welsh d’entrer en cours de jeu.
Ils furent torpillés par un tir de Tommy Miller qui donna l’avantage dès le premier quart
d’heure aux outsiders venus de l’est de l’Angleterre, un avantage qu’ils conservèrent jusqu’à
la neuvième minute de la deuxième mi-temps quand Mark Venus descendit Mellor et que El
Hadji Diouf égalisa sur le penalty qui suivit.
DIXIEME CHAPITRE 1998-2004 LE BOSS
183
Ipswich continua toutefois à se battre sans aucune peur jusqu’à la fin des prolongations avant
que Liverpool ne l’emporte lors de la séance des tirs aux buts par la plus petite marge possible
sur le score de 5-4. Jamie Clapham d’Ipswich fut le seul tireur sur les dix joueurs désignés à
échouer d’un envoi que la barre transversale repoussa par dessus le but.
Liverpool dut ensuite se rendre sur le terrain d’Aston Villa pour le compte des quarts de
finales lors d’une soirée où la patience fut vertu aussi bien pour les fans que pour les joueurs.
Le coup d’envoi fut repoussé de 80 minutes à la suite d’un chaos rencontré lors du contrôle
des billets. Peu avant 23 heures, le match en était à la quatrième minute des arrêts de jeu
quand Danny Murphy inscrivit son deuxième but de la partie pour donner la victoire à
Liverpool sur le score incroyable de 4-3.
Lors d’une rencontre à renversements de situations, Villa, qui avait pris l’avantage en
première mi-temps, réussit à rattraper un score déficitaire de 1-3 concédé suite à une
égalisation de Murphy et à d’autres réussites de Milan Baros et Gerrard. Cette dramatique
victoire déboucha sur une intense demi-finale disputée en deux manches contre Sheffield
United, club de Première Division à la recherche d’une promotion.
Liverpool concéda une défaite 2-1 lors du premier match à Bramall Lane malgré un but de
Mellor – son premier au niveau senior – qui soulignait ainsi son retour dans sa ville natale.
Deux buts inscrits en fin de rencontre par Michael Tonge le joueur de United, promettaient
une deuxième manche disputée. Bien que Diouf donnât l’avantage à Liverpool alors que l’on
jouait la huitième minute de cette deuxième soirée, rétablissant ainsi l’équilibre, l’issue de la
partie se décida sur le fil du rasoir alors que ce duel en était aux prolongations. Au grand
soulagement du Kop, Owen fit étalage de toute sa classe à la 107ème minute pour obtenir une
victoire 3-2 sur l’ensemble des deux matches, ce qui donnait le droit à Liverpool de se
déplacer à Cardiff pour y affronter Manchester United pour un choc au sommet qui portait à
neuf le record du nombre de leurs participations à la finale.
Houllier et son équipe frappèrent un premier coup psychologique bien avant que le premier
ballon ne soit joué lors de cette finale. Ils remportèrent le tirage au sort les autorisant à revêtir
leur maillot rouge, la couleur traditionnelle de Liverpool quand ils battirent United lors de la
finale de la Coupe de la Ligue de 1983 et lors du Charity Shield de 2001. C’était un heureux
présage suggérant une victoire de Liverpool – et il fut glorieusement concrétisé.
Le gardien Dudek, qui devait se faire pardonner de deux erreurs fatidiques lors d’une défaite
2-1 concédée en Championnat à Anfield au mois de décembre précédent, se distingua
particulièrement sous les projecteurs de Cardiff, repoussant à trois reprises les tentatives de
Ruud van Nistelrooy ainsi que celles de Juan Veron et de Paul Scholes – même lorsque celuici était battu, Stéphane Henchoz trouvait encore le moyen de sauver sur sa ligne de but un
nouvel effort de Veron.
Autant d’arrogance protégea l’avantage que Liverpool avait obtenu six minutes avant la pause
quand Murphy et John Arne Riise unissaient leurs efforts sur le flanc gauche pour finalement
trouver Gerrard dont le boulet de canon expédié d’une distance de 30 mètres touchait
légèrement le pied de David Beckham et finissait au fond des filets après avoir lobé Fabien
Barthez.
DIXIEME CHAPITRE 1998-2004 LE BOSS
184
A quatre minutes de la fin, alors que Manchester United était bien incapable de percer la
défense de Liverpool, la partie était définitivement gagnée. Dietmar Hamann intercepta un
ballon de Mikael Silvestre avant de l’expédier dans les pieds d’Owen. Celui-ci s’échappa à
toute vitesse avant de décocher un tir, imparable pour Barthez, qui scella la victoire et porta à
sept le nombre record de victoires de Liverpool dans cette compétition depuis leur premier
succès en 1981.
« Quand vous voulez gagner contre Manchester United, vous avez besoin que toute l’équipe
joue bien – et c’est exactement ce qu’elle a fait, » s’enthousiasma Gérard Houllier après avoir
soulevé son sixième trophée en tant que manager. « Je l’ai soulevé en l’honneur des fans qui
ont dû attendre si longtemps à Villa lors de la demi-finale et je suis très fier d’eux
aujourd’hui. C’est une grande communion entre les fans et les joueurs. »
DIXIEME CHAPITRE 1998-2004 LE BOSS
185
JOUEUR
STEVEN GERRARD
Gérard Houllier utilisait un mot pour caractériser l’importance cruciale de Steven
Gerrard au sein de son équipe de Liverpool. « Irremplaçable » était l’adjectif qui sautait
instantanément aux lèvres du manager quand il vantait les talents de son capitaine
exemplaire du milieu de terrain.
Dynamique est un autre terme qui caractérise parfaitement le style et l’esprit insatiable de
l’étoile montante née à Huyton qui devint, à 23 ans, le leader de son club et de son pays : un
joueur clé à la fois pour Houllier et le sélectionneur de l’équipe d’Angleterre Sven-Goran
Eriksson.
En effet, l’implication de Gerrard sur toute la surface de jeu, anéantissant à un moment donné
une percée adverse et amorçant une réponse offensive l’instant d’après, est devenue une
marque de fabrique à elle toute seule. Comme un supporter du Kop le faisait parfaitement
remarquer sur les ondes de Radio Merseyside Football Phone-In : « La seule chose que Stevie
ne fait pas c’est d’être à la réception de ses propres centres… et il le fera probablement
bientôt ! »
La saison 2003-04 fut inoubliable pour Gerrard. Sa vie autour du football est passée en
l’espace de quelques mois d’un amour propre désespéré à un joueur mature évoluant à la fois
pour Liverpool et pour l’équipe d’Angleterre. Son angoisse de perdre à Chelsea lors du
dernier match de la saison en mai 2003, défaite qui priva Liverpool d’une place en Champions
League, provoqua son expulsion.
A son sort Gerrard apporta une juste réponse. Il utilisa son renvoi aux vestiaires à des fins
bénéfiques et améliora énormément sa discipline sur le terrain. Il est donc à souligner que son
premier carton jaune de la saison suivante n’arriva pas avant le 47ème match de Liverpool
disputé à domicile contre Charlton le Lundi de Pâques.
La récompense de Gerrard arriva en octobre. Suite à une décision surprenante de Houllier,
celui-ci fit de Gerrard le nouveau capitaine du club, reprenant le brassard du défenseur
Finlandais Sami Hyypia lors d’une victoire 3-0 à domicile contre Olimpija Ljubljana en
Coupe de l’UEFA.
Au mois de mars suivant, il fut une nouvelle fois honoré quand Eriksson fit de lui le capitaine
de l’équipe d’Angleterre en l’absence de David Beckham lors d’une défaite 1-0 contre la
Suède à Göteborg. « Je me souviens de la première fois que j’ai rencontré Steven » se rappelle
Eriksson. « Si je compare l’homme de maintenant et le garçon d’autrefois, je constate qu’il a
énormément progressé. Il mérite d’être capitaine. »
Le choix d’Eriksson fit plaisir à un ancien capitaine de l’équipe d’Angleterre, Bryan Robson,
qui déclara en été 2003 : « Quand Beckham n’est pas là, Gerrard est mon choix. Il est
maintenant devenu le joueur clé de l’Angleterre. »
Il devint donc ce jour-là le 12ème joueur de Liverpool à être nommé capitaine de l’équipe
anglaise – une lignée d’illustres personnalités qui débuta en 1921 par Ephraim Longworth –
mais, ironiquement, ce fut la première fois en 23 sélections de Gerrard que celui-ci se
retrouva du côté de l’équipe vaincue.
De toute évidence, ce rôle lui va comme un gant et son avidité pour sa carrière internationale
s’est encore développée suite à la souffrance de ne pas pouvoir disputer le tour final de la
Coupe du Monde 2002 à cause d’une blessure à l’aine.
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« J’était réellement très fier de porter le brassard de capitaine avec l’Angleterre et je pense
que le rôle de commandant de l’équipe que j’endosse à Liverpool a rehaussé le niveau de mon
jeu, » avouait Gerrard. « Cela a donné un élan considérable à ma carrière et c’est quelque
chose que j’ai toujours souhaité, même si je n’ai jamais pensé que cela se produirait déjà à
l’âge de 23 ans. »
Cela accomplissait en partie les idées de Gerrard, un jeune homme ayant grandi dans la région
et qui fut en pleine euphorie en 1990 lorsque, âgé de neuf ans, il se tenait dans le Kop pour
voir Alan Hansen porter à bout de bras le trophée du vainqueur du Championnat.
Son rêve de suivre ses pas en tant que capitaine était réalisé. Le titre demeure toutefois encore
une ambition brûlante. « En tant que capitaine, je ressens la responsabilité de faire en sorte
que le club se porte bien. Je souhaite être en compétition pour le titre chaque année. Il n’y a
aucune raison pour que nous ne puissions pas concurrencer les meilleures équipes. »
L’engagement de Gerrard pour le club s’est encore renforcé lorsqu’il signa un nouveau
contrat de quatre années en novembre 2003 où il déclara :
« Je suis ici depuis l’âge de huit ans et il ne s’est pas passé un seul instant où j’ai souhaité
jouer pour quelqu’un d’autre. Je désire remporter bien plus de trophées avec ce club. Je veux
le ramener en Champions League et je souhaite rester ici aussi longtemps que possible. »
Houllier, volontiers d’accord avec ces arguments, ajouta : « Vous devriez me couper les bras
et les jambes pour que je laisse partir Steven Gerrard parce que je les tiendrais enroulés autour
de lui. Je lui souhaite de ne pas être uniquement le joueur de l’année en Angleterre mais il
possède également toutes les chances de devenir à l’avenir le footballeur Européen et Mondial
de l’année. »
Steven Gerrard, le monde est ton terrain de jeu…
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