Nos républicains seraient
Transcription
Nos républicains seraient
Nouvelle Tribune : Nos républicains seraient-ils schizophrènes ? Critique de la rhétorique anti-pédagogique Michel Fabre Directeur du Centre de Recherche en Education de Nantes (CREN) En France la thèse républicaine se fige en une gesticulation formelle qui n’a d’autre effet que d’enliser le débat scolaire. La rhétorique républicaine fait flèche de tout bois : culte du fait divers monté en épingle, colportage des rumeurs sans le moindre souci de vérification des sources, témoignages reçus sans critiques et enfin souvenirs personnels plus ou moins nostalgiques érigés à la dignité de faits historiques et opposés aux “charlataneries” des statisticiens. On ne traite d’ailleurs par mieux l’histoire que la sociologie. L’intégrisme républicain, contempteur du présent de l’école, peut tranquillement se fabriquer un âge d’or, une école parée de toutes les vertus républicaines. Les républicains accusent la gauche de trop aimer le monde qu’elle ambitionnait jadis de transformer. On pourrait dire d’eux qu’ils haïssent trop le monde pour tenter de le changer et même tout simplement de le comprendre. Le refus du temps et de l’histoire conduit au primat d’une argumentation formelle, à la fois impeccable et vide : un “géométrisme abstrait ” qui s’épuise dans une symétrie manichéenne, sans dialectique ni compromis. Le débat franco-français sur l’école piétine. Depuis l’essai de Milner (De L’Ecole 1984) et la réponse d’Antoine Prost (Eloge des Pédagogues, 1985), les mêmes problèmes sont ressassés : clôture ou ouverture de l’école, instruction ou éducation, savoir ou pédagogie, mise entre parenthèses ou prise en compte des différences. Comment comprendre cette répétition stérile ? Un sociologue décèlerait, sous l’âpreté du débat, des enjeux de pouvoir… Lire la suite http://education.devenir.free.fr/Tribune.htm Sur le même thème, mais avec un angle d’analyse différent, vous pouvez relire un article de Pascal Bouchard « L’inconscient professionnel » : http://education.devenir.free.fr/bouchard.htm Dossier Lecture L’ensemble des échanges avec les chercheurs et contributions de chercheurs et praticiens – et donc celle de Roland Goigoux – ont été regroupés : http://education.devenir.free.fr/Lecture.htm Aucune étude de neurosciences n’a porté, à ma connaissance, sur le rapport entre les pratiques pédagogiques des maîtres de cours préparatoire et le fonctionnement du cerveau. Il y a, entre ces deux questions, un nombre considérable de niveaux d’analyse qui sont loin d’être maîtrisés et encore moins d’être modélisés simultanément ! Comment un ministre a-t-il pu affirmer à la tribune de l’Assemblée nationale – sans provoquer plus de réaction de la part de la communauté scientifique – que « les spécialistes de neurosciences expliquent que le cerveau est ainsi fait que c'est par la méthode syllabique que l'on apprend le mieux à lire » ! Selon mes lectures, les principaux résultats des recherches en neurosciences portent sur l’importance des traitements phonologiques… Lire la suite http://education.devenir.free.fr/Lecture.htm#goigoux1 Pétitions Sauvons la lecture : http://education.devenir.free.fr/Lecture.htm#Sauvons Cet appel est ouvert sur http://www.lapetition.com/sign1.cfm?numero=1058 APPRENTISSAGE DE LA LECTURE Assez de polémiques, des réponses sérieuses ! http://education.devenir.free.fr/Lecture.htm#applect APPEL AFL-GFEN-ICEM http://education.devenir.free.fr/Lecture.htm#appel L'apprentissage dès 14 ans, entre autres mesures annoncées par le gouvernement, participe d'un abandon historique de la démocratisation de notre système éducatif. Ecole : non au renoncement Samuel Johsua, université de Provence, Philippe Meirieu, université Lyon-II et JeanYves Rochex, université Paris-VIII Saint-Denis http://education.devenir.free.fr/debatpresse.htm#renonc http://www.ecole-resister.net/phpPetitions/?petition=2 Abrogation de l’art. 4 de la loi du 23 février 2005 la campagne pour l'abrogation de l'article 4 de la loi du 23 février 2005 http://www.abrogation.net/ PS Après avoir, fin décembre, complaisamment offert deux pages à l’auteur du torche-cul (définition du Littré : sens figuré écrit méprisable) « La fabrique du crétin » Télérama l’invite du coup à ce un « tchat » (en principe échanges de messages en direct, mais, imposture, Télérama invite à poser des questions « dès maintenant ») TCHAT Jean-Paul Brighelli Discutez en ligne avec l'auteur de La Fabrique du crétin, mercredi 25 janvier à 16h30. Tchat : posez dès maintenant vos questions Brighelli est un membre éminent de la clique « Sauvez les lettres » qui, visiblement a réussi à noyauter le cabinet ministériel si l’on en juge par les déclarations de Robien sur l’apprentissage de la lecture. Vous trouverez en annexe deux textes : une critique du libelle par J. M. Blanc et une attaque haineuse de Brighelli à l’encontre de P. Frackowiak IEN qui avait eu « l’audace » de critiquer son œuvre sur le site des cahiers pédagogiques (http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=1894) . Suggestion donc (Note : faite à titre tout-à-fait personnel JF Launay) : envoyer des messages ironiques ou humoristiques à [email protected] dès maintenant et/ou le 25/01 à 16 h 30 (les textes ci-dessous offrent de la matière). ANNEXE 1) Le crétin de la fabrique En automne, les feuilles tombent. Les livres aussi. Il en est même qui tombent … des mains. Celui de Jean-Paul Brighelli en est un bel exemple. C'est de La fabrique du crétin qu'il s'agit, sous-titré La mort programmée de l'école. Comme souvent, lorsqu'il s'agit d'école, j'ai dressé l'oreille, me suis longuement entretenu avec moi-même avant d'aller dépenser 16,90 € pour acquérir LE livre ayant pour ambition de nous faire "comprendre pourquoi on détruit sciemment l'école." Rien que ça ! Je craignais le pire, je n'ai pas été déçu. A en croire J.-P. B. la responsabilité de la mort programmée de l'école incomberait pour l'essentiel à la Nouvelle Pédagogie (avec majuscules s'il vous plaît), aux lieux où elle est censée fourbir ses armes de destruction massive les plus secrètes – entendez les IUFM – et à quelques autres broutilles, entendez les syndicats, les post soixante-huitards, le néolibéralisme, l'administration centrale, l'Europe, les ministres de droite comme de gauche, les enseignants bien sûr, le critère de cette mort programmée étant bien évidemment cette rengaine centenaire : le niveau baisse, les bacheliers ne savent plus lire, une licence de 2005 ne vaut pas plus que le certif' d'avant et si l'école, la nouvelle pédagogie et les IUFM ne sont pas en cause quant à l'arrivée de la grippe aviaire, cela ne saurait durer trop longtemps encore. Là, j'exagère mais pas assez. Reprenons dans le détail au gré d'une lecture somme toute aussi pénible que peu instructive. D'abord le titre. La fabrique du crétin laisse penser, naturellement, que l'école dont le sous-titre annonce la mort programmée est elle-même la fabrique, le crétin étant alors le produit ainsi fabriqué, l'élève donc. Dans une courte préface, Bernard Lecherbonnier essaie de sauver – un peu – la mise et avance que "Le Crétin dont il s'agit n'est pas le produit de la fabrique, mais son ingénieur, son directeur, son patron. Je m'y retrouve mieux ainsi, je l'avoue." Mais, dès le prologue, J.-P. B. rectifie très vite parlant du "crétin taillable et corvéable à merci" (p 21), d'un "être sans passé, sans histoire, sans bases" (p 20), puis un peu plus loin, il écrit : "Le rêve de l'industriel, c'est l'ilote, l'esclave sans conscience des sociétés antiques, le Crétin des sociétés modernes."(p 22) La fiction préfacière, celle du crétin comme étant la fabrique, son ingénieur, son directeur, son patron n'aura pas tenu plus de dix pages. Le clou est définitivement enfoncé, certes de façon un peu modulée, trois pages après : "Le Crétin (et j'entends par là aussi bien le produit du système – l'élève – que son initiateur – l'instance enseignante) ne l'est pas par nature : il est le produit d'un système – alors même qu'il s'en croit parfois producteur." Quelques pages plus loin, quand J.-P. B. traite enfin des élèves "tels qu'ils sont", cela donne : "Elèves gisant sur les pelouses, écroulés sur le moindre banc tels des sacs à patates, vautrés dans les couloirs, traînant les pieds comme des forçats pour gagner leur salle de cours à la sueur de leur front blême, voûtés, affalés, répandus, clopes au bec, cheveux gras en bataille, baggy sur les hanches, évitant le soleil de peur d'avoir à y porter leur ombre …" Ce florilège donne quelque corps à l'affirmation de Pierre Merle, professeur de sociologie à l'IUFM de Bretagne, qui dans un entretien publié dans Sciences Humaines, avance que le titre de ce livre "montre à lui seul le peu d'estime que l'auteur a pour les élèves et pour le travail des professeurs au quotidien." Par ailleurs, je suis très perplexe quant à l'autre partie du titre, La fabrique. Assimiler l'école, quelle que soit l'acception du terme retenue, à une fabrique, une usine, une manufacture me semble tendancieux. Il y a des manufactures d'armes et de cycles, des fabriques de nougats, des usines automobiles. Mais un élève, c'est à dire une personne, un sujet, certes en devenir, plus potentiel que réalisé, peut-il être confondu avec une matière première dont une fabrique assurerait l'usinage ? Pourtant, à bien y réfléchir, J.-P. B. n'a peut-être pas tout à fait tort. S'il s'agit, en tant qu'enseignant, de ne former que des "crétins", alors il est probablement cohérent de considérer l'école comme une fabrique. Qu'il soit permis à l'instituteur que je suis de penser que je travaille sur une autre ligne de montage, pour une autre "production". Nostalgie, nostalgie Il peut être porté au crédit de J.-P. B. une certaine franchise, ce qui ne l'empêche pas d'écrire des sottises. La page 18 débute ainsi : "La nostalgie, que ne manqueront pas de nous reprocher les tenants de la "modernité", est la seule voie sérieuse pour préparer le futur sans renoncer massivement à la culture." Lui répond en écho l'éloge de Etre et avoir exaltant lui aussi le BVT (Bon Vieux Temps), celui des becs de gaz, de la marine à voile, de la transmission des savoirs par imposition des mains ou toute autre méthode, étant entendu qu'à cette époque "Depuis le B.A.-BA (méthode syllabique) jusqu'aux grandes écoles et au-delà, l'élève apprenait. On emplissait patiemment ses lacunes, on réduisait ses friches. On lui demandait patience, application et obéissance." Bref, le gavage des oies comme paradigme de l'enseignement ! Et pourtant, déjà, Jules Ferry affirmait : "Les méthodes nouvelles qui ont pris tant de développement, tendent à se répandre et à triompher : ces méthodes consistent, non plus à dicter comme un arrêt la règle à l'enfant, mais à la lui faire trouver. Elles se proposent avant tout d'exciter et d'éveiller la spontanéité de l'enfant, pour en surveiller et diriger le développement normal, au lieu de l'emprisonner dans des règles toutes faites auxquelles il ne comprend rien." Bref, selon J.-P. B. le niveau ne cesse de baisser, ce qui ne l'empêche pas d'écrire : "Il est certain que le bachelier actuel en sait plus, quantitativement parlant, que celui de 1920." Ah, quand même ! Mais, inflexible et ferme sur les prix, il corrige instantanément par : "Mais il sait beaucoup moins bien." A quelle hauteur se place J.-P. B. pour, en deux phrases, dire tout et son contraire ? Sur quoi se fonde-t-il ? Probablement sur l'air du temps, trois poncifs, deux clichés et une représentation très particulière du monde dans laquelle il suffit d'affirmer, de préférence de façon péremptoire, pour que "les choses" existent. Deux exemples encore : ∗ "Mais le constat de cette mort programmée, annoncée, constat partagé par tous, parents, élèves et enseignants, ne suffit plus." ∗ "En interdisant les redoublements, réputés traumatisants, on pousse toujours plus loin des élèves confrontés à des programmes qu'ils ne peuvent maîtriser. L'angoisse est permanente, le syndrome d'échec s'enfle chaque jour. Un redoublement n'a jamais été une sanction. Il entérine un niveau, il donne une seconde chance." A ce propos du redoublement, il est piquant de constater que J.-P. B. évoque, des trémolos dans la plume, deux pays faisant beaucoup mieux que la France en matière d'éducation, la Corée et la Finlande. Dans ce dernier pays, le redoublement n'existe pas, les élèves n'ont pas de travail à la maison, n'ont pas de note chiffrée, bref l'horreur absolue pour un tenant comme J.-P. B. de l'école "à l'ancienne" qui, en creux, parce que jamais définie bien sûr, doit être celle qu'il a connue comme élève, ou peut-être rêvée. Le morceau de choix : les IUFM Alors, là, J.-P. B. se déchaîne : "chacun sait bien que les IUFM, depuis 1989, servent pour l'essentiel à faire désapprendre le peu de savoir accumulé dans les cursus précédents" les IUFM présentés comme des "niches écologiques" où les leaders du baby-boom "pourraient à leur gré se pavaner, pontifier, et pondre des rapports et des propositions." - Les IUFM seraient hantés "par des libertaires fous". - "Quand j'entends le mot culture, dit le pédagogue moderne, je sors mon IUFM." - Et je n'ai pas tout recensé ! Une précision : j'habite Nîmes - nul n'est parfait – et je lis régulièrement un hebdomadaire local, La Gazette de Nîmes. Son numéro 329 consacre trois pages au livre de J.-P. B. sous le titre: "Ecole : une fabrique de crétins ?" J'y ai appris, notamment, que J.-P. B., il y a quelques années, avait souhaité occuper un poste d'enseignant à l'IUFM de Montpellier. Bizarre, bizarre ! Serait - ce une version actuelle de la fable "Le Renard et les Raisins" Mais alors qui et où sont les goujats pourrait se demander le fabuliste ? J'y ai aussi appris que l'un des enfants de J.-P. B. avait une "instit' à l'ancienne". Soit J.-P. B. est particulièrement chanceux, soit il n'y a peut-être pas autant de "nouveaux pédagogues", c'est à dire de fossoyeurs de l'école selon Saint JeanPaul, qu'il veut bien le laisser entendre tout au long de son livre. Ce qui ne veut pas dire que les instituteurs de 2005 sont forcément et majoritairement des admirateurs inconditionnels de méthodes d'un autre âge. Mais c'est une autre histoire. La fabrique du crétin est un livre vite écrit. Il est question, dans ce document – p 21 - publié en 2005, de la CEE (Communauté Economique Européenne) dûment remplacée par l'UE (Union Européenne) il n'y a jamais qu'une bonne dizaine d'années, depuis 1993 exactement. L'élève Brighelli gagnerait à effectuer un stage dans la filière ES (Economique et Social) qu'il honore de cette appréciation : "le choix des médiocres universels" Un livre vite écrit, vite lu et à oublier encore plus vite. Une dernière chose : dans un entretien étonnamment complaisant consacré à ce "phénomène" par une journaliste de France 2, le 8 septembre 2005, J.-P. B. se laisse aller à dire qu'au temps du bon vieux temps, avant quoi, quand la transmission était assurée " On était content, on disait à son gosse quand il rentrait de l'école : Qu'est-ce que tu as appris aujourd'hui ? [ ] Eh bien quand vous le leur demandez actuellement, ils vous regardent avec cet œil vide qui est l'objectif final des pédagogues modernes et ils vous disent : Rien. Et d'ailleurs c'est vrai, ils n'ont rien appris." J'ai le regret de vous dire, Monsieur le professeur probablement à l'ancienne, que vous ayant lu, et plutôt attentivement, je n'ai pas appris grand-chose, sinon que la CEE existait toujours. C'est une sacrée performance dont je ne saurai jamais assez vous remercier. Jean-Marie Blanc Instituteur, docteur en Sciences de l'éducation 2) Réponse à Pierre Frackowiak à propos de la Fabrique du crétin. Les Cahiers pédagogiques hébergent depuis le 5 octobre une « analyse » de Pierre Frackowiak sur mon livre, la Fabrique du crétin. Et si je mets le mot entre guillemets, c’est que cette longue litanie de contre-vérités, assaisonnée de quelques insultes, est à l’analyse ce que Mein Kampf est à la tolérance raciale. Bien sûr, la comparaison n’est pas tout à fait gratuite — et si monsieur Frackowiak ne l’avait pas appelée, je ne l’aurais pas osée, car je suis naturellement peu porté à la polémique. Mais apprendre, dès la troisième ligne, que l’on a commis un « écrit dégénérescent » donne une indication précieuse sur les références mentales et l’ouverture à la discussion des ayatollahs de la pédagogie hébergés dans votre revue. Big Brother s’exprime ! La Pensée unique, et unidimensionnelle, condescend à m’adresser la parole — tout en admirant le « courage » de Philippe Meirieu qui en a fait tout autant ! Doisje me sentir honoré ? Autant dire les choses en face. Personne ne nie l’échec patent de l’école, et surtout pas Meirieu. Dans son dernier livre à petit succès n’affirme-t-il pas — et je le suis tout à fait sur ce point : « Nous avions rêvé d’une Ecole ouverte à tous, véritable creuset républicain faisant de la mixité sociale une valeur et de l’hétérogénéité une méthode pédagogique : nous avons vu se développer l’enfermement social des enfants, la ségrégation systématique entre les établissements, l’organisation de filières étanches et strictement hiérarchisées… » ? On ne saurait mieux dire — et c’est exactement ce que j’écris tout au long de la Fabrique. Quant aux causes d’un tel marasme, évidemment… Les incendiaires soudain coiffent leur uniforme de pompiers pour affirmer que si les réformes qu’ils ont conçues, auxquelles ils ont donné parfois leur nom, qu’ils ont dirigées avec la ferveur des nouveaux convertis, ne marchent pas, c’est qu’elles ont été « édulcorées et atténuées par les pressions des conservateurs » — entendez : les gens qui tentent de remettre le système sur des bases solides. Alors, disons-le tout net : l’école meurt de trente ans d’expérimentations imbéciles. Bernard Lecherbonnier, dans la préface qu’il a bien voulu donner à mon livre, a parfaitement souligné que les Crétins en chef étaient tous ceux qui, depuis deux ou trois décennies, hantent les couloirs grenelliens afin de casser plus vite le formidable ascenseur social qu’était l’école de la République. Bonjour, monsieur Frackowiak ! Salut, monsieur Meirieu ! Qui s’étonnera que deux courtisans si friands de distinctions soient parvenus à se glisser dans le comité mondial pour l’éducation de l’UNESCO ? Est-ce une preuve de leur compétence, ou de leur appétit ? Précisons-le encore : dans un système bien fait, lesdits gredins ne seraient pas Inspecteurs, mais seraient jugés par le peuple aptes à reprendre contact avec les réalités du terrain dans l’un ou l’autre de ces collèges déshérités qu’ils ont créés par décret — et où, par parenthèse, j’ai enseigné douze ans : quelles sont les références réelles de monsieur Frackowiak ? Quels concours a-t-il donc passés (ou échoués ? Philippe Meirieu s’est-il remis lui-même de son échec à l’ENS ?) pour détester à ce point tout ce qui pense — les « intellectuels contemporains » dit-il en vrac : sans doute ignore-t-il que le mot a été popularisé par ce vieil antisémite de Brunetière pour désigner ceux qui appuyaient Zola et les siens dans l’affaire Dreyfus. Cela ne fait que confirmer ce que je disais plus haut du champ sémantique de monsieur Frackowiak. Soit monsieur Frackowiak est un homme de culture, et il sait que son vocabulaire appartient à ce que l’espèce humaine a commis de pire ; soit il ne le maîtrise pas (mais quelles profondeurs brunâtres révèle alors le cloaque verbal où il alimente sa prose ?), et sa place serait plus naturellement sur les bancs d’une bonne classe de CE2 que dans les coulisses de la formation des maîtres. Le plus étrange — mais on sait que le geai aime se parer des plumes du paon — c’est que mon contradicteur m’accuse pratiquement d’être « de droite », péché inexcusable, et de déplorer par exemple la réforme criminelle de 1989, alors qu’il voit, lui, dans la nonapplication totale de cette réforme la cause des échecs d’aujourd’hui. J’imagine que certains, dans l’Allemagne de 1944, attribuaient les revers de la Wehrmacht à la lenteur de la « solution finale ». D’où l’accusation de « populisme », que l’on me jette volontiers à la face. Crime d’Etat que de penser contre la novlangue des spécialistes auto-déclarés de l’éducation. Crime contre la pensée que d’accuser la gauche officielle de s’être alignée sur une pensée de droite. L’échec cinglant de Jospin, ou celui des élections européennes lui ont pourtant bien montré qu’elle se fourvoyait. Mais François Hollande ou Pierre Frackowiak sont manifestement insensibles aux leçons de l’histoire, à ce que leur hurle le peuple, et aux « coups de gueule » — c’est le nom de la collection où a paru la Fabrique — des vrais enseignants de terrain. Mettons, pour la beauté du raisonnement, que je ne mette pas en doute l’engagement « à gauche » d’un homme qui a su protester contre la loi Fillon, quelles que fussent ses intentions réelles — et ce, malgré les relents peu ragoûtants de son vocabulaire. Reste que l’essentiel de sa « pensée » (pour les guillemets, voir ce que j’en disais plus haut) est, malgré lui, libérale : car pourquoi condamner — dans les faits — les gosses du peuple à la misère intellectuelle, sinon pour en faire les ilotes sous-diplômés dont le système actuel a besoin, en ces temps de crise ? Qui méprise qui ? Qui fait violence à qui ? Mais tout cela ne fait pas avancer le débat, et je m’en voudrais d’en rester, comme lui, à l’invective. Ce n’est pas mon genre. Lorsque monsieur Frackowiak écrit qu’il faut « passer de la démocratisation quantitative (…) à une démocratisation qualitative indispensable à la formation d’un humanisme du XXIe siècle », comment ne pas être d’accord avec lui ? Mais sait-il exactement ce qu’est l’élitisme républicain ? A-t-il la moindre idée des trésors d’imagination pédagogique que demande, dans chaque classe, à chaque professeur, le développement des capacités maximales de chaque élève ? Chaque classe est différente, chaque classe, dans chaque matière, suppose une inventivité de chaque instant — et c’est en quoi la pédagogie est un art, pas une science — sauf pour les recalés de l’université qui ont trouvé dans les « Sciences de l’éducation » un exutoire à leurs frustrations carriéristes. Chaque classe est, au fond, une « classe unique », comme celle dont s’occupait Georges Lopez, et suppose une pédagogie différenciée — une pédagogie de niveaux. Pierre Frackowiak affirme que « la liberté pédagogique (dont je fais grand cas) est l’alibi des conservateurs ». Mais nous savions déjà qu’en disciple du fascisme pédagogique, il prêche lui aussi que l’Ignorance, c’est la force. Tout se tient. Je ne voudrais pas développer outre mesure une argumentation qui tient en trois points. Mon contradicteur est homme de passion, incapable de lire posément un livre qui demande instamment que le peuple d’en bas ait droit à la même culture que les élites (et à ce propos, il y a je ne sais quoi de tristement œdipien chez ces pédagogues qui refusent à leurs enfants l’accès à la culture qui les a formés, eux). Il est plus que temps que, descendant de son estrade inspectoriale, il se frotte un peu plus aux réalités du terrain — je suis un praticien, moi, pas un idéologue à trois sous. Enfin, je lui conseille vivement de surveiller un vocabulaire sous lequel transparaissent trop clairement son mépris et son intolérance. Jean-Paul Brighelli