Hommage à l`écrivain Vincent Placoly
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Hommage à l`écrivain Vincent Placoly
Hommage à l’écrivain Vincent Placoly 1946-1992 DOSSIER DE PRESSE Martinique Première, Promolecture et l’Impératrice vous invitent à l’enregistrement de l’émission de radio de Fabrice Théodose en hommage à Vincent Placoly pour le vingtième anniversaire de la disparition de l’écrivain Mardi 24 janvier 2012 à partir de 19 h HOMMAGE À VINCENT PLACOLY À tous les destinataires, aussi et surtout à Fabrice Théodose, je confirme que je viens de recevoir l’aval et l’accord de Madame Ghislaine GLAUDON, directrice de l’Hôtel Bar / Restaurant de l’Impératrice, pour l’enregistrement in situ de l’émission de Fabrice Théodose en radio dédiée à la culture et aux arts. UNE SPÉCIALE EN HOMMAGE À VINCENT PLACOLY L’émission suivant l’accord de Jérémy Edouard le directeur des antennes de Radio Martinn nique Première, sera mise en (boîte) c’est-à-dire enregistrée le mardi 24 Janvier 2012 en début de soirée dans le lieu d’enregistrement donc : le Bar de l’hôtel Impératrice duré maximum d’immobilisation des lieux pour l’émission, deux heures, pour une émission d’une heure — diffusion le jeudi 26 janvier en radio. Les intervenants seront invités par l’association PROMOLECTURE qui se chargera de l’organisation de l’évènement contact de son président Jean-Benoît Desnel ( 06 96 83 30 38 ). Sont prévus des noms suivants (intervenants ) du monde de la culture, écrivains , univn versitaires, etc … comme : Danielle Marceline, Suzanne Dracius, Gilbert Pago, Malik Duranty, Arlette Pacquit, Livio Duverger, Patrick Mathélié-Guinlet, Axel Artheron, Jocn celyn Régina, Jocelyn Abatucci, Marie-Line Ampigny, José Alpha, Jean-Georges Chali, Edwy Plenel, pour ne citer que les plus connus. photo © Serge Boissard Fort-de-France, décembre 1991 Vincent Placoly est né le 21 janvier 1946 au Marin, en Martinique, de parents insttituteurs. Après des études secondaires au Lycée Schoelcher, il fait une khâgne au Lycée Louis le Grand à Paris et des études supérieures à la Sorbonne.Très tôt, avec son professeur de philosophie René Ménil, compagnon d’armes d’Aimé Césaire, il s’interroge sur « les formes, les structures, les styles du roman ». Selon eux, « le roman est la destinée de la Martinique et en première urgence, l’écriture doit appporter une esthétique du refus qui sait dire non à la banalité du sentiment et du langage pour bien asseoir la liberté et l’indépendance de la création littéraire ». Dès ses premiers romans, La vie et la mort de Marcel Gonstran (1971) et L’eau de mort guildive (1973), l’écrivain se montre, selon Jack Corzani, l’un des rares écrivains, après Césaire, à avoir fait un apport vraiment nouveau à la littérature antillaise. Durant de nombreuses années, Vincent Placoly va partager sa vie entre l’écriture, l’enseignement et le militantisme (il a participé à la création, en 1971, du Groupe Révolution Socialiste qui se bat pour l’émancipation sociale et économiqque des Antilles). Le théâtre lui semble la voie la plus évidente pour atteindre les consciences d’un peuple hanté par les affres de l’esclavage, une politique aliénante voulue par la puissance coloniale et à la recherche de son identité. Œuvres originalles, La fin douloureuse et tragique d’André Aliker (1969), Dessalines ou la passion de l’indépendance (1983) et œuvres de la réécriture – Don Juan (1984) adapté de Molière et de Tirso de Molina, Mambo (1986) adapté d’Athol Fugard, ou encore Massacre au bord de la mer de Tartane (1989) adapté de Carlo Goldoni – sont autant de tentatives de montrer la « haine qui cloue les langues et déchire les cœurs », à inviter les hommes à vivre avec « courage, dignité et allégresse l’aventure humaine ». – © Daniel Seguin-Cadiche Site : île en île Oeuvres principales: Romans: La vie et la mort de Marcel Gonstran. Paris: Denoël, 1971. L’eau-de-mort guildive. Paris: Denoël, 1973. Frères Volcans ; Chronique de l’abolition de l’esclavage. Paris: La Brèche, 1983. Le cimetière des vaincus. 1991 (inédit). Essais et nouvelles: Une journée torride, essais et nouvelles. Paris: La Brèche, 1991. Essais: «Nouvelles tendances de la littérature de langue française», Revue Casa de las Américas, La Havane (1983). « «Parler langage», Réflexion sur l’étude des créoles». Journal of Asian and African Studies (Tokyo) 27 (1984). «L’économie des Antilles françaises et le problème de la dette extérieure» (inédit), La Havane, 1985. «La maison dans laquelle nous avons choisi de vivre». La Quinzaine Littéraire 436 (16 mars 1985). «Pour une relecture de notre littérature à la recherche de notre identité caribéenne» (inédit). Travaux de l’Association «French Caribbean Studies», Pointe-à-Pitre Guadeloupe, mars 1985. «N’importe où, hors du monde - L’esthétique romanesque de André Brink (Un instant dans le vent)». Tranchées (Publication du Groupe Révolution Socialiste, Fort-de-France), février 1986. «La mer et la forêt». Europe (avril 1986). «La création romanesque aux Antilles» (inédit), Colloque international GRELCA, Université Antilles-Guyane, Schœlcher, mai 1987. «Antillanité, Créolité américaine» (inédit), Travaux de la «French Colonial Society», Pointeà-Pitre, mai 1989. «Existe-t-il une opinion publique aux Antilles» (inédit), Rencontres du Club Presse/ Martinnique, Fort-de-France, avril 1990. «La représentation théâtrale», Festival caribéen du théâtre, CMAC, Fort-de-France, avril 1990. «L’esthétique au temps de la dépendance», Paraboles à propos de La Transgression des couleurs de Roger Toumson (inédit), Fort-de-France, mai 1990. «À propos du débat sur le créole». Révolution Socialiste (14 octobre 1989). «Entretien avec Vincent Placoly», interview. France-Antilles (19 octobre 1991); FranceAntilles (7 janvier 1992, 2e publication, le lendemain de la mort de Vincent Placoly). «Sur une nouvelle de Jorge-Luis Borges (Identité et Culture)», Tranchées Spécial, Publicattion du Groupe Révolution Socialiste, Fort-de-France (janvier 1993). «Un portrait de Jean-Jacques Dessalines», La Havane (12-14 novembre 1991), Tranchées Spécial, Publication du Groupe Révolution Socialiste, Fort-de-France (janvier 1993). Les Antilles dans l’impasse ? Des intellectuels antillais s’expliquent, Édouard Glissant, Laurrent Farrugia, Yves Leborgne, Vincent Placoly, Roland Suvélor... [etc.], témoignages recueillis par Alain Brossat et Daniel Maragnès. Paris: Éditions caribéennes / l’Harmattan, 1981. Pamphlets: Quand passent les Senghor : Néo-coIoniaIisme ou révolution ?, en collaboration avec Phillippe Pierre-Charles, supplément à Révolution Socialiste 112 (Fort-de-France, février 1976). Portrait d’un dictateur. Fort-de-France: Édition du G.R.S, 1974 (Supplément à Révolution socialiste 199); réimpression 1988. Théâtre: La fin douloureuse et tragique d’André Aliker (inédit). Postface : le créole, langue et théâtre. Paris: Publication Libération Antilles-Guyane L.A.G, 1969. Dessalines ou la passion de l’indépendance. La Havane: Casa de las Américas, 1983 ; Desssalines. Fort-de-France: Éd. L’Autre Mer, 1994. Don Juan, comédie en 3 actes. Adaptation du Don Juan de Molière et de Tirso de Molina pour le T.P.M (Théâtre Populaire Martiniquais), édition bilingue français-créole. Fort-de-France: Hatier-Antilles, 1984 ; Adaptation pour la télévision RFO, 1985. Mambo (inédit). Adaptation de Master Harold d’Athol Fugard pour la compagnie « Poutÿi pa téat », Festival Caribéen de Théâtre. Fort-de-France: Imprimerie CMAC, 1986. Scènes de la vie de Joséphine-Rose Tascher de la Pagerie (inédit), pour la compagnie théâttrale Téat Lari et le Conseil Général, Fort-de-France, 1986. Arlette Chaussette (tiré d’une fantaisie de M-T Julien Lung-Fu). Comédie pour le Téat Lari, Fort-de-France, 1988. L’auberge des trois passes (inédit), pour le Téat Lari, Fort-de-France, 1988. Guanahani (inédit), pour le Téat Lari et la ville de Schœlcher, Fort-de-France, 1988. Pamélo ou la liberté pour le Téat Lati, 7e Festival caribéen de théâtre, CMAC, Fort-deFrance, 1988. Vivre ou mourir ou La mort de Mara (inédit), pour la compagnie Téat Lari et le CMAC, Fort-de-France, 1988 ; Adaptation pour la télévision RFO-Martinique, 1989. Massacre au bord de la mer de Tartane (inédit). Adaptation du Baroufle à Chioggia de Goldoni pour le Centre Dramatique Régional au Festival Culturel de Fort-de-France, 1989 ; Adaptation pour la télévision RFO-Martinique, 1989. La véritable histoire de Médard Aribot. Production CMAC, Téat Lari et Association « Le Bel Age », Fort-de-France, avril 1990. La fin douloureuse et tragique d’André Aliker (inédit). Opéra, Fort-de-France, 1990. Grand Hôtel (inédit). Drame pour le CMAC, Fort-de-France, 1991. Colomb 92 (inédit). Adaptation de El nuevo mundo descubierto por Colon, La découverte du nouveau monde de Lope de Vega (161 4), Fort-de-France, décembre 1991. Les nuées ardentes : Saint-Pierre 1902 (inédit). Schoelcher, 1992. Frères Volcans, (inédit). Adaptation de Frères Volcans (1983) par S. Bernard-Gresh pour le théâtre Artistic Athévains, 1998. Prix et Distinctions littéraires: 1983 1991 Prix Casa de las Américas, pour Dessalines ou la passion de l’indépendance. Prix Frantz Fanon, pour Une journée torride. Sur Vincent Placoly: André, Jacques. Parcours libidinal d’une œuvre : La vie et la mort de Marcel Gonstran. Pointe à Pitre: CARE, 1976. Chali, Jean-Georges. Vincent Placoly, un créole américain. Fort-de-France: Desnel, 2008. Christian, Rita. «Vincent Placoly». The New Oxford Companion to Literature in French. New York: Oxford University Press, 1995: 626. Christian, Rita. «The Life and Death of a Creole American».Vincent Placoly and the Passion for Independence (à paraître en 2007). Lemare, Liliane. La mort dans l’œuvre romanesque de Vincent Placoly. Mémoire de Maîtrise de Lettres Modernes, Université Antilles-Guyane - Schœlcher, 1992. Lemare, Liliane. La condition féminine dans l’œuvre romanesque de Vincent Placoly. Mémmoire de D.E.A. « Caraïbes-Amériques Latine et du Nord », Université Antilles-Guyane, Schœlccher, 1997. Lorne, Louise. Temps et Histoire dans l’œuvre romanesque de Vincent Placoly. Mémoire de D.E.A « Caraïbes-Amériques Latine et du Nord », Université Antilles-Guyane, Schoelcher, 1996. Seguin-Cadiche, Daniel. Vincent Placoly dramaturge. Mémoire de Maîtrise de Lettres Modernes, « Caraïbes-Amériques Latine et du Nord », Université Antilles-Guyane, Schoelcher, 1993. Seguin-Cadiche, Daniel.Vincent Placoly, romancier de l’identité américaine. Mémoire D.E.A, « Caraïbes-Amériques Latine et du Nord », Université Antilles-Guyane, Schoelcher, 1995. Seguin-Cadiche, Daniel. Le système des écritures dans l’œuvre de Placoly : Structures, Idéologies et Symboles. Thèse de Doctorat, Université Antilles-Guyane, Schoelcher, 2000. Seguin-Cadiche, Daniel. Vincent Placoly : une explosion dans la cathédrale, ou Regard sur l’oeuvre de Vincent Placoly. Paris: L’Harmattan, 2002. Sourieau, Marie-Agnès. «Dramaturgie et histoire : la représentation de Dessalines, de Vincent Placoly». Les Théâtres francophones et créolophones de la Caraïbe (sous la direction d’Alvina Ruprecht). Paris: L’Harmattan, 2003: 155-169. L’échappée belle de Vincent Placoly par Edwy Plenel De Montaigne, nous avons appris que tout honnête homme est un homme mêlé, et aussi que les véritables barbaries commencent le jour où l’on s’habitue à peindre l’autre en barbare. Il n’est pas certain, et c’est peu dire, que nous ayons été fidèles à cet enseignement. Dominations exterminatrices et identités meurtrières en ont surabondamment témoigné, jusqu’à nos jours. Tout comme nous n’avons guère observé l’anticipatrice mise en garde d’Etienne de la Boétie, cet ami de Montaigne dont le traité sur la servitude volontaire au Grand Un du pouvoir, uniforme et univoque, est au secret de cette entreprise libératrice que constituent les Essais. Or on oublie trop souvent qu’au XVIe siècle, ces hommes-là s’ébrouaient et s’inventaient sous le choc de la rencontre américaine, où débute l’unification de la planète – ce que nous appelons aujourd’hui la globalisation ou la mondialisation – par la projection violente de l’Occident sur le monde. Cinq siècles plus tard, nous sommes sans doute témoins de l’achèvement de ce moment, de son retournement et de son dépassement. A l’évidence, les réponses, les promesses et les forces de demain sont désormais à chercher au Brésil, en Inde, en Afrique du Sud – trois univers produits de l’épreuve coloniale, de ses partages et de ses brassages, mais aussi des résistances en retour, lucidités, générosités et maturités – plutôt que dans notre vieux continent européen, épuisé, dérouté et désorienté par sa trop longue course folle autour d’un globe dont il voulait à tout prix effacer les mystères. Vincent Placoly s’en est allé à l’orée de ce moment-là, au tournant des années 1990 du siècle passé qui en sonnaient le glas. Mais, comme tous les déchiffreurs de la Caraïbe, il l’avait anticipé, par son Conférence à la Maison de l’Amérique Latine Boulevard St- Germain Paris 75006. Il y a cent ans naquit Jorge Luis Borges ; José Maria de Heredia mourut il y a cent-soixante-dix ans ; en 1982, le prix Nobel de littérature fut décerné au Colombien Gabriel García Márquez. De nos jours, l’Urugayen Eduardo Hughes Galeano frappe les esprits du monde entier à travers son livre offert au président Obama par le président Chavez. Décédé en 1992, l’écrivain martiniquais Vincent Placoly — un « créole américain » —, a, dès son premier roman, toujours fait, à travers ses écrits, l’éloge de la littérature de l’Amérique Latine, du continent à la Caraïbe insulaire. Nous connaissons tous la Négritude, courant créé par les écrivains noirs francophones Césaire et Senghor, suivi par celui de la Créolité, initié par des écrivains contemporains de Guadeloupe et Martinique. Mais ne passons pas sous silence le courant littéraire d’ouverture plus large qui englobe toute la Caraïbe, des Amériques insulaires (Grandes et Petites Antilles) jusqu’aux rives de l’Amérique Latine, initié et défendu par Vincent Placoly, la « panaméricanité ». Si Placoly s’inspire des écrits de Jorge Luis Borges et suit ce maître sur le plan de la rigueur scripturaire, il n’en demeure pas moins un disciple de cet autre écrivain d’Amérique Centrale qu’est Alejo Carpentier, maître incontesté du Réel Merveilleux, cet autre mouvement littéraire qui emboîte le pas au Réalisme magique dont vont s’inspirer des écrivains tels Jacques Stephen Alexis. Ainsi, il s’agit pour nous de rendre compte de l’ampleur de cette littérature qui couvre un large champ et qui va du Mexique à l’Argentine en passant par l’archipel des Antilles et le Venezuela. Placoly répond donc à cette exigence que préconise Borges dans sa relation au lecteur et à cette volonté de combattre le populisme et la facilité dans laquelle nombre d’écrivains s’engouffrent. S’agissant de répondre au souci esthétique, tous deux combattent le populisme littéraire pour s’inscrire dans une perspective qui rehausse le travail de l’écrivain tout en le rapprochant de la base populaire. Prendre en compte le problème social n’empêche donc pas nos esthéticiens de la langue littéraire de construire un modèle qui soit en rupture avec l’écriture standard. Chez chacun de ces écrivains, il y a cette volonté noble de garantir au lecteur des récits de haute voltige et qui l’implique lui-même en tant que participant à l’acte d’écriture. Borges lui-même n’exigeait-il pas de son lectorat qu’il soit à la hauteur du texte littéraire ? Placoly lui faisant écho, véritable ciseleur, architecte de mots, n’exigeait-il pas autant que son maître de ses lecteurs qu’ils fassent preuve de connaissance et qu’il évolue à la mesure de cette langue littéraire transcendantale ? Il y a chez ces écrivains une volonté de combattre la médiocrité et le populisme tout en prenant en compte les problèmes sociaux et en défendant l’intérêt du plus grand nombre. Cet engagement nourrit une philosophie de la totalité et poursuit le rêve de la réappropriation de la langue littéraire avec pour perspective certaine, l’éclosion d’une humanité nouvelle et la reconquête de l’espace géographique et culturel. Nous venons de vivre les premiers hommages rendus à Aimé Césaire à l’occasion du premier anniversaire de sa disparition, juste après l’avènement, aux États-Unis, du premier président métis, Barack Obama, qui montre de larges signes d’ouverture vers Cuba, la Caraïbe, l’Amérique centrale et du sud. Beaucoup d’universitaires et critiques considèrent Borges comme l’une des influences majeures du réalisme magique latino-américain. D’autres voient au contraire en lui un écrivain universel dans lequel peut se reconnaître toute l’humanité. C’est ce deuxième aspect de la littérature latino-américaine que nous souhaitons mettre en lumière tout en mettant en exergue la panaméricanité de Placoly, à travers cette table ronde de conférence-débat qui pourrait avoir lieu au mois de septembre.Tout comme Borges, Placoly, à travers son œuvre, nous invite à habiter autrement notre maison. Nous espérons fortement voir ce projet légitimé par votre établissement, La Maison de l’Amérique Latine à Paris. Dans un entretien accordé au Monde, Borges disait : « L’idée de frontières et de nations me paraît absurde. […] Il ne me paraît pas juste qu’on juge un écrivain pour ses idées politiques. […] Quand j’étais petit, mon père m’a dit : “Regarde bien les drapeaux, les douanes, les militaires, les curés, car tout ça va disparaître et tu pourras raconter à tes enfants que tu l’as vu” ». Thème de la conférence : réalisme magique et universalité de la littérature latinoaméricaine. Sous la présidence de Madame Maria KODOMA (Maria Kodama (présidente de la Fundación Internacional Jorge Luis Borges) Contact : Jean-Benoît Desnel. [email protected] Dossier de presse © Novembre 2009 Suite de la préface d’Edwy Plenel double engagement, littéraire et politique. Car ce n’est pas fait de hasard si, à mesure que nous avançons dans ce paysage inconnu et incertain, nous nous tournons, en toutes langues, vers les récitants des créolités. Tout simplement parce qu’en sauvant la part de lumière du choc initial – le partage du métissage, la découverte de l’autre, le refus de la servitude –, ils sont les seuls à même de nous guider dans ce monde à venir. Leurs passés sont pleins d’à-présent, tout comme leurs présents actualisent les promesses oubliées, défaites ou déchues, du passé. Et, à l’image, fondatrice, des identités-relations opposées par Edouard Glissant aux identés-racines qui nous ont tant égarés, leur poétiques d’hier sont bien des politiques pour aujourd’hui. D’un génération l’autre, le passage de témoin que propose Jean-Georges Chali, en suivant la trace du premier roman de Vincent Placoly, La vie et la mort de Marcel Gonstran, publié en 1971 quand il n’avait que vingt-cinq ans, ne saurait donc mieux tomber. Vingt ans et quelques mois plus tard, Vincent est parti de la même façon qu’il avait été parmi nous – avec discrétion, retenue, élégance. Entre-temps, il avait su lancer quelques autres météores – de L’eau-de-mort guildive à Frères volcans – avec toujours cette même maîtrise, goût du travail précis, exigence du langage, refus des facilités, dédain des carrières. On remerciera grandement Jean-Georges Chali d’avoir su exhumer ces articles parus dans Révolution socialiste où Vincent Placoly énonce ce programme exigeant devant lequel il ne s’est jamais dérobé : le double refus du « travers de l’emballage » et du « misérabilisme en littérature », indissociable de son refus, en politique, des démagogies faciles et des pensées conformes. J’ai sous les yeux, conservé précieusement entre les pages de son dernier livre, Une journée torride, recueil d’essais et de nouvelles, le bel hommage que lui rendit son ami de toujours, Gilbert Pago, reproduit dans le journal parisien Rouge. Le relisant pour cette préface, j’ai dû m’y reprendre à plusieurs fois tant je doutais de mes yeux, ne sachant plus soudain dans quel monde ni dans quel temps j’avançais. Sans doute par l’erreur d’un maquettiste, à moins que ce ne soit coup de magie, l’article porte, imprimée, la date du 16 janvier 1991, alors même que la dernière ligne d’Une journée torride porte la date du 20 août 1991, tout comme nous savons bien, sa tombe au Marin en témoigne, que Vincent Placoly est parti en janvier 1992. Je vois dans cette ironie chronologique, qui le fait disparaître sur le papier un an plus tôt, un signe bienfaisant puisqu’elle le fait d’emblée survivre à sa mort, prolongeant son labeur d’écriture par-delà sa disparition. Argumentant son refus d’un glossaire des créolismes réclamé par son éditeur, les ultimes pages d’Une journée torride évoquent justement ce mélange des temps qui, tout comme celui des identités, est au principe de l’humanité : après tout, rappelait Vincent Placoly, ces mots créoles que vous me demandez de traduire en français sont souvent ceux-là même que vous avez oublié, votre propre passé de patois et de dialectes que vous avez perdus en vous égarant, et nous avec, déportés et asservis, dans les archipels caraïbes. La haute liberté que n’ont jamais cessé de rechercher l’écrivain et le militant Placoly, sans jamais soumettre l’un à l’autre, nous introduit dans ce monde toujours en devenir où les différences font l’humanité, où le divers subvertit l’uniforme, où l’universalité dominatrice d’hier cède la place à la reconnaissance universelle de la diversité humaine. Ce monde-là n’est autre que celui de l’éternelle résistance au Grand Un des servitudes volontaires – Grand Un de la Nation, de l’Etat, de la Patrie, de l’Empire, de l’Identité, du Parti, de la Classe, du Sauveur suprême, du Grand Chef, du Président, etc. L’autre titre de l’essai de La Boétie en énonçait déjà le programme subversif : Contr’Un. De ce Contr’Un, dont les Caraïbes américaines dessinent la géographie en archipel, Vincent Placoly fut un combattant aussi discrètement déterminé que souverainement fidèle. Paris, le 2 novembre 2008