Marché du travail en revue

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Marché du travail en revue
Sujets d’intérêt
spéciaux:
 La prestation universelle
pour la garde d’enfants du
Canada (PUGE) réduit la
participation des femmes
sur le marché du travail .
 Les prestations d'invalidité
plus importantes
améliorent le
développement des
enfants des parents
handicapés
«La participation d’une
mère peu éduquée sur
le marché du travail est
de 3,3 % inférieure
lorsqu’elle bénéficie de
la prestation PUGE.
De même, pour une
telle personne, la
moyenne des heures
travaillées par semaine
est réduite de 2,3
heures. Les effets sur
les mères au niveau
scolaire plus élevé sont
également substantiels,
en gros la moitié de
ceux des mères peu
éduquées.»
Tammy Schirle
(Université Wilfrid Laurier)
Marché du travail
en revue
Volume 5, numéro 12
Décembre 2013 La prestation universelle pour la garde d’enfants a des effets négatifs importants
sur l’offre de main-d'œuvre pour les familles qui en bénéficient
La prestation universelle pour la
garde d’enfants (PUGE)
représente l’un des plus
importants programmes de
transfert gérés par le
gouvernement canadien et
représente 4,5 % des transferts
fédéraux aux personnes.1 Le
PUGE, qui procure aux parents
100 $ par mois pour chaque
enfant de moins de six ans, est
entré en vigueur en 2006. À une
époque d’austérité croissante des
gouvernements, d’aucuns
commencent à s’interroger sur la
valeur relative de la PUGE. Ce
programme est de grande taille,
avec entre 12 et 18 % des
dépenses annuelles
gouvernementales en prestations
à l’enfance.2 Selon une étude
intitulée «Les effets des
prestations universelles pour
enfants sur l'offre de
main-d'œuvre» (Rapport de
recherche du RCCMTC n° 125)
de la membre affiliée du RCCMTC
Tammy Schirle (Université Wilfrid
Laurier), le programme PUGE a
en fait un effet négatif sur l’offre
de main-d’œuvre pour les familles
qui reçoivent cette prestation.
mères au niveau scolaire plus élevé
sont également substantiels, en
gros la moitié de ceux des mères
peu éduquées, bien qu’un impact
sur les heures puisse révéler une
meilleure souplesse dans les heures
travaillées lorsque les mères
bénéficient d’une protection de
leur emploi et de prestations
d’emploi jusqu'à ce que les enfants
atteignent l’âge de 12 mois. Pour
les hommes, les effets de la PUGE
sur l’offre de main-d’œuvre sont
moindres, de moins de 0,5 % pour
la participation sur le marché du
travail, et de seulement 4 minutes
par semaine en matière d’heures
travaillées.
empêchaient de mesurer les effets
de la PUGE sur le temps passé par
les parents pour des activités avec
leurs enfants. Ainsi, cette étude n’a
pas permis de déterminer si les
enfants bénéficiaient du temps
gagné par leurs parents sur leurs
heures de travail lorsqu’ils
reçoivent la prestation pour
l’enfance.
À la lumière des effets négatifs sur
l’offre de main-d’œuvre que le
programme PUGE semble apporter
aux familles qui reçoivent cette
prestation, une réévaluation de la
valeur de ce programme est
peut-être de mise, en relation avec
les autres programmes et services
Un important facteur d’évaluation
actuellement éliminés ou réduits
de la valeur relative de la PUGE est compte tenu des mesures
le degré avec lequel elle bénéficie
d’austérité du gouvernement. Le
au développement de l’enfant.
programme PUGE coûte aux
D’après une recherche
contribuables plus de 2,5 milliards $
précédente3, les parents traitent la par an.4 Ces fonds pourraient être
prestation différemment de leurs
utilisés pour des programmes ciblés
autres revenus, en semblant
et réputés améliorer le bien-être
respecter une obligation morale
des enfants (telle la Prestation
d’en dépenser relativement une
fiscale canadienne pour enfants)
grande part pour les besoins de
ainsi que l’activité sur le marché du
l’enfant. Et Tammy Schirle de
travail (telle la Prestation fiscale
découvrir peu de preuves que les
pour le revenu de travail).
———————————————
familles utilisent la PUGE pour
1
Les prévisions des dépenses
À l’aide d’un estimateur des écarts acheter des produits et des
gouvernementales 2013-14 sont
dans les différences, Tammy
services pour leurs enfants. Les
disponibles sur le site du Conseil du trésor
Schirle découvre une distinction
familles dont la mère est peu
du Canada à
http://www.tbs-sct.gc.ca/emsentre les résultats des personnes
éduquée semblent dépenser
sans études supérieures, avec
davantage en soins et en vêtements sgd/20132014/me-bpd/me-bpd01-fra.asp
2
Prière de se reporter à la note de bas de
seulement l’école secondaire ou
pour l’enfant, alors que, lorsque la
page du document entier.
3
moins, et celles ayant bénéficié
mère est plus éduquée, elle déKooreman (2000); «The labeling effect of
d’un enseignement supérieur. La
pense plus pour la nourriture. Il
a child benefit system.» (Effet d’étiquetage
d’un régime de prestations pour les
participation d’une mère peu
n’y a aucun effet significatif sur les
éduquée sur le marché du travail
dépenses totales de la famille et, de enfants), American Economic Review. 90 (3),
571-583.
est de 3,3 % inférieure lorsqu’elle façon encourageante, aucun effet
4
RHDCC; Évaluation formative :
bénéficie de la prestation PUGE.
significatif sur les achats de la
Prestation universelle pour la garde
De même, pour une telle
famille en tabac et en alcool.
d’enfants, mai 2011.
http://www.rhdcc.gc.ca/fra/publications/
personne, la moyenne des heures Malheureusement, Tammy Schirle
evaluations/developpement_social/2011/
travaillées par semaine est réduite remarque que les restrictions sur
de 2,3 heures. Les effets sur les
les données disponibles au Canada mai.shtml
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Marché du travail en revue
Des prestations d’invalidité plus importantes améliorent le développement des enfants
Les personnes handicapées font
bien sûr face à de plus grands
défis sur le marché du travail que
les personnes physiquement aptes
et, selon la recherche croissante
dans ce domaine, il semble que
les enfants de ces personnes
handicapées ont davantage de
problèmes de développement que
ceux des personnes valides. Les
paiements de transfert peuvent-ils
réduire cet écart? Au Canada, les
prestations d’invalidité sont
principalement accordées par les
gouvernements provinciaux, qui
ont chacun leurs propres
règlements et niveaux de
prestations, qui eux-mêmes ont
changé bien des fois au fil des ans,
ce qui a résulté en des variations
considérables dans les montants
des prestations d’invalidité d’une
province à l’autre. Une étude
intitulée «Effets
intergénérationnels des
prestations d’invalidité – Les
preuves d’après les
programmes canadiens d’aide
sociale» (Rapport de recherche
du RCCMTC n° 122) par les
membres affiliés du RCCMTC
Kelly Chen (Digonex
Technologies, Inc.), Lars Osberg
et Shelley Phipps (tous deux de
l’Université Dalhousie), montre
que l’écart de réussite entre les
enfants ayant des parents
handicapés ou non est moindre
dans les provinces où les
prestations d’invalidité sont
supérieures.
Les chercheurs utilisent les
changements en prestations
d’invalidité réelles de dix
programmes provinciaux
canadiens en tant que stratégie
d’identification, ainsi que
l’Enquête longitudinale nationale
sur les enfants et les jeunes
(ELNEJ) de Statistique Canada
comme source de données en
matière de résultats pour les
Notes
enfants. Et ils découvrent que des
prestations plus importantes pour
des parents handicapés améliorent
le développement du
fonctionnement cognitif et non
cognitif de leurs enfants, lorsque
l’on mesure les résultats
d’épreuves étalonnées de
mathématiques et les symptômes
d’hyperactivité et d’anxiété
émotionnelle. Par exemple, une
augmentation de 1 000 $ de la
prestation entraîne un
accroissement de 9,3 % d’écart
type (9,77 points) dans les résultats
des épreuves de maths, avec des
effets légèrement plus grands sur
les problèmes de comportement et
d’anxiété émotionnelle de l’enfant
que sur le fonctionnement cognitif
tel que mesuré par les résultats des
épreuves étalonnées de maths. Les
meilleures prestations pour les
parents handicapés protègent donc
le développement et la formation
des aptitudes cognitives de leurs
enfants dans un contexte
désavantagé. D’autre part, les
écarts de développement entre les
enfants de parents handicapés ou
non s’accroissent dans les
provinces qui diminuent leurs
prestations, par rapport à celles qui
ne le font pas.
Des prestations plus importantes pour
parents handicapés permettent de
protéger le développement et le
fonctionnement cognitif de leurs enfants
dans la population désavantagée.
Image: Stockimages/Freedigitalphotos.net
Ces estimations peuvent être
interprétées comme des effets
causals des prestations des parents
handicapés car l’exposition de la
famille aux prestations affecte le
revenu et l’emploi des parents, et
les différences interprovinciales
dans les changements des
prestations sont indépendantes
des caractéristiques non mesurées
des personnes.
«[D]es prestations plus
importantes pour des
parents handicapés
améliorent le
développement du
fonctionnement cognitif et
non cognitif de leurs
enfants, lorsque l’on
mesure les résultats
d’épreuves étalonnées de
mathématiques et les
symptômes d’hyperactivité
et d’anxiété émotionnelle.
Par exemple, une
augmentation de 1 000 $
de la prestation entraîne
un accroissement de 9,3 %
d'écart type (9,77 points)
dans les résultats des
épreuves de maths.»
Les chercheurs découvrent aussi
des effets dans le domaine
hommes-femmes : les prestations
inférieures ont des effets négatifs
plus importants chez les enfants
dont la mère est handicapée, et
plus légers et même insignifiants
lorsque le père est handicapé, ce
qui, selon les chercheurs, est
conforme à l’«hypothèse de la
bonne mère», dont le revenu est
mieux utilisé que celui d'un père
au service du bien-être des
enfants. Tout bien considéré, une
baisse de 1 000 $ de la prestation
entraîne une réduction d’écart
type de 0,02 dans les résultats des
épreuves de maths et une
augmentation d’écart type de 0,06
et de 0,04 dans le signalement
parental de symptômes
d’hyperactivité et d’anxiété chez
les enfants dont la mère est
handicapée.
Cependant, bien qu’un budget
familial serré puisse directement
restreindre Les ressources
matérielles que les parents
peuvent offrir à leurs enfants, les
longues heures de travail
réduisent le temps que les parents
puissent passer avec leurs enfants,
épuisent la santé des parents et
accroissent le niveau de stress,
tout ceci pouvant affecter
négativement le bien-être des
enfants. Et on découvre que les
réductions des prestations
augmentent considérablement
l’emploi à plein temps d’un père
non handicapé dans une famille
dont la mère est handicapée, ce
qui crée un manque de temps du
père pour sa famille et entraîne
une baisse substantielle des notes
des épreuves de maths de l’enfant
et accroît les problèmes de
comportement. Les prestations
moindres affectent donc
directement le développement de
l’enfant, tant en matière du temps
qui lui est consacré par sa famille
et du stress associé à l’emploi
qu’en termes d’impact direct dû
au revenu familial inférieur,
conclusion correspondant aux
études canadiennes dans ce
domaine et qui indiquent que tant
le temps consacré par le parent
que l’argent sont importants pour
le bien-être de l’enfant.1 En
réduisant l’écart de réussite entre
les enfants ayant des parents
handicapés ou non, des
prestations d’invalidité
supérieures réduiraient également
l’inégalité des chances pour ces
enfants désavantagés.
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1
Curtis and Phipps, 2000; Burton et al.,
2006. Voir dans le document les
références bibliographiques.
Marché du travail en revue est une publication du Réseau canadien de chercheurs dans le domaine du marché du travail et des compétences
(RCCMTC). Le RCCMTC est aidé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) dans le cadre du programme des groupes de
recherche stratégique. Les opinions exprimées dans ce document ne reflètent pas nécessairement les vues du CRSH.
Les articles présentés dans Marché du travail en revue sont rédigés par Vivian Tran, agente du transfert des connaissances au RCCMTC, en
collaboration avec les chercheurs dont les travaux sont représentés. Pour toute question concernant Marché du travail en revue ou le RCCMTC, prière de
visiter le site Internet du RCCMTC à http://www.rccmtc.econ.ubc.ca, ou de contacter Vivian Tran à [email protected]