Un voyage d`hiver - Théâtre L`Échangeur
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Un voyage d`hiver - Théâtre L`Échangeur
Un voyage d’hiver De Corine Miret et Stéphane Olry Dossier Contact : Stéphane Olry [email protected] 06 85 59 07 04 Corine Miret [email protected] 06 76 04 16 14 administration : Ana da Silva Marillier [email protected] 06 72 71 10 21 1 L’inconnue Voilà les beaux moments de ma vie. Ces rencontres heureuses, imprévues, inattendues, tout à fait fortuites, dues au pur hasard et d’autant plus chères. (Histoire de ma vie - Jacques Casanova de Seingalt) C’est l’hiver, dans une ville du Nord. Une femme seule, inconnue, s’assoit dans un bar. On la revoit plus tard dans d’autres lieux publics. Elle fréquente les lotos, les réunions de colombophiles, les matches de catch, les associations de randonneurs, les travées des stades, les audiences des tribunaux, les salles d’arts martiaux. Elle semble oisive, ne pas faire autre chose que d’observer les gens présents. Elle reste sept semaines en Artois. La veille de son départ, elle organise un dîner avec les personnes rencontrées lors de son séjour. Ce soir-là, elle leur révèle la raison de sa présence. 2 Automne Éprouver du plaisir à la panique, s’y exposer de plein gré pour tenter de ne pas y succomber, avoir devant les yeux l’image de la perte, la savoir inévitable, et ne se ménager d’issue que la possibilité d’affecter l’indifférence, c’est comme le dit Platon pour un autre pari, un beau danger et qui vaut la peine d’être couru. (Les jeux et les hommes - Roger Caillois) Comment en sommes-nous arrivés à l’idée du voyage d’une femme solitaire en hiver dans l’Artois? Sans doute par goût du jeu, de l’exploration, de l’expérimentation. D’abord, Thierry Roisin, directeur de la Comédie de Béthune nous a demandé d’imaginer un spectacle écrit à partir de matériaux collectés dans les villages aux environs de Béthune. Nous nous sommes rendus sur place. Je voulais écrire sur les frontières : géographiques, sociales, physiques, affichées ou discrètes ; Corine Miret voulait expérimenter l’exil : ressentir réellement solitude ou isolement, plaisir ou inquiétude des rencontres, disponibilité ou indifférence. Nous avons observé que si le Nord a été une terre d’immigration, aujourd’hui ses habitants voyagent peu. Ils demeurent au-dessus des mines de charbon fermées, comme dans l’attente d’une deuxième vie pour cette terre et pour eux. Une mercière nous a décrit tous les étrangers à son village (une demie-douzaine) entrés dans son magasin ces dix dernières années. Alors, Corine, dans un bar à Béthune où nous réfléchissions au projet autour d’une bière a dit : « Et si je devenais étrangère ? » 3 Elle vivrait l’expérience. Moi, j’écrirais à partir de son témoignage. Le produit de notre travail serait ensuite confié à des interprètes. Il y a des années de cela, nous nous lûmes à voix haute les Mémoires de Casanova. Nous fûmes émerveillés par l’amour de la vie de cet homme et sa capacité à la remettre en jeu. Casanova se présente dans une ville. Il n’y connaît personne, mais parvient à se créer en quelques jours un cercle d’amis, à nouer des amours, à monter une entreprise (souvent frauduleuse), bref à vivre en quelques semaines ce que la plupart ne vivent qu’une fois dans leur vie. Comme le joueur absorbé dans sa partie de cartes, il s’investit totalement dans ces rencontres éphémères, il apporte tous ses soins à ses entreprises amoureuses, il ne semble à aucun instant encombrer son esprit par le souci de l’inéluctable fin des choses. Une fois la partie finie, une fois épuisée les rencontres possibles dans la ville, Casanova s’en va, protégé par la frontière et l’anonymat, rempli du souvenir de ses amours et de ses rencontres. Il ira ainsi jusqu’à Moscou. Aujourd’hui, le temps de Casanova semble révolu. Les voyages les plus lointains se font en quelques heures. Pour devenir un étranger aujourd’hui, peutêtre faut-il se garder d’être un homme et d’aller loin. Mais au contraire, renverser la proposition : être une femme et voyager tout près, à deux cent kilomètres de Paris, là où il n’y a rien d’exotique a-priori. Ne pas tenter de refaire les voyages brillants de Casanova, mais devenir la voyageuse, l’errante, l’étrangère, celle qui rôde et tourne autour des villages en hiver en Artois. 4 Hiver Comme tout ce qui entre dans l’entendement humain y vient par les sens, la première raison de l’homme est une raison sensitive; c’est elle qui sert de base à la raison intellectuelle : nos premiers maîtres de philosophie sont nos pieds, nos mains, nos yeux. Substituer des livres à tout cela, ce n’est pas nous apprendre à raisonner, c’est nous apprendre à nous servir de la raison d’autrui; c’est nous apprendre à beaucoup croire, à ne jamais rien savoir. (Emile ou de l’Education - Jean-Jacques Rousseau) Elle s’est rendue dans les lieux publics de l’Artois. Dans des réunions annoncées dans la Voix du Nord, ou par voie d’affiche, de bans publics. Elle a tenté de s’y faire accepter. Elle a observé. Écouté. Senti. Goûté. Touché. Parlé. Elle a établi des contacts. Noué des relations. Été envoyée sur les roses. Éprouvé la tranquillité de la solitude, l’ivresse de la perdition, le désarroi des heures à combler, la surprise de l’amour, le plaisir des amitiés naissantes. Elle a retrouvé des sensations de son enfance, dans un pays de plaine semblable à la Beauce où elle a grandi. Elle s’est sentie observée, enviée ou méprisée : un peu paumée, un peu givrée, mais vivant dans une mystérieuse disponibilité aussi attirante qu’inquiétante. Dans le Nord, elle s’est constitué une nouvelle famille, une famille imaginaire, utopique. Elle a senti les liens qui antérieurement la retenaient se défaire. À l’issue des sept semaines, elle a organisé une fête d’adieu avec toutes les personnes rencontrées lors de son voyage. Et leur a annoncé son intention de monter un spectacle à partir de son expérience. Elle a eu soin d’enregistrer sur un dictaphone ses impressions de voyage et les récits de ses rencontres. Tous les trois jours, elle m’envoyait à Paris les fichiers sons extraits de son dictaphone. 5 Printemps Allez-y voir vous-même Si vous ne voulez pas me croire. (Les Chants de Maldoror - Lautréamont) À Paris, j’ai retranscrit ces récits au fur et à mesure de leurs arrivées. À son retour, nous avons commencé à écrire. Ou plutôt, à nous partager le travail d’écriture ainsi : je rédigeais des textes courts qui sont l’écho des émotions traversées par Corine. Elle, dans un studio de danse, retraversait en mouvement ce voyage, afin de graver le parcours émotionnel dans son corps. D’emblée, une hypothèse -ou une tentation- a été écartée : celle de figurer les personnes réelles rencontrées par Corine : rencontre d’un jour, amis, amour. En effet, le choix volontairement opéré de ne pas se rendre sur place et de n’avoir que les récits de Corine comme unique source d’information, m’interdisait une description réaliste de ces rencontres. En conséquence, l’écriture se nourrissait d’une part des émotions transmises par Corine, et d’autre part des rêves, des phantasmes, que m’inspirait son récit nécessairement tronqué. Un voyage d’hiver n’est donc pas un documentaire, mais une fantasmagorie écrite à partir de ce matériau sensible et ténu constitué par le récit du voyage. Une distribution avait été décidée antérieurement à l’écriture du spectacle. Les parties incombant à chaque interprète leur sont donc taillées sur mesure. Les interprètes avec qui nous travaillons sont souvent d’anciens complices, ou des personnes avec qui nous avons partagé des expériences communes d’écriture, de travail ou de jeu. La caractéristique de cette distribution est de rassembler des 6 personnalités singulières difficilement indexables à une fonction unique. Musicien mais aussi comédien pour l’un (Hubertus Biermann), danseuse mais aussi clown et comédienne pour une autre (Elena de Renzio), compositeur mais aussi auteur et performeur pour un troisième (Jean-Christophe Marti) etc. Les parcours artistiques de chacun (voir plus bas) sont variés et me permettent d’imaginer des personnages polymorphes dont les partitions sont susceptibles d’être jouées, dansées, ou chantées. 7 Été Les soleils mouillés De ces ciels brouillés Pour mon esprit ont les charmes Si mystérieux De tes traîtres yeux, Brillant à travers leurs larmes. (L’invitation au voyage - Charles Baudelaire) L’auteur, Stéphane Olry, commence le spectacle avec un récit de la conception du projet, de la relation curieuse qui le lit à la voyageuse et de l’aventure immobile qui fut la sienne. Il plante ainsi le décor, puis comme il est d’usage chez les auteurs, se met en retrait pour observer le spectacle. Au centre du plateau comme de l’écriture, se trouve Corine Miret, La danseuse. Elle porte le récit subjectif, irréductible de son voyage. Elle ne bouge pas de sa place, son récit est dansé, ou plutôt posé sur une danse lente, introspective, qui peut évoquer le butô –même si les techniques mises en œuvre pour le pratiquer ne sont en rien nourries par cet art spécifique-. Elle est entourée par des interprètes qui assument des rôles d’allégories. Ces allégories sont apparues en observant les récurrences de certains thèmes dans les récits confiés au dictaphone. Nous découvrons ainsi : Le gardien. Interprété par Hubertus Biermann, c’est un personnage inspiré de manière lointaine par le gardien de la salle polyvalente où Corine Miret se rendait tous les jours pour pratiquer ses exercices de danse. Ce gardien aime à citer des poèmes, ainsi s’exprime-t-il en vers libres, vers de mirlitons, citations 8 poétiques. Il endosse par ailleurs, allégoriquement, toutes les fonctions de celui qui interdit et autorise, qui ouvre et qui ferme, qui permet ou non la rencontre. La fée du logis. Elena de Renzio interprète une femme au foyer. C’est la femme qui rêve de ce fantôme de la liberté que représente cette énigmatique voyageuse venue dans son village. Elle est à la fois celle qui au début se méfie de cette intruse, puis s’identifie à elle. Elle est partout, observe tout, et finit par entrer jusque dans les pensées de la voyageuse, Turlupin ou ange gardien. La terre. Dans les récits confiés à son dictaphone, Corine Miret donne une grande importance à la géographie du Nord. Une plaine semblable à celle de la Beauce où elle a passé son enfance. Cette présence muette de la nature est portée par la danse lente et intense de Sandrine Buring, qui par ailleurs prend la parole pour décrire les sensations de la terre un jour de neige, sous l’emprise des travaux des ouvriers creusant les fondations du futur centre social, ou s’éveillant au printemps. L’histoire d’amour est la part la plus énigmatique, la plus délicate aussi de ce voyage. L’amour fait irruption dans le spectacle, comme dans la vie. C’est un enfant de Bohème -comme on dit-, un barbare, mais aussi le plus délicat des êtres. Il est interprété par un binôme formé par Didier Petit et son violoncelle, instrument qu’il caresse, frappe, pince. Un chant, formé de mots épars, de formules lapidaires, de scansions est aussi porté par Didier Petit. Le duo qu’il fera avec Corine Miret restera sous une forme improvisée. Enfin, le spectacle, ou plutôt son orchestration, est dirigé par un ludion, Le compositeur. Jean-Christophe Marti annonce, commente, dirige (ou croit 9 diriger) l’œuvre présentée sur le plateau. Il orchestre une partition, -réelle ou imaginaire, achevée ou en cours d’écriture ce sera au spectateur d’en décider -. Le spectacle que propose cet étrange compositeur n’est pas achevé. Il le présente délibérément sous forme de fragments, qu’il ordonne arbitrairement selon un ordre chronologique. Il laisse la part la plus large possible à l’imaginaire du spectateur. Il y a donc de la musique, un partage des voix, des sons, des mouvements, qui correspondent à une écriture chorale discrète. Il y a le goût du costume, du masque, du travestissement. Il n’y a rien de fixe sur le plateau. Tout ce qui y entre est appelé à en sortir. Il y a des photos et des vidéos prises par Corine Miret avec son téléphone portable. L’image des vidéos est dégradée, instable, et propice à camper le décor d’un Artois imaginaire. Ainsi qu’il a coutume de faire avec TGStan, Thomas Walgrave assiste aux répétitions et bâtit sa partition d’objets, de lumière, de costumes au fur et à mesure de l’évolution du travail. Nous parions sur le fait que le voyage rêvé est plus beau que le voyage réel. Et que le rêve du spectateur ira au-delà de ce qui sera présenté sur scène. Autrement, pourquoi faire un spectacle ? 10 Musique « L’araucaria qui étend ses branches sous le patio Qui forme son harmonie sans présenter ses comptes Et ne fait pas le critique d’art.» (Ecuador, journal de voyage - Henri Michaud) Trois musiciens seront sur scène : le titre qui fait référence au Voyage d’Hiver de Schubert l’indique, la distribution du spectacle le confirme, la musique sera au cœur du spectacle. Les sept semaines en Artois qu’a vécues Corine Miret constituent un voyage initiatique, une expérience émotionnelle traduite dans le spectacle en mots, mais aussi en musiques. Pour ce faire, nous avons décidé de travailler avec des musiciens aux parcours atypiques, évoluant aux marges du théâtre, des musiques improvisées et de la composition musicale. Hubertus Biermann est, de longue date, un compagnon de La Revue Éclair. Pour Mercredi 12 mai 1976, il jouait du violoncelle et de l’harmonica sur des compositions improvisées. Pour Un voyage d’hiver, il jouera de cet instrument humble, que peut porter un gardien sur lui : un harmonica. Il sifflera, chantera. En travaillant avec Hubertus, nous faisons autant appel au comédien qu’au musicien, à l’interprète qu’à l’improvisateur. Nous invitons aussi son passé, son enfance dans les paysages des bassins miniers de la Ruhr, comparables à ceux où Corine Miret a évolué durant sept semaines. Nous avons initié en janvier dernier une collaboration avec Didier Petit. Il a improvisé des musiques au violoncelle sur des textes scandés par Stéphane Olry au cours de soirées organisées au Château de La Roche-Guyon et à l’Échangeur 11 (Bagnolet). En travaillant avec Didier, nous invitons tout à la fois un improvisateur dont le chant et le violoncelle résonnent avec les émotions des autres interprètes, et une présence scénique très forte dont le violoncelle, caressé, frotté, gratté, battu, fouetté, embrassé, est un partenaire plutôt qu’un instrument. De plus, la charge émotionnelle, sensuelle du violoncelle nous paraît apte à rendre compte de l’aventure amoureuse qu’a constitué aussi ce voyage. Le texte d’Un voyage d’hiver, dans son ensemble, est conçu pour une soliste et un chœur : le chœur est constitué des six interprètes qui partagent le plateau avec Corine Miret. En prenant au pied de la lettre cette métaphore de la soliste et du chœur, de l’individu et de la société, de l’étrangère et des gens d’ici, il a paru pertinent de demander à un compositeur expérimenté dans le domaine du chant choral, de donner une forme musicale à ce dialogue. Jean-Christophe Marti accompagne par son écoute, ses textes, et récemment par ses performances, le travail de La Revue Éclair . Nous lui avons proposé d’imaginer la mise en place d’un travail choral auquel participeront tous les interprètes, musiciens ou non, selon les capacités, les désirs et les rôles de chacun. Le premier travail de JeanChristophe a été d’effectuer un collectage destiné à mieux connaître la pratique et l’usage de la musique propre à chaque interprète -depuis les jeux d’onomatopées jusqu’au chant, en passant par les airs fredonnés, les rythmes scandant telle ou telle activité- bref, toutes les productions sonores-musicales que chacun de nous produit consciemment ou non. La partition chorale s’élaborera à partir de ce « patrimoine » des données singulières collectées ; elle explorera des frontières subtiles entre chant et parole, rythme libre et formalisé, 12 mélodies repérables et d’autres presque imperceptibles. Elle cherchera ainsi à solliciter une écoute fine, attentive à des ambiguïtés, à un clair-obscur sonore. De plus, Jean-Christophe Marti incarnera sur scène sa propre figure de compositeur en train d’écrire, au fur et à mesure des répétitions et des représentations, une œuvre musicale autour d’Un voyage d’hiver. Il présentera ce « work in progress » sous forme de fragments et de brèves performances, donnant à la fois à entendre et à imaginer la partition en cours d’écriture en fredonnant, dansant, dirigeant un orchestre imaginaire. Ainsi la musique sera présente de multiples manières — à la fois au premier plan et à l’arrière-plan de tout Un voyage d’hiver. Elle est un fil conducteur de la dramaturgie, la mise en résonance amplifiée des émotions et des discours des personnages ; tantôt emportée par eux, tantôt parvenant à les réunir, à les faire aller de concert. 13 Danse « Je ne parlerai pas. Je ne penserai rien. » (Sensations - Arthur Rimbaud) Qu’ils soient danseurs ou non, une attention spécifique est portée d’emblée à la nature du mouvement pour chaque interprète du spectacle. Nous observons leur mouvement naturel, ce qui leur est propre, et composons à partir de cette observation. Comment faire autrement ? Par exemple, le rapport passionnel, conflictuel, amoureux qui lie Didier Petit à son violoncelle, s’exprime par le geste : marcher en fouettant l’air de son archet, caresser le violoncelle, le racler contre le sol. La stature impressionnante et gracile d’Hubertus Biermann impose elle aussi un mode de déplacement, d’occupation spécifique de l’espace qui inspire l’écriture de son texte, mais aussi de sa présence sur le plateau. Par la suite, des partitions spécifiques pour chacun se dessinent. Elles sont radicalement autonomes, mais susceptibles de dialoguer à partir de leurs singularités, de produire du son, de la musique. Autre exemple : le travail têtu, obstiné de la Fée du logis, découpant des fleurs de papier, disposant des décorations pour une fête, produit un type de mouvement particulier mais aussi un son, une base rythmique sur laquelle se pose par instant le mouvement d’ensemble du spectacle. Et ainsi de suite pour chacun des interprètes. Au delà de cette attention générale portée au mouvement de chacun et à son articulation avec le mouvement des autres, deux interprètes, Corine Miret ( La danseuse) et Sandrine Buring ( La terre) déplient durant le spectacle une partition nourrie d’abord et avant tout par la danse. 14 Corine Miret compose au centre du plateau un mouvement permanent, circulaire, souvent ténu mais obstiné. Ce mouvement est le fruit d’improvisations en studio, où elle a travaillé sur la trace de son voyage dans sa mémoire, et son incarnation. Elle a composé un vocabulaire de mouvements qui -sensibles, têtus- revenaient spontanément dans les improvisations. Sans préjuger de leur intérêt chorégraphique, elle s’est laissé traverser, envahir par les émotions qu’induisaient en elle ces mouvements. À partir de là, le travail est de préciser, structurer, agencer, ajuster ces trajets émotionnels pour chorégraphier cet autoportrait dansé sur lequel se pose le texte de son personnage. Sandrine Buring compose un personnage de faune, de créature énigmatique incarnant la nature (végétale, animale, organique, météorologique) du pays traversé par Corine Miret. Cette composition se fait à partir de la grammaire chorégraphique qui lui est propre (nourrie entre autre de son expérience en Body Mind Centering) : un corps apparemment désarticulé, des postures incongrues où les repères de verticalité, de points d’appuis semblent déjoués, un mouvement lent, susceptible pourtant d’être traversé de saccades telluriques. Ce mouvement est nourri de sensations internes, organiques, viscérales mais aussi de contacts, de rencontres, de dialogues avec le sol, les éléments, et ses partenaires. Ainsi donc, Un voyage d’hiver est créé à partir de mots, mais aussi de musiques et de mouvements, écrits, composés, chorégraphiés pour chaque interprète en respectant et en se nourrissant de leurs singularités. 15 Fiche artistique Non. Tu préfères être la pièce manquante du puzzle. Tu retires du jeu tes billes et les épingles. Tu ne mets aucune chance de ton côté, aucun œuf dans nul panier. Tu mets la charrue avant les bœufs, tu jettes le manche après la cognée, tu vends la peau de l’ours, tu manges ton blé en herbe, tu bois ton fond, tu mets la clef sous la porte, tu t’en vas sans te retourner. (Un homme qui dort - Georges Perec) Un voyage d’hiver de Corine Miret et Stéphane Olry Mise en scène Stéphane Olry Musiques Choeurs : Jean-Christophe Marti Musique improvisée : Hubertus Biermann, Jean-Christophe Marti, Didier Petit Scénographie / Lumière / Costumes Thomas Walgrave Avec Corine Miret : La danseuse Hubertus Biermann : Le gardien Sandrine Buring : La terre Jean-Christophe Marti : Le compositeur Stéphane Olry : L’auteur Didier Petit : L’amour Elena de Renzio : La fée du logis Régie générale Léandre Garcia Lamolla Chargé de diffusion Jérôme Tisserand Administration Ana da Silva Marillier Production : C.D.N. La Comédie de Béthune, La Revue Éclair - compagnie conventionnée par la DRAC Ile-de-France/Ministère de la Culture et de la Communication, et la Région Ile-de-France. Coréalisation L’Echangeur. Avec le soutien de la Ménagerie de Verre dans le cadre des Studiolab. Remerciements : Théâtre Paris-Villette, Théâtre de la Cité Internationale. 16 Spectacles de La Revue Éclair récemment produits Je me souviens de cet instant plein de joie et de trouble où je sentais pour la première fois ma singulière existence ; je ne savais ce que j’étais, où j’étais, d’où je venais. (Des sens en général - Buffon) 2007 La lecture, ce vice impuni, de Stéphane Olry, créé dans une mise en scène de Xavier Marchand au Château de La Roche-Guyon, repris au Théâtre de la Minoterie (Marseille). 2006 Treize semaines de vertu, de Stéphane Olry, créé au Château de La Roche-Guyon, repris aux Archives Nationales dans le cadre du Festival d’Automne 2007. 2005 Mercredi 12 mai 1976, de Corine Miret et Stéphane Olry, créé avec la Comédie de Saint-Étienne et les Transurbaines, repris au Théâtre de l’Echangeur à Bagnolet et en tournée. 2004 La chambre noire, écrit par Stéphane Olry, créé à la Villa Gillet à Lyon, repris au Théâtre de l’Echangeur à Bagnolet et en tournée. 2003 Le musée est le temple des Muses, de Stéphane Olry, commande du Conseil Général des Bouches-du-Rhône pour les journées du patrimoine au Museon Arlaten (Arles). 2002 Le salon de lecture, conçu par Corine Miret, Stéphane Olry et Clotilde Ramondou, créé à l’Établissement Public du Parc et de la Grande Halle de la Villette. La Vita Alessandrina, Avant Projet Définitif, de Stéphane Olry créé dans une mise en scène de Xavier Marchand au théâtre Garonne à Toulouse, repris au Théâtre de la Cité Internationale dans le cadre du Festival d'Automne et en tournée. 1999 Nous avons fait un bon voyage mais, de Corine Miret et Stéphane Olry, créé au théâtre de l’Aire Libre à Saint-Jacques-de-la-Lande, repris au Théâtre de la Cité Internationale et en tournée. 1997 Des voix dans la maison d’Orient, de Corine Miret et Stéphane Olry, créé dans une mise en scène de Xavier Marchand au théâtre des Bernardines à Marseille 1996 Les Thés Vidéos, créés en appartement par Corine Miret et Stéphane Olry, présentés régulièrement depuis cette date dans des galeries, des théâtres, et durant trois saisons au Théâtre Paris-Villette. 17 Parcours artistiques Faire confiance aux honnêtes gens est le seul vrai risque des vies aventureuses. (Le cave se rebiffe - Michel Audiard) Corine Miret Docteur en pharmacie. Danseuse (danse contemporaine et baroque) comédienne, metteur en scène. Elle co-dirige avec Stéphane Olry La Revue Éclair. Elle a récemment mis-enscène Treize semaines de vertu, de Stéphane Olry, créé au Château de la Roche-Guyon en 2006 et repris aux Archives Nationales dans le cadre du Festival d’Automne 2007. Comme chorégraphe, elle a été titulaire d’une bourse d’écriture de la Fondation Beaumarchais pour la création de son solo de danse, Eniroc Terim, au Théâtre de l’Échangeur et au festival 100DessusDessous (Parc de la Villette). Danseuse, elle a travaillé avec Jean-Michel Agius, Christian Bourigault, Isabelle Cavoit, Andy Degroat, Francine Lancelot, Marie-Geneviève Massé, Béatrice Massin, François Raffinot, Ana Yepes. Entre 1992 et 1999, elle a réalisé et interprété avec Stéphane Olry les Cartes postales vidéo, tournées en Égypte, Jordanie, Palestine, Israël, Chypre, Liban, Syrie, Turquie, Maroc, Allemagne et montrées dans des festivals et dans des galeries d'art contemporain. Elle a organise de 1995 à 2007 Les Thés Vidéos en collaboration avec Stéphane Olry. Stéphane Olry Auteur, metteur en scène, comédien. Autodidacte, il fonde à 18 ans, dans les années 80, la Compagnie Extincteur. Il écrit alors et met en scène des spectacles joués en France (Espace Pierre Cardin, Usine Pali-Kao, Théâtre de la Bastille, Théâtre des Bouffes du Nord) et à l'étranger. Il travaille parallèlement comme pigiste aux pages culturelles du journal Le Monde. Il participe aussi à l’organisation des spectacles à l’Usine Pali-kao, lieu alternatif et expérimental. Il fonde en 1987 La Revue Éclair et organise des soirées de spectacles de formes brèves (Ménagerie de Verre, Crédac, galerie Emmanuel Perrotin). Il tourne alors de nombreuses vidéos de création, présentées dans des galeries, des centres d’art contemporain, des festivals. Il joue pour la première fois comme comédien en 1992 avec Jean-Marie Patte dans L’enfant bâtard écrit et mis en scène par Bruno Bayen au Théâtre National de l’Odéon. Il suit depuis dix ans la formation de clown de Michel Dallaire. 18 Avec Corine Miret, il écrit et met en scène de depuis 1998 des spectacles nourris par un travail documentaire mené soit dans des archives, soit par des enquêtes sur le terrain ou encore par des pratiques de vie singulières. (voir ci dessous : Spectacles de La Revue Éclair récemment produits). La Revue Éclair est en résidence de création au Château de La Roche-Guyon depuis 2006. Hubertus Biermann Vit depuis 30 ans à Paris. Allemand de la Ruhr, famille d’ouvriers sans histoires. Evite l’usine. Jusqu’au bac, joue dans des groupes de rock et l’harmonie municipale que dirige son père. Découvre la contrebasse à 18 ans. Puis études de philosophie. Première rencontre avec les musiques improvisées, avant de faire des études de musique (contrebasse, composition). Contrebassiste dans diverses formations de jazz, de musique contemporaine ou improvisée, compositions pour le film, la radio. Longtemps pas intéressé par le théâtre. Pourtant, à Francfort, il compose pour lui et sa contrebasse un solo de gestes sans un son musical. Découvre le théâtre en France au début des années 80 comme compositeur et musicien. Avant d’aborder, en tant qu’acteur, des pièces du répertoire, il a travaillé à la marge du théâtre, là où il rencontre d’autres arts la poésie, la littérature, la danse - surtout avec Xavier Marchand avec lequel il travaillé sur les univers de Gertrude Stein, Kurt Schwitters, Sergueï Paradjanov ou Dylan Thomas. Au théâtre, il a travaillé entre autres sous la direction de Bernard Bloch, Jean-Paul Wenzel, Jean-Marie Patte, Christophe Huysman, André Engel, Noël Casale, Daniel Jeanneteau, Alain Ollivier, Stéphane Olry, Patrick Sommier ..., en danse avec Fabienne Compet, Olivia Grandville, Alain Michard, Loïc Touzé, à la radio avec René Farabet ( à L’ACR), Michel Sidoroff, Kate Mortley. Sandrine Buring Danseuse elle se forme au travers de stages auprès de Mark Tompkins, Joao Fiadeiro, Julian Hamilton, Kirdstie Simson. De 1998 à 2000, elle travaille pour les compagnies Groutsch’K , Sipeucirque, Les Filles d’Aplomb à Strasbourg.En 2000 elle rejoint Félix Ruckert pour le spectacle Le Ring, passe par le théâtre en 2001 avec le groupe France Palestine El Hakawatti. En 2002 elle danse avec l’Opéra de poche. Parallèlement elle fait des performances avec le collectif Artemia (qui réunit plasticiens, musiciens, danseurs pour des performances in situ) de 1999 à 2002 à Guérande. En 2006, elle danse et chorégraphie Déménagemet(s) un spectacle mis en scène par Véronique Petit (Théâtre à Grande Vitesse). Récemment, elle a créé Je ne parlerai pas co-écrit avec Stéphane Olry et présenté au Château de La Roche-Guyon. Jean-Christophe Marti Formé au CNR de Boulogne-Billancourt (clarinette, musique de chambre, 19 écriture) et au CNSM de Paris (esthétique, histoire), il étudie également la direction d'orchestre pendant plusieurs années auprès de Jean-Claude Hartemann à Paris et au Mozarteum de Salzburg, avant de se consacrer à la composition. Son goût pour les textes littéraires et dramatiques l'amène alors à écrire de nombreuses œuvres vocales ou scéniques, qui lui ont été commandées notamment par Musicatreize, Laurence Equilbey, Les Arts Florissants, Les Cris de Paris, Résonance contemporaine. Il reçoit le Prix Maurice Ohana-Sacem avec The last words Virginia Woolf wrote pour 12 voix, et est lauréat de la Fondation Natexis ainsi que de la bourse Beaumarchais/SACD pour le projet Miniane/L’été 39. Il écrit des pièces orchestrales pour l’Orchestre Philharmonique de Halle, Festival Händel 2003, pour l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée et crée des formes dramatiques singulières, telles que ses spectacles musicaux L'album de l'oiseau qui parlait (créé au Musée d’Orsay) et Timsongs (d’après des dessins de Tim Burton, créé à la Cité de la musique). Travaillant volontiers pour le spectacle vivant, il collabore avec les metteurs en scène Jean-Yves Ruf, Vincent Lacoste, Olivier Werner, Eric Ruf, Emilie Valantin, Arthur Nauzyciel, Christian Rist. Il s’intéresse également au documentaire de création — collaborations avec François Caillat, Laurent Roth, Samuel Poisson-Quinton — et à l’art contemporain (Tinguely Ciinéphonie – Métamoulins, pièces instrumentales d’après Jean Tinguely, créé par C. Barré en 2008 avec le soutien de la Fondation Natexis). De 2001 à 2004, il a été chargé de cours à Sciences-Po Paris sur le thème «Temps politique et temps musical », tout en cherchant à approfondir les liens entre les musiques d’aujourd’hui et les sciences humaines ; il collabore ainsi avec les éditions Les Prairies ordinaires en publiant des entretiens avec l’historienne Arlette Farge et l’anthropologue Véronique Nahoum-Grappe. Didier Petit Etudie le violoncelle dès l’âge de six ans au conservatoire. A 12 ans, il entend le duo Michel Portal et Bernard Lubat qui agit comme déclencheur fondamental. Il se tourne alors vers le jazz et ce que le mot peut englober d’ouvertures diverses. Deux grands orchestres le fascinent alors, l’Arkestra de Sun Ra et le Celestrial Communication Orchestra du contrebassiste Alan Silva. Il entre dans l’orchestre de ce dernier puis devient enseignant et administrateur à l’IACP. Parallèlement, exerçant ses talents d’organisateur multiple, il co-invente les Décades de musiques improvisées. A l’IACP, il rencontre le clarinettiste Denis Colin avec qui il va avoir une des plus longues associations connues dans les musiques de jazz et leurs cousines improvisées. Il crée en 1990 , les disques In situ et cherche à documenter un (contre) courant d’idées musicales (quartet de Daunik Lazro, solo de Steve Lacy, meilleur disque du Drame Musical Instantané, Joëlle Léandre, coffret des Instants Chavirés etc.); il n’enregistrera que très rarement en leader. 20 Il appartient au groupe de Jac Berrocal avec Jacques Thollot, est l’invité du Drame Musical Instantané, joue avec Beñat Achiary, Vladimir Tarasov, Marylin Crispell, Roger Turner, Carlos Zingaro, Raymond Boni, Philippe Deschepper, Jacques Di Donato, Carlos Andreu, Jean-Jacques Birgé, François Tusques, Benoist Delbecq, Fred Van Hove, Le Quan Ninh, Iva Bittova, Jean-François Pauvros, Jean-Marc Montera, Ramon Lopez... Il travaille avec Jean Rochard à la direction artistique de disques où il est très impliqué (comme leader ou associé) pour In situ, puis In vivo (une expérience d’un jour de production-réalisation-distribution instantanée) et Buda. Il présente Denis Colin à Jean Rochard. Il enregistre en duo avec Sylvain Kassap pour le disque Buenaventura Durruti. Adepte du solo, il n’en partage pas moins des expériences variées, à Minnesota sur Seine, il joue en duo avec George Cartwright, avec Adam Linz, et en trio avec les violoncellistes Jacqueline Ferrier et Michelle Kinney. Son nouveau groupe Wormholes comprend Camel Zekri, Lucia Reccio, Edward Perraud et Etienne Bultingaire, ingenieur du son. Il accompagne les sirènes des premiers mercredis de chaque mois avec Jean-Francois Pauvros et Alex Grillo (il est membre de plusieurs groupes du vibraphoniste). Il poursuit son duo avec André Minvielle ainsi qu’avec le batteur norvégien Terje Isungset. Il rejoint le quartet de Sylvain Kassap et garde son poste dans le trio de la harpiste Hélène Breschand. Récemment, il a créé Les instructions à l’imbécile, duo pour violoncelle et voix avec Stéphane Olry. Elena de Renzio Danseuse, comédienne, chorégraphe et pédagogue. Elle commence ses études de danse classique et de danse contemporaine en Italie à L’UDI de Milan sous la direction de Deborah Weaver. A Paris elle poursuit sa formation avec Isabelle Dubouloz, Pierre Doussaint, Hervé Diasnas et Peter Goss et suit les stages de Carolyn Carlson, Joseph Nadj, Mark Tompkins et Julien Hamilton. Elle enrichie sa recherche sur le mouvement et l’énergie à travers la pratique de l’aïkido, du shiatsu et de la méthode Feldenkrais. En 1998 elle obtient une licence de Théâtre à la Sorbonne nouvelle, Paris III et suit les stages de Philippe Genty, Omar Porras, Maria Consagra et Torgej Weital. Elle rencontre Danielle Labaki avec laquelle elle travaillera sur trois créations théâtrales : Amour/Amour, Guerres/intérieures/ Extérieures/Nuit et Exils/Exhibition. Elle participe également au groupe de recherche internationale de théâtre Studio 7 en Allemagne dirigé par Christophe Falke ou elle joue Adieux. Elle est comédienne-interprète dans plusieurs créations sous la direction de Karina Ketz, Luc Perrot, Lucia Calamaro, Jean Patrick Leblanc et Claudia Botta. En 2000 elle commence un travail de recherche auprès de la chorégraphe Raffaella Giordano et danse dans Senza Titolo, spectacle en tournée en France et en Italie. Sous la direction de Ron Howell, elle danse dans Macbeth et Œdipe 21 au théâtre alla Scala de Milan. Elle participe également à plusieurs performances chorégraphiques de Pierre Doussaint, Lucy Orta et Philippe Mac Kenzie. A l’Opéra, elle travaille sous la direction de Luca Ronconi et Bob Wilson. Après une formation de piano classique elle apprend en autodidacte l’accordéon. Elle se forme au travail vocal auprès de Haim Isaacs, Kevin Crawford et Enrique Pardo du Roy Hart Théâtre et participe au cours d’Ethnomusicologie de Giovanna Marini autour des chants de traditions orales Italiens. Elle chante et joue dans deux créations multidisciplinaires de la compagnie des Syrtes et crée un duo de chants populaires Italiens. C’est son intérêt pour l’improvisation et le comique qui l’amène à découvrir et travailler le clown avec Philippe Hottier, Philippe Gaulier, Pierre Byland, Jos Houben, et Michel Dallaire chez qui elle rencontre Stéphane Olry. En 2005 elle développe un travail de création personnelle et monte Ah ! Ah ! Solo de Danse Théâtre clownesque qui obtiendra le soutien de Junge Hunde, UE culture 2000. Ce solo a été repris dans la Revue Éclair N°20, après-midi de forme brèves au Château de La Roche-Guyon 22 Revue de presse J’ai été moi-même un autre pendant très longtemps –depuis ma naissance, depuis la conscience – et je me réveille aujourd’hui au beau milieu d’un pont, penché sur le fleuve, et sachant que j’existe plus fermement que tout ce que j’ai été jusqu’à maintenant. Mais la ville m’est étrangère, les rues me sont inconnues, et le mal est sans remède. Donc, j’attends, penché sur le pont, que la vérité me quitte, pour me laisser à nouveau nul et fictif, intelligent et naturel. (Le livre de l’intranquillité - Fernando Pesoa) Treize semaines de vertu Cathy Blisson/Telerama /20 octobre 2007 Stéphane Olry s'est imposé les exercices spirituels préconisés par Benjamin Franklin. Pas de tout repos ! Sur répondeur, il donne le ton : « Olry, Stéphane, Gaston, Pierre, 16/11/62, Paris 75, n'est pas disponible... » Sobre, perspicace, incongru sans forcer, un peu comme il est sur scène. A l'heure où on l'appelle, Stéphane Olry est sans doute en répétition de ses Treize Semaines de vertu. Ou affairé à quelque autre occupation, qui un jour prendra peut-être la forme d'un spectacle de sa façon. Comme cela lui est déjà arrivé lorsqu'il est tombé sur une série de cartes postales énigmatiques ; ou encore lorsqu'il a croisé des supporters de l'AS Saint-Etienne, encore imprégnés du presque exploit footballistique d'un certain 12 mai 1976 (Allez les Verts). Et chaque fois, avec ses complices de la Revue Eclair, Stéphane Olry tricote avec du vécu, n'ayant, dit-il, pas une grande expertise en matière d'invention ex nihilo. Il en a cependant eu suffisamment pour transformer en expérience peu commune une commande qui lui a été passée à l'occasion du tricentenaire de Benjamin Franklin (1706-1790). Le philosophe, physicien, corédacteur de la première déclaration des droits de l'homme, avait mis au point un programme très particulier sur treize semaines, à appliquer annuellement dans l'espoir de « parvenir à la perfection morale ». D'où ces Treize Semaines de vertu. Au menu, sobriété, silence, ordre, résolution, économie, application, sincérité, justice, modération, propreté, tranquillité, chasteté et humilité. Ce « body-building de l'âme » (canal laïque), Stéphane Olry se l'est appliqué à lui-même, dans sa vie quotidienne, entre le 7 mai et le 5 août 2006, « coaché » à distance par le théologien et dramaturge Frédéric Révérend. A ce régime, il a perdu 13 kilos, levé quelques lièvres existentiels, édité un journal de bord (1) et créé une conférence-spectacle intime, scrupuleuse, drôle par ricochet. Tout a fait sérieux dans ses Birkenstock et son costume de lin beige, Olry rapporte. Il rapporte comment il remplace ses tartines de beurre salé par des biscottes nature, se débarrasse de son addiction à la radio, s'impose de se taire durant les réunions de la coordination des intermittents, s'inquiète des conflits d'intérêt entre sincérité et justice... L'homme vertueux, selon Franklin, est-il aimable ? Pas sûr ! Serait-il viable au XXIe siècle ? Encore moins sûr... 23 Odile Quirot/ Le Nouvel Observateur / 18/10/2007 On y court Olry a des vertus Et si l'autobiographie théâtrale devenait un genre à part entière ? Apres Philippe Caubere, mais en plus bref (une heure); c'est à cet exercice que se livre Stéphane Olry avec ces «Treize Semaines de vertu», d'après Benjamin Franklin. Soucieux de discipline et du bien commun, le père de l'indépendance américaine, par ailleurs imprimeur et inventeur de l'harmonium de verre, avait conçu, pour s'y soumettre, une suite d'ascèses : «Sobriété, silence, ordre, résolution, économie, application, sincérité, justice, modération, propreté, tranquillité, chasteté, humilité.» En résidence au château de La Roche-Guyon, où vécut La Rochefoucauld, autre grand moraliste, le comédien metteur en scène Stéphane Olry a décidé d'essayer ces «Treize Semaines de vertu» avec pour guide spirituel le théologien Frédéric Révérend. Une longue et rude traversée dont il a tenu le Journal(Editions de l'Amandier). Pour son spectacle hors normes, Stéphane Olry a travaillé un peu à la manière des artistes du body art, mais sans s'exhiber pour autant. Dans un registre proche du théâtre de salon, il se fait le conteur de son voyage au pays des vertus. Et comme tout un chacun, parfois lassé des fausses valeurs de l'air du temps, se préoccupe un jour ou l'autre de s'aguerrir contre elles, l'aventure de Stéphane Olry nous touche. D'autant qu'il s'est adjoint un jeune acolyte, Mathias Poisson, qui illustre en contrepoint chaque scène de façon loufoque mais en restant absolument impassible. Le voici qui prend la mesure de l'avant-bras de Stéphane Olry, curieusement identique à celle d'un carreau de fenêtre, ou qui se met à danser comme un déjanté sur l'air de «J'aime les filles» au chapitre «chasteté». Les amateurs de spectacles singuliers apprécieront. Véronique Hotte/La terrasse/ octobre 2007 Espièglerie ludique pour un sage exercice, le récit singulier par Stéphane Olry de l’expérimentation des treize semaines de vertu de Benjamin Franklin. Programme ambitieux mais réussi. À l’origine des Treize semaines de vertu de Stéphane Olry, une commande du Château de La Roche-Guyon pour la célébration du tricentenaire de la naissance de Benjamin Franklin. Rédacteur de la première Déclaration des Droits de l’Homme, Franklin est l’auteur d’un exercice de treize semaines à fin de vertu. Une mise en pratique régulière dont il donne le mode d’emploi. Et puisqu’il s’agit d’une sorte de « body-building de l’âme », les fameuses vertus sont classées par ordre de difficulté : sobriété, silence, ordre, résolution, économie, application, sincérité, justice, modération, propreté, tranquillité, chasteté. Prévenant l’accusation de présomption, on y rajoute l’humilité. Des qualités martiales, républicaines et laïques, proches de l’éducation même d’Olry, aidé par Frédéric Révérend, un savant garde-fou avec lequel il prend rendez-vous pour des échanges téléphoniques. C’est un voyage au long cours dont les relations amicales et professionnelles peuvent souffrir. 24 Ton de confidence pudique à travers les notations les plus banales Avec Mathias Poisson qui illustre corporellement le propos, Olry décline son aventure à sa façon méthodique et désuète, distante et ironique, dans l’espace intérieur d’un bureau de travail, avec carnet et ordinateur, face à un public d’amis, les spectateurs. Des détails quotidiens étayent la progression de l’expérience, Olry fait l’inventaire des états privés d’une vie réglée : « J’aime faire les courses, remplir le réfrigérateur… » Le patient s’en abstient désormais, lors de sa semaine de sobriété. Quant à celle du silence, il décide de ne plus intervenir aux séances de la Coordination des Intermittents du Spectacle, n’écoute plus la radio et dort la fenêtre ouverte pour écouter les bruits de la ville. Ce qu’aurait tant aimé Corine Miret, collaboratrice artistique et épouse d’Olry dont on apprend mélancoliquement la séparation. Ils auraient pu vivre ensemble longtemps encore dans un château dont chacun aurait occupé une aile. Mais qui peut acheter un château ? C’est ce ton de confidence pudique à travers les notations les plus banales qui font la force de ce témoignage inclassable. Des moments de saveur existentielle partagée, des instants où chacun se reconnaît dans cette vie de tous les jours, modeste et grandiose. Une façon d’être qui s’oppose aux vertus bruyantes et spectaculaires de nos temps, l’humour, la séduction, le dynamisme, la créativité, la flexibilité, l’autonomie, le brio … Astucieux. 25 Mercredi 12 mai 1976 Libération / Maïa Bouteillet / 16 juin 2005 (…) Autour de la finale perdue en 1976 par l’AS Saint-Étienne, un spectacle subtil, habité par la mémoire des supporters de l’époque (…) Avec cette manière toujours délicate et drôle qu’ils ont de renouer un à un les fils de l’histoire, Olry et Miret se sont emparés des récits pour les ré-écrire. Mêlés à leurs propres souvenirs, ils les égrainent dans un espace scénique entre stade et tribune en un chassé-croisé fantomatique finement chorégraphié.(…) Le Parisien / Raphaël Domenach / 9 janvier 2006 Où étiez-vous le mercredi 12 mai 1976 ? Cette question, les auteurs-acteurs Corine Miret et stéphane Olry l’ont posée à des centaines de Stéphanois. (…). Émus par ces témoignages poignants, les auteurs se sont sentis la responsabilité de transmettre ces émotions. Ils y parviennent brillamment et permettent de rapprocher sport et culture, trop souvent opposés. La Croix / Bruno Bouvet / 19 janvier 2006 (…) La fascinante scénographie de Mathias Poisson – une impressionnante collection d’objets aux couleurs de l’équipe stéphanoise se déploie sur le sol au fil du spectacle – plonge le public au cœur du « Chaudron », le mythique stade Geoffroy-Guichard de l’Association Sportive de Saint-Étienne.(…) Interrogeant son propre passé d’adolescent, Stéphane Olry a voulu confronter ses souvenirs à ceux des supporteurs stéphanois, donnant un éclairage inédit au travail sur la mémoire et l’identité qu’il poursuit de spectacle en spectacle. Jouant le rôle du narrateur, il introduit les témoignages, auxquels Hubertus Biermann et Corine Miret donnent vie avec grâce et émotion.(…)Un hommage inattendu à l’essence profonde du foot. L’Humanité / Marie-Jo Sirach / 9 janvier 2006 (…) Corine Miret et Stéphane Olry sont retournés sur les lieux du « drame », trente ans après. Ils ont rencontré des supporters, des vieux et des moins vieux, filles et gars, tous témoins d’une époque. C’est la fin des « trente glorieuses », Giscard est toujours président (le « Giscard, le peuple aura ta peau » devient un « Giscard, le peuple au Ratapo » totalement surréaliste), et pour Manufrance et autres industries, c’est le début de la fin. Si les paroles de ces hommes et de ces femmes flirtent avec la nostalgie, la mise en scène et le travail d’écriture de Miret et Olry leur confèrent une certaine dignité, leur permettent de retrouver des accents de fraternité et de solidarité. Les deux auteurs donnent un souffle poétique à cette aventure qui ne fut pas que sportive.(…) 26 La Chambre Noire Libération / Maïa Bouteillet / 20 octobre 2004 Quand, longtemps après avoir quitté le théâtre de l'Échangeur, le spectateur trouvera au fond de ses poches une page de cahier jaunie, peut-être songera-t-il aux derniers mots de la Chambre noire : « Lorsque le dernier carton d'archives aura été vidé, nous cesserons de jouer le spectacle. » Et sans doute éprouvera-til l'impossibilité de jeter aux encombrants ce fragment d'histoire qui, au fil du spectacle, aura rejoint la sienne. Soir après soir, Stéphane Olry disperse les papiers retrouvés au fond d'un coffre de son grand-père en les offrant aux spectateurs, transmettant à chacun la charge d'un pan de mémoire intime. Malice. Une dimension autobiographique déjà à l'œuvre dans la Vita Alessandrina, en 2003. Créé avec Corine Miret et Xavier Marchand, ce spectacle plongeait, à la manière d'une conférence, dans les méandres de la branche maternelle entre Damas, Beyrouth et Alexandrie. Distillant des ingrédients de vies oisives et légendaires (vieilles tantes, thés dansants, bains de mer et réceptions à n'en plus finir), dont Olry et Miret, avec cette malice oulipienne qui fait tout le sel de leur théâtre, s'amusaient à tirer des statistiques...Plus grave, plus proche, la Chambre noire révèle le versant du père, opérant comme en négatif du précédent spectacle. Resserrée sur trois personnages, l'histoire est cette fois exclusivement masculine : le colonel Gaston Olry, grand-père militaire né en 1876, Pierre le père photographe, et enfin le narrateur, présent sur scène, dont le nom même porte la marque de la filiation, Stéphane Gaston Pierre Olry. Le récit avance pas à pas, à la manière d'une vraie fausse enquête, s'appuyant sur le contenu de carnets scolaires, médicaux et militaires. Documents officiels, impersonnels et froids qui, revisités par l'écriture limpide et sobre de Stéphane Olry, laissent percer, au fil des pages, une émotion inattendue. Ils mettent soudain en lumière les agissements du grandpère et du père sous l'Occupation - l'un et l'autre pareillement fascinés par la guerre et pourtant impliqués dans des camps opposés. L'un revendique haut et fort une activité en réalité bien peu héroïque, l'autre a toujours caché à sa famille une prise de risques déterminante pour les opérations alliées. La désobéissance et la soumission, l'échec et le bonheur sont-elles des données objectivement transmissibles ? Album de famille. Ce qui relie ces trois hommes, c'est qu'aucun « ne parviendra à satisfaire les ambitions de son père. Chacun s'avoua aussi à un instant déçu par la vie de son père ». Installés sous un large néon comme dans l'arrière-salle d'une administration, ils sont trois à raviver la mémoire, pour l'adresser au présent du théâtre. En retrait, l'auteur classe, tamponne et compulse. Laissant le soin à Michel Ouimet, acteur à la diction claire et calme d'endosser le récit à la première personne, il ne s'interdit pas d'improviser ici ou là des précisions. Tandis que le scénographe Mathias Poisson projette des images tirées de l'album de famille, 27 filme et travaille l'espace et la lumière en direct, effectuant lui aussi une incursion dans le récit pour lire la lettre du père, alors jeune homme timide, à sa grand-mère. Distance. Cet éclatement du récit entre trois interprètes d'âges différents, comme un écho aux trois générations, introduit une distance où le spectateur, dépositaire de l'histoire, rejoint la trace de sa propre biographie. Bientôt, on se trouve être ce Stéphane enfant, écoutant les récits du père dans l'obscurité propice de la chambre noire. Là où celui qui fut considéré « par sa propre famille si ce n'est comme un imbécile, comme un raté » trouva refuge à la fin de sa vie. En quittant le théâtre, nous passerons devant les carnets, photos et documents anciens, comme devant l'espace de nos propres souvenirs. L'autobiographie selon Stéphane Olry, c'est d'abord tracer un mouvement vers l'autre. L’Humanité / Aude Brédy / 12 octobre 2004 Assis derrière un ordinateur, Stéphane Olry n'est pas seul ici. Il ne prend presque ou pas la parole et la délègue au comédien Michel Ouimet, dont la présence sobre distille, dans ce bain de pénombre, une douce mélancolie quand il dit le fils se souvenant des attitudes de son père ou juste de sa propre solitude. À l'autre extrémité de la scène, Mathias Poisson (dont on salue ici également la scénographie et la lumière) s'affaire à passer des diapositives sépia d'un homme fier en uniforme, par exemple ; et entre elles, le grand écran reste un temps vierge, blanc... Ailleurs, l'homme fouille avec sa caméra des dessins griffonnés par l'aïeul 0lry, comme en quête d'un indice enfoui. Pendant ce temps, l'intéressé, Stéphane, rictus étrange, trie, range, tamponne sans faiblir des documents qu'il laisse parfois choir au sol. Affaire classée? C'est peu probable. Un secret en tout cas nous a ici été ici transmis, s'est «délivré».« La Vita Alessandrina, Avant Projet Définitif La Terrasse/ Véronique Hotte/ Décembre 2002 (…)Une joyeuse équipée à la recherche de splendeurs évanouies et de floraisons orientales passées, qui jamais ne cultive la mélancolie. Pour une lutte forcenée et amusée contre le chaos de la mémoire.(…) Libération / Maïa Bouteillet / 03 décembre 2002 (…)Avec la Vita Alessandrina, Stéphane Olry et Corine Miret signent probablement leur plus beau spectacle. Celui où les effets d'hyperréalité, les jeux de mise en abîme et ses infinis ricochets de sens font mouche autant qu'ils touchent au coeur, avec cette élégance oulipienne dont les deux artistes ne se départissent jamais.(…) 28 Le Monde / Michel Cournot / 09 décembre 2002 (…)C'est bien sûr un spectacle tout à fait inhabituel, hardi, effronté, un nonspectacle si l'on veut, mais du théâtre indubitablement, tant le texte est attachant et inattendu, tant les acteurs, imperturbables, nous tiennent à leur merci.(…) Nous avons fait un bon voyage, mais Les Inrockuptibles / Pierre Hivernat / 24 novembre 2000 Il va nous falloir parler d'un spectacle étonnant, intrigant, qui vous remet réalité et fiction à plat, qui tient son monde en haleine une heure et demie durant et où le spectateur, stylo à la main, cherche sans savoir ce qu'il doit trouver. En d'autres circonstances, l'exercice eût été des plus faciles, mais s'agissant de Nous avons fait un bon voyage, mais, nous voilà dans l'obligation de ne rien révéler. Que l'on s'avance dans la description du dispositif scénographique ou que l'on vous raconte la fin, chaque détail mis sur la place publique gâcherait un peu plus l'immense plaisir que les deux protagonistes de cette affaire, Corine Miret et Stéphane Olry, nous ont concocté.(…) Le Monde / Jean-Louis Perrier / 3 août 2000 Avec le culot de la première Sophie Calle, ils plongent dans les vies trouvées, cherchent les liens qui pourraient les unir ou les inventent, et se retrouvent du côté de chez Perec, entre passage du bac de la petite dernière et pèlerinage à Lourdes de l'aïeule.(…) Les auditeurs se découvrent spectateurs, haletants, de vies minuscules. S'ils ont parfois l'impression d'être bernés, ce n'est pas sans réclamer de l'être encore. Le théâtre s'est glissé entre les cartes, dans les blancs entre les lignes, dans les écritures trop régulières, dans les interrogations jetées, dans l'incroyable solidité apparente d'un complexe édifice romanesque. Rien de plus malicieux que ce voyage. Libération / Maïa Bouteillet / 23 octobre 2000 (…)Sûrs et légers, Corine Miret et Stéphane Olry ont sans doute puisé leur imagination du côté de Georges Perec et de Jacques Tati. 29
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